Un beau spectacle déambulatoire et …baroque : Le Bossu de Notre-Dame
Quatrième année. Après les succès de La Guerre des boutons – Made in Belgium, La Belle et la Bête et Alice au pays des merveilles au Château de Rixensart, le nouveau spectacle de Damien De Dobbeleer, librement inspiré de l’œuvre de Victor Hugo, devient un conte moderne, plein de fosses et bosses, à la fois édifiant et moqueur. Une distribution pleine d’allant y croise quelques sillages inattendus d’humour belgo-belge plutôt rafraîchissant. Et bien sûr, quelques flambées d’anachronismes. Certains tableaux s’inscrivent même dans l’esprit des œuvres satiriques de James Ensor.
Trois hommes tombent donc en extase devant Esmeralda, la libre bohémienne, et c’est bien là, l’origine de leur tourment : Phoebus, prêt à renier, malgré une déclaration passionnée en langue d’Elvis, Fleur-de-Lys et ses bruyantes copines d’enterrement de vie de jeune fille. Frollo, cette figure fort trouble, juge, censeur, prêtre, assassin ? Et cet être difforme, ce Quasimodo, créature solitaire abandonnée à la naissance, qui appelle tout de suite à la compassion.
Les thèmes sont clairs : haine, vengeance, jalousie, orgueil, cruauté, mépris… mais aussi la solidarité, la compassion, l’écoute. Un véritable kaléidoscope de sentiments humains.
L’échafaudage narratif est parfois un peu branlant, mais il y a de l’audace dans la démarche, du courage dans les intentions. Les traits d’humour critiquent sans détour les dérives de notre société et frappent juste. Il y a aussi quelques lenteurs, certes, mais les messages circulent dans une atmosphère tout-à-fait bon enfant. Après tout, c’est l’été — et le public vient pour s’amuser.

Les enfants, c’est la surprise. Ils participent au spectacle avec une énergie magistrale. Si jeunes, et déjà si déterminés : ils déclament, jouent, bondissent, s’approprient le texte avec brio et naturel. Trois jeunes rois mages ? Peut-être. Mais surtout une source de lumière, d’espoir, et de joie de vivre.
Pause. Et si…
Si ce spectacle était une nourriture ?
Ce serait une planche apéro.
Un animal ? Une fourmi.
Une musique ? Le chant des misérables.
Un pays ? Celui où l’on n’arrive jamais.
Une plante ? Les simples du cloître.
Une boisson ? Le verre d’eau rafraîchissant.
Un véhicule ? Les ailes du désir.
Une addiction ? Les champignons.
Une fleur ? La fleur-de-lys rouge.
Une cloche ? Celle du bonheur.
Et fi donc ! des m'atuvus, des tribunaux ecclésiastiques, des policiers en mal de puissance, des surtouristes en visite guidée dans la Cathédrale, de l’anglais de bâtons de chaises du latin de cuisine ! La critique est omniprésente, et c’est tant mieux.
Continuons. Le Bossu de Notre-Dame résonne comme un hymne sincère à la différence. Merci les tambourins !
C’est aussi une fresque cruelle et sombre où la bonté est rare. Quasimodo, reclus difforme, mais au cœur immense, émeut plus qu’il ne suscite le rejet. Hélas ce n’est pas son âme que l’on juge, mais son apparence. On l’a méchamment hissé en roi grotesque, on l’a célébré comme une figure de foire en folie… avant de le rejeter comme un monstre qui dérange. Car, dès le début, ce carnaval cruel – cette inversion institutionnelle des normes – révèle avec brutalité le cœur insensible d’une société qui préfère le spectacle à la vérité, la norme à la nuance.
Et pourtant… tout au long du spectacle une main païenne ne cesse de se tendre. Celle d’Esméralda, libre et lumineuse, elle qui reconnaît en Quasimodo un frère d’exclusion et ne rêve que de Justice, condamnant avec force trucages et autres mascarades ! Marginalisée elle aussi, traquée pour ses origines, elle incarne la résistance. L’insoumise. Celle qui défie les hypocrisies.
Au diable les champignons ! Face à Frollo, incarnation glacée de l’ordre implacable, Esméralda danse et devient flamme et lumière. Elle sauve Phoebus avec ses herbes, elle ne sauve pas Quasimodo mais dans une scène inoubliable, par sa voix, son chant et sa danse, elle l’humanise, pour lui-même et aux yeux du monde. Le vrai miracle qui passe peut-être inaperçu.
En fin de compte même ce vrai roi titubant, ce maigre roi Louis XI, ce fondateur du royaume de France, haï par son propre peuple, appelle, lui aussi à notre compassion. La mise en scène souligne son air perdu et désespéré ! Quel triste sire, si fragile, sous le poids de sa gigantesque couronne ? Écrasé par sa fonction ? Qu’il est pathétique, le pouvoir en quête d’absolutisme ! Et si tristes, ses guerres ravageuses…
Mais si drôles les apparitions du piaffant cheval gris perle ! Les enfants …adorent !
Dominique-Hélène Lemaire, Deashelle pour le réseau Arts et lettres
vu le 25 juillet 2025
Distribution
PRODUCTION, ADAPTATION ET MISE EN SCÈNE : DAMIEN DE DOBBELEER
PRODUCTION ET COLLABORATION ARTISTIQUE : MELISSA LEON MARTIN
COLLABORATION DRAMATURGIE : SELMA ALAOUI
COLLABORATION ÉCRITURE : GERNOT LAMBERT
ASSISTANTE ARTISTIQUE / PRODUCTION : ROMANE GAUDRIAUX
ACTEUR.ICE.S : SARAH BER (ESMERALDA), BENJAMIN BOUTBOUL (QUASIMODO), DIDIER COLFS (FROLLO), NICOLAS KAPLYN (PHOEBUS), ERICO SALAMONE (LE ROI), AURELIE FRENNET (EDMONDE), PHILIPPE Brion, EDOUARD DIONNET, SEBASTIEN FILIPOZZI, EMILIE GRECO, RAPHAËL MEDARD, MARGAUX MONARD, MATTEO SALAMONE (JEHAN), MARIE TECK, Elise Villance
DANSEUSES : ARMELLE EYENGA, MAYLIS VITRAC
ACTEUR.ICE.S ENFANTS : ZAIA BOUTBOUL, THEA DE BOECK, OSCAR FRANEAUX-LEROY, MARGOT LARUEL-WEBER, JOANNE MARTENS, Tibère de Wilde d’Estmael
SCÉNOGRAPHIE CONCEPT : BENJAMIN MUZART, JULIA RENAUDOT
SCÉNOGRAPHIE RÉALISATION : CAROLINE LUMIA, Anatole Edelsztein, melissa Gaurat, louise Dupont
COSTUMES, MASQUES ET ACCESSOIRES : MARIA SPADA & AURÉLIE WEBER
ASSISTANT COSTUMES, MASQUES, ET TISSU SCÉNOGRAPHIE : BAPTISTE ALEXANDRE
STAGIAIRES COSTUMES : CLOVIS BRENEZ, NATHALIE VIALARION
CONSTRUCTION TECHNIQUE : PIERRE DURDUR, PHILIPPE BREMS
MAQUILLAGE : INÈS INFANTI, Florence Jasselette.
CRÉATION LUMIÈRES : JEROME DEJEAN
CRÉATION SONORE : LAURENT BEUMIER






"Le roi nu"
Ascension: la jeune actrice provinciale (une sulfureuse Deborah De Ridder) qui est montée à Buenos Aires rencontre le colonel Juan Perón (l’excellent Philippe d’Avilla) lors d'une vente de charité organisée afin de récolter des fonds pour les victimes du tremblement de terre dans la région de San Juan. Chassant sa dernière maîtresse (nommons l’exquise Maud Hanssens, la fille du metteur en scène), elle l'épouse le 21 octobre 1945. Elle contribue grandement à son élection comme président en 1946. Elle met en avant ses racines modestes afin de montrer sa solidarité avec les classes les plus défavorisées et crée la Fondation Eva Perón dont le rôle est d'assister les pauvres.









Le plus théâtral d’entre eux, avec une présence scénique délirante est sans doute Pierre Pigeolet avec ses malicieuses interventions : tour à tour, un père fatigué de devoir expliquer à sa fille le fonctionnement de la Belgique, membre d’une cellule SOS suicide, Laurent Delahousse, Eli, Le Roi, Le prince Laurent…Quant à Bernard Lefrancq, qui interprète tour à tour un frêle Charles Michel et une formidable Maggie De Block, on ne peut que le saluer pour l’excellence de son travail et le choix de son équipe.





