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rire (32)

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SPECTACLES

« Beau-Papa » de François Dumortier

Du 15 févr. 2023 – au 26 févr. 2023

Succulente Première mondiale à la Comédie Royale Claude Volter dans une mise en scène fulgurante. Écrite par François DUMORTIER, la pièce « Beau-Papa » est une comédie de mœurs bruxelloise rafraîchissante qui détrône avec verve  et belle impertinence le règne de l’argent et le mythe de la réussite sociale. Un délice pour ceux qui ont le cœur à rire…ou à pleurer. Beau-Papa, Belle-Maman, des vocables euphémiques pour conjurer l’intrusion! Sans doute, un spectacle plein d’avenir.

On est à Bruxelles, avec l’accent de RTL. Le jeune Simon (Alexis Goslain) travaille surtout la nuit. Il est illustrateur d’albums jeunesse au pays de la BD. Personnage principal: une Libellule qui s’appelle Hercule. Drôle de nom pour un insecte aussi léger et gracieux! Aucune crainte du ridicule. C’est la création qui compte, n’est-ce pas? 

Il vit avec sa compagne Margot (Laure Chartier) dans un appartement exigu où ils accueillent régulièrement un alter ego, Jeff, qui a largué toute velléité d’embourgeoisement en devenant chômeur par prédilection, pressé de se déboulonner des obligation liées au monde du travail, jetant aux orties avec une désinvolture incroyable la quête du profit pour celle des cool délices de l’amitié  et de la vie Bohême. On n’est pas loin du boulevard Montgom’ tout de même…avec l’étincelant  Jean-François Brauer.

Alors que Simon doit terminer son quatrième projet, Margot lui annonce que René, son paternel qui vit en France, est sur le point de débarquer en visite chez eux dans le Norrrrd! Le beau-père, avec ses airs de Bernard Blier,  est interprété avec brio par un fabuleux Joël  Riguelle. Il a toujours été très critique vis-à-vis de la relation sans le sous de sa fille. Aussi, pour l paix des ménages, ‘inventive Margot – un prénom à la Georges Brassens -, a déjà préparé le terrain, elle a fait le lit d’un énorme mensonge qui devrait permettre aux chatouilleux père et beau-fils de se rapprocher enfin. 

En résulte toute une gastronomie de boulevard pleine de vivacité qui n’a rien à envier aux modèles du genre.  Le Vaudeville moderne tout à fait hilarant monte comme des œufs en neige. Tous les codes y sont, en version 21e siècle. Les tranches de vie s’embrouillent… les méprises et les quiproquos fleurissent. Le langage est vif, les inventions les plus abracadabrantes jouent à cache-cache avec la cruauté du réel. On assiste à des sommets d’ invraisemblance, sous des dehors, ma foi, fort plausibles. C’est d’ailleurs tout l’art. Le rire, attisé en continu par chacun des personnages si attachants fait … qu’on se délecte devant l’ incessant chassé croisé des squatteurs. 

Alors, le  fleuve de mensonges débite à toute allure. Dans un rythme endiablé, ça défile, ça déroule, et ça vous enroule  dans des cascades de rire. Que de plaisir et au tournant, des coups d’œil moqueurs sur la vie d’artiste, la vie rangée des voitures,  le mythe du fonctionnaire ou  plutôt, celui du banquier ou du grand patron en vacances aux Maldives. Les discussions vont donc bon train dans l’appart modeste et banal du jeune couple sans enfant. ILs auront dû accueillir, non seulement ledit  Beau-Papa   – mais aussi sa délirante jeune et sauvage nana toute blonde, avèèè un délicieux acceng du Midi. C’est la coach sportive du monsieur, …. Tiens donc! Rôle endossé par l’exquise Bénédicte Philippon. 

Dominique-Hélène Lemaire, Deashelle pour Arts et Lettres

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Ramsès II, une pièce de Sébastien Thiery

SPECTACLES

Un boulevard original, d’une étrange cruauté

Dès la première, public ravi dans une salle comble. Mais quelle drôle de pièce … pourtant, tout aussi drôle que le film de Tatie Danielle avec son humour corrosif et débridé. Sauf que plane au fur et à mesure, une incroyable menace comme dans les films d’Hitchcock. Rien ne laisse présager  la fin, le suspense durera en effet jusqu’à la dernière réplique.


On peut dire aussi, qu’à certains égards, cette pièce renoue carrément avec le malaise existentiel du théâtre de l’absurde. Ionesco es-tu là? Au début de chaque acte, on assiste à  un étrange retour de situations et de répliques identiques qui apparaissent comme autant de sourds avertissements du Destin.

Dans ce cycle infernal, où est le réel? Où commence le cauchemar? Le déjà vu, de plus en plus aigu et oppressant vous prend à la gorge! Le personnage  central, père de famille en chaise roulante admirablement joué par Daniel Hanssens,  se retrouve coincé dans un effroyable huis clos remarquablement étouffant. Effet thriller garanti: le spectateur est pris lui aussi dans ce glaçant cauchemar de plus en plus … réel?

Le Goliath du rire à la voix stentorienne va-t-il se laisser terrasser par un  jeune Daniel (Clément Manuel) impassible et … pervers? Il s’appelle Matthieu, cet incompréhensible beau-fils qui a débarqué chez ses beaux-parents après un voyage en Egypte, mais sans sa femme Bénédicte. Est-il finalement fou à lier ou passible de poursuites judiciaires? Qui sont ses complices?

L’auteur semble en outre procéder à une froide analyse de la haine gratuite, puisque sous des dehors de comédie bourgeoise lestée de codes actuels, se déploie le plan maléfique de ce Mathieu, personnage hautement manipulateur et forcément haïssable. Celui-ci pratique-t-il le mal pour le mal? Pour quelle offense se livre-t-il à une incompréhensible vengeance ? Quelle force guide sa main? En effet, on ne cesse de s’interroger sur ses mobiles d’acharnement. Et il n’y a pas de réponse.

Critique acerbe de la manipulation de la réalité – toujours une source d’angoisse profonde – cette pièce est une condamnation implicite d’une société basée sur le mensonge et totalement dénuée d’humanité. Et pourtant les rires fusent dans la salle. C’est tout l’art de l’auteur. Est-ce par pur cynisme que les aînés sont poussés en dehors des derniers joyeux sentiers de la vie pour finir reclus et abandonnés loin de leurs repères et de leur famille? Inès Dubuisson, au jeu très sûr incarne parfaitement l’attitude passive et égarée de la femme de ce chef de famille, certes un peu caractériel, mais qui aurait eu droit à plus d’égards, non? Enfin, ce spectacle étrange illustre bien l’égoïsme foncier de notre société où tout est bon à jeter.

 Pire que tout, la mystérieuse Bénédicte (la fille adorée du couple interprétée par une brillante Marie-Hélène Remacle), porte vraiment mal son nom puisque l’on découvre dans un rythme haletant qu’elle fait partie du plan iconoclaste de l’insatiable Mathieu.

L’ensemble est mené de main de maître, les situations absurdes et comiques s’égrènent avec brio sur un canevas d’enfer. Et c’est le Goliath vaincu qui recueille toute notre sympathie devant l’horreur de la machine infernale en branle. Edgar Poe n’est pas loin. La dernière phrase de cette comédie est un sommet de désespoir.

Jack Nicholson, où es-tu?


Dominique-Hélène Lemaire, Deashelle pour Arts et Lettres

https://comediedebruxelles.be/

Distribution : Marie-Hélène Remacle, Inès Dubuisson, Clément Manuel et Daniel Hanssens 

Mise en scène : Daniel Hanssens
Assistanat : Victor Scheffer

Scénographie : Francesco Deleo

Lumières : Laurent Kaye

Billetterie : ici

La tournée s’est arrêtée Au Centre Culturel d’Auderghem :

Du mardi 4 au samedi 8 avril à 20h00 et le dimanche 9 avril à 15h00

Autres dates:

Dinant : le mardi 11 avril

Ottignies : le mercredi 12 avril

Huy : le vendredi 14 avril

Au Centre Culturel d’Uccle :

Du mardi 18 au samedi 22 avril à 20h15 et le dimanche 23 avril à 15h00

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SPECTACLES

Des gens de l’Art au théâtre du Parc pour jouer Pinocchio


Comédien auteur, metteur en scène, Thierry Janssen  nous  livre  au théâtre du Parc une adaptation originale du conte moralisateur italien bien connu  de  Carlo Collodi (1883).  Dans ce spectacle savoureux et  grisant, tant pour les adultes que pour les enfants,  l’auteur  déploie habilement  un  fantastique  arsenal théâtral fait de textes subversifs et drôles, pimentés d’une dose bien rafraîchissante d’italien. Un arsenal fait d’espaces bien construits, de corps  brûlants  de dynamisme, de  sons  et lumières qui n’ont rien à envier au cinéma. La brillante mise en scène ne manque pas d’humour et  est signée Maggy Jacot et Axel de Booseré. Les enfants adorent ! Les comédiens Aurélien Dubreuil-Lachaud et Mireille Bailly se partagent astucieusement  les rôles de Lino, le chat, Arlequin et Colombine, le renard et Vanda. L’ambiance est celle de la Commedia dell’arte, les enfants jubilent.


Julien Besure, Fabian Finkels Photo Aude Vanlathem

Lorsque le tissu est à l’endroit,  on croit voir ce que l’on attend, à savoir  la reconstitution subtile et resserrée  des tribulations du jeune pantin de bois  à travers  l’évocation de ses multiples métamorphoses dans un univers de magie et de rêve. Puisque c'est là  que  se trame de fil en aiguille  un  parcours complexe vers la découverte de son humanité, ciselée avec ferveur par l’amour de  Gepetto,  son génial créateur.

Mais, première surprise, le Pinocchio que l’on a devant les yeux est d’emblée  un vif  jeune homme, en chair et en os sous les traits du  pétillant Julien Besure,   en comédien tête d'affiche d’une tournée théâtrale  du spectacle « Le avventure di Pinocchio ». Place au mystère du théâtre dans le théâtre. Les enfants sont éblouis.   Et dès l’entrée de jeu, l'extraordinaire vedette du théâtre du Parc,  Fabian Finkels, dans le rôle du directeur  de la troupe prévient :  l’histoire  sera extraordinaire : vraie ou pas, c’est aux spectateurs d’en décider. Vrai ou faux ?  Il promet de ne jamais mentir, de parler vrai. Mais, qu’est-ce que parler vrai ?  Doit-on le croire ?  Faut-il croire les deux gredins escrocs et séducteurs  en carricatures de renard et de chat ? Doit-on croire la pauvresse Fée Dora dont la blessure est une morsure de chien pour avoir volé un pain? Comment fait-elle pour devenir une vraie féé bleue ? Peut-on en tomber amoureux ?


Mireille Bailly, Aurélien Dubreuil-Lachaud, Karen De Paduwa, Fabian Finkels, Julien Besure, Thierry Janssen, Elsa Tarlton Photo Aude Vanlathem

C’est alors qu’ à l’envers du tissu, on  découvre une toute autre histoire. Eternelle ou anecdotique? Certes, misérable et merveilleuse. Emouvante, donc.  Celle d’une résistante communiste indigente (Elsa Tartlon)  poursuivie par les forces de l’ordre.  Celle  de Sofia – le nom est bien choisi – joué par  une éblouissante Karen de Padoua.  La régisseuse codirectrice est  rebelle aux bruits de bottes qui déferle sur l’Italie. A l’occasion, elle  se montre même à cheval sur  la question de l’orthographe,  question de  préserver la complexité de la langue, partant, celle de la pensée. Pressent-elle que Joseph Goebbels, quelques années plus tard,  dira  « Nous voulons convaincre les gens de nos idées, nous voulons réduire le vocabulaire de telle façon qu’ils ne puissent plus exprimer que nos idées » ? Elle est  bouillante et prête à la révolte  et bataille avec le direttore  en refusant d’aller se produire devant un public de fachistes en marche sur Rome et  rassemblés  à Santa Marinella.    Puisqu’en effet,  tout se passe il y a cent ans, en octobre 1922,  alors que  fermente la grogne  des Italiens après  un  traité de Versailles qui les a  bernés, alors que sévissent la faim et la misère dans les villages toscans, une réalité sociologique qui n’épargne ni les ouvriers ni les paysans. Peut-être même que cela se passe  autour du  31 octobre… ce jour de 1922 où un certain Benito Mussolini  s’approprie la présidence  du Conseil du Royaume d’Italie.

Très prosaïquement, toute la question pour la troupe de forains n’est-elle pas de trouver de l’argent coûte que coûte,  simplement  pour ne pas mourir de faim? Alors, aller jouer devant les troupes du Duce…c’est un moindre mal !  Avanti ! tranche le direttore.

En  filigrane, on voit aussi apparaitre un autre thème.  Celui d’une société de loisirs et de consommation souvent abêtissante,  où l’on fuit l’effort et les contraintes pour de vains plaisirs. …  ce qui arrange bien sûr les profiteurs et les  dictateurs de tout poil.  Le très crédule Pinocchio n’est-il pas  prêt à enterrer son argent dans un champ pour s’enrichir   heureux de  se vanter de ses vaines prouesses? Et puis, Qui est-il ? Est-il capable de se changer et de devenir autre chose que ce qu’il est, un vulgaire morceau de bois? Que reste-t-il des souvenirs du brave Gepetto qui semble avoir perdu la mémoire ? Il est  interprété avec chaleur par Thierry Janssen, lui-même.  Dire qu’au plus profonde de la misère, il  échange son manteau pour un livre d’école destiné à son fils!  Et ce fils, doit il se soumettre aux règles de l’ordre établi ou y a-t-il  quelque place pour la liberté de devenir soi?   On est au cœur de la fonction du théâtre : se poser des questions, chercher le sens de la vie, douter, alimenter la réflexion.  Et tant pis pour le criquet moralisateur ! Pardon, c’est un grillon!

Avec ces gens de l’Art, on est à cent lieues du Walt Disney bienpensant de 1940.


Julien Besure, Aurélien Dubreuil-Lachaud, Mireille Bailly. Photo Aude Vanlathem

Dominique-Hélène Lemaire, Deashelle pour Arts et Lettres


Au Théâtre Royal du Parc | Rue de la Loi, 3 – 1000 Bruxelles Du 18/03/2023 au 08/04/2023

billetterie@theatreduparc.be - 02/505.30.30



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SPECTACLES

« Le noir te va si bien », une mortelle randonnée

                                                                                                  …entre empoisonnements, chutes de falaise, coups de feu, explosions à la dynamite, lustres fatidiques, arsenic, strychnine, champignons innocents,  roulette russe, et la liste n’est pas complète. «  Risky Marriage » écrite par Saul O’Hara en 1959, est une comédie policière d’origine britannique. Elle fut créée en  France par Jean Marsan, le 7 novembre 1972 au Théâtre Antoine à Paris, avec dans les rôles titres Maria Pacôme, Jean Le Poulain et Lucie Dolène.  Le succès fut tellement énorme qu’elle fut diffusée  à 3 reprises dans la célèbre émission de télévision « Au théâtre ce soir », à l’époque, à  l’ORTF. Vibrent encore sans doute pour certains, tant d’années après, les  annonces réjouies du générique :  « C’était…. dans une adaptation et production de: ….Pierre Sabbagh , créateur de décor: ….Roger Harth, costumes de: ….Donald Cardwell! »  Un crescendo de bonheur doux à l’oreille.

Qui tuera l’autre en premier ? That’s the question !

Cette pièce  fracassante  pourfend  tous les coureurs de dot, les assoiffés d’héritages, les chercheurs d’or matrimonial, les chacals de pierres tombales, les abonnés au crime lucratif. John est soupçonné d’avoir tué ses six femmes. Lucy est suspectée d’avoir éliminé ses cinq maris. Un commissaire de Scotland Yard, joué par l’exquis Bernard d’Oultremont,  veut piéger les deux criminels jusque-là restés impunis  en provoquant leur rencontre dans un manoir qu’il a mis sous haute surveillance, et où il pourra enfin prendre l’un  des deux sur le fait. Pour l’autre, ce sera sans doute  trop tard ! « Elle a les yeux … révolver ! »   


 Deux domestiques très complices, aident  l’inspecteur dans sa tâche de détective, quitte à s’enfermer, pour mieux espionner,  dans une horloge ou une vielle cuirasse moyenâgeuse. Ah ! les châteaux  écossais, leurs passages secrets, et leurs merveilleux fantômes ! Tout y est au théâtre de la Comédie Claude Volter : le five o’clock tea, le brandy et la pièce montée en sponge cake !  Bravo aussi  pour les choix musicaux :  depuis  l’authentique bagpipe, cornemuse ou biniou,  jusqu’à la valse des chevaliers de Tchaïkovski dans Roméo et Juliette. Et puis cet inénarrable uniforme militaire écossais que porte le faux laird, Michel de WARZÉE ! C’est tout  le plaisir du boulevard  qui revient en trombe sur la scène du théâtre de la Comédie Claude Volter qui fête  royalement ses cinquante ans cette année-ci.



 Dans un rythme  déchaîné, Stéphanie MORIAU et Michel de WARZÉE  jouent  pendant près de deux heures  leur incroyable  parade fatale. L’amour y trouvera-t-il enfin son compte ? A force, le cynisme imprègne les autres personnages et la comédie de mœurs fait flèche de tout bois pour mettre en pâture devant le public  toutes ces   faiblesses humaines  telles que l’amour  effréné de l’argent, l’appât du gain, l’égoïsme,  la vanité, la cupidité,  l’envie..  Et que dire du moteur principal:  la froideur du crime et du meurtre  prémédités.

Il est donc fort bien  ficelé, ce bijou de théâtre de boulevard au point de friser le  surréalisme…  Les sept comédiens chevronnés  s’éclatent vraiment  sous la charmante direction  de la dame en fourreau noir,  épaules et jambes  nues : Stéphanie MORIAU.  Avec  Michel de WARZÉE, Amélie SAYE, Laurent RENARD, Bernard d’OULTREMONT, Hélène PHILIPPE, Simon WILLAME et Morgane GÉRÔME. La distribution est impeccable et on leur souhaite de faire salle comble… Pour leur bonheur, ils n’ont pas plus de 200 places !

…  Et au fait, ne serait-il  pas temps  que la Mort,  tant chantée par  Georges Brassens ( il aurait eu 100 ans ce 21 octobre 2021) et que notre société  contemporaine met tant de soin à exiler, réapparaisse, exposée, vilipendée et moquée, pour ses côté les plus absurdes et les  plus perfides ?   Afin que  l’on cesse de la nier, qu’elle  cesse de nous angoisser en  secret,  et même, aller jusqu’à paralyser tout notre système de société.  Formons le vœux que, le grand apanage de l’Homme, le rire salvateur généré par  la Comédie,   puisse   nous sauver de sa hantise.

Dominique-Hélène Lemaire, pour Arts et Lettres

« Le Noir te va si bien » Jean MARSAN d’après Saül O’HARA

Distribution

Avec Michel de WARZÉE, Stéphanie MORIAU, Amélie SAYE, Laurent RENARD, Bernard d’OULTREMONT, Hélène PHILIPPE, Simon WILLAME et Morgane GÉRÔME.

Mise en scène : Stéphanie MORIAU – Décor : Francesco DELEO – Création lumière : Bruno SMIT

Du 8 au 31 décembre 2021

Comédie Claude Volter
Avenue des Frères Legrain, 98 1150 Woluwe-Saint-Pierre

http://www.comedievolter.be
secretariat@comedievolter.be
+32 2 762 09 63

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Au Fourire, détente!

SPECTACLES

Quand  une  comtesse vient s’encanailler… au Stamcafé!

Nous sommes au Fou Rire, à deux pas de L’université. Pour la deuxième fois. Avec des comédiens craquants. Après  «  Le tour du monde en 80 jours » avec la compagnie  Production niveau 5  , voici le « Stamcafé ». Un spectacle avec l’accent pur et dur de chez Toone qui se déroule dans  un  Stamineï de  Koekelberg. La scène est à nouveau déguisée en théâtre de Guignol, le trait sera forcé, mais toutes les sortes de comique seront au rendez-vous. De la zwanze à l’exagération épique, à la scène de ménage nettoyage de printemps.  Le public est nombreux, masqué,  sauf ceux qui dégustent un cocktail maison  aux agrumes ou une boisson rafraîchissante posée sur une table ronde avec sa bougie d’ambiance.  Détente.

Peut être une image de 6 personnes et intérieur

Gaspar, le tenancier intérimaire du Stamineï de  Koekelberg rêve de son fritkot – quel jaloux de la place Jourdan! –  en attendant de lâcher son boulot à la commune, sacré fromage quand même.  Il a promis à Monique, la  propriétaire qu’il couve jalousement des yeux , de lui  donner un coup de main pendant qu’elle va rendre visite à ses parents à La Panne pendant 3 jours.

 Le voilà libre… Max !

Le chat parti, les souris dansent ! Gaspar  va pouvoir se comporter enfin en adulte  responsable ! C’est ce qu’il croit. Toute une faune pittoresque  va défiler  devant  son  comptoir  et provoquer  le rire aux éclats dans la salle complice. Difficile de résister, et dire qu’ ils ne sont que trois comédiens pour jouer  tous les assoiffés du quartier! L’illusion est parfaite. Quels costumes ! Un taxi italien, un improbable chauffeur de Rolls très faux British, une comtesse grivoise, des flics, mâle et femelle, des  traîneurs de savate, et  des échappés  de "home sweet home" voisin.   Tout ce  petit monde grouillant d’humour et de vie terre à terre est un ballon de drôlerie parmi les pâquerettes.   

Peut être une image de 4 personnes, personnes assises et intérieur

  3 jours  de  « jave » en stoemelings ? Ca va péter le feu!  Sacrément  bon à prendre quand on se sent un minus de bureaucratie, une victime de la dictature féminine, un esclave du travail domestique  imposé,  un  médaillé de la descente des pils en séries,  bref, un mec sous pression, ravi d’avoir  pour une fois un peu la paix… Au siphon :  Du rire belgo-belge pur jus! Et omni présent,  le très vieux thème inusable  de la farce du cuvier !  Fou rire.

Peut être une image de 10 personnes et personnes debout

Dominique-Hélène Lemaire pour le Réseau Arts et Lettres

 Le Fou Rire, théâtre de proximité

Adresse : Av. des Grenadiers 48, 1050 Ixelles Téléphone : 0483 59 92 29

Peut être une image de 7 personnes et personnes debout

https://fourire.be/

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administrateur théâtres

SPECTACLES

Carabistouilles, c’est du belge!

Le spectateur a beau savoir qu’il y a un truc, voire «des trucs», il ne peut s’empêcher de se laisser prendre par l’illusion et d’y croire…. C’est cela la magie! Celle  de l’homme aux mille talents. Un homme-orchestre  en vif argent, aussi surprenant qu’insaisissable. Un artiste qui défie votre sens des réalités.   

Cette fois, c’est à la Comédie Claude Volter que vous avez rendez-vous avec la magie. En live. Mais pas que.  Il y a du rêve en paillettes, au clair de lune.  Et un magicien entre surprises et traditions. Des émois poétiques que l’on attendait pas. Des battements de cœur inattendus.  Archi sérieux, entre prof sympa et jeune chef scout moqueur de monde, c’est tout lui : Jack Cooper. Pareil à lui-même et  sans cesse réinventé.

Il nous offre  une vaste plage de plaisir pendant deux heures… Et malgré notre regard critique rationnel et indélébile, il nous souffle, il nous flambe, il nous éblouit, il nous bluffe, il ressuscite en nous  cette âme d’enfant, …si profondément enfouie que l’on aurait pu la croire disparue. Et la jeune classe qui vibre dans la salle, si présente malgré l’heure tardive, hurle de bonheur, se précipite sur le plateau, tâte anneaux chinois, cordes, sièges innocents, vitres anti chocs, et autres caissons qui n’ont rien à voir avec ceux de la salle de gymnastique. C’est le bonheur !

Tout est mystère et mystification. Le prestidigitateur vous précède d’une longueur…  et vous entortille comme habile bonimenteur ! Se laisser faire… pour se laisser être !  Vous êtes pris par la folie de la scène, des lumières, des bandes son, des corps des artistes qui se donnent sans compter, avec chaque fois… un peu de leur âme. Le théâtre est magie. Et lumière du monde. Tous les artistes vous le disent, et un monde sans théâtre est pure désolation.

J’ai pas fini… il y a son associée, Jolijn ANTONISSEN, une fausse néophyte, une dame qui semble sortir d’un chapiteau de cirque,  fière d’elle-même, avec l’accent du grand Jacques, la volupté du Nord, la connivence avec le public et qui lui donne la réplique. Elle aussi elle partage  le bonheur de créer la surprise et d’émerveiller le monde. Que ferais je sans toi…? Il faut être deux, ou plus, ou tous ensemble réunis, artistes et public pour la plus belle des conspirations humaines…celle de la Magie! 

Dominique-Hélène Lemaire pour le réseau Arts et Lettres

PROLONGATIONS ! Comédie Royale Claude Volter : www.comedievolter.be

Peut être une image de plein air et texte qui dit ’La plus belle des magies c'est quand une personne réussit à vous faire sourire sans être présente. présente...simplement ement par la pensée. Alex ex Boçat’

du 19 janvier au 13 février

CARABISTOUILLES

Jack COOPER

Depuis plus de 15 ans, Jack nous éblouit de ses artifices et entourloupes. De manière caustique il présente les mystères de la magie en mélangeant grandes illusions, mentalisme, magie comique et interactive, ombres chinoises et autres enchantements.

Après le succès d’”Illusions” en 2016 à la Comédie Claude Volter, Jack revient nous ensorceler.

Un spectacle familial… où l’incroyable est possible !

Avec Jack COOPER et Jolijn ANTONISSEN

Création sonore : Laurent BEUMIER

Régie Son et Lumière : Yves HAUWAERT

Regard extérieur : Simon PACO

Régie Plateau et direction technique : Bruno SMIT

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Un Peter Pan rêvé par le théâtre du Parc à Bruxelles

Rêver !  C’est par-dessus les pavés mouillés des rues de Liège au temps de Noël  que se balance  cette magnifique guirlande lumineuse au gré du vent. A Bruxelles, c’est au théâtre du Parc que se concentre le rêve et  un voyage extraordinaire dans le surnaturel.

Pour Maxime, dix ans, c’est la première fois qu’il franchit les portes  royales de la Comédie. Aller au Théâtre, il en rêvait.

Il s’est habillé en jeune collégien anglais pour l’occasion et sa première sortie en solo  avec sa Mamy! Ça, c’est en attendant de visiter Londres.   Il brûle de  rencontrer le vrai Peter Pan, ce héros qui ne voulait pas grandir. Et savoir pourquoi.  Le comédien est bien vivant.  Julien Besure,  prince de l’imaginaire en habit vert, s’emploie à merveille  pour voler, planer, et allumer des étoiles dans les yeux des enfants et de leurs parents.

Maxime  connaît par cœur  le héros de  Walt Disney. Sa grand-mère a feuilleté avec lui le  vrai livre de James Matthew Barrie, Peter Pan and Wendy ( 1911)  question de le  lancer sur les chemins de la fiction  du Neverland : de la maison,  emprunter la deuxième étoile droite  et filer tout droit jusqu'au matin.

 

Ce qu’il a préféré, ce sont les superbes décors et les culbutes, les sauts du héros qui dit tout ce qu’il pense. Ajoutons que c’est Émilie Guillaume, une  incomparable artiste du mouvement, qui règle à nouveau  les fracassants combats et les coups de rapières sonores.  L’île est recouverte de forêt, la  lagune aux sirènes est splendide, le  bateau des pirates impressionnant, la maison souterraine des enfants perdus finement imaginée. On adore les troncs d’arbres aux portes secrètes  qui font office d’ascenseurs,  le camp des indiens, les cabanes de feuilles construite par les enfants perdus eux-mêmes et le  pauvre crocodile qui a avalé  le réveil. La mise en scène est signée  Maggy Jacot et Axel de Booseré.

Comme Maxime s’est délecté en boucle  du DVD du film « Hook ou la revanche du Capitaine Crochet » de Steven Spielberg (1991), cela ne le gêne pas du tout que l’histoire ait pris un tour  différent de la version originale, avec ce virage étonnant dans l’interprétation de Thierry Janssen. Au contraire, Il est fier de sa science et de  déclarer avec satisfaction que « C’est pas la vraie histoire, bien sûr ! ». Ils sont finalement tellement ravis, les enfants qui déclarent tout connaître sur Saint-Nicolas ou Père Noël ! Tellement rassurés aussi que le contes existent pour penser et rêver le monde ! Maxime adore le fait que le soldat ensanglanté puisse s’échapper de l’horreur des tranchées de la première guerre mondiale en culbutant dans le Neverland,  le pays imaginaire qui ne se fane jamais. Et il est totalement heureux que lorsque le jeune  soldat est touché en plein cœur,  et qu’il  « renaît »  dans le Neverland. Totalement crédible non ?

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Bon, la fée Clochette ( Anouchka Vingtier, plus carabosse que la minuscule nymphe Tinker Bell)  «  criait beaucoup et avait des cheveux très blancs ». Si elle était venue chercher majestueusement  par la main le pauvre Tommy qui se mourrait dans les tranchées d’Ypres,  elle allait refaire sa vie pour  devenir la fée Crochette avec le formidable capitaine sauvage!   Pitié pour Peter !  Cet effroyable  capitaine, plus monstrueux que dans l’imaginaire, « plus abominable que dans les films » est personnifié par un  Fantastique Fabian Finkels ! Un rôle explosif  pour triple F ! Les adultes jubilent devant l’ampleur de la  dérision en mode Don Quichotte.  Pour ce comédien aux mille talents, c’est un  super héros, sur mesure. Il est ffflanqué de son inénarrable acolyte, Mouche de son prénom, glorieusement endossé par Thierry Janssen en personne.

12273405656?profile=originalDominique-Hélène Lemaire et Maxime Demoulin 

PETER PAN

11.11.2021 > 11.12.2021

de Thierry Janssen d'après l'oeuvre de J.M Barrie

Nous vous entraînerons pour les fêtes dans l’univers magique et cruel à la fois d’un des personnages les plus célèbres de la littérature anglaise. Vous retrouverez Julien Besure qui fut D’Artagnan mais aussi le chevalier d’Eon. Nous sommes en 1915. Le garçon qui servit de modèle à Peter Pan se bat dans les tranchées en Belgique. Juste avant l’assaut, une femme mystérieuse le ramène au pays des enfants perdus.

 

Avec :
Julien Besure (Peter Pan) - Anouchka Vingtier (La fée Clochette) - Fabian Finkels (Le capitaine Crochet) - Karen De Paduwa (Rabougri ) - Mireille Bailly (Lily la tigresse, Le soldat Smith et Nicky Nigoo le pirate) - Thierry Janssen (Mouche) - Elsa Tarlton (Wendy) - Aurélien Dubreuil-Lachaud (Le soldat Taylor, Cookson le pirate et un indien).

Et les enfants en alternance :
Issaiah Fiszman, Dario Delbushaye (Le soldat Jones, Ed le pirate et un indien) - Andrei Costa, Martin Georges, Stanley Dupic-Janssens, Léon Deckers, Ethan Verheyden, Lilia Moumen, Jannah Tournay, Lily Debroux, Eledwen Janssen (Les enfants perdus et les indiens) - Selma Jones, Babette Verbeek, Laetitia Jous (La sirène et une indienne).



Réalisation Maggy Jacot et Axel De Booseré

Assistanat Julia Kaye

Assistanat scénographie et costumes Fabienne Damiean

Création lumières Gérard Maraite

Création sonore et composition Eric Ronsse

Chorégraphie des combats Emilie Guillaume

Créatrice maquillages et coiffures Florence Jasselette

Peter Panhttps://www.theatreduparc.be/wp-content/uploads/2021/04/face-cover-deff-768x563.jpg 768w" sizes="(max-width: 1024px) 100vw, 1024px" />Julien Besure Photo@ZvonocK
Peter Panhttps://www.theatreduparc.be/wp-content/uploads/2021/04/Mouche-Crochet-768x563.jpg 768w" sizes="(max-width: 1024px) 100vw, 1024px" />Thierry Janssen et Fabian Finkels Photo@ZvonocK
Peter PanAurelien Dubreuil Lachaud, Mireille Bailly, Julien Besure, Elsa Tarlton, Photo@ZvonocK
Peter Panhttps://www.theatreduparc.be/wp-content/uploads/2021/04/Clochette-768x563.jpg 768w" sizes="(max-width: 1024px) 100vw, 1024px" />Anouchka Vingtier Photo@ZvonocK
https://www.theatreduparc.be/wp-content/uploads/2021/04/Karen-De-Paduwa-Andrei-Costa-Lily-Debroux-Julien-Besure-Leon-Deckers-Photo@ZvonocK-768x563.jpg 768w" sizes="(max-width: 800px) 100vw, 800px" />Karen De Paduwa, Andrei Costa, Lily Debroux, Julien Besure, Leon Deckers Photo@ZvonocK
Peter Panhttps://www.theatreduparc.be/wp-content/uploads/2021/04/pirates-768x563.jpg 768w" sizes="(max-width: 1024px) 100vw, 1024px" />Aurélien Dubreil-Lachaud, Mireille Bailly et Dario Delbushaye photo@ZvonocK
Peter Panhttps://www.theatreduparc.be/wp-content/uploads/2021/04/wendy-enfants-peter-768x563.jpg 768w" sizes="(max-width: 1024px) 100vw, 1024px" />Karen De Paduwa, Andrei Costa, Julien Besure, Lily Debroux, Elsa Tarlton, Leon Deckers Photo@ZvonocK
Julien Besure, Fabian Finkels Photo@Zvonock

Peut être une image de texte qui dit ’ANTOINE VITEZ 1930- 1990 Car le théâtre est un champ de forces, très petit, mais oủ se joue toujours toute l'histoire de la société, et qui, malgré son exiguité, sert de modèle à la vie des gens, spectateurs ou pas. Laboratoire des conduites humaines, conservatoire des gestes et des voix, lieu d'expérience pour de nouveaux gestes, de nouvelles façons de dire -comme le rêvait Meyerhold pour que change l'homme ordinaire, qui sait’ 

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SPECTACLES

Au Centre Culturel d’Auderghem: « J’ai envie de toi »

Mettez un masque… celui du rire !

Avec ses 2 nominations aux Molières 2020, dont celui de la Meilleure comédienne et de la Meilleure comédie pour un spectacle de théâtre privé, « J’ai envie de toi »  écrit et interprété de façon touchante par  Sébastien Castro est unauthentique diffuseur de rires ininterrompus qui fusent parmi  les parfums si  baroques de notre société 2021.

 Le pot-pourri se compose d’une  vielle mère à garder – on parlait des « croulants » à notre époque non ?  …D’une querelle immobilière bourgeoise, vieille de 50 ans, à propos de  la mainmise d’un voisin  sur  quelques   mètres carrés de placard entre deux apparts,  et surtout de jeunes trentenaires immatures, plutôt déboussolés, en mal d’amour et de bons coups, coiffés d’incontournables  quiproquos enracinés dans leurs téléphones portables.

Ça claque de partout, ça virevolte, ça délire ferme, d’un bout à l’autre  du burlesque. Ainsi l’ habitué des belles comédies de boulevard d’antan retrouve dans cette pièce saugrenue et  bouillonnante de vie,  tous les codes du genre . Ils sont balayés, il faut dire,  par les vents incertains  de notre époque surréaliste : les rencontres amoureuses sur Internet, l’omniprésence des téléphones portables, le «papy-mamy sitting», la sexualité décontractée, les différences sociales et culturelles…

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De fait, Youssouf, sans emploi, garde ponctuellement des personnes âgées chez lui dans un  apparemment totalement ringard. Ah la table et les chaises de formica ! 1958 ?   Ce soir, le temps d’un dîner d’anniversaire avec sa meilleure amie,  la pulpeuse Sabine lui dépose sa mère  (on ne dit plus Madame votre mère)  Madame Brachet donc,  80 ans, décatie en chaise roulante qui ne peut  plus communiquer que par sonnette interposée. Guillaume (Guillaume Clérice) qui  vient d’emménager dans l’appartement contigu, voit soudain Youssouf  débarquer  chez lui….par le placard qu’il a cisaillée comme une porte dans  l’œuvre de  Magritte. Ciel mon voisin !  Agacé par les insistances  de sa  copine Christelle, il s’est inscrit sur un site de rencontre et  s’apprête à recevoir une nommée Julie dont il n’a pas même la photo.  Sauf que … le message embarrassant « J’ai envie de toi » – c’est dit sans fard – est parti du téléphone mobile vers son ex. Paniqué par sa possible intrusion, il veut faite genre Ah ! l’incruste, je suis pas là ! Courageux, le mec !

Les thèmes sexuels passent par toutes les couleurs, le style vestimentaire …et textuel est résolument jeune et elliptique, sauf pour Sabine (Maud Le Génédal)  qui se la joue 100% années 60. Va-t-elle se décoincer ce soir pour son anniversaire ? Anne-Sophie Germanaz interprète l’ex Christelle qui saute sur tout ce qui bouge et joue les indécollables. Astrid Roos incarne cette Julie  qui se veut femme fatale et  a  horreur de qui  lui résiste. Alexandre Jérôme joue alors  un pachyderme colérique et jaloux qui  fait soudain irruption dans un magasin de porcelaine. Les mots lui manquent, il est  incapable de finir ses phrases, la risée de tous.    Probablement aussi sans avenir, il  sera  le futur ex de l’ex de Guillaume. Vous suivez toujours ?  C’est lui qui  illustre  le mieux le comique de situation du vaudeville classique. Du théâtre d’agrément, à la louche certes, mais franchement irrésistible. La mise en scène au cordeau est signée José Paul, nommé huit fois aux Molières, soit comme metteur en scène, soit comme comédien.  Elle est servie par six fougueux comédiens.

Spectacle dans le cadre de la série Paris-Théâtre*, une production du Centre culturel d’Auderghem.

Voir toute la saison : https://www.ccauderghem.be/la-saison/

De Sébastien Castro
Mise en scène : José Paul
Avec Sébastien Castro, Maud Le Guénédal, Guillaume Clérice, Anne-Sophie Germanaz, Astrid Roos, Alexandre Jérôme
Décors : Jean-Michel Adam
Costumes : Juliette Chanaud
Lumières : Laurent Béal
Musiques : Virgile Filaire

*Paris-Théâtre est une formule d’abonnement au théâtre français.
6 représentations, du mardi au samedi à 20h30 et le dimanche à 15h, 7 rendez-vous mensuels fixés pour une saison, d’octobre à avril !

Dominique-Hélène Lemaire, pour Arts et Lettres

Et si vous l’avez raté, rendez-vous à Huy! Le 09 novembre 20h30

Bientôt au Centre culturel de Huy : https://centrecultureldehuy.be/agenda/jai-envie-de-toi-sebastien-castro/ 

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SPECTACLES

Un bug dans la barbe de Saint Nicolas

au théâtre des Galeries

Absurdisthan, troisième vendredi, veille de Saint Nicolas. Hier, après les décisions catastrophiques prises par le Codeco en ce qui concerne notamment le monde de la Culture, le comédien Pierre Pigeolet s’insurgeait contre le chaos organisé. « Malgré les contraintes, je salue la décision du Théâtre Royal des Galeries (900 places) de maintenir toutes les représentations de la Revue avec 200 spectateurs… J'appelle cela du respect tant pour notre profession que pour les spectateurs… » Nous l’applaudissons. Comme on applaudit les gens qui veillent jour et nuit sur notre santé.

Foule sentimentale, soif d’idéal ? Cette Revue 2022 est glorieuse, lisse, belle, montée comme une crème Chantilly alors que la disette de joie et de bonne humeur sévit gravement partout autour de nous. Autant dans les cœurs meurtris de nos artistes, que dans celui du public persécuté par les mesures sanitaires contradictoires. « La Revue », le must royal bruxellois s’est toujours voulu moqueur, parodique, léger, rythmé, endiablé, pétillant de traits d’esprit et de gaité communicative. C’est un art de vivre ne lésinant pas sur la zwanze. Bouillant de parodie, de facéties, de jeux de mots et calembours. Scintillant de lumières, de costumes et d’effets grandioses. On y allait comme en pèlerinage de rire, pour se saouler de verbe, d’autodérision et de présence scénique. Pour attendre l’esprit en fête, la mise au placard de l’année en cours.

Mais comment célébrer dignement une année 2021 si peu fastueuse ? Et le mot est faible. Les artistes y ont mis leur cœur, tous lestés d’amour, d’espoir, de joie et de paix. Ils y ont mis la tendresse humaine et une humilité peu commune. Cette fois, la Revue est entrée en résistance, elle a mis la pédale douce. Moins de bling-bling, moins d’artistes en scène, moins d’exagérations… Tout en réveillant à bout de bras et de jeu scénique nos consciences endormies. Le menu n’a rien de blasphématoire, d’iconoclaste, d’offensif, rien de déplacé ni d’outrecuidant, le ton est juste et mesuré. Et il plaît. Des demi-teintes automnales dans un vent d'empathie, comme si la nostalgie de nos jeunes années - artistes et public - tenaillait les spectateurs riant sous masque. Personne ne s’est saoulé de rire, mais tout le monde est ressortit le sourire aux lèvres. Un pied de nez gracieux aux systèmes qui nous embrouillent et nous entortillent.

codeco-revue-2022.jpg?w=1024&profile=RESIZE_710xCrédits photos : Isabelle De Beir et Kim  Leleux

Prenez allègrement vos billets : c’est le meilleur moyen de contrer la sinistre transformation de notre société. Refuser notre pernicieux isolement. Retrouver rimes et raison. C’est retrouver le vif plaisir de franchir les portes de verre, tendre son billet, accéder à la salle mythique, se carrer dans le velours oublié du fauteuil, attendre que les lumières s’éteignent, et revivre le rêve et le charme de la découverte théâtrale. Un joyeux chemin vers l’autre. On y glousse, on y gronde, on échappe à l’étau de la pandémie. La salle vibre autour de soi, la ruche héroïque revit, le miel de l’humour coule à flots sur le plateau.

Chapeau les artistes ! Ils ont répété, travaillé, inventé, affiné, sauvé le meilleur pour l’extraordinaire plaisir d’offrir.

Dominique-Hélène Lemaire

Galerie des Princes 6, 1000 Bruxelles Jusqu'au 23 janvier 2022

L'affiche :
Réalisation musicale : Bernard Wrincq
Avec :  Bernard Lefrancq, Angélique Leleux, Pierre Pigeolet, Marie-Sylvie Hubot, Gauthier Bourgois, Arnaud Van Parys, Natasha Henry, Frédéric Celini, Enora Oplinus, Jérôme Louis et Bénédicte Philippon. Décor :   Décor : Francesco Deleo Costumes : Fabienne Miessen et Maria Spada
Mise en scène : Alexis Goslain, assistante: Catherine Laury Lumières : Laurent Comiant
Chorégraphies : Kylian Campbell

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administrateur théâtres

SPECTACLES

Sortez, sortez, il en restera toujours quelque chose!

Le tour du monde en 80 éclats de rire … au Fou Rire

Ambiance feutrée, accueil chal… heureux. Ce  Giggle théâtre, le Fou Rire… à Ixelles,  est un sacré projet ! Quelle découverte, ce petit lieu qui n’en n’est pas un. Car  il est finalement très spacieux et jouit d’une très bonne acoustique, ce qui ne gâte  rien. Il est doté d’une belle scène avec son grand rideau rouge, mais sans les trois coups  de début de spectacle.  Il faut dire qu’il y a longtemps que cet usage s’est perdu ! Le public se trouve dans une salle en contrebas où sont disposés d’agréables fauteuils cramoisis – aux excellent dossiers.   Ils sont sertis, par groupes de deux ou trois, entre des petites tables basses portant la magie des bougies. Visiblement une manière à la page de respecter  le protocole de distanciation.  Libre à vous d’y déposer une boisson, évitez tout de même le bruit du paquet de chips ! Et puis, presqu’en balcon, il y a face à la scène,  un autre morceau de salle – celle par où on arrive, avec le bar et où dialoguent d’heureux spectateurs autour de tables familiales. On y a même vu une poussette avec un gamin endormi ! Et ce soir-là, comble de plaisir, on entendait un prélude musical sous forme de Beatles pour commencer le voyage à Londres. A Magic Tour! La mise en scène de l’adaptation du « Tour du monde en 80 jours » est signée Janick Daniels. Presque un nom de whisky. (Pardon, je sors!)

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Un grand classique de Jules Vernes. Il est retravaillé à la sauce parodique  bien épicée et intelligente, gouailleuse sur  l’envers du décor. Et qu’est-ce qu’on s’amuse ! Comme aux chansonniers…  Ah ! les plaisirs oubliés du rire ensemble, des éclats de réparties spirituelles. Un vrai théâtre de Guignol trône devant le rideau principal… Une mise en abime, dit-on pour faire savant ! Et 35 personnages défilent et piquent notre curiosité. « Restons curieux », cette pub radiophonique de la RTBF mise aux oubliettes depuis des lustres, n’est-elle pas pleine de sagesse ?  

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Ce tour du monde en 80 éclats de rire a en définitive  tout  pour plaire :  cinq comédiens talentueux, ardents, aux voix bien posées, au jeu sûr, sans surcharge, et à la diction agréable et qui croient en leur métier, malgré la sinistrose ambiante. Car tout se joue dans la voix, et le corps. Sans masque. Grand Guignol oblige : pas la moindre tasse de thé , horloge, ou derby à l’horizon. Pas la moindre meuble pour figurer l’époque… Juste les talents d’artiste. Et le mouvement :  à pied, à cheval, en voiture, en paquebot, en train…  L’imagination n’a aucune peine à voyager. Elle se gorge d’anachronismes délirants, de chapelets de bons mots et de calembours savoureux. Les costumes ? Elaborés dans la même veine humoristique. L les tableaux se succèdent à un rythme vertigineux, c’est que l’essence du spectacle est une course contre la montre ! Mais plus que le défi du pari insensé en 1852, ce sont les personnages qui passionnent: ils déroulent leur rôle comme une nouvelle Commedia dell’arte, version belge. La palme revient  d’ailleurs à la jeune et délicieuse comédienne belge qui interprète le  rôle volatile de Passepartout, quelques soient ses mille et un surnoms. Elle porte en elle  la malice d’un feu follet, le sourire charmant et les yeux brillants de la liberté. Il faut le faire, pour  un simple domestique non ? Celui de l’auguste  Monsieur Phileas Fog. Les temps changent… que voulez-vous!

Dominique-Hélène Lemaire pour le Réseau Arts et Lettres 

Une pièce de : Sébastien Azzopardi et Sacha Danino Mise en scène :Janick Daniels, Costumes: Mathieu Pinte Production Niveau 5 asbl Avec: Elsa Erroyaux, Stéphanie Coerten, Joël Riguelle, Philippe Peters et Florent Minotti

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 Le Fou Rire, théâtre de proximité

Adresse : Av. des Grenadiers 48, 1050 Ixelles Téléphone : 0483 59 92 29


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SPECTACLES

Le pouvoir de dire Non, La " Cerise sur le ghetto" par Sam Touzani

LE POUVOIR DE DIRE NON

 «Cerise sur le ghetto » est un spectacle magnifiquement engagé et passionnant, mais surtout qui vous émouvra aux larmes. Bourré d’humour berbère,  islandais,  ashkénaze,  arabe, sicilien, turc, grec, français, italien, espagnol, belge,  – c’est vous qui choisissez –  il  forme un bouquet d’humanité et invite à une réflexion généreuse et bienveillante sur nos relations avec les autres!  

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Sam Touzani, à la fois auteur et  joueur… et prophète d’humanité,  libère la parole et  se raconte pour survivre à l’innommable.  Dans un spectacle de feu, il propose une série de flashbacks pittoresques et émouvants sur  son histoire  familiale, tour à tour  faite du  sel des larmes et des épices du cœur. Il parcourt  passionnément   trois générations emblématiques qui bordent la Grande Histoire avec les accents poignants du réel.

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 « 1943-1945 Les maigres pâturages ont depuis longtemps disparu, et les Nomades ont reflué vers les oasis. Mais les cultivateurs des ksour n’ont pas eu de récolte/ … /. La recherche de l’eau et de « quelque chose à manger » a entraîné vers le Nord un vaste exode de bêtes et de gens, d’abord lent et sporadique, puis massif comme une avalanche. Des scènes navrantes surexcitent la sensibilité des Européens, témoins impuissants ; des êtres humains décharnés, au dernier degré de la misère physiologique, recourent, pour tromper la faim, à toutes les pratiques qu’on lit dans les descriptions anciennes. »

  Tout débute donc dans les  montagnes du Rif marocain, où la famine et la  misère  sont  si écrasantes que même des enfants prennent, même seuls, le chemin de l’exode. C’est le cas du grand-père de Sam, qui a douze ans.    Sam, le petit fils,  verra le jour dans un deux-pièces chauffé au charbon à Molenbeek en 1968. Ado en 1989, il mangera un jour innocemment  des cerises en plein Ramadan. Opprobre général.  Il reçoit en plein visage alors la haine de sa communauté contre l’Occident,  son inconcevable obsession de sacralisation de la pureté… le mépris des femmes,  et de tout ce qui n’est pas musulman. La mosquée veut lui imposer le rêve toxique d’un djihad mal compris. Heureusement la Belgique veille.

 Dès lors, riche d’expériences cinglantes, Sam, le fils d’immigrés, l’artiste, le comédien plein de verve, le danseur souple, rassemble ses forces pour combattre le communautarisme dans un questionnement sincère, entre la culture d’origine  de sa famille héroïque et celle du pays qui l’a adopté. Il refuse le marquage identitaire.  Il va réussir à   relier les rives souterraines de ses multiples identités sans les réduire à une seule… Et cela jette des larmes de bonheur dans un public conquis.


Irrévérencieux, habile, convainquant,  il débusque dans une langue savoureuse,  le  cercle infernal de la culpabilité  qui ronge tous ceux qui quittent leurs terres, leurs parents, leur langue pour partir loin, très loin, là où poindra l’aurore de l’espoir, la lumière de jours nouveaux… Il réhabilite la femme, l’épouse, la mère, qui on retrouvé la grâce et la dignité de dire NON !

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Merci à lui et son comparse, le musicien génial, Mathieu Gabriel, qui de son corps et de sa bouche convoque mille et une atmosphères de légende humaine.

Dominique-Hélène Lemaire, pour Arts et Lettres


Texte : Sam Touzani | Jeu : Sam Touzani | Musicien : Mathieu Gabriel | Dramaturgie & Mise en scène : Gennaro Pitisci assisté de Maïté Renson| Régie : Josse Derbaix, David Vernaillen & Simon Benita | Vidéos : Guillaume Nolevaux.

Coproduction : Brocoli Théâtre, Les Temps d’Art, Espace Magh, Central et Atelier Théâtre Jean Vilar.
Le Brocoli théâtre bénéficie de l’aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Administration générale de la Culture, Service du Théâtre et est soutenu par la COCOF.



REPRÉSENTATIONS POUR LES ÉCOLES & ASSOCIATIONS : MA 3/3, JE 5/3 VE 6/3 | 13H30 | GRATUIT
Infos et réservations pour ces représentations destinées aux écoles & associations : Brocoli Théâtre 0496 50 43 27 brocoli@skynet.be

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administrateur théâtres

Les mystères de la diplomatie

LE CHEVALIER D’ÉON

Du jeudi 25 avril 2019 au samedi 25 mai 2019 au théâtre du Parc à Bruxelles

Il ou elle ? Avec «  Le Chevalier d’Eon » Thierry Debroux revisite l’une des énigmes les plus bizarres et les plus controversées du XVIIIème siècle. Charles-Geneviève-Louis-Auguste-André-Thimothée d’Éon de Beaumont, dit le Chevalier d’Éon fut successivement docteur en droit, avocat au Parlement de Paris, secrétaire de l’ambassade de France à Saint-Pétersbourg, capitaine des Dragons, agent secret, chevalier de Saint Louis et ministre plénipotentiaire à Londres. En même temps, il fut considéré comme l’une des plus belles femmes du XVIIIème siècle… Homme ou femme, celui qui fut l’une des plus fines lames de son temps a préservé l’ambiguïté jusqu’à son dernier souffle. Revisitant avec jubilation la comédie de cape et d’épée, Thierry Debroux nous entraîne dans la France et la Russie du XVIIIème siècle ». Saison 2005-2006 au théâtre le Méridien, théâtre d’émotions, hélas disparu depuis 2012.

Revoici  notre chevalier, au Parc, en James Bond dégenré,  affublé de jupons lors de ses missions d’espionnage, sous le nom de Lia de Beaumont. A la manière d’un phénix et dirigé avec virtuosité, par Daphné D’heur il reprend du métier, et quel métier! Celui de nous ravir et de nous promener à travers l’Europe du XVIIIe, Anne Guilleray, préposée à la création des costumes, faisant  merveille. Les hauts maquillages sont signés Urteza Da Fonseca. Et le chevalier ? Quel est son vrai nom à la ville? Julien Besure. Tout juste trente ans et l’an dernier, Octave dans les fourberies de Scapin, sur les mêmes planches. Jim Hamwkins dans l’Île au trésor, en 2016. A part le surf, le ski et le snowboard, il est passé maître en escrime, sous la conduite de son  fracassant maître d’armes…Jacques Capelle.  Mais aussi bretteur vocal sidérant et attrape-coeurs  aussi volatile qu’Arsène Lupin. 

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Son histoire  campe une période de guerre mondiale très noire,  pudiquement dénommée de guerre de sept ans (1756-1763) se déroulant simultanément sur plusieurs continents.  Elle opposait deux blocs franchement ennemis, tous deux  en route pour la conquête du monde : l’Angleterre et son empire colonial alliée à  Frédéric II de  Prusse contre la France et l’Autriche, leurs alliés et empires coloniaux.  A qui la Russie tendrait-elle la main? L’empire britannique sort vainqueur, régnant sur toutes les mers du monde,  la Prusse s’affirme au sein de l’espace germanique. La France perd définitivement la bataille de la culture française, versus la culture anglo-saxonne.  Le texte met en relief les machinations politiques, les questions d’intérêt, la place congrue du cœur dans la sphère politique.

– La légende raconte que, déguisé en femme lors d’un bal, Le chevalier d’Eon  aurait subjugué Louis XV. Recruté dans les services secrets du roi, il est envoyé comme espion à la cour de Russie. La mission qui lui est confiée est délicate puisqu’il il doit gagner la confiance de la tsarine Elisabeth afin de conclure un traité d’alliance pour rétablir les relations diplomatiques entre la France et la Russie, ce qu’il réussit avec brio sous les traits de Lia de Beaumont. 


Côté hommes,  Daphné D’Heur ne manque pas de comédiens d’excellence. Les voilà tous rassemblés. avec un Maroine Amini superlatif dans le rôle de Lubin, le fidèle valet vif argent du chevalier qui mêne grand train, une histoire d’amour ancillaire avec sa Nanette (Laurie Degand) , époustouflante de vivacité et de répartie tant vocale que physique. Sir Douglass, en tenue écossaise,  qui représente la perfide Albion, cache admirablement son jeu … ou pas, C’est Anthony Molina-Diaz, une autre grande pointure des planches du Parc.  Didier Colfs se partage avec autant de bonheur entre le très envieux Duc de Nivernais et Le Prince russe Narychkine. L’autre vilain, c’est le Chancelier Bestouchev (Nicolas Janssens), un concentré d’arrivisme et de manipulation, flanqué de notre Fabian Finkels, campant des vice-chancelier Voronstov et Ministre Lebel presque Felliniens. Habiles jeux de masques et d’éventails meurtriers, les chassés-croisés se succèdent dans un rythme échevelé, à la manière du vaudeville haut de gamme, Georges Lini es-tu là ? Les scènes comiques et jubilatoires sont au rendez-vous.  Le plateau tournant  trilobé explose les  portes qui claquent, et le décor très frugal se  contente d’à peine quelques médaillons évocateurs. Tout est dans l’énergie bondissante des  acrobaties amoureuses et politiques.


Côté femmes, des perles rares. Une comtesse de Rochefort exquise, une grande dame, intelligente de cœur et d’esprit, notre préférée? Elle incarne à la fois le badinage de Marivaux et la sagesse de la vie qui sait savoure ce qui lui est donné, et rit de bon cœur du reste, tout en délicatesse. « C’est le genre de femme qui ne passe pas inaperçue en public. Longiligne, port altier, chevelure noir jais encadrant un visage au teint d’albâtre, aux traits fins et réguliers, d’où se détachent deux immenses yeux incandescents. » écrivait à son propos Philip Tirard, en 2005.  Ajoutons, des pommettes fabuleuses à faire craquer les amants… Toute jeune, elle a parcouru la planète avec des parents d’origine italienne, les Abruzzes.  Remarquée par sa prof de français à Hong Kong,  elle s’inscrit  par amour du théâtre au Conservatoire de Mons au retour en Europe. Toujours pas trouvé ? Il s’agit de Laurence d’Amélio, autant jeune première que tragédienne.


Petra Urbanyi, princesse hongroise de caractère ? Oui pour le caractère, non pour la Hongrie.  Elle joue Sophie-Charlotte de Mecklembourg, princesse de Saxe qui piétine de rage, féministe jusqu’au bout des cheveux, refuse qu’on la marie avec Georges III le roi d’Angleterre surnommé le roi fou, mais deviendra tout de même la grand-mère de la reine Victoria ! Un jeu surexcité d’ado rebelle et de jeune femme rêvant d’amour véritable, très marrie d’être convoitée plus comme objet politique que comme roseau pensant.L’image contient peut-être : 2 personnes, personnes debout


Et la palme, si palme il y a, revient à la tsarine Elisabeth Petrovna, admirablement présente et déclinée par Perrine Delers, un monument théâtral, une prestance éclatante, une allure incomparable. Elle a tout : la voix, les humeurs, le maintien, la noblesse,  le prestige, l’autorité. On se souvient de son rôle de voisine écrasante dans le 1984 d’Orwell, la métamorphose en tsarine ne fait qu’amplifier  son  port royal et  son ascendant dévorant.

L’image contient peut-être : 4 personnes, personnes souriantes, personnes debout et intérieur


Rien que des éloges donc,  pour cette pièce où le rire est roi et le plaisir souverain, où roulent les tribulations, les ballets XVIIIe, les noms prestigieux,  les supercheries politiques et les jeux du pouvoir intenses pendant que le monde entier se trouve  rassasié de guerres incendiaires et dévastatrices. Sept jours, sept ans, le chiffre biblique de l’éternité jeté en pâture à la violence humaine.

Dominique-Hélène Lemaire    Pour Arts et Lettres

Crédit photos : ZVONOCK

Réservations: 
via le site ou par téléphone au 02 505 30 30 – du mardi au vendredi  – ouvert de 12h à 19h.

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9/11 janvier 2019 Wolubilis invite Sois Belge et tais-toi 2.1

Le 21ème épisode de Sois Belge et Tais-Toi est une version 2.1 Dites : deux point un, un point de vue qui se situe entre génération Y et génération Z. Zappeurs trop connectés, grandes gueules, impulsifs et égoïstes amateurs de selfies mais aussi audacieux, ouverts sur le monde et protecteurs solidaires du climat. Changement de décor et de style, « Sois Belge et tais-toi 2.1 » change de look. Ils sont 7, deux femmes contre cinq hommes. Toujours pas de parité… Pas grave, on s’amuse autant qu’eux, et cela se gagne ! Sois Belge et t’es toi, avec des décors nouvelles technologies, même si cela fait un peu froid et nu !

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Ainsi font, font, font..! C’est simple et basique. Faut applaudir pour chauffer la salle ! Et les gens le font, même s’ils n’ont même pas encore commencé leur « n’importe quoi » ! En blouson et bonnet ou tirés à quatre épingles ou lestés de caricatures burlesques, leur énergie est irrésistible. Leur talent est à la clé. La clé du rire, depuis ceux qui sourient jusqu’ au rire inextinguible d’une tordue allumée qui se tord de rire en haut de la salle, pire qu’un pivert. Elle se reconnaîtra si elle lit ce billet ! Le spectacle au Wolubilis est sold out. mais la tournée est longue… Chère Madame, retrouvez-les à Uccle le 15 janvier ou plus tard à Aula Magna !

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Avec : André Remy (auteur), Baudouin Remy (auteur et comédien), Sandra Raco, Manon Hanseeuw, Benoit Charpentier, Maxime Thierry, Stéphane Pirard, brillante distribution

L’équipe est joyeusement belge – ave’ l’asseng’ – mais ne se cantonne pas aux histoires politiques belgo-belges, pour peu qu’elles le soient encore. Ils pratiquent la dérision, sport national, enfilant des perles : un leçon exemplaire de flamand mémorable sur l’usage de l’adjectif possessif, une séance de contrôle du chômage, truffée de cohabitation illégale et de crime solidaire, ceci n’est pas un sketch. Une séance marché de l’emploi, Kafka au téléphone, si vous voulez … tapez,1 et ainsi de suite ! … Une Maggie Deblock plus vraie que nature, qui rend « malade ! ». Et, parcourant l’ouvrage, observez le fil rouge du déni de sale gueule, « Qu’est-ce qu’elle a ma gueule » ? Bacs de bière et PTB, Bonjour Elio, Laurette et Joëlle, schild en vriend, droit du sol, on avale tout en vrac, plus besoin de Prozac. Et le morceau le plus profondément empoisonné et pathétique c’est la joute Michel-Théo Franken, plus glaçant.e que Putin ! Les jeunes badernes sont encore pires que les anciennes. Copié-collé sur la vraie Revue, ils ont aussi ressorti les mimiques et vitupérations savoureuses d’un admirable de Funès, un cadeau pour la génération papyboom. Il est aux prises avec le placide ami Bourvil sur l’identité de genre. Un délice ! Un pont d’or entre le charme discret des années 70 et 2.1.

De même, les intermèdes musicaux sont de la plus savoureuse facture. « Belge » sur l’air de Notre-Dame de Paris, et les autres… Aznavour, Brassens, Cabrel, JJ Goldman, Johnny, que je l’aime.. Brel ! Parfaits, pour la génération X.

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Les comédien.ne.s, artistes, chanteu.r.se.s dansant gaiement sous la baguette théâtrale de Thibaut Nève exportent bien sûr leurs sarcasmes sur les grands de ce monde macro-économique et micro-humaniste. En costumes et maquillages ingénieux, ils ne ratent pas Donald Trump, Putin, Kim yong un (et Macron par la même occase). Pas un mot sur Brexit. On regrette. God save the Queen ! Les grands en prennent pour leur grade, et ce sont finalement les meilleurs sketches car l’accent belge fatigue quand-même à la longue. Là, il nous lâche forcément un peu, c’est comme dans les chansons qu’on adore. La dimension planétaire plaira certainement aux …Z.

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administrateur théâtres

La Revue… revue, et corrigée?

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Retour du  Music-Hall  et du cabaret artistique. Sous la baguette magique d’Alexis Goslain qui vient de reprendre les rênes « du » spectacle de fin d’année mythique bruxellois, la recette traditionnelle de la  Revue du théâtre des Galeries est  …revue à la hausse, côté poétique, musical et chorégraphique, à la baisse, côté agressif, revanchard et sarcastique. Divertissant mais peu impertinent.  On avouera qu’on  n’en attendait pas moins devant une actualité  2018 tellement  trouée de  souffrances humaines et de violences environnementales. Qui s’en plaindrait ? Revue et corrigée, moins baroque, plus tendue, fluide et artistique. Elle souhaite  recoudre  les blessures, plutôt qu’en découdre. Elle apporte un fin dessert à nos papilles arrachées par la virulence des événements, à nos yeux gavés d’images télévisuelles insupportables, à nos oreilles saturées des bruits chaotiques du monde.   

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 Cette nouvelle cuvée ne rate pas son lever de rideau, célébrant les vertus magiques des planches et des mots et la force de la dérision. Le plateau s’habille des  drapés cramoisis du théâtre lui-même, reproduisant à l’identique les deux portes battantes de l’allée centrale et ses deux hublots de croisière. Surprise, Hibernatus – 50 ans déjà – devient le fil rouge de la mise en scène, comme si des souvenirs joyeux des trois glorieuses, ressortaient subitement, venaient rafraîchir nos mémoires, secouer les  âpres poussières du nouveau siècle et retrouver l’or du rire.

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Presqu’un bain de jouvence,  les mimiques impayables de Louis de Funès entouré de ses comparses par le maître d’œuvres : Bernard Lefrancq, absolument magistral. Si l’héritage de Johnny est un peu moins réussi, ou  si la séquence des Diables rouges, cultes ou incultes monstrueux, c’est comme on le sent,  reçus en grande pompe à l’hôtel de ville, fait moins rire pour son humour franchement bas de gamme, le  vaste tableau qui met en scène France Gall (Angélique Leleux, qui met les larmes aux yeux), Serge Gainsbourg (Denis Carpentier), Elton John (Philippe Peter) et Michel Berger (Gauthier Bourgeois) est un festin de bonheur.

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Après les Belgitudes obligées, moins royales que d’habitude, l’incontournable séquence réchauffement climatique, extraite de la même époque «Let the Sunshine in»,  est tout aussi étourdissante de joie et de brillance. Les mêmes, avec Perrine Delers, Marie-Sylvie Hubot, Anne Chantraine, Natacha Henry, Frédéric Celini et Kris Castelijns. That’s all folks. Une équipe resserrée qui prône le juste milieu. Bref, In fine, Nonobstant, etc… du ramassé-condensé, plus roseau pensant que chêne déchaîné, du subtil, de belles souplesses de style et de danses et claquettes, de beaux costumes, du rythme, des paillettes dans les yeux des spectateurs ravis par l’éphémère cocktail d’hommes et de femmes assoiffés de bonne volonté : Amour, Paix et Tolérance, tous unis contre les guerres fratricides et la misère. Un patch de bonheur.

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Distribution
Bernard Lefrancq, Angélique Leleux, Denis Carpentier, Perrine Delers, Anne Chantraine, Marie-Sylvie Hubot, Gauthier Bourgois, Frédéric Celini, Natasha Henry, Kris Castelijns et Philippe Peters.


Dominique-Hélène Lemaire


Du 5 décembre 2018 au 27 janvier 2019

Théâtre Royal des Galeries
Galerie du Roi, 32 1000 Bruxelles
http://www.trg.be 
infos@trg.be 
02-512.04.07

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12273277496?profile=originalMangeurs de ricotta (détail)
Vincenzo Campi
Musée des Beaux-Arts, Lyon
Quand la canaille fait ripaille.
« Un repas est insipide s’il n’est assaisonné d’un brin de folie. »,

                                                                                              Erasme (1466/67-1536)

      « Le rire est satanique, il est donc profondément humain. », note Charles Baudelaire. Gare ! « Le Sage ne rit qu’en tremblant. »

12273277871?profile=originalLe bouffon Gonella
Attr. à Jean Fouquet (ca 1420-1480)
(les noms de Jan van Eyck, Giovanni Bellini, Breughel l’Ancien ont tour à tour été évoqués…)
Pietro Gonella était bouffon à la cour de Niccolò III d’Este à Ferrare.
Portrait sensible de celui qui, pauvre fou, voulut distraire, voire guérir, son maître, atteint de fièvre quarte (hyperthermie), en le poussant dans le Pô. Mal lui en prit, le condottiere la jugea saumâtre. Afin de lui rafraîchir les idées, il fut jugé. Notre blagueur mourut de peur lors du simulacre de son exécution, un bien mauvais tour pendable.

Aussi, « Je t’offre cette Fantaisie
Où j’ai savouré sans terreur
L’abominable poésie
De ta prodigieuse horreur. »
                                                                                            Maurice Rollinat (1846-1903), Le rire.
(Kunsthistorisches Museum, Vienne ; photo captée sur le Net)

« Mieux vaut un fol plein d’esprit qu’un bel esprit plein de folie. »,
                                                                            William Shakespeare (1564-1616)

      Chantres du bon goût, les beaux esprits, les érudits, souvent, font la fine bouche devant ces scènes d’un mauvais genre, commisération aux commissures. Peinture ridicule ! Bouffonneries ! Gueuseries ! Bamboches ! C’est ainsi que La Tour resta dans sa nuit ou que les frères Le Nain, avec leurs représentations paysannes, furent escamotés pendant deux siècles. La peinture d’Histoire, les scènes mythologiques ou religieuses constituant la fine fleur de l’art, comme les portraits des grands de ce monde destinés à épater la galerie. Pas ces trognes de personnages, peut-être truculents, mais surtout oh combien répugnants ! Des gueux, des vilains, des sans-dents (descendants contemporains, croqués ici avec malice par Charles De Wit) qui nous en apprennent pourtant plus sur la vie et les mœurs de l’époque que n’importe quelle toile à leurs yeux admirable. Et puis c’est beaucoup plus troublant qu’un carré blanc sur fond blanc qui, moi, me laisse coi. C’est pourquoi j’ai voulu mettre en perspective ces pièces oubliées de l’histoire de l’art avec des morceaux choisis de la littérature de l’époque. Un voyage en Italie différent auquel je vous convie, avec des peintres, Vincenzo Campi au premier chef, loin d’être mineurs, qui nous montrent une autre Renaissance, certes moins idéale.
Pourtant, si « le comique est, du point de vue artistique, une imitation ; le grotesque, est une création. », Baudelaire.

12273278855?profile=originalLe joueur de vielle
Georges de La Tour (1593-1652)
Un ancien conservateur du musée des Beaux-Arts de Nantes y a ’lu’ la signature de Juan Rizi (ou Ricci). D’autres experts ont vu l’ombre de Ribera, Murillo, Zurbarán… L’Italien Bernardo Strozzi a aussi été reconnu. Alors…

      Dernière représentation donc de mon petit theatrum pictorium*1 des refusés, ses peintres des émotions, du rire en particulier. Et puis, vulgaire (i.e. populaire), libérateur, le rire conjure des peurs. Qui rit en mars, malgré les averses, prépare le printemps.
Car on a beau dire, s’ébaudir dès Pâques fleuries (Rameaux) à la Pâque des roses (Pentecôte), sans attendre la Trinité, réjouit son goliard. D’ailleurs « Je sais qu’il vous faut en ce jour ]de Pâques[ sermon court et table longue. » déclarait déjà fort bonnement Robert de Sorbon (1201-1274). Charivari s’en suit.
       Ainsi échauffés, laissons fuser une dernière salve de pointes bien affutées par nos invités.


« Francs buveurs que Bacchus attire
Dans ces retraites qu’il chérit,
Avec nous venez boire et rire,
Plus on est de fous, plus on rit.*2 »
                                                                                      Armand Gouffé (1775-1845)

 12273278893?profile=originalLes jouisseurs
Charles De Wit
« Vous dînez aujourd’hui ; mais est-il bien certain
Que la fortune encor vous sourira demain ?
On le ne voit que trop, la déesse est volage :
Mangez donc pour deux jours, c’est un parti fort sage. »
                                                                                               Grimod de la Reynière

Utile précaution, car il faut bien admettre avec Alexandre Balthazar Laurent Grimod de la Reynière (1758-1837), que j’ai plaisir à citer, tant, rien qu’à son nom prononcer, on en a plein la bouche, qu’


« Il y a trop de vin sur la terre pour dire la messe ;
il n’y en a pas assez pour faire tourner les moulins ;
donc il faut le boire. »

Oyez, oyez, mes larrons, le bien nommé André de la Vigne (ca 1470-1526), Roy de la Bazoche, extraire…


« De mes raisins le maculé verjus,
Cy j’estrandré de la vigne un vert jus. »


et ne vous offusquez pas, mes drôles, si…


« Perverse, adverse, qui trop diverse, verse
Liesse et ce que tu renverses vexe. »

« Le front triste ici trouvera de quoi dérider sa sévérité et rire une bonne fois », lit-on dans l’avertissement au lecteur des Nouvelles Récréations et Joyeux Devis (1558) de Bonaventure Des Périers, un disciple de l’Arétin, qui faisait sienne cette devise :


« Donnons, donnons quelque lieu à la folie. »


Car, comme le souligne le satiriste Jacques Du Lorens (1580-1655) :


« Le monde, à dire vray, n’est qu’une momerie. »

      Un autre Aretino (natif d’Arezzo), plus mémorable et admirable encore, Francesco Redi*3, se passionna pour les vers, il laissa notamment un Bacco in Toscana, long poème dithyrambique sur les plaisirs bachiques.

12273279859?profile=originalMangeurs de ricotta
Vincenzo Campi
Musée des Beaux-Arts, Lyon
« S’assoit à table, et, par ce qu’il était naturellement flegmatique, commençait son repas par quelques douzaines de jambons, de langues de bœuf fumées, de boutargues, d’andouilles, et tels autres en guise d’amuse-gueules.
Puis buvait un horrifique trait de vin blanc. »
                                                                              François Rabelais (1494 ?-1553)
En fait cette Buffonaria, cette pantalonnade, serait une satire de la lubricité et des excès de chère, à la manière des vanités, memento mori. En témoignerait la mouche folâtrant et corrompant le fromage (au reste les entames forment un masque mortuaire, un ancêtre du Cri ou de Scream). Mais le peintre pouvait-il anticiper les travaux de Redi*3 ?! Il a cependant pu vouloir indiquer que le temps, comme la mouche, est fugace.
Passe, passe le temps, il n’y en a plus pour très longtemps…
Encore, ici chez Campi, comme pour Passerotti, une lecture possible. Un sens caché qui donne sa profondeur au tableau, pour peu qu’on soit sensible au second degré.
N’oublions pas non plus qu’en période de carnaval*4 on enlève la viande (carnelevare)
au profit du fromage, des fèves, du poisson… qui n’ôtent en rien le désir charnel.
Et ce n’est pas pécher, il faut bien rêver, carême-prenant, croître et multiplier les pains.
 12273280475?profile=originalArt populaire : crèche napolitaine (XVIIIe s., détail)

Pour plus de précisions voir les notes *3 (avec La douzième nuit de Jan Steen) et *4.


Certains se demanderont ce qu’une crèche, même napolitaine, peut bien faire là, sauf à mélanger Noël et Carnaval… C’est qu’un personnage tel que Pedrolino, farceur autant que bâfreur, pouvait bien sournoisement s’immiscer dans le carré réservé aux rois mages de la Nativité…
12273280874?profile=originalUne autre crèche napolitaine du XVIIIe (Palazzo Parisio, Naxxar, Malte).

 12273281270?profile=originalLes percepteurs d’impôts (détail)
Marinus van Reymerswaele (ca 1490-1546)
(National Galery, Londres)
Personnages grotesques, dans un genre proche de celui de Quentin Metsys.
Chez ces gens-là, on ne rit pas, on picore et on plume.
Par contre on peut rire jaune d’un fesse-mathieu, de
« Son teint jaune, enfumé, de couleur malade
Ferait donner au diable et céruse et pommade. »,
                                                                                          Mathurin Régnier (in le Souper ridicule)

12273281488?profile=original Les gourmandes de la table ronde
Charles De Wit
« La soupe aux choux possède la réputation d’un mets cérébral
favorable à l’élaboration de la pensée.
Elle convient aux rachitiques, aux filles-mères et aux lapins. »,
                                                                                        Joseph Delteil (1894-1978)

12273282098?profile=originalLa femme et le pantin
Angel Zárraga y Argüelles (1886-1946)
(huile sur toile, 1909 ; coll. Andrés Blaisten, Mexico)
« L’art, ennemi de la franchise,
Ne veut point être reconnu ;
Mais l’Amour, qui ne va que nu,
Ne souffre point qu’on se déguise. »
                                                                                 Théophile de Viau (1590-1626)

      Faire bamboche, soit, mais la chair peut être triste, hélas ! Evadons-nous, gagnons l’azur, luttons contre la morosité, et laissons choir ce billet sur une dernière saillie assassine.
Pietro Del Tura, dit l’Arétin (1492-1556), poète toscan ami du Titien, mena une vie de débauche. Toujours crâne, démasquant les faux-semblants, il érigea la provocation en art, le « Fléau des princes » donnant à la pasquinade ses Lettres de noblesse. Drôle d’épistolier que ce « rédempteur de la vertu », tel qu’il se qualifiait. Lors d’une soirée de bombance il mourut de rire, s’étranglant d’une bonne blague, il tomba à la renverse et se fendit le crâne.


Ci-gît l’Arétin, poète toscan,
Qui a dit du mal de tout le monde sauf de Jésus-Christ,
S’excusant en disant : « Je ne le connais pas ! »

Une belle fin, non ?
Je vous laisse donc sur cette chute.



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Michel Lansardière (texte et photos),
avec la connivence de Charles De Wit.


A larron, larron et demi, merci à lui.12273282884?profile=original

*1 Il est curieux de constater que c’est un peintre de genre, David Teniers le jeune (1610-1690), qui contribua à instituer ce distinguo entre les genres picturaux en publiant son Theatrum pictorium en 1660. Il s’agit du premier catalogue d’une collection, celle de l’archiduc Léopold-Guillaume de Habsbourg, où sont particulièrement représentés les grands peintres vénitiens (Titien, Bellini, Giorgione, Tintoret, Véronèse…). A contrario, un autre peintre de genre au réalisme méticuleux, Gerrit Dou (1613-1675), fut le chef de file des peintres fins (fijnschilders) qui firent les grandes heures du Siècle d’or hollandais et que Léopold-Guillaume soutint.
*2 Cette dernière locution étant empruntée à Dancourt (Florent Carton, dit ; 1661-1725), auteur et comédien.
*3 Si Francesco Redi (1626-1697) est l’auteur d’odes et sonnets, ainsi que de ce long poème lyrique en dialecte toscan, ce fut aussi et surtout un immense savant qui battit en brèche la théorie unanimement acceptée de la génération spontanée après avoir observé des mouches sur de la viande. Sans succès, puisqu’il fallut attendre deux siècles et Pasteur pour que ses observations soient reconnues (et encore, qui le connait ?). Il fut aussi le précurseur de la parasitologie, l’étude des vers et autres parasites. Notons enfin que le ver coquin est une chenille (la cochylis), un parasite de la vigne qui était supposé rendre frénétique ! Plût à Bacchus que j’en sois épargné, verre en main, déclamant des vers coquins !


« Moy-mesme en ce discours qui fais le suffisant,
Je me cognoy frappé, sans le pouvoir comprendre,
Et de mon ver-coquin je ne me puis deffendre. »,
                                                                                                         Mathurin Régnier (1573-1613)


« C’est pourquoi je vous conjure tous… de nettoyer la poudre de nos imperfections avec les époussettes de votre humanité, de donner un clystère d’excuses aux intestins de votre mécontentement. », Bruscambille (1575-1634). « Baste ! La comédie est une vie sans soucis et quelquefois sans six sous », id.


12273283078?profile=original La douzième nuit
Jan Steen (1626-1679)
Tous les sens, sens dessus dessous au son du grill(on) du foyer.
Nous sommes donc le 6 janvier, la fête de l’Epiphanie, adoration des Rois mages.
En Hollande protestante on se choisissait un ‘roi’, que l’on célébrait comme il se doit.
Et les convives de s’écrier : « Le roi boit ! »


*4 Le carnaval (entre le 6 janvier et le 9 mars), souvenir des lupercales et autres fêtes dionysiaques, est attesté depuis le Xe siècle, ainsi ceux de Rome (sur le Corso) ou de Venise, où le masque apparait au XIIIe siècle. Carnaval souvent banni en pays protestants, toléré en pays catholiques. Masque réprouvé par l’Eglise, car son port outrage la sainte face de l’Homme créée par Dieu à son image. Du reste, s’« Il faut faire carême-prenant avec sa femme et Pâques avec son curé », dit le proverbe, donneriez-vous votre fille à un carême-prenant ?


12273283852?profile=originalLa forlane
Une danse dans laquelle nous entraînent Pulcinella et ses amis.
Etonnez-vous après cela qu’il y ait polichinelle dans le tiroir !
  Giandominico Tiepolo (1727-1804)

Une dernière anecdote. En France, le carnaval était la seule période où, pour se déguiser, le port du pantalon était autorisé aux femmes. La loi du 26 brumaire an IX (07/11/1800), ou plus exactement cette « ordonnance concernant le travestissement des femmes », certes tombée en désuétude, a été abrogée le… 31 janvier 2013 !


12273283874?profile=original (figurines sculptées par Louis Alfred Habert, 1824-1893)


Une « diablerie », très en vogue au XIXe siècle, mais dont l’origine remonte au Moyen-Âge pour distraire et édifier l’assistance, où Mlle Satan en costume d’homme, champagne à la main et jambe en l’air, prône l’émancipation du vice et la grève des crinolines. Pantalone et ce diable d’Arlequin
(son nom viendrait d’Hellequin, génie malfaisant entraînant sa bande de démons dans un charivari d’enfer) en seraient tout retournés. De là à participer à la prochaine journée de la jupe…


12273284087?profile=originalDans les coulisses (Félicien Rops, 1833-1898)

Campi c’est fini… Les plus insatiables (avec une soixantaine d’illustrations au total) retrouveront ici tous mes articles consacrés au rire dans l’art :
1 : Frangipane et autres menus plaisirs (Niccolò Frangipane) :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/frangipane-et-autres-...

2 : Campi, à l’italienne (Vicenzo Campi, 1ère partie) :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/campi-l-italienne-1-r...

3 : Campi, à l’italienne (Campi, 2e partie) :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/campi-l-italienne-2e-...

4 : Passerotti et autres mets délicats (Bartolomeo Passerotti, 1ère partie) :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/passerotti-et-autres-...

5 : Passerotti et autres mets délicats (Passerotti, 2e partie) :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/passerotti-et-autres-mets-d-licats-croquembouche-2e-partie?xg_source=activity

« Rire est le propre de l’homme »,
Aristote (384-322 av. J.-C., propos que reprit Rabelais)

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12273273256?profile=original Commedia dell’arte
Dans ce théâtre miniature, autour de la table dressée et des victuailles, évoluent les personnages bigarrés de la Commedia dell’arte, Arlequin, Pierrot (Pedrolino), Crispin… Tous en verre filé et émaillé, travaillé à la lampe. Une technique des verriers vénitiens
du XVIe siècle, ici remise au goût du jour par des artisans nivernais
du milieu du XVIIIe siècle.
(atelier du maître émailleur Jacques Raux ? Musée national de la Renaissance, Ecouen)

« Pauvres gens qui n’ont ny pain ny dents
sont bien empeschez de faire crouste. »,
Jean Gracieux, alias Bruscambille, alias Des Lauriers (1575-1634),
comédien de l’Hôtel de Bourgogne.


Attention ! le brigadier va frapper, la pièce va se jouer, ce sera une bringue à tout casser avec Brighella et ses acolytes acoquinés…

Bateleurs et charlatans sur la place Saint-Marc, mime et pantomime,
batellerie et tours de passe-passe.

12273273662?profile=original Giacomo Franco (1550-1620)

Farces et sotties à Paris, momeries à Venise.

Viens voir les comédiens, voir les musiciens, voir les magiciens…
12273274065?profile=originalAvec Maître Mondor et Tabarin (Philippe et Antoine Girard, dits),
pour lesquels les larmes « defchargent grandement le cerveau », acteurs et
marchands d’orviétan pour ceux qui avaient mauvaise mine place Dauphine (1622).

Accueillons le sieur Cabotin, saltimbanque et bonimenteur itinérant :


« Cabotin ne peut vivre au monde
Sans faire rire & plaifanter,
En tant de fecrets il abonde
Qu’on eft contrainct de l’efcouter. »


Et devisons gaîment…


« Il y a deux espèces de convives, ceux du dîner et ceux du souper ;
ceux du dîner sont souvent, presque toujours, des personnes sérieuses, âgées, des obligations, des ennuyeux.
Mais le souper, c’est différent ; il faut des qualités très difficile à réunir,
dont la plus indispensable est l’esprit.
… Là, seulement, on cause. »,

                                                         Henriette Louise de Waldner de Freundstein,
                                                baronne d’Oberkirch, excusez du peu (1754-1803)


Et n’oublions pas, précise Alain (1868-1951), que « Le rire est le propre de l’homme, car l’esprit s’y délivre des apparences », et « châtie certains défauts », ajouterait Henri Bergson (1859-1941), c’est « la seule cure contre la vanité. » En liminaire, voilà des propos de table bien réjouissants, mais poursuivons notre peinture des mœurs al dente.

« Qu’est-ce que le rire, sinon un reflet du ravissement de l’âme »,
                                       Dante Alighieri (1265-1321 ; Le Banquet ou Il Convivio)

12273274286?profile=originalScène de banquet
Niccolò Soggi (att. à ; 1480-1552)
Huile sur bois (abbaye de Chaalis, Oise)
Au son d’une trompette bien embouchée, becs fins, ne faites pas la fine bouche.

      Peindre le boire et le manger, les jeux de l’amour ou du hasard, soit, ces thèmes sont récurrents. Mais peindre le rire, l’ironie, voire le sarcasme (« La meilleure philosophie, relativement au monde, est d’allier à son égard le sarcasme de la gaieté avec l’indulgence du mépris. », Chamfort, 1740-1794), pour le provoquer, voilà qui n’est pas banal et vaut qu’on s’en paye une bonne tranche. Car, si « rire de tout ce qui se fait ou se dit est d’un sot ; rire de rien est d’un imbécile. », Erasme (1466/67-1536).
Burlesque (de l’Italien burla, plaisanterie), grotesque, bizarrerie, parodie… enrichissent, quoi qu’il en soit, le vocabulaire pictural. Attendu qu’il est manifeste que toutes ces toiles sont faites pour provoquer.


       Provoquer la parole. Leur cadrage serré autour de plusieurs personnages qui vous invitent à participer, à entrer dans la danse. La table est mise, les festivités vont commencer, les langues se délier, les traits d’esprit fuser, avec ces…


« Frisques, gualliers*, joyeux, plaisants, mignons,
En général tous gentils compagnons. »
                                                                              François Rabelais (1494 ?-1553)


* Gaillards et lurons.

12273274677?profile=original Joyeuse compagnie
(ou Banquet caricatural, ca 1575)
Bartolomeo Passerotti (1529-1592)
Collection particulière
« Grande tétine, longue tétasse
Tétin, dois-je dire besace ? »,
                                                                                       Clément Marot (1496-1544)
Doit-on ne voir dans cette œuvre que paillards braillards
ou une charge contre le vice à caractère moralisant ?
Au premier plan (légèrement hors champ) des allusions explicites (gousse d’ail, saucisse sèche, figue ouverte) pourraient a contrario le laisser penser.
De même les têtes de Maures, hallucinées et langues pendantes.
Cela reste malgré tout du côté obscur de la farce,
comme cette maxime de Joseph Delteil,
lauréat en 1925 du prix Femina :
« Tâte ta saucisse à la Sainte-Agathe
Et ton saucisson à Pâques fleuries. »
Comprenne qui voudra.
Quoi qu’il en soit,
« Tétin qui porte tesmoignage
Du demeurant du personnage. », 

  Marot
12273275061?profile=originalScapin (Jacques Callot, 1592-1635)

12273275074?profile=originalMusiciens ambulants
Bernardo Strozzi (1581-1644)
Chalumeau, flute à bec et musette. Mazette, il semble qu’il Cappuccino Genovese, comme on surnommait Strozzi, manie encore l’art de l’équivoque. Musique et lecture profanes peut-être, que parait partager l’auditeur hagard derrière la flutiste. Honni soit qui mâle y pense,
mais interloqué lorsque j’apprends qu’à Venise une putte était une vierge,
une jeune fille, orpheline des ospedali, destinée au chœur de l’église ! Que les scuele piccole étaient des confraternités consacrées à la charité,
aux exercices de piété, commandant à l’occasion des œuvres d’art !

12273275099?profile=originalLe joyeux violoniste
Gerrit van Honthorst (1590-1656)
Un tronie (portrait) plein d’ironie, où Gherardo delle Notti, comme on l’appelait en Italie, montre que le musicien porte autant d’intérêt au vin qu’à la musique de l’âme.

      Provoquer l’hilarité, tant du hobereau que celle du maraud en maraude, de la grosse rigolade au rire sous cape, selon affinités.
Derrière le rictus ou le masque du carnaval, les barrières sociales sont abolies. De la complicité nait le rire - quitte à s’attirer le courroux des pisse-froid -, la franche camaraderie, le laisser-faire et le laisser-aller, même si ce n’est pas une valse, on s'offre encore le temps de s'offrir des détours du côté de l'amour.


« Et je veux qu'on rie
Je veux qu'on danse
Je veux qu'on s'amuse comme des fous
Je veux qu'on rie
Je veux qu'on danse
Quand c'est qu'on me mettra dans le trou. »,
                                                                                          Jacques Brel (1929-1978)

En attendant, nous ne sommes pas de bois, portons un toast, pour « ce que rire est le propre de l’homme », car :


« Jamais homme noble ne hait le bon vin : c’est apophtegme monacal. »,
                                                                                                                      Rabelais


Ce à quoi semble répondre, quatre siècles plus tard, l’abbé Noël Chabot (1869-1943) :


« Au seul vin de Monbazillac
Tu te cuiteras crânement. »


En chœur, mes verts coquins, reprenons l’hymne des épicuriens.


« Lever matin n’est point bon heur
Boire matin est le meilleur. »,
                                                                                                                      Rabelais


L’abbé Chabot fermant le ban d’un sermon qui sera repris en canon :


« Frères, si vous voulez monter au Paradis
Et obtenir de Dieu le sublime pardon,
Comme Jésus en vérité je vous le dis :
Venez de mon vin blanc vider quelques ballons. »

      Provoquer l’ordre moral dominant et l’autorité religieuse. De nombreuses allusions sexuelles ou scatologiques parsèment ces tableaux, bravant autant la curie que les bien-pensants, aguichant le spectateur. Le rire déclenchant l’ire du vertueux comme du monsignore chargé de veiller à la bonne tenue de ses ouailles selon la Règle de Saint Basile, pour qui Jésus lui-même n’a jamais ri. Allez, curé, je t’aimais bien tu sais.
Mais quand il s’agissait d’aller à confesse, ce n’est assurément pas à s’agenouiller derrière la grille du confessionnal que ces gaillards pensaient, mais plutôt à la gueuse qui les attendait derrière les murs du bâtiment dédié au Seigneur, n’en déplaise à leur directeur de conscience.

« Mes beaux pères religieux
Vous dînez pour un grand merci ;
Ô gens heureux ! Ô demi-dieux !
Plût à Dieu que je fusse ainsi !
Comme vous, vivrais sans souci ;
Car le vœu que l’argent vous ôte,
Il est clair qu’il défend aussi
Que vous ne payiez jamais votre hôte. »
                                                                                           Victor Brodeau ( ?-1540)

Et quand le diable vous invite, il faut venir avec une longue cuillère, quand bien même on ne craint pas de manger le lard en Carême.

12273275679?profile=originalLe Satyre chez le paysan
Jacob Jordaens (1593-1678)

12273275700?profile=originalMichel Lansardière (texte et photos)

Les pitres s’offriront un dernier tour de piste avec un nouveau chapitre consacré à ce genre pictural si particulier.
En attendant, vous pouvez retrouver ici :
Frangipane et autres menus plaisirs (Niccolò Frangipane) :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/frangipane-et-autres-...

Campi, à l’italienne (Vicenzo Campi, 1ère partie) :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/campi-l-italienne-1-r...

Campi, à l’italienne (Vicenzo Campi, 2e partie) :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/campi-l-italienne-2e-...

Passerotti et autres mets délicats (Bartolomeo Passerotti, 1ère partie) :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/passerotti-et-autres-mets-d-licats-r-ts-fromage-et-dessert-1-re

Le rire dans l'art et l'art d'en rire (discours et fantaisies de fin de banquet) :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/le-rire-dans-l-art-et-l-art-d-en-rire-discours-et-fantaisies-de

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12273267079?profile=originalJoyeuse compagnie (détail)
(ou Banquet caricatural, ca 1575)
Bartolomeo Passerotti (1529-1592)

« L'Art est le produit de l'intelligence, de la réflexion et du vouloir,
il doit produire chez l'homme un sentiment d'euphorie. »,

                                                                                                           Charles De Wit


12273266695?profile=originalLa gougoutte
Charles De Wit

« Il y a des caricatures plus ressemblantes que des portraits »,
tout l’art consistant à « nous mettre face à la réalité elle-même. »,
                                                                                       Henri Bergson (1859-1941)

      Pour faire suite au précédent article, qui se terminait avec ces Quatre personnages riant avec un chat, je repasserais bien le mistigri pour aller voir Margot dégrafant son corsage, mais cette joyeuse compagnie me retient. Et je comprends mieux pourquoi tous les gars étaient là…

12273267494?profile=originalLe chat emmailloté
(ou La bouillie du chat)
Entourage de Frangipane, ca 1585
Musée d’Arts, Nantes
On retrouvera cette inspiration chez Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), qui nous a laissé un dessin. Son élève, Marguerite Gérard (1761-1837) reprit cette esquisse, mais donna aussi un superbe tableau intitulé « Le déjeuner du chat », exposé à Grasse.
On peut aussi rapprocher cette toile de celle de Jan Miense Molenaer (1609-1668),

Intérieur de cabaret, où un gril sert d’instrument de musique.


12273268466?profile=originalMusée d’art et d’histoire de Genève.

Voilà un matou qui semble nous dire à la manière d’Eustorg de Beaulieu (1495-1552) :


« Pour dormir, boire et manger,
Prendre ébat et me soulager,
Je ne crains homme de ma taille. »

      On trouve dans cette scène du Chat emmailloté un personnage masqué. Il s’apparente à Pulcinella, Polichinelle, bossu et masqué, le type même de la commedia dell’arte. L’une de ces répliques, en forme de précepte, étant


« Mangeons et buvons jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’huile dans la lampe,
car on ne sait jamais si dans l’au-delà il y aura des lampes,
s’il y aura des tavernes. »


En attendant un hypothétique paradis, pour lequel on donnerait bien sa langue au chat, il convient donc de s’en mettre plein la lampe sans attendre la mi-août pour faire les quatre cents coups. Tout un art de vivre !
       Toutefois, à bon chat, bon rat, remarquez l’enfant, au premier plan à droite, qui nous pousse à réfléchir sur cette mascarade qui se joue au-delà du miroir. L’œuvre s’ouvre ainsi sur un autre regard.
Pasquinades et turlupinades. Pasquino, était encore un de ces zannis, valet de comédie, fier-à-bras, impertinent et vorace. Alors qu’en France, Henri Legrand (1587-1637), dit Belleville, côté pile, créa en 1610 sur le modèle italien, le personnage de Turlupin*1, côté farce, l’intrigant, large chapeau et sabre au clair, bretteur railleur se gobergeant de ses moulinets.
Bien d’autres bouffons dérivent, directement ou indirectement, de ce folklore, ici ou ailleurs, citons encore Scaramouche, le Capitan ou Matamore, Paillasse, Cassandre, Pierrot et Colombine, le Gille du Mardi Gras, Punch et Judy, et tutti quanti.
Mardi gras*2, jour charnel, de crêpes et de carnaval… Carême-prenant, derrière un loup, tout est permis.


« En une, en deux, en trois,
Saute Mardi Gras »

      Drôle de présentation tout de même que ce Chat emmailloté, où le peintre ironise et paganise. Est-il revenu le temps des lupercales ?
Plus prosaïquement, « si tu ne veux pas de blé charbonneux, mange des crêpes à la Chandeleur. »

12273268867?profile=originalPrésentation de Jésus au Temple
Andrea Mantegna (1431-1506).
(Photo captée sur le net)

Déjà Andrea Mantegna introduisit une bonne touche d’humour (absent ici),
avec ses facétieux Amours, dans l’oculus de la Chambre des époux
du palais ducal de Mantoue, et un saisissant sens du raccourci.

Sans commenter davantage l’événement…


« Je me contenterai de simplement écrire
Ce que la passion seulement me fait dire,
Sans rechercher ailleurs plus graves arguments. »,
                                                                                 Joachim du Bellay (1522-1560)

      C’est donc sans regrets et la plume légère je que poursuis ici ce que j’entrepris dans la première partie, adoncques…


« Mieux est de ris que de larmes écrire
Pour ce que rire est le propre de l’homme. »,
                                                                                                                      Rabelais

12273268671?profile=original Joueurs de cartes
Anonyme, premier quart du XVIIe s.
Musée de Tessé, Le Mans
« Non pas joueurs de dés, ni de quilles,
Mais de belles farces gentilles. »
                                                                                       Clément Marot (1496-1544)


Un style qui évoque celui des caravagistes d’Utrecht, que l’on retrouve aussi dans les…
12273269095?profile=originalJoueurs de cartes (ca 1625)
Jan Lievens (1607-1674)
Collection Leiden, New York

Ou comment le malheur des uns fait le bonheur des autres
et met, la chose est aisée, les rieurs du côté du plus fort.
« Dans le jeu l’amusement n’est pas réciproque :
presque toujours l’un des joueurs s’impatiente et se fâche,
ce qui diminue beaucoup le plaisir de son adversaire. »,
                                                                                                 Boccace (1313-1375)

D’ailleurs, « c’est un état d’être joueur »« On est convenu d’être incorrigible. », Charles de Secondat, dit Montesquieu (1689-1755).

12273269666?profile=original Le tricheur et ses comparses
Charles De Wit
Une autre manière de se mettre à table.

      Puissiez-vous avoir souri, car « le sourire est la perfection du rire. », Alain (Emile-Auguste Chartier dit, 1868-1951). Toutefois nous ne quitterons pas la table avant d’avoir goûté à la pièce montée qui nous attend.
Mais, au préalable… Vous reprendrez bien un peu de :
Frangipane et autres menus plaisirs (Niccolò Frangipane) :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/frangipane-et-autres-...

Campi, à l’italienne (Vicenzo Campi, 1ère partie) :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/campi-l-italienne-1-r...

Campi, à l’italienne (Vicenzo Campi, 2e partie) :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/campi-l-italienne-2e-partie-coquillages-et-crustac-s?xg_source=activity

Michel Lansardière (texte et photos),
et le compérage de Charles De Wit ! Merci à lui !

*1 Pasquino était le surnom donné à une statue romaine sur laquelle étaient placardés des pamphlets, à l’origine du sarcastique personnage. Les Libre-Esprit, un ordre mendiant créé au XIIe siècle, quant à eux, affublés du surnom de Turlupins, ils furent accusés de turpitudes, d’hérésie, et persécutés au XVIe s. Et moi, pauvre de moi, me mettant à la page, « d’parler comme un turlupin, je ne pense plus ‘merde’, pardi ! Mais je le dis. », Georges Brassens.

*2 En cette année de grâce 2018, Mardi gras sera fêté le 13 février. La fête de la Présentation de Jésus au Temple et de la Purification de Marie, le 2 février, jour de la Chandeleur, résurgence de la festa candelarum dédiée à Cérès et à sa fille Proserpine dans la Rome antique. Les lupercales, fêtes faunesques, étaient, elles, célébrées du 13 au 15 février. Quant à la Saint-Valentin, fête des amoureux, c’est, notez-le, le 14 février.


                                                               12273269495?profile=originalBanquet final
« Sept convives, repas ; neuf convives, fracas » (proverbe romain).

Que dire alors de treize ?

(photo captée sur le net)

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12273263870?profile=originalLes poissonniers
Vincenzo Campi
Musée de La Roche-sur-Yon

      On me dira que ce ne sont point-là de « grands peintres ». Point de mystères, de langage sophistiqué ou secret, de symboles qui nous sont parfois si difficiles à déchiffrer et qui, de là, nous transportent. Leur langue est verte, truculente voire triviale, leurs gestes un peu frustes. Mais c’est peut-être en cela qu’ils nous sont finalement si proches.
Grâce leur soit donc rendue, « Dieu aide toujours aux fous, aux amoureux et aux ivrognes. » (Marguerite de Navarre*, 1492-1549).
Cela ne manque ni de verve ni de sèvre et, de plus, c’est roboratif !


« Il n’est point tant de barques à Venise,

Ni de pardons à Rome un jour de fête,
Ni d’usuriers en toute la Lombardie,

Que vous avez de lunes en toute la tête. »
                                                                           Mellin de Saint-Gelais (1491-1558)


Et puis, parfois, « Le bon choix, de loin, c’est de préférer un peu de saveur à beaucoup d’insipidité. », Boccace (1313-1375). La cuisine italienne doit d’ailleurs beaucoup de son renom à deux maître-queux, Bartolomeo Scapi (ca 1500-1577) et Cristoforo di Messisbugo (ca 1490-1548), véritable MC, maître de cérémonies, banchetti i divertimenti.
Les peintres de la Renaissance développeront une autre rhétorique, inventio et dispositio, varietas et copia (abondance, ce qui ne saurait nuire).

12273264093?profile=original Mangeurs de fèves (détail)
Vincenzo Campi
Musée Calvet, Avignon
A table ! Faisons bombance !

      Je poursuis donc cette nouvelle série de billets sur les plaisirs de la table, la satire et le rire, citant des auteurs essentiellement François, je suis gaulois quoi qu’il en soit. Qu’il me soit donc permis ici de mettre mes pas dans ceux de maître François en illustrant Des pois au lard cum commento. De l’art et des mots.


12273265089?profile=original Grangousier à table
(gravure sur bois, 1542)
« L’appétit vient en mangeant… la soif s’en va en buvant. »,
                                                                                                                      Rabelais


Et ce en toute occasion.


« Ho ! mon petit fils, mon couillon, mon peton, que tu es joli !
Et tant je suis tenu à Dieu de ce qu’il m’a donné un si beau fils, tant joyeux, tant riant, tant joli. Ho, ho, ho, ho ! Que je suis aise ! Buvons.
Ho ! Laissons toute mélancolie ; apporte du meilleur, rince les verres, boute la nappe, chasse ces chiens, souffle ce feu, allume la chandelle, ferme cette porte, taille ces soupes, envoie ces pauvres, baille-leur ce qu’ils demandent, tiens ma robe que je me mette en pourpoint pour mieux festoyer les commères. »
                                                                              François Rabelais (1494 ?-1553)


12273265668?profile=originalLes poissonniers (Pescivendoli, détail)
Vincenzo Campi
Musée de La Roche-sur-Yon

      Voilà goûteux propos dans cette langue propre à vous guérir les goutteux. Pour peu que les mets soient accompagnés d’un frais clairet.

12273266277?profile=original Mangeurs de fèves
Vincenzo Campi
Musée Calvet, Avignon
« Verse en mon verre du vin
Pour étrangler la mémoire
De mes soucis après boire. »
                                                                                 Pierre de Ronsard (1524-1585)

12273267056?profile=originalLe mangeur de fèves
Annibal Carrache (1560-1609)
Ce grand peintre classique fut formé notamment par Bartolomeo Passerotti,
sujet de mon prochain article (photo captée sur le net).

      Comédie de masques, reflet d’une société démasquée, avec ses vieux libidineux, vecchi, son soudard furibard, le Capitan, ses amants galants, innamorati, la servante pétulante, servetta, les zanni, ces fripons factotons. Ces négatifs qui se développeront avec les personnages d’Arlequin, de Colombine, de Pantalon… multipliant les lazzis.

12273267279?profile=original Les poissonniers (détail)
Vincenzo Campi
Musée de La Roche-sur-Yon

Tentons ici quelques apparentements terribles avec :


12273267865?profile=originalLa pourvoyeuse de légumes (détail)
Joachim Beuckelaer (1533-1573)
(Musée des Beaux-Arts, Valenciennes)

12273267687?profile=original Le grand marché (détail)
Pieter Aertsen (Galerie nationale de Capodimonte, Naples)
Pieter Aertsen, que les Italiens appellent Pietro Longo (de son surnom Lange Pier dans sa langue maternelle), était l’oncle de Joachim Beuckelaer.

      Tout cela est propre et figuré, en mode mineur, à la fin du Cinquecento et au début du Seicento italiens (avec ce senso dell’umorismo, très baroque’n’roll-mops), et à la peinture de genre anversoise du XVIe siècle. Pourtant, au siècle suivant, même le raffiné Jordaens (1593-1678) n’hésitera pas à introduire une touche de vulgarité assumée dans certains de ses tableaux.


12273268469?profile=originalLe roi boit (détail)
… en attendant la galette. Bah ! le peuple trinque.
Jacob Jordaens (Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg)

De même pour le Français Carle Van Loo (1705-1765) dans…


12273268294?profile=originalL’ivresse de Silène (détail)
Silène, compagnon de Dionysos, et grand buveur devant l’éternel.
Carle Van Loo (musée des Beaux-Arts, Nancy)

Et le tendre Vermeer de Delft (1632-1675) parait lui aussi s’être souvenu de cette période.


12273268886?profile=original L’entremetteuse (détail)
Johannes Vermeer (Galerie de peinture, Dresde)

Fin de la 1ère partie.


Avant de reprendre quelques coquillages et crustacés, servis sur un plateau, les antipastis sont ici :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/frangipane-et-autres-menus-plaisirs-antipastis?xg_source=activity

Michel Lansardière (texte et photos, sauf mention contraire)

* Marguerite de Navarre (ou d’Angoulême, ou d’Alençon), reine de Navarre, sœur et conseillère de François 1er, grand-mère d’Henri IV, femme de lettres, protectrice de Rabelais et de Lefèvre D’Etaples, des humanistes en général, diplomate, elle sauva ainsi la mise aussi bien à Clément Marot qu’à son frère François fait prisonnier à Pavie. On lui doit notamment l’Heptaméron, le pendant, en français, du Décaméron de Boccace.

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Frangipane et autres menus plaisirs (antipastis)

12273262485?profile=originalScène bachique (détail)
Niccolò Frangipane (Musée Saint-Léger, Soissons)

      Suivant l’exemple d’Enea Silvio Piccolomini (1405-1464), plus connu sous le nom de Pie II, pape et poète, je vais, provisoirement, « quitter Vénus pour Bacchus », formule qu’il prononça lorsqu’il entra dans les ordres, les prêtres étant réputés aimer le vin de messe.
       L’occasion m’en est offerte par une « petite » exposition, intitulée « La grande bouffe. Peintures comiques dans l’Italie de la Renaissance », qui a excité ma curiosité et suscité mon étonnement.
Petite, car elle ne comporte que neuf toiles. Et pas forcément ce qu’on appelle des chefs-d’œuvre, mais qui vous captent et intriguent.
Etonnante donc, car si l’on m’avait présenté une de ces œuvres, j’aurais juré, mais un peu tard, qu’il s’agissait d’un travail dû à un peintre du Nord, non de l’Italie, mais des Flandres. On m’y reprendra bien et je vous encourage à aller la découvrir au musée de l’abbaye Saint-Léger de Soissons. Elle s’anime grâce à deux ressorts narratifs, la bonne chère et le rire, ce dernier fort rare en peinture. Cette représentation se tient jusqu’au 11 mars 2018. Mes amis, la Belgique n’étant pas bien loin de l’Aisne, c’est une sortie que vous ne regretterez pas, d’autant que le musée attenant présente un département peinture fort intéressant (j’y reviendrai certainement) ainsi qu’une passionnante section réservée à l’archéologie, sans compter les lumineux bâtiments conventuels.
En attendant, j’entends les trois coups…
Entrée des artistes.
       Les peintres que je vais vous présenter, au premier rang desquels Niccolò Frangipane (ca 1545-1600), Vincenzo Campi (1536-1591) et Bartolomeo Passerotti, (1529-1592), nous viennent d’Italie du Nord, de Vénétie et de Lombardie plus précisément.
Mais, s’ils ont titré les leçons des maîtres italiens, Vinci, Giorgione, principalement (si j’en crois du moins les auteurs du catalogue, livret livré sans la moindre once de légèreté sur un sujet qui s’y prêtait), c’est chez les Flamands qu’ils ont, me semble-t-il, puisé l’essentiel de leur inspiration.
Bien sûr on trouve Breughel l’Ancien (1525-1569) au premier rang de ces inspirateurs (avec La noce villageoise, par exemple), ou ses contemporains et successeurs Pieter Balten (1527-1584), Gillis Mostaert (ca 1534-1598), sans oublier Breughel le Jeune (1564-1638). Mais c’est surtout chez les suiveurs de ces derniers qu’il faut chercher les plus confondantes analogies, notamment chez les peintres de genre et plus exactement encore chez les artistes de ce courant qu’on a parfois appelé le réalisme anversois. Sans omettre les italianisants Jan Massys (ca 1510-1575), Frans Floris de Vriendt (1519-1570) ou, plus maniériste, Carel van Mander (1548-1606).

12273262884?profile=originalScène bachique (détail)
Niccolò Frangipane (Musée Saint-Léger, Soissons)

12273263263?profile=originalL’enfant prodigue (détail)
Jan Van Hemessen (MRBA, Bruxelles)

      Je me permettrai donc quelques parallèles avec ce courant du XVIe siècle, mais aussi de petites incursions chez des maîtres du siècle suivant.

12273263288?profile=originalKermesse flamande (détail)
Gillis Mostaert le Vieux
Musée Saint-Léger, Soissons
Tel le laboureur pour ses enfants rêver ces Souhaits du monde de
« Vivre cent ans sans voir dominer guerre,
Et être en paix toujours dans ma maison
Mangeant mes pois auprès d’un gros tison. »,
                                                                                              Anonyme (XVIe siècle)


12273264068?profile=originalMangeurs de fèves (détail)
Vincenzo Campi
Musée Calvet, Avignon

      Du réalisme, oui, mais surtout beaucoup de fantaisie, de la bouffonnerie. Et un goût tout méridional pour la comédie. Comédie, comédie ! Commedia Dell’ Arte !
       On peut faire remonter le théâtre populaire aux farces et soties du Moyen-Âge. Farces souvent largement improvisées, où le public participait, comme en Italie, où la commedia all’improviso s’organisera, devenant la commedia dell’arte, et qui nous reviendra en France sous la forme de la « comédie italienne ».
       De même les échanges étaient fort nombreux entre les Flandres et l’Italie du Nord et s’il fallait chercher un peintre italien célèbre, fort atypique au demeurant et hors courants, c’est plutôt à Giuseppe Arcimboldo (ca 1527-1593), comme Léonard peintre et savant, musicien et grand organisateur de fêtes princières, que je penserais. Car, si je vois peu de rapport entre « La bataille de Carnaval et de Carême » (Breughel) et « L’Ecole d’Athènes » (Raphael), le rapprochement avec Arcimboldo me parait plus pertinent. Voilà qui est plus bouffe, n’est-il-pas ?

« Ce peintre* pétrit la pâte
Avec beaucoup d’habileté
Si j’en juge par le pâté
Il doit avoir la main légère
Quel doux repas nous allons faire ! »
12273264863?profile=originalLe cuisinier
Giuseppe Arcimboldo (Stockholm)
Tel que le tableau fût présenté à Ferdinand II de Habsbourg…
T’as voulu voir l’envers…
« Certes l’eau vient à la bouche
En regardant ce pâté-là !
Je vais le mettre dans un plat ! »


* J’ai remplacé ici le mot « pâtissier » par « peintre », que l’on me pardonne cette licence.


Le pâté et la tarte (« Farce nouvelle », anonyme, XVe siècle)
… puis, une fois retourné.

12273265461?profile=originalLe cuisinier 


C’est assez farce, non ?


       Je mêlerai donc ce réalisme de rhétorique macaronique, liant et émaillant le tout de quelques citations de nos auteurs du temps, essentiellement, et d’autres plus récents, à commencer par Michel de Montaigne (1533-1592), car…


« S’il est mauvais de vivre en nécessité,
au moins de vivre en nécessité il n’est aucune nécessité. »

Entrez ! Entrez ! Bonnes gens, le rideau est levé ! Que la fête commence…

12273265685?profile=originalScène bachique
Niccolò Frangipane
Musée Saint-Léger, Soissons
Ces joyeux drilles, « Prêchant la vendange », si on en croyait Mathurin Régnier (1573-1613), « assureraient en leur trogne qu’un jeune médecin vit moins qu’un vieil ivrogne. »


Ou ce pochetron de Ponchon, poète bachique qui atteint un âge canonique :


« Si j’étais roi de quelque endroit,
Tout mon peuple serait ivrogne,
Et je punirais sans vergogne
Tous ceux qui marcheraient trop droit. »
                                                                                      Raoul Ponchon (1848-1937)
« Quand je danse, je danse ; quand je dors, je dors. »
« Nature a maternellement observé cela… Et nous y convie,
non seulement par la raison, mais aussi par l’appétit. »
                                                                                              Montaigne (1533-1592)

Remarquez ce personnage au luth, dans le coin gauche du tableau, qui enjoint l’auditoire de se rallier au banquet. Il a tout d’un Brighella, musicien, fourbe et bouffon, ou des Scapin, Crispin, Mascarilla, tous ces valets enjôleurs et farceurs, ces suppôts de prétoire, ces zanni de comédie.


12273266489?profile=originalScapin (détail)

Impertinent !
Jacques Callot (musée des Beaux-Arts, Nancy)


       Oh, bien sûr, cette peinture est souvent maladroite, rustique, naïve, roturière, elle fait genre. Remarquez par exemple les bouches, avides, elles ne sont ornées que d’incisives dans des faces rubicondes ! On doit bien en compter cinquante ! Etonnez-vous après ça que j’aie l’âme canine. Ce qui ne nous empêchera pas de la dévorer à belles dents.
       L’esprit de Carnaval habite ces scènes, et Mardigras, « premier fondateur et original de toute race andouillique », en est le vice-roi. Les cérémonies sont ordonnées dans un joyeux désordre par Messer Gaster, l’Estomac, « premier maître ès arts de ce monde », avec pour seul précepte :


« Et tout pour la tripe » !


Ecoute ce que profère, écrit et signe Maître Alcofrybas Nasier, l’anagramme de Françoys Rabelais.
Mande donc « Que tout allât par écuelles » et…


« Pour récompense il fait ce bien au monde, qu’il lui invente tous les arts ]…[ Les corbeaux, les geais, les papegais, les étourneaux, il rend poètes ;
les pies il fait poétrides et leur apprend langage humain
proférer, parler, chanter.
Et tout pour la tripe. »

12273267064?profile=originalMangeurs de poulpes
Anonyme du premier quart du XVIIe siècle
(cercle de Frangipane, une copie peut-être, si on en juge par une facture plus rigide)
Musée de Tessé, Le Mans


« Corydon*, marche devant ;
Sache où le bon vin se vend.
Fais rafraîchir la bouteille,
Cherche une feuilleuse treille
Et des fleurs pour me coucher.
Ne m’achète point de chair,
Car, tant soit-elle friande,
L’été je hais la viande. »


* Nom d’un valet emprunté à Virgile
                                                                                 Pierre de Ronsard (1524-1585)


« Quand mon verre est vide
Je le plains.
Quand mon verre est plein
Je le vide. »
                                                                                                          Raoul Ponchon


Sa nature ayant horreur du vide. Dès lors, en compagnie, chantons…


« Laquais, qu’on me donne à boire.
Je veux m’enivrer aujourd’hui,
Je veux que ce vin ait la gloire
D’avoir étouffé mon ennui. »
                                                                Charles de Vion d’Alibray (ca 1590-1652)

Voilà pour les amuse-gueules et hors-d’œuvre, en attendant la suite, je vous convie à prendre un premier trou normand accompagné de quelques canapés.

                                                                       Michel Lansardière (texte et photos)

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12273263476?profile=originalLe destin des crevettes
Charles De Wit

      Reprenons, et revenons à cette pitture ridicole, qui ne se pousse pas du col, pas de la peinture de cour, rien de divin, non. Juste une peinture de corps et d’esprit-de-vin. Une option viticole, élevant son cru plus ou moins au vitriol sans se la péter, qui fait la part belle à la gaudriole. Une satire du bourgeois, du nobliau, destinée au bourgeois, au hobereau, qu’affectionne le bourgeois. Peu importe que l’on raille et ferraille, tant qu’on se rallie et ripaille. Et pourvu que l’on parle de soi.
      Dans les anciens Pays-Bas, un sous-genre est apparu du côté d’Anvers au XVIe siècle, les bordeelijes, ou « scènes de débauche », prisées des amateurs de représentations légères réservées à leur cabinet privé.

12273263690?profile=originalLa tentation du désir charnel
Charles De Wit
Le Baron : Prêtez-moi une de vos nonnes pour passer la nuit.
L’abbesse : Monseigneur !...
Le Baron : Une maigre : c’est vendredi.
                                                                                            Victor Hugo (1802-1885)

      Au XVIIe siècle un courant proche vit le jour. Mais l’axe n’en était plus Anvers ou ses faubourgs, ni Venise ou Padoue, mais plutôt Utrecht et Rome. Ce mouvement s’est cristallisé autour de la figure du peintre Pieter van Laer (1599-1652), dit Il Bambocchio. Bamboche, le « pantin », la « poupée », était contrefait, aimait les excès, ressemblant de fait à Pulcinella, Polichinelle. Les artistes réunis, étaient pour la plupart Néerlandais comme les frères Jan et Andries Both, et Italiens, notamment Michelangelo Cerquozzi. Leur thème de prédilection était la représentation de scènes du quotidien tournant souvent autour de la table ou du jeu, les bambochades.


« Mais Rome d’aujourd’hui, séjour charmant et beau,
Où l’on suit un train plus nouveau.
Le plaisir est la seule affaire
Dont se piquent ses habitants.
Qui n’aurait que vingt ou trente ans,
Ce serait voyage à faire. »

                                                                                        Jean de La Fontaine, 1674


       Un groupe apparenté – Pieter van Laer, Bamboche, faisait partie des deux confréries – était les Bentvueghels, une sacrée « bande d’oiseaux », ou Schildersbent, une sacrée « bande de peintres » en rupture de ban avec les canons imposés par l’Accademia di San Luca, saint patron des peintres. Le capitaine de ces poètes disparus était Bacchus, leur rite d’initiation consistant essentiellement à écluser force canons. Après les libations, le nouvel adepte recevait un surnom de baptême évocateur, le Bouc, le Satyre… Ils étaient originaires du nord de la Belgique ou des Provinces-Unies, voire d’Allemagne. Un Cercle de Bourgogne en somme plus qu’une guilde de bonne conduite. Parmi eux on comptait deux descendants de Breughel l’Ancien, Abraham (1631-1697), dit le Rhingrave ou, plus tard, le Napolitain, et son cadet Jan Baptist (1647-1719), dit Méléagre, tous deux fils de Jan Breughel II le Jeune. Ou un certain Franciscus de Wit, dit Phébus... Tout se tient par la barbichette.

12273264486?profile=original Aert (ou Arent) de Gelder (1645-1727) ?
Le rieur
Musée d’art et d’histoire de Genève
L’homme et le pantin ou la vie comme une pantomime.
Tout rieur vit aux dépens de celui qu’il dépeint. Quoi que…
De Gelder, qui fut l’élève de Rembrandt, est connu pour son Autoportrait en Zeuxis.

Zeuxis (464-398 av. J.-C.), avec sa gueule de peintre grec et ses cheveux aux quatre vents, serait mort de rire en portraiturant une vieille femme, trop laide pour être fixée sur la toile. Nous ne conservons donc d’eux aucuns traits (sinon d’humour).

      A la fin du Seicento et au début du Settecento, quelques Italiens s’inscrivirent, peu ou prou là itou, dans cette veine, tels Giuseppe Maria Crespi (1665-1747), dit Lo Spagnolo de par sa mise, Alessandro Magnasco (1667-1749), Il Lissandrino, ou Giacomo Ceruti (1698-1767), le Pitocchetto.

12273264877?profile=originalGiacomo Ceruti
Garçon avec un panier de poissons (photo captée sur le net)

      Enfin, parmi les modernes on peut penser à James Ensor (1860-1949), lui qui « cherch(ait) refuge vers les masques, afin de ]se[ libérer de toutes les peurs, les gêneurs. » Et un de nos meilleurs peintres contemporains, bien connu de notre réseau, j’ai nommé Charles De Wit, a bien compris cette tradition, si vivace dans le Nord et en Belgique depuis Bosch et les Breughel jusqu’à Ensor justement, cette dérision, ce carnaval qu’est la vie. Il m’a autorisé à reproduire ici trois de ses toiles.

12273265094?profile=original Les poissonniers
Charles De Wit
Une peinture haute en couleur de scènes du quotidien, dans un style qui lui est propre, alliant modernité et tradition, aux tons souvent acides.
Homme d'esprit, ses toiles donnent à penser. Nous pousserons donc cette réflexion dans le billet consacré à Bartolomeo Passerotti.

12273265873?profile=originalLa boutique de marée (détail)
Frans Snyders (Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg)


Ainsi Anciens et Modernes se répondent et s’enrichissent. Leurs palettes se mélangent avec un peu d’imagination et de fantaisie, pour notre distraction.


« J’ay des couleurs blanches et vermeillettes ;
D’inventions j’ay plaines corbeillettes ;
J’ay ce que j’ay, j’ay plus qu’il ne me fault,
Si n’ay point peur d’avoir aucun deffault. »
« J’ai du pot-au-feu, une langue fine
Un peu de poitrine, un filet mignon
J’ai ma femme aussi mais elle me chagrine
Avec ses clins d’œil au garçon. »

                                                                       Jean Lemaire de Belges (1473-1525)
                                                          et André Raimbourg (dit Bourvil, 1917-1970)

Fin de cette seconde partie, pour vos commentaires merci…


« En riant je compose, en riant je veux lire,
Et voilà tout le fruit que je reçois d’écrire. »

                                                                                 Pierre de Ronsard (1524-1585)

12273266274?profile=original Quatre personnages riant avec un chat
Anonyme, ca 1545
Musée des Beaux-Arts, Angers
Une pochade, de la bouillie pour les chats ou presque, d’après Bartolomeo Veneto (ca 1470-1531). Ces Quatre personnages en quête d’hauteur sont néanmoins typiques du répertoire lombard du Quattrocento.

Mais laissons plutôt le latin aux chat-fourrés, levons nos verres et trinquons :


« Vivez, si m’en croyez, n’attendez pas à demain :
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie. »

                                                                                 Pierre de Ronsard (1524-1585)


Quoi qu’il en soit…


« Fais ce que voudras. »

En attendant la ronde des fromages et la farandole de desserts…
Les antipastis sont ici (Niccolò Frangipane) :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/frangipane-et-autres-...

Et la marée est servie là (Vincenzo Campi, 1/2) :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/campi-l-italienne-1-re-partie-la-mar-e-est-servie?xg_source=activity

Michel Lansardière,
avec la complicité de Charles De Wit que je remercie chaleureusement.

12273263870?profile=original(Photo L.M.)

Les poissonniers

Vincenzo Campi (1536-1591)

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