Le nouvel an chinois est la plus grande fête traditionnelle chinoise. C’est une fête agricole à l’origine et elle s’appelle aussi la fête du Printemps. Chaque année elle inaugure un des 12 rameaux terrestres symbolisés par un animal, à l’intérieur d’un cycle récurrent de 12 ans. Nous voici depuis le 19 février dans l’année de la Chèvre.
À chaque retour de l’an neuf (calculé d’après la deuxième lune après le solstice d’hiver), toutes les voies de communication de la Chine entière sont prises d’assaut. Gares, routes, aéroports sont bondés. Des millions de familles, pour qui cette occasion est leur seul moment de vacances, traversent le pays pour un rassemblement familial placé sous le signe de la couleur rouge (symbole de joie et de chance), du recueillement et du renouveau. Traditionnellement, on sortait avec des lanternes colorées, des brûle-parfums, et l’on faisait éclater des pétards afin de faire fuir les mauvais esprits, mais surtout on désirait réveiller le dragon protecteur et dispensateur de pluies bienveillantes.
Dans nos contrées nordiques, on ferait plutôt appel au soleil et à ses bienfaits… Les chinois ont bien compris nos aspirations et nous ont envoyé « The Legend of the Sun », un spectacle qui ne pouvait que nous plaire. Il a déjà été présenté à Londres en janvier dernier avec un succès éblouissant. Il s’agit d’une très vieille légende du folklore de la minorité Zhuang* du Sud de la Chine qui rejoint à point nommé notre dévorante soif de lumière. Au temps jadis, les anciens Zhuang vivaient dans un pays privé de lumière. Un jour, ils apprirent qu'un Soleil flamboyant se reposait au-delà de la ligne d'horizon et que l'astre pouvait les sauver de l'obscurité et du froid et leur apporter de la chaleur. Finalement, c'est une intrépide jeune femme enceinte qui se sacrifia pour le bien commun. Elle argua qu’elle n'arriverait peut-être pas jusqu'au bout, mais que l'enfant qu’elle portait finirait bien par rapporter le soleil. Emouvant parcours initiatique donc, d’une mère et de son fils.
C’est Le théâtre National qui a accueilli à l’occasion du Nouvel an chinois, cette performance étonnante et de très haut niveau artistique. « The Legend of the Sun » un spectacle monumental de danses folkloriques, de mime et d’acrobatie. » Il réunit 60 danseurs chinois formés traditionnellement, la plupart d'origine ethnique Zhuang. Pas de texte, du mystère et de la méditation sur la condition humaine, sur une vielle souche animiste. Quelques mélodies aux voix bouleversantes, des échos de choristes lointains et une musique très narrative soutiennent cette belle histoire. Une histoire édifiante, bien sûr. Comme au Moyen-Age chez nous, les légendes doivent avoir une portée morale et sociale. A travers la mise en scène du folklore authentique du peuple Zhuang, c’est la persévérance du peuple chinois et la poursuite du bonheur qui sont glorifiées et leur bravoure indéfectible contre les difficultés « L’Asie est là où cesse la vulgarité, où naît la dignité et où commence l’élégance intellectuelle. Et l’Orient est là où sont les sources débordantes de poésie ».
La performance de danse muette est habillée de somptueux costumes qui vous rappelleront si vous avez eu la chance d’y aller, l’un ou l’autre voyage dans les minorités chinoises et l’accueil chaleureux que ces peuples dispensent aux visiteurs étrangers. De nombreuses scènes ont une portée universelle et vous feront monter les larmes aux yeux, ce qui n’était pas garanti avec un spectacle d’une telle ampleur. Les relations mère-fils, homme-nature, le coup de foudre, la conquête amoureuse, la passion en conflit avec le devoir, l’amour vrai sont autant de thèmes passionnants et passionnels qui touchent le spectateur de n’importe quelle origine. La beauté de la danse, que ce soient les solos, les duos ou les danses de groupes, est omniprésente et souligne le long cheminement. Et cette beauté nous touche profondément. Un mélange habile et sans coutures de chorégraphies modernes et de coutumes traditionnelles qui vous emmène au cœur du mystère humain. Les danseurs se transforment en paysages, en rochers en rivières, en bêtes sauvages et en éléments naturels appuyés d’effets sonores grandioses.
Côté musique, c’est la même chose. Le mélange des sonorités occidentales et orientales est source d’un perpétuel étonnement. Alliant tradition et modernité, la musique authentique de cette ethnie utilise des instruments séculaires - les clochettes, bâtons et tambours associés aux costumes rutilants, l’erhu, vielle chinoise à deux cordes aussi appelé « violon chinois », la flûte de bambou, et les incontournables percussions chinoises - qu’elle mélange avec finesse avec ceux de nos salles de concerts occidentales.
Le China Arts and Entertainment Group (CAEG) qui encadre ce fabuleux spectacle est devenu au fil des années le plus grand organe culturel chinois soutenu par le ministère de la culture et un ambassadeur privilégié pour fêter les quarante ans de liens d’amitiés qui unissent cette année l’Union européenne et la Chine. Co-organisateurs, la compagnie Atlas International Culture. The Legend of the Sun a été primé par de nombreuses récompenses, dont le "Golden Lotus Award" de la China Dance Lotus Award Competition, mais également le "Splendor Award" pour les œuvres théâtrales délivré par le Ministère chinois de la Culture. Le spectacle a également reçu un bel accueil dans le monde, plus particulièrement lors de leur tournée aux Etats-Unis en 2012.
* la minorité Zhuang : Ils forment une des 56 nationalités de Chine. Leur population, estimée à 18 millions de personnes en 2010, fait d'eux la plus importante minorité chinoise avec un passé glorieux.
En savoir plus sur les légendes chinoises:
http://www.gutenberg.org/files/15250/15250-h/15250-h.htm
Le Théatre Nanning du Guangxi: