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Publications de Deashelle (912)

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Alexis et Edmond, un monde de connivences…

Nous voici à Paris, en décembre 1875,  à l’époque où une grandiloquente Sarah Bernhardt déclame « La Princesse Lointaine » au Théâtre de la Renaissance. L’ennui est prodigieux. Edmond Rostand n’a pas le sou, deux jeunes enfants à nourrir et une fidèle épouse sage comme une image. Ses pièces sont une suite de fours sans précédent. Tout le monde court ventre à terre voir du Labiche ou du Feydeau. Les messieurs, en passant par la case des « Belles Poules ». Question d’époque ?


N’est pas Poquelin qui veut! Coquelin, nouveau directeur du Théâtre de la Porte-Saint-Martin a déserté  la Comédie-Française, pour se mettre à son compte en toute liberté, mais il est pourchassé par les huissiers. Premier clin d’œil autobiographique d’Alexis Michalik qui a fui le Conservatoire, dit-il, pour devenir freelance ?  Sauf que les  opus De Michalik ont fait immédiatement  pleuvoir sur lui  tous les Molières et nous ont portés au plus fort de la jouissance théâtrale. Comme ce fabuleux « Porteur d’histoire » l’an dernier joué au Public et à l’Atelier Jean Vilar.

Michalik a  donc flashé sur Cyrano de Bergerac et se lance dans une amplification théâtrale foisonnante et  savoureuse autour de son auteur, Edmond Rostand. Michalik fait flèche de tout bois dans de innombrables tableaux surprenants entourant la genèse de la pièce.  A la fois souffrance et exultation, rien ne sort de la plume sans urgence, c’est le propre de la création… Le tout  se trouve  émaillé de substantifique moelle, celle des extraits les plus  chavirants ou les plus drôles de la pièce de Rostand. Entre pastiche et vérité, il y a le rêve de la création littéraire et des tonnes de références culturelles incongrues.


Côté pastiche, on est servi ! Une vraie salade russe. La belle Roxane aux boucles blondes  est jouée par une actrice prétentieuse que l’on croirait sortie des contes de Perrault. Elle est affublée de deux producteurs corses  glauques qui  en sont entichés au point de servir de papas gâteau a son jeune fils adoré, François.  Au passage, on rencontre Tchekhov  qui fréquente  le poulailler rose qu’ils entretiennent: « Les Belles Poules ». Tchékov a soit-disant l’accord de sa femme car il  prétend qu’il va mourir sous peu! …Maintenant ou plus tard, de toute façon on va mourir un jour ! Les deux Georges, Georges Feydeau  et Georges Courteline  se prennent pour  Dupont et Dupond. Un certain Maurice  offre un  « boléro » pour la première… L’âme du « Dindon » se coince dans les claquements de portes.  Gallégeades théâtrales  ( champagne ou verveine ? ) persillée de joyeusetés telle  le patron noir du café, Honoré, bien sûr,  qui remet à sa place un fâcheux qui l’a traité de « nègre ». L’occasion de déclamer  sur tous les tons… la magnifique tirade du nez!  Voilà  quelques exemples  pétillants des  chapelets de connotations littéraires et malicieuses.

Au dos du décors et au plus profond de l’action il reste …l’éternel panache, cette note bleue qui chante  la hauteur des sentiments pour tout ce qui est muse ou idéal féminin,  versus l’usure domestique de l’amour quotidien. Mais par-dessus tout, voici une vibrante ode à  l’Esprit frappeur. Entre tous, l’Art théâtral, est le couronnement et le fondement de l’art vivant, loin des écrans de tout poil et autres «  réalités »   virtuelles. Le lieu par excellence de l’enthousiasme, comme le définit Madame de Staël. A bon entendeur, Salut !


La distribution impeccable rassemble une élite de la scène belge. Douze comédiens en goguette pour incarner pas moins de 38 personnages… De très connus :  Maxime Anselin, la très joviale Perrine Delers, Inès Dubuisson, l’incomparable Itsik Elbaz, l’illustre Antoine Guillaume. Mais aussi: Tristan Schotte ( Edmond Rostand) , la délicieuse  Elsa Tarlton  (Jeanne et Rosine), Rézal Siellez, Sandrine Laroche, Mwanza Gautier ( inénarrable Monsieur Honoré) et David Dumont. Le tout sous l’aimable regard de Michel Kacenelenbogen, dans sa mise en scène virevoltante. Et un  beau nombre de rappels enthousiastes. Presque comme au soir de la Première… le 28 décembre 1897.

Dominique-Hélène Lemaire    pour Arts et Lettres

Au théâtre le Public

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« EDMOND », la pièce aux 5 Molières d’Alexis Michalik, Comédie héroïque

Texte et direction artistique : Alexis Michalik.
Mise en scène : Michel Kacenelenbogen. Avec : Tristan Schotte (Edmond Rostand), Maxime Anselin (Jean Coquelin), Perrine Delers (Maria Legaut), Inès Dubuisson (Rosemonde Rostand), David Dumont (Léo Volny et le passant), Itsik Elbaz (Constant Coquelin), Mwanza Goutier (Monsieur Honoré), Antoine Guillaume (Georges Feydeau), Sandrine Laroche (Sarah Bernhardt), Réal Siellez (Marcel Floury), Elsa Tarlton (Jeanne), François-Michel van der Rest (Ange Floury).

DU 05/09/19 AU 30/11/19

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Musica vita est … La raison des sortilèges musicaux

– Causerie musicale –

Avec Jean-Yves Clément entretenant brillamment l’entretien, voici le duo improbable de Michel Onfray le Normand et la vierviétoise Eliane Reyes, pianiste émérite, nommée récemment chevalier de l’Ordre des Arts et de Lettres en pays de douce France. Mais  le lieu, dites-vous ?  Cela se passait au cœur d’une abbaye,  une des plus anciennes fondations monastiques de Belgique qui abrite le Musée Guillaume Apollinaire : Labbaye de Stavelot qui date du VIIe siècle.

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 La causerie  émaillée de moments musicaux intenses sous les doigts de la fée Eliane a lieu dans le réfectoire des moines , dans une atmosphère d’abbaye de Thélème. Michel Onfray, fondateur de l’Université Populaire  rêve d’une une communauté philosophique construite sur l’amitié et dans laquelle les adhérents s’engagent à construire leur existence comme une œuvre d’art…


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Pour Michel Onfray, la Musique commence à émouvoir le futur enfant, dès la vie intra-utérine. Il évoque les bruits organisés ou non, «  engrammés »  dans le système nerveux de l’enfant, dont il restera à l’évidence nombre de traces mémorielles… La musique naît donc avec la vie. La nature est le monde sonore par excellence et J.S. Bach, plus que tout autre compositeur, a su, dans sa musique superbement  organisée, capter la vibration du cosmos. Donner une sorte de cartographie du ciel. On comprend que Michel Onfray, bien que se réclamant de l’athéisme, ne rejette pas la transcendance. Il parle de l’immanence de la musique où se mêlent étroitement le matériel et l’immatériel pour créer une sculpture artistique du Monde sonore. Il souligne aussi l’inévitable interaction des pulsions physiologiques qui scandent l’écriture musicale du compositeur et qui influent forcément sur l’état physiologique de l’auditeur. Il y a le savoir-faire de l’interprète qui, ce soir d’exception, a joué « Jesu bleibet meine Freude » de façon bouleversante. Le tempérament d’Eliane Reyes, revisite le célèbre morceau de Bach dans une interprétation veloutée, voluptueuse, sensuelle, comme  vivifiée  par le romantisme, et la féminité.  Son  jeu nous revient au visage, comme une signature musicale. Musica vita est.

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Il apparaît que plus on se met à l’écoute du monde avec bienveillance, plus on le questionne, plus on devient philosophe. Plus on se nourrit de musique. Ah le mythe d’Orphée et le lien de Platon avec la musique! Ce qui est sûr c’est que la musique ne fait pas bon ménage avec le Diable. Entendez par là, la soif de pouvoir, le rêve de puissance, l’orgueil, la jalousie, la cupidité. Dans la valse de Chopin interprétée ensuite par Eliane, Michel Onfray a entrevu, une sorte de moment de suspension, « une levée»,  précise Eliane, qui préside à l’intuition philosophique. Ici, on peut entendre la vivante hypothèse   de « l’éternel retour »  point commun entre Nietzsche et le bouddhisme. « Une invagination du temps ».

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Michel Onfray se réfère au philosophe Schopenhauer pour qui « La musique traduit, dans sa libre explosion du sein de la conscience humaine, tous les mouvements du vouloir vivre qui anime l’univers. Elle est la langue universelle, aussi claire que l’intuition elle-même ; et pourtant, grâce à ce qu’elle touche de si près à l’essence des choses, elle a en elle on ne sait quoi d’ineffable et de mystérieux. « Elle passe à côté de nous comme un paradis familier, quoique éternellement lointain, à la fois parfaitement intelligible et tout à fait inexplicable, parce qu’elle nous révèle tous les mouvements les plus intimes de notre être, mais dépouillés de la réalité qui les déforme » (Le monde comme volonté et comme représentation, Livre III, §52) »

On écoutera ensuite la transcription  de « La mort d’Isolde » de Wagner  par Liszt, les yeux absolument fermés. Les trémolos de douleur sont soulignés par des accords légers des arpèges qui ressuscitent la vie. On sent son cœur battre plus fort dans le crescendo des sonorités qui  semble étreindre un inaccessible infini. Du désespoir sans fond, émerge le souffle lumineux.


Le chapitre suivant traite du romantisme, où la petitesse de l’homme disparaît dans le spectacle sublime de la nature, et s’éteint face à la toute-puissance de la Mort. Mais voici « le Dieu fluvial riant de l’eau qui le chatouille  » dans les Jeux d’eau de Ravel. Eliane Reyes envoie dans son interprétation de Ravel une musique apollinienne, hédoniste, composée de salves de scintillements sonores dans un temps suspendu. Pour Onfray, L’embarquement pour Cythère de Debussy doit verser dans le cérébral, l’abstraction, l’éthéré… Oh que non se rebiffe la pianiste ! Eliane propose pour l’île joyeuse, un jeu sensuel, dionysiaque, liquide, concret où naissent les morsures du désir, les plages inaccessibles, les criques secrètes du plaisir pour le yin et la souffrance, résilience, et danse de feu pour le yang. Eliane Reyes has it all. Le dandy Onfray, a théorisé – avec l’humour qu’on lui connait -, la musicienne Eliane a joué. Le public s’est exalté. La soirée est inoubliable et signe la foi du philosophe en la bienveillance universelle et la musique qui l’accompagne. Après la belle interprétation du bis, la gymnopédie de Satie, aux couleurs de l’été indien enveloppé d’un sourire de madone, on remercie l’organisateur de la rencontre, Virgile Gauthier.

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Dominique-Hélène Lemaire, pour Arts et Lettres

Michel Onfray à l’Abbaye de Stavelot – le vendredi 13 septembre 2019 à 20h

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Le spectaculaire Cyrano triomphe à Villers-la-Ville

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Figurant parmi les plus célèbres pièces du répertoire français, Cyrano de Bergeraca été écrit par Edmond Rostand et publié en 1897. Cette pièce s’inspire d’un véritable personnage  ayant réellement existé :   Savinien Cyrano de Bergerac, né en 1619, ayant  réellement participé au siège d’Arras en 1640 et mort en 1655.   A l’époque de Louis XIV.


Acte III, Scène X

Un baiser, mais à tout prendre, qu’est-ce?

Un serment fait d’un peu plus près, une promesse

Plus précise, un aveu qui veut se confirmer,

Un point rose qu’on met sur l’i du verbe aimer;

C’est un secret qui prend la bouche pour oreille,

Un instant d’infini qui fait un bruit d’abeille,

Une communion ayant un goût de fleur,

Une façon d’un peu se respirer le coeur,

Et d’un peu se goûter, au bord des lèvres, l’âme!

 20.000 spectateurs attendus à l’Abbaye ! Formidable pied de nez à la morosité verbale et affective de notre siècle, voici sous les étoiles, en vers et en 12 pieds, le nez en l’air et l’air d’un soir, un voyage tout en poésie entre la Terre et la Lune… Voici : Cyrano, Roxane et Christian. Et le trio qui les incarne à la perfection : Bernard Yerlès, l’exquise Anouchka Vingtier et le très rebelle Damien De Dobbeleer.

Une magnifique aventure collective dirigée avec amour profond du théâtre  par Thierry Debroux, qui signe  tous les émois. On découvre Roxane, une jeune femme belle et distinguée, Christian de Neuvillette, un jeune noble qui l’aime en secret et le comte De Guiche (le formidable  Éric De Staercke), qui cherche à faire de Roxane sa maîtresse et veut la marier au vicomte de Valvert (Julien Besure), ce à quoi la jeune femme ne souscrit pas, bien évidemment. Jacques Capelle,  grand chorégraphe, signe  tous les combats.

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Verbe et Costumes hauts en couleurs

Comme des Accords mets vins…

Sachez que tous les costumes de l’ardente équipe d’Anne Guilleray aux doigts de fée,  racontent une histoire, jusqu’à la tenue du pâtisser poète… Rageneau : Michel Poncelet, dans toute sa splendeur. Ah ! Comme il nous plaît !  Et que chez tous les comédiens, la diction est belle!

La robe jaune vif, solaire couleur du pouvoir, parfum de jouvence et d’éternel été, se cache sous un lourd manteau de souvenirs. Il est fait de la moire de l’empire du deuil et des larmes.  Roxane, éplorée de bout en bout  n’en peut plus  d’enterrer le bonheur ailé de l’amour: Cyrano. L’homme-parole est vêtu de  cuir et d’humus. Mais sous sa cape d'argent, il voyage entre Terre et Lune sur des chemins semés d’étoiles. Une  cape d’argent? Pour mieux jouer la folie des rayons de lune et mieux tromper le monde terre-à-terre.

 Et l’habit gris, couleur de colère du ciel,  ventre-saint-gris ! C’est celui du pauvre Christian,  une pâle esquisse de son verbe déficient, mais tellemnet seyant!    

Les pourpoints brodés et enrubannés appartiennent à De Guiche et autre Carbon de Casteljaloux, pleins de suffisance et de mâle prétention.

Le fidèle et véritable ami Le Bret (Jean-Philippe Altenloh)  arbore des nuances d’été indien…

Oui, l’œil ne cesse d’être frappé par bien d’autres costumes encore ! Sur scène, comme Edmond Rostand le souhaitait,  ainsi que  feuilles au vent, une foule de bourgeois, marquis, mousquetaires, tire-laine, poètes, cadets, gascons comédiens, violons, pages et précieuses...Pittoresques,  agrémentés de  notes anachroniques, comme surgis d’une improbable  montgolfière, les époques se mélangent. Vive l'imaginaire! Voici  même un admirable Trissotin, des perruques qui s’envolent, et autres  délirantes coiffures façon  Tampon-Jex.   On reconnait Cédric Cerbara et ses rôles annexes,  une Béatrice Ferauge alternativement Duègne compassée et coquine Sœur Marguerite ! Tous  comédiens exaltants – excusez du masculin ! – une  fabuleuse équipe et Olivier Francart qui joue Lignière. 


Lieu d’exception

Thierry Debroux a fait le choix de présenter le chef d’œuvre d’Edmond Rostand en un seul lieu. Le lieu géométrique de tous les affects, la nef des joies et des larmes de tant d’humains, au cœur de l’antique Abbaye font sens. Personne ne se balade, tout le monde voyage  et prend l’air à pleines narines.

Que personne ne bouge ! Un écrin chargé d’histoire et de souvenirs, le choeur et la nef de l’abbatiale accueillent tous les changements de décor: de l’hôtel de Bourgogne où doit se tenir la pastorale du poète hypocrite et bête,  honni par Cyrano et qui débouche sur un duel, à la rôtisserie des poètes où Cyrano brûle de rencontrer Roxane, à la scène du balcon où deux cœurs brûlent pour une seule femme, au siège d’Arras où tout le monde meurt de faim, et enfin au  lieu de la mort de Cyrano, dans le Couvent des Dames de la Cour où Roxane a trouvé refuge.15 ans  après la mort de Christian, Cyrano va mourir aux pieds de celle qu’il adore, lui disant la Gazette du jour pour la dernière fois…  Et jamais le trou laissé par sa disparition ne se refermera. 

Le panache  

C’est désormais à l’abbaye de Villers-la-Ville que  flottera le panache du grand disparu. Un supplément d’âme. Le souffle du poète. Des tirades et des envois qui pourfendent la laideur et distillent la beauté. Mais qu’est-ce que le panache dira-t-on ? La plume, bien évidemment. Celle qui flotte glorieusement  au feutre du mousquetaire.

 «  Le panache n’est pas la grandeur, mais quelque chose qui s’ajoute à la grandeur, et qui bouge au-dessus d’elle. C’est quelque chose de voltigeant, d’excessif, — et d’un peu frisé. Si je ne craignais d’avoir l’air bien pressé de travailler au Dictionnaire, je proposerais cette définition : le panache, c’est l’esprit de la bravoure. Oui, c’est le courage dominant à ce point la situation qu’il en trouve le mot. Toutes les répliques du Cid ont du panache, beaucoup de traits du grand Corneille sont d’énormes mots d’esprit. Le vent d’Espagne nous apporta cette plume ; mais elle a pris dans l’air de France une légèreté de meilleur goût. Plaisanter en face du danger, c’est la suprême politesse, un délicat refus de se prendre au tragique ; le panache est alors la pudeur de l’héroïsme, comme un sourire par lequel on s’excuse d’être sublime. Certes, les héros sans panache sont plus désintéressés que les autres, car le panache, c’est souvent, dans un sacrifice qu’on fait, une consolation d’attitude qu’on se donne. Un peu frivole peut-être, un peu théâtral sans doute, le panache n’est qu’une grâce ; mais cette grâce est si difficile à conserver jusque devant la mort, cette grâce suppose tant de force (l’esprit qui voltige n’est-il pas la plus belle victoire sur la carcasse qui tremble ?) que, tout de même, c’est une grâce… que je nous souhaite. »

Celle dont se sert Cyrano pour écrire ses lettres d’amour. Celle qui va au vent comme un baiser vers l’infini.  

 Acte V, Scène VI

Oui, vous m’arrachez tout, le laurier et la rose!

Arrachez! Il y a malgré vous quelque chose

Que j’emporte, et ce soir, quand j’entrerai chez Dieu,

Mon salut balaiera largement le seuil bleu,

Quelque chose que sans un pli, sans une tâche,

J’emporte malgré vous, et c’est…

C’est?

Mon panache.

Dominique-Hélène Lemaire Arts et Lettres


Du 16 juillet au 10 août 2019. Mise en scène de Thierry Debroux – Chorégraphie de combat : Jacques Cappelle
avec
Bernard Yerlès – Cyrano de Bergerac
Anouchka Vingtier – Roxane 
Eric De Staercke – Comte de Guiche 
Michel Poncelet – Ragueneau 
Jean-Philippe Altenloh – Le Bret 
Damien De Dobbeleer – Christian 
Julien Bésure – Valvert 

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 My Fair Lady à Bruxelles 

Auriez-vous eu par hasard vent de  l’exposition sur la vie d’Audrey Hepburn, « Intimate Audrey »* , créée cette année à Bruxelles par son fils Sean Hepburn Ferrer, pour fêter  les  90 ans de sa mère, dans la ville natale de l’artiste ?  Celle-ci se tient  depuis le  1er mai et jusqu’au 25 août 2019 dans l’Espace Vanderborght. Sielle est passée inaperçue  et qu’elle ne vous a pas particulièrement fait dresser l’oreille, voici pour  l’artiste  comme pour nous, un merveilleux cadeau.

Il est  offert par le festival « Bruxellons » qui propose un « My Fair lady » éblouissant, vigoureux comme aux premières heures, débordant de verve et de bienveillance. Une splendide façon de fêter les 20 ans du festival !   Sous la direction artistique de Daniel Hanssens qui s’est saisi du sujet des charmes de la phonétique  anglaise et de la fable sociale,  ce cadeau vous attend au château du Karreveld à Molenbeek, dans une version de comédie musicale bruxelloise inédite, peaufinée et impeccable.

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La mise en scène est de Jack Cooper et Simon Paco. C’est un spectacle de haut niveau qui plaira au beau monde comme aux chats de gouttière. Tout y est beau et soigné : les décors, les costumes, la scénographie, les ensembles, les chorégraphies, le chant, et bien sûr la phonétique : irréprochable! Même transposée en français !

L’histoire

Qui ne se souvient donc pas des remarquables  talents d’actrice d’Audrey Hepburn en 1964 et de  sa présence  hypnotique  à l’écran, dans cette comédie musicale unique en son genre, même si pour les chansons,  sa voix avait été doublée ?   Elle sera à jamais associée au personnage d’Eliza Doolittle en interprétant  le parcours fabuleux  de l’insolente jeune vendeuse de violettes à l’accent cockney épouvantable, qui guettait quelques sous auprès de  grands bourgeois au  sortir de l’Opéra… dans le très pittoresque  Covent Garden du début du XXe siècle. Incroyable coup du sort,  Le colonel Pickering lui achète une fleur et son ami distingué phonéticien se prend au jeu de vouloir faire passer la gueuse pour une duchesse grâce à la qualité de ses manières et de son langage.

L’origine du spectacle

Georges Bernard Shaw avait commencé à écrire sa pièce « Pygmalion »  au printemps 1912.  La pièce  fut jouée la première fois en 1913 en allemand, en Autriche, avant d’atteindre les feux de la rampe à  Londres un an plus tard. Mais, toute sa vie, jusqu’en 1950, date de sa mort,  Georges Bernard Shaw refusa que l’on adaptât sa pièce « Pygmalion » en opérette, repoussa  tout essai d’adaptation cinématographique, hormis  celle de 1938 avec Gabriel Pascal, où il conserva une supervision constante de l’adaptation. Penguin is Penguin (books) of course, le texte c’est le texte ! Librement inspiré du mythe grec de Pygmalion et de Galatée (popularisé par le poète romain Ovide dans ses Métamorphoses), « Pygmalion » et  « My fair Lady » partagent beaucoup de points communs avec la satire sociale de Shakespeare, « The Taming of the Shrew », dans laquelle un homme brutal apparemment (mais pas tout à fait) se mesure à  une femme à l’esprit libre. Si bien que Georges Bernard Shaw se disputa avec les metteurs en scène qui osèrent à maintes reprises  vouloir donner une fin romanesque à l’histoire en l’ouvrant  sur le mariage du Professeur Higgins et de sa protégée.

Foin des romances à deux balles

Si la jeune femme s’est construite grâce au professeur, l’admire sincèrement, et a vécu une relation unique avec lui,  elle est devenue une autre personne et s’affranchit totalement de son influence. Shaw tient en effet à dénoncer la société anglaise où les femmes se laissaient soumettre. Si les femmes de plus de 30 ans peuvent voter en Angleterre dès 1918, Il faut attendre la loi de 1928 qui donna le droit de vote aux femmes à 21 ans quel que soit leur état de fortune. Vote For Women! La mise en scène  n’a pas raté l’occasion de le souligner !

Les textes

Cette version bruxelloise francophone** de la comédie musicale est fidèle aux textes et à l’époque. Quel bonheur ! La libre traduction de Stéphane Laporte est d’une grande  saveur et d’une belle empathie littéraire. La musicalité de la langue anglaise a trouvé des échos francophones pleins de charme et de vivacité.   Cette adaptation soignée sous la direction d’Olivier Moerens  donne une performance remarquablement aiguisée du flegme anglais, incarné par le très rusé professeur Henry Higgins dont l’excellent Frank Vincent  tire une interprétation très juste.  Le personnage  est  archi plein de lui-même, archi fier de sa condition de « vieux célibataire confirmé »,  psychologiquement  à côté de ses satanées pantoufles en matière de sentiments, inconscient du mal qu’il fait, mais étrangement sympathique. 

Sous les étoiles

 L’humour pétille sous les étoiles dans la cour du château du Karreveld. Les petites gens sont aussi bien campées dans le verbe, que les habitués d’Ascott.  Décernons aussi  de multiples  médailles pour les fabuleux costumes signés Béatrice Guilleaume et la scénographie de Francesco Deleo, les divines coiffures d’Olivier Amerlinck,  les maquillages et perruques de Véronique Lacroix. Aux chorégraphies Kylian Campbell, aux lumières Laurent Kaye.  A la direction musicale de l’orchestre, des solistes et des chœurs, la pétulante  Laure Campion assistée parJulie Delbart. L’image est retransmise sur des écrans discrets pour ceux qui s’intéressent à la magie de la baguette.  Un orchestre live de 12 musiciens   joue en effet dans la Chapelle du Château, respect aux instruments… mais  ils viendront  saluer le public qui trépigne de bonheur.

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Les voix

La vigoureuse gouvernante du Professeur Higgins, Mrs. Pearce,  a de l’ascendant. Elle  lui rappelle « qu’on ne ramasse pas une fille comme on ramasse un galet sur la plage !» Elle est une voix de la raison. Elle  représente la voix traditionnelle, maternelle, de la classe « inférieure ». Elle se rapproche rapidement d’Eliza qu’elle entend protéger…  Un rôle à la mesure de Laure Godisiabois au mieux de sa forme.

Mme Higgins, la mère du professeur représente aussi la voix de la raison. Elle est jouée par Jeanine Godinas, royale. Emouvante, et  sensible lorsqu’elle se prend d’amitié pour Eliza. Comme dans sa jeunesse, elle est féministe en  diable et finalement  insensible aux peines de cœur de son fils qui n’a toujours pas grandi malgré ses exploits linguistiques!

 La troisième voix de la raison est  bien sûr celle de  Mr. Pickering (François Langlois), subtilement paternel,  nanti de cette bienveillance qui lui fait traiter la bouquetière comme une duchesse, contrairement à son ami Henry Higgins !

Et puis il y a la voix du coeur, celle du « love at first sight », sublimement  «  love me tender ! » : Samuel Soulie dans le rôle de Freddy. Eliza succombera-t-elle ? Elle demande à voir…

Le rôle-titre

Eliza Doolittle,  affligée d’un parler populaire à couper au couteau, d’une phonétique branlante, d’une grammaire inexistante et d’un vocabulaire de charretier,  succombe à la promesse condescendante du rusé  linguiste, rêvant d’élévation sociale. Il   parie  que son entraînement intensif à la grammaire,  style et élocution transformeront Eliza en  objet désirable – l’œuvre dont il tombe en fait amoureux-  employable, une fois l’expérience réussie, pourquoi pas dans un magasin de fleurs avec pignon sur rue ? Mais le pari gagné, Eliza Doolittle se retrouve seule. Elle se rebiffe et s’en va en claquant la porte. Bel exemple d’expérience sociolinguistique réussie,  elle  est  dans une position délicate. Que va-t-elle devenir ? Comment subvenir à ses  besoins avec le genre de compétences qui lui ont été données ?  Elle est devenue « autre ».  Il n’y a pas que la main de l’homme qui fasse mûrir le fruit ! L’interprétation irréprochable de l’artiste française Marina Pangos est empreinte d’humanité profonde. Elle fait rire, elle fait pleurer, elle fait réfléchir, se poser des questions. Fera-t-elle fléchir la misogynie universelle ?  Ce rôle central est un catalyseur d’interrogations. Le maintien est celui d’une reine. Le jeu est sûr, la voix est belle, la métamorphose sublime, le résultat de la performance admirable : une force théâtrale et musicale surprenantes. Pourtant, à vrai dire, l’intrigue était finalement bien mince!

Mais pas que

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Le père de la jeune femme a aussi bien des choses à nous dire et à partager. La vis comica de l’éboueur  Doolittle (Daniel Hanssens) emporte par sa faconde et sa jovialité. Les petits ont autant d’arrangements que les grands bourgeois. A ses dépens,  le très philosophe Monsieur  Alfred Doolittle pleure la perte de sa liberté envolée, une fois contaminé par  l’argent  reçu d’un improbable héritage et dont il ne saurait se départir ! Le voilà obligé de vivre pour les autres au lieu de ne vivre que pour lui-même !   Mais malgré les coups de griffes à la bourgeoisie bien établie,  la bonne humeur reste. C'est le plus bel héritage de ce spectacle hors pairs, fable vivifiante et festive.

Dominique-Hélène Lemaire Arts et Lettres

crédit photos: Gregory Navarra

My Fair Lady

De Lerner & Loewe

MISE EN SCÈNE: JACK COOPER ET SIMON PACO – UNE COPRODUCTION DE BULLES PRODUCTION, COOPER PRODUCTION ET LA COMÉDIE DE BRUXELLES –
25 REPRÉSENTATIONS DU 11 JUILLET AU 7 SEPTEMBRE 2019


*Tous les bénéfices iront à Eurordis-Rare Diseases Europe et aux hôpitaux Brugmann et Bordet de Bruxelles.**On peut consulter  une version du texte néerlandophone sur écrans discrets.
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administrateur théâtres

C'est la 16ème édition les 14, 15 et 16 juin 2019  Voici le célèbre FESTIVAL DE LILLE PIANO (S)

 Envie de visiter Lille en juin? Cela prend seulement une demi-heure en train à partir de BRUXELLES-ma-Belle. Que diriez-vous d'un voyage à Lille pour découvrir le festival de piano le plus fantastique qu’il soit, et sa longue liste de festivités.

   

 Jean-Claude CASADESUS, en est l’illustre fondateur.  Ces rencontres musicales ont été  créées il y a 15 ans. Elles  sont  maintenant en pleine floraison, avec d'excellents interprètes et chefs d'orchestre invités! Et  Jean-Claude CASADESUS, au cœur de ce magnifique  festival, vous charmera  par des choix musicaux  très judicieux.  Chaque année au mois de juin, 3 jours sont consacrés exclusivement aux claviers sous toutes leurs formes: concerts symphoniques, récitals, sessions de jazz, masterclasses, improvisations, créations, spectacles combinant d'autres disciplines artistiques, animations musicales, rencontres d'artistes ... Prenez vos rendez-vous sur  le Lille Festival de piano (s)!

 

Une véritable odyssée musicale

 

A la mi-juin 2019, le FESTIVAL PIANO (S) LILLE fête donc  ses 15 ans avec l'Orchestre National de Lille. Un public éclectique appréciera une véritable odyssée musicale à travers  divers instruments autres que le piano : l'orgue, le clavecin, le clavicorde, le marimba, le vibraphone, le synthétiseur, l'accordéon et le bandonéon.  Tout commence pour le public  le vendredi 14, sera en plein feu le samedi 15 et se termine le dimanche 16 juin 2019 par un concert fantastique au Nouveau Siècle avec le grand Nelson Freire à la tête du second concerto emblématique de Brahms.

 

Depuis quinze ans, de nombreuses soirées de claviers investissent divers  lieux pittoresquesdans le vieux Lille : auditoriums, gare, musées, bibliothèques, discothèques, tout simplement la rue et même l’année dernière,  l’abbaye de Vaucelles à quelques kilomètres de là. Année après année, de très beaux profil musicaux  sont  sélectionnés avec soin et viennent  du monde entier. De jeunes talents confirmés en particulier.

Qualité, créativité, éclectisme et ouverture restent les maîtres mots.  Ce sont les valeurs qui sous-tendent ce  festival lumineux et rayonnant  en Haut-de-France depuis sa création.

Jean-Claude Casadesus nous parle des 15 ans du festival au micro de Diapasons  https://rcf.fr/culture/musique/diapasons

 Lieux

 

 Le Nouveau Siècle, est situé au cœur du centre-ville, avec de beaux hôtels et restaurants tout autour.  Cet  auditorium  moderne bénéficie d’une acoustique absolument magnifique. C'est la résidence de l'Orchestre National de Lille. Des lieux plus petits, tels que la salle du Québec, accueillent des manifestations plus intimes et de plus petits concerts.

Parmi les temps forts, épinglons: Vanessa Wagner et son dernier programme musical. Le journal Le Monde la décrit comme "la pianiste la plus agréable de sa génération". A  noter également: l'Orchestre de Picardie avec deux merveilleux concerts, l'un avec Franck Braley, notre vedette belge et trompettiste Romain Leleu. L'autre avec Adam Laloum. Pour la première fois dans la cathédrale de La Treille, trois concerts d'orgue seront organisés avec Thierry Escaich et Olivier Latry, ainsi que Ghislain Leroy, le maitre des lieux.

La gare Saint-Sauveur, le Conservatoire, le Palais des Beaux-Arts, ND de la Treille et l'abbaye de Vaucelles ouvrent donc  leurs portes pour organiser tous ces concerts, le tout à des tarifs très raisonnables. Il va sans dire que le prix modéré des billets est un réel atout   qui vise à   soutenir la culture musicale et élargir l’audience intéressée par la musique. On compte sur ces lieux plus insolites  et leurs acoustiques multiples pour toucher un nouveau public, de plus en plus large. Incidemment, cela  donne à chacun également une occasion de redéfinir sa propre approche, jeunes ou moins jeunes.

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Soit dit en passant, que Jean-Claude CASADESUS, fondateur de l'Orchestre National de Lille, a encore  repris la direction du festival - pour la toute dernière fois - a-t-il dit! Une apothéose  donc pour les multiples programmes  produits dans les divers lieux et les environs les plus attractifs de Lille.

Les programmes

Naturellement, les classiques passent en premier! Avec des noms très célèbres tels que : Nelson Freire, Pascal Amoyel, Lise de la Salle, Boris Giltburg, Denis Kozhukhin ... Mais aussi du Jazz! Avec Rhoda Scott et Jacky Terrasson, le samedi 16 juin au Nouveau Siècle, Salle Québec à 19h. Si vous souhaitez vous inscrire à de fantastiques improvisations avec Thomas Enco / Vassilena Serafimova  sur musiques de BACH,  c’est le samedi 16/06 à l'Abbaye de Vaucelles à 11h00.
Mais pourquoi ne pas aller profiter du Tango,  juste pour changer? Avec Astoria Tango, vendredi 15 juin, au  Nouveau Siècle, Salle Québec, 19h30.  Et encore? Pour les romantiques, le piano de Nicolas Stavy et l’écrivain Éric-Emmanuel Schmitt se concentreront  sur l’œuvre de Chopin. De manière plus moderne, Edouard Ferlet mettra la technologie au service de la virtuosité, dans le carnaval des animaux. Mais vous pouvez aussi choisir le quatuor Tana, qui  flirte avec  Brahms et des compositeurs contemporains.

Tout est ici : https://www.lillepianosfestival.fr/2019 

Dominique-Hélène Lemaire ( Arts et Lettres) 

Aussi Sur Branchés Culture:

https://www.facebook.com/LillePianosFestival/

 

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« Anna Bolena »… Ou la somptueuse innocence condamnée par un crime prémédité !

Maxime Melnik, de Anna Bolena

Le samedi 20 avril, 20 heures à l’Opéra des Liège,  se tenait  la fabuleuse dernière de « Anna Bolena », le 29e opéra tragique de Donnizetti.  Brillance, effusions prémonitoires de tendresse,  amour de la liberté, le rideau se lève sur de véritables  ébats amoureux. Un lit royal, à Richmond ?  Les courtisans  piétinent  dans l’antichambre, ne perdant rien du spectacle.  Le cœur volage d’Henry VIII brûle d’un nouvel amour, celui de  Jane Seymour (Giovanna). Un grand malheur attend Anne,  la  reine  d’Angleterre. «  Ne te force pas à la joie, ta tristesse est aussi belle que ton sourire »  se plaint-elle à son fidèle page qui lui  chante sur fond de harpe les joies du premier amour.  Francesca Ascioti, frémissante, juvénile et passionnée interprète joyeusement ce jeune Smeton  si amoureux de la reine.  Celle-ci tient tendrement sur les genoux une petite fille sérieuse : la future Reine Elisabeth I en habits d’apparat dorés, comme ceux des peintures de cour où on la verra plus tard, auguste, souveraine et intouchable.  Anna est sensible aux paroles de Smeton, elle  aussi a eu un premier amour dont les cendres sont encore chaudes… mais, utilisées perfidement par le roi pour confondre la reine, elles enflammeront l’opéra jusqu’au  brasier  final où se consumera  la reine répudiée. Cet unique soir du 20 avril, c’est  Elaine Alvarez  qui, pleine de ressources et de talent  dramatique interprète avec un  feu inimaginable, cette femme au long développement psychologique, accusée d’adultère et de trahison et injustement condamnée à mort et dont  le poids de chaque mot  est émotion incandescente.

Dès les premières scènes, ironie du sort et de l’écriture,  Anne  conseille avec grande sagesse à sa rivale Giovanna de ne pas se laisser abuser par l’éclat du trône et se plaint de la solitude dans laquelle son époux la laisse. L’ardente Sofia Soloviy s’oppose avec fracas à la sagesse de la reine. A la mise en scène fabuleuse, Stefano Mazzonis di Pralafera, directeur général et artistique de l’Opéra Royal de Liège Wallonie. Et oui toutes les voix sont à la hauteur du festival de costumes rutilants, créés par Fernand Ruiz. Sur le plateau, nous assistons à un défilé ininterrompu de brocards, de soieries, de coiffes, et riches manteaux, dans le palais d’Henry VIII lambrissé de chêne et éclairé par des lustres de Venise à couper le souffle. La scène dans la forêt dans un décor signé Gary McCann pour la première fois sur la scène liégeoise,  est tout aussi évocateur des munificences  des Tudors. Les lambris de chêne  de Richmond ont fait place à l’arbre vivant, le chêne majestueux sous lequel se rend l’imparfaite justice humaine,  sous lequel se réunissent   les  chasseurs princiers et leurs chiens assoiffés de sang… Lord Rochefort, le frère de la reine y rencontre Richard Percy (Riccardo), qu’Heny VIII (Enrico), sûr de la réussite de son complot a rappelé pour confondre celle-ci. Maxime Melnik qui possède  jovialité et élégance d’une voix de ténor lumineuse est le Lord.  Riccardo, l’amoureux pour l’éternité, avec un timbre convainquant au possible, vibrant d’émotion, et des postures irrésistibles,  qui résisterait ? C’est Celso Albelo, le puissant ténor espagnol qui a déjà incarné ce superbe rôle à Vienne et Santa Cruz. 

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 Enrico  a bien sûr  juré à Giovanna, sa nouvelle conquête,  qu’elle n’aura pas de rivale et déteste désormais Anna, cette reine incapable de procréer un héritier mâle ! … Insensée, dupée par l’ambition,  Giovanna rêve, comme Anna en son temps,   du trône et de la  renommée. Quelles vanités !  Anne, convoitait elle aussi  le trône d’Angleterre  elle aussi, lui avait offert  l’amour  en échange. Quelle erreur funeste! Donizetti souligne de toutes parts que l’ambition du pouvoir et des richesses n’apporte que couronnes d’épines…

L’amour a la parole sous les traits du charmant page et de Percy, le premier amour de la reine,  que  le roi  a fait revenir d’exil pour accuser son épouse d’adultère. La présence passionnée de Percy dans les appartements de la reine confirme les soupçons du roi.    Parole au page qui s’est saisit en cachette d’un portrait de la reine en pendentif : « Ne préfères-tu pas un amant qui t’adore qu’un mari cruel qui t’ignore ? » Nul besoin de juges pour Anna, le médaillon l’accuse déjà, c’est elle qui est volage ! Le  sort de la reine est scellé par le roi,  un doigt accusateur absolu. Un  Marko Mimica absolument maître de la situation, maniant le regard, la voix et les postures de façon impériale et inflexible. Est-il sorti vivant du tableau d’après Hans Holbein qui trône au font à gauche dans les salles du palais ?

Maxime Melnik, de Anna Bolena

Lorsque le chœur des femmes pénètre dans le parloir de la tour où est détenue Anne, elles s’exclament « Qui peut garder les yeux secs devant tant d’angoisse ? Et ne pas sentir son cœur se briser ? » Le public ressent la même chose. La reine souhaite  un instant revoir le château de sa naissance qui lui ferait oublier toutes ses épreuves… « Rends- moi un seul jour de notre amour… » La salle émue aux larmes par la vérité absolue  de son interprétation lâche des bravi passionnés. La dramaturgie  elle aussi, est cinglante de vérité. Sous les coups sourds de cloches fatidiques, Anne donne sa couronne à la très  jeune Elisabeth. Dans un long délire vocal  aux merveilleuses coloratures, elle a même pardonné à sa rivale, et prie que ce pardon lui accorde la miséricorde divine. Elaine Alvarez dans cet immense  rôle romantique, « Tu, mia rivale ! », a vraiment raflé tous les suffrages. 

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https://www.operaliege.be/spectacle/anna-bolena/ 

Une tragédie lyrique où vibrent à la fois l’histoire, l’amour, la trahison, la passion et la virtuosité vocale! Sous la baguette de Giampaolo Bisanti, dans une mise en scène de Stefano Mazzonis Di Pralafera, avec Olga Peretyatko, Elaine Alvarez, Sofia Soloviy, Celso Albelo, Marko Mimica, Francesca Ascioti, Luciano Montanaro et Maxime Melnik

Anna Bolena (Donizetti) du 9 au 20 avril  à l'Opéra Royal de Wallonie-Liège 

LIVE WEB sur Culturebox  : le mercredi 17 avril à 20h30

 

Marquez sur vos tablettes, lee prochain rendez-vous à L’Opéra de Liège, où  d'autres merveilles  vous attendent :

« La Clemenza di Tito » de Mozart (15 mai - 24 mai 2019) 

«  I Puritani » de Vincenzo Bellini ( 16 juin - 28 juin 2019)

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SPECTACLES 

Prenons un malin plaisir : la saison 18-19 au Public porte bien son nom : Corps et Âmes. Et de nom, il est beaucoup question au cours de cette pièce écrite par Anne Sylvain, dont le déchaînement dramatique ne peut laisser personne indifférent. La plume ardente et inventive d’Anne Sylvain pratique une véritable amplification poétique et dramatique de l’histoire d’« Elephant Man », qui n’aurait nécessité que deux comédiens en scène, Frederick Treves, le docteur et Joseph Merrick, la créature humaine particulièrement repoussante, utilisée à l’époque comme phénomène de foire et surnommée « Elephant man ».


Autour de cet être humain,  » I am not an animal, I am a human being » qui vécut sous le règne de la reine Victoria apparaît un quatuor de femmes hors pair. L’auteur fait appel aux grands formats de la scène féminine belge : Bénédicte Chabot, (Les filles aux mains jaunes, Les poissons vert pâle) pour Amélia, la prostituée ; Ariane Rousseau ( Le trio TIBIDI, « le rêve d’Ariane ou l’histoire d’un quatuor à cordes » avec le Qatuor ALFAMA) pour Ellen Terry l’actrice ; Jo Deseure (Tu te souviendras de moi) en Reine Victoria, enfin humaine. Anne Sylvain s’est réservé le privilège du rôle extraordinaire de l’infirmière, tout ce qu’il y a de plus rugueux et rébarbatif, à première vue. Il est clair qu’un regard strictement féminin, décliné en quatre approches différentes, toutes très vraisemblables, ajoute à l’histoire leur pesant d’or. La présence utile et esthétique de la musique de Pascal Charpentier fait le reste.

Un chef-d’œuvre. David Lynch avait porté à l’écran en 1980, sous les traits de John Hurt et d’Anthony Hopkins les mémoires du médecin britannique Frederick Treves intéressé pour ses recherches scientifiques par le célèbre cas de Joseph Merrick, un personnage affligé de difformités spectaculaires que d’aucuns n’hésitaient pas à confondre avec Jack l’éventreur.

Très finement, Anne Sylvain souligne d’emblée combien le nom d’une personne est important pour lui donner existence et dignité. Jusqu’à la fin de la pièce, le médecin s’avère incapable d’appeler son patient par son vrai prénom. Il tombe à tous les coups dans le « John » au lieu de Joseph. (John Doe, pendant de « Jane Doe » dans le monde anglo-saxon dénote quelqu’un d’anonyme ou qui a perdu son identité : NN Nomen Nescio, dans la culture latine.) Machin, quoi, ou …Chose!

Au début du spectacle, le chirurgien Itzik Elbaz, éblouissant et sincère, seul en scène, s’interroge et interroge le monde soulevant des questions essentielles. On ignore encore la présence de Joseph Merrick incarné par le tout aussi fabuleux Othmane Moumen. « Dans l’Angleterre victorienne », la prospérité matérielle est la récompense naturelle de la conformité. Joseph Merrick n’y a pas sa place. Les miroirs se suivront et ne se ressembleront pas. Mais Anne Sylvain nous en tend des dizaines, histoire de nous faire réfléchir à coup de tirades percutantes bourrées d’humour aux grandes questions telles que la place de l’autre, le droit à la différence, l’eugénisme, les limites de la recherche, les apparences si trompeuses, la rumeur, la solitude du pouvoir, le colonialisme, l’appât du gain, la gloire … Et pourtant malgré le sérieux des questions abordées, on ne cesse de rire. Un rire homérique ? Certes non, Dieu nous garde de rire aux éclats comme les dieux dans le premier livre de l’Iliade en voyant la démarche boiteuse de Vulcain… Un rire de connivence, chaleureux et irrésistible, à cause du jeu irréprochable des comédiens et d’ un texte si bien écrit, une intrigue menée avec tant d’ élégance de cœur et d’esprit…Passons sous silence, les références à nos auteurs favoris, Hugo et Shakespeare, de délicieuses billes, pétillantes d’à-propos.

Ce sont très souvent les comportements de chaque personnage qui en disent plus que leurs discours. Ce décalage engendre un rire à la fois jouissif et immensément philosophique. Le personnage d’Elephant Man s’avère être lui-même le miroir de la conscience de chacun où n’existe plus que vérité sans faux-fuyants.


Anne Sylvain déploie son pamphlet très habilement. Si le médecin prétend vouloir comprendre la pathologie pour l’intérêt de la science, son jeu scénique, démontre tout le contraire, c’est son ego et son intérêt personnel qui sont principalement en jeu, même sous des dehors de bon samaritain. Anne Sylvain joue admirablement bien l’assistante, Eva Lückes, infirmière revêche au possible au début du spectacle, qui fera tout pour comprendre, non seulement la pathologie de Joseph, mais surtout son âme. En effet, à force de soins au patient interné à vie dans l’hôpital, elle crée avec lui une relation basée sur l’empathie, réprouvée par le médecin. Son rôle évolue de façon remarquable. C’est elle qui se plait à faire remarquer jusqu’au bout au bon docteur, qu’il se trompe de nom. 
Le dénonceur dénoncé : « Ton éthique est-elle plus honorable que la mienne, charlatan ? » Le médecin a toutes les apparences du beau rôle, c’est lui qui va sauver celui que tous montrent du doigt, il va l’accueillir, l’abriter, le nourrir. Ce qu’il ne dit pas, c’est qu’il va lui aussi l’utiliser «  comme cobaye au profit des êtres sains » tout comme celui à qui il l’avait arraché, Mr. Norman le montreur de foire. Rôle joué avec une énergie de feu par Yves Classens . Il réclame à cor et à cris de récupérer son « outil de travail  », son « trésor » mais Joseph Merrick, ne sera pas dupe ! CarJoseph écoute et entend entend la musique du monde, il a un violon à la place du cœur.

Un spectacle qui a du corps et combien d’âme. En allant voir cette pièce au si beau texte, et si magnifiquement interprétée, on reçoit un talisman contre les injustices du monde, à moins que tout ne vienne de la statuette en bois de santal nommée Ganesch, protecteur des médecins, offerte par la Reine Victoria à son ami, Joseph Merrick dont le squelette a été conservé à L’hôpital de médecine de Londres depuis 1890, date de sa mort.

Dominique-Hélène Lemaire

Comédie dramatique

THE ELEPHANT MAN

De Anne Sylvain. Librement inspiré de la vie de Joseph Merrick.
Mise en scène : Michel Kacenelenbogen Avec : Bénédicte Chabot, Yves Claessens, Jo Deseure, Itsik Elbaz, Othmane Moumen, Ariane Rousseau et Anne Sylvain

Assistante à la mise en scène : Lou Kacen
Scénographie : Noémie Vanheste 
Décoratrice : Eugénie Obolensky
Lumière : Laurent Kaye
Musique originale : Pascal Charpentier
Costumes : Chandra Vellut
Assistante costumes : Chloé Dilasser, Sarah Duvert et Laure Norrenberg
Créatrices des prothèses : Bloody Mary’s
Maquillage : Patricia Timmermans 
Stagiaire scénographie : Iseult Brichet
Construction du décor : Jani Afar 
Régie : Rémy Brans  

DU 09/05/19 AU 22/06/19

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administrateur théâtres

"Les Dieux veillent sur ceux qui leur ressemblent ..."

 

Mythe et intemporalité

Un empereur romain sous l'apparence d'un centaure, moitié dieu, moitié humain qui partagera son manteau avec un pauvre? Une atmosphère sombre qui conviendrait le mieux aux pièces de Maeterlinck  ou à d’autres poètes symboliques. Un enchantement de la nuit  de la Saint-Jean où tout est permis? Des créatures géantes effrayantes surgissant de grottes sombres  d’où affleurent  des gisements minéraux, où la passion consume à la fois humains et  animaux monstrueux. Le public est  emmené dans un lieu improbable et légendaire, une sorte d’utopie, un  Lucus romanus mysteriosus!  Rien de plus sacré en tous les cas, que le désir surréaliste de l'empereur de mettre en œuvre ses valeurs romaines fondamentales de respect, loyauté et compassion. Sa détermination à n'agir que pour le bien de la ville et à ne jamais vouloir régner par la terreur. Il s’oppose aux pires trahisons en accordant pardon et amnistie. Il est la grâce même. 

 Markus Suihkonen, de La Clemenza di Tito

La mise en scène décalée de « La Clemenza di Tito » de Mozart  par  Cécile Roussat et Julien Lubek à l'Opéra Royal de Wallonie-Liège a  agi comme  un réveil en fanfare.  Néanmoins, le deuxième acte  réduit  la mise en scène fantasmagorique  à une roche centrale mobile  le tout baignant dans des écailles luminescentes de tortues. «  Et les écailles lui tombèrent des yeux » Une référence à la conversion de saint Paul ? L’atmosphère poétique et tragique se retrouve épurée dans un mélange poignant. Thomas Rösner, le chef d'orchestre est à l'écoute des metteurs en scène créatifs, il cisèle des nuances romantiques  sur le  conte épique mozartien. Pierre Iodice, chef de chœur liégeois toujours inspiré et talentueux, a préparé le chœur. Ils sont tous de noir vêtus, pour  se glisser  discrètement et chanter derrière les musiciens dans la fosse. Question de nous replonger dans l’époque où l’on vit ?

Markus Suihkonen, de La Clemenza di Tito

 Côté noir, le cauchemar  enchaîne  la jalousie,  la soif de mariage et de pouvoir, le tout entre les mains de Vitellia. - La rédemption viendra avec le remords. - Elle est jalouse du mariage imminent de Tito avec Bérénice, reine de Judée. Elle convoite le trône, mais est aimée de l’inoffensif Sesto, le frère de Servilia, une fille romaine que Tito choisit d’épouser  pour  contenter son peuple. Cependant,  la loyale Servilia rejette la proposition impériale car elle est  sincèrement  amoureuse d’Annio, le confident de Sesto.  Bien sûr, Tito valorise la vérité avant les flatteries et  bénit  Annio et Servilia. Pendant ce temps, Vitellia n'a pas  compris le changement de cap de l’empereur et ne rêve que de le faire assassiner. Elle enjoint à Sesto de commettre l’acte fatal sans se soucier des sentiments qu’il éprouve pour son ami, mais il le fera pour lui plaire !  La révolte gronde, le Capitole brûle, Sesto croit avoir commis le meurtre irréparable, mais l'homme qu'il a poignardé n'est pas l'empereur. Sesto est arrêté. Et enfin, lorsque Vitellia se rend compte que Sesto ne l’a pas trahie lors de ses interrogatoires, elle éprouve du remords. Elle ne peut plus supporter l’idée de devenir l'épouse de l'empereur et  révèle son rôle dans le complot. Tito est déçu une nouvelle fois par la trahison mais décide de ne pas être envahi par la colère et pardonne à tout le monde, réaffirmant son désir d'agir pour le bien de la ville. Dans ce précieux  opéra  si édifiant, Tito devient le modèle même de la bonne gouvernance, un statut  rêvé et inventé par Mozart.

 Une imagination débordante

Le duo de la mise en scène Roussat-Lubek a  transformé  la cruelle Vitellia en une figure de lionne diabolique toute vêtue de rouge,   surmontée d’une perruque abracadabrante qu’elle démêle seulement lorsqu'elle se rend compte à quel point elle a été destructrice. Sesto, emprunte des cornes de bélier pour faire … le  mouton. Servilia est une fragile princesse de conte de fées vêtue d’une  robe  de mariée Art Nouveau suivie d’une rivière sans fin  de voiles scintillants. Annius est devenu un ange blanc chatoyant, à moitié ailé qui nous rappelle soit le monde de la Renaissance, soit celui de Jean Cocteau. Publius, le chef de la garde prétorienne, est devenu une créature verdâtre avec d'immenses mains squelettiques rappelant des personnages cauchemardesques d'Andersen ou de Tolkien. ... ou le puissant personnage du Temps dans "L’Oiseau Bleu" de Maeterlinck et les aiguilles du temps? Les gestes de mains de tous les personnages sont spécialement parlants et sont  axés sur le pouvoir de la communication, y compris quelques tendres invitations bouleversantes faites par un jeune enfant  à Tito.  Ce contact, un souvenir lointain  du  geste de Dieu vers l’Homme dans la Chapelle Sixtine? Quoi qu'il en soit, la célébration du corps humain culmine à merveille, quand une bande d’acrobates extraordinairement doués  à la corde ou au cerceau, semble tomber du ciel. On peut dire qu’ils connaissent les ficelles du métier. Leur intervention  silencieuse met constamment en évidence des messages importants. En quelque sorte,  ils encerclent font  circuler l'énergie du texte. En quelque sorte, ces  êtres extraordinaires sont devenus partie intégrante  du corps de la musique et révèlent en chair et en os tout ce qu’il  a  d'humanité nue. Une mention spéciale doit également être faite  pour le travail des lumières qui  abreuvent  tout mouvement de la scène.  Signé Roussat-Lubek, une fois de plus.   

Markus Suihkonen, de La Clemenza di Tito

Une musique enivrante

Mais bien sûr, ce sont les nombreuses belles arias mozartiennes qui retiennent toute notre attention. La basse finlandaise Markus Sihkonen  ponctue les mouvements du destin. L'ensemble de l'opéra semble  constamment  émerger  des ténèbres (avec les premières notes de Vitellia si proches de la voix parlée, chantée par Patrizia Ciofi) et se diriger progressivement vers une fin  lumineuse célébrant le pardon inconditionnel. La discussion animée du deuxième acte entre Sesto et Tito est particulièrement émouvante, de même que l'interprétation royale de Patrizia Ciofi  dans  le dernier revirement de conscience de Vitellia. Anna Bonitatibus est parfaite en tant que Sesto vivant et très humain. Une voix chaude, qui n'est plus du tout celle d’un mouton mais un amant passionné, partagé entre son amitié et son amour. Tantôt exaltée, tantôt abattue, sa voix puissante prend son essor et claironne et  plane comme un aigle à large envergure! Et Cecilia Montanari  incarne un Annio  aérien et voltigeant. Ceci dit, notre interprétation préférée est celle de style typiquement italien  de l'élégant Leonardo Cortellazzi, qui développe le rôle principal de Tito avec une splendeur tranquille et atteint une  puissance presque  transcendantale. "Les Dieux veillent  sur ceux qui leur ressemblent ..."   

Dominique-Hélène Lemaire

Opéra Royal de Wallonie-Liège

 15 mai >  24 mai 2019

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Les mystères de la diplomatie

LE CHEVALIER D’ÉON

Du jeudi 25 avril 2019 au samedi 25 mai 2019 au théâtre du Parc à Bruxelles

Il ou elle ? Avec «  Le Chevalier d’Eon » Thierry Debroux revisite l’une des énigmes les plus bizarres et les plus controversées du XVIIIème siècle. Charles-Geneviève-Louis-Auguste-André-Thimothée d’Éon de Beaumont, dit le Chevalier d’Éon fut successivement docteur en droit, avocat au Parlement de Paris, secrétaire de l’ambassade de France à Saint-Pétersbourg, capitaine des Dragons, agent secret, chevalier de Saint Louis et ministre plénipotentiaire à Londres. En même temps, il fut considéré comme l’une des plus belles femmes du XVIIIème siècle… Homme ou femme, celui qui fut l’une des plus fines lames de son temps a préservé l’ambiguïté jusqu’à son dernier souffle. Revisitant avec jubilation la comédie de cape et d’épée, Thierry Debroux nous entraîne dans la France et la Russie du XVIIIème siècle ». Saison 2005-2006 au théâtre le Méridien, théâtre d’émotions, hélas disparu depuis 2012.

Revoici  notre chevalier, au Parc, en James Bond dégenré,  affublé de jupons lors de ses missions d’espionnage, sous le nom de Lia de Beaumont. A la manière d’un phénix et dirigé avec virtuosité, par Daphné D’heur il reprend du métier, et quel métier! Celui de nous ravir et de nous promener à travers l’Europe du XVIIIe, Anne Guilleray, préposée à la création des costumes, faisant  merveille. Les hauts maquillages sont signés Urteza Da Fonseca. Et le chevalier ? Quel est son vrai nom à la ville? Julien Besure. Tout juste trente ans et l’an dernier, Octave dans les fourberies de Scapin, sur les mêmes planches. Jim Hamwkins dans l’Île au trésor, en 2016. A part le surf, le ski et le snowboard, il est passé maître en escrime, sous la conduite de son  fracassant maître d’armes…Jacques Capelle.  Mais aussi bretteur vocal sidérant et attrape-coeurs  aussi volatile qu’Arsène Lupin. 

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Son histoire  campe une période de guerre mondiale très noire,  pudiquement dénommée de guerre de sept ans (1756-1763) se déroulant simultanément sur plusieurs continents.  Elle opposait deux blocs franchement ennemis, tous deux  en route pour la conquête du monde : l’Angleterre et son empire colonial alliée à  Frédéric II de  Prusse contre la France et l’Autriche, leurs alliés et empires coloniaux.  A qui la Russie tendrait-elle la main? L’empire britannique sort vainqueur, régnant sur toutes les mers du monde,  la Prusse s’affirme au sein de l’espace germanique. La France perd définitivement la bataille de la culture française, versus la culture anglo-saxonne.  Le texte met en relief les machinations politiques, les questions d’intérêt, la place congrue du cœur dans la sphère politique.

– La légende raconte que, déguisé en femme lors d’un bal, Le chevalier d’Eon  aurait subjugué Louis XV. Recruté dans les services secrets du roi, il est envoyé comme espion à la cour de Russie. La mission qui lui est confiée est délicate puisqu’il il doit gagner la confiance de la tsarine Elisabeth afin de conclure un traité d’alliance pour rétablir les relations diplomatiques entre la France et la Russie, ce qu’il réussit avec brio sous les traits de Lia de Beaumont. 


Côté hommes,  Daphné D’Heur ne manque pas de comédiens d’excellence. Les voilà tous rassemblés. avec un Maroine Amini superlatif dans le rôle de Lubin, le fidèle valet vif argent du chevalier qui mêne grand train, une histoire d’amour ancillaire avec sa Nanette (Laurie Degand) , époustouflante de vivacité et de répartie tant vocale que physique. Sir Douglass, en tenue écossaise,  qui représente la perfide Albion, cache admirablement son jeu … ou pas, C’est Anthony Molina-Diaz, une autre grande pointure des planches du Parc.  Didier Colfs se partage avec autant de bonheur entre le très envieux Duc de Nivernais et Le Prince russe Narychkine. L’autre vilain, c’est le Chancelier Bestouchev (Nicolas Janssens), un concentré d’arrivisme et de manipulation, flanqué de notre Fabian Finkels, campant des vice-chancelier Voronstov et Ministre Lebel presque Felliniens. Habiles jeux de masques et d’éventails meurtriers, les chassés-croisés se succèdent dans un rythme échevelé, à la manière du vaudeville haut de gamme, Georges Lini es-tu là ? Les scènes comiques et jubilatoires sont au rendez-vous.  Le plateau tournant  trilobé explose les  portes qui claquent, et le décor très frugal se  contente d’à peine quelques médaillons évocateurs. Tout est dans l’énergie bondissante des  acrobaties amoureuses et politiques.


Côté femmes, des perles rares. Une comtesse de Rochefort exquise, une grande dame, intelligente de cœur et d’esprit, notre préférée? Elle incarne à la fois le badinage de Marivaux et la sagesse de la vie qui sait savoure ce qui lui est donné, et rit de bon cœur du reste, tout en délicatesse. « C’est le genre de femme qui ne passe pas inaperçue en public. Longiligne, port altier, chevelure noir jais encadrant un visage au teint d’albâtre, aux traits fins et réguliers, d’où se détachent deux immenses yeux incandescents. » écrivait à son propos Philip Tirard, en 2005.  Ajoutons, des pommettes fabuleuses à faire craquer les amants… Toute jeune, elle a parcouru la planète avec des parents d’origine italienne, les Abruzzes.  Remarquée par sa prof de français à Hong Kong,  elle s’inscrit  par amour du théâtre au Conservatoire de Mons au retour en Europe. Toujours pas trouvé ? Il s’agit de Laurence d’Amélio, autant jeune première que tragédienne.


Petra Urbanyi, princesse hongroise de caractère ? Oui pour le caractère, non pour la Hongrie.  Elle joue Sophie-Charlotte de Mecklembourg, princesse de Saxe qui piétine de rage, féministe jusqu’au bout des cheveux, refuse qu’on la marie avec Georges III le roi d’Angleterre surnommé le roi fou, mais deviendra tout de même la grand-mère de la reine Victoria ! Un jeu surexcité d’ado rebelle et de jeune femme rêvant d’amour véritable, très marrie d’être convoitée plus comme objet politique que comme roseau pensant.L’image contient peut-être : 2 personnes, personnes debout


Et la palme, si palme il y a, revient à la tsarine Elisabeth Petrovna, admirablement présente et déclinée par Perrine Delers, un monument théâtral, une prestance éclatante, une allure incomparable. Elle a tout : la voix, les humeurs, le maintien, la noblesse,  le prestige, l’autorité. On se souvient de son rôle de voisine écrasante dans le 1984 d’Orwell, la métamorphose en tsarine ne fait qu’amplifier  son  port royal et  son ascendant dévorant.

L’image contient peut-être : 4 personnes, personnes souriantes, personnes debout et intérieur


Rien que des éloges donc,  pour cette pièce où le rire est roi et le plaisir souverain, où roulent les tribulations, les ballets XVIIIe, les noms prestigieux,  les supercheries politiques et les jeux du pouvoir intenses pendant que le monde entier se trouve  rassasié de guerres incendiaires et dévastatrices. Sept jours, sept ans, le chiffre biblique de l’éternité jeté en pâture à la violence humaine.

Dominique-Hélène Lemaire    Pour Arts et Lettres

Crédit photos : ZVONOCK

Réservations: 
via le site ou par téléphone au 02 505 30 30 – du mardi au vendredi  – ouvert de 12h à 19h.

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administrateur théâtres

Théâtre: Peut-on rire de l’indicible?

Mein Kampf (farce) à la Clarencière (Bruxelles)

Le contexte

Tout récemment, le  New York Times a évoqué que le journal Tylko Polska (Only Poland) avait publié un article intitulé «Comment repérer un juif» au mois de janvier 2019.

En France, malgré la polémique, et la montée de l’antisémitisme,  les éditions Fayard  annonçaient  en 2015 qu’elles publieraient une réédition du livre en 2016, du fait qu’il tombait officiellement dans le domaine public.

En mars dernier, le manifeste politique d’Adolf Hitler, « Mein Kampf », interdit dans de nombreux pays, a été mis en scène au Powszechny Theater à Varsovie. Le metteur en scène Jakub Skrzywanek voulait montrer que le langage utilisé par les hommes politiques  et  par tout le monde en Pologne, est pire que celui d’Hitler.

L’œuvre poétique de Georges Tabori « Mein Kampf (farce) » créé en anglais,  à Vienne en 1987 est très rarement jouée et se voit exhumée cette année par un groupe théâtral liégeois, Les Anges Hantés . Jorge Lavelli a créé la version française en 1993. A ce propos, Agathe Alexis (Festival d’Avignon, Comédie de Béthune, Théâtre du Rond Point, tournées en France, Suisse et Belgique) nous donne  son  éclairage. Elle  considère que c’est l’une des plus grandes tragi-comédies du vingtième siècle.  « Lorsque j’ai lu la pièce pour la première fois, j’ai immédiatement pensé à cette phrase de Pouchkine : « Le rire, la pitié et la terreur sont les trois cordes de notre imagination que fait vibrer le sortilège dramatique ». Ce texte réunit, en effet, tous les « ingrédients » propres à susciter la magie d’un théâtre qui prend la réalité à bras le corps et secoue – émotionnellement et intellectuellement – le spectateur en l’entraînant sur des chemins à la fois scabreux et lumineux, sans pour autant le désenchanter, c’est-à-dire sans lui faire renoncer à sa propre humanité. « Mein Kampf (farce) » évoque pour moi les grands mystères du Moyen-Âge, avec ses figures : Dieu (le cuisinier Lobkowitz), la Mort (Madame Lamort), la Jeune Fille Vierge (Gretchen), le Méchant, odieux prédateur possédé par le mal absolu ou l’absolu du mal (Hitler) et le Vieil Homme (Shlomo Herzl), qui recherche la sagesse et veut écrire un livre qui s’appellerait « Mon combat » mais dont il n’a écrit que la dernière phrase : « Et ils vécurent éternellement heureux » – admirable image de l’indéracinable utopie qui habite le cœur de l’homme. » Oui inconditionnel à la vie. Quel être, déchu de toute humanité, pourrait écrire l’indicible ? Celui qui fait un pacte avec La Mort.

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La pièce

D’après Georges Tabori, jouée au théâtre de la Clarencière à Bruxelles, et en partance pour le festival d’Avignon 2019, voici l’œuvre interprétée par un quatuor de comédiens belges : Kim Langlois, Dominique Jacques, Guillaume Martin et Benoît Servotte.

 Ils sont rompus à l’exercice, débordants d’énergie, menant un combat désespéré contre le mal personnifié, brandissant le rire et la dérision comme doigts d’honneur. C’est beau la mise en scène polyphonique, mais un regard extérieur aurait sans doute mis un peu d’ordre dans le panier. Le spectateur est un peu perdu dans l’articulation dérisoire de la pièce, une façon sans doute de le faire entrer dans la folie. L’homme, serviteur de Dieu, est  le fleuron de la création : nézer habéria, l’exception parmi tous les êtres créés. Le dernier créé mais le premier responsable. Il est responsable de sa poule en cage, préfiguration de l’holocauste à venir ? Rira-t-on? Faut-il brûler au troisième degré ? Le respect de la vie chez l’homme et chez l’animal – le « tu ne tueras point » est  inscrit sur le visage du prochain.

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Mais Dieu a quitté les lieux, horrifié de ce qui va suivre? Fatigué de la lenteur d’écriture de son valet. Soit dit en passant, hasard ou non d’écriture,  le personnage se nomme Herzl, un personnage  réel, qui, motivé par l’affaire Dreyfus en France,  fut le fondateur du mouvement sioniste au congrès de Bâle en 1897, il est l’auteur de Der Judenstaat – L’État des Juifs. Ce  Schmolo  se retrouve donc seul pour appliquer les commandements divins, offrir l’asile et essayer de sauver du mal,  le méchant visiteur  qui vient lui raconter ses rêves de peintre brisé, son attitude d’enfant gâté  au moi  surdimensionné, et la tentation absolue de la mort comme viatique du pouvoir. 

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La Mort, notre personnage préféré,  apparaît sous les traits de l’excellente interprète  Kim Langlois, fascinante, sans sa  faux, menaçante comme une déesse hindoue,   elle prend ses aises sur  une monture vivante qui rappelle l’attirail du Ku Klux Klan. Oui pour la blondeur trompeuse,  les faux-cils, la bouche noire, la voix puissante la diction parfaite et les intonations bien étudiées. Le rire macabre.   « Und dass hat die Lorelei getan ! ». Le tout s’achève, après un horrible détour par la cuisinière, dans la plus pure tradition de l’humour juif. Sauvés! Rire comme larrons en foire, seule échappatoire. "Ça va ? Oui,  répond-il, sauf quand je ris!"  

Kim Langlois, Dominique Jacques, 
Guillaume Martin et Benoît Servotte

Dominique-Hélène Lemaire, Arts et Lettres

 Le spectacle de juin: mail?url=http%3A%2F%2Fwww.laclarenciere.be%2FSAISON_2018_2019%2Fimages%2FAFFICHES%2FDON-QUICHOTTE_OK.jpg&t=1559329144&ymreqid=7e51cc8f-483b-71a0-1c69-450002013700&sig=c6iMMd2z32WyUTyk0ceeYg--~C

http://www.laclarenciere.be/

L’attente de l’amante absente nous emmène en d’autres lieux, à d’autres moments que ceux de l'Espagne à la puissance déclinante, 
dans des pérégrinations et des anachronismes en harmonie avec l’inépuisable source de folies d' El Ingenioso Hidalgo don Quijote de la Mancha, dont l'auteur n’aurait certainement rien trouvé à redire à ce genre de procédé et se réjouirait, allez savoir, de voir ses protagonistes en rajouter dans leurs délires. 
L’évasion dans le rêve, pour se dérober à la réalité et aux contingences de notre existence terrestre, tenter de lui donner un sens, n’empêche pas des situations grotesques, triviales ou vulgaires, où l'eschatologie chevauche la scatologie.
L'égarement n'a rien de tragique. On s'amuse au contraire au spectacle. La folie nous conduit au génie, puisque celui-ci n'est jamais très loin de celle-là, à une saine réflexion sur notre société et la vanité de nos courses vers le pouvoir et la gloire, qui n'ont pas plus de sens que ses extravagances...
Un joli nom, Dulcinée. Ce n’est pas banal... On en parle beaucoup, mais peut-on dire que vous l’avez vue. Quatre fois, apparemment. 
Et peut-être s’en est-elle-même pas aperçue... elle nous la joue genre Arlésienne, votre Dulcinée. On l’espère, mais elle ne vient pas. 
C’est bien long, tout ce temps dans l’attente de l’amante absente de Sa Seigneurie errante…..



Tout public : Les mercredi 19, jeudi 20 et vendredi 21 juin 2019 à 20h30

P.A.F. : 20 € - étudiant : 15 € - 

Je choisis mon fauteuil et je réserve en 1 clic :

www.laclarenciere.be

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administrateur théâtres

Bien que cette version ne soit pas une production théâtrale - il n'y a aucun décor terrifiant des portes de l’enfer, aucune chorégraphie, ni de fantomatique  ballet de nonnes pécheresses, aucun costume du Moyen-Âge fantastique, ni de casques, épées ou chevaux de tournoi - le public des Bozar a été enchanté par cette magnifique  version concertante.  Evelino Pidò a dirigé les artistes avec fougue à travers les tempêtes sauvages de sentiments humains et le désir dévorant du pouvoir et des richesses qui peuple l'allégorie, jetant au passage une énorme pierre dans notre jardin!


Le contraste saisissant de la lourde musique chevaleresque mêlé à l’ambiance festive de chansons à boire,  face aux  lignes fluides et des valeurs spirituelles de l’amour courtois et du divin, a su  émerveiller le public tout au long de  la soirée. L'arme secrète, c'est sans doute  la beauté de l’interprétation raffinée  des deux femmes, Alice et Isabelle en particulier. La soprano colorature Lisette Oropesa, dans  sa magnifique robe jaune safran imprimmée de grands coquelicots noirs, a chanté l'opéra avec vigueur et passion, d'un bout à l'autre, sans fatigue apparente, enchaînant  aigus, graves et vocalises avec le plus grand naturel. La vision authentique de la bonté et de la lumière de l'amour était assortie d'une pureté de son extraordinaire. L'exquise soprano espagnole Yolanda Auyanet, dans le rôle d'Alice, faisait, elle aussi, preuve d'une capacité à couvrir les notes les plus graves et les plus hautes  dans une émission  de souffle continu et une  projection de voix remarquable.Bref, du Bel Canto à l'italienne saisissant et une  inébranlable patience dans l' argumentation  visant à démanteler les stratagèmes des  mécréants. Toutes deux, telles une armée de saintes femmes se trouvaient  résolument engagées dans la lutte contre tout ce qui pouvait nous  tirer vers le bas, projetant un faisceau de lumière  au coeur des sombres violences du 13e siècle… et celles du nôtre, par la même occasion.

Alice, l'innocente  soeur de lait de Robert, se bat courageusement pour l'âme de son frère adoré,  contre ce père démoniaque, Bertram, qui  a pris, dit-elle, les traits trompeurs d’un fidèle chevalier. Dès les premières lignes, Alice l'a percé à jour, son âme pure détectant le Mal qu'il incarne, grâce au souvenir d'un tableau de leur lointain village normand, où l'archange  combattait le dragon. Terrorisée, elle le nomme d'emblée "L'Autre". Mais bien sûr, son frère n' écoute rien. Il lui  faudra tout l’opéra pour s’adoucir,  au nom de leur mère bien-aimée, qui dans sa dernire lettre adressée  à son fils,  lui conseillait de se méfier du diabolique Bertram. Ce dernier  est pleinement incarné par la somptueuse basse française Nicolas Courjal,  vraiment fascinant  dans ses maléfices et son imparable séduction. Sa note la plus basse, frappant le terrible mot français «mort», a été suivie d'un silence  mortel dans la salle,  jetant un froid glacial dans toute  l'assemblée.

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Le stupéfiant ténor russe  Dimitry Korczak, a assumé le rôle de Robert avec autant de vaillance et d’esprit  qu’il pouvait en  trouver,  face  à  la figure implacable de l'incarnation de  Méphistophélès. On l’imaginerait tout de même plus à sa place  dans le rôle d’Orpheo et d’Eurydice. Robert le Diable est en fait un noble normand impénitent,  assoiffé de pouvoir, d´or et de femmes, au génie diabolique hérité de son père, exilé en Sicile pour ses nombreux méfaits perpétrés dans sa ville natale. Heureusement que la rédemption par l'amour, on y croit!

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 On se souvienda aussi du remarquable Raimbaut (chanté par un gent troubadour, le ténor Julien Dran avec plein de  soleil dans la voix) et au passage, on retient aussi la belle performance  du ténor belge, Pierre Derhet, l'émissaire juvénile du prince de Grenade, chanté avec une superbe rondeur et une  belle projection. Enfin,  la belle élocution, la dynamique et la présence du choeur, hommes et femmes,  préparé par Martino Faggiani, sont  à couper le souffle,  contribuant  grandement à l´éblouissante réussite de cette soirée.

Bozar 02/05 April 2019

Dominique-Helene Lemaire

https://www.lamonnaie.be/fr/program/838-robert-le-diable

Direction/ EVELINO PIDÒ
Maîtrise des choeurs/ MARTINO FAGGIANI
Assistant musical/ JONATHAN SANTAGADA

ROBERT/ DMITRY KORCHAK
Bertram/ NICOLAS COURJAL
Raimbaut/ JULIEN DRAN
Alberti / Prêtre/ PATRICK BOLLEIRE
Isabelle/ LISETTE OROPESA
Alice/ YOLANDA AUYANET
Héraut / Maître de cérémonie/ PIERRE DERHET (MM Academy Laureate)
Dame d’honneur/ ANNELIES KERSTENS
Chevaliers/ MARC COULON, ALEJANDRO FONTÉ, DAMIEN PARMENTIER, RICHARD MOORE
Joueur/ GERARD LAVALLE

La Monnaie Symphony Orchestra and Chorus
MM Academy / Benoît Giaux

Production/ DE MUNT / LA MONNAIE
Co-presentation/ BOZAR MUSIC

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administrateur théâtres

Mozart à Rixensart

Pour «Balade Musicale à Rixensart», une association culturelle qui s’engage à apporter son soutien aux jeunes artistes, la musique est un art qui construit tous les autres. Sa 6ème saison s'achèvait  jeudi soir avec un magnifique concert de Mozart donné à l'église Sainte-Sixte de Genval  réunissant  la fine fleur de 31 jeunes musiciens exceptionnels, issus pour la plupart de l'IMEP (Institut supérieur de musique et pédagogie). 


Le programme a tout d’abord  présenté quelques extraits des opéras de Mozart - Die Zauberflöte, Don Giovanni et Cosi fan tutte -, soulignant les talents vocaux des quatre jeunes solistes: Gianna Canete Gallo, Doris Brasseur, Pierre Derhet et Kamil Ben Hsaîn Lachiri. Le baryton belge Kamil Ben Hsaïn Lachiri, âgé de 25 ans, qui a chanté Papageno dans Die Zauberflöte en 2017 à  Liège, a présenté au public un échantillon généreux et ludique de son talent de «Zauber», dit le magicien.  Tout de suite après il enchaînait avec une  belle interprétation de «Deh vieni alla finestra » de Don Giovanni  posée sur un lit de gracieux pizzicati. Le baryton lisse et clair  soutenait ensuite de façon magistrale  les sopranos dans «Soave sia el vento». On se souvient également de son très  remarqué Wagner dans «Faust» produit à l’Opéra de Liège  au début 2019. Dans ces extraits, sa voix étonnante, chaleureuse, est  bien charpentée et veloutée. Elle prend des douceurs de miel sauvage et fuse de façon  merveilleusement sonnante parcourant  une vaste  palette de couleurs.

Puis vint la magnifique interprétation de l’opulente Messe en ut mineur de Mozart, K427. Cette messe aux sonorités baroques (Bach et Haendel) date de la dernière décennie de  la vie de Mozart, ses années à Vienne. Bien qu'inachevée, elle est peut-être considérée comme  l'expression même  de la musique sacrée, car en elle, fleurissent  la présence et la beauté, signe d'éternité.
Sous la direction de L’Ensemble Pizzicato, nous retrouvons  Ayrton Desimpelaere, étoile montante. Parmi ses nombreux engagements en 2018-2019, il y a  son  brillant Matrimonio segreto (Cimarosa), le Don Quichotte de Massenet  un opéra participatif pour les jeunes  à l'Opéra Royal de Wallonie et, récemment, dans la même maison, il a même repris la direction d'Aïda  en remplacement de  Speranza Spaducci, portée malade. Les deux fois, l'ovation debout  fut la réponse enthousiaste d'un public admiratif et  reconnaissant. En une semaine, il avait  fourni pas moins de 12 concerts! Que les étoiles continuent à le protéger! 

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Grande Messe Solennelle en ut de Mozartsafe_image.php?d=AQDRCRfGgbQEUDMU&w=476&h=249&url=https%3A%2F%2Fwww.ulyn.net%2Fgal%2F948608_1.jpeg&cfs=1&upscale=1&fallback=news_d_placeholder_publisher&_nc_hash=AQAazVFPeth_C0Wm&profile=RESIZE_710x

Un réel accomplissement! Après l'entrée exquise des violons, Ayrton Desimpelaere a su construire une  puissance dramatique cumulative.   Celle-ci a rapidement transformé le «Kyrie» en un ensemble monumental, avec un chœur composé d'à peine  8 choristes. Le quatuor de solistes  remarquablement naturels,   a  conféré à l'oeuvre Mozartienne  une  humanité  débordante et  une splendeur tranquille. La première soprano Gianna Canete Gallo a sondé  sa vérité intérieure  dans le  "Christe Eleison" sans craindre une partition faite d'acrobaties vocales où elle a pu pleinement développer ses talents. «Laudamus te» chanté par Doris Brasseur distillait les nuances chaudes et lumineuses. Les deux sopranos ont donné  toute leur énergie dans le  «Dominus deus», un sommet dans les diverses phrases du  Gloria. L'approche douce et aérienne du chef d'orchestre lui a fait fuir la moindre solennité ecclésiastique, à l'exception de la très sombre et pesante marche du  "Qui tollis" qui porte toutes nos  injustices. Il a livré le tout avec fluidité, dévouement extrême à la musique et  secrète passion du sacré. Les différents «Miserere» fusionnés, semblaient venir de  toute part,  et traduire l'humble supplication autant que la noblesse de l'élévation. Un merveilleux équilibre  sous-tendait  le trio chantant le «Quoniam Tu solus sanctus».  Bonheur céleste au sein d’une tempête d’émotions. Le  timbre  plein et robuste du  ténor  passionné Pierre Derhet, donnait à son inspiration une  texture quasi vivante.  On le verra très bientôt  dans «Robert le diable» de Meyerbeer avec l’orchestre de la Monnaie à Bozar. La fugue finale était opulente, soutenue par un  cor admirablement retentissant. Chaque musicien semblait prendre  un plaisir intense à  boire les gestes précis ou furtifs du jeune chef d’orchestre, réagissant dans la connivence des regards. ...De quoi  rejoindre  tour à tour, les rivages de l’infini.

Mais bien sûr, le cœur de l’œuvre réside dans  le bouleversant  «Et Incarnatus est»  du Credo, avec sa ligne solo raffinée richement chantée par Gianna Canete Gallo,  soutenue  par la voix des vents  si respectueux du mystère de l’être, conscients de la  présence divine.  Mais ce passage reflète  tout autant  la  pureté du  tendre amour d'une mère. C’est ainsi que fonctionne le chef-d’œuvre de Mozart: provoquer un goût bruissant d’éternité mêlé à une saisissante humanité. La  perfection est dès lors rendue visible  avec les yeux du  coeur. Le  «Benedictus» voit le  quatuor en plein essor.  Et l'orchestre et les choristes célèbrent ensemble  la vie. Sous la houlette d'Ayrton Desimpelaere:  la joie profonde qui sauve le monde, submerge les auditeurs autant que les artistes.  "In nomine Domini" le "Benedictus" sera offert en Bis!

Dominique-Hélène Lemaire

Concert du 28 mars 2019

Orchestre et choeur Pizzicato,

direction Ayrton Desimpelaere

Gianna Canete Gallo, Doris Brasseur, Pierre Derhet, Kamil Ben Hsain Lachiri

Grande Messe en ut de Mozart


Heure: 20h.

Lieu: Eglise Saint-Sixte (Genval).

Adresse: près du Centre Culturel, place communale

https://www.balademusicale-rixensart.be/

Balade musicale à Rixensart

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administrateur théâtres

Un drapeau à la Comédie Claude Volter: Le droit des enfants selon Korczak

 Mars 27, 2019 

« Le fait que Korczak ait volontairement renoncé à sa vie pour ses convictions parle pour la grandeur de l’homme. Mais cela est sans importance comparé à la force de son message. » Bruno Bettelheim

« Korczak la tête haute «  est une création de Jean-Claude Idée pour l’Atelier Théâtre Jean Vilar, jouée au Théâtre de Blocry du 12 février au 02 mars dernier, actuellement à la Comédie Claude Volter. Il en signe également les costumes et la mise en scène. On ne peut s’empêcher de penser au film de Polanski (2002) “The Pianist” mettant en scène Wladyslaw Szpilman le musicien juif qui survécu dans le ghetto de Varsovie, grâce à l’amitié d’un officier allemand qui ne partageait pas les idées nazies. Dans son autobiographie, il raconte que le 5 août 1942 Korczak: « …dit aux orphelins qu’ils allaient à la campagne, alors ils devraient être gais. Enfin, ils pourraient échanger les horribles murailles suffocantes contre des prés de fleurs, des ruisseaux où ils pourraient se baigner, des bois pleins de baies et de champignons. Il leur a dit de porter leurs plus beaux vêtements et ils sont donc entrés dans la cour deux par deux, bien habillés et de bonne humeur. La petite colonne était dirigée par un SS … » La tête haute!

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Le décor allie une bouteille de vodka à moitié vide, cachée sous un lit, une maigre couverture militaire, trois chaises de fer autour d’une table où l’on voit Korczak en train d’écrire. Un rosier blanc en pot trône sur l’avant- scène, tout un symbole. Près du lit, un quignon de pain et un broc d’eau… pour le rosier. Le reste est muraille nue et enfermement. Au début, un long silence profond et inconfortable accompagne le défilé dérisoire de vieilles photos d’une vie de Juste, projetée sur l’écran du mur. Le réel est tragique. Le théâtre transcende et donne du sens. C’est le propos illustré par la pièce.

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Il en a fait couler de l’encre et des larmes, ce vénérable médecin juif, pédiatre, éducateur et écrivain polonais qui a inspiré des pédagogues tels que Célestin Freinet et bien d’autres. Summerhill? Françoise Dolto? Boris Cyrulnik? Enfant d’une famille aisée, ses seuls confidents jusqu’à l’âge de 14 ans, étaient sa grand-mère et son canari en cage. De son lycée russe où il s’ennuyait atrocement, il retient les coups de fouet et l’absence totale de respect pour l’enfant. Son père atteint de folie doit être interné, il subvient aux besoins de la famille en devenant précepteur. Il se réfugie dans l’imaginaire et tient un journal. Après le suicide de son père il consacre son premier livre aux enfants de la rue. Son livre « Les enfants de salon » le rend célèbre. Il publie de la littérature enfantine très appréciée. Jeune médecin, il se retrouve en 1905 au front dans une première guerre qui oppose Russie et Japon. Il en vivra trois. En 1907, son ouvrage « Colonie de vacances » consigne ses récits et expériences de volontaire brillant et avisé comme éducateur dans les premières colonies de vacances du siècle pour enfants pauvres. « Pour changer le monde, il faut changer l’éducation. » L’auteur y relate ses surprises et ses déconvenues pour parvenir à s’entendre avec les enfants et à les aider à surmonter leurs appréhensions et leur violence. Il vit des moments pédagogiques fondateurs du métier d’éducateur et de sa future pratique pédagogique qui invente l’autogestion. « C’est au cours de ces promenades en forêt que j’ai appris à parler non pas aux enfants mais avec les enfants! ». Tout est dit. Il sera le fondateur des droits et du respect de l’enfant et mourra avec eux dans la dignité, à Treblinka. Ses écrits sont à la base de la Déclaration Universelle des Droits de l’Enfant à l’ONU.

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Alexandre von Sivers épouse parfaitement le rôle bouleversant de l’humaniste qui fonda en 1912 le Dom Sierot un orphelinat pour enfants pauvres et auquel il consacra sa vie entière. Malgré la précarité de divers déménagements jusque dans l’enfer du ghetto, il établit une « république des enfants » basée sur la « création d’environnement, d’atmosphère, de conditions positives… qui affectent l’éducation ». Par sa manière d’être, son optimisme affiché et sa bienveillance innée, Alexandre von Sivers contourne avec tact les écueils de la représentation sur scène de projets pédagogiques d’une part, d’idées philosophiques et de théorisation des droits de l’enfant de l’autre. Le comédien manie l’humour, ce chemin scintillant vers l’autre, la dérision, le chemin hors de soi, et incarne avec pragmatisme le rêve d’une société enfin meilleure. Il convainc par la délicatesse alors que l’enfer du ghetto de Varsovie porte au désespoir, voire, à l’autodestruction. Ce sont surtout les paroles de la jeune Esther Winogron qui couronnent cette œuvre palpitante de Jean-Claude Idée que l’on emporte avec soi, comme elle le fait dans l’histoire, sous forme de flambeau ou de viatique:

« Mes enfants, nous allons nous quitter.   Les  paroles  sont  faibles  pour  dire  les  grandes émotions. Ici, à part le gîte et le couvert, en principe, nous ne donnons rien aux orphelins.
Ni Dieu, car vous devez le chercher en vous-même,
Ni Patrie, car vous devez la choisir avec votre pensée et votre coeur,
Ni  Amour,  car  l’amour  est  pardon,  et  le  pardon  ne vient pas sans peine, et cette peine, vous seul pouvez la prendre, pour vous  libérer  de  la rancune.
Nous avons seulement essayé de vous faire entrevoir que le bonheur est possible,
Nous  vous  avons  donné  soif  d’une  vie  meilleure qui n’existe pas encore, mais qui existera un jour.
Cette soif de savoir, de vérité et de justice, désormais vous la portez en vous.
Et c’est cette soif qui vous conduira peut-être à Dieu, à la Patrie, à l’Amour et au bonheur.
C’est du moins ce que je vous souhaite. » 

Aux côtés de Janusz, la fidèle Stefania Wilczynska (1886-1942), sa collaboratrice pendant trente ans, évoque les souvenirs du passé. La jeune et rebelle institutrice Esther représente la fureur de vivre et l’horizon du futur. Deux points de vue opposés, mais qui se rejoignent dans l’amour entêté, la confiance et l’admiration qu’elles lui portent. Soulignons le jeu tendre et délicat de la vieille complice de Janusz Korczak, admirablement porté par par Cécile Van SNICK, et celui, plus sauvage et intransigeant dans le rôle d’Esther de la pétulante Stéphanie MORIAU.

Dominique-Hélène Lemaire

Avec Alexandre von SIVERS, Cécile Van SNICK & Stéphanie MORIAU

Mise en scène, Décors, Costumes : Jean-Claude IDÉE

Représentations du 13 au dimanche 31 mars 2019

du Mardi au Samedi à 20h15 / Dimanche à 16h

Une coproduction de L’Atelier Théâtre Jean Vilar, de la Comédie Claude Volter et de DC&J Création


http://www.comedievolter.be/korczak-la-tete-haute/

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administrateur théâtres

« 1984 » George Orwell au théâtre du Parc (Bruxelles)

Mars16, 2019

On dirait qu’après avoir extrait l’élixir maléfique de ce roman d’anticipation écrit en 1948 , Thierry Lebroux a investi le plateau avec une œuvre encore plus parlante et plus explicite … Nos jeunes, installés aux premières loges, car c’est sur eux que repose tout notre avenir, apprécieront!

D’un visionnaire à l’autre...

Si on avait la moindre tentation de banaliser le propos que Georges Orwell développe minutieusement dans son roman « 1984 », l’adaptation qu’en a faite Thierry Debroux à l’aube de la nouvelle décennie l’an 2000, brûle d’un pouvoir de suggestion et d’urgence encore plus vif que l’œuvre mère. Savamment filtrée par le mystérieux alambic du directeur du théâtre du Parc, l’adaptation retient l’essentiel et nous parle en direct et sans ambages. Elle se fonde sur notre vécu et l’observation des multiples dérives du monde abrutissant qui nous entoure. Ce ne sont plus les dérives épouvantables de l’hitlérisme et du stalinisme conjugués qui sont ici évoquées, mais celles des temps présents, que nous ne cessons de déplorer chaque jour et qui semblent projeter un horizon 2050 totalitaire, encore plus désincarné et déspiritualisé et certainement totalement déshumanisé. Le prix à payer à l’essor des technologies et de l’intelligence artificielle dans un monde hyperconnecté et à la gourmandise des puissants? Un froid glacial nous glisse dans le dos.

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Comme à la sortie du roman d’Orwell, on est à nouveau devant un faisceau d’avertissements dont on craint à juste titre qu’il soient prophétiques. Les prendrons-nous en compte, cette fois?

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Le super duo Fabian Finkels-Guy Pion a fait merveille une fois de plus. Présence théâtrale confirmée, esprit, vivacité, diction impeccable, justesse de ton, sensibilité, charisme, tout y est.Guy Pion prend habilement les habits de la « mauvaise pensée » du héros Winston, (Fabian Finkels) et sert de personnage supplémentaire à Thierry Debroux pour mettre en scène le journal intime , fil conducteur de l’œuvre d’Orwell. Coup de maître, puisque le même Guy Pion, très astucieusement vêtu du même manteau et chapeau appartenant à un siècle révolu, joue aussi le rôle d’O Brien , l’opposant au régime, ou pas… La résultante des méprises est d’autant plus glaçante. Une méprise semblable à celle annoncée dans la conclusion de « Animal Farm» (1945) la fable prophétique d’Orwell où les personnages finissent par se mélanger indistinctement dans l’esprit du narrateur. ..Et si ce splendide équipage Finkels-Pion , un véritable bijou d’art scénique, représentait par leur ensemble tellement bien huilé, l’essence charnelle et spirituelle de notre nature humaine? Quelle paire! Unique en son genre, extraordinairement vibrante et bouleversante!

De même, le formidable duo Winston -Julia (Muriel Legrand) creuse les sentiers interdits de l’amour prêt à succomber. Ou ceux de la trahison… Mention spéciale décernée au terrifiant duo mère-fille, Magda et Lysbeth Parsons, joué à la perfection par Perrine Delers et en alternance, Ava Debroux, Laetitia Jous et Babette Verbeek , aussi impressionnante que Misery, personnage de Stephen King. C’est tout dire! Pierre Longnay tient le rôle de Syme, avec conviction. La mise en scène de Patrice Mincke, alterne dialogues, chansons et les superbes chorégraphies de Johann Clapson et Sidonie Fossé. Fort heureusement, les voix humaines qui s’élèvent à travers les chants et les ballets des danseurs trouent par moment l’univers étouffant des circuits électroniques et des écrans omniprésents et convoquent notre émotion en aiguisant notre nostalgie, comme si déjà on y était, au cœur de cette détestable uchronie, où sévissent des drones de tout poil. C’est à pleurer! Et pas de rire…

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Le décor irrespirable et oppressant de Ronald Beurms est fait de monstrueux containers imbriqués au début du spectacle, dans une sorte de rubik’s cube glauque fait de métal et de bois brut comme un immense coffre-fort.

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« Morituri te salutant » Le monde ne tourne plus rond, il se bloque dans des mouvements d’abscisse et d’ordonnée, , celui d’un ordre nouveau jouant sur la verticalité et l’horizontalité ne laissant plus aucune place à la pensée, à la vie, aux courbes, à la nature, à la féminité. Les concepts sont inversés, on marche donc sur la tête. L’Amour n’est plus, vaincu par la Haine que l’on se doit de vénérer en groupes. Elle est érigée en principe de vie dès le plus jeune âge, la dénonciation d’autrui étant devenu le modus vivendi. Vivre ou mourir, quelle importance? La seule raison d’exister est de servir Big Brother ou vous êtes vaporisé. Le monde n’a plus aucune notion de paix puisqu’il est en état de guerre perpétuelle. La liberté, même celle inscrite au plus profond de nos rêves est mise hors la loi. Le langage, à long terme est appelé à disparaître, pour empêcher toute ébauche de critique du régime politique en place. L’inoffensif terme «Monsieur» est même en passe de disparaître du dictionnaire. Tout comme l’amour, le vin, la musique, les parfums et Shakespeare. C’est l’avènement d’un langage épicène visant à l’extinction de la pensée. «Big Brother »vise à ce que les citoyens soient rendus à une existence de moutons coupables, dociles et décérébrés. Happy End.

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Applaudir ou ne pas applaudir? Là est la question. On applaudira à tout rompre, mus par la pertinence et la beauté du spectacle, sa créativité parfaitement aboutie et l’élan vital et spirituel qui nous habite encore.

Dominique-Hélène Lemaire

« 1984 »

Du jeudi 7 mars 2019 au samedi 6 avril 2019

Avec : Perrine DELERS
Julie DIEU
Béatrix FERAUGE
Fabian FINKELS
Muriel LEGRAND
Pierre LOGNAY
Guy PION
les enfants Ava DEBROUX, Laetitia JOUS ou Babette VERBEEK

Ainsi que les figurants:
Pauline BOUQUIEAUX, Johann FOURRIÈRE, Laurie GUENANTIN, Vanessa KIKANGALA, Barthélémy MANIAS-VALMONT, Romain MATHELART, Franck MOREAU et Lucie VERBRUGGHE.

Mise en scène : Patrice MINCKE

Assistanat : Melissa LEON MARTIN
Scénographie et costumes : Ronald BEURMS

Éclairages : Laurent KAYE

Vidéos : Allan BEURMS

Musique originale : Laurent BEUMIER
Maquillages : Urteza DA FONSECA

Chorégraphie : Johann CLAPSON et Sidonie FOSSÉ

Crédit photos: ZvonocK

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Basée sur le roman Mille neuf cent quatre-vingt-quatre de George Orwell (Copyright, 1949), avec l’accord de Bill Hamilton, ayant-droit du patrimoine littéraire de la défunte Sonia Brownell Orwell.

Une coproduction du Théâtre Royal du Parc, du Théâtre de l’Eveil et de La Coop asbl.

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administrateur théâtres

Jeanne avec Nicole Croisille au Centre Culturel d’Auderghem

Solitude, cynisme,  paranoïa, tendresse quand même…

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Jeanne : un rôle de femme qui n’a pas peur de dire ce qu’elle pense ! Marin : un rôle de jeune-homme mal dans sa peau, déconnecté de tout, au bord de la faillite relationnelle, mais  mû par la force de la vie. Craquant comme un bouton d’or au printemps. L’or de scène où coule une énergie de Don Quichotte qui va à l’encontre de la violence sociale qui enferme les aînés dans des prisons de silence et de désintérêt général. L’or de l’espoir qui se mêle de changer quelque chose  au désert d’une vie  bas de gamme. L’or  de la patience à l’épreuve d’une femme de fer qui tantôt vitupère tantôt crie au loup et hallucine. …Sa tanière est pourtant protégée d’une série impressionnante de verrous.  La « vioque » comme elle se nomme sans détours, vit dans une tour au 23e étage, cernée  par  l’infini du ciel et de ses nuages libres et gracieux, où elle espérait rêver le bonheur. Elle  ne sort à peu près plus, passant  ses heures à découper en bandelettes des magazines publicitaires, travail de souris qui détricote  une vie. Une vie de secrétaire exemplaire, objet de désir et de luxure  pour un  patron sans amour. Une femme  atteinte d’une maladie rare incidemment jetée  de la société où elle a passé toute sa vie. Un baiser perfide  sur la joue, une coupe de mousseux et des pistaches qu’elle déteste comme A Dieu.

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La rencontre improbable avec le jeune homme s’est faite  à l’occasion d’une action électorale de la mairie, qui  s’est mise à proposer divers services sociaux  aux démunis de l’arrondissement,   visées électorales  très peu dissimulées à la clef. Le personnage stéréotypé de l’assistante sociale (Florence Muller) est conçu pour provoquer le rire. On rit moyennement. D’un rire un peu jaune, un peu délavé. Trop de répétitions. L’auteur veut ratisser trop  large.

La mission du jeune homme providentiel est de  porter des repas aux vieux du quartier. Pour Marin, c’est l’occasion de tisser de chaque côté du plateau une relation d’intimité. Une première dans sa vie de nul,  transparente et fade.  Voilà une Jeanne qui se livre comme jamais elle ne l’avait fait et  le livreur de repas  se rassasie enfin de confidences vraies, pour la première fois de sa vie, découvrant  avec émerveillement le cheminement du bonheur et de l’échange. C’est le plus beau de l’histoire. Prendre un râteau pour déblayer une fin …de plus en plus noire, mais apprécier pleinement la chute inattendue.

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Nicole Croisille est loin de sa chanson… « Parlez-moi de lui » ! En jupe plissée écossaise, elle rentre ici dans le type grinçant des octogénaires d’Agatha Christie et s’en  trouve fort bien : Tatie Danielle, en moins coriace, en plus friable. Mais le jeune homme? Le charismatique Charles Templon, bourré d’humour, sterling gold?   Il  incarne  un personnage immaculé et succulent, pétri de bienveillance, d’écoute de l’autre, de respect, d’empathie et de joyeuse humeur, à l’opposé de la dame 100% caractérielle, perverse et manipulatrice qui hante les lieux.  » Pourquoi vous vivez seule d’ailleurs ? » la question cruciale. Adroite mise en scène de Jean-Luc Revol du texte  Jean Robert Charrier dans des décors de Sophie Jacobs et des costumes de Michel Dussarat. Aux lumières, François Menou et à la sono, Bernard Valéry pour alterner réalité et passages des songes à travers le miroir de l’âme.  

Dominique-Hélène Lemaire

JEANNE


Du mardi 12 au samedi 16 mars
 2019 à 20h30 et le dimanche 17 mars 2019 à 15h

Une pièce de Jean Robert-Charrier
Mise en scène : Jean-Luc Revol
Avec : Nicole Croisille, Charles Templon, Florence Muller, Geoffrey Palisse
Décors : Sophie Jacob
Costume(s) : Michel Dussarrat
Lumières : François Menou
Musique : Bernard Valéry
Durée : 1h40

 http://ccauderghem.be/index.php?mact=Agenda,cntnt01,DetailEvent,0&cntnt01id_event=229&cntnt01returnid=65

Réservation par téléphone : lundi, mercredi, jeudi et vendredi de 11h à 17h, le mardi de 11h à 15h et le samedi de 10h à 14h. 02/ 660 03 03

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administrateur théâtres

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L'ouverture du canal de Suez au Caire intervient à un moment où l'Occident se passionne pour l'Égypte, lorsque la civilisation pharaonique et  celle l'Égypte moderne réformée par le vice-roi Méhémet Ali et ses successeurs ont été redécouvertes par Champollion. En prévision de l'inauguration d'un nouvel opéra au Caire, le compositeur Giuseppe Verdi (1813-1901) a écrit «Aïda» d'après un article de l'égyptologue français Auguste Mariette. Les décors continuant à être bloqués à Paris à cause de la guerre franco-prussienne de 1870, la première représentation ne put avoir lieu que le 24 décembre 1871 dans le tout nouvel opéra du Caire.

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  Il mettait en scène l’Égypte de l'antiquité et des peuples voisins  pris dans les tirs croisés d’un conflit international. L’Aïda de Verdi, le plus grand des grands opéras, parle d’amour passionné, de jalousie, de trahison, de vengeance, de guerre et  d'amour filial et patriotique. La haine versus le pardon et la soumission à la tyrannie des dieux pour tous. Le noyau de l'intrigue est un triangle romantique où bouillonne  un conflit impossible à éteindre. 

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Aïda, l'esclave éthiopienne, a été contrainte de choisir entre trahir son pays et trahir son cœur. Il en va de même pour son amoureux, le brillant capitaine grec Radames, chargé de diriger l’armée égyptienne. Au combat, il a capturé le père d’Aïda, Amonasro, roi d’Éthiopie, et est revenu triomphant en Égypte, où  l'on lui donne pour récompense  la main d’Amneris, la fille du pharaon, aspirant à réaliser ses rêves de jeune fille. Quelque part, dans l’épaisseur d’une forêt éclairée par la lune, le père d’Aïda exhorte sa fille à faire pression sur Radames pour qu’il  lui dévoile ses secrets militaires. Dans cette performance de Liège en 2019, le rôle est  tenu par le baryton belge éclatant aux magnifiques résonances,  Lionel Lhote, qui joue avec une noblesse naturelle et n’a pas besoin de forcer les notes. C'est lui qui force l'admiration. Aïda rêve de fuir avec son amant vers son Ethiopie bien-aimée

 O fresche valli, o queto asil beato
Che un di promesso dall’amor mi fu
Or che d’amore il sogno è dileguato
O patria mia, non ti vedrò mai più.
Oh patria mia, mai più ti rivedrò!

… et lui fait  trahir son pays en le forçant à lui révéler les déplacements de ses troupes. Malheureusement, Amneris a entendu l'échange et Radames est arrêté par les prêtres. Amneris, qui l'aime toujours, plaide pour lui offrir la liberté en échange de son amour, mais Radames refuse, choisissant un destin mortel. À la fin de l'acte IV, Aïda, qui s'est cachée dans la tombe, partage le  triste sort de son amant et prie pour l'immortelle félicité de leur amour… Aïda, mourant à son tour, implore les dieux pour  que  passage de Radames  vers le  paradis  se fasse dans la paix. Amneris, en sanglotant dans son palais, quelques étages au dessus de la tombe, réitère le dernier et le plus puissant mot de Verdi: Paix! Une déclaration politique? Un ultime cri d'amour?

Le célèbre opéra mis en scène pour la première fois à Liège  cette année,   a pris dès l'ouverture ciselée avec douceur infinie par la chef d'orchestre, Speranza Scappucci, une allure à la fois spectaculaire et  pleine de profondeur,  tant  musicalement que visuellement.

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Le grand choeur verdien, préparé avec soin par Pierre Iodice, était bien sûr essentiel à la qualité du spectacle grandiose  que tout le monde attendait avec impatience. La variété saisissante des registres,  les  mouvements hiératiques et  la  présence inquiétante  de  l'ensemble était renforcée par de magnifiques costumes rutilants signés Fernand Ruiz et les décors mobiles de Jean-Guy Lecat. Une chorégraphie soignée de Michèle Anne de Mey ( Kiss and Cry) évoluait sous les savants  éclairages de Franco Marri. La danse éblouissante des prisonniers éthiopiens devant la fille de Pharaon,  par des danseurs circassiens évoluant à travers un cerceau gigantesque, a été  l’un des moments inoubliables sur le plan visuel: un jeu insistant d'un homme et de deux femmes en pleine voltige.  Dans les  grands ensembles vocaux, le chœur  a produit  des lignes harmoniques impressionnantes servant de cartouche idéal pour que  la distribution exceptionnelle ( à la première du mardi soir en tout cas)   puisse  afficher avec bonheur  son savoir-faire chatoyant et l' intensité intime des sentiments humains exacerbés.

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Le commandant grec Radames, séduisant à souhait, chanté par le vibrant Marcello Giordani au timbre  plein de santé et  joie de vivre résonnant avec vigueur, affiche une musicalité tout à fait poignante. Son "Celeste Aida",  dont la partition  est marquée pianissimo et morendo ( sur le point de  mourir) était tout simplement à couper le souffle,  répandant dans la salle un silence admiratif.  Avec ce personnage, le texte et la musique rappellent immédiatement  la terrible épreuve d’Antigone, l’héroïne grecque,  puisque Radames subit exactement le même sort: être enterré vivant, être obligé de dire adieu à la lumière sacrée tant aimée et  pénétrer  au royaume des ombres éternelles de l’enfer. La scène véhicule un terrible sentiment d’injustice, quelles que soient les questions politiques évoquées par l'opéra.

Nino Surguladze a chanté Amneris, la fille du pharaon, habillée avec somptueuse  élégance et prête à user de toutes les ruses pour arriver à ses fins. Son implication théâtrale  est exemplaire, interprétant méticuleusement tous les gammes de  sentiments d’amour, de jalousie, de haine, de colère et de détresse. Le public  a ainsi pu vivre  des moments de pure beauté et de plaisir. L’interprétation très exigeante de la partition acrobatique  d’Aïda a été mise en vedette par Elaine Alvares, pleinement engagée, qui a incarné les complexités théâtrales du personnage principal avec un équilibre dramatique et un lyrisme  époustouflants. Elle s'est révélée être une experte passionnée de la dualité, de la lumière et de l'ombre,  semant partout su le plateau les  incessantes contradictions  des sentiments amoureux auxquels elle était confrontée.

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La très intéressante mise en scène de Stefano Mazzonis di Pralafera, associée à la puissante direction très affirmé et sensible  de Speranza Scappucci, a fait briller le chef-d’œuvre de Verdi comme nulle autre. Elle a excellé dans la création d'ambiances, le rythme des musiciens, la mise en valeur des interludes et des ballets, suscitant des teintes mystérieuses et exotiques. Elle a livré la complexité de l’âme humaine, soutenant les chanteurs et donnant aux mélodies intemporelles de Verdi toute leur couleur et leur gamme d’émotions. Sa connaissance des intentions profondes et de la «théâtralité» de Verdi, ainsi que sa propre compréhension du chef-d’oeuvre, extraient chaque goutte de drame  né de la partition et du livret conjugués, avec un sens impeccable de la dynamique et des tempos.

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 Enfin, Stefano Mazzonis di Pralafera a réussi à maintenir un équilibre parfait et fort imaginatif entre l’apparat monumental égyptien et la tragédie, en rendant les scènes de solistes intimes d’autant plus pertinentes et saillantes, ce qui semble avoir été l'objectif premier de Verdi. En évitant tout signe de  grandiloquence, il a généré un faisceau de tensions palpitantes, tout en fouillant délibérément dans les couches les plus profondes du cœur humain. Il convient également de  mettre en lumière  le rôle du Messager interprété avec  brio  par le splendide  Maxime Melnik, jeune ténor belge, et celui du grand prêtre glacial et rigide, habilement interprété par Luca Dall’Amico, basse. Et enfin, devrions-nous mentionner qu'une double  distribution  est indispensable pour un tel chef-d'œuvre? Les deux  tout aussi brillantes, l'une que l'autre, semble-t-il.

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Dominique-Hélène Lemaire

"Des costumes qui sont pour les yeux une ivresse ; Des femmes dont les dents et les ongles sont teints, Et des jongleurs savants que le serpent caresse. » Charles Baudelaire

Opéra Royal de Wallonie-Liège

26 février> 14 mars 2019

 

Opéra Royal de Wallonie-Liège

Speranza Scappucci

Direction

Stefano Mazzonis di Pralafera

Metteur en scène

Jean-Guy Lecat

Décors

Fernand Ruiz

Costumes

Elaine Alvarez

Soprano

Aida

févr. 26, 28, mars 03 mat, 07, 09

Donata D'Annunzio Lombardi

Soprano

Aida

mars 01, 05, 10 mat, 12, 14

Marcello Giordani

Ténor

Radamès

févr. 26, 28, mars 03 mat, 07, 09

Arnold Rawls

Ténor

Radamès

mars 01, 05, 10 mat, 12, 14

Nino Surguladze

Mezzo-soprano

Amneris

févr. 26, 28, mars 03 mat, 07, 09

Marianne Cornetti

Mezzo-soprano

Amneris

mars 01, 05, 10 mat, 12, 14

Lionel Lhote

Baryton

Amonasro

Luca Dall'Amico

Basse

Ramfis

Luciano Montanaro

Basse

King of Egypt

Tineke Van Ingelgem

Soprano

Priestess

Maxime Melnik

Ténor

A messenger

Chœur de Opéra Royal de Wallonie-Liège

Orchestra de Opéra Royal de Wallonie-Liège

 

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administrateur théâtres

La Gioconda à la Monnaie jusqu'au 12 février 2019

Une prodigieuse « Cloaca Maxima » vénitienne à la Monnaie!

 Février 9, 2019 


Olivier Py qui revient pour la cinquième fois à la Monnaie, aime travailler à contre-courant.   Les   merveilleuses scènes et effets de lumière de Canaletto sur les rives du Grand Canal bordées de palais Renaissance et gothiques ? On oublie ! Adieu même à « Mort à Venise» et  l’impressionnant sens de la beauté de Thomas Mann traduit par l’inoubliable réalisateur Luchino Visconti (1971) dans son film éponyme. Voici le Crépuscule des Êtres Humains dans un opéra en forme de polar, où le Mal l’emportera définitivement. Du début à la fin, le désir brutal, le pouvoir phallocratique et la luxure  étouffent la scène dans  un monde souterrain et  sinistre.

 L’enfer à petite échelle : le sexe et la mort dansés, mimés, chantés  comme s’il fallait en faire un mode de vie ! Le carnaval se traduit par danse macabre.   Des actes plats, sans préliminaires ni réflexions posthumes, exposant  leur  urgence brute et  définitive. Le décor choisi est  le grand égout de Venise, avec ses murs sombres et sans fin et le bord glissant et dangereux de choses qui transpire de partout. Les gondoles se sont transformées en cercueils.


Roberto Covatta, Scott Hendricks & Ning Liang – La Joconde par Olivier Py (© Baus)

Finalement, deux gigantesques bateaux de croisière, ruisselants de lumière  seront de passage  à travers le cloaque rempli d’eau où pataugent les artistes,  question de  rappeler brutalement que Venise, pendant des siècles, le cœur même de notre culture occidentale, a toujours été  menacée par de  perfides appétits. Ou est-ce Venise elle-même qui est le mal? Olivier Py et Pierre-André Weitz (scénographie et costumes) ne mâchent pas leurs mots et  avancent que « La beauté de Venise, c’est la mort, la grandeur de Venise, c’est le déclin, la puissance de Venise, c’est le Mal ».  Le déclin inexorable  de l’Europe des Lumières qui a créé l’esprit  du progrès et le rejet de l’obscurantisme   les conduit apparemment à cette triste déclaration. Une déclaration encore plus évidente  se fait   dès  l’ouverture de l’œuvre, sous la forme d’une  baignoire (de l’époque nazie?) dans laquelle un gnome,  un joker, ou un clown  subit le supplice de l’eau  mais que sarcastiquement cela ne dérange même pas! Ce personnage muet, le Mal ex machina,  prendra de la puissance, grandira en taille et en nombre tout au long de l’action. Image de choc: entre de mauvaises mains, l’eau que l’on pense naturellement être  source de vie,  peut provoquer la mort de toute personne  soumise à son pouvoir meurtrier.  « Du pain et des jeux »  réclame la foule: «Viva il doge e la republica!». Que le doge soit ogre ou pantin, la boucle du Mal est refermée.

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À  l’époque, Amilcare Ponchielli était considéré comme le plus important compositeur italien de la génération après Verdi, mais nous le connaissons aujourd’hui principalement pour La Gioconda, et en particulier pour son célèbre ballet, «La danza delle ore». L’histoire, basée sur «Angelo, le tyran de Padoue» de Victor Hugo, se déroule dans une Venise du XVIIe siècle, où complots et régates forment la toile de fond des heurs et malheurs  de la belle chanteuse La Gioconda (l’immense soprano Béatrice Uria-Monzon). Harcelée par Barnaba (le puissant baryton Franco Vassallo),  noir espion de l’Inquisition, la jeune femme a tout sacrifié pour sauver Enzo (Stefano La Colla), l’homme qu’elle aime et  va jusqu’à sauver  sa rivale, Laura, la femme dont  lui  est  amoureux. Elle est mariée à Alvise Baldoèro, un des chefs de l’Inquisition vénitienne.  Sa complainte dans l’Acte III, scène 5 explique son désarroi et son courage «  O madre mia, nell’isola fatale frenai per te la  sanguinaria brama di reietta riva. Or più tremendo è il sacrifizio mio .. o madre mia, io la salva per lui, per lui che l’ama!»  Gioconda  parle de l’indicible  à l’acte IV, scène 2,  dans  l’air déchirant «Suicidio», dont elle donne une  version échevelée et bouleversante.  » Sa seule issue pour tenir parole.
« La Gioconda en un seul mot, ce serait « agapè », en grec. Elle possède ce grand amour inconditionnel qui n’attend rien en retour, entièrement dévoué à l’autre. » explique Béatrice Uria Monzon.

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Pendant ce temps, le tout puissant et pervers Barnaba  utilise La Cieca, sa  pauvre mère aveugle, pour faire chanter La Gioconda, qu’il souhaite soumettre à son désir. Ne parlons pas d’amour !  Il a même  l’idée de la faire juger comme une sorcière méritant d’être brûlée. … Mais « Ne sommes-nous pas toutes des filles de sorcières que vous avez brûlées ? »  Quoi qu’il en soit, Barnaba est déterminée à la détruire car elle incarne  l’amour maternel inconditionnel le plus pur  et  ose entretenir des relations des plus pieuses avec Dieu. On la voit comme  une créature divine délicate, ressemblant à une  statuette de femme de la dynastie Tang, chantée par la contralto angélique Ning Liang. Son air céleste dans le premier acte «Voce di donna o d’angelo» résonne  comme  un élixir d’innocence et de bienveillance et de sagesse. C’est ainsi que  le metteur en scène Olivier Py nous propose un opéra noir de bout en bout.

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En outre, la scène 2 de l’acte III n’est pas sans rappeler des visions affreuses d’un Othello en furie. Nous savons que Victor Hugo aimait Shakespeare. “Invan tu piangi, invan tu speri, Dio non ti puo esaudir no! in lui raccogli in tuoi pensierei preparati a morir! » chanté par Alvise Badoèro, le mari de Laura. Superbes graves de la basse Jean Teitgen. Mais la pauvre épouse est cyniquement contrainte d’avaler elle-même le poison sur fond de chœurs d’enfants en voix off!  Heureusement cette invention de  Victor Hugo dans la célèbre scène de jalousie,  sauvera celle que le mari en colère n’a pas étranglée de ses mains  fumantes de haine et de vengeance.   

La musique enfin, s’offre comme un immense soulagement…  Elle  forme un contraste saisissant et magnifique avec l’atmosphère  délétère de l’action,  produisant  des grappes juteuses  de passion et de vie. Une  beauté torrentielle et puissante, bouffée d’air dans l’environnement toxique. Un tour de force grandiose pour supporter toute cette noirceur. Ou alors lisez un thriller style la trilogie mongole  Yeruldelgger avant de venir, pour amortir le choc.   Le flamboyant « grand opera all’italiana » est dirigé par Paolo Carignani avec une double distribution  exceptionnelle pour les six rôles principaux, tous  terriblement exigeants, la partition étant redoutable.

 Le public est complètement  emporté  par la qualité de l’orchestre, ses textures Verdiennes élaborées et ses harmonies véhiculant une gamme stupéfiante de sentiments, allant de la peur viscérale  à la mort, en passant par le suicide, mais décrivant également les différentes affres d’amour ressenties par tous, à l’exception de  Barnaba. Les performances répétées des choeurs (Martino Faggiani) sont à couper le souffle, de même que celles des danseurs de ballet, tandis que les six solistes sont tous  également  resplendissants dans leur interprétation parfaite des sentiments romantiques fracassants.  Une  galerie  étincelante a pris vie  au cœur de la Cloaca Maxima vénitienne!

 IL FAUT QUE LE DRAME SOIT GRAND, IL FAUT QUE LE DRAME SOIT VRAI.— VICTOR HUGO


Dominique-Hélène Lemaire

Du 29 janvier au 12 février 2019

crédit photos © Baus

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« Faust » de Gounod à la cité ardente (ORWL) jusqu’au 2 février 2019

Pertinent et spectaculaire: « Lasciate ogne speranza, voi ch’intrate » Comme dans l’Enfer de Dante, le vieux docteur Faust a tout perdu : amour, espoir et foi.  Sa vie consacrée à l’étude et à la recherche n’a pas réussi à révéler le sens profond de l’existence humaine et il est sur le point de boire une  coupe de poison, appelant la mort à l’aide. « Maudit soit tout ce qui nous leurre ! » Là-dessus, Méphistophélès apparaît « Me voici ! »


On découvre les gémissements de l’alchimiste au pied d’un tas de décombres, une montagne de livres et de documents sertis comme dans un bijou brisé, un immense anneau domine la scène et  nous rappelle l’histoire terrifiante du pendule d’Edgar Poe. Le cercle de fer est gigantesque et se  meut sur lui-même comme une malédiction, il s’ouvre comme une gueule béante,  se relève et redescend changeant de perspective tout au long du spectacle. Est-ce l’un des cercles de l’enfer de Dante ? Le décor est tout sauf de la bouffonnerie. Ceux qui considèrent le Faust de Gounod comme une histoire d’amour bourgeoise inintéressante ou un divertissement comique auront tort. L’ensemble de la production est conçu comme une puissante peinture des vanités.

Accueillir Stefano Poda dans la maison liégeoise  avec sa mise en scène totalement polysémique a été un pari réussi. C’est un alchimiste ! Tout est synonyme de recherche esthétique. Poda recherche la perfection et la pureté comme dans une  fabrication d’Ikebana.

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Surtout quand l’anneau est rempli de deux structures arborescentes blanches qui ne se touchent jamais.  Son art de la mise en scène est  abstrait, philosophique et transcendantal.  Poda déborde d’un symbolisme visuel saisissant. L’image du cercle peut nous rappeler le cercle de la vie,  la notion circulaire du temps, les saisons, le mouvement des étoiles et des planètes, mais aussi l’esclavage humain ou les prisonniers enchaînés avec les fers au col et aux jambes, ou un anneau qui scelle entre deux êtres un pacte comme  les  liens du mariage, préfiguration de celui avec Dieu. A tout prendre, on choisit plutôt le Créateur pour l'alliance,  que  le Diable.

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 La mise en scène, l’interprétation et l’implication du public sont fortes. Le Faust de Gounod désire par dessous tout la jeunesse car  elle englobe tout : la richesse, la gloire, le pouvoir.  « Je veux un trésor qui les contient tous ! » Méphistophélès convainc Faust de signer son contrat en ne lui montrant qu’un mirage de beauté, de grâce et de jeunesse : Marguerite. La fleur même qui symbolise les « Je t’aime »  que l’on effeuille légèrement.

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D’abord séduite par les fleurs de  Siébel, l’attention de Marguerite sera vite  détournée par le coffret à bijoux.  L’humble et naïve jeune femme sera séduite, abandonnée et tuera ensuite  l’enfant à qui elle a donné naissance faisant d’elle une infanticide condamnable à l’échafaud. La société bourgeoise de l’époque de Gounod méprisait les enfants nés  hors  du mariage, et un terrible opprobre pesait sur toutes les filles-mères, qui ne pouvaient  continuer à vivre avec leur famille, ce qui signifie qu’elles  finissaient par se prostituer.  « Ne donne un baiser, ma mie, Que la bague au doigt !…. » Aujourd’hui, nous ne sommes plus d’accord avec des approches aussi sombres et malveillantes, mais  nous connaissons  des endroits dans le monde  où l’on condamne  les filles  apparaissant en public non voilées…

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Stefano Poda dirige tout : la mise en scène, les décors, les costumes, la chorégraphie et l’éclairage, ce qui donne un sentiment d’unité captivante.  Les mouvements de masse  sont construits en lignes d’une fluidité extraordinaire, même si chaque individu dansant est pris de mouvements saccadés, presque  névrotiques, articulés  en  gestes déconnectés qui  rendent palpable  l’image  d’une  société robotisée. On croit voir à travers tout cela, les anneaux d’un immense serpent, ce lui qui présidait à la tentation originelle.


  L’orchestration fougueuse et romantique de Patrick Davin  s’avère  très pittoresque et efficace, menée avec beaucoup d’assurance et d’attention aux détails, avec une vivacité frénétique pour correspondre aux mouvements de masse et aux scènes chorales comme la Kermesse ou la Valse du second acte. Il dépeint avec flamboyance les démons déchaînés  qui assaillent Marguerite alors qu’elle va prier dans l’acte IV, et cisèle comme un orfèvre le magnifique ballet de la Nuit Walpurgis.


Le chant guerrier « Gloire immortelle de nos aïeux »  est franchement  cynique, avec des soldats lourds de souvenirs sanglants,  revenant de la guerre mais disparaissant les uns après les autres! Et puis la musique devient une déferlante  sarcastique qui accompagne un cercle de femmes enceintes tenant des ballons noirs flottants pendant que Méphistophélès leur rend  une diabolique visite ! Mais il met aussi très  habilement en valeur les magnifiques voix  qui soutiennent le chef-d’œuvre.


Le  Faust de Marc Laho, est une voix forte et déterminée avec un timbre clair  et sonore surtout lorsque le diable l’a « rajeuni !». Il chante avec une aisance et un style parfaits et une diction impeccable. A ses côtés,  Anne-Catherine Gillet chante d’abord  comme une sylphide évanescente. Elle rayonne de jeunesse, de joie, d’amour, de passion  mais  devient redoutable de puissance quand elle est cernée par le  désespoir. Ce n’est plus Faust, mais Marguerite qui est devenue le personnage bouleversant de cet opéra. Son dernier souffle la conduit par  escalades vocales vertigineuses  vers le ciel où elle est accueillie en héroïne tragique par les anges et les séraphins dans des sonorités d’orgues de cathédrale La diction de Méphistophélès n’est certainement pas parfaite, mais le très apprécié et brillant  Ildebrando D’Arcangelo   puise sa  force  au  cœur des ténèbres, et de sa superbe voix de basse, il projette de façon stupéfiante  l’aridité d’un esprit manipulateur passionné.  Il joue de l’ironie: «  Si le bouquet l’emporte sur l’écrin, je consens à perdre mon pouvoir ! » Et Marguerite revêtira donc le manteau de diamants et de miroirs!   Valentin s’avère être un autre rôle intense. Il est chanté par Lionel Lhote, qui,  parti à la guerre, laisse sa sœur sous  la garde de l’adorable Siébel, chanté avec ferveur amoureuse, presque angélique  par Na’ama Goldman. A son retour,  pris d’une rage aveugle inspirée par le Démon, il défiera Faust en duel, pour avoir mis sa sœur enceinte et mourra au premier coup de pistolet.


La  truculente femme fatale,  Dame Marthe est endossée par Angélique Noldus, qui joue désespérément les coquettes avec le diable qui la rejette, mais nous ramène par petites touches à la vie nocturne illicite  des bourgeois du  temps de Gounod. Kamil Ben Hsaïn Lachiri dans le rôle de Wagner. Pierre Iodice: chef des Choeurs de l'Opéra royal de Liège. 


Dominique-Hélène Lemaire 

Du 23 janvier au 02 février 2019 à l’ Opéra Royal de Wallonie-Liège, et  le 8 février à Charleroi

Durée 210 minutes (entractes compris)

Opéra en cinq actes
Musique de Charles Gounod (1818-1893)
Livret de Jules Barbier & Michel Carré
D’après le poème de Goethe
Créé à Paris, Théâtre Lyrique, le 19 mars 1859

Direction musicale: Patrick Davin
Chef des choeurs: Pierre Iodice
Mise en scène, Décors, Costumes, Chorégraphie et Lumières: Stefano Poda
Assistant Mise en scène, Décors, Costumes, Chorégraphie et Lumières Paolo GianiCei

Avec
Anne-Catherine Gillet/ Marguerite
Na’ama Goldman / Siébel
 Angélique Noldus/ Marthe
Marc Laho/ Faust
Ildebrando D’Arcangelo/ Méphistophélès
Lionel Lhote / Valentin
Kamil Ben Hsain Lachiri / Wagner

Production :
Fondazione Teatro Regio de Turin
Opéra de Lausanne
New Israeli Opera de Tel Aviv 

Photos offocielles

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administrateur théâtres

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Pour dénouer, il faut du doigté. Peindre, écrire, jouer de l’instrument ou monter sur scène. Honorer ses promesses…


Sa pugnacité légendaire et ses choix audacieux comme avocat l’avait fait surnommer le « Jacques Vergès belge » . Cette pugnacité, il l’avait acquise très jeune, en triomphant de la tuberculose, qu’il contracta à 19 ans. Il dut quitter subitement le cloître familial pour celui tout aussi sévère de l’ hôpital. Une maladie qui exalte ceux qui luttent contre elle. La montagne magique. A peine guéri, il adhère au parti communiste, et, en mai 68, fait partie de ceux qui lanceront l’occupation de notre université: Alma Mater.

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Avocat haut en couleur… Rouge. Ténor et enfant terrible du barreau bruxellois, virtuose de la formule, fervent défenseur des droits de l’homme, il tenait des propos incendiaires sur les prisons et leur inutilité. A son arrestation en 1979, accusé d’avoir aidé son client François Besse, un ancien lieutenant de Jacques Mesrine, à s’évader du Palais de Justice, sa fille Catherine, future violoniste et comédienne a 9 ans. Déjà jeune femme turbulente.

Comme dans « L’atelier rouge » de Matisse, trente ans plus tard, Catherine égrène le sable de souvenirs empressés, mi-nostalgiques, mi ironiques, elle dispose les reliques de son père sous le rétro-projecteur et fait chavirer les cœurs. Du bout des doigts. Avec délicatesse, les yeux rivés dans ceux des spectateurs, comme si elle-même était à la barre. En pinçant les cordes du passé, pour respirer à l’air libre… En se jouant de tous les enfermements.

Comment se reconstruire quand la mort d’un père détruit? L’écriture sauve. Comment échapper aux griffes du passé? Au sentiment d’étouffement. Ah la figure paternelle immense et l’admiration, inconditionnelle…. Ah! L’histoire familiale truffée de murs d’en face, de police, de gardiens de prison! Un labyrinthe truffé d’ impasses mais de résilience tenace, malgré une nouvelle maladie de fin de vie qui s’acharne sur le corps, alors que l’esprit danse encore le sirtaki! Sur Scène, c’est la Grèce des vacances heureuses qui prend le pas et fait vibrer le cœur. La lutte engagée contre les colonels… La danse, comme viatique, comme étendard, comme signe de ralliement. La Danse, comme chez Matisse. Déjà les larmes perlent au bord des paupières! C’est toute notre jeunesse qui palpite. Notre père qui aime Zorba et se joint à son rythme. C’est une prison que l’on démolit, la musique du violon qui déchire les mots évanouis et arrache la dernière grille avant de la jeter dans un container. Une musique qui ensevelit comme une dernière caresse.

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La vie peut recommencer. comme le printemps après l’hiver. L’œuvre du grain qui ne meurt jamais. La foi dans l’immortalité du lien et, enfin, sa légèreté. La paix qui en résulte. L’œuvre sur scène, un cadeau que l’on porte de place en place. Un prix du meilleur seul en scène qui ne cesse d’émouvoir et de guérir. Mais est-elle vraiment seule? Merci Catherine Graindorge.

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Dominique-Hélène Lemaire 

Du 16 au 27 janvier 2019

Comédie Claude Volter

TEASER ICI Avenue des Frères Legrain, 98 1150 Woluwe-Saint-Pierre

http://www.comedievolter.be
secretariat@comedievolter.be


Création au théâtre des Tanneurs

Une coproduction du Théâtre Les Tanneurs et du Théâtre de Namur

De et avec Catherine Graindorge 
Collaborateur artistique Bernard van Eeghem

 Dramaturgie Jorge León
Composition musicale Catherine Graindorge 
Création son Catherine Graindorge et Joël Grignard
Création lumière Gaëtan Van den Berg
Création vidéo Elie Rabinovitch
Costumes Marie Szersnovicz
Direction Technique Gaëtan Van den Berg

Avec le soutien du Théâtre des Doms

NDLR.

L'une des grandes figures du barreau dans les années 90, l'avocat Michel Graindorge est décédé en 2015 à l'âge de 75 ans des suites d'une longue maladie. Souvent qualifié "d'avocat engagé", il a notamment défendu Roberto D'Orazio, le père Samuel, et les familles des paracommandos tués au Rwanda. Il avait été aussi un acteur important dans l'affaire des tueries du Brabant.

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administrateur théâtres

Orfèvrerie française...

Paris à Bruxelles au Centre Culturel d’Auderghem chez André Baccichet. Il a choisi « La leçon de danse », une œuvre de Marc Saint Germain (« Dancing Lessons ») .  A l’affiche, Andréa Bescond, réalisatrice du film « Les chatouilles »  doté de plusieurs  nominations bien méritées aux César  2019.  Et le comédien chevronné Eric Métayer. Leur mise en scène d’une belle force à la fois dramatique et comique, creuse finement   le terrain de la sensibilité commune pour mettre comédiens et public sur une même longueur d’ondes.  

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 Dans le même immeuble,  deux fusibles de même voltage se rencontrent, cela fait des étincelles, avant de … filer doux ! Ils s’appellent Senga et Adémar. Voilà vous savez tout.  Dans cette agréable comédie néoromantique, les larmes deviennent des éclats de rire et on touche  à la fibre de l’humanité. Ce fil que tiennent les moines bouddhistes en guise de prière…

Le (vieux) garçon est autiste Asperger, la (jeune) danseuse est menteuse à en mourir. L’alternance de comique et de tragique, ne fait pas perdre l’objectif : le bonheur sans paroles. La danseuse est estropiée et peut sans nul doute faire une croix sur sa carrière, mais refuse la réalité. L’ Asper ne respire que les statistiques, prend tout au premier degré. Il est prof de sciences et ne supporte pas qu’on le touche. Or, il va être confronté à une soirée donnée en son honneur où il sera obligé de danser! Les travaux d’approche sont hilarants, la fille, au début récalcitrante, bloquée dans le désespoir d’une vie ratée, finit par s’intéresser aux charmes de la pédagogie, et l’affaire est lancée, elle lui apprendra à danser!


Chacun par petites « touches » finit par changer la vie de l’autre. Elle calibre si bien son élève qu’elle gagne son tic : l’agitation frénétique des doigts de la main gauche. Ou bien c’est juste l’Emotion.  On assiste de part et d’autre, aux manœuvres subtiles pour apprivoiser et réparer l’Autre. Le moteur, c’est la Compassion. Comme chez les bouddhistes ; la Force (la Volonté), le Courage la Persévérance.

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Humour à volonté pour cette pièce au ton poétique et drôle. Les contrastes entre la grâce féminine malgré une jambe dans une attelle et la disgrâce du physique de l’intellectuel  enfermé dans une tour d’ivoire,  font rire une salle conquise qui repart avec le sourire… Le bouddhisme encore ? Quelques touches de yoga aussi, pourquoi pas ?  Puisque la fille se met sur la tête pour dégeler l’hibernatus… Des surprises, par paquets, comme des claques de la Vie qui gagne son pari !  Un rituel d’Espoir et de Bienveillance. A voir. A faire?  De toute urgence.


Dominique-Hélène Lemaire

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Mise en scène : Andréa Bescond et Eric Metayer
Avec : Andréa Bescond et Eric Metayer
Adaptation : Gérald Sibleyras
Décors : Olivier Hébert
Costume(s) : Carole Beaupoil
Lumières : Jean-Yves Desaint-Fuscien
Musique : Vincent Lustaud


Du mardi 22 janvier 2019 au samedi 26 janvier à 20h30 et le dimanche 27 janvier 2019 à 15h au Centre Culturel D’Auderghem

Boulevard du Souverain 183, 1160 Bruxelles 02 660 03 03

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