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administrateur théâtres

« Anna Bolena »… Ou la somptueuse innocence condamnée par un crime prémédité !

Maxime Melnik, de Anna Bolena

Le samedi 20 avril, 20 heures à l’Opéra des Liège,  se tenait  la fabuleuse dernière de « Anna Bolena », le 29e opéra tragique de Donnizetti.  Brillance, effusions prémonitoires de tendresse,  amour de la liberté, le rideau se lève sur de véritables  ébats amoureux. Un lit royal, à Richmond ?  Les courtisans  piétinent  dans l’antichambre, ne perdant rien du spectacle.  Le cœur volage d’Henry VIII brûle d’un nouvel amour, celui de  Jane Seymour (Giovanna). Un grand malheur attend Anne,  la  reine  d’Angleterre. «  Ne te force pas à la joie, ta tristesse est aussi belle que ton sourire »  se plaint-elle à son fidèle page qui lui  chante sur fond de harpe les joies du premier amour.  Francesca Ascioti, frémissante, juvénile et passionnée interprète joyeusement ce jeune Smeton  si amoureux de la reine.  Celle-ci tient tendrement sur les genoux une petite fille sérieuse : la future Reine Elisabeth I en habits d’apparat dorés, comme ceux des peintures de cour où on la verra plus tard, auguste, souveraine et intouchable.  Anna est sensible aux paroles de Smeton, elle  aussi a eu un premier amour dont les cendres sont encore chaudes… mais, utilisées perfidement par le roi pour confondre la reine, elles enflammeront l’opéra jusqu’au  brasier  final où se consumera  la reine répudiée. Cet unique soir du 20 avril, c’est  Elaine Alvarez  qui, pleine de ressources et de talent  dramatique interprète avec un  feu inimaginable, cette femme au long développement psychologique, accusée d’adultère et de trahison et injustement condamnée à mort et dont  le poids de chaque mot  est émotion incandescente.

Dès les premières scènes, ironie du sort et de l’écriture,  Anne  conseille avec grande sagesse à sa rivale Giovanna de ne pas se laisser abuser par l’éclat du trône et se plaint de la solitude dans laquelle son époux la laisse. L’ardente Sofia Soloviy s’oppose avec fracas à la sagesse de la reine. A la mise en scène fabuleuse, Stefano Mazzonis di Pralafera, directeur général et artistique de l’Opéra Royal de Liège Wallonie. Et oui toutes les voix sont à la hauteur du festival de costumes rutilants, créés par Fernand Ruiz. Sur le plateau, nous assistons à un défilé ininterrompu de brocards, de soieries, de coiffes, et riches manteaux, dans le palais d’Henry VIII lambrissé de chêne et éclairé par des lustres de Venise à couper le souffle. La scène dans la forêt dans un décor signé Gary McCann pour la première fois sur la scène liégeoise,  est tout aussi évocateur des munificences  des Tudors. Les lambris de chêne  de Richmond ont fait place à l’arbre vivant, le chêne majestueux sous lequel se rend l’imparfaite justice humaine,  sous lequel se réunissent   les  chasseurs princiers et leurs chiens assoiffés de sang… Lord Rochefort, le frère de la reine y rencontre Richard Percy (Riccardo), qu’Heny VIII (Enrico), sûr de la réussite de son complot a rappelé pour confondre celle-ci. Maxime Melnik qui possède  jovialité et élégance d’une voix de ténor lumineuse est le Lord.  Riccardo, l’amoureux pour l’éternité, avec un timbre convainquant au possible, vibrant d’émotion, et des postures irrésistibles,  qui résisterait ? C’est Celso Albelo, le puissant ténor espagnol qui a déjà incarné ce superbe rôle à Vienne et Santa Cruz. 

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 Enrico  a bien sûr  juré à Giovanna, sa nouvelle conquête,  qu’elle n’aura pas de rivale et déteste désormais Anna, cette reine incapable de procréer un héritier mâle ! … Insensée, dupée par l’ambition,  Giovanna rêve, comme Anna en son temps,   du trône et de la  renommée. Quelles vanités !  Anne, convoitait elle aussi  le trône d’Angleterre  elle aussi, lui avait offert  l’amour  en échange. Quelle erreur funeste! Donizetti souligne de toutes parts que l’ambition du pouvoir et des richesses n’apporte que couronnes d’épines…

L’amour a la parole sous les traits du charmant page et de Percy, le premier amour de la reine,  que  le roi  a fait revenir d’exil pour accuser son épouse d’adultère. La présence passionnée de Percy dans les appartements de la reine confirme les soupçons du roi.    Parole au page qui s’est saisit en cachette d’un portrait de la reine en pendentif : « Ne préfères-tu pas un amant qui t’adore qu’un mari cruel qui t’ignore ? » Nul besoin de juges pour Anna, le médaillon l’accuse déjà, c’est elle qui est volage ! Le  sort de la reine est scellé par le roi,  un doigt accusateur absolu. Un  Marko Mimica absolument maître de la situation, maniant le regard, la voix et les postures de façon impériale et inflexible. Est-il sorti vivant du tableau d’après Hans Holbein qui trône au font à gauche dans les salles du palais ?

Maxime Melnik, de Anna Bolena

Lorsque le chœur des femmes pénètre dans le parloir de la tour où est détenue Anne, elles s’exclament « Qui peut garder les yeux secs devant tant d’angoisse ? Et ne pas sentir son cœur se briser ? » Le public ressent la même chose. La reine souhaite  un instant revoir le château de sa naissance qui lui ferait oublier toutes ses épreuves… « Rends- moi un seul jour de notre amour… » La salle émue aux larmes par la vérité absolue  de son interprétation lâche des bravi passionnés. La dramaturgie  elle aussi, est cinglante de vérité. Sous les coups sourds de cloches fatidiques, Anne donne sa couronne à la très  jeune Elisabeth. Dans un long délire vocal  aux merveilleuses coloratures, elle a même pardonné à sa rivale, et prie que ce pardon lui accorde la miséricorde divine. Elaine Alvarez dans cet immense  rôle romantique, « Tu, mia rivale ! », a vraiment raflé tous les suffrages. 

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https://www.operaliege.be/spectacle/anna-bolena/ 

Une tragédie lyrique où vibrent à la fois l’histoire, l’amour, la trahison, la passion et la virtuosité vocale! Sous la baguette de Giampaolo Bisanti, dans une mise en scène de Stefano Mazzonis Di Pralafera, avec Olga Peretyatko, Elaine Alvarez, Sofia Soloviy, Celso Albelo, Marko Mimica, Francesca Ascioti, Luciano Montanaro et Maxime Melnik

Anna Bolena (Donizetti) du 9 au 20 avril  à l'Opéra Royal de Wallonie-Liège 

LIVE WEB sur Culturebox  : le mercredi 17 avril à 20h30

 

Marquez sur vos tablettes, lee prochain rendez-vous à L’Opéra de Liège, où  d'autres merveilles  vous attendent :

« La Clemenza di Tito » de Mozart (15 mai - 24 mai 2019) 

«  I Puritani » de Vincenzo Bellini ( 16 juin - 28 juin 2019)

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administrateur théâtres

"Les Dieux veillent sur ceux qui leur ressemblent ..."

 

Mythe et intemporalité

Un empereur romain sous l'apparence d'un centaure, moitié dieu, moitié humain qui partagera son manteau avec un pauvre? Une atmosphère sombre qui conviendrait le mieux aux pièces de Maeterlinck  ou à d’autres poètes symboliques. Un enchantement de la nuit  de la Saint-Jean où tout est permis? Des créatures géantes effrayantes surgissant de grottes sombres  d’où affleurent  des gisements minéraux, où la passion consume à la fois humains et  animaux monstrueux. Le public est  emmené dans un lieu improbable et légendaire, une sorte d’utopie, un  Lucus romanus mysteriosus!  Rien de plus sacré en tous les cas, que le désir surréaliste de l'empereur de mettre en œuvre ses valeurs romaines fondamentales de respect, loyauté et compassion. Sa détermination à n'agir que pour le bien de la ville et à ne jamais vouloir régner par la terreur. Il s’oppose aux pires trahisons en accordant pardon et amnistie. Il est la grâce même. 

 Markus Suihkonen, de La Clemenza di Tito

La mise en scène décalée de « La Clemenza di Tito » de Mozart  par  Cécile Roussat et Julien Lubek à l'Opéra Royal de Wallonie-Liège a  agi comme  un réveil en fanfare.  Néanmoins, le deuxième acte  réduit  la mise en scène fantasmagorique  à une roche centrale mobile  le tout baignant dans des écailles luminescentes de tortues. «  Et les écailles lui tombèrent des yeux » Une référence à la conversion de saint Paul ? L’atmosphère poétique et tragique se retrouve épurée dans un mélange poignant. Thomas Rösner, le chef d'orchestre est à l'écoute des metteurs en scène créatifs, il cisèle des nuances romantiques  sur le  conte épique mozartien. Pierre Iodice, chef de chœur liégeois toujours inspiré et talentueux, a préparé le chœur. Ils sont tous de noir vêtus, pour  se glisser  discrètement et chanter derrière les musiciens dans la fosse. Question de nous replonger dans l’époque où l’on vit ?

Markus Suihkonen, de La Clemenza di Tito

 Côté noir, le cauchemar  enchaîne  la jalousie,  la soif de mariage et de pouvoir, le tout entre les mains de Vitellia. - La rédemption viendra avec le remords. - Elle est jalouse du mariage imminent de Tito avec Bérénice, reine de Judée. Elle convoite le trône, mais est aimée de l’inoffensif Sesto, le frère de Servilia, une fille romaine que Tito choisit d’épouser  pour  contenter son peuple. Cependant,  la loyale Servilia rejette la proposition impériale car elle est  sincèrement  amoureuse d’Annio, le confident de Sesto.  Bien sûr, Tito valorise la vérité avant les flatteries et  bénit  Annio et Servilia. Pendant ce temps, Vitellia n'a pas  compris le changement de cap de l’empereur et ne rêve que de le faire assassiner. Elle enjoint à Sesto de commettre l’acte fatal sans se soucier des sentiments qu’il éprouve pour son ami, mais il le fera pour lui plaire !  La révolte gronde, le Capitole brûle, Sesto croit avoir commis le meurtre irréparable, mais l'homme qu'il a poignardé n'est pas l'empereur. Sesto est arrêté. Et enfin, lorsque Vitellia se rend compte que Sesto ne l’a pas trahie lors de ses interrogatoires, elle éprouve du remords. Elle ne peut plus supporter l’idée de devenir l'épouse de l'empereur et  révèle son rôle dans le complot. Tito est déçu une nouvelle fois par la trahison mais décide de ne pas être envahi par la colère et pardonne à tout le monde, réaffirmant son désir d'agir pour le bien de la ville. Dans ce précieux  opéra  si édifiant, Tito devient le modèle même de la bonne gouvernance, un statut  rêvé et inventé par Mozart.

 Une imagination débordante

Le duo de la mise en scène Roussat-Lubek a  transformé  la cruelle Vitellia en une figure de lionne diabolique toute vêtue de rouge,   surmontée d’une perruque abracadabrante qu’elle démêle seulement lorsqu'elle se rend compte à quel point elle a été destructrice. Sesto, emprunte des cornes de bélier pour faire … le  mouton. Servilia est une fragile princesse de conte de fées vêtue d’une  robe  de mariée Art Nouveau suivie d’une rivière sans fin  de voiles scintillants. Annius est devenu un ange blanc chatoyant, à moitié ailé qui nous rappelle soit le monde de la Renaissance, soit celui de Jean Cocteau. Publius, le chef de la garde prétorienne, est devenu une créature verdâtre avec d'immenses mains squelettiques rappelant des personnages cauchemardesques d'Andersen ou de Tolkien. ... ou le puissant personnage du Temps dans "L’Oiseau Bleu" de Maeterlinck et les aiguilles du temps? Les gestes de mains de tous les personnages sont spécialement parlants et sont  axés sur le pouvoir de la communication, y compris quelques tendres invitations bouleversantes faites par un jeune enfant  à Tito.  Ce contact, un souvenir lointain  du  geste de Dieu vers l’Homme dans la Chapelle Sixtine? Quoi qu'il en soit, la célébration du corps humain culmine à merveille, quand une bande d’acrobates extraordinairement doués  à la corde ou au cerceau, semble tomber du ciel. On peut dire qu’ils connaissent les ficelles du métier. Leur intervention  silencieuse met constamment en évidence des messages importants. En quelque sorte,  ils encerclent font  circuler l'énergie du texte. En quelque sorte, ces  êtres extraordinaires sont devenus partie intégrante  du corps de la musique et révèlent en chair et en os tout ce qu’il  a  d'humanité nue. Une mention spéciale doit également être faite  pour le travail des lumières qui  abreuvent  tout mouvement de la scène.  Signé Roussat-Lubek, une fois de plus.   

Markus Suihkonen, de La Clemenza di Tito

Une musique enivrante

Mais bien sûr, ce sont les nombreuses belles arias mozartiennes qui retiennent toute notre attention. La basse finlandaise Markus Sihkonen  ponctue les mouvements du destin. L'ensemble de l'opéra semble  constamment  émerger  des ténèbres (avec les premières notes de Vitellia si proches de la voix parlée, chantée par Patrizia Ciofi) et se diriger progressivement vers une fin  lumineuse célébrant le pardon inconditionnel. La discussion animée du deuxième acte entre Sesto et Tito est particulièrement émouvante, de même que l'interprétation royale de Patrizia Ciofi  dans  le dernier revirement de conscience de Vitellia. Anna Bonitatibus est parfaite en tant que Sesto vivant et très humain. Une voix chaude, qui n'est plus du tout celle d’un mouton mais un amant passionné, partagé entre son amitié et son amour. Tantôt exaltée, tantôt abattue, sa voix puissante prend son essor et claironne et  plane comme un aigle à large envergure! Et Cecilia Montanari  incarne un Annio  aérien et voltigeant. Ceci dit, notre interprétation préférée est celle de style typiquement italien  de l'élégant Leonardo Cortellazzi, qui développe le rôle principal de Tito avec une splendeur tranquille et atteint une  puissance presque  transcendantale. "Les Dieux veillent  sur ceux qui leur ressemblent ..."   

Dominique-Hélène Lemaire

Opéra Royal de Wallonie-Liège

 15 mai >  24 mai 2019

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administrateur théâtres

« 1984 » George Orwell au théâtre du Parc (Bruxelles)

Mars16, 2019

On dirait qu’après avoir extrait l’élixir maléfique de ce roman d’anticipation écrit en 1948 , Thierry Lebroux a investi le plateau avec une œuvre encore plus parlante et plus explicite … Nos jeunes, installés aux premières loges, car c’est sur eux que repose tout notre avenir, apprécieront!

D’un visionnaire à l’autre...

Si on avait la moindre tentation de banaliser le propos que Georges Orwell développe minutieusement dans son roman « 1984 », l’adaptation qu’en a faite Thierry Debroux à l’aube de la nouvelle décennie l’an 2000, brûle d’un pouvoir de suggestion et d’urgence encore plus vif que l’œuvre mère. Savamment filtrée par le mystérieux alambic du directeur du théâtre du Parc, l’adaptation retient l’essentiel et nous parle en direct et sans ambages. Elle se fonde sur notre vécu et l’observation des multiples dérives du monde abrutissant qui nous entoure. Ce ne sont plus les dérives épouvantables de l’hitlérisme et du stalinisme conjugués qui sont ici évoquées, mais celles des temps présents, que nous ne cessons de déplorer chaque jour et qui semblent projeter un horizon 2050 totalitaire, encore plus désincarné et déspiritualisé et certainement totalement déshumanisé. Le prix à payer à l’essor des technologies et de l’intelligence artificielle dans un monde hyperconnecté et à la gourmandise des puissants? Un froid glacial nous glisse dans le dos.

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Comme à la sortie du roman d’Orwell, on est à nouveau devant un faisceau d’avertissements dont on craint à juste titre qu’il soient prophétiques. Les prendrons-nous en compte, cette fois?

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Le super duo Fabian Finkels-Guy Pion a fait merveille une fois de plus. Présence théâtrale confirmée, esprit, vivacité, diction impeccable, justesse de ton, sensibilité, charisme, tout y est.Guy Pion prend habilement les habits de la « mauvaise pensée » du héros Winston, (Fabian Finkels) et sert de personnage supplémentaire à Thierry Debroux pour mettre en scène le journal intime , fil conducteur de l’œuvre d’Orwell. Coup de maître, puisque le même Guy Pion, très astucieusement vêtu du même manteau et chapeau appartenant à un siècle révolu, joue aussi le rôle d’O Brien , l’opposant au régime, ou pas… La résultante des méprises est d’autant plus glaçante. Une méprise semblable à celle annoncée dans la conclusion de « Animal Farm» (1945) la fable prophétique d’Orwell où les personnages finissent par se mélanger indistinctement dans l’esprit du narrateur. ..Et si ce splendide équipage Finkels-Pion , un véritable bijou d’art scénique, représentait par leur ensemble tellement bien huilé, l’essence charnelle et spirituelle de notre nature humaine? Quelle paire! Unique en son genre, extraordinairement vibrante et bouleversante!

De même, le formidable duo Winston -Julia (Muriel Legrand) creuse les sentiers interdits de l’amour prêt à succomber. Ou ceux de la trahison… Mention spéciale décernée au terrifiant duo mère-fille, Magda et Lysbeth Parsons, joué à la perfection par Perrine Delers et en alternance, Ava Debroux, Laetitia Jous et Babette Verbeek , aussi impressionnante que Misery, personnage de Stephen King. C’est tout dire! Pierre Longnay tient le rôle de Syme, avec conviction. La mise en scène de Patrice Mincke, alterne dialogues, chansons et les superbes chorégraphies de Johann Clapson et Sidonie Fossé. Fort heureusement, les voix humaines qui s’élèvent à travers les chants et les ballets des danseurs trouent par moment l’univers étouffant des circuits électroniques et des écrans omniprésents et convoquent notre émotion en aiguisant notre nostalgie, comme si déjà on y était, au cœur de cette détestable uchronie, où sévissent des drones de tout poil. C’est à pleurer! Et pas de rire…

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Le décor irrespirable et oppressant de Ronald Beurms est fait de monstrueux containers imbriqués au début du spectacle, dans une sorte de rubik’s cube glauque fait de métal et de bois brut comme un immense coffre-fort.

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« Morituri te salutant » Le monde ne tourne plus rond, il se bloque dans des mouvements d’abscisse et d’ordonnée, , celui d’un ordre nouveau jouant sur la verticalité et l’horizontalité ne laissant plus aucune place à la pensée, à la vie, aux courbes, à la nature, à la féminité. Les concepts sont inversés, on marche donc sur la tête. L’Amour n’est plus, vaincu par la Haine que l’on se doit de vénérer en groupes. Elle est érigée en principe de vie dès le plus jeune âge, la dénonciation d’autrui étant devenu le modus vivendi. Vivre ou mourir, quelle importance? La seule raison d’exister est de servir Big Brother ou vous êtes vaporisé. Le monde n’a plus aucune notion de paix puisqu’il est en état de guerre perpétuelle. La liberté, même celle inscrite au plus profond de nos rêves est mise hors la loi. Le langage, à long terme est appelé à disparaître, pour empêcher toute ébauche de critique du régime politique en place. L’inoffensif terme «Monsieur» est même en passe de disparaître du dictionnaire. Tout comme l’amour, le vin, la musique, les parfums et Shakespeare. C’est l’avènement d’un langage épicène visant à l’extinction de la pensée. «Big Brother »vise à ce que les citoyens soient rendus à une existence de moutons coupables, dociles et décérébrés. Happy End.

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Applaudir ou ne pas applaudir? Là est la question. On applaudira à tout rompre, mus par la pertinence et la beauté du spectacle, sa créativité parfaitement aboutie et l’élan vital et spirituel qui nous habite encore.

Dominique-Hélène Lemaire

« 1984 »

Du jeudi 7 mars 2019 au samedi 6 avril 2019

Avec : Perrine DELERS
Julie DIEU
Béatrix FERAUGE
Fabian FINKELS
Muriel LEGRAND
Pierre LOGNAY
Guy PION
les enfants Ava DEBROUX, Laetitia JOUS ou Babette VERBEEK

Ainsi que les figurants:
Pauline BOUQUIEAUX, Johann FOURRIÈRE, Laurie GUENANTIN, Vanessa KIKANGALA, Barthélémy MANIAS-VALMONT, Romain MATHELART, Franck MOREAU et Lucie VERBRUGGHE.

Mise en scène : Patrice MINCKE

Assistanat : Melissa LEON MARTIN
Scénographie et costumes : Ronald BEURMS

Éclairages : Laurent KAYE

Vidéos : Allan BEURMS

Musique originale : Laurent BEUMIER
Maquillages : Urteza DA FONSECA

Chorégraphie : Johann CLAPSON et Sidonie FOSSÉ

Crédit photos: ZvonocK

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Basée sur le roman Mille neuf cent quatre-vingt-quatre de George Orwell (Copyright, 1949), avec l’accord de Bill Hamilton, ayant-droit du patrimoine littéraire de la défunte Sonia Brownell Orwell.

Une coproduction du Théâtre Royal du Parc, du Théâtre de l’Eveil et de La Coop asbl.

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administrateur théâtres

La Gioconda à la Monnaie jusqu'au 12 février 2019

Une prodigieuse « Cloaca Maxima » vénitienne à la Monnaie!

 Février 9, 2019 


Olivier Py qui revient pour la cinquième fois à la Monnaie, aime travailler à contre-courant.   Les   merveilleuses scènes et effets de lumière de Canaletto sur les rives du Grand Canal bordées de palais Renaissance et gothiques ? On oublie ! Adieu même à « Mort à Venise» et  l’impressionnant sens de la beauté de Thomas Mann traduit par l’inoubliable réalisateur Luchino Visconti (1971) dans son film éponyme. Voici le Crépuscule des Êtres Humains dans un opéra en forme de polar, où le Mal l’emportera définitivement. Du début à la fin, le désir brutal, le pouvoir phallocratique et la luxure  étouffent la scène dans  un monde souterrain et  sinistre.

 L’enfer à petite échelle : le sexe et la mort dansés, mimés, chantés  comme s’il fallait en faire un mode de vie ! Le carnaval se traduit par danse macabre.   Des actes plats, sans préliminaires ni réflexions posthumes, exposant  leur  urgence brute et  définitive. Le décor choisi est  le grand égout de Venise, avec ses murs sombres et sans fin et le bord glissant et dangereux de choses qui transpire de partout. Les gondoles se sont transformées en cercueils.


Roberto Covatta, Scott Hendricks & Ning Liang – La Joconde par Olivier Py (© Baus)

Finalement, deux gigantesques bateaux de croisière, ruisselants de lumière  seront de passage  à travers le cloaque rempli d’eau où pataugent les artistes,  question de  rappeler brutalement que Venise, pendant des siècles, le cœur même de notre culture occidentale, a toujours été  menacée par de  perfides appétits. Ou est-ce Venise elle-même qui est le mal? Olivier Py et Pierre-André Weitz (scénographie et costumes) ne mâchent pas leurs mots et  avancent que « La beauté de Venise, c’est la mort, la grandeur de Venise, c’est le déclin, la puissance de Venise, c’est le Mal ».  Le déclin inexorable  de l’Europe des Lumières qui a créé l’esprit  du progrès et le rejet de l’obscurantisme   les conduit apparemment à cette triste déclaration. Une déclaration encore plus évidente  se fait   dès  l’ouverture de l’œuvre, sous la forme d’une  baignoire (de l’époque nazie?) dans laquelle un gnome,  un joker, ou un clown  subit le supplice de l’eau  mais que sarcastiquement cela ne dérange même pas! Ce personnage muet, le Mal ex machina,  prendra de la puissance, grandira en taille et en nombre tout au long de l’action. Image de choc: entre de mauvaises mains, l’eau que l’on pense naturellement être  source de vie,  peut provoquer la mort de toute personne  soumise à son pouvoir meurtrier.  « Du pain et des jeux »  réclame la foule: «Viva il doge e la republica!». Que le doge soit ogre ou pantin, la boucle du Mal est refermée.

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À  l’époque, Amilcare Ponchielli était considéré comme le plus important compositeur italien de la génération après Verdi, mais nous le connaissons aujourd’hui principalement pour La Gioconda, et en particulier pour son célèbre ballet, «La danza delle ore». L’histoire, basée sur «Angelo, le tyran de Padoue» de Victor Hugo, se déroule dans une Venise du XVIIe siècle, où complots et régates forment la toile de fond des heurs et malheurs  de la belle chanteuse La Gioconda (l’immense soprano Béatrice Uria-Monzon). Harcelée par Barnaba (le puissant baryton Franco Vassallo),  noir espion de l’Inquisition, la jeune femme a tout sacrifié pour sauver Enzo (Stefano La Colla), l’homme qu’elle aime et  va jusqu’à sauver  sa rivale, Laura, la femme dont  lui  est  amoureux. Elle est mariée à Alvise Baldoèro, un des chefs de l’Inquisition vénitienne.  Sa complainte dans l’Acte III, scène 5 explique son désarroi et son courage «  O madre mia, nell’isola fatale frenai per te la  sanguinaria brama di reietta riva. Or più tremendo è il sacrifizio mio .. o madre mia, io la salva per lui, per lui che l’ama!»  Gioconda  parle de l’indicible  à l’acte IV, scène 2,  dans  l’air déchirant «Suicidio», dont elle donne une  version échevelée et bouleversante.  » Sa seule issue pour tenir parole.
« La Gioconda en un seul mot, ce serait « agapè », en grec. Elle possède ce grand amour inconditionnel qui n’attend rien en retour, entièrement dévoué à l’autre. » explique Béatrice Uria Monzon.

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Pendant ce temps, le tout puissant et pervers Barnaba  utilise La Cieca, sa  pauvre mère aveugle, pour faire chanter La Gioconda, qu’il souhaite soumettre à son désir. Ne parlons pas d’amour !  Il a même  l’idée de la faire juger comme une sorcière méritant d’être brûlée. … Mais « Ne sommes-nous pas toutes des filles de sorcières que vous avez brûlées ? »  Quoi qu’il en soit, Barnaba est déterminée à la détruire car elle incarne  l’amour maternel inconditionnel le plus pur  et  ose entretenir des relations des plus pieuses avec Dieu. On la voit comme  une créature divine délicate, ressemblant à une  statuette de femme de la dynastie Tang, chantée par la contralto angélique Ning Liang. Son air céleste dans le premier acte «Voce di donna o d’angelo» résonne  comme  un élixir d’innocence et de bienveillance et de sagesse. C’est ainsi que  le metteur en scène Olivier Py nous propose un opéra noir de bout en bout.

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En outre, la scène 2 de l’acte III n’est pas sans rappeler des visions affreuses d’un Othello en furie. Nous savons que Victor Hugo aimait Shakespeare. “Invan tu piangi, invan tu speri, Dio non ti puo esaudir no! in lui raccogli in tuoi pensierei preparati a morir! » chanté par Alvise Badoèro, le mari de Laura. Superbes graves de la basse Jean Teitgen. Mais la pauvre épouse est cyniquement contrainte d’avaler elle-même le poison sur fond de chœurs d’enfants en voix off!  Heureusement cette invention de  Victor Hugo dans la célèbre scène de jalousie,  sauvera celle que le mari en colère n’a pas étranglée de ses mains  fumantes de haine et de vengeance.   

La musique enfin, s’offre comme un immense soulagement…  Elle  forme un contraste saisissant et magnifique avec l’atmosphère  délétère de l’action,  produisant  des grappes juteuses  de passion et de vie. Une  beauté torrentielle et puissante, bouffée d’air dans l’environnement toxique. Un tour de force grandiose pour supporter toute cette noirceur. Ou alors lisez un thriller style la trilogie mongole  Yeruldelgger avant de venir, pour amortir le choc.   Le flamboyant « grand opera all’italiana » est dirigé par Paolo Carignani avec une double distribution  exceptionnelle pour les six rôles principaux, tous  terriblement exigeants, la partition étant redoutable.

 Le public est complètement  emporté  par la qualité de l’orchestre, ses textures Verdiennes élaborées et ses harmonies véhiculant une gamme stupéfiante de sentiments, allant de la peur viscérale  à la mort, en passant par le suicide, mais décrivant également les différentes affres d’amour ressenties par tous, à l’exception de  Barnaba. Les performances répétées des choeurs (Martino Faggiani) sont à couper le souffle, de même que celles des danseurs de ballet, tandis que les six solistes sont tous  également  resplendissants dans leur interprétation parfaite des sentiments romantiques fracassants.  Une  galerie  étincelante a pris vie  au cœur de la Cloaca Maxima vénitienne!

 IL FAUT QUE LE DRAME SOIT GRAND, IL FAUT QUE LE DRAME SOIT VRAI.— VICTOR HUGO


Dominique-Hélène Lemaire

Du 29 janvier au 12 février 2019

crédit photos © Baus

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administrateur théâtres

« Tous les cimetières d’Ecosse pour un seul regard dans le temps! » Macbeth au théâtre Royal du Parc     Janvier 19, 2019

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Trop de morts sur la scène…et parfois à la sortie des théâtres !  On l’appelle la « pièce écossaise » pour ne pas évoquer son vrai  nom, frappé dit-on,  de maléfice. La légende raconte que Shakespeare voulait utiliser des incantations de magie noire réelles,  pour plaire au roi James qui avait écrit un livre «Daemonolgy » en 1597,  traitant  de sorcellerie et mettant en garde contre son utilisation. Notre époque n’en est plus à avoir peur des sorcières, mais la peinture qu’en fait Georges Lini est effarante. Tout commence par leur rire féroce et  inextinguible, celui d’Ingrid Heiderscheidt, de Louise Jacob et de Muriel Bersy, d’inoubliables créatures qui arrachent leur masque à la fin du jeu.

Drame épique sauvage, trop sauvage pour des écoliers,  ce « Macbeth » saisissant, intense, magnifiquement  mis en scène,  offre des performances verbales inoubliables, d’un style presque cinématographique. Mais le spectateur repart avec  en main la sagesse shakespearienne percutante qui  défie le temps et plonge ses racines dans une bouleversante humanité. De là peut être cet humus qui recouvre tout le plateau du théâtre du Parc et qui sert d’arène au déchaînement,  aux folies des hommes et des femmes. Cet humus d’où naît chaque génération humaine pour y retourner et y faire le lit des suivantes. Puisse l’humus proposé par Georges Lini, faire germer en nous plus de paix et plus de raison. La raison de  la présence cette chanson, qui germe  tout au bout du cataclysme, à peine murmurée par une  Anouchka Vingtier, sidérée par l’ampleur du désastre, juste avant que le rideau ne retombe sur les protagonistes comme un sombre couperet final … 

♪ Oh My Love ♪

 Oh my love

 Look and see

The Sun rising from the river

 Nature’s miracle once more

Will light the world…

La violence,  hélas,  comme l’humus, ne cesse de  se recycler à l’infini. Le ciel a beau envoyer le déluge pour laver le sang, ou souligner l’ignominie,  l’hubris  des hommes est  incommensurable et la soif de pouvoir est telle qu’elle emprunte  sans trop  de scrupules, les voies du meurtre, de la trahison, de la  barbarie viscérale érigée en art de vivre ou celui de mourir …à la guerre. Les parallèles avec notre actualité ne manquent pas.  « Pourquoi nous taisons-nous, quand cette affaire est la nôtre ? »

 De plain-pied au cœur de la folie.

 Si Georges Lini  a choisi la continuité de costumes  simples et médiévaux, il installe l’action dans un cadre aux contours contemporains, tel les coulisses d’un théâtre ou d’un studio de cinéma, dont le centre est occupé par une capsule hermétique dans laquelle trônent trois sœurs infirmières, qui ne sont pas sans rappeler Nurse Ratched, le cauchemar de Nicholson dans « Vol au-dessus d’un nid de coucous ». Nous sommes de plain-pied au cœur de la folie. Une boîte de Pandore dont elles peuvent sortir à leur guise pour répandre la mort et le poison. Les trois sœurs qui font le Destin dans leur habitacle trompeur, tissent inéluctablement le fil  sanglant de la malédiction qui pèse sur Macbeth. Et prononcent des phrases sibyllines, comme à la radio anglaise, en temps de guerre.

   

 Est-ce l’effet de la liberté créatrice? Du génie dramatique de l’auteur ? Du talent confirmé des artistes ?  Les artistes développent tous et sans frein, la richesse de leurs passions. Ils capturent la moindre émotion de la phrase ciselée, débarrassée de ses aspects vieillots. Ils sont filmés parfois, par un cinéaste, discrètement à l’affût. Se repaît-il de la violence ou est-il simple témoin? Des close-ups se projettent sur un écran géant. Plusieurs  scènes symboliques et  sans paroles donnent l’illusion d’un répit ou plongent dans l’horreur. Mais tous,  tirent tellement bien profit de leur texte, que  le spectateur se sent  pleinement engagé. Non seulement par le bouillonnement affolant du  texte adapté par Georges Lini,  mais par toutes les expressions des visages et le langage corporel constamment  aiguisé.

Tous en scène, tous témoins, en silence ou en paroles. Le casting rutilant navigue sur des déferlantes de mouvement et d’énergie créatrice.  Dans l’allégresse de victoires guerrières, Ross (Nicolas Ossowski) annonce à Macbeth que le roi l’a nommé  baron de Cawdor.  C’est Luc Van Grunderbeeck qui campe l’élégant roi Duncan. Banquo, c’est Stéphane Fenocchi que Macbeth voit comme une menace et fait assassiner. Mais les morts ne cessent de réapparaitre. C’est Lennox (Jean-Françoisn Rossion) qui annonce que dans la tourmente, Macduff a fui  en Angleterre. Il est joué avec brio par le pétillant  Didier Colfs. Macbeth a ordonné de saisir ses biens et fait assassiner sa femme et son fils. Une de ces scènes graphiques dont Georges Lini a le secret et qui reste inoubliable. Macduff jure de se venger,  rallie l’armée levée par Malcolm (Felix Vannoorenberghe) pour marcher contre Macbeth. Il est celui qui n’est pas « né d’une femme » d’après la prophétie. Thierry Janssen, toujours aussi brillant dans sa présence théâtrale,colle au  rôle de Seyton, dernier lieutenant fidèle de Macbeth. Daphné d’Heur, (qui d’autre qu’elle ?) est à la direction musicale, Jérôme Dejean à la création des lumières. Les dictions sont impeccables.   Frêle et sous des dehors d’innocence, Anouchka Vingtier aux côtés d’Itsik Elbazincarne l’hypocrisie brutale et le désir brûlant  de Lady Macbeth de se voir reine. Ses intentions sont transparentes. Sa force de persuasion et sa tactique  sont spontanées et  imparables. Elle s’emploie à  convertir au «Mal» Macbeth, un  guerrier loyal et courageux, ne lui laissant aucune échappatoire, pour assouvir sa dévorante ambition. Lady Macbeth appelle même sur elle la Violence personnifiée pour qu’elle neutralise « son état de femme! »

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Lady Macbeth connaît sa proie, mieux que lui-même ne se connaît et manie le sarcasme avec un art consommé, s’offrant charnellement en récompense. Il est cuit. Il est bon pour ouvrir les vannes de la sauvagerie et celles de l’acte prémédité. Itsik Elbaz et Anouchka Vingtier, qui nous  avaient  bouleversés dans « Hamlet », redoublent ici d’intensité dramatique. Lors du festin dantesque, Macbeth divague à la vue de Banco «  Que me fixes-tu, camarade ?» Itsik Elbaz possède à fond l’art du monologue. Il  excelle dans les rôles d’illuminés ou d’halluciné. Il est tiraillé entre les sentiments de devoir et de culpabilité, il oscille entre raison et déraison, il est lucide et  « ensauvagé » comme les chevaux  du  roi Duncan lâchement assassiné. Et profondément humain. « Ma mort ne rendra pas votre monde meilleur ! »

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Dominique-Hélène Lemaire 

Macbeth – Théâtrez-Moi ! from Théâtrez-moi! on Vimeo.

Photos: Jérôme DEJEAN

Au Théâtre du Parc Du jeudi 17 janvier 2019 au samedi 16 février 2019 02/505.30.40

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administrateur théâtres

Une mise en scène qui dérange…

« Nous ne sommes pas en train de fabriquer un autre univers idéal, mais de faire face à la réalité de notre propre monde, avec toute sa joie et sa tristesse. » Ce sont les mots de Patricia Kinard, une artiste-peintre  belge contemporaine qui a une faculté particulière de ressentir l’invisible à travers ses sublimes peintures qui déclinent toutes les nuances de bleus. Elle cite Akong Rimpoche. Des mots qui nous parlent quand on repense à la mise en scène dérangeante de Romeo Castellucci dans « sa » Flûte Enchantée de Mozart.  Voici le texte complet : "L'important, c'est de changer notre attitude. Cela nous donnera la liberté. La liberté a l'attitude d'accueillir tout ce qui nous arrive. C'est aussi simple que ça. En tant qu'êtres humains, nous sommes vivants. Être en vie, nous aurons toujours des expériences, qui que ce soit ou quoi que ce soit. Si nous nous félicitons de tout, le manque de liberté n'est pas un problème. Nous ne sommes pas en train de fabriquer un autre univers idéal, mais de faire face à la réalité de notre propre monde, avec toute sa joie et sa tristesse. Nous développons une maîtrise de nos circonstances afin de ne pas être limité par les vieilles habitudes de pensée, de sentiment et de comportement." Serait-ce une morale partagée par Romeo Castellucci?

https://www.arte.tv/fr/videos/082237-000-A/la-flute-enchantee-dans-une-mise-en-scene-de-romeo-castellucci/

La Monnaie a laissé carte blanche à Romeo Catellucci qui greffe sur sa Flûte une approche  des plus personnelles et engagée. Chapeau quand même, d’oser mettre en scène  ce qu’il considère comme l’envers de la Flûte enchantée, à la façon d’une « Böse Fee» qui, en plein 21e siècle, se met à dénoncer l’absolutisme du pouvoir masculin de la tradition franc-maçonne du XVIII siècle. Sacrilège!  Il réhabilite la Reine de la Nuit, qu’il nomme mère-protectrice, lieu géométrique de tendresse universelle, dont le lait est source d’humanité. Comme celui de la Vierge à l’enfant, dépeinte aussi couronnée d’étoiles et foulant aux pieds l’immonde serpent… Maintenant, les images qu’il donne à voir sur scène de cette symbolique sont plutôt perturbantes à regarder, car les  trois mères-laitières semblent faire partie d’une épouvantable  ferme humaine ! On vous passe les détails.

https://www.rtbf.be/ouftivi/video/embed?id=2401553&autoplay=1

 Romeo Catellucci insiste sur la souffrance de la Reine de la Nuit: « Zum Leiden bin ich ausgekoren ! » lorsqu’elle  évoque l’enlèvement de sa fille… Mais contrairement à la Vierge, « Der Hölle Rache » la vengeance infernale  devient  son destin, que l’on peut lire en « mort et désespoir ». Son cœur de mère, « Mutter Herz » est dévasté. Quelle lecture inédite de l’opéra de Mozart !  Romeo Castellucci va plus loin, il donne la parole aux mots écrits par sa propre  sœur en lui offrant une large fenêtre au beau milieu de la fête des lumières, où les facéties bienveillantes de Papageno et de Papagena ont été réduites au strict minimini-mum… . Il projette au contraire et concentre dans cette fenêtre la souffrance de l’amour aveugle (?)  vécu par des femmes malvoyantes qu’il met en lumière, et la souffrance d’hommes écorchés et brûlés accidentellement, qu’il installe dans la souffrance de la fournaise. Ou bien, sont-ils les victimes des flammes de l’amour qui brûle dès le premier coup de foudre?  Ensuite, chacun de ces  groupes,  les femmes au service  de la Reine de la Nuit, les hommes  à celui de  Sarastro, sert d’écrin de rites initiatoires. Les femmes entourent de leurs soins  Tamino, tandis que  les hommes accueillent  Pamina. Au terme de cette initiation, tous deux sont comme décapés de leur souffrance. On finit par leur ôter leur perruque de scène. Ils retrouvent ainsi leur être intérieur et leur véritable chevelure…  source de force secrète et mystérieuse.  

Si la souffrance est une initiation pour les chrétiens,  une absurdité et un scandale pour Camus, à nous de choisir,  pourquoi pas, une troisième voie : celle qui conduit à regarder le monde sans complaisance, regarder en face la réalité avec toute sa joie et sa tristesse. Sans jugement. Dans l’accueil de l’autre qui est  toujours, tellement … « autre », chacun avec sa propre réalité! Il est un fait que la production de Romeo Castellucci donne sur la scène prestigieuse de la Monnaie, un accès public aux handicapés, aux déshérités et  aux  éclopés de toute origine.  Voici, au 21e siècle, exposée, la réalité des aveugles de Breughel le visionnaire,  et la chute d’Icare.  Tout cela se passe au beau milieu d’un décor à l’inverse intégral du rêve étincelant de blancheur présenté au premier acte fait de costumes XVIIIe, de masques, de  coiffures et  de maquillages parfaits et resplendissants de lumière dont aurait pu rêver la reine Marie-Antoinette. D’une ode à la perfection de la symétrie sans faille, sans défaut, sans paroles,  on passe insensiblement à une esthétique de logiciel arbitraire et omnipotent. Néanmoins, la  munificence évoque pour certains, la beauté légendaire des cérémonies des rois du Siam, les ballets de plumes d’autruche évoque les palmes, les oiseaux, l’envol vers des réalités chimériques… On ne peut pas échapper à la beauté de la réalisation. Mais Romeo Castellucci nous fait retomber au deuxième acte sur terre, et la chute fait mal…  

 

 Dès lors, on peut  aussi comprendre  la révolte de spectateurs qui, choqués par l’extrémisme naturaliste de la mise en scène du deuxième acte et son allongement intempestif par des « textes qui n’y ont rien à faire », outrés par la rébellion du metteur en scène contre l’esprit des lumières dont il veut exorciser «  l’imposture », blessés, dans le droit fil de leur patrimoine de traditions artistiques, sont ressortis fâchés et heurtés par cette mise en scène iconoclaste, criant … à l’imposture.  

Le premier acte, en tout cas, malgré l’éviction complète des parties parlées du livret de Schikaneder est  un bouquet magistral de musiques et de beauté esthétique incluant des installations étourdissantes sur plateaux tournants. C’est bluffant. Mais surtout, la finesse et sensibilité extrême  du moindre mouvement d'Antonello Manacorda , le chef qui initie voix et instruments, sont en soi  plaisir et  délices. Il cisèle  la moindre nuance, apporte une galaxie de variations dynamiques, nous donne à entendre une mystérieuse voie lactée musicale. La direction musicale du maître Antonello Manacorda est plus que brillante et  la distribution foisonne de belles voix  qui  excellent dans la prononciation allemande, ce que l’on ne peut pas dire pour l’anglais maltraité par les figurants du deuxième acte, où apparaît un accent flamand très prononcé, dérangeant, lui aussi. On aurait au moins préféré que les textes italiens de la sorella aient été traduits directement en flamand et en français… Qu’est-ce que l’anglais vient faire dans cette galère? On regrette aussi les voix de fausset des jeunes garçons. Est-ce intentionnel, par esprit de dérision? Les instruments semblent de mèche... Mais, tant Jodie Devos que Sabine Devieilhe interprètent une Reine de la Nuit d’une humanité poignante tandis que  les autres artis deux productions  font également merveille. On est certes pleinement charmé par le ravissant trio de dames : Tineke Van Ingelgem, Angélique Noldus et Esther Kuiper. 

Avec en alternance Ed Lyon et Reinoud Van Mechelen comme superbe Tamino, Georg Nigel comme Papageno et  sa rayonnante  compagne Papagena, Elena Galitzkaya.  Gabor Bretz /Tijl Faveyts comme Sarastro. L’exquise Pamina, c’est en alternance Sophie Karthäuser et Ilse Eerens.

Que voilà un  beau rassemblement d’étoiles dans la nuit, sous la baguette d’Antonello Manacorda, le  chef lumineux, ovationné  dans un feu d’applaudissement sans oublier les chœurs si  émouvants et invisibles de Martino Faggiani

 


Architecture algorithmique MICHAEL HANSMEYER
Collaboration artistique  SILVIA COSTA
Dialogues supplémentaires CLAUDIA CASTELLUCCI
Dramaturgie PIERSANDRA DI MATTEO, ANTONIO CUENCA RUIZ
Chef des chœurs MARTINO FAGGIANI

DIE ZAUBERFLÖTE

W. A. Mozart, R. Castellucci, A. Manacorda, B. Glassberg
Du 18 septembre au 04 octobre 2018 | 12 rep. | Bruxelles | Palais de la Monnaie


https://www.lamonnaie.be/fr/program/831-die-zauberflote 

Danseurs
STÉPHANIE BAYLE, MARIA DE DUENAS LOPEZ, LAURE LESCOFFY, SERENA MALACCO, ALEXANE POGGI, FRANCESCA RUGGERINI, STEFANIA TANSINI, DANIELA ZAGHINI, TIMOTHÉ BALLO, HIPPOLYTE BOUHOUO, LOUIS-CLÉMENT DA COSTA, EMMANUEL DIELA NKITA, AURÉLIEN DOUGÉ, JOHANN FOURRIÈRE, PAUL GIRARD, NUHACET GUERRA, GUILLAUME MARIE, TIDIANI N’DIAYE, XAVIER PEREZ

Comédiens amateurs
DORIEN CORNELIS, JOYCE DE CEULAERDE, MONIQUE VAN DEN ABBEEL, KATTY KLOEK, LORENA DÜRNHOLZ, JAN VAN BASTELAERE, MICHIEL BUSEYNE, JOHNNY IMBRECHTS, YANN NUYTS, BRECHT STAUT

Comédiens
SOPHY RIBRAULT, CINZIA ROBBIATI, MICHAEL ALEJANDRO GUEVARA, GIANFRANCO PODDIGHE, BOYAN DELATTRE / AMOS SUCHEKI

Zauberflöte at La Monnaie, directed by Romeo Castellucci

https://www.facebook.com/ARTEConcert/videos/2265681350326666/

Orchestre symphonique et chœurs de la Monnaie
Académie des chœurs et chœurs d’enfants et de jeunes de la Monnaie s.l.d. de Benoît Giaux

La presse en parle: 

Deux articles dans Crescendo magazine, la référence en musique classique! 

http://www.crescendo-magazine.be/a-la-monnaie-la-flute-dejantee-de-castellucci-questionne-mozart/

http://www.crescendo-magazine.be/la-flute-enchantee-a-la-monnaie-peut-on-tout-se-permettre-avec-mozart/

  

 

 

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administrateur théâtres

 

La Tosca  est revenue !

 

 Back to basics, voici  « La Tosca» le chef d’œuvre de Puccini présenté 14 janvier 1900 au Teatro Costanzi de Rome!   Elle se joue depuis  le mardi 13 décembre  à l’Opéra Royal de Wallonie et se jouera jusqu’au 2 décembre.  Cet opéra populaire en trois actes - le cinquième le plus joué au monde - mêle meurtre (sur scène, comme dans le grand théâtre romantique), passion, jalousie, pouvoir et trahison.

Tosca

 

L’histoire, inspirée d’un drame naturaliste de Victorien Sardou,  se situe  à Rome en 1800, à une époque où l’Italie et l’Europe conservatrice étaient en conflit  contre  une  France révolutionnaire, techniquement « républicaine » mais déjà dirigée par Napoléon.  L’action s’ouvre sous les voûtes d’une église baroque et sombre dont le point focal est une magnifique grille ouvragée.   Mario Cavaradossi, peintre radical et idéaliste y peint un tableau dont la sensualité signera  hélas son arrêt de mort.  La  séduisante  cantatrice Floria Tosca tombe sous le regard du baron Scarpia, un prédateur odieux,  chef corrompu  d’une  police secrète. Il est uniformément  pervers,  mu par la soif de pouvoir et de luxure.   Nourri d’ignoble desseins, il réussit à lui insuffler  le poison de la jalousie à cause de la beauté de  cette admirable peinture réalisée à l’église par son amant. Il ne s’agit pourtant que de la conversion de Marie-Madeleine… mais elle possède  un tel regard… Pourtant,  Tosca est  follement amoureuse du  Cavaradossi qui lui voue un amour pur et  inconditionnel. Scarpia s’est aperçu  que celui-ci a prêté main forte au prisonnier politique évadé de ses prisons – Cesare Angelotti, ancien Consul de la République de Rome –  et décide de les liquider tous les deux. Scarpia,   qui les retient prisonniers au château Saint-Ange,  offre la liberté de Cavaradossi  contre les  faveurs de Tosca. Elle fait semblant de céder, mais saisissant une chance inespérée, poignarde sauvagement son bourreau,  juste après qu’il  lui ait donné sa parole d’arranger un simulacre d’exécution. C’est sans compter sur le double jeu de l’immonde Scarpia qui n’a pas fait prévenir le peloton d’exécution.  Cavaradossi  s’effondre tragiquement sous les balles réelles et La Tosca, dévastée par la perte de son amant et piégée par son propre assassinat de Scarpia, se jette du haut des remparts  alors que fusent  les notes torturées de  la musique romantique rappelant les moments les plus tendres  du malheureux couple.

Tosca

 

En effet, L’orchestre  placé sous l’auguste direction de Gianluigi Gelmetti est un miroir parfait des couleurs du mélodrame sanglant. La direction  transparente, raffinée  tout en se montrant dramatique flirte avec une lecture cinématographique de la partition. On retient l’émerveillement, la dimension spectaculaire et la  puissance visuelle  du « Te Deum » doré,  hérissé de mitres de dignitaires religieux qui s’offre  comme un saint-Sacrement, aux yeux et aux oreilles,  dans  une  magnificence à couper le souffle.

Tosca Pour le reste, mise en scène et décors - et n’y a rien à redire sur cette heureuse réutilisation - ce sont ceux de Claire Servais,  utilisés en 2014 lors de la première représentation de cette œuvre à L’opéra Royal de Wallonie.  Faits de quelques marches d’escalier, de lignes  épurées et sobres, ils sont  balayés de jeux de lumières et de clair-obscur très  ciblés dont la réalisation est signée Olivier Wéry.  Encore une fois, c’est une habitude à l’Opéra Royal de Wallonie, les  somptueux costumes  d’époque  apparaissent comme  de véritables bijoux surgissant  de façon très graphique  de ce cadre  très porteur.L’image contient peut-être : 1 personne, nuitL’image contient peut-être : une personne ou plus

Soulignons que les chœurs, pourtant peu présents, de la volonté du compositeur pour accentuer la dimension vériste de l’opéra,  ont le don de donner une belle perspective au tableau musical. On est particulièrement touché par  la  voix off enfantine du pastoureau ou de la pastourelle  qui  égrène sa tendresse dans le lointain, en contraste saisissant avec la noirceur de l’action.

 

Au centre, le magnétisme de la tragédienne et la projection irréprochable de Virginia Tola, une véritable étoile lyrique, ne cessent d’émouvoir.  On  est sous le charme des vibratos souples et fruités des rencontres amoureuses. Son  timbre éclatant et  sa puissance vengeresse truffé d’aigus aussi lestes que si on cueillait des fleurs ses champs, ressortent d’autant mieux.  On a les larmes aux yeux en entendant son  Vissi d'arte « J'ai vécu d'art »,  après que Scarpia lui eut proposé son horrible marché.

 

A ses côtés le ténor vénézuélien Aquiles Machado, plein d’embonpoint et de bonhommie est craquant de vie,  de bienveillance, d’innocence et de purs sentiments. Son air E lucevan le stelle « Et les étoiles brillaient »qu’il chante  avant son exécution, évoquant le souvenir de Tosca est un réel arrache-cœur.

 

Mais entre tous, c’est Il Barone Scarpia qui crève l’écran. Marco Vratogna est à lui tout seul une machine infernale sous des dehors de courtisan élégant. On pense, à Créon,  à Richard II, à Torquemada, au Duc D’Albe. Dépourvu du  moindre sursaut d’humanité,   il coiffe tous les méchants au poteau, par la  puissance  de son venin hypocrite,  sa volonté organique de  détruire, voire, de violer.   Il possède une voix diabolique sonnant le glas du bonheur,  éclatante de maléfices.  Elle projette ses  puissantes ondes obscures  et délétères avec une  opiniâtreté de métronome, d’un bout à l’autre du spectacle.  

Tosca

La galerie des seconds rôles n’a rien  à envier aux vedettes lyriques du triangle tragique.  Excellentes prestations et projection irréprochable de Cesare Angelotti par le fidèle Roger Joachim tandis que  Pierre Derlet interprète un  Spoletta  fort bien campé en serviteur du Diable!   Laurent Kubla  c'est le formidable Sacristain: on  l’adore,  une soutane volante entourée de sa marmaille d’enfants de choeur!  Ajoutez deux membres des  Chœurs de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège:  Marc Tissons qui incarne Sciarrone  et  Pierre Gathier  qui joue un gardien. Sans oublier  le sel du bonheur:  le joli pastoureau dont on entend la voix  pure et flûtée au loin et qui fait partie de la maîtrise de L’ORW, garçon ou fille.    Cet ensemble particulièrement équilibré contribue  grandement à l’éclat lyrique  de la soirée. Et puisque « La Tosca » est là… vous irez, ou vous y retournerez.  

Dominique-Hélène Lemaire

Crédits photos 

Infos et réservations: www.operaliege.be

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administrateur théâtres

La Thébaïde est considérée comme une oeuvre de jeunesse, mais la beauté et la force des vers de Racine sont déjà là. Le sous-titre de cette tragédie, "Les frères ennemis", désigne Etéocle et Polynice, qui se battent pour le trône de Thèbes sous le regard éploré de leur mère Jocaste. Antigone n'occupe pas le premier plan, mais n'en demeure pas moins un personnage marquant. Quand les vertus de la réconciliation  sont ...bafouées. Présenté au Théâtre des Martyrs.

Première pièce de Jean Racine représentée et publiée en 1664, il a alors 24 ans et marche contre la guerre. Dans son introduction, Racine écrit : « La catastrophe de ma pièce est peut-être un peu trop sanglante. En effet, il n’y paraît presque pas un acteur qui ne meure à la fin. Mais aussi c’est la Thébaïde, c’est-à-dire le sujet le plus tragique de l’antiquité. »

Il explique aussi que l’amour, qui d’ordinaire prend tant de place dans les tragédies, n’en a que très peu dans la sienne et touche plutôt des personnages secondaires. Ce qui l’occupe c’est bien la haine viscérale profonde que se vouent les deux frères ennemis, Etéocle et Polynice condamnés par un destin implacable, à s'entre-tuer.

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« De tous les criminels, vous serez les plus grands –Silence– »

Les personnages:

ÉTÉOCLE, roi de Thèbes.

POLYNICE, frère d’Étéocle.

JOCASTE, mère de ces deux princes et d’Antigone.

ANTIGONE, sœur d’Étéocle et de Polynice.

CRÉON, oncle des princes et de la princesse.

HÉMON, fils de Créon, amant d’Antigone.

OLYMPE, confidente de Jocaste.

ATTALE, confident de Créon.

UN SOLDAT de l’armée de Polynice.

Gardes. 

La scène est à Thèbes, dans une salle du palais royal.

Cédric Dorier, le metteur en scène ne ménage pas son public. Point de toges antiques, de gracieuses couronnes, de colonnades dorées par le soleil au milieu de champs couvert de coquelicots rappelant pourtant le sang des Atrides sous l’immensité bleue d’un ciel d’Attique… Non, nous sommes conviés aux premières loges d’un huis-clos dont les couleurs glauques sont habitées par l’esprit de 1984, Ninety-eighty Four, la tragédie humaine la plus noire que l’on puisse lire, inventée par George Orwell en 1948. Et dont, jour après jour nous voyons les sombres prédictions se réaliser. Tout autour de ce QG militaire, où règne encore le bon sens de la très attachante Jocaste, on perçoit les bruits du monde dominés par la guerre. A chaque ligne du texte, Jocaste, aidée d’Antigone se dépense corps et âme pour sauver la paix avec une volonté farouche et un instinct de vie incandescent. Saurons-nous écouter ses prières et ses imprécations ? Le texte est envoûtant. Le rythme en alexandrins est un berceau où le verbe fait tout pour sauver du glissement vers les Enfers. Le verbe peut-il sauver ? Les mots feront-ils la différence ? Les femmes, en évoquant l’amour et l’innocence, réussiront-elles à inverser le sort, à juguler la trinité de mal représentée pat Créon, Etéocle et Polynice, tous habités par la haine et la vengeance? 

Le duo des frères ennemis est incarné par Romain Mathelart et Cédric Cerbara qui jouent la mise à mort comme des gladiateurs de théâtre romain, tant dans le verbe et le discours que dans l’affrontement physique. Une scène totalement inoubliable, surtout pour le public scolaire invité. Julie Lenain, en Antigone, Sylvie Perederejew en Olympe, complètent agréablement le trio du Bien et de la lumière.

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Jocaste (IV,3) 
« Ne vous lassez-vous point de cette affreuse guerre ?
Voulez-vous sans pitié désoler cette terre ?
Détruire cet empire afin de le gagner ?
Est-ce donc sur des morts que vous voulez régner ? »

La soif de puissance de Créon, doublée d’immense fourberie et de manipulation machiavélique est chez Racine effrénée et absolument abominable. Elle dénonce le totalitarisme rampant de nos sociétés.  Brillant comédien, Stéphane Ledune met la puissance d’évocation à son comble. L’orgueil du personnage est un sommet rarement atteint. Même au bord de son dernier geste fatal, Créon menace encore! Que n’écoutons-nous la sagesse grecque antique, pour qui l’hubris est la pire des choses aux yeux des Dieux. Cette mise en scène fait penser que notre monde en serait peut-être à Minuit moins deux minutes sur l’horloge de la fin du monde. En effet, depuis le 25 janvier 2018, l’horloge affiche minuit moins deux minutes (23 h 58) en raison de l’« incapacité des dirigeants mondiaux à faire face aux menaces imminentes d’une guerre nucléaire et du changement climatique ». Si Cédric Dorier voulait par sa mise en scène, dépeindre un enchaînement apocalyptique de rebondissements tous plus destructeurs les uns que les autres, il y parvient pleinement.

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Non seulement le texte est porteur – bien que souvent, hélas peu audible, passé le troisième rang, et …qu’entendre, au fond de la salle ? – mais la modernité, les jeux de lumière, de musique et l’appropriation chorégraphique de l’espace se font de manière magistrale pour épouser le propos de manière organique.

Dommage tout de même, que l’on n’ait pas pu disposer, comme à l’opéra, d’un dispositif défilant le texte. Cela aurait particulièrement aidé les jours où, Hélène Theunissen que l’on adore, jouait en dépit d’une laryngite aiguë. Il est apparu, néanmoins qu’elle n’était pas la seule à capter le dépit, le désespoir ou la colère dans le registre des murmures les plus inaudibles… Ceux-ci font sans doute partie d’un parti pris esthétique et émotionnel très conscient du metteur en scène, mais que l’on a du mal à admettre quand on a résolument pris rendez-vous avec la si belle langue d’un auteur du 17e siècle, surtout lorsqu’il s’agit de chants si désespérés et si beaux!. Ou bien, faut-il avoir relu la pièce avant la représentation ?

Mais, grâce aux vertus cathartiques de la tragédie, il est certain que l’ on est amené, une fois le rideau tombé à questionner notre monde et à repousser ses pulsions mortifères par la raison et le questionnement lucide. Une production brillante et ...désespérante à la fois.

MISE EN SCÈNE
Cédric Dorier
COPRODUCTION Les Célébrants (Lausanne, Suisse), Théâtre en Liberté

JEU Cédric CerbaraStéphane LeduneJulie LenainRomain Mathelart, Sylvie PerederejewHélène TheunissenLaurent TisseyreAurélien Vandenbeyvanghe 

Photos : Isabelle De Beir

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UNE
PLACE

Grande salle

08.11 > 30.11.18

INFOS & RÉSERVATIONS
02 223 32 08 - http://theatre-martyrs.be/

Dominique-Hélène Lemaire

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administrateur théâtres

L’image contient peut-être : 2 personnes, personnes deboutJuste ce qu’il faut d’atmosphère sensuelle et méridionale des palais de l’Andalousie du XVIIIe siècle et au bout…. Le bonheur !

 Envoûtés par la qualité de la musique et  celle de la distribution éblouissante réunie sur le plateau de l’Opéra de Liège,  les spectateurs  participent, à  une  folle journée (le sous-titre même  de la pièce  Le Barbier de Séville  de Beaumarchais) vécue par Figaro, valet du Comte et Suzanne,  camériste au service de la Comtesse Almaviva, habitant une belle demeure à Séville.

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Après une ouverture fulgurante,  augurant le caractère ludique de l’opéra et de son issue heureuse,  les deux amoureux préparent leurs noces, mais  le Comte, un coureur impénitent, a juré  d’exercer son « droit de cuissage » sur Suzanne, la   jeune  et séduisante  fiancée. Mis au courant, Figaro, jure de déjouer les plans de son maître.  «  Se vuol ballare signor contino » déborde d’énergie  combattante et annonce un personnage de haute voltige.   Mais  Figaro se heurte  à de nombreux écueils :  Don Basilio (Enrico CASARI), le maître de musique, qui joue le douteux rôle de l’entremetteur pour le Comte,  Marcellina ( une ébouriffante Alexise YERNA), soutenue par maître Bartholo (Julien VÉRONÈSE) , qui,  après avoir prêté de l’argent à Figaro contre promesse de mariage, espère bien se faire épouser, mais finit  par découvrir qu’elle est sa mère, ce qui résout la question! Et aussi, parmi les gêneurs,  l'adolescent craquant et adorable, Cherubino,  amoureux de « sa marraine », la Comtesse, mais aussi  amoureux de toutes les femmes à la ronde.

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Judith VAN WANROIJ,  La Comtesse,  loin d’être une personne figée et compassée, vit dans l’opulence  mais elle est désabusée par les frasques  de son mari volage, par ailleurs "Grand d'Espagne!". Elle se révèle  être d’une  vive et belle intelligence et d’une humanité touchante, comme dans son air «  Porgi Amor », un vrai coup de cœur.  Tout ce qu’elle chante porte un relief extraordinaire.   Elle est restée la Rosine pétulante, enlevée jadis par le Comte et partage l’esprit rebelle et critique de son impertinente  compagne, Suzanne. Ensemble elles vont tramer des pièges pour faire ... entendre raison!  Ainsi ce   merveilleux duo « Sull'aria » où la comtesse dicte  le billet donnant rendez-vous au comte. Une merveille d’harmonies féminines.  

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Surprises, déguisements, quiproquos, situations embarrassantes, rebondissements dignes de vaudeville émaillent donc l’histoire  dans un  tempo vif et enjoué, jusqu’à ce que tombent les masques au quatrième acte. Le tout est ciselé avec finesse, saveur et jubilation par le maître de musique: Christophe Rousset,  titulaire de deux rôles.  D'une part, instrumentiste délicat et talentueux, au piano forte qui illumine l'ouvrage, et de l'autre,  incomparable chef  de l’architecture musicale de l'opéra.  Il a un don extraordinaire pour mettre  les choses en musique : révélations, surprises et revirements... Il narre cette histoire hautement ludique avec brio  et  intercepte  la  multitude  des états psychologiques  tout en faisant mystérieusement  ressortir  le regard critique  de Mozart sur de l’Ancien régime, par des modes burlesques. Il pénètre inlassablement l’arrière des masques et déjoue les singeries sociales, questionnant avec humour les rapports homme-femmes. Avec une préférence pour les femmes? 

En dehors du plaisir intense de la musique, la réussite de ce spectacle tient  particulièrement à la mise en scène d’une pureté dé(?)concertante! Signée Emilio Sagi.  Cela dit beaucoup!  Les décors et les costumes en élégantes teintes pastel ou sable, sont  comme  - idéalisés -  et jouent avec de belles  luminosités et la subtile blancheur du palais, jusqu’au dernier acte - le plus fou et où la musique a atteint un niveau quasi charnel -    qui se déroule, lui  dans un  luxuriant jardin semi-tropical, un paradis où ne peut qu’advenir le pardon, indissociable compagnon de l’amour véritable.

Mais la réussite parfaite de cette production tient  bien sûr surtout  à la qualité de ses interprètes.  Aux côtés de la  Comtesse  pleine de charme, de noblesse  et  de profondeur, Jodie DEVOS met sa voix claire et naturelle ainsi que  sa malicieuse théâtralité au service du  fougueux personnage de Suzanne, plus maîtresse que suivante!  Elle est le centre de tous les duos qu’elle mène sans faiblir…avec la vaillance musicale  intrépide que l’on lui connaît.  L’exquise Raffaella MILANESI  est le jeune Chérubin: du vif-argent éveillé à l’amour qui gambade sans la moindre retenue, tel un jeune dieu, libre, farceur, tendre, passionné, possédé par l’énergie grisante et urgente  de son personnage.  Quant au Comte Almaviva, il est superbe,  tellement déterminé et sûr de lui dans son inconstance toute masculine.  Il  est interprété par un  Mario CASSI tout-à-fait solaire. Sa tessiture semble rayonner et vibrer, caressant les plafonds et les  fenêtres du palais, continuant à jouer  de splendides couleurs de parade masculine,  même si  ...c’est finalement  Suzanne qu’il découvre dans le placard à la place du jeune amant qu’il brûlait de surprendre  à l'acte II, ou  même s’ il ...se  fait piéger par Suzanne et la Comtesse à l'acte IV,  et apparaît  comme un personnage plutôt ridicule.

L’image contient peut-être : 2 personnes, personnes assises

Délicieuse Julie MOSSAY dans  Barbarina, qui elle aussi décline une des facettes de l’amour dans sa belle cavatine de l'Acte IV  … et un jardinier râleur et intempestif à souhait, très bien campé sous les traits de Patrick DELCOUR.    Mais la palme revient sans doute  au chatoyant  Figaro,  le jeune baryton Leon KOŠAVIC à l’élocution parfaite. Un homme de caractère,  qui n’a rien à envier à son maître en termes de voix masculine  affirmée, héroïque et radieuse, et  à travers lequel on perçoit  un  brûlant de désir de construire un nouveau monde, rêvant pour  celui-ci,  de  plus d’amour,  plus de  justice et de  plus  de liberté. La densité et la musicalité du  final est un  sorte d’aboutissement heureux, de fusion parfaite du comique et du sérieux du livret, le moment  où s’arrête enfin  le tourbillon de ces personnages illustrant si bien l'esprit du XVIIIe siècle, celui  où le regard et l’oreille se trouvent confondus d’admiration devant l’esthétique de la  mise en scène  et  la  qualité  sonore  de la production.

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 En Italien DIRECTION MUSICALE : Christophe Rousset MISE EN SCÈNE : Emilio Sagi CHEF DES CHŒURS : Pierre Iodice  ARTISTES : Mario Cassi, Judith Van Wanroij, Leon Kosavic, Jodie Devos , Raffaella Milanesi, Julien Véronèse, Alexise Yerna, Julie Mossay, Enrico Casari,Patrick Delcour  

NOMBRE DE REPRÉSENTATIONS : 5 DATES : Du vendredi, 06/04/2018 au samedi, 14/04/2018

 

Avec L’Orchestre et Chœurs de l’ Opéra Royal de Wallonie-Liège, nouvelle production

Vous trouverez ici des Ressources  à propos de  la biographie de Mozart.

 

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administrateur théâtres

­­­­­­­­­­12273287074?profile=originalDernier spectacle de la saison 2017-2018, voilà un Macbeth  de Verdi bouleversant hier soir à l’Opéra de Liège dans une mise en scène très inspirée de Stefano Mazzonis di Pralafera. A la fois une somptueuse conclusion de saison,  gratifiée d’un déluge de  costumes - les créations belles à couper le souffle de Fernand Ruiz - et une  réflexion  forte  sur le monde. Comme si dans la moitié du monde déjà dans l’ombre,  la soif  effrénée de pouvoir avait ouvert ses ailes obscures et se mettait à dévorer l’humanité entière, d’Ouest en Est… Glaçant. Rien n’a changé entre l’Ecosse du Moyen-Age et le monde d’aujourd’hui. « Alla corona che m’offre il fato La man rapace non alzerò ». Vers la couronne que me tend le destin je ne tendrai pas une main avide!  Hélas, ...Wishful thinking!    12273287473?profile=original En parallèle avec  l’ambition dévorante de Lady Macbeth,  on est percuté,  par une  spirale vertigineuse de vengeance meurtrière et d’orgueil démesuré. Et pire encore, c’est Verdi qui le dit, il y a le rôle clé du surnaturel  et   du très néfaste recours  à la nécromancie pour  forcer le destin.  C'est lui qui déclenche la débâcle finale faite de trahison, de meurtres,  de solitude et de folie sans retour.

Dès  le prélude dramatique (roulements de tambours, éclats de cuivres, staccatos vibrants, marche déjà funèbre)  où glissent inexorablement  les figures jusqu’à l’échec et mat, l’histoire est transposée  sur un échiquier présenté en miroir, dans un décor de Jean-Guy Lecat.   Cloches fatidiques… la beauté a des côtés sombres et le reste est chaos.

Véritable  vase d’expansion d’émotions denses  et  de climat dramatique,  l’orchestre  irradiant soutient l’ouvrage sous l’ample baguette de Paolo Arrivabeni, un chef déterminé et précis. Il  sensibilise aux  moindres replis de l’âme exaltée et machiavélique de Lady Macbeth. Il enlumine les ballets, de bois et de timbres  grinçants. Il danse le sabbat avec  les sorcières aquatiques et cornues en voiles turquoise sous la voûte étoilée, tandis qu’elles  ne cessent  de tirer les fils du destin et d’emmailloter les victimes comme dans une  gigantesque toile. Il anime les larges coups de ballets où revient en force l’esprit démoniaque…signés brillamment par Rachel Mossom et la fabuleuse  Compagnia Del Centro di danza Baletto di Roma.  Il  développe une tension théâtrale constante à travers de magnifiques cuivres, les tissages soyeux de violons d’une grande finesse, et les amplifications musicales prodigieuses des  sentiments exacerbés.

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Le chœur spectaculaire sous la direction de Pierre  Iodice « ouvre les portes de l’enfer et engloutit la terre ! » et  préfigure  l’amplitude de celui de Nabucco… C’est tout dire! Le "Patria oppressa" déborde de larmes.  ​

Si Verdi souhaitait une « Lady laide, méchante qui dispose d’une voix rauque, étouffée, caverneuse… », la scène liégeoise accueille une star d’une  présence incomparable, d’une agilité rythmique d’un autre monde  et une voix de tragédienne accomplie. Tatiana Serjan dans  son rôle de Lady  Macbeth, connaît un succès foudroyant. Elle  a chanté ce rôle depuis Turin en 2002 plus de 300 fois,   fréquentant les scènes les plus prestigieuses : la Scala de Milan, à l’Opéra de Rome, au Teatro Comunale de Bologne, au Mai musical florentin, au Teatro Regio de Parme, au Teatro Massimo de Palerme, au Festival d’opéra de Ravenne, à la Staatsoper de Bavière (Munich), à la Deutsche Oper de Berlin, au Teatro Real de Madrid, au Liceu de Barcelone, au Théâtre national de São Carlos de Lisbonne, à l’Opéra de Zurich, à l’Opéra de Dallas, au Lyric Opera de Chicago, à la Staatsoper de Vienne ou encore aux festivals de Bregenz et Salzbourg, et maintenant, à L’Opéra de Liège. Son entrée en scène pour convoquer les forces du mal, est puissante, incantatoire  et pleine de feu et de profondeur. Sa grande scène de somnambulisme est un suspense déchirant. Cela commence sotto voce,  la lanterne à la main, parcourant un à un les carré lumineux de l’échiquier comme lors d’une descente aux enfers,  va-t-elle percevoir l’horreur de ses crimes ? Ou la folie obscurcit-elle totalement son cerveau, elle qui essaie vainement de se débarrasser des taches de sang sur ses mains? En contraste saisissant quelle pureté de voix dans le duo qui l’observe, le médecin et la suivante : Roger Joachim et Alexise Yerni…  Elle est aux côtés de l’impressionnant baryton Leo Nucci, 76 ans, véritable légende du chant verdien, qui interprète Macbeth de façon héroïque et terriblement humaine,  formant avec elle un ensemble fantastique et triomphant. Le poignard vibre, Macbeth résonne jusqu’au fond des cœurs et soupire: « Je meurs haï du ciel et de la terre, Vile couronne ! »  

À leurs côtés, l’on remarquera le ténor Gabriele Mangione en Macduff et la basse Giacomo Prestia en Banco.

La distribution est  brillament complétée par Papuna Tchuradze (Malcolm), Alexise Yerna (Dama di Lady Macbeth) et Roger Joakim (Medico & Sicario). 

 ma.12, je. 14, me. 20, sa. 23, ma. 26 juin 2018 | 20h > di. 17 juin 2018| 15h

Opéra Royal de Wallonie-Liège Place de l’Opéra - B-4000 Liège

 Infos/réservations : +32 (0) 4 221 47 22 | www.operaliege.be

 En direct le je. 14 juin à 20h30 sur culturebox.francetvinfo.fr

Suivez la diffusion sur  Culturebox, disponible en replay, du spectacle Macbeth de Verdi à l'Opéra Royal de Wallonie-Liège. 
Avec Paolo Arrivabeni à la direction musicale, dans une mise en scène de Stefano Mazzonis Di Pralafera, avec Leo Nucci, Tatiana Serjan, Gabriele Mangione, Giacomo Prestia, Basso, Papuna Tchuradze, Alexise Yerna, Roger Joakim, Dominique Detournay, Ludivine Scheers, Marc Tissons 

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administrateur théâtres

LE ROI PERCHE est  un drame historique en 3 actes,  librement inspiré de la vie de Louis II de Bavière écrit par Olivier Schmidt12273280080?profile=original

Les PERSONNAGES: 

LUDWIG

Connu sous le nom de Louis II de Bavière

RICHARD WAGNER

Compositeur

ELISABETH « SISSI »

Impératrice d’Autriche

SOPHIE CHARLOTTE DE BAVIERE

Première épouse de Ludwig

RICHARD HORNIG

Ecuyer et amant de Ludwig

BERNHARD VON GUDDEN

Psychiatre

MARIE DE HOZENZOLLERN

Mère de Ludwig

OTTO

Frère de Ludwig

Et LES AMANTS DE LUDWIG ,  Page… Ecuyer…

 

 

                                                                              « Ludwig » :

                                    Spectacle éligible aux P'tits Molières 2018  joué à la Clarencière

                                                   Les vendredi 2 et samedi 3 mars 2018 à 20h30

                                         Ecriture et mise en scène de Olivier Schmidt
                                                                                 Sur une idée originale de Kevin Maille 
                                  Par : Julien Hammer, Rafael Vanister, Charlotte Moineau, Olivier Schmidt et Séverine Wolff

 

 Regarder: 

12273280680?profile=originalUn fils rebelle à l’emprise  d’une mère castratrice ? Un homme faible et enfermé dans ses chimères? Un jeune homme lunaire, exalté et romantique dont on contrarie les pulsions « malsaines » vis-à-vis de ses nombreux écuyers  et que l’on veut faire épouser par une cousine, …à effet thérapeutique ?   Louis Il de Bavière fut  surnommé le roi perché pour le nombre de ses châteaux fantastiques exaltant l'éthique de la chevalerie médiévale et le génie de la France du Grand Siècle. Inspiré par les travaux de Violette le Duc, Louis II  fit construire de  superbes châteaux de style  romantique flamboyant dont  le plus célèbre est le Neuschwanstein.  Il  sauva de la faillite Richard Wagner,  avec qui il éprouvait en plus de l’admiration sans bornes,  une attirance sexuelle non déguisée, mais à sens unique, selon ce que nous raconte Olivier Schmidt, l’écrivain et le metteur en scène. Victime de son homosexualité le révulsait et défrayait la chronique.  Mécène du musicien visionnaire, il dépensa des sommes démesurées pour lui, finançant, contre l’avis du conseil d’état, la construction du Palais des festivals de Bayreuth. Il imposa  l’œuvre  de Wagner mais fut  finalement contraint de l’exiler en raison de son comportement totalement intéressé. Il fut  aussi l'étrange confident et protégé de sa belle cousine, la célèbre Sissi, impératrice d'Autriche et reine de Hongrie, la seule qui échappa à sa solitude, sa misanthropie et sa  misogynie chroniques.  Il guerroya néanmoins  pour défendre l'identité de son royaume,  au sein de  l'Empire allemand. Accablé par l'effondrement français en 1870, il se réfugia dans ses montagnes, construisant ses fascinants palais  de légendes et s'isolant dans un monde que personne ne pourrait atteindre ni détruire… Comme le héros wagnérien, Tannhäuser, Louis II  était à la recherche de l'impossible rédemption. Destitué pour " aliénation mentale » et enfermé au château de Berg, il trouva la mort, à l'âge de quarante et un ans, dans le lac de Starnberg dans des circonstances énigmatiques. Accident? Suicide? Assassinat?12273281265?profile=original

Ecouter:

Sur le plateau tourbillonnent seulement cinq comédiens, que l’on croirait  bien plus nombreux, tant le rythme des entrées et des sorties et des jeux de miroir de l’histoire est intense. Ils  jouent une bonne dizaine de personnages historiques… les costumes  uniquement noir et blanc au début sont rutilants, le charme des deux comédiennes, une souvenir de Romy Schneider.   Et tous  sont   taillés dans la beauté, sombre, sauvage,  lisse ou élastique d’êtres en pleine exaltation. Ils projettent  leurs  répliques à la diction parfaite  avec une splendide justesse de ton: Julien Hammer, Rafael Vanister, Charlotte Moineau, Séverine Wolff, Olivier Schmidt  manient la palette théâtrale des mouvements  avec une aisance tout aussi parfaite, malgré … ou à cause peut-être de l’exiguïté des lieux. La mise en scène se doit d’être millimétrée. On a droit à un concentré  de pureté d’expression comme si le jeu théâtral devenait l’objet d’une mystérieuse alchimie. Le texte, écrit  un peu à la  manière de Jean Teulé  est bourré de vivacité, de surprises,  de belles phrases bien balancées ; on tombe très rapidement  amoureux, non des pulsions avérées du roi « fou » mais de cette langue belle et rythmée qui fouille les tréfonds de l’âme, et de la construction de l'intrigue tendue  et en forme de  crescendo infernal et inéluctable.12273281684?profile=original

 

Méditer:

Les thèmes développés nous concernent et nous touchent au plus près, qu’il s’agisse de l'intégrité de la personne, de liberté, de tolérance et de respect de l’autre pour un être « borderline »  comme l’était Louis II de Bavière  ou  qu'il s'agisse de la quête du bonheur versus les contraintes d’une société avide de formatage, ... Et de la Mort, bien sûr. En un mot : c’est émouvant et  brillant, à tout point de vue!

apprécier:  

https://www.theatrelacroiseedeschemins.com/ludwig

 

 

voyager: 

http://www.liberation.fr/voyages/2014/08/01/louis-ii-le-roi-perche_1074218

http://programme-tv.nouvelobs.com/magazine/secrets-d-histoire-s4185/louis-ii-de-baviere-le-roi-perche-1238004/

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administrateur théâtres

Chanter et raconter, s’indigner et rire, jouer et dire, écrire et danser to the end of Love,  c’est  transmettre : une idée fixe chez Thierry Debroux  à chaque fois qu’il signe le miracle de la mise en  scène d’une nouvelle adaptation scénique dont il a le secret. Celles-ci  ne cessent d’émerveiller tous les âges,  du plus innocent au plus endurci et   on   finit par  prédire que chacun de ses  spectacles sera un nouveau couronnement.

Avec l’adaptation du Livre de la Jungle, de Kipling (1894-1895)  et non  de Walt Disney, il s’agit ici d’un hommage particulier, dédié à son institutrice de maternelle, Madame Christine qui fut, grâce à cette histoire de Mowgly,  l’instigatrice de toute sa carrière théâtrale, alors qu’il était haut comme trois pommes. Thierry Debroux, en homme reconnaissant,  pose publiquement  un acte de gratitude vis-à-vis d’une femme qui a su lui insuffler la passion qui a conduit toute sa vie… C’est quelque chose de rare dans notre monde pressé d’en finir ou  de courir après chimères et  idoles…sans jamais jeter un regard en arrière.   

Dans cette adaptation scénique irradiante, il jongle avec les mises en abîme  en réveillant ses souvenirs des personnages les plus intenses de Kipling,  tout en  évoquant  ses souvenirs d’enfance. Madame Christine  resurgit à tout moment,  du début à la fin …comme quelqu’un qu’il a vraiment aimée.

 

31 représentations de rêve, du 19 avril au 19 mai 2018

Et un retour prévu en décembre 2018...

Au cœur du récit, il y a  Mowgly, l’enfant loup  recueilli par la forêt  et une  mère humaine affolée  par sa disparition. Au travers du conte musical initiatique, on suit toutes les questions existentielles de l’enfant qui grandit, le questionnement de son appartenance au clan malgré sa différence,   le  respect ou non des  loi, la liberté de choix, le rôle parental… et l’incroyable volonté de pouvoir de  ceux qui se rêvent puissants…

Pour la forme, il y a l’écriture tellement truffée d’allusions humoristiques ou culturelles, des images fugaces des périls de  notre société, captés dans un jeu savant de sonorités et de bulles poétiques. Et des compositions musicales signées Philippe Tasquin  accessibles  sur  CD vendu à l’entracte ou après le « pestacle ».    

Les décors graphiquement parfaits tiennent de l’épure et reviennent comme des leit motivs. De la mise en scène émane un récit percutant. La « forêt qui soigne » se superpose aux palmes tropicales, les arbres bougent comme dans Shakespeare, le rocher de consultation populaire est une pyramide faite d’alvéoles comme la ruche des abeilles. L’île aux plaisirs, pardon, le repère des singes profiteurs est un nid de décadence. L’image contient peut-être : une personne ou plus A bons entendeurs, salut!   Le village lui-même voyage à travers le monde.  Ne se  retrouve-t-on pas soudain carrément  chez les Indiens d’Amérique, à voir le costume de la chef de village ? Clin d’œil du jeune Thierry Debroux à Kipling voyageur qui  lui aussi parcourut, étant jeune homme,  les terres d’Amérique?

Les  enfants frappants de dynamisme et de vitalité qui interprètent Mowgly font du jeune héros un personnage attachant et intelligent comme le veut Kipling. Les trois enfants qui se relaient,  Andrei Costa, Dario Delbushaye et Issaïah Fiszman semblent décoder par leurs fines postures et leur regard intense   les moindres arnaques, les hypocrisies et la violence du monde qui les entoure… On se réjouit de la fraîcheur de leur « sagesse innée» et leurs très belles voix qui émeuvent aux larmes portent des chansons bouleversantes. En miroir, les personnages mi-humains, mi-animaux,  entretiennent continuellement la dualité  de Mowgly et ses interrogations.  Les yeux des spectateurs se posent sur des masques qui semblent respirer et dire chaque réplique comme s’ils étaient vivants. Un tour de force et un art consommé des comédiens. Daphné D’Heur campe une séduisante  Bagheera et Messua, la villageoise éplorée devant la disparition de son enfant tandis que la deuxième très belle  voix féminine appartient à Rashka, une  mère-louve pleine d’empathie et de noblesse de cœur jouée avec brio par Jolijn Antonissen aux côtés d’un Akela très digne: Gaétan Wenders. Aucun texte alternatif disponible. Baloo joué par Emmanuel Dell'erba séduit par son entrain et sa … légèreté. Très farceur et transposé dans un mode plutôt comique, Kaa (Philippe Taskin) semble avoir été créé avec jubilation par l’adaptateur du récit,  qui n’a vraiment que faire de l’anathème jeté sur son engeance. Réhabilité comme un serpent sympathique, il ne lui manque que les bras pour qu’on l’aime vraiment. Le duo de mauvais bougres est maléfique à souhait, c’est Pierre Bodson pour Shere Kahn et Fabian Finkels – who else ? - pour le jeune loup aux dents longues.  Le narrateur, Gaëtan Wenders donne la réplique à Madame Christine (Anne-Marie Cappeliez).

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Photos : ZVONOCK

Avec : Jolijn ANTONISSEN,
Pierre BODSON,
Anne-Marie CAPPELIEZ, 
Didier COLFS ,
Emmanuel DELL’ERBA ,
Daphné D’HEUR ,
Fabian FINKELS,
Antoine GUILLAUME ,
Philippe TASQUIN ,
Gaëtan WENDERS. 
Mowgli, en alternance : Andrei COSTA, Dario DELBUSHAYE, Issaïah FISZMAN. 
Les petits Loups, en alternance : Alexandre ANDERSEN , Baptiste BLANPAIN , Ava DEBROUX ,
Arthur FRABONI , Martin GEORGES, Laetitia JOUS ,
Julia ORENBACH, Andrea SCHMITZ, Ethan VERHEYDEN. 

Durée : 
2h entracte compris 

THEATRE ROYAL DU PARCRue de la Loi, 3, 1000 BRUXELLES   Billetterie : 02/505.30.30 

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administrateur théâtres

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Certes la spécificité du  Bodegón espagnol naît de la diversité : sans l’influence d’artistes de nos régions, comme Joachim Beuckelaer (ca. 1535–1575) et Jan Brueghel, et d’artistes italiens tels que Margherita Caffi ou Giuseppe Recco, la nature morte espagnole n’aurait tout simplement pas existé. On situe la  naissance du genre en Espagne vers 1590–1600 dans le contexte tolédan, au moment où des artistes comme Caravage ou Bruegel l’Ancien faisaient des essais comparables en Italie et aux Pays-Bas. Voici la vie secrète des natures mortes …et leurs Métamorphoses silencieuses à travers 400 ans d’art en en Espagne. 

L’exposition « Spanish Still Life » au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles s’est ouverte  le 23 février 2018  et refermera ses portes le 27 mai 2018 avant de voyager ensuite vers Les Musei Reali à Turin.  L’idée d’une exposition consacrée au genre de la nature morte en Espagne est née après le succès de l’exposition Zurbarán, maître de l’âge d’or espagnol, organisée par la Palais des Beaux-Arts (BOZAR) et la Fondazione Ferrara Arte en 2014. Cette exposition a pu voir le jour grâce à une intense collaboration avec d’autres musées européens, tels que le Museo Nacional del Prado à Madrid, le Centre Pompidou à Paris, le Museo Nacional de Arte Antiga à Lisbonne ou le Staatliche Museen à Berlin.

 En ce qui concerne le titre choisi, il est intéressant d’apprécier la différence de vocables utilisés dans nos langues européennes pour caractériser cet art  considéré par beaucoup comme « mineur » même s’il fut très apprécié par les amateurs d’art.  Si on parle de  "nature morte" en Français et en Italien,  Still life en Anglais, Stillleben en Allemand, stilleven en Néerlandais... mettent l'accent sur la vie! Et l'espagnol se distingue en parlant de " los bodegones" un pluriel de "victuailles"… donc de vie. 

 Mais dès la première salle on est confronté avec  l’intransigeante pureté du mysticisme ascétique espagnol qui remonte aux temps de  sainte Thérèse d'Ávila,  réformatrice de l'ordre du Carmel (1562 ) et de son compagnon spirituel Jean de la Croix,  l'un des plus grands poètes du Siècle d'or espagnol.  On pourrait même  oser  un parallélisme entre le mysticisme séculaire espagnol et la pensée du bouddhisme : où l'espoir d'une aurore lumineuse ne peut naître qu'après le dépouillement absolu, l’aventure dans le Rien (Nada).

Les objets ne sont plus partie d’un décor, ils sont devenus les protagonistes de la toile.  Ainsi cette fenêtre noire sur laquelle se détachent quelques humbles légumes baignés de lumière  dans le premier tableau de l’exposition, signé Juan Sánchez Cotán, artiste de Tolède (1560-1627).  L’art du silence ? Ce tableau n’est pas sans évoquer  La Nuit obscure qui est le lieu privilégié où l’âme peut faire son chemin vers Dieu. En 1603 il devient frère convers à la Chartreuse,  menant  une vie contemplative à l'écart du monde, dédiée à la prière d'intercession, d'adoration et de louange. Dieu a laissé la beauté aux objets de ce monde, comme les légumes avec lesquels on fait la soupe. La Beauté est faite pour être contemplée,  comme la frugalité et l’intensité de cette toile… (Coing, chou, melon et concombre -vers 1602- Musée d'art de San Diego). 

On se retrouve à Séville, dans l’ombre de  Pacheco qui fut chargé par le saint Tribunal de l'Inquisition de « surveiller et visiter les peintures sacrées qui se trouvent dans les boutiques et lieux publics, et de les porter si besoin devant le tribunal de l'Inquisition » Nous voici devant une œuvre de Velasquez « Le Christ dans la maison de Marthe et Marie » qui décrit l’oppositions des nourritures spirituelles et terrestres. Quatre poissons rutilants, des éclats d’ail en train d’être épluchés… et le choix qui nous est offert!  

Et pourtant, l’empreinte des cruautés  de L’Inquisition depuis Torquemada, triste confesseur de la reine Isabelle de Castille et du roi Ferdinand II d’Aragon…  et d’autres violences successives  ne cessent  de transparaître. Le sang et la mort.  Cela se voit particulièrement dans  la section du 18e siècle,  alors que  l’Europe  des lumières explosait de toutes parts   mais que l’Espagne subissait de lourdes guerres de succession et des conflits civils  meurtriers. En 1814, L’Espagne est exsangue.  Deux toiles de Goya, précurseur des avant-gardes picturales du xxe siècle, décrivent  avec la modernité du geste expressionniste un dindon raide mort et ensanglanté et un plat de poissons pourrissants, des dorades bien mortes,   pour symboliser toute l'horreur de la guerre et de la violence. On y  retrouve la souffrance séculaire de l'Espagne : depuis son invasion par les Maures, depuis  la tragédie de la  liquidation de la communauté juive,  et le salut illusoire qu'elle a cherché dans la religion en s'engouffrant dans l'Inquisition. Les guerres civiles quasi-permanentes, et les guerres de succession ont semé la souffrance.  L'amour-haine avec les Portugais.  Et sous silence: la mort portée outre-mer, et les richesses coloniales rapportées qui  ont bâti sa splendeur.

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 Le parcours est donc chronologique à travers quatre siècles d’art en métamorphose.  Certains tableaux comme les deux Zurbaran symbolisent la passion du Christ. Le Lys, la Rose, l’Oeillet … la grenade, le raisin ne sont pas choisis par hasard, ils ont valeur symbolique!

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Juan Van de Hamen y Leon " Nature morte avec fruits et objets de verre" 1629

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 Francisco de Zurbaran "La vierge enfant endormie " 1655

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 Francisco de Zurbaran "Nature morte avec panier en osier et pommes"

Une grande section est consacrée aux « Vanités ». Du latin vanitas (« vide, futilité, frivolité, fausseté, jactance »), terme issu du Hébreux « Hevel » qui signifie littéralement « souffle léger, vapeur éphémère ». « הֲבֵל הֲבָלִים הַכֹּל הָֽבֶל »  « Vanité des vanités, tout est vanité » Les désillusions du monde, l’inanité, la futilité de l’amour profane, de l’argent des bijoux, du pouvoir avec les couronnes et les sceptres, du plaisir, du jeu, des armes… face au triomphe de la mort ! L’occasion de méditer sur le passage éphémère de la vie et sa nature « vaine ». Ainsi ce prince à la peau si blanche, couvert d’un habit de dentelles «  Il vient et il s’en va si vite »… est-il écrit, parmi les tiares, mitres, couronnes,  les instruments de science,  la beauté des fleurs et les  gloires de la guerre!

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Antonio de Pereda "Le songe du gentilhomme" vers 1640

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Dans l'Allégorie de la Vanité,  de Juan de Valdes Leal,  les illusions de la vie temporelle et même du savoir,  sont confrontées à la vérité de la vie éternelle - salut ou damnation -, un ange tourné vers le spectateur soulevant une tenture pour dévoiler un tableau représentant le Jugement dernier.

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Pablo Picasso; "La casserole émaillée "1945

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Joan Miro "Nature morte avec vielle chaussure" 1937

Ce cortège de chefs-d’œuvre, réunit les plus grands noms de l’histoire de la peinture universelle, de Velázquez à Picasso, en passant par Dalí. La nature morte au XXe siècle explose. Elle est multiforme, elle passe par l’art abstrait, la photographie, l’expressionnisme. Et toujours avec Miro, les douleurs de la guerre.  Le dernier tableau de l'expo présente  des agapes …surréalistes et presque palpables,  que l’on vous laisse découvrir.

https://www.bozar.be/fr/activities/126682-spanish-still-life

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administrateur théâtres

Théâtre de la cruauté : tous les écrits de Strindberg témoignent de sa vie et portent la trace de ses crises, de ses combats, de ses révoltes contre une société au conformisme rigide qu’il exècre et qu’il dénonce. Né en 1849, dans un milieu petit bourgeois, il perd sa mère atteinte de tuberculose à treize ans et souffre du remariage d’un père autoritaire avec la gouvernante des enfants, Emma Charlotta Peterson dont il a un fils, Emil.  Il devient auteur de théâtre après avoir  échoué dans la carrière de comédien. Sa jalousie féroce envers sa première épouse, la baronne Siri Von Essen sera à l’origine de ses premiers délires paranoïaques.  Marié et divorcé trois fois, il doit travailler beaucoup pour assurer la subsistance des enfants qu’il a de chacun de ses mariages. Névrosé, champion de misogynie, ses relations avec les femmes sont terriblement conflictuelles. Toute sa vie il luttera contre ses fantômes pour extraire de son être, une œuvre noire qui nous dit sa détresse intérieure.

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Mademoiselle Julie (Fröken Julie) (1888) : comme il est dit dès le début du texte :
« Mademoiselle Julie est folle, complètement folle ».Nous voilà avertis !

Midsummernight’s Nightmare :  De Zola à Munch, tout se passe dans la cuisine du château. On y découvre une trinité infernale qui incube pendant la nuit des feux de la Saint Jean. Christine (une formidable Caroline Cons), la cuisinière - figure iconique de la représentation de la femme traditionnelle - assiste, pleine de réprobation divine et silencieuse, à la fulgurante passion entre Julie, sa maîtresse et Jean, son fiancé. Une confrontation violente du masculin et du féminin, de la noblesse et des manants. Ambiguïté : ne fait-elle-même un rêve? On la voit dormir et marcher comme une somnambule…

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 La présence des bottes noires du terrible comte dans la cuisine 19e suggère son absence et sa personnalité  pesante. L’absence d’une mère se fait encore plus flagrante au cours de l’action traversée par la puissance onirique.  Punk déboussolée, la fantasque et fascinante Julie débarque et  se jette à la tête  du valet, qui se voit  incapable de résister au feu de l’amour-haine de la jeune tentatrice et obéit à ses caprices. La belle excuse, il a essayé maintes fois de la dissuader! Mais il finit par avouer  qu’il convoite depuis de nombreuses années la  jeune comtesse. Est-ce de l’amour ou  un moyen de monter dans l'échelle sociale ? Le jeu de L’excellent Roland Vouilloz est particulièrement ambigu et crédible. L’acte sexuel dans une soupente éclate en mille explosions sonores dévastatrices.  Symbolisme : on assiste au meurtre prémonitoire de l’oiseau de la jeune  aristocrate tandis que  Jean ne cesse de se laver les mains… Rêve de pureté - le plus beau passage - lorsque Jean lave le visage de Julie avec immense douceur,  seul répit de la pièce. Est-il vraiment dévoré d’ambition? Peut-il vraiment emmener Julie, au lac de Côme et recommencer une nouvelle vie grâce à la cassette de la fille du Comte qu’il installera derrière le comptoir?  

Mais les sortilèges de cette nuit fatale  où tout est permis se dissipent et Jean reste enfermé dans son rôle de valet, il retourne à Christine figée dans l’attente, tandis que  Julie, effarée par son acte déshonorant, seule, trahie et désespérée  se  supprime avec le rasoir que l’amant lui a  laissé dans les mains. D’héroïne de vaudeville, enfermée dans un huis-clos tragique, Julie devient une absurde victime sacrificielle qui se lave dans son propre sang. Trois étapes douloureuses, de plus en plus noires, et en correspondance avec des œuvres musicales très pertinentes choisies par le metteur en scène. Est-ce notre monde entre grandeur et décadence  que Strindberg exécute ainsi? Entre violence verbale et violence physique, cette pièce  donne réellement froid dans le dos.

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Que reste-t-il au spectateur après ce regard dévastateur sur la nature humaine signé Gian Manuel Rau?

Goûter  sa parfaite mise en scène expressionniste d’un théâtre fait d’explosions, de convulsions, de  pulsions en liberté où l’on peut  admirer le jeu inspiré  de la très talentueuse actrice néerlandaise Berdine Nusselder, glaciale, ardente, audacieuse, révoltée et dérangeante. Gardant un accent nordique intense, elle soutient néanmoins vaillamment  toute les autres interprétations du personnage de Julie, au théâtre comme au cinéma.

Profiter des larges  pauses, comme dans le théâtre de Pinter, pour se distancier du cauchemar, observer les costumes (Gwendolyn Jenkins) et le maquillage fantastique de Julie (Emmanuelle Olivet Pellegrin).

Peser le vertige de la chute de l’héroïne comme celui du désir d’ascension de Jean, et l’enlisement final de la « normalité » qui enterre tous les rêves.  

http://theatre-martyrs.be/saison/mademoiselle-julie/C1106AB6-F64C-5277-AC2B-9E6A50B07C0D/

MADEMOISELLE JULIE
August STRINDBERG / Gian Manuel RAU

Photos : Mario del Curto

JEU Caroline Cons, Berdine NusselderRoland Vouilloz
MISE EN SCÈNE Gian Manuel Rau
ASSISTANAT À LA MISE EN SCÈNE Anne Schwaller, Elodie Vraiment 
SCÉNOGRAPHIE Anne Hölck
COSTUMES Gwendolyn Jenkins 
MAQUILLAGE Emmanuelle Olivet Pellegrin
HABILLAGE, COIFFURE, MAQUILLAGE Cécile Vercaemer-Ingles, Pauline Miguet
ACCESSOIRES Georgie Gaudier
SON Bernard Amaudruz, Graham Broomfield, Gian Manuel Rau, Manu Rutka 
LUMIÈRES Gian Manuel Rau, Eusébio Paduret
RÉGIE GÉNÉRALE ET SON Manu Rutka
RÉGIE LUMIERE Eusébio Paduret
RÉGIE PLATEAU Cam Ha Ly-Chardonnens
ADMINISTRATION DE TOURNÉE Nina Vogt
RÉGIE Nicola Pavoni & Justine Hautenauve

PRODUCTION Théâtre de Carouge - Atelier de Genève

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administrateur théâtres

« Norma » est à l’affiche à L’opéra de Liège. Tous deux, Vincenzo Bellini et John Keats, le poète romantique anglais,  sont morts  très  jeunes, et c’est comme si leur âme flottait encore sur le temps suspendu qu’ils ont su reproduire dans leurs compositions, qui, musicale, et  qui poétique. Ou peut-être les deux ?  “A thing of beauty is a Joy for ever !”

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A entendre ce magnifique opéra de Bellini interprété de façon aussi sublime le jour de la première à Liège, on ne pouvait que se laisser  porter sur les chemins de la beauté musicale et en être atteint en plein cœur. En effet il semble que la musique  de Bellini,  transposée avec autant d’authenticité par Massimo Zanetti à  la direction d’orchestre et par Pierre Iodice à celle des chœurs, a  fait renaître toute l’énergie du  compositeur, lui  conférant  un souffle d’éternité. Mais sans les interprètes, un magnifique casting de six solistes talentueux,  point de forêt mystérieuse, point de rochers bleus veinés d’or, point d’autel, de  sacrifices druidiques, point de brasier justicier, ni de mythe, ni de lune apaisante et élégiaque, ou de faucille d'or en forme de croissant ! L’accent n’est pas mis sur la confrontation de valeurs religieuses, ni  les choix politiques ou la liberté des peuples, c’est  ici l’affrontement intime des passions humaines qui fascine.  

La tragédie se déroule en Gaule transalpine lors de l’occupation romaine. Norma, La prêtresse d’Irminsul, le pilier du ciel, est écartelée entre son devoir sacerdotal, son statut d’épouse répudiée, et ses devoirs de mère clandestine. L’amour divin, l’amour humain et l’amour maternel se vouent une bataille sanglante.  La mise en scène prend l’envergure fantastique  d’une cosmogonie, elle est  signée Davide Garattini Raimondi. Deux puissances en présence: le divin et et le temporel qui s'affrontent.  La montagne  « barbare » d'une part et creusé dans son flanc, un immense bas-relief ouvragé  inspiré d’un sarcophage romain (IIIe siècle ap.JC) : le Sarcofago Grande Ludovisi de Rome, qui témoigne des batailles entre  Romains et  Barbares.  

 Rendons donc hommage à la distribution, vivante, homogène, généreuse dont l’engagement dramatique est prodigieux mais sans emphase. Patrizia Ciofi (Norma)*Gregory Kunde (Pollione)Josè Maria Lo Monaco (Adalgisa),  Andrea Concetti (Oroveso)Zeno Popescu (Flavio), Réjane Soldano (Clotilde) font vibrer puissamment la forêttragique  des sentiments. On est devant une  source inépuisable d’émotions d’une fluidité continue, évitant les effets spectaculaires et  serrant au plus près la recherche de  vérité essentielle. Appréhendant quelque peu la virtuosité acrobatique de l’œuvre, que l'on se plait à dire meurtrière pour les  solistes qui s'essaient au rôle titre, nous nous sommes juste trouvés dans  le champ de la séduction et face à un équilibre absolu des voix, des décors et des costumes intemporels étincelants (Giada Masi). A de nombreux endroits, la volupté de l’écoute arrête le temps qui ne passe pas! Dans la fosse, les musiciens expriment  l’empathie pour notre condition humaine et développent fidèlement  la tension dramatique sous la main expressive et fougueuse du chef d’orchestre qui geste tout cela! Car rien n’est figé.  En parallèle,  la chorégraphie soigneuse de  multiples ballets dansés (guerriers romains, prêtresses, druides), confère  au décor, de vivantes palpitations, déchirantes d’humanité. Le silence  des corps en mouvement est d’une grande éloquence pour dénoncer la torture des sentiments et les violences avérées qui peuplent l’histoire des hommes! … Sous la direction de Barbara Palumbo. Aux lumières : Paolo Vitale.   

Néanmoins, ce que l’on retient surtout de cette représentation foisonnante et  subtile, ce sont les prestations exceptionnelles de Patrizia Ciofi, dans le rôle-titre mythique  immortalisé autrefois par Maria Callas, Leyla Gencer, Joan Sutherland, Montserrat Caballé…

Norma, immense prêtresse vénérée et femme secrètement amoureuse, déchirée par la traîtrise de celui qu’elle aime, se montre divine en vestale, jeune femme planante, aérienne, souple, envahie d’amour dans sa bouleversante intimité!  Elle se montre délicieusement complice  avec sa  jeune consœur spirituelle, Aldagisa. On surprend des affectueux élans vers ses enfants, mais elle reste torturée par le besoin de vengeance, puis de rédemption. Elle se hérisse d’attaques, passe par la douceur et la virtuosité, se fait puissance et agilité. La longueur de souffle semble inépuisable, le défi vocal de la partition semble toujours gagné avec de belles lignes pures de vocalises et surtout, le rôle est habité comme jamais!

L’auditoire ne peut se retenir d’applaudir et d’acclamer fougueusement l'émouvant duo féminin  « Sì, fino all'ore estreme!... » de Norma et Aldagisa (Josè Maria Lo Monaco) la jeune prêtresse dont s’est épris le présomptueux romain. Confondant de superbe et de suffisance, la voix chaude du ténor extraverti Gregory Kunde clame: « Je suis protégé par un puissant pouvoir - celui de l’amour qui enflamme tout mon être - je jure d’abattre cet autel d’infamie! ». Le timbre délicat d’Adalgisa  respire la séduction et la tendresse pure et innocente et on éprouve ce « bonheur irradiant » dont Stendhal parle à l’écoute de Rossini et de Cimarosa.

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 Quant à  la diction impeccable et la  voix cuivrée et solaire du ténor  qui joue de bonne grâce la lourdeur de l’envahisseur romain, elles sont remarquablement adaptées à l’œuvre bellinienne. Mystère de la musique? Duos et trios finiront par effacer les contours de l'imposant décor, pour ne garder que le temps suspendu!   

 

*Silvia Dalla Benetta (Norma 04/11/17)

 

Du jeudi, 19/10/2017 au samedi, 04/11/2017

 

http://www.operaliege.be/fr/activites/norma

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administrateur théâtres

file6vkn46dkzjlg38dq38i.jpg?itok=Lq2B5eKe« Le clair est noir le noir est clair » (acte I scène I, v.11)

Sublime Crescendo de douleurs

 L’anima, c’est une noire sirène, sombre égérie qui incarne un mal si persuasif que  l’héroïque Macbeth, malgré un fond naturel porté sur  la vertu et la pureté, ne peut lui échapper et se laisse glisser dans le Mal comme on glisse dans un cauchemar. On assistera tout au long de la représentation aux hallucinations et  à l’effondrement progressif d’un homme en chute libre, écorché par l’atrocité de ses crimes, tourmenté par la peur grandissante, avalé par la démence du pouvoir. En scène, le metteur en scène genevois, Valentin Rossier. Troublé par le poids de ses actes, ses genoux ploient de plus en plus bas, il se tord de douleurs et de coliques, le visage défait. Le verbe prend les chemins arides de la lamentation, l’intonation se fait torture grinçante, incarnant les effets d’un empoisonnement lent …issu de la géhenne des prédictions fatales. « Ah les pensées ne sont rien à côté des terreurs que l’on imagine ! »  Comment se purger du mal et de l’indifférenciation des valeurs? (« Fair is foul, and foul is fair ») La folie ne l’épargne pas, comme dans  la  scène où  Macbeth est seul à  voir le spectre de son ami Branquo surgir parmi les invités du soir.

 

Mais revenons à celle qui l’inspire si maléfiquement!  Lady Macbeth aussi est splendidement seule que lui,  un homme dont elle ne cesse de mépriser la faiblesse.  La comédienne fait preuve d’une expressivité affirmée de la voix, du geste, des postures, des regards et même des silences. A travers ses étreintes elle  exprime à la fois une sensualité glaçante et un désir  glacial de pouvoir. Voyez comme elle embrasse faussement Branquo, le cœur honnête habillé du charme discret de l’exquis François Nandin!  Voyez comme elle minaude avec les convives! « Pourquoi aurions –nous peur ? Nul ne peut contredire notre pouvoir ! » dit-elle, juste avant de sombrer elle-même dans la folie ! La comédienne  sulfureuse qui l’incarne se nomme Laurence d’Amelio... 

La lecture  sensorielle de cette œuvre de Shakespeare par Valentin Rossier en donne une adaptation audacieuse et esthétique. La plus humaine des tragédies du grand William devient une mosaïque de visions et de rêves abominables exprimés à haute voix et un faisceau de solitudes adressé au silence de l’espace. Les répliques s’écrasent dans les tentures vert d’eau et sur la moquette comme autant de verres de whisky brisés. A l’envers du foisonnement romantique shakespearien, nous voici dans une unité de lieu très classique. Nous sommes dans le hall luxueux et vide d’un grand hôtel, devant l’omniprésence d’un ascenseur de métal lisse, transporteur de carnages, lieu de  tous les fantasmes et  de tous les imaginaires. Portes du Mal que caressent les sorcières.  Là, Shakespeare serait sûrement ravi de la trouvaille ! La moquette saumon est partout pour amortir le choc des émotions et un vaste sofa de cuir noir à gauche accueille les rêves infernaux. Sur le mur d’en face, un bar transparent, façon étagères de laboratoire, est  couvert de flacons identiques, contenant les mythiques élixirs écossais.  Un miel irrésistible  où viennent butiner tous les personnages comme les mouches - de Sartre?  Héroïsme, violence, sexualité, addiction s’y rencontre. Le seau à glace devrait en principe éteindre la  lave les péchés. Sauf que sur les mains de Lady Macbeth, les taches originales du Mal persisteront jusqu’à la mort, et au-delà, sans doute ! Il est dit que   « Ce qui commence dans le mal s'affermit par le mal… » Sans espoir de retour.

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Ce spectacle complexe et de très haute tenue intéressera le spectateur moderne qui  redoute l’avènement du pire des mondes. C’est une constante :  Le sang n’appelle-t-il pas toujours le sang ? L’équipe entière des comédiens belgo-suisse,  dont on admire  la belle tension théâtrale,  reste vaillante  à travers les  carnages en série et joue sans fausses notes.   La modernité de la mise en scène attire par sa justesse, son inventivité et son efficacité.

La question du recours à  la sollicitation surnaturelle interpelle. « Elle peut être le mal, ni le bien. Si c’est un mal, pourquoi me donna-t-elle le gage du succès …Commençant par la vérité?» s’exclame Macbeth, irrésistiblement tenté par la tentation et bientôt asservi par elle! Lui qui croit régner, devient non seulement la proie du pouvoir mais aussi du tout-savoir,  comme le  lui rappelle ironiquement  Hécate dans un bruissement visuel anthracite! Les trois sorcières, absolument graphiques et réelles ont une présence  cinématographique. Ambiguïté, puisqu’elles disparaissent chaque fois  brutalement, comme par magie. Elles jouent donc  ardemment tant sur le plan physique que   sur le plan  spirituel, à double-sens et sur les double-sens. Depuis l’antiquité, l’ambiguïté du langage n'est -elle pas  le propre  des prédictions? Trio peu banal: Barbara Baker, Maxime Anselin et Edwige Bailly sont  trois opératrices de  grand art scénique et  ne cessent de fasciner par leurs  soigneuses chorégraphies,  le tout, dans un contexte qui semble si inconfortablement familier!

 

La distribution:
Valentin Rossier (CH):
Macbeth
Laurence d'Amelio (B):
Lady Macbeth
Gilles Tschudi (CH):
Le Roi; Macduff; invité au banquet; Hécate
François Nadin (CH):
Banquo; le Docteur
Edwige Baily (B):
Sorcière; Malcolm; meurtrière; invitée au banquet
Maxime Anselin (B):
Sorcière; Donalbain; meurtrier
Barbara Baker (CH):
Sorcière; meurtrière; invitée au banquet; dame de compagnie 
 
Jusqu'au 14 octobre 2017
Au Théâtre Le Public
Rue Braemt, 64-70, 1210 Région de Bruxelles-Capitale

https://www.theatrelepublic.be/play_details.php?play_id=503&type=8

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administrateur théâtres

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  Une  suite somptueuse avec balcon royal au cœur de Rome, vue sur la basilique Saint-Pierre sert d’écrin à ce vaudeville pétillant et polisson. Francis Huster joue le rôle de l’américain tranquille, Georges Ben Clairborne,  en quête du cadavre du père  décédé dans un malencontreux accident de voiture l'année précédente. Il a promis de le  rapatrier aux Etats-Unis. C’est vrai qu’il a du mal à ne pas trahir l’affaire, par son jeu si diablement français… Ingrid Chauvin joue à la perfection le rôle d’une ravissante comédienne anglaise de clips publicitaires, Alison Miller, en mal de retrouver elle aussi un  cadavre, celui de  sa mère morte dans le même accident. Pur hasard?

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L’Italie,  où se confondent vice et vertu et vice versa sera le philtre magique qui les fera tomber amoureux. Un Eden particulier sans la moindre notion de bien ou de mal… où l’on passe quatre jours sur un nuage en plein ciel totalement bleu avant de retomber sur terre, le cœur en compote de part et d’autre. Mais l’issue est perceptible d’avance : c’est l’efficace  combinazione 100% américaine de la femme haïssable dudit Monsieur, Diane Clairborne,  qui, ambitieuse et glaciale, remettra les horloges à l’heure de l’argent, du pouvoir de celui-ci, et du pouvoir tout court. Alice Carel épouse parfaitement le rôle de la sorcière mal-aimée à qui on ne peut dire que « Oui, ma chérie ! » pour avoir la paix. Elle sonnera très calmement le glas de l’historiette romano-napolitaine!  Et tout se déroulera selon ses augustes désirs… A peu de choses près, puisque l’histoire ne fait que se répéter, de générations en générations!

Il ne faut pas écouter les mauvaises langues qui soufflent que cette pièce est légère et insipide!  On a mis le pied dans une jolie Commedia Del Arte, version moderne, jouissive et  tellement rafraîchissante par sa joie de vivre intense !  Le spectacle est enlevé, porté par  des comédiens exceptionnels dans une mise en scène de Steve Suissa, ma foi typique des grands boulevards, mais quoi? Est-ce vraiment une tare? 

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Mais rien ne se ferait  bien évidemment, sans le sublime et malicieux Baldassare Pantaleone dit  Baldo qui convoque la magie théâtrale! Voilà une mouche du coche bienfaitrice  qui sape les plus grandes timidités. Un étrange dieu Cupidon, ange gardien, assistant incontournable des affaires … amoureuses, prêt à offrir ses services d’amant à qui veut, ou servir tout simplement d’entremetteur de la Cause.  Avec un flair et une versatilité surprenants, Thierry Lopez danse ce rôle à ravir et séduit la salle entière par ses 1001 tours de passe-passe. Hommes, femmes, enfants, tous se rendent à l’évidence du triomphe des graines d’amour semées à tout vent, face aux fétides vases de l’argent et du pouvoir! On ressort de ce spectacle, sorte de Vivre Pour Vivre à l'italienne, gavé de rires et de bonne humeur! 

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A voir cette semaine au Centre Culturel d'Auderghem, 

Boulevard du Souverain 183, 1160 Bruxelles

02 660 03 03

AVANTI!  une pièce de Samuel TAYLOR


Mise en scène : Steve SUISSA
Avec Francis HUSTER, Ingrid CHAUVIN, Thierry LOPEZ (nommé aux "Molières 2016"), Alice CAREL, Romain EMON et Toni LIBRIZZI
Adaptation Dominique PIAT
Décors Ivan MAUSSION
Costume(s) : Hervé DELACHAMBRE
Lumières Jacques ROUVEYROLLIS
Musique : Maxime RICHELME

http://www.ccauderghem.be/index.php?mact=Agenda,cntnt01,DetailEvent,0&cntnt01id_event=64&cntnt01returnid=83

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administrateur théâtres

« Chacun s’attend à une fête. Assis dans la salle, les sourcils dressés, le spectateur veut qu’on l’étonne. Mais comment faire pour que tout soit fraîcheur et nouveauté et plaisir aussi, tout en ayant du sens ? »  Le Méphisto de Thierry Debroux explore le Faust de Goethe tout en mettant en scène  l’humanité courageuse  d’un metteur en scène passionné, mais douché par le peu d’appétence que rencontre désormais son art.

Nous sommes dans les coulisses, sous les cintres regorgeant de costumes. A droite, il y a une maquette du théâtre Parc. Vide ! Adroitement,  le chef des lieux s’adresse au régisseur nommé Wagner, qui fait naître au fur et à mesure des esquisses de décors de la future pièce.   Avec la complicité de sa fidèle assistante Cornélia,  le  seigneur du plateau va faire passer des auditions pour mettre en scène le géant de la littérature  allemande.

Et on entre de plein pied dans le merveilleux savoir-faire de la mise en scène, scénographie et costumes  signés  Maggy Jacot et Axel De Booseré, passés maîtres es merveilleux.  C’est pire que du Lewis Carroll.  Le texte de Thierry Debroux  jongle  tellement avec les réalités qu’il arrive un moment où on ne peut que …lâcher prise et se laisser porter par la multiplicité de points de vue du créateur. On est prisonnier du sortilège théâtral.

Derrière les facéties du mythe apparaît en majuscules  le génie du Mal, omniprésent et vu sous toutes ses facettes. Le voilà, terriblement ensorceleur et manipulateur, comme ce Méphisto enchanteur, joué avec séduction par le fascinant Fabian Finkels dont les performances scéniques et la voix, et les inflexions  sont franchement irrésistibles.  Voici le  Mal terrifiant,  la « yucky thing under my bed » des enfants,  avec cet hydre bleu nuit mélange d’orgueil de jalousie et de puissance macabre, qui rampe pour dévorer le cerveau du metteur en scène…  Et cet autre monstre informe de la nuit: une entité mouvante sertie de deux yeux en escarboucles.   Ou encore,  le Mal ricané par cet amas de sorcières exorbitées et arachnéennes, cousines de celles de Macbeth,   et le Mal susurré  satanique des jolies dames aux gants blancs ( telles les créatures imaginées par Roald Dahl? ). On est au cœur du fantastique.  Il y a tant de références artistiques dans ce spectacle, qu'il est difficile de s’en remettre !

Thierry Debroux a façonné un véritable vitrail du Mal, miroitant de maléfices, de tentations  et  de desseins  infernaux. Ajoutons à cela, qu’entre le vieux  Faust et le jeune et troublant Méphisto, il y a des changements de peaux inénarrables. Le duo  magistral de Guy Pion et de Fabian Finkels porte le souffre et le sublime, la sagesse et l’orgueil démesuré. On applaudit à tout rompre.

    

Mais surtout, tout au cours du spectacle on peut s’interroger sur la progression du Mal dans notre monde troublé. Ici le diable s’adresse directement à Dieu: « Vraiment j’ai longtemps cherché ce qu’il y avait de bon sur terre mais je dois te dire, Seigneur, que tout y va parfaitement mal comme toujours. Les hommes me font pitié avec leurs vies lamentables. Au point que je n’ai même plus envie de tourmenter ces pauvres gens. »  Satan a d’ailleurs abandonné ses attributs moyenâgeux pour paraître moins effrayant! Le Mal est suffisamment enraciné dans l’homme! Mais la recherche de Thierry Debroux n’a pas de limites : nous voici tout d’un coup, au pied de « l’arbre de Goethe » dont on vous taira bien sûr l’histoire et,  quel coup de maître, serait-on là soudain, au  pied de « l’arbre de Vie » ?  Quelle revanche sur le Mal absolu!  On jubile.

Entre temps, le  pauvre metteur en scène, perdu entre ses rêves infernaux et la réalité résiste  bien vaillamment contre toutes les attaques… Qui êtes-vous à la fin? se rebelle-t-il !  Réponse sibylline et poétique « Une partie de la partie qui au commencement était le tout… Une partie des ténèbres qui donnèrent naissance à la lumière. » On se délecte! La perte de la Lumière n’est-elle pas la pire des choses ?

Mais, comment choisir parmi toutes les candidates aux auditions, celle  – car il veut une femme – qui jouera Méphisto dans  son  Faust de Goethe? D’audition  en audition,  on pénètre dans des extraits de scènes de l’œuvre,  avec, à l’envers du décor,  les angoisses profondes, les culpabilités  secrètes, l'amour bafoué,  et  le désir de gloire  qui  tenaille l’homme. Il est lucide et sait qu’à la fin, la chute est indiscutable.  Quand le Diable lui a serré la main d’une poigne fulgurante, il est  néanmoins capable de prendre ses distances et arrive à le chasser à plusieurs reprises et, in fine, qui sait, totalement.  En faisant appel à sa rationalité! On admire!

 Un tissu de routes possibles se présente : poésie, lyrisme, tragédie, bouffonnerie, comédie musicale... Les changements de registre font rire et démontrent les tâtonnements dans lequel l’homme est pris, au cours de sa recherche du sens de la vie. L'accompagnement musical et sonore de Pascal Charpentier est étourdissant. Les changements de décors, d'une fluidité soufflante,  sont dans le droit fil des autres féeries théâtrales imaginées depuis quelques années par le maître d’œuvre, Thierry Debroux qui chaque fois, ne manque pas de prendre le spectateur complètement au dépourvu. Cette fresque théâtrale dépoussiérée est donc d’une remarquable modernité.

Les comédiennes brûlent littéralement les planches  comme de véritables sorcières : Béatrice Frauge (Cornelia) et Anouchka Vingtier (Bianka)  en tête de trio avec  Mireille Bailly (Laure)  et  Birsen Gülsu (Thea) ; Chloé Winkel (Juliette), Colline Libon(Charlotte) et Elisabeth Karlik (Hélène) dans un  bal sans cesse renouvelé d’ivresse sabbatique, d'inventivité démoniaque et de voluptueuses tentations.

 

THEATRE ROYAL DU PARC

Rue de la Loi 3 – 1000 Bruxelles

Infos Réservations : 02 / 505 30 340

 

Crédit photos Zvonock

www.theatreduparc.be

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administrateur théâtres

Tragédie du choc des cultures Est-Ouest. Le choc de l’amour vrai et de l’éphémère, de l’orgueil et de l’humilité. Le choc du rêve et de la réalité. Et une sérieuse critique de la façon outrecuidante dont l’Occident traite l’Orient.

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Une toiture de pagode est posée sur le vide.  A Nagasaki, au Japon, Benjamin Franklin Pinkerton (Leonardo Caimi), jeune lieutenant de la marine  américain a recours à l’entremetteur Goro (Riccardo Botta) pour se procurer les services d’une jeune geisha de 15 ans Cio-Cio-San, alias Butterfly en anglais. Il a acheté une maison locale sur une colline. « Ce petit papillon voltige et se pose avec une telle grâce silencieuse, qu'une fureur de le poursuivre m'assaille, dussé-je lui briser les ailes ».  Son ami, le consul américain Sharpless (Aris Argiris)  l'avertit que le mariage sera pris au  très sérieux par la  jeune-fille et déplore  sa désinvoture. « Ce serait grand péché que de lui arracher les ailes et de désespérer peut-être, son cœur confiant ».   Mais l’insouciant et arrogant  Pinkerton porte déjà un toast à son vrai mariage, quand il épousera une  américaine. Les lois japonaises l'autorisent à signer un acte de mariage pour 999 ans mais  il peut le rompre chaque mois, s'il le souhaite. Dès le début, on sait que l’histoire tournera au drame.

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Arrive la jeune Cio-Cio-San,  annoncée par un chœur de joyeux gazouillis de jeunes- filles. Elle est  heureuse et amoureuse de son fiancé, entourée de parents et d'amis, soulagée de pouvoir quitter son état de geisha. Impressionnée par l’étranger, elle charme  Pinketon, qui reste cependant  insensible devant le déballage de ses innocents trésors :   de menus objets féminins et les ottokés, des statuettes symbolisant l'âme de ses ancêtres  ainsi que  le précieux  poignard avec lequel son très honorable père s'est suicidé en se faisant hara-kiri. Soumise, elle  va jusqu’à promettre d’oublier les dieux de sa famille et d’aller prier le Jésus américain. Après un simulacre de cérémonie vite expédiée, la  fête de famille est interrompue par  le terrifiant oncle Bonze (Mikhail Kolelishvili)  que l’on n’a pas invité et qui la maudit  pour avoir renié la religion de ses ancêtres.

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Pinkerton  chasse les intrus avec hauteur et enfin seuls, les deux époux chantent leur l'amour mutuel. Sombre prémonition de Cio-Cio-San:  « On m'a dit qu'au-delà des mers, s'il tombe entre les mains de l'homme, le papillon sera percé d'une épingle et fixé sur une planche ! » Fin de l’acte I.

Trois ans plus tard, Madame Butterfly, reniée par sa famille  est seule et abandonnée. La  fidèle Suzuki (Qiu Lin Zhang) prie les dieux  pour sa maîtresse qui survit grâce à une illusion : « Ô Butterfly, petite épouse, je reviendrai avec les roses à la belle saison quand le rouge-gorge fait son nid. »  Suzuki  essaie de lui ouvrit les yeux mais  elle est  persuadée que Pinkerton reviendra comme il l'a promis « Un bel di vedremo ». L’entremetteur Goro se présente avec un  riche prétendant, le prince Yamadori, aux allures de magnifique paon blanc paradant sous les lumières, mais  elle  lui répond qu'elle est déjà mariée. Le consul Sharpless, dont le rôle développe de plus en plus d’humanité,  arrive pour tenter de  lui lire lettre de rupture de Pinkerton, à laquelle dans son aveuglement, elle  refuse catégoriquement de croire. La très belle voix de baryton riche et sonore se fait de plus en plus resplendissante. Elle  lui oppose qu'elle se tuera si son mari ne revient pas tout en dévoilant qu'un enfant est né de leur union. Un formidable  coup de canon annonce l'arrivée du navire de Pinkerton. Folle de joie elle décore la maison de fleurs et revêt son habit de noces pour l’accueillir.  Suzuki et l'enfant s'endorment avec le « Coro A Bocca Chiusa ».  Elle n’a pas  fermé l’œil. A l'aube,  Suzuki la convainc de prendre du repos. C'est alors que Kate, l'épouse américaine de Pinkerton apparaît et demande à Suzuki de convaincre  sa maîtresse de lui confier cet enfant dont ils ont appris l’existence et à qui ils assureront un avenir. Suzuki est  suffoquée. Sharpless rappelle à Pinkerton ses mises en garde, mais celui-ci, ne supporte pas d’être confronté, avoue sa lâcheté et s’enfuit.  Lorsque Cio-Cio-San comprend la vérité, elle accepte, par  ultime obéissance à son « mari », de confier son enfant au couple, à condition que Pinkerton vienne le chercher lui-même ! Mais une fois seule,  ayant éloigné l’enfant, elle  se donne la mort avec le  couteau de son père.

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Voilà une histoire qui ne manque pas de nous faire réfléchir sur les relations de pouvoir entre occupant et occupé, entre prédateur et victime, entre  âge mûr et jeunesse,   entre pauvres et riches, capables de tout se procurer, quels que soient les enjeux humains. Voilà une femme abandonnée qui n’a plus de subsistance.  Voilà une fille-mère aux abois qui, plutôt que voir son enfant la regretter ou la rechercher  un jour, préfère se donner la mort! C’est d’une violence glaçante. Une histoire écrite en 1898 par un anglais, John Luther Long.  Une histoire qui n’a, en outre, pas fini d’exister deux siècles plus tard, époque où nous sommes prêts à tout vendre et à brader.

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C’est néanmoins dans l’histoire du  théâtre japonais traditionnel et les rythmes de la cérémonie du thé que la metteuse en scène danoise Kirsten Dehlholm (Hotel Pro Forma)  a choisi de nous plonger. Elle veut gommer  par ses installations scéniques toute notion de réalisme ou d’anecdote. Elle choisit d’utiliser l’histoire au profit de l’innovation d’une forme  créative  de portée universelle.  Saisissant l’occasion  que les suicidés japonais continuent à hanter la terre sous forme de fantômes condamnés à raconter sans relâche leur histoire, elle poste donc en bord de scène  une Butterfly méconnaissable sous sa perruque grise – les fantômes vieillisent-ils donc ? – mais oh combien retentissantes d’émotions depuis la naissance de l’amour, à ses élans,  jusqu’à la douleur qui conduit à la mort. Le 3 février, c’était Amanda Echalaz qui assurait ce rôle d’une  rare exigence et d’une rare beauté.  En parallèle, Kirsten Dehlholm  fait jouer  sur scène une admirable poupée de porcelaine réalisée par des artistes japonais (Ulrike Quade Company) guidée par un trio de marionnettistes d’une souplesse fabuleuse. La ressemblance est telle avec ce que l’on imagine de la jeune geisha, qu’à plusieurs reprises on la voit vivante!  Cette technique ne peut que  renforcer bien sûr le propos de Pinkerton qui  considère la jeune épousée comme un pur jouet éphémère de ses désirs. Ainsi le double portait de Butterfly volette : prisonnier de son dédoublement, prisonnier de la tradition,  prisonnier de son destin fatal, prisonnier du silence de la poupée aux gestes  parlants, prisonnier d’une douleur  rendue muette par la mort. On pense à Liu de Turandot. Le public est contraint de mélanger sans cesse les deux propositions, visuelle et auditive,  dans un effort d’accommodation comme pour mieux souligner l’absurdité  de la douleur… sauf à se laisser entièrement emporter par  la qualité extraordinaire de l’orchestration sous la baguette de Roberto Rizzi-Brignou. Et c’est ce qui arrive.

 Par son  lyrisme,  ses nuances,  la musicalité de ses timbres,  le déferlement romantique, la dramaturgie musicale est  bouleversante.   On sent poindre les harmonies chatoyantes de Debussy, on sent virevolter le papillon et les humeurs changeantes, les espoirs et les inquiétudes.  Au sein du foisonnement de couleurs orchestrales, la tension dramatique s’amplifie  jusqu'au bout, jusqu’à atteindre le cœur de la douleur.  Au cours de l’ivresse  du voyage musical, on reconnait des thèmes populaires japonais  alternés avec le début de la mélodie de l’hymne américain, le Star Spangled Banner,  de quoi  soulager un peu  de la tension des sentiments exacerbés! 

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Mais ce sont surtout les tableaux de la nature des sentiments  qui sont saisissants de beauté ou … glaçants d’effroi comme les thèmes de la malédiction, du désespoir, de la mort et du suicide. Côté décor, s’embrasent de fabuleux jeux de lumières sur les créations en origami rendues vivantes. Jamais on n’oubliera les barreaux de dentelle de la cage qui se referme sur la jeune fille.  Les personnages déambulent à petits pas, tous les gestes se fondent dans la proposition  théâtrale délibérée de lenteur extrême orientale. L’air du cerisier est suivi d’un fabuleux cortège de  fleurs d’hibiscus multicolores et lumineuses, assoiffées d’amour, une  dernière parade amoureuse extraordinaire, hélas solitaire et inutile.

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Toutefois d’autres choix de la mise en scène sont beaucoup moins enchanteurs, à chaque fois que l’esprit parodique s’en mêle. Comme de remplacer la frégate guerrière par un  bâtiment de croisière  géant, à faire frémir tout Venise.  Comme cette nuée de rouges-gorges morts dans l’explosion des canons du navire de guerre qui marque la fin des illusions de Cio-Cio-San. Comme cet enfant-roi  hypertrophié en matière plastique gonflable qui surgit, comme une aberration dans le dernier tableau. Il semble alors que la mise-en scène ait pleinement réussi  son pari d’accentuer la  grossièreté  occidentale face à la beauté d’une héroïne victime de son innocence, de sa fragilité, de sa sensibilité et de ses traditions.

Agenda:  

http://www.lamonnaie.be/fr/program/17-madama-butterfly

Direction musicale : ROBERTO RIZZI BRIGNOLI
BASSEM AKIKI (10, 12 & 14/2)

Mise en scène : KIRSTEN DEHLHOLM (HOTEL PRO FORMA)
Co-mise en scène :  JON R. SKULBERG
Collaboratrice à la mise en scène :  MARIE LAMBERT
Décors :  MAJA ZISKA
Costumes :  HENRIK VIBSKOV
Éclairages JESPER KONGSHAUG
Dramaturgie :  KRYSTIAN LADA
Collaboration à la chorégraphieKENZO KUSUDA
Collaboration pour la marionnette : ULRIKE QUADE
Chef des chœurs : MARTINO FAGGIANI

Distribution

Cio-Cio-San : ALEXIA VOULGARIDOU
AMANDA ECHALAZ (1, 3, 7, 9, 12/2)
Suzuki : NING LIANG
QIULIN ZHANG (1, 3, 7, 9, 12/2)

Kate Pinkerton : MARTA BERETTA
F. B. Pinkerton : MARCELO PUENTE
LEONARDO CAIMI (1, 3, 7, 9, 12/2)
SharplessARIS ARGIRIS
Goro : RICCARDO BOTTA
Il Principe Yamadori : ALDO HEO
Lo zio Bonzo : MIKHAIL KOLELISHVILI
Il commisario / L’ufficiale : WIARD WITHOLT
Yakuside : RENÉ LARYEA
Madre di Cio-Cio-San : BIRGITTE BØNDING
Zia di Cio-Cio-San : ROSA BRANDAO
Cugina di Cio-Cio-San : ADRIENNE VISSER
Marionnettistes : TIM HAMMER, JORIS DE JONG, RUBEN MARDULIER, SUZE VAN MILTENBURG

Orchestre symphonique et chœurs de la Monnaie

PRODUCTION : La Monnaie / De Munt
COPRODUCTION : Ulrike Quade Company

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administrateur théâtres

Songe ou mensonge ? Complicité de deux géants russes…Pouchkine et Rimsky Korsakov.  Que nous réserve l’aube nouvelle ?

Quelque part dans un empire
Plus lointain qu'on ne peut dire,
Vivait le grand roi Dadon,
Qui dès l'enfance eut le don
D'infliger par son courage
À ses voisins force outrages.
Or ce roi, quand il vieillit,
Voulant loin des chamaillis
Connaître des jours paisibles,
A son tour devint la cible
De ses voisins qui dès lors

Lui causaient beaucoup de tort… 

Ainsi commence le conte russe écrit par Pouchkine (1799-1837) en 1834. Jugé irrévérencieux, par ses remarques caustiques sur le Tsar Nicolas I,  celui-ci fut déjà censuré.

 La satire  gagne encore en puissance avec le librettiste, Vladimir Belsky et la musique de  Rimsky Korsakov (1844-1908). Il fut à son l’époque plus difficile de  faire sautiller Le Coq d’or de sur la scène russe que de faire passer un chameau par le  trou d’une aiguille…raconte à l'époque, le critique musical, Joel Yuliy Engel (1868-1927).  Quoi de plus subversif d’ailleurs qu’un conte, pour critiquer  ce régime tsariste pourri  qui ne recule pas devant le crime et ne tient pas  ses promesses? En 1905, le compositeur   fut destitué, puis réintégré dans ses fonctions au Conservatoire pour avoir apporté son soutien public à des étudiants rebelles. La création du dernier opéra de Rimski-Korsakov eut finalement lieu le 24 octobre 1909 à Moscou dans un théâtre privé, après sa mort.

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  "Il a le rang et les vêtements du Tsar. Mais son corps et son âme sont ceux d'un esclave. À quoi ressemble-t-il? Les courbes impaires de son personnage rappellent celle d'un chameau, Et ses grimaces et caprices sont celles d'un singe ..." La musique transparente de cet opéra alerte et malicieux, composé près de  10 ans  avant la révolution de 1917, regorge d’allusions parodiques au pouvoir en place, critiquant ouvertement ce roi malhabile, son régime autoritaire et arbitraire et l’asservissement de son peuple, pourtant libéré officiellement du servage en 1861.

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Cet extraordinaire Coq d’or hélas rarement joué, est un  vrai  cadeau de décembre avec la très  intelligente  mise en scène du français Laurent Pelly et surtout sous la baguette d’Alain Altinoglu qui  dirige, avec quelle force théâtrale,  son premier opéra depuis sa prise de fonction  comme chef attitré de La Monnaie! Alain Altinoglu préside à son orchestre comme un chef d’atelier de tapisserie musicale, assemblant les 1001 mélodies orientales de la composition en une immense fresque débordante de vie, qui met en scène une myriade de sonorités instrumentales bien adaptées à la voix des solistes.

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En prime, cadeau dans un cadeau, entre le 2e  et le 3e acte, Alain Altinoglu dépose la baguette, quitte l’orchestre, ouvre un piano et joue en interlude musicale les suites tirées de l'opéra avec la violoniste Saténik Khourdoïan … qui  plane avec son archet, les yeux fermés. Pur bonheur, moment de grâce,  d’extase peut-être, un saisissant contraste après la ridicule scène entre la sublime  et séduisante reine Chemakhane (Venera Gimadieva/ Nina Miasyan) et le balourd roi Dido (Pavlo Hunka/ Alexey Tikhomirov), qui se comporte, à peu de choses près, aussi stupidement et vulgairement que  certains touristes sexuels des contrées lointaines.

 

 Cette nouvelle production de La Monnaie tend un miroir à la bêtise humaine et à tous les tyrans du monde.  Le travail de la mise en scène où le peuple et le tas de charbon se confondent  capte à contre-jour le jeu de foules versatiles. Souvenirs de tableaux expressionnistes ? Les magnifiques costumes de fourrure de renard argenté de la cour impériale  se chargent  au fur et à mesure la poussière noir charbon. Celle-ci finit par  devenir de plus en plus  envahissante,  jusqu’à atteindre même le  splendide costume de la reine Chemakhane, une truite d’argent enchanteresse si suggestive dans son torride solo érotique,  devant un roi  béat d’admiration! Le décor de ce deuxième acte n'est pas une immense corne d'abondance mais une immense nasse illuminée de désir dont le piège se refermera sur le roi incompétent. Les lumières (Joël Adam), elles aussi, comme les tonalités musicales, ne font que s’assombrir, et  annoncer l’inéluctable déclin et la mort du monarque absolu. Le somptueux lit d’argent  où paresse le roi est une pièce d’orfèvrerie qui une fois montée sur un tank dévastateur, dit tout de l’horreur de la guerre. Les figures déshumanisées  qui accompagnent la Circé orientale font frémir.

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Mais l’émerveillement est  entier à chaque apparition du Coq d’or, un être mythique dont les postures sont plus vraies que nature. Le poitrail doré se gonfle de chants mystérieux chantés par la voix de Sheva Tehoval, tandis que la danseuse, Sarah Demarthe, accomplit le miracle mimétique sue scène par une danse d’une incomparable  grâce animale. Les tressaillements de l’immense queue faite de plumes de paradisier, ou du moins on l’imagine, les sabots d’or qui chaussent les pattes délicates qui cherchent à éviter de se salir, et le refuge sur un radiateur pendant le sommeil injuste du tsar sont autant de secondes de beauté: tout chez cette figure fabuleuse,  est matière d'espoir, matière  à rire et à plaisir, comme échappée des Contes du Chat Perché!         

 

 La féerie subversive est  bourré d’humour : « Tout conte est mensonge mais n’en contient pas moins quelque allusion. Puisse-t-il servir de leçon à maints braves jeunes gens. » dit Pouchkine et le facécieux Astrologue (Alexander Kravets)  de conclure : «  Seule la tsarine et moi-même y étions bien vivants ! Les autres, chimères, élucubrations, fantômes blafards, vacuité… » Notre société semble être accablée des même maux de décadence et de désarroi… Quel coq d’or risque subrepticement de s’animer et de pourfendre  son crâne ?  

© LA MONNAIE/BAUS

http://www.lamonnaie.be/fr/program/10-le-coq-d-or

liens utiles:

https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandre_Pouchkine

https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Coq_d'or_(op%C3%A9ra)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandre_II_(empereur_de_Russie)

 « Le Coq d'or » a séduit la presse ! – 


– Opéra magazine 14.12.2016
Le Coq d'or, (...) est admirablement servi par la Monnaie de Bruxelles depuis hier soir. Lecture orchestrale enivrante d’Alain Altinoglu, (...) et mise en scène de Laurent Pelly réussissant le juste dosage entre onirisme, fantasmagorie et satire dans une œuvre hésitant entre différents genres. 
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–  La Libre Belgique, 14.12.2016
Un Coq d’or noir, étincelant et poétique. Après un « Capriccio » de grande classe, voici un « Coq d'or » qui pourrait marquer les mémoires.
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– Le Soir, 15.12.2016
Une féerie somptueusement maligne.
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– L'Echo, 15.12.2016
Une mise en scène savoureuse de Laurent Pelly : un régal d’insolence douce, absurde et taquine (…) 
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– FAZ.NET, 15.12.2016
«Der goldene Hahn» is eine Prachtpartitur.

 

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