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nuit (5)

administrateur théâtres

Une mise en scène qui dérange…

« Nous ne sommes pas en train de fabriquer un autre univers idéal, mais de faire face à la réalité de notre propre monde, avec toute sa joie et sa tristesse. » Ce sont les mots de Patricia Kinard, une artiste-peintre  belge contemporaine qui a une faculté particulière de ressentir l’invisible à travers ses sublimes peintures qui déclinent toutes les nuances de bleus. Elle cite Akong Rimpoche. Des mots qui nous parlent quand on repense à la mise en scène dérangeante de Romeo Castellucci dans « sa » Flûte Enchantée de Mozart.  Voici le texte complet : "L'important, c'est de changer notre attitude. Cela nous donnera la liberté. La liberté a l'attitude d'accueillir tout ce qui nous arrive. C'est aussi simple que ça. En tant qu'êtres humains, nous sommes vivants. Être en vie, nous aurons toujours des expériences, qui que ce soit ou quoi que ce soit. Si nous nous félicitons de tout, le manque de liberté n'est pas un problème. Nous ne sommes pas en train de fabriquer un autre univers idéal, mais de faire face à la réalité de notre propre monde, avec toute sa joie et sa tristesse. Nous développons une maîtrise de nos circonstances afin de ne pas être limité par les vieilles habitudes de pensée, de sentiment et de comportement." Serait-ce une morale partagée par Romeo Castellucci?

https://www.arte.tv/fr/videos/082237-000-A/la-flute-enchantee-dans-une-mise-en-scene-de-romeo-castellucci/

La Monnaie a laissé carte blanche à Romeo Catellucci qui greffe sur sa Flûte une approche  des plus personnelles et engagée. Chapeau quand même, d’oser mettre en scène  ce qu’il considère comme l’envers de la Flûte enchantée, à la façon d’une « Böse Fee» qui, en plein 21e siècle, se met à dénoncer l’absolutisme du pouvoir masculin de la tradition franc-maçonne du XVIII siècle. Sacrilège!  Il réhabilite la Reine de la Nuit, qu’il nomme mère-protectrice, lieu géométrique de tendresse universelle, dont le lait est source d’humanité. Comme celui de la Vierge à l’enfant, dépeinte aussi couronnée d’étoiles et foulant aux pieds l’immonde serpent… Maintenant, les images qu’il donne à voir sur scène de cette symbolique sont plutôt perturbantes à regarder, car les  trois mères-laitières semblent faire partie d’une épouvantable  ferme humaine ! On vous passe les détails.

https://www.rtbf.be/ouftivi/video/embed?id=2401553&autoplay=1

 Romeo Catellucci insiste sur la souffrance de la Reine de la Nuit: « Zum Leiden bin ich ausgekoren ! » lorsqu’elle  évoque l’enlèvement de sa fille… Mais contrairement à la Vierge, « Der Hölle Rache » la vengeance infernale  devient  son destin, que l’on peut lire en « mort et désespoir ». Son cœur de mère, « Mutter Herz » est dévasté. Quelle lecture inédite de l’opéra de Mozart !  Romeo Castellucci va plus loin, il donne la parole aux mots écrits par sa propre  sœur en lui offrant une large fenêtre au beau milieu de la fête des lumières, où les facéties bienveillantes de Papageno et de Papagena ont été réduites au strict minimini-mum… . Il projette au contraire et concentre dans cette fenêtre la souffrance de l’amour aveugle (?)  vécu par des femmes malvoyantes qu’il met en lumière, et la souffrance d’hommes écorchés et brûlés accidentellement, qu’il installe dans la souffrance de la fournaise. Ou bien, sont-ils les victimes des flammes de l’amour qui brûle dès le premier coup de foudre?  Ensuite, chacun de ces  groupes,  les femmes au service  de la Reine de la Nuit, les hommes  à celui de  Sarastro, sert d’écrin de rites initiatoires. Les femmes entourent de leurs soins  Tamino, tandis que  les hommes accueillent  Pamina. Au terme de cette initiation, tous deux sont comme décapés de leur souffrance. On finit par leur ôter leur perruque de scène. Ils retrouvent ainsi leur être intérieur et leur véritable chevelure…  source de force secrète et mystérieuse.  

Si la souffrance est une initiation pour les chrétiens,  une absurdité et un scandale pour Camus, à nous de choisir,  pourquoi pas, une troisième voie : celle qui conduit à regarder le monde sans complaisance, regarder en face la réalité avec toute sa joie et sa tristesse. Sans jugement. Dans l’accueil de l’autre qui est  toujours, tellement … « autre », chacun avec sa propre réalité! Il est un fait que la production de Romeo Castellucci donne sur la scène prestigieuse de la Monnaie, un accès public aux handicapés, aux déshérités et  aux  éclopés de toute origine.  Voici, au 21e siècle, exposée, la réalité des aveugles de Breughel le visionnaire,  et la chute d’Icare.  Tout cela se passe au beau milieu d’un décor à l’inverse intégral du rêve étincelant de blancheur présenté au premier acte fait de costumes XVIIIe, de masques, de  coiffures et  de maquillages parfaits et resplendissants de lumière dont aurait pu rêver la reine Marie-Antoinette. D’une ode à la perfection de la symétrie sans faille, sans défaut, sans paroles,  on passe insensiblement à une esthétique de logiciel arbitraire et omnipotent. Néanmoins, la  munificence évoque pour certains, la beauté légendaire des cérémonies des rois du Siam, les ballets de plumes d’autruche évoque les palmes, les oiseaux, l’envol vers des réalités chimériques… On ne peut pas échapper à la beauté de la réalisation. Mais Romeo Castellucci nous fait retomber au deuxième acte sur terre, et la chute fait mal…  

 

 Dès lors, on peut  aussi comprendre  la révolte de spectateurs qui, choqués par l’extrémisme naturaliste de la mise en scène du deuxième acte et son allongement intempestif par des « textes qui n’y ont rien à faire », outrés par la rébellion du metteur en scène contre l’esprit des lumières dont il veut exorciser «  l’imposture », blessés, dans le droit fil de leur patrimoine de traditions artistiques, sont ressortis fâchés et heurtés par cette mise en scène iconoclaste, criant … à l’imposture.  

Le premier acte, en tout cas, malgré l’éviction complète des parties parlées du livret de Schikaneder est  un bouquet magistral de musiques et de beauté esthétique incluant des installations étourdissantes sur plateaux tournants. C’est bluffant. Mais surtout, la finesse et sensibilité extrême  du moindre mouvement d'Antonello Manacorda , le chef qui initie voix et instruments, sont en soi  plaisir et  délices. Il cisèle  la moindre nuance, apporte une galaxie de variations dynamiques, nous donne à entendre une mystérieuse voie lactée musicale. La direction musicale du maître Antonello Manacorda est plus que brillante et  la distribution foisonne de belles voix  qui  excellent dans la prononciation allemande, ce que l’on ne peut pas dire pour l’anglais maltraité par les figurants du deuxième acte, où apparaît un accent flamand très prononcé, dérangeant, lui aussi. On aurait au moins préféré que les textes italiens de la sorella aient été traduits directement en flamand et en français… Qu’est-ce que l’anglais vient faire dans cette galère? On regrette aussi les voix de fausset des jeunes garçons. Est-ce intentionnel, par esprit de dérision? Les instruments semblent de mèche... Mais, tant Jodie Devos que Sabine Devieilhe interprètent une Reine de la Nuit d’une humanité poignante tandis que  les autres artis deux productions  font également merveille. On est certes pleinement charmé par le ravissant trio de dames : Tineke Van Ingelgem, Angélique Noldus et Esther Kuiper. 

Avec en alternance Ed Lyon et Reinoud Van Mechelen comme superbe Tamino, Georg Nigel comme Papageno et  sa rayonnante  compagne Papagena, Elena Galitzkaya.  Gabor Bretz /Tijl Faveyts comme Sarastro. L’exquise Pamina, c’est en alternance Sophie Karthäuser et Ilse Eerens.

Que voilà un  beau rassemblement d’étoiles dans la nuit, sous la baguette d’Antonello Manacorda, le  chef lumineux, ovationné  dans un feu d’applaudissement sans oublier les chœurs si  émouvants et invisibles de Martino Faggiani

 


Architecture algorithmique MICHAEL HANSMEYER
Collaboration artistique  SILVIA COSTA
Dialogues supplémentaires CLAUDIA CASTELLUCCI
Dramaturgie PIERSANDRA DI MATTEO, ANTONIO CUENCA RUIZ
Chef des chœurs MARTINO FAGGIANI

DIE ZAUBERFLÖTE

W. A. Mozart, R. Castellucci, A. Manacorda, B. Glassberg
Du 18 septembre au 04 octobre 2018 | 12 rep. | Bruxelles | Palais de la Monnaie


https://www.lamonnaie.be/fr/program/831-die-zauberflote 

Danseurs
STÉPHANIE BAYLE, MARIA DE DUENAS LOPEZ, LAURE LESCOFFY, SERENA MALACCO, ALEXANE POGGI, FRANCESCA RUGGERINI, STEFANIA TANSINI, DANIELA ZAGHINI, TIMOTHÉ BALLO, HIPPOLYTE BOUHOUO, LOUIS-CLÉMENT DA COSTA, EMMANUEL DIELA NKITA, AURÉLIEN DOUGÉ, JOHANN FOURRIÈRE, PAUL GIRARD, NUHACET GUERRA, GUILLAUME MARIE, TIDIANI N’DIAYE, XAVIER PEREZ

Comédiens amateurs
DORIEN CORNELIS, JOYCE DE CEULAERDE, MONIQUE VAN DEN ABBEEL, KATTY KLOEK, LORENA DÜRNHOLZ, JAN VAN BASTELAERE, MICHIEL BUSEYNE, JOHNNY IMBRECHTS, YANN NUYTS, BRECHT STAUT

Comédiens
SOPHY RIBRAULT, CINZIA ROBBIATI, MICHAEL ALEJANDRO GUEVARA, GIANFRANCO PODDIGHE, BOYAN DELATTRE / AMOS SUCHEKI

Zauberflöte at La Monnaie, directed by Romeo Castellucci

https://www.facebook.com/ARTEConcert/videos/2265681350326666/

Orchestre symphonique et chœurs de la Monnaie
Académie des chœurs et chœurs d’enfants et de jeunes de la Monnaie s.l.d. de Benoît Giaux

La presse en parle: 

Deux articles dans Crescendo magazine, la référence en musique classique! 

http://www.crescendo-magazine.be/a-la-monnaie-la-flute-dejantee-de-castellucci-questionne-mozart/

http://www.crescendo-magazine.be/la-flute-enchantee-a-la-monnaie-peut-on-tout-se-permettre-avec-mozart/

  

 

 

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La nuit, je suis

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La nuit,

Les étangs brillent
Du peu de lumière des étoiles.

La nuit,
Je marche seul
Accompagné du bruit feutré de mes pas.

La nuit,
Un souffle léger
Porte les fragrances estivales.

La nuit,
Un air estival
Me couvre de son drap soyeux.

La nuit,
Un cri m'effraie :
Qui a le plus peur de l'ombre ?

La nuit,
La pluie tombe aussi,
Elle crépite sur mon crane.

La nuit,
Le sol gelé craque
Le bruit fait mon chemin

La nuit,
La neige crisse sous les pas
Une ombre légère les enfonce.

La nuit,
Un vent glacial
Fouette durement ma peau.

La nuit,
Je m'allonge dans l'herbe
Pour sentir les étoiles ou la pluie.

La nuit,
Je suis seul,
Seul, avec le grand Tout !

La nuit,
Le silence respire
Il porte, sourit, accompagne.

La nuit,
La paix m'habille
Et la nature me baigne.

La nuit,
Sous le ciel étoilé
Sous le ciel embrumé,
Pétillant, généreux et aimant
Je marche ;

La nuit,
Sous le ciel lunaire
Sous le ciel accueillant,
Serein, joyeux ou obscur
Je marche ;

La nuit,
Sous le ciel qui pleure
Qui duvette ou qui bruine
Sous le ciel incessant
Je marche ;

La nuit aussi,
Je suis.

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Au bout de la nuit


Au bout de la nuit

 

Sur la lune timide et blême danse un voile.

Mes yeux rougis et fatigués par les sanglots

Ne s’ouvrent déjà plus aux éclats des étoiles.

Je vacille comme la flamme d’un falot

Qu’un vent de tempête giflerait sans pitié.

Quelque part, au bout de la nuit, un cri s’élève.

Est-ce une bête agonisante ou un nouveau-né ?

Peut-être n’est-ce que moi au milieu de mon rêve !


Plus rien n’est réel, ni les formes, ni leurs ombres.

Ta silhouette floue envahit ma vision.

Mes morts marchent à tes côtés et en grand nombre.

Leurs mains froides et maigres cherchent ma raison.

A nouveau, au loin, résonne ce cri d’effroi.

Des réverbères aux rayons ocre s’alignent

Au milieu de nulle part pour un chemin de croix

Dont je suis l’unique fidèle qui se signe.

Au devant du cortège, tes doux cheveux d’or

Volent au vent glacial. Ta voix soudain m’appelle.

Le voile de brume descend, je ne vois pas ton corps.

Ce cri terrifiant encore une fois m’ensorcelle.

Un tambour, je ne sais où, scande cette marche.

Sont-ce les aiguilles de l’horloge ou bien mon cœur ?

Soudain, tout se tait et la lune bleue se cache.

Tu n’es pas là ! Je suis seule avec ma douleur.


Sur la lune timide et blême danse un voile;

Du ciel impuissant se sont enfuies les étoiles.

Tout devient réel. Ce n’était donc pas un rêve,

Cette vision funeste où je marche sans trêve.

Mes yeux las sont ouverts malgré les sanglots.

Je vacille et me laisse envahir par leurs flots.

Le vent a suspendu son souffle dans la nuit.

Sans toi, je suis perdue ; sans toi, l'agonie.

 

Arwen Gernak -  2006

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