En ce moment, au Théâtre de la Place des Martyrs Un Cyrano qui va droit à l’âme. (d'Edmond Rostand)
Depuis sa création, il y a bientôt 20 ans, Théâtre en Liberté aime les spectacles qui allient panache et poésie ; des réalisations imagées, mouvementées, où l’esprit de troupe s’épanouit dans un plaisir du beau texte, de la musique, de l’escrime… Bref du théâtre total. Plus que jamais, entre des productions théâtrales assises dans le confort et des productions où la forme esthétique l’emporte sur le fond, où les gadgets scéniques remplacent les vraies valeurs du théâtre, il y a une place pour un théâtre « populaire ». Non un théâtre « démagogique » voulant plaire à tout prix et par n’importe quel moyen, mais un théâtre où l’équipe réunie dans une même foi apporte au public un spectacle où le divertissement va de pair avec la réflexion et l’esprit de révolte qui est celui de notre héros.
Une troupe au service d'une pièce magique.
Avec Cyrano, nous voulons réunir dans une troupe partageant le même enthousiasme, des créateurs, des comédiens, des techniciens susceptibles d’apporter au public, la qualité de rêves et d’émotions qu’il est en droit d’attendre d’un théâtre vivant. Tous, ensemble, nous voulons faire un Cyrano non pas confiné dans un respect sclérosant mais où le souci de la tradition s’enrichit des précieux apports de la modernité théâtrale et donnant toujours au théâtre cette place privilégiée qui est la sienne : ouvrir les portes de l’imaginaire, de la poésie, du rêve…
Une version dépouillée, concentrée sur un homme blessé qui combat la bêtise et les préjugés.
Notre Cyrano sera « débarrassé de ses paillettes, de ses plumes, de ses mots excessifs ». Pas pour une opération d’appauvrissement, mais au contraire pour « en retrouver la poésie, les sentiments, comme lorsqu’on dégage la toile d’un peintre de son cadre, pour mieux profiter du tableau »
Cyrano est avant tout un révolté contre la stupidité, la banalité, contre les comportements obligés, dictés par la société, contre l’utilisation que les gens en place font de leur pouvoir.
Les tirades de Cyrano ont une modernité formidable, très vite, on se rend compte que les travers que Cyrano combat, sont les mêmes que ceux qui gangrènent nos sociétés : l’opportunisme, l’arrivisme, le népotisme, la compromission. Tous ces abus qui se retrouvent aujourd’hui dans le monde des affaires, la politique, le monde des idées. Et certains, comme Cyrano, continuent à les combattre, non pas à la pointe de l’épée, mais avec d’autres armes, avec peu de résultats quelquefois, parce que les défauts de la société sont puissants comme ceux qui les entretiennent.
Assumer sa différence
Cyrano est, en fait, un antihéros qui est l’image même de l’échec. Antihéros qui a apparemment tout raté dans la vie et jusque dans la mort, Cyrano n’est pas un « gagneur » comme les héros de Sulitzer, il n’est pas davantage le « tombeur » qui séduit les femmes dans les feuilletons télévisés, il a seulement du cœur et de la fierté.
Et si c’était cela, pour une large part, qui faisait le succès de Cyrano ?
Il y a dans l’existence d’autres valeurs humanistes que l’argent, le pouvoir ou la beauté, que « réussir dans la vie » à la manière des Ducs du XVIIe et des « cadres dynamiques » d’aujourd’hui.
« Voyez-vous, lorsqu’on a trop réussi sa vie, on sent – n’ayant rien fait mon Dieu, de vraiment mal ! Milles petits dégoûts de soi, dont le total ne fait pas un remord, mais une gène obscure ».
L’interprétation est fabuleuse. Dont acte. Cela commence en musique par des baladins en costumes dans le style de la plus pure commedia dell'arte - racines obligent - qui circulent dans le public et entraînent le regard vers une scène dont on ne lèvera pas le rideau avant les trois coups traditionnels. Une mise en oreille à l’ancienne, qui met le public tout à l’écoute.
Et puis c’est le verbe magnifique qui déferle avec des intonations riches, justes, travaillées avec grande intelligence. Les trois personnages principaux n’ont rien de théâtral, ils ont tout des voix intérieures que l’on imagine à la lecture du texte. Et c’est une chose rare de sentir une telle adéquation entre la lecture et l’interprétation.
Roxane est bien une précieuse, mais pas ridicule du tout car elle a perdu beaucoup de sa vanité. Elle arbore jeunesse, passion et charme tendre avec une fougueuse intensité. Elle aime. Cyrano est l’humanité même, il aime. Christian, que d’aucun pourraient moquer pour ses manques de verbe est tout aussi humain … même si son destin n’est que d’être beau comme le Pâris de la guerre de Troie. Il aime. Les scènes de fleuret, de pâtisseries, d’amour perché sur une échelle, ou de lune qu’un poète attrape au bout de sa verve, sont pétillantes d’esprit et de mouvement. Le public aime. Les décors, tout le contraire des costumes éblouissants sont sommaires, vont à l’essentiel. Un arbre cache la forêt. C’est le flux théâtral qui prime... et la mise en scène qui fait voltiger les tableaux de maître, construits, équilibrés, graphiques, impressionnants. Et voici le fleuve d’applaudissements qui coule et déborde de toutes parts!
CYRANO DE BERGERAC - E. Rostand |
Théâtre en Liberté |
Du 27 octobre au 10 décembre 2011 Dim : 27 novembre et 04 décembre |
Commentaires
Si certaines "valeurs" sont mises (sciemment) en évidence sur ce réseau, j'étudie le projet de faisabilité de mettre en lumière des "contre-valeurs" comme -par exemple- le népotisme dont cet article fait très pertinemment mention.
CYRANO DE BERGERAC
Théâtre de la Place des Martyrs : Gagnez des places ! Pour 19 représentations, le retour de Christophe Destexhe dans un Cyrano qui vous a émus, fait vibrer… Une troupe au service d'une pièce magique. Une version dépouillée, concentrée sur un homme blessé qui combat la bêtise et les préjugés. On en redemande ! Date de cloture : le 17 Décembre 2012 à 00h00
Ne jamais vieillir mais toujours toucher juste, c'est ça un chef-d'oeuvre!
la belle critique de Roger Simons: http://theatre.cinemaniacs.be/theatre2.php?id=2549
J'ai vu la troupe au festival des Malins Plaisirs à Montreuil/Mer (FR) , même mes ados sont restés scotchés(arrivant avec des pieds de plomb, ressortis avec un sourire, des yeux lumineux et des discours plein la tête). Un vrai régal, d'une troupe qui porte une pièce tellement intemporelle.et le texte , si croustillant!