Publié(e) par Deashelle le 7 décembre 2021 à 12:30
Rêver ! C’est par-dessus les pavés mouillés des rues de Liège au temps de Noël que se balance cette magnifique guirlande lumineuse au gré du vent. A Bruxelles, c’est au théâtre du Parc que se concentre le rêve et un voyage extraordinaire dans le surnaturel.
Pour Maxime, dix ans, c’est la première fois qu’il franchit les portes royales de la Comédie. Aller au Théâtre, il en rêvait.
Il s’est habillé en jeune collégien anglais pour l’occasion et sa première sortie en solo avec sa Mamy! Ça, c’est en attendant de visiter Londres. Il brûle de rencontrer le vrai Peter Pan, ce héros qui ne voulait pas grandir. Et savoir pourquoi. Le comédien est bien vivant. Julien Besure, prince de l’imaginaire en habit vert, s’emploie à merveille pour voler, planer, et allumer des étoiles dans les yeux des enfants et de leurs parents.
Maxime connaît par cœur le héros de Walt Disney. Sa grand-mère a feuilleté avec lui le vrai livre de James Matthew Barrie, Peter Pan and Wendy ( 1911) question de le lancer sur les chemins de la fiction du Neverland : de la maison, emprunter la deuxième étoile droite et filer tout droit jusqu'au matin.
Ce qu’il a préféré, ce sont les superbes décors et les culbutes, les sauts du héros qui dit tout ce qu’il pense. Ajoutons que c’est Émilie Guillaume, une incomparable artiste du mouvement, qui règle à nouveau les fracassants combats et les coups de rapières sonores. L’île est recouverte de forêt, la lagune aux sirènes est splendide, le bateau des pirates impressionnant, la maison souterraine des enfants perdus finement imaginée. On adore les troncs d’arbres aux portes secrètes qui font office d’ascenseurs, le camp des indiens, les cabanes de feuilles construite par les enfants perdus eux-mêmes et le pauvre crocodile qui a avalé le réveil. La mise en scène est signée Maggy Jacot et Axel de Booseré.
Comme Maxime s’est délecté en boucle du DVD du film « Hook ou la revanche du Capitaine Crochet »de Steven Spielberg (1991), cela ne le gêne pas du tout que l’histoire ait pris un tour différent de la version originale, avec ce virage étonnant dans l’interprétation de Thierry Janssen. Au contraire, Il est fier de sa science et de déclarer avec satisfaction que « C’est pas la vraie histoire, bien sûr ! ». Ils sont finalement tellement ravis, les enfants qui déclarent tout connaître sur Saint-Nicolas ou Père Noël ! Tellement rassurés aussi que le contes existent pour penser et rêver le monde ! Maxime adore le fait que le soldat ensanglanté puisse s’échapper de l’horreur des tranchées de la première guerre mondiale en culbutant dans le Neverland, le pays imaginaire qui ne se fane jamais. Et il est totalement heureux que lorsque le jeune soldat est touché en plein cœur, et qu’il « renaît » dans le Neverland. Totalement crédible non ?
Bon, la fée Clochette ( Anouchka Vingtier, plus carabosse que la minuscule nymphe Tinker Bell)« criait beaucoup et avait des cheveux très blancs ». Si elle était venue chercher majestueusement par la main le pauvre Tommy qui se mourrait dans les tranchées d’Ypres, elle allait refaire sa vie pour devenir la fée Crochette avec le formidable capitaine sauvage! Pitié pour Peter ! Cet effroyable capitaine, plus monstrueux que dans l’imaginaire, « plus abominable que dans les films » est personnifié par un Fantastique Fabian Finkels ! Un rôle explosif pour triple F ! Les adultes jubilent devant l’ampleur de la dérision en mode Don Quichotte. Pour ce comédien aux mille talents, c’est un super héros, sur mesure. Il est ffflanqué de son inénarrable acolyte, Mouche de son prénom, glorieusement endossé par Thierry Janssen en personne.
Nous vous entraînerons pour les fêtes dans l’univers magique et cruel à la fois d’un des personnages les plus célèbres de la littérature anglaise. Vous retrouverez Julien Besure qui fut D’Artagnan mais aussi le chevalier d’Eon. Nous sommes en 1915. Le garçon qui servit de modèle à Peter Pan se bat dans les tranchées en Belgique. Juste avant l’assaut, une femme mystérieuse le ramène au pays des enfants perdus.
Avec : Julien Besure (Peter Pan) - Anouchka Vingtier (La fée Clochette) - Fabian Finkels (Le capitaine Crochet) - Karen De Paduwa (Rabougri ) - Mireille Bailly (Lily la tigresse, Le soldat Smith et Nicky Nigoo le pirate) - Thierry Janssen (Mouche) - Elsa Tarlton (Wendy) - Aurélien Dubreuil-Lachaud (Le soldat Taylor, Cookson le pirate et un indien).
Et les enfants en alternance : Issaiah Fiszman, Dario Delbushaye (Le soldat Jones, Ed le pirate et un indien) - Andrei Costa, Martin Georges, Stanley Dupic-Janssens, Léon Deckers, Ethan Verheyden, Lilia Moumen, Jannah Tournay, Lily Debroux, Eledwen Janssen (Les enfants perdus et les indiens) - Selma Jones, Babette Verbeek, Laetitia Jous (La sirène et une indienne).
Chanter et raconter, s’indigner et rire, jouer et dire, écrire et danser to the end of Love, c’est transmettre : une idée fixe chez Thierry Debroux à chaque fois qu’il signe le miracle de la mise en scène d’une nouvelle adaptation scénique dont il a le secret. Celles-ci ne cessent d’émerveiller tous les âges, du plus innocent au plus endurci et on finit par prédire que chacun de ses spectacles sera un nouveau couronnement.
Avec l’adaptation du Livre de la Jungle, de Kipling(1894-1895) et non de Walt Disney, il s’agit ici d’un hommage particulier, dédié à son institutrice de maternelle, Madame Christine qui fut, grâce à cette histoire de Mowgly, l’instigatrice de toute sa carrière théâtrale, alors qu’il était haut comme trois pommes. Thierry Debroux, en homme reconnaissant, pose publiquement un acte de gratitude vis-à-vis d’une femme qui a su lui insuffler la passion qui a conduit toute sa vie… C’est quelque chose de rare dans notre monde pressé d’en finir ou de courir après chimères et idoles…sans jamais jeter un regard en arrière.
Dans cette adaptation scénique irradiante, il jongle avec les mises en abîme en réveillant ses souvenirs des personnages les plus intenses de Kipling, tout en évoquant ses souvenirs d’enfance. Madame Christine resurgit à tout moment, du début à la fin …comme quelqu’un qu’il a vraiment aimée.
Au cœur du récit, il y a Mowgly, l’enfant loup recueilli par la forêt et une mère humaine affolée par sa disparition. Au travers du conte musical initiatique, on suit toutes les questions existentielles de l’enfant qui grandit, le questionnement de son appartenance au clan malgré sa différence, le respect ou non des loi, la liberté de choix, le rôle parental… et l’incroyable volonté de pouvoir de ceux qui se rêvent puissants…
Pour la forme, il y a l’écriture tellement truffée d’allusions humoristiques ou culturelles, des images fugaces des périls de notre société, captés dans un jeu savant de sonorités et de bulles poétiques. Et des compositions musicales signées Philippe Tasquin accessibles sur CD vendu à l’entracte ou après le « pestacle ».
Les décors graphiquement parfaits tiennent de l’épure et reviennent comme des leit motivs. De la mise en scène émane un récit percutant. La « forêt qui soigne » se superpose aux palmes tropicales, les arbres bougent comme dans Shakespeare, le rocher de consultation populaire est une pyramide faite d’alvéoles comme la ruche des abeilles. L’île aux plaisirs, pardon, le repère des singes profiteurs est un nid de décadence. A bons entendeurs, salut! Le village lui-même voyage à travers le monde. Ne se retrouve-t-on pas soudain carrément chez les Indiens d’Amérique, à voir le costume de la chef de village ? Clin d’œil du jeune Thierry Debroux à Kipling voyageur qui lui aussi parcourut, étant jeune homme, les terres d’Amérique?
Les enfants frappants de dynamisme et de vitalité qui interprètent Mowgly font du jeune héros un personnage attachant et intelligent comme le veut Kipling. Les trois enfants qui se relaient, Andrei Costa, Dario Delbushaye et Issaïah Fiszman semblent décoder par leurs fines postures et leur regard intense les moindres arnaques, les hypocrisies et la violence du monde qui les entoure… On se réjouit de la fraîcheur de leur « sagesse innée» et leurs très belles voix qui émeuvent aux larmes portent des chansons bouleversantes. En miroir, les personnages mi-humains, mi-animaux, entretiennent continuellement la dualité de Mowgly et ses interrogations. Les yeux des spectateurs se posent sur des masques qui semblent respirer et dire chaque réplique comme s’ils étaient vivants. Un tour de force et un art consommé des comédiens.Daphné D’Heur campe une séduisante Bagheera et Messua, la villageoise éplorée devant la disparition de son enfant tandis que la deuxième très belle voix féminine appartient à Rashka, une mère-louve pleine d’empathie et de noblesse de cœur jouée avec brio par Jolijn Antonissen aux côtés d’un Akela très digne: Gaétan Wenders. Baloo joué par Emmanuel Dell'erba séduit par son entrain et sa … légèreté. Très farceur et transposé dans un mode plutôt comique, Kaa (Philippe Taskin) semble avoir été créé avec jubilation par l’adaptateur du récit, qui n’a vraiment que faire de l’anathème jeté sur son engeance. Réhabilité comme un serpent sympathique, il ne lui manque que les bras pour qu’on l’aime vraiment. Le duo de mauvais bougres est maléfique à souhait, c’est Pierre Bodson pour Shere Kahn et Fabian Finkels – who else ? - pour le jeune loup aux dents longues. Le narrateur, Gaëtan Wenders donne la réplique à Madame Christine (Anne-Marie Cappeliez).
Photos : ZVONOCK
Avec : Jolijn ANTONISSEN, Pierre BODSON, Anne-Marie CAPPELIEZ, Didier COLFS , Emmanuel DELL’ERBA , Daphné D’HEUR , Fabian FINKELS, Antoine GUILLAUME , Philippe TASQUIN , Gaëtan WENDERS. Mowgli, en alternance : Andrei COSTA, Dario DELBUSHAYE, Issaïah FISZMAN. Les petits Loups, en alternance : Alexandre ANDERSEN , Baptiste BLANPAIN , Ava DEBROUX , Arthur FRABONI , Martin GEORGES, Laetitia JOUS , Julia ORENBACH, Andrea SCHMITZ, Ethan VERHEYDEN.
Durée : 2h entracte compris
THEATRE ROYAL DU PARC, Rue de la Loi, 3, 1000 BRUXELLES Billetterie :02/505.30.30
Publié(e) par Deashelle le 24 janvier 2018 à 10:30
Les souffrances du jeune Gauthier, exorcisme de la douleur...
....Gauthier est un clown sans frontières. Sambuca est son ange triangulaire... Face aux victimes de la guerre, de la misère ou de l'exclusion, aujourd'hui, il perd le sens de sa vie à un point qui pourrait lui être fatal.....
Attendu que la mort de la chanteuse Amy Winehouse ( 27 ans) dans son appartement de Londres est restée inexplicable (Back to Black!) ;
QueGauthier est né sans le vouloir ;
Que sa générosité naturelle et sans limite l’a mené des Philippines au Liban, en passant par un an cœur du Cambodge, pour faire renaître le sourire dans le cœur et les yeux d’enfants orphelins, déshérités, enfermés dans des camps ;
Qu'il s’est inondé pendant dix ans de toute la misère du monde et n’a plus un coin sec où pleurer ;
Que son ange triangulaire - que certains nommeront conscience, psy, meilleur ami imaginaire ou non - va faire tout pour lui faire retrouver le goût de vivre et la flamme rayonnante indispensable à tout être humain, selon la formule bien connue de « rise and shine ! » ou de « this little light of mine ! » ;
Que nous assistons à une authentique séance de shamanisme pour chasser les fantômes malfaisants et trompeurs, volutes de fumée lumineuse et transes garanties ;
Que l’on touche de près à l'absurdité de la souffrance, aux questionnements, et à certains souvenirs personnels, de part et d'autre de la frontière entre la scène et le public, mais où est passée la frontière?
QueGauthier a livré toute son histoire à Pietro ;
Et...
Pas n’importe lequel: Pietro Pizzuti, en personne et que celui-ci, l’a recueillie, comme il recueille les migrants du Parc Maximilien et a construit au milieu du délire, un personnage fulgurant, chasseur de tous les faux-semblants et de toutes les impostures ;
Que sieur Alain Eloi, véritable caméléon ensorceleur, spécialiste du changement de peaux et de mots, n’est pas le flic des ONG, mais fait résonner la sagesse au milieu de la catastrophe et a été présent aux côtés de Gauthier depuis le jour de sa naissance ;
Que la richesse intérieure de Gauthier - Clown et Comédien - est aussi inépuisable que ses bulles ;
Quela colère et le doute animent le jeu, dès les premières répliques ;
Que le décor est un chaos poétique et surréaliste savamment organisé ;
Que l’association Clown sans frontières Belgique qui part régulièrement aux quatre coins du monde et en Belgique est une organisation solidaire qui ne table que sur le pur bénévolat, et sur le timide soutien d’un public heureusement révolté par la souffrance qu’endurent des millions d’enfants en situation de guerre, d'abandon ou de famine ;
Que ce sont la guerre et la violence qui n’ont pas de frontières ;
Qu'en définitive le jeu des deux acteurs est magnifique et palpitant d’un bout à l’autre ;
Que Gauthier est prêt à arrêter les pilules qui le maintiennent en vie pour oublier l’horreur vécue au coeur des ténèbres, et qu’il a vu qui étaient les vrais salauds…rapport aux gosses, et rapport à Amy Winehouse…sans doute ;
Qu’il ne voit même plus ce qu’est devenue son âme, qu’il a perdu sa liberté de penser, d’agir, que rien ne va plus… tant il a côtoyé l’innommable ;
Mais que l’Ange l’a sommé de CONTINUER,
Et que l'aube s'est levée quand Gauthier a promis de TRANSMETTRE,
Pour toutes ces raisons aussi futiles qu'inimaginables, il faut se précipiter voir cette pièce qui n’est pas une pièce, ni une pièce de musée mais une pièce d’artillerie contre l’injustice, la haine, le pourrissement. Une pièce à conviction, car elle redonne le souffle vital, le bon sens, et plus généralement le rire aux lèvres, grâce aux sortilèges des nez rouges et leur armée de pitreries,
Et puis, c’est tellement dense, qu’il vous faudra un temps d’arrêt pour ressentir profondément ce que cela fait, et comment gérer vos nouvelles émotions, et comprendre qu’il en faut peu pour être heureux et se mettre à rayonner chacun avec ses propres talents…
Et surtout, l’écriture explosive et onirique de la mise en scène porte la belle signature de Christine Delmotte, véritable révélatrice d’humanité! Sorcière si éprise de liberté qu'elle puise le pouvoir de ses philtres magiques dans les plis de son âme, de ses racines, de sa capacité à aimer, de ses rages et de ses failles où transparaît la LUMIERE!
De Pietro Pizzuti, mise en scène de Christine Delmotte avec Gauthier Jansen et Alain Eloy. Du 17 janvier au 3 février 2018 à 20h30 à l’Atelier Théâtre Jean Vilar et du 28 février au 31 mars 2018 auThéâtre des Martyrs.
Publié(e) par Deashelle le 11 septembre 2017 à 3:00
Des clés pour l’opéra, …au cœur de la Forêt de Soignes
Quoi de plus enthousiasmant pour débuter la nouvelle saison de critiques chez Arts et Lettres, que le charmant spectacle « Il était une fois… une flûte enchantée ! » une adaptation pour enfants de l’œuvre de Mozart en 60 minutes de bonne humeur et de légèreté, écrite par Sophie van der Stegen, respirant l’exquise musique du compositeur et son rêve des Lumières! La (Petite) Flûte Enchantée est un projet Enoa (European Network of Opera Academies), en coproduction avec l’ Escuela de Musica Reina Sofia, Fondation Calouste-Gulbenkian. La tournée a débuté en Belgique le 26 août à Louvain-la-Neuve (au Kidzic à la ferme du Biéreau), nous l’avons dégustée ce samedi 10 septembre, à La Chapelle Musicale Reine Elisabeth qui affichait complet! Ensuite elle voguera vers d’autres contrées…
Heather Fairbairn, ludique et mystérieuse, est à la mise en scène. Tout commence avec des enfants munis de coussins et de masques d’oiseaux joliment assemblés avant le spectacle qui se rassemblent autour d’un podium servant d’écrin à un arbre de lumière stylisé, seul représentant d’une forêt imaginaire. Les baies vitrées de la salle de la Chapelle musicale donnent sur les bois. Ainsi, au cours de cet opéra participatif et immersif, les jeunes de l’école maternelle à l’école primaire picoreront en live et pour la première fois pour nombre d’entre eux, les graines de l’éveil musical et amoureux. La flûte enchantée n’est-telle pas une initiation au coup de foudre, à l’amour au premier regard, puis à sa maturation en empruntant la voie étroite?
Quelque part, un escabeau sans prétention et un coffre à malices ou à costumes ont rejoint le mystère de greniers d’antan. A l’autre bout, une pianiste (Julie Delbart /Marie Datcharry) fera frémir des atmosphères : des orages terrifiants, l’autorité du sage, les déclarations d’amour et les improvisations de bonheur qui pétillent dans la musique originale d’Ana Seara! 150 regards émerveillés qui ont fait le pari de l’imaginaire seront comblés, l’énergie du conte et de la musique circule avec naturel. Comme le dit la conclusion du spectacle : « La musique, l’amour, l’amitié et l’imagination, c’est tout l’Opéra. »
Le ténébreux barytonGuillaume Paire incarnait avec voix assurée et entregent solide un Papagéno génial, en costume d’explorateur, ainsi que le mage Sarastro … et la Reine de la Nuit et ses maléfices! D’emblée, il sauve le séduisant prince Tamino (le très romantique ténor, brûlant et enchanteur, Fabien Hyon)du terrifiant serpent de la forêt, grand comme une ablette. Rires. Celui-ci tombera ensuite amoureux du portrait de Pamina, enlevée à sa terrible mère, et séquestrée par Sarastro. Flûte enchantée et carillon magique convoquent la magie… Mais pas que : la magie même du spectacle et la voix des enfants devenus oiseaux des forêts, ouvrent les portes de l’imaginaire! Des épreuves terribles attendent le jeune couple, dont la pire : le silence! Parents et enfants se retrouvent à rêver devant la vraie fée du spectacle Pamina (Julie Gebhart) : délicate, frissonnante, juvénile, tendre, exquise image de princesse, douée d’une voix extraordinaire au timbre fruité et aux aigus très agréables. C’est la même interprète, Julie Gebhart qui représente la coquine Papagéna. « En musique, aidez-nous à trouver Papagéna ! » lance le maître du jeu musical, en nettement mieux que Dora l’exploratrice! Rassemblées dans la joie de l’écoute et des rires, les gosses de tous âges et leurs parents sont réellement conquis par la découverte !
Mind you! If you want to support the project, nominate us for an Opera Award! - Visit www.operaawards.org/nominate - In the category 'Education & Outreach', type: Queen Elisabeth Music Chapel's La (petite) Flute Enchantee
Publié(e) par Deashelle le 15 septembre 2017 à 4:00
Des clés pour l’opéra, …au cœur de la Forêt de Soignes
Quoi de plus enthousiasmant pour débuter la nouvelle saison de critiques chez Arts et Lettres, que le charmant spectacle une adaptation pour enfants de l’œuvre de Mozart en 60 minutes de bonne humeur et de légèreté, écrite par Sophie van der Stegen, respirant l’exquise musique du compositeur et son rêve des Lumières! La (Petite) Flûte Enchantée est un projet Enoa (European Network of Opera Academies), en coproduction avec l’ Escuela de Musica Reina Sofia, Fondation Calouste-Gulbenkian. La tournée a débuté en Belgique le 26 août à Louvain-la-Neuve (au Kidzic à la ferme du Biéreau), nous l’avons dégustée ce samedi 10 septembre, à La Chapelle Musicale Reine Elisabeth qui affichait complet! Ensuite elle voguera vers d’autres contrées…(Luxembourg, Portugal & Espagne!)
Heather Fairbairn, ludique et mystérieuse, est à la mise en scène. Tout commence avec des enfants munis de coussins et de masques d’oiseaux joliment assemblés avant le spectacle qui se rassemblent autour d’un podium servant d’écrin à un arbre de lumière stylisé, seul représentant d’une forêt imaginaire. Les baies vitrées de la salle de la Chapelle musicale donnent sur les bois. Ainsi, au cours de cet opéra participatif et immersif, les jeunes de l’école maternelle à l’école primaire picoreront en live et pour la première fois pour nombre d’entre eux, les graines de l’éveil musical et amoureux. La flûte enchantée n’est-telle pas une initiation au coup de foudre, à l’amour au premier regard, puis à sa maturation en empruntant la voie étroite?
Quelque part, un escabeau sans prétention et un coffre à malices ou à costumes ont rejoint le mystère de greniers d’antan. A l’autre bout, une pianiste (Julie Delbart /Marie Datcharry) fera frémir des atmosphères : des orages terrifiants, l’autorité du sage, les déclarations d’amour et les improvisations de bonheur qui pétillent dans la musique originale d’Ana Seara! 150 regards émerveillés qui ont fait le pari de l’imaginaire seront comblés, l’énergie du conte et de la musique circule avec naturel. Comme le dit la conclusion du spectacle : « La musique, l’amour, l’amitié et l’imagination, c’est tout l’Opéra. »
Le ténébreux barytonGuillaume Paire incarnait avec voix assurée et entregent solide un Papagéno génial, en costume d’explorateur, ainsi que le mage Sarastro … et la Reine de la Nuit et ses maléfices! D’emblée, il sauve le séduisant prince Tamino (le très romantique ténor - brûlant et enchanteur - Fabien Hyon) du terrifiant serpent de la forêt, grand comme une ablette. Rires. Celui-ci tombera ensuite amoureux du portrait de Pamina, enlevée à sa terrible mère, et séquestrée par Sarastro. Flûte enchantée et carillon magique convoquent la magie… Mais pas que : la magie même du spectacle et la voix des enfants devenus oiseaux des forêts, ouvrent les portes de l’imaginaire! Des épreuves terribles attendent le jeune couple, dont la pire : le silence!
Parents et enfants se retrouvent à rêver devant la vraie fée du spectacle Pamina (Julie Gebhart) : délicate, frissonnante, juvénile, tendre, exquise image de princesse, douée d’une voix extraordinaire au timbre fruité et aux aigus très agréables. C’est la même interprète, Julie Gebhart qui représente la coquine Papagéna. « En musique, aidez-nous à trouver Papagéna ! » lance le maître du jeu musical, en nettement mieux que Dora l’exploratrice! Rassemblés dans la joie de l’écoute et des rires, les gosses de tous âges et leurs parents sont réellement conquis par la découverte !
Mind you! If you want to support the project, nominate us for an Opera Award! - Visit www.operaawards.org/nominate - In the category 'Education & Outreach', type: Queen Elisabeth Music Chapel's La (petite) Flute Enchantee
«Avec l'amour maternel, la vie vous fait, à l'aube, une promesse qu'elle ne tient jamais. Chaque fois qu'une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son cœur, ce ne sont plus que des condoléances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné. Jamais plus, jamais plus, jamais plus. Des bras adorables se referment autour de votre cou et des lèvres très douces vous parlent d'amour, mais vous êtes au courant. Vous êtes passé à la source très tôt et vous avez tout bu. Lorsque la soif vous reprend, vous avez beau vous jeter de tous côtés, il n'y a plus de puits, il n'y a que des mirages. Vous avez fait, dès la première lueur de l'aube, une étude très serrée de l'amour et vous avez sur vous de la documentation. Je ne dis pas qu'il faille empêcher les mères d'aimer leurs petits. Je dis simplement qu'il vaut mieux que les mères aient encore quelqu'un d'autre à aimer. Si ma mère avait eu un amant, je n'aurais pas passé ma vie à mourir de soif auprès de chaque fontaine. Malheureusement pour moi, je me connais en vrais diamants. »
Une interprétation d’envergure
Mangeur d’étoiles, bourré d’humour et de retenue, homme de qualité, grand maître du seul en scène sans une minute d’ennui ou l’ombre d’une gesticulation, καλὸς κἀγαθός, est-il un gentleman anglais, ce Michel Kacenelenbogen qui endosse l’espace d’ un soir, la personnalité complexe de Romain Gary, héros de guerre, consul de France, écrivain prolifique et énigmatique? Au pire moment, son interprétation bouleversante du lien mère-fils, laissera le visage simplement baigné de larmes. Les spectateurs émus, le visage saoulé de tendresse, redescendent les escaliers de la salle, la plupart en silence, le sourire aux lèvres, l’amour diamant fiché dans le cœur.
Le mystérieux Romain Gary dans « La promesse de l’aube » fait revivre son enfance échevelée en 400 pages d’amour absolu pour sa mère, Nina. Couvé par un regard émerveillé, il a été porté et enivré par un amour maternel inconditionnel. Pour lui, elle est le tout ! Et pourtant, indomptable, colérique, héroïque, intraitable, possessive, se mêlant de tout, elle en fait trop, en tout, et tout le temps. Il en est conscient à chaque étape. Son seul rêve est d'essayer de ne pas la décevoir, mais la barre est bien haut. De la Russie, à Paris, puis en Pologne et enfin à Nice, elle n’en finit pas d’accoucher du prince de ses pensées qu’elle ne cesse d’auréoler et d’aduler, quelles que soient ses déboires pécuniaires. Déterminée, porteuse de ses ambitions, envahissante au possible, omnisciente, omniprésente, filivore, sa génitrice adorée …et parfois haïe est le modèle absolu de la Femme pour Romain Gary. Elle est amour, compassion et tendresse. Elle est Christique, et juive. Seule en ligne dans l’éducation de son fils unique, elle surmonte tous les obstacles, lui offre la meilleure éducation, elle vante ses mérites imaginaires, lui rêve son avenir professionnel, encourage sa vie amoureuse, et projette sur lui son idéal masculin. Ce fils est sa victoire, et pas seulement une promesse.
«Ecoute-moi bien. La prochaine fois que ça t'arrive, qu'on insulte ta mère devant toi, la prochaine fois, je veux qu'on te ramène à la maison sur des brancards. Tu comprends ? » lui dit-elle, en lui administrant les premières gifles de sa vie. Il a dix ans et devient le chevalier protecteur de sa mère. A plusieurs reprises, il a pourtant senti la honte du ridicule et l’humiliation l’envahir devant les autres. La passion se mêle alors à la douleur.
« Tu seras un héros, tu seras général, Gabriele D'Annunzio, Ambassadeur de France – tous ces voyous ne savent pas qui tu es! Je crois que jamais un fils n'a haï sa mère autant que moi, à ce moment-là. Mais, alors que j'essayais de lui expliquer dans un murmure rageur qu'elle me compromettait irrémédiablement aux yeux de l'Armée de l'Air, et que je faisais un nouvel effort pour la pousser derrière le taxi, son visage prit une expression désemparée, ses lèvres se mirent à trembler, et j'entendis une fois de plus la formule intolérable, devenue depuis longtemps classique dans nos rapports : - Alors, tu as honte de ta vieille mère ? »
Une chose est certaine, c’est elle qui lui a transmis sa force et sa fierté démesurée. Sa dernière lettre en témoigne : « Sois dur, sois fort et continue… » Souligné trois fois. Quel viatique!
Une mise en scène sans aucune fioriture
Elle est signée Itsik Elbaz, lui qui a joué Momo aux côtés de Janine Godinas dans « La Vie devant soi ». Une mise en scène au naturel, comme s'il n'y avait pas de scène, juste de la confidence pleine de pudeur, adossée à la tôle ondulée d’un hangar sur lequel courent des lucarnes de promesses et des images fugaces de temps et de lieux. Et, au détour de passages particulièrement émouvants, naît parfois la lumière intérieure de merveilleuses musiques diaphanes, belles comme des berceuses… russes dans l’âme peut-être.
LA PROMESSE DE L'AUBE
De Romain Gary Mise en scène Itsik Elbaz. Avec Michel Kacenelenbogen
"Eliott et Pimprenelle" raconte la rencontre entre un petit garçon qui vit dans sa bulle et une elfe de jardin née sans ailes. Leur amitié les rendra plus forts. Cette histoire sort tout droit de l’imaginaire et de l’immense générosité d’âme d’une auteur passionnée. Nous avons croisé Silvana dans les allées du verbe à Bruxelles. Interview de la Sabam:
Si vous deviez vous présenter par le jeu d’un portrait chinois, comment le feriez-vous ? « Si j’étais une saison, je serais le printemps. si j’étais une couleur, je serais le rouge. Si j’étais un livre, je serais Belle du Seigneur. Si j’étais un endroit, je serais une crique sauvage au bord de l’Océan. Si j’étais une fleur, je serais un coquelicot. Si j’étais un animal, je serais un aigle »
Quel est votre parcours ? Qui êtes-vous derrière la plume ? Avez-vous d’autres cordes artistiques à votre arc ? « J’ai commencé à écrire des poèmes vers l’âge de huit ans. Ensuite des nouvelles. Beaucoup de textes sont parus dans des magazines. Mais c’est seulement depuis dix ans que je suis publiée par plusieurs maisons d’édition. Contes pour la jeunesse, poésie, humour, nouvelles et romans. Je suis avant tout une femme passionnée qui a besoin de partager ses découvertes. Le conseil en image fait partie des outils qui me sont utiles pour aider les femmes et les hommes à être bien avec eux-mêmes. J’ai aussi créé et j’anime chez moi un atelier de récit de vie « Je déclare la paix en moi » qui me donne beaucoup de joie »
Votre dernier livre est un livre pour les enfants. Comment l’appréhender ? Le définir ? « Eliott et Pimprenelle raconte la rencontre entre un petit garçon qui vit dans sa bulle et une elfe de jardin née sans ailes. Leur amitié les rendra plus forts »
Pouvez-vous nous en dire plus sur le sujet ? « Beaucoup de jeunes enfants ont un ami imaginaire que les adultes ne voient pas. Je pense que cette histoire va leur permettre de vivre leur imaginaire. C’est mon deuxième livre pour enfants. Le premier, « La princesse Amandine », a déjà ravi petits et grands. J’ai fait appel à la même illustratrice, Sophie Pfaerhoever, qui met en images et en couleurs le monde féérique, plein de tendresse, dans lequel j’emmène les petits. J’ai envie de faire réaliser une poupée Pimprenelle qui serait proposée avec le livre et qui deviendrait la confidente de l’enfant. Si une créatrice se sent inspirée… ( ou un créateur?) »
Quelles sont les anecdotes de la naissance d’un livre ? « En ce qui me concerne, les personnages s’incarnent à travers moi, pour raconter leur histoire. Je ne décide rien »
Quel regard portez-vous sur le métier d’auteur ? Est-ce un parcours du combattant pour être édité ? « C’est le plus beau métier du monde. L’écrivain apporte du rêve, de l’espoir, du plaisir. Il est à la base des pièces de théâtre et des films. Tout commence par l’écriture. Personnellement, je n’ai aucun problème pour être éditée par des petites maisons d’édition. Par contre, je n’ai pas encore réussi à intéresser une « grande » maison qui se charge de la promotion et de la diffusion et qui offre les services d’un agent littéraire »
Comment voyez-vous votre parcours d’écrivain pour les mois et les années à venir ? « Je cherche un éditeur pour un roman que je viens de terminer, ainsi que pour un « carnet de travail » sur le thème de mon atelier d’écriture « Je déclare la paix en moi ». Cela permettra aux personnes qui ne peuvent venir chez moi de faire le travail chez elles »
Comment naît un thème en vous ? Comment devient un projet d’écriture ? Vous lancerez vous dans la fiction ? Le roman ? « Par inspiration. Pour le moment, je n’ouvre pas mon canal car il faut que je m’occupe des livres déjà mis au monde ( 8) et des deux nouveaux dont je vais bientôt accoucher »
Et votre relation à la SABAM ? « Je participe régulièrement aux soirées organisées par la SABAM. Je suis heureuse d’y retrouver d’autres auteurs, je m’y sens en famille »
Une question à vous poser ? « Croyez-vous en l’Humanité? »
Une question à ne jamais vous poser ? « Je suis ouverte à toutes les questions »
Publié(e) par Deashelle le 16 février 2015 à 12:30
« Il faut vivre d'amour, d'amitié, de défaites Donner à perte d'âme, éclater de passion Pour que l'on puisse écrire à la fin de la fête Quelque chose a changé pendant que nous passions… »
Elle excelle dans les montages poétiques de la chanson française : on se rappelle en 2014 le délirant Welcome to the années folles et en 2012, son explosif Cabaret du Chat Noir. Le spectacle créé cette fois par Laurence Briand a encore du cœur, du corps et du mouvement et toujours du Verbe! Cette fois, elle fait équipe avec une autre princesse de la Chanson française ressuscitée : Amélie Segers qui nous livra son inoubliable « Sous le ciel de Paris » sous la direction de Bernard Damien au théâtre du Grand Midi à Ixelles, en 2012.
Exploitant le poignant poème d’Aragon « Est-ce ainsi que les hommes vivent » , Laurence s’interroge sur le mystère de notre existence : Comment et pourquoi vivons-nous ? Le spectacle tout en roses de la saint-Valentin se mue en spectacle rouge sang, à moins qu’il ne s’agisse des noces avec la vie ? Les robes sont rouges, comme pour les mariages indiens. Un mariage pur-sang fait de poésie forte, de présence, de proximité, de dynamisme échevelé fait la nique à la léthargie ambiante, émaillant l’élan passionnel de lucides traces de désenchantement. Les deux artistes, que le destin scénique a réunies, sont toutes deux en marche, et chantent sans concession l’amour à travers l’enfance, la guerre, la solitude, la séparation pour terminer sur un crédo en la vie.
Texte, voix, musiques, jeu scénique, apprivoisent et enchantent le lecteur d’oreille. Les mélodies et les chansons de Reggiani, Barbara, Brassens, Ferré, Montand, Jean Ferrat, Brel et bien d’autres refleurissent soudain dans les cœurs, telles de fleurs sous une pluie soudaine en plein désert. Les yeux verts de renard et ceux de braise brillent de la connivence qui s’établit de part et d’autre de la rampe. La diction impeccable des jeunes artistes, leur souffle et leurs visages œuvrent sans complexe dans une proximité bouillonnante, ajoutant dans les chansons tout ce dont on ne se souvient pas ou plus, soulignant ce qu’on n’avait jamais remarqué avant à l'écoute des vieux vinyls. C’est un transport de bonheur partagé. Les deux consœurs mimétiques vivent la mélodie et le texte à fleur de peau tandis que le pianiste brode son clavier et leur sert de temps en temps de tiers révélateur. Seuls « leurs baisers au loin les suivent, comme des soleils révolus! » Et pour nous, le cadeau de leur mise en oreille de textes et mélodies impérissables!
Sûr que face à la violence de la vie, il faut vivre, nous soufflent Reggiani et ses prêtresses, « pour pouvoir écrire à la fin de la fête : « quelque chose a changé pendant que nous passions ! » Lisez: « Passion ».
Est-ce ainsi que les hommes vivent ? Dans le cadre de la St Valentin
Avec : Laurence Briand et Amélie Segers Au piano : Arnaud Giroud Montage des chansons en spectacle : Laurence Briand Coaching vocal : Marie-Laure Coenjaerts Mise en scène : Hélène De Wilde Production : Toc Toc Art
Publié(e) par Deashelle le 27 novembre 2014 à 7:30
Lewis Carroll, le romancier anglais qui a raconté l’histoire onirique d’ « Alice au Pays des Merveilles », n’avait pas imaginé le succès mondial et intemporel de son héroïne toute candide et romantique, curieuse à l’infini et si ...subversive. La nouvelle adaptation de ce mythe, présentée cette saison au Théâtre du Parc de Bruxelles, ne laissera pas indifférent. On est loin du prêt à consommer du film de Burton sorti en 2010. Loin du rêve cinématographique fabriqué dans un déluge de créatures numériques et de décors somptueux.
Passons la parole à Jasmina DOUIEB, metteur en scène et maitre d’œuvre avec Thierry Janssen de la réappropriation du matériau poétique d'Alice :
« Les mythes ont ceci de particulier qu’ils fascinent et marquent les sens. Ils outrepassent toutes les frontières : culturelles, générationnelles et temporelles. Ils échappent à toutes les réductions, simplifications ou tentatives d’en cerner les contours. Ils partent en fumée sitôt que vous tentez de les saisir. Et pourtant, les histoires qu’ils charrient demeurent fixées dans les esprits, comme des rêves ou des fantasmes. On n’est jamais sûrs de ce qu’ils signifient et pourtant on reste irrémédiablement hypnotisés. Les Aventures d’Alice c’est bien plus qu’un livre pour enfants, c’est un mille-feuilles qui touche au mythe. C’est une mer d’histoires aux multiples entrées. »
Ces quelques mots sont très révélateurs de la place laissée à l’Imaginaire dans ce magnifique spectacle esthétiquement et théâtralement parfait. La quête du bonheur et le plaisir vertigineux de la découverte d’Alice s’opposent à un monde absurde et chaotique où se côtoie une galerie de personnages burlesques et énigmatiques qui ont peuplé nos rêveries enfantines. Le lapin, Le chapelier fou, la chenille et son narguilé, le non-anniversaire, la partie de croquet, la reine de cœur "Qu'on lui coupe la tête!"... se retrouvent ressuscités!
Le texte est mis en abime par le biais du livre que relit Alice devenue grande et venue au chevet de son créateur qui est sur le point de passer de l’autre côté du miroir. Pour nous c’est l’occasion aussi de revisiter notre monde imaginaire d’enfant et d’y emmener même notre progéniture, à qui nous offrirons le miroir théâtral pour pénétrer le mystère hypnotique du conte fantastique. Le lendemain de la première, c’étaient de sages élèves, menés par de joyeux professeurs qui occupaient les derniers rangs de la salle ! Rires et réactions enthousiastes fusaient pour l’émotion créée par une mise en scène fourmillant d’astuces! C’ est un réel défi que de pouvoir jouer avec les perspectives spatiales et faire grandir et rapetisser Alice sur le plateau d’un théâtre, non ?
Rien n’est imposé, tout est suggéré. Tout est proposition et invitation au rêve et voyage. Le cadre magique, la beauté épurée des tableaux, des décors et des costumes soulignent la dimension poétique d’un conte qui passionne par ses innombrables interprétations possibles.
Esthétiquement, la mise en scène suscite l’admiration. L’incroyable galerie de personnages loufoques défile avec une logique millimétrée…On finirait par y croire et s’y croire! Non seulement l’espace est tordu grâce au champignon magique, mais le temps, notre pire ennemi, est explosé. Il est tour à tour figé, avancé, reculé, ridiculisé pour notre plus grand bonheur! Le temps perdrait il son sens ? « Le non-sens est plus qu’un jeu chez Carroll ; il détruit le bon sens « en tant que sens unique ». La petite Alice est en état de devenir permanent. Ses transformations de taille et donc d’âge - puisque, par ce biais, elle grandit -, brouillent son identité qui devient infinie. Elle est, dans son corps, à la fois hier et demain ; elle est toutes les possibilités d’elle-même réunies dans un même espace temps. Dans cette esthétique du renversement, les contours d’Alice s’effacent. Elle se cogne aux murs d’un monde désespérément trop grand ou trop petit pour elle. Un monde auquel elle ne parvient pas à appartenir. Jamais la bonne taille, jamais la bonne attitude. »
Les métamorphoses se suivent et s’enchaînent grâce au moteur principal : le rire omniprésent. Qu’il soit dérision, humour grinçant, ou haut comique de situation, chaque spectateur y trouve sa part de connivence avec les comédiens. Et les enfants apprennent, sur les pas de la jeune Alice au caractère bien trempé, à douter de toutes les apparences, à dégonfler les impostures et à détester la dictature! Avec six comédiens seulement, tous magiques, eux aussi! Michel CARCAN (Lewis Caroll), Lara HUBINONT(le Chat) , Thierry JANSSEN (la Reine) , Sophie LINSMAUX(dans le rôle d'Alice), Françoise ORIANE(Le Bombyx), Clément THIRION(le Roi). Jubilatoire!
Mise en scène : Jasmina DOUIEB - Assistanat : Alexandre DROUET.
Scénographie, costumes, masques, marionnettes : Anne GUILLERAY et Geneviève PERIAT.
Lumières : Philippe CATALANO - Musique : Daphné D’HEUR.
Publié(e) par Robert Paul le 6 septembre 2014 à 1:30
"Le mystère des saints innocents" est une oeuvre de Charles Péguy (1873-1914), parue dans les "Cahiers de la Quinzaine" le 24 mars 1912, à l'occasion du temps pascal et de l'anniversaire de la délivrance d' Orléans. Elle est composée en prose poétique où s'entremêlent des vers la tins et des passages de l'Ecriture. Un hymne de missel, dû au poète latin Prudence, en est le prétexte. Que les petites victimes d' Hérode, mortes dans l'ignorance du "Nouveau Testament", soient fêtées par l'Eglise à l'égal des plus grands saints, est un gage du mérite suprême de l' innocence. Dieu le dit lui-même, par la bouche de Madame Gervaise, nonne lorraine, protagoniste des précédents "Mystères", et de Jeannette (réincarnation de Jeanne d'Arc), dont le rôle est ici plus épisodique. L' espérance, semblable au bourgeon du chêne à la fin d'avril, et sans qui l'arbre ne serait que bois mort, est bien son petit enfant préféré. Le souvenir de Jésus qui fut aussi une espérance de salut et de vie rappelle, par contraste, la nuit qui jeta son calme manteau sur la terrible scène de la Passion. Dieu évoque le bonheur de ceux qui, au soir d'une journée difficile, se remettent entièrement entre ses mains, sans ressasser leurs peines ou leurs fautes, et sans se soucier du lendemain. Celui qui fait une simple prière peut s'abandonner en toute quiétude au sommeil. La prière des hommes monte vers Dieu, telle une immense escadre avançant en bon ordre: la flotte des "Pater" en tête, celle des "Ave", puis des autres innombrables prières traversant ainsi l'océan de la colère divine. Mais cet abandon à Dieu n'est pas l'abdication de la liberté, qui reste le propre de l'homme. Saint Louis ne s'agenouille pas comme un tremblant esclave d'Orient. Joinville qui n'avait ni sainteté, ni même l'héroïsme puisqu'il préférait commettre trente péchés mortels qu'attraper la lèpre, possédait un coeur pur et savait prier. Y-a-til d'ailleurs quelqu'un qui sache mieux prier que le Français? Dieu commence alors un vif éloge des Français (véritable morceau d'anthologie): "Avant qu'on ait fini de parler, ils ont compris, c'est embêtant, dit Dieu. Quand il n'y aura plus ces Français -Il y a des choses que je fais, il n'y aura plus personne pour comprendre". Mais revenant à son propos initial, Dieu explique comme l' "Ancien Testament" contient l' espérance du "Nouveau". C'est l'occasion d'un long dialogue où Madame Gervaise et Jeannette rapportent l'histoire de Joseph, vendu comme esclave par ses frères et devenu gouverneur du Pharaon. Cet épisode biblique est plein du souci des réalités temporelles, alors que le "Nouveau Testament" ne se préoccupe que des vérités spirituelles et éternelles. Les petits enfants ont le privilège, très précisément reconnu par Jésus-Christ, d'accéder au royaume céleste. Dieu condamne donc l' expérience, "trésor de vide et de disette", exalte une nouvelle fois l' innocence et voit dans le "mot enfant" sa plus haute manifestation. Evoquant le massacre des Innocents, Dieu révèle qu'ils furent proclamés "fleurs des martyrs" grâce, précisément au mystère de l' innocence; il clôt sa méditation sur le charmant tableau où l'on voit les Saints Innocents jouer au cerceau avec leurs couronnes de martyrs, et utiliser des palmes vertes en guise de bâtonnet. On reconnaîtra, au passage, certaines idées que l'auteur a déjà longuement développées dans ses oeuvres en prose. Il revient en particulier sur sa conception de la liberté, qui est lutte contre l'asservissement aux habitudes et au "tout fait", affranchissement de tous les mécanismes intellectuels. Si ce qu'on a pu appeler le bergsonisme de Péguy n'y gagne rien de neuf, son catholicisme par contre y témoigne d'une réelle volonté d'approfondissement. Tous les émouvants et poétiques fragments sur l' Enfance, sur la Nuit, fille de Dieu, sur la valeur comparée de Saint Louis et de Joinville, la saveur tantôt bonhomme et familière, tantôt inspirée, que prend la parole de Dieu, assurent aujourd'hui le plus durable succès de ce "Mystère".
Publié(e) par Deashelle le 20 novembre 2013 à 11:00
Journée internationale des droits de l'enfant
La journée internationale des droits de l'enfant est la date anniversaire de la signature de la Convention internationale des droits de l'enfant le 20 novembre 1989 par 191 pays.
En 1954, l’Assemblée générale des Nations unies recommande que tous les pays instituent une Journée mondiale de l’enfance, sans pour autant en fixer le jour. Le choix du 20 novembre fait référence à la Convention internationale de droits de l'enfant du 20 novembre 1989, dont la date fait référence à la Déclaration des droits de l'enfant du 20 novembre 1959.
À cette occasion, un certain nombre d'événements sont organisés par les acteurs du monde de l'enfance.
Et nous, que faisons-nous? Allons-nous rester alertes au-delà de cette date symbolique?
Une convention et des droits
La Convention Internationale des Droits de l'Enfant est un texte de 54 articles, adoptée par les Nations Unies le 20 novembre 1989. Elle affirme qu'un enfant n'est pas seulement un être fragile qu'il faut protéger mais que c'est une personne qui a le droit d'être éduqué, soigné, protégé, quel que soit l'endroit du monde où il est né. Et aussi qu'il a le droit de s'amuser, d'apprendre et de s'exprimer. Elle a été ratifiée par 191 pays sur 193. Seuls la Somalie et les États Unis ont refusé de s'engager.
Ce texte est très important, mais pas suffisant : il reste beaucoup à faire pour faire des droits des enfants une réalité. Les droits ne sont réels que dans la mesure où ils sont mis en pratique, pour les enfants comme pour tous. Promouvoir les droits des enfants, c'est tout d'abord créer les conditions sociales, économiques et culturelles afin que tous puissent y accéder. C'est à ce prix que les droits de l'enfant seront véritablement respectés.
L'UNESCO a toujours accordé une place significative à l'enfant au sein de ses programmes et de ses activités, qui visent notamment au développement optimal de la personnalité dès la petite enfance, au progrès social, moral, culturel et économique de la communauté, à l'appréciation des identités et valeurs culturelles, et à la sensibilisation au respect des droits et des libertés fondamentales.
La situation en France et dans le monde
La promotion et le respect des Droits de l'Enfant ne doit pas rester un simple idéal, mais doit devenir une réalité au quotidien, que soient enfin reconnus les droits essentiels de l'enfant : droit à la protection, droit à la santé, droit au développement harmonieux, droit à la culture, droit à l'éducation. Enfant en France :
Un million d'enfants pauvres
19.000 enfants maltraités
76.000 sont en danger dans un contexte familial dégradé et qui menace leur développement éducatif et/ou matériel
quelque 240.000 enfants placés ou pris en charge
85 000 sont touchés par le saturnisme
record des suicides des 15-24 ans.
150 000 filles et garçons quittent chaque année le système scolaire sans aucune perspective
15 000 ne suivent pas leurs cours alors qu'ils sont inscrits au collège ou au lycée et qu'ils n'ont pas encore 16 ans.
15 % des enfants qui arrivent au collège ne comprennent pas ce qu'ils lisent
Même si la France traite globalement bien ses 15 millions de moins de 18 ans, elle "peut mieux faire", résumait récemment le Conseil français des associations pour les droits de l'enfant (Cofrade).
Le 14 décembre, l'Unicef sortira son rapport annuel intitulé "Enfants exclus, enfants invisibles", sur les enfants qui ne sont pas enregistrés à l'Etat civil ou les enfants de la rue. Fin 2004, le même rapport indiquait que plus d'un milliard d'enfants sur Terre, soit plus de la moitié au monde, "souffrent de privations extrêmes liées à la pauvreté, à la guerre et au sida.
En 2005, un enfant meurt encore toutes les 3 secondes. Sans parler des millions d’enfants privés d’éducation, de soins, de nourriture, d’eau potable… Parmi les nombreuses oeuvres qui agissent pour que soit reconnue la dignité des pauvres et des enfants du monde entier, l'UNICEF est surement l'une des plus connues, c'est pourquoi nous vous conseillons de découvrir, ou de redécouvrir, l'oeuvre de l'UNICEF.
Je me souviens ... malgré ma mémoire infidèle : L’herbe … après : l’univers ! …Quelqu’un, là-bas, j’appelle. Il me plaisait ainsi, dans l’air, d’appeler loin … Le thym embaume – et le soleil dort … dans le foin. Et puis ? Quel rêve encore me vient du premier âge ? Le jardin – familiers mfeuilles, visages … Feuilles, visages, seuls. Rien que feuillage, gens ! Bout de sentier : je ris ! S’en retenir ? comment ? Je cours, tête mêlée aux nuées, aux murmures. Le souffle empli de ciel, l– de hautes ramures ! Puis le ruisseau, la digue où vont mes pas joyeux … De si loin les entendre ! Un « si loin » merveilleux ! Retour à la maison par l’herbe où l’on gambade Et l’escalier ravi d’un bruit de galopade ! La chambre débordant d’avrils, d’ardents juillets ! J’y traînais ce corps mien … Les lèvres j’appuyais A la vitre … Partir … vers rien – la transparence Et sans limite, à fond, sentir …cette existence.
Publié(e) par Robert Paul le 22 octobre 2012 à 8:11
Du 28 octobre au 4 novembre 2012 se tiendra la sixième édition de Filem'on - Festival international de films pour enfants. Pour les enfants de 2 à 15 ans, Filem’on a programmé près de 80 films. L'offre est très variée: des classiques, des courts métrages d'animation, et aussi des documentaires, ou encore des films non européens. Le thème de cette édition est "le mouvement". Les lieux de projection sont la Cinematek, le Cinéma Aventure, le Cinéma Nova, l'Espace Delvaux, les centres communautaires Ten Weyngaert, Everna et Pianofabriek.
Publié(e) par Robert Paul le 7 janvier 2011 à 2:30
Cet ouvrage de Gaston Bachelard, publié en 1957, clôt le cycle qui commence avec "La psychanalyse du feu" et en même temps, en élargit l'horizon. Après avoir analysé les images poétiques nées de la méditation spontanée sur les quatre éléments, Bachelard en arrive à définir ici l'image poétique comme ayant un dynamisme propre, relevant d'une "ontologie directe"; l'étude objective qu'il a menée à bien à travers les cinq livres précédents doit être complétée par une étude de la "transsubjectivité", grâce à laquelle peut seulement s'expliquer le pouvoir de l'image sur d'autres âmes que celle de son créateur. Cette étude se doit d'être phénoménologique, c'est-à-dire de saisir le départ de l'image dans la conscience individuelle". La poésie apparaît bien en fait comme une "phénoménologie de l' âme"; l'image comme un "devenir d'expression, un devenir de notre être", c'est ici l'expression qui "crée de l'être". Telle est la thèse que le philosophe s'apprête à soutenir dans ses ouvrages suivants -voir Poétique de la rêverie-, ici le domaine de l'enquête où elle s'applique est limité à ce que Bachelard appelle "l'espace heureux", c'est-à-dire l'espace possédé, défendu contre les forces adverses, l'espace aimé, et tout d'abord l'espace intime, l'espace refuge, la maison qui, à travers la rêverie et l'oeuvre des poètes, apparaît comme un véritable principe d'intégration psychologique du monde au moi, la maison avec ces lieux divers, divertissement valorisés: la chambre, la cave, le grenier. La maison c'est à la fois l'origine, la maison natale et l'avenir: la maison rêvée. Procédant du contenant aux contenus qui sont encore des contenants, Bachelard étudie ensuite les "maisons des choses", le tiroir, le coffre, l'armoire qui "portent en eux une sorte d' esthétique du caché". Deux chapitres consacrés au "Nid" et à "la coquille", ces deux "refuges du vertébré et de l' invertébré" analysent les rêveries humaines d'intimités imaginaires, aériennes, posées à la fourche des branches ou durement incrustées comme le mollusque dans la pierre qu'il secrète. Avec "les coins", il explore ces cachettes où l' enfant se blottit, se crée à lui-même sa petite maison au sein de la grande et il nous montre que les plus grands écrivains n'ont pas dédaigné ce thème. "La miniature" et "l'immensité intime" développent la dialectique du petit et du grand telle qu'elle apparaît dans la poésie et conduisent le philosophe à exposer de manière toute personnelle "la dialectique du dehors et du dedans", enfin, déduite des images des poètes, une "Phénoménologie du rond". Ici encore la subtilité toute en nuances de Bachelard, son attention extrême à la parole écrite l'amènent à découvrir, sous la surface des mots, des images, la résonnance qu'ils ont au plus profond de nous-mêmes et par là à mettre au jour les structures de notre inconscient.
Publié(e) par Robert Paul le 7 janvier 2011 à 2:05
Avec cet ouvrage publié en 1960, le philosophe français Gaston Bachelard (1884-1962), complète l'importante série d'études consacrées à l'imagination poétique, qui va de la "Psychanalyse du feu" à la "Poétique de l'espace". Cette fois, ce ne sont plus les objets de la rêverie, mais la rêverie elle-même dans son mécanisme, dans ses modalités, qui est en cause. C'est ici encore la méthode phénoménologique -école de naïveté", dit l'auteur -qui est utilisée, afin d'élucider le processus de la rêverie, que la psychanalyse, faisant porter tous ses efforts sur le rêve, a laissé de côté. Pourtant la rêverie "nous donne le monde d'une âme"; l'image poétique "porte témoignage d'une âme qui découvre son monde, le monde où elle voudrait vivre. Où elle est digne de vivre". Leur étude seule peut permettre d'édifier une "phénoménologie de l' âme".
L'ouvrage débute sur des considérations très personnelles, des rêveries sur la rêverie", divisées en deux parties: "Le rêveur de mots", qui fixe des "pensées vagabondes" sur le genre des mots et leur signification, à propos de la différenciation qu'établit le langage entre la rêverie (féminin) et le rêve (macsulin), "Animus"-"Anima", où le philosophe, reprenant la distinction établie par Jung entre ces deux principes dialectiques de la psychologie des profondeurs, montre qu'elle s'applique parfaitement à l'objet de son étude: "La rêverie est sous le signe de l' anima. Quand la rêverie est vraiment profonde, l'être qui vient rêver en nous c'est notre anima."
C'est vers l'enfance que nous ramène le plus souvent la rêverie, mais vers l'enfance rêvée, vers les "images animées" conservées dans un coin de la mémoire, car "l' enfance dure toute la vie". Le chapitre consacré aux "Rêveries vers l' enfance" constitue une "ébauche d'une métaphysique de l' inoubliable". Le plaisir qui naît de la rêverie est, contrairement à celui du rêve, un plaisir conscient, actuel. Le rêveur nocturne ne peut énoncer un "cogito", "le rêve de la nuit est un rêve sans rêveur, alors que le rêveur de rêverie garde assez de conscience pour se dire: "C'est moi qui rêve la rêverie". Lorsque celui qui s'abandonne à la rêverie s'est détaché du quotidien, du souci, il s'ouvre au monde et le monde s'ouvre à lui, il devient un "rêveur de monde". La rêverie aide à habiter le monde, à habiter le bonheur du monde.
S'appuyant sur des exemples puisés aux meilleures sources, chez les grands écrivains, chez les poètes, Bachelard mène à bien ici une véritable réhabilitation de la rêverie, qui est un retour à l'essentiel, une espèce d'hygiène de l' âme. Souplesse et rigueur de l'analyse, appliquées au presque inalalysable, font la valeur de ce livre, un des plus personnels, un des plus profonds qu'il ait écrits.
Publié(e) par Serge ULESKI le 31 octobre 2010 à 11:16
Ô Seigneur ! Est-il possible que le calice passe loin de moi, qu’il ne me soit jamais permis de le saisir ? Moi qui suis à la tâche, jour après jour, indéfectible, comme d’autres... au temple, zélés et fervents !
______________
A quinze ans, la terre ne nous appartient pas encore mais le monde n'existe que pour nous - du moins, pour nous qui sommes capables de lui répondre par l’affirmative : « Oui, je le veux ! Oui, je le peux ! »
A quinze ans, on aime tout ce qui a été pensé pour notre âge, tout ce qui nous est destiné, proposé, offert - pour peu qu’on puisse se l’offrir. On espère, on supplie, on désire, on ordonne, on convoite ; et que dire de toutes ces attentes erratiques, confuses qui ne savent pas vraiment ce qu’elles attendent...
A quinze ans, on dépense tout comme de l’or car la pacotille se vend chère puisqu’elle ne s’affiche jamais comme telle : commerce oblige ! On jette les mots par la fenêtre et les parents, leur argent : la paix est à ce prix et le compromis, maintenant historique... aussi. C’est le joueur de flûte avec sa sérénade brillante et vive ; une sérénade hypnotique et luisante que personne ne lui interdira de jouer car, ceux qui ne souhaitent pas y succomber, sont déjà sans voix.
Un monde fait sur mesure donc, un monde voué à tous les commerces et à tous les rackets : demander, exiger, recevoir, arracher... c’est la seule préoccupation qui ordonne tout le reste. Et là, le monde est d’une clarté totale ; un point aveugle cette clarté au-delà de laquelle plus rien n’est visible.
***
A quinze ans, on se nourrit d’un rien, d’une précipitation de jouissance, sans autre souci que d’aller à la rencontre - à toutes les rencontres -, pourvu qu’elles nous mènent au plus près du but : à la découverte d’une floraison soudaine de possibilités nouvelles porteuses de mille transgressions.
On rêve, on mime, on improvise sur un emploi non contraint du temps et toujours trop court. La nuit n’est qu’un mal nécessaire à l’heure où il nous faut rentrer même si ce refuge nous est bien utile parfois car, on peut encore y trouver la sécurité après une conduite porteuse de tous les risques face aux dangers d’un monde qui n’est qu’un loup pour son propre monde. Elle signifie à peine le repos cette nuit qui s'annonce déjà ; à l’aube, tout sera à recommencer ou bien, à poursuivre : on reprendra le cours là où on l’a quitté, le long d’une pente tantôt douce, tantôt brutale.
A quinze ans, on occupe tout le temps dont on dispose. Aucune culpabilité. Tout est promis à l’oubli et pourtant, tout semble inoubliable, dans un monde qui a une bonne mémoire, la meilleure des mémoires : une mémoire courte ; celle qui ne vous autorisera aucune retour en arrière au delà de l'heure qui s'est écoulée et qui s'est achevée dans la plus parfaite absence de mémoire et dans une indifférence insolente face à cette lacune qui n'en est plus une aujourd’hui.
Quant à la prochaine heure... celle qui s'écoule là, maintenant, sous nos yeux, le monde n'ose déjà plus y penser, de peur de devoir s'en souvenir.
Une génération entière s’est ennuyée, la suivante a tout juste le temps pour elle ; elle va à l’aventure sur un écran de dix sept pouces ou sur un écran géant, le temps de passer de la lumière à l’obscurité... mais la lumière revient toujours à la fin de la séance ! La prochaine épopée chassera la précédente. Hallucinés, du rêve, on passe au songe, du songe à la réalité jusqu’à taire la peur qui nous taraude face à cette inconnue immense : notre vie de demain dans dix ans dans un monde instable et sans remords ; et là, c’est déjà une autre aventure, une tout autre histoire.
A quinze ans, Dieu ! Qu’est-ce qu’on fait comme bruit ! On ne s’entend plus et pour peu qu'on nous conseille vivement de nous taire et d'écouter... en classe, soudain, tout devient difficile ou bien, incompréhensible ; en cours, on ne participe plus, on s'éloigne, on se retranche dans les derniers rangs, on quitte la classe avant tout le monde ; et c'est alors que le collège ou le lycée ne vous appelle plus le matin et ne vous promet plus rien sur le trajet qui y mène.
Sans illusion quant à l’usage qu'ils peuvent espérer faire de cette disgrâce, les adolescents connaissent le prix d’un tel échec et sa récompense : les portes qu'il vous fermera au nez avant même que vous ayez eu le temps d'y frapper car on vous aura vu venir de loin et... nombreux ; et personne ne nous sera d’aucun secours, prisonniers d’une solitude intouchable.
***
L’adolescence tient en trois mots, trois séismes : le désespoir impalpable aux causes aussi multiples qu'indéfinissables, l'amour toujours à refaire et la joie infinie, sans antécédent, sans passé, sans avenir, fruit d'une insouciance sans conséquence pour l'heure.
Oui ! La joie ! Joies qui se succèdent, courtes, spontanées, sans raison, pour un rien et pour un peu. Une lumière cette joie ! Une lumière même quand la lumière fait défaut. Intouchables on est ! Indestructibles ! Il ne manque plus rien aussi longtemps qu'elle est là, à nos côtés. Une vibration cette joie ; une vibration venue du centre de la terre ; aussi vieille que la croûte terrestre et les danses tribales cette joie qui accroît notre être, l’étend, l'enveloppe. Son souffle nous rend légers et nous permet de franchir bien des obstacles en les ignorant, tout simplement. Joie d’être, joie de vivre ! Et ce sourire qui nous illumine ! Regardez-le ce sourire si précieux ! Regardez-les ! Regardez-nous à quinze ans déambuler le long des rues, dans ces avenues qui nous appartiennent le temps de les traverser. Et cette lueur dans les yeux : c'est encore la lumière de la joie bien sûr ! La joie de l’instant qui va nous combler, tout ce qu’on se promet, là, maintenant ou bien, dans l’heure qui suit.
Allez ! Rendez-la-nous cette joie, ce chahut salutaire !
***
Enfant, tout est immense. A quinze ans, on mesure le monde à l’échelle de ce qui sera possible d’y accomplir. Signe de notre temps : aujourd’hui, très vite, c’est déjà trop tard. Jadis, on pouvait s'offrir quelques années d'insouciance, aujourd’hui, on nous conseillera de tout prévoir, de tout envisager, même et surtout le pire en cas d’échec que l'on pressent très tôt ; le succès aussi, pour peu qu’on ait de bonnes raisons de l’espérer.
A quinze ans, ce qui se passera, on ne le voit pas toujours et aussi, ce qui ne se passera pas. Voués au meilleur et au pire, on vit de ce qu’on prend et reçoit du monde, de ce qu'on lui arrache aussi quand il nous oublie au passage ou nous ignore car, si l’abondance nous empêche de voir, le manque, lui, nous couvre de honte : on réclamera son dû. Et c’est alors que la colère et l’impatience nous conduiront tout droit à la révolte et au scandale pour s'empresser de jeter sur la douleur de vivre cette indigence qui surplombe tout et dont on ne saurait porter la responsabilité, notre dévolu d'insultes, d'intimidations et de menaces. Stratégie de survie avec soi-même et les autres qui nous le rendront bien et au centuple, avant longtemps.
A cet âge, tout le mal que l'on se fait, on l'ignore jusqu'à la cure qu'est l'âge adulte, pour peu que l'épuisement nous y aide et puis… parce qu'il faut bien se faire une raison ; la résignation est pareille à l'usure du temps qui guérit bien des maux ; elle prend sa place sur la pointe des pieds alors qu'il fait encore sombre ; et plus elle arrive tôt, plus ses chances de mater cette révolte sont grandes.
A quinze ans, de l’âge adulte, on se rapproche, même si c'est pour mieux nous en éloigner. On se complait de tout. Aucun retrait, aucun recul, c'est la vie qui nous submerge. On hurle. On crie. On bouscule son entourage. On l’ignore.
Autre signe de notre époque : à quinze ans, dehors c'est dedans ; on est partout chez-soi. Au delà du périmètre dans lequel notre action se déploie, rien d’autre existe, rien ni personne ; et tant pis pour les autres qui devront prendre leur mal en patience ou bien, se retirer sans broncher.
A quinze ans, on se cherche un visage, un vrai visage : le sien. Mille essais, mille emprunts, preuves d’une fertilité et d’une inventivité ingénieuses et brouillonnes qui peinent à trouver sa forme. La maturité y pourvoira pour peu qu’il en soit toujours question. Car, si on n'a pas encore à trouver sa voie, en revanche, on se doit de trouver très vite sa place.
Quand on est seul, c’est l’ennui et le désarroi. En bande, on échappe à l’angoisse d’aujourd’hui qui n’est que la négation des responsabilités et des incertitudes de demain. Menu indigeste que demain ! Novice, on avance par à-coups dans un couloir plongé dans le noir. Quand on trouve l'interrupteur et la lumière, c'est le soulagement : on n'a plus peur jusqu'à la prochaine épreuve.
A quinze ans, on veut plaire, être comblé jusqu’à la saturation. Être vivant à quinze ans, c’est être vu et reconnu, escorté du regard et du cœur, mille cœurs entre tous, si possible... et pourquoi pas ! On recueille toutes les faveurs quand on sait les susciter. On vit sans ordre. On a des colères soudaines, sans arrière-pensée et puis, on sait calculer, manipuler, manœuvrer en expert aussi. On s’enflamme, on étouffe, on suffoque, l’amour est minuscule, infini. Et puis un jour, on le fait. Ce jour là, on devient quelqu’un d’autre. Quelque chose a été percé. Quelque chose en nous a fondu. C’est la mue. Une autre peau émerge. On n’y comprend pas grand-chose mais... c'est sûr : on a changé !
Un mystère qui n’en était pas un, cette interrogation - du moins, pas longtemps, car bientôt, tout ça n’aura plus d’importance ; l’essentiel est ailleurs, bien sûr : dans ce qui nous attend, dans cinq ans, dans dix ans d'ici...
***
A quinze ans, c’est fini, plus rien à faire dans la vie, sinon la vivre. Une vie détachée de soi, prodigue d’elle-même et de ceux dont on partage la même vie, au même âge, au jour le jour, d’heure en heure... jusqu’à la suivante. Ce qui doit arriver arrivera toujours assez tôt ; on aura bien le temps de faire face à cette insécurité qui nous attend, une fois que l'on ne pourra plus compter sur ceux qui nous ont mis au monde et qui avaient toujours su nous en protéger.
Si à quinze ans on connaît la peur, on sait la contourner. Si on la frôle, on l'oubliera très vite pour s'empresser d'en chercher une autre ailleurs : ses jouissances sont trop grandes pour qu'on les abandonne à la première alerte, le goût de vivre, plus fort encore. On compose avec la peur comme on compose avec tout le reste : la peur des mauvaises notes, la peur d’être découvert, la peur de l'humiliation, la peur du rejet, la peur de la violence de ceux qui ne craignent rien, ni personne, et surtout pas, ceux qui ont peur.
Parfois, les adultes contribueront à diffuser cette peur qui leur va si bien depuis qu’elle les mène et les force à resserrer leur vie pour diminuer le rayon de son action et réduire le champ de ses ambitions et de son influence.
Adolescent, cette peur est sans doute l’information la plus importante que nous recevons du monde ; une des premières ; s’y soumettre annonce des lendemains plus alarmants encore.
***
Volonté de prendre, de jouir ! Volonté exténuante, désirs insatiables ! A quinze ans, on mixe, on brasse, on mélange tout, même si ce sont les autres qui distribuent les cartes à notre insu. C’est notre façon d’y voir clair en ne voyant rien de ce qui se trame au loin, sans guide pour nous accompagner.
Et tout nous y encourage. "On a le temps !" nous assènent les ondes de la voix du monde et les pixels de sa représentation, là où toute parole vers le haut est impossible. Une voix sur mesure, pour notre immaturité qui ne peut qu’écouter cette voix. Tellement dans son époque cette voix qui jamais ne se trompe ni ne s’égare, au plus près, serrée, collée à notre inconséquence juvénile, telle une sangsue. Pas d’époque sans voix quelle qu’elle soit, aussi dévastatrice soit-elle. Toujours !
Qui possède le Verbe et les décibels, conduit le Monde. Une voix d'usuriers du désert, trompeuse et assourdissante, cette menace proférée sous le couvert d’une attention désintéressée ; une voix condescendante qui absorbe très vite la meilleure part de l'esprit et empêche tout exercice d'une attention claire envers soi-même ; une voix aux éclats incessants telle un marteau sur l’enclume, qui obstrue toute perspective d'élan en nous privant d'un tremplin pour rebondir plus loin, plus haut ; et peu nombreux sont ceux qui sauront le faire à temps.
Une nuisance cette voix pour quiconque souhaite la faire taire. Dans ces moments là, c’est toute la vie qui vire à la lutte, une douleur dans le dos - dans le bas des reins, plus précisément - à force de résistance, en parents confrontés à un âge sans discernement, et à un prix bien plus élevé aujourd'hui qu’hier : pas de conte de fées et pas de happy end pour nous rassurer : dans le meilleur des cas, happés ils seront, au passage de l'écho de cette voix, et dans le pire, broyés, pris en étau entre les incisives et les molaires de sa mâchoire d'ogre.
L’autre voix, elle, est inaudible pour l’heure. Le moment venu, elle n’aura pas besoin de porte-voix. Bientôt, une autre réalité se chargera de nous la faire entendre car, à quinze ans, on est de l’autre côté de la vitre, à l’intérieur ;
Dehors nous attend une surprise : tout ce qui aura été tu des années durant et qui nous est maintenant hurlé.