Les six chapitres sont, écoute-moi bien : comment on quitte une famille, comment on se trompe de famille, comment on trouve une famille, comment on perd une famille, comment on se passe d’une famille et comment on fabrique une famille. Tu aimes ?
Avec la complicité de : Cyril Briant, Sébastien Chollet, Bruce Ellison, Pierre Jacqmin, Emmanuelle Mathieu, Héloïse Meire, Fabrice Rodriguez, Anne Romain, Coralie Vanderlinden et Isabelle Wéry, une histoire abracadabrante à dormir debout est racontée par une grand-mère hors d’âge à sa petite fille hors normes. Pour l’histoire, elle redevient « la petite fille ». Le but c’est d’exposer les dysfonctionnements d’une société malade à travers le malheur enchaîné au méli-mélo mélodramatique d’une famille témoin que l’on appellera Borgia. Malaise assuré ! "Quels temps nous vivons !"
Jean-Michel d’Hoop le metteur en scène donne au bric-à-brac d’élucubrations de Thomas Gunzig en plein trip de déconstruction familiale, un look tantôt surréaliste, burlesque et déjanté, tantôt franchement cauchemardesque dont il enchaîne les séquences avec un train d’enfer. Il est où le texte? De totalement inesthétique, le texte se pare de vie et de beauté scénique ahurissante et le résultat est franchement hallucinant! Quel cirque et quels talents! Les comédiens et les marionnettistes ont tout donné dans leur amplification théâtrale! On a presque aimé!
Dans le fouillis d’agressions visuelles et sonores orchestrées par le metteur en scène, et dans un décor qui rappelle le jeu de Cluedo, vous verrez s’articuler des personnages vivants - archétypes de père, mère, grand-parents, oncle, frère – et deux fabuleuses marionnettes de Natacha Belova accompagnées de leur daemons changeants, puisque ce sont les personnages qui tour à tour prennent la relève dans l’animation des poupées. Vous regarderez avec horreur la valse des gnons qui pleuvent sur une famille en bataille rangée, vous vous surprendrez à ausculter la victime d’un accident sur un lit d’hôpital et une nouvelle tête qui parle comme le bouffon de Shakespeare… en plus élémentaire. Ensuite un épisode aussi glaçant que le conte de Barbe Bleue façon Patpong vous fera hurler de dégoût et détester les chiens. Puis celui d’une famille tellement triste qu’elle est moche à en mourir vous plongera dans un malaise plus collant que de la mélasse. Après ce jeu de massacre, il n’y a plus qu’à rechercher un nouveau modèle, mieux construit avec mode d’emploi inclus… pour fabriquer des nouvelles petites filles! Ouf, la résilience existe, thanks God, it’s Saturday! On respire!
Le mode d’emploi, c’est assurément ce qui surnage dans cet océan de désamour : la parole circule entre une petite fille et sa grand-mère qui, par magie ou par instinct, ont réussi à semer les fantômes et à se rencontrer pour de vrai. Quel périple initiatique barbare, dans un monde de barbares! Il est vrai que des barbares, il y en a plein: tous ceux pour qui l’autre n’existe pas ! Les contes, c’est pour avoir peur, non ? « T’inquiète, dit la petite tête… après un certain temps, tout finit par s’arranger ! » On finit toujours par accepter les choses comme elles sont. Et ivre de vivre, enfin dormir et mourir, où le contraire. Et ainsi les petites filles à l’âme de chèvre deviennent des grand-mères, à leur tour!