Pour dénouer, il faut du doigté. Peindre, écrire, jouer de l’instrument ou monter sur scène.Honorer ses promesses…
Sa pugnacité légendaire et ses choix audacieux comme avocat l’avait fait surnommer le « Jacques Vergès belge ». Cette pugnacité, il l’avait acquise très jeune, en triomphant de la tuberculose, qu’il contracta à 19 ans. Il dut quitter subitement le cloître familial pour celui tout aussi sévère de l’ hôpital. Une maladie qui exalte ceux qui luttent contre elle. La montagne magique. A peine guéri, il adhère au parti communiste, et, en mai 68, fait partie de ceux qui lanceront l’occupation de notre université:Alma Mater.
Avocat haut en couleur… Rouge. Ténor et enfant terrible du barreau bruxellois, virtuose de la formule, fervent défenseur des droits de l’homme, il tenait des propos incendiaires sur les prisons et leur inutilité. A son arrestation en 1979, accusé d’avoir aidé son client François Besse, un ancien lieutenant de Jacques Mesrine, à s’évader du Palais de Justice, sa filleCatherine,future violoniste et comédienne a 9 ans. Déjà jeune femme turbulente.
Comme dans« L’atelier rouge »deMatisse, trente ans plus tard,Catherineégrène le sable de souvenirs empressés, mi-nostalgiques, mi ironiques, elle dispose les reliques de son père sous le rétro-projecteur et fait chavirer les cœurs. Du bout des doigts. Avec délicatesse, les yeux rivés dans ceux des spectateurs, comme si elle-même était à la barre. En pinçant les cordes du passé, pour respirer à l’air libre… En se jouant de tous les enfermements.
Comment se reconstruire quand la mort d’un père détruit? L’écriture sauve. Comment échapper aux griffes du passé? Au sentiment d’étouffement. Ah la figure paternelle immense et l’admiration, inconditionnelle…. Ah! L’histoire familiale truffée de murs d’en face, de police, de gardiens de prison! Un labyrinthe truffé d’ impasses mais de résilience tenace, malgré une nouvelle maladie de fin de vie qui s’acharne sur le corps, alors que l’esprit danse encore le sirtaki! Sur Scène, c’est la Grèce des vacances heureuses qui prend le pas et fait vibrer le cœur. La lutte engagée contre les colonels… La danse, comme viatique, comme étendard, comme signe de ralliement.La Danse, comme chezMatisse. Déjà les larmes perlent au bord des paupières! C’est toute notre jeunesse qui palpite. Notre père qui aime Zorbaet se joint à son rythme. C’est une prison que l’on démolit, la musique du violon qui déchire les mots évanouis et arrache la dernière grille avant de la jeter dans un container. Une musique qui ensevelit comme une dernière caresse.
La vie peut recommencer. comme le printemps après l’hiver. L’œuvre du grain qui ne meurt jamais. La foi dans l’immortalité du lien et, enfin, sa légèreté. La paix qui en résulte. L’œuvre sur scène, un cadeau que l’on porte de place en place. Un prix du meilleur seul en scène qui ne cesse d’émouvoir et de guérir. Mais est-elle vraiment seule? MerciCatherine Graindorge.
Une coproduction du Théâtre Les Tanneurs et du Théâtre de Namur
De et avec Catherine Graindorge Collaborateur artistique Bernard van Eeghem
DramaturgieJorge León Composition musicale Catherine Graindorge Création son Catherine Graindorge et Joël Grignard Création lumière Gaëtan Van den Berg Création vidéo Elie Rabinovitch Costumes Marie Szersnovicz Direction Technique Gaëtan Van den Berg
Avec le soutien duThéâtre des Doms
NDLR.
L'une des grandes figures du barreau dans les années 90, l'avocat Michel Graindorge est décédé en 2015 à l'âge de 75 ans des suites d'une longue maladie. Souvent qualifié "d'avocat engagé", il a notamment défendu Roberto D'Orazio, le père Samuel, et les familles des paracommandos tués au Rwanda. Il avait été aussi un acteur important dans l'affaire des tueries du Brabant.
Publié(e) par Deashelle le 31 juillet 2014 à 10:00
Centenaire de la Première Guerre mondiale Une exposition exceptionnelle sur deux sites à Liège du 2/08/14 au 31/05/15
La Ville de Liège, la Province de Liège et la société EUROPA 50, qui a notamment réalisé l’Expo Mythique «J’avais 20 ans en 45», unissent leurs forces pour mettre sur pied une exposition exceptionnelle au retentissement international dans le cadre des commémorations du 100ème anniversaire de la Première Guerre Mondiale. Cette exposition de grande envergure est soutenue par la Wallonie et la Fédération Wallonie-Bruxelles.
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Le gouvernement fédéral a choisi Liège, là où les premiers combats éclatèrent, pour accueillir une des trois cérémonies commémoratives nationales de la Première Guerre mondiale, le 4 août prochain. Les deux autres auront lieu à Ypres et Nieuport (28 octobre 2014) et Bruxelles, le 11 novembre 2018. Le premier week-end sera entièrement placé sous le signe de 1914-1918 à Liège avec nombre d’animations destinées au grand public.
Celui-ci sera le théâtre d’une cérémonie, en présence de Leurs Majestés le Roi Philippe et la Reine Mathilde et du Président de la République française, François Hollande, afin de célébrer le centième anniversaire de la Légion d’Honneur de la Ville de Liège. Cet anniversaire sera inauguré par le survol de Liège par la patrouille belge des ‘Red Devils’ et par la Patrouille de France.
Monument Interallié de Cointe
Le week-end sera riche en évènements et animations autour de la PlaceSaint-Lambert. Il y sera possible de suivre l’entièreté des cérémonies sur grand écran, mais aussi de participer aux activités suivantes : bal populaire, concert de l'Orchestre Royal Philarmonique de Liège, brocante d'objets civils et militaires d'époque, bivouac 14-18, balades en calèches, exposition d'ancêtres...
O U V E R T U R E d'une double exposition sur deux sites, la plus vaste jamais organisée sur 14-18 :
Le parcours vise à éveiller les émotions par la mise en valeur de témoignages authentiques et la multiplicité des points de vue. Chaque visiteur quel que soit son âge et quelle que soit sa nationalité pourra se retrouver dans ces témoignages dans la mesure où ils véhiculent des sentiments universels.
La visite se compose de deux approches différentes, mais complémentaires :
Organisée par la société Europa 50, l'exposition «J’avais 20 ans en 14» (4000m²) à la Gare de Liège-Guillemins aborde la guerre dans son ensemble, en Belgique et dans le monde. La multiplication des points de vue (chefs d’armées, soldats, médecins, civils, artistes, résistants, vainqueurs) permet d’évoquer les origines du conflit, les principales batailles, l’organisation des soins de santé, les souffrances des populations, la vie culturelle, la résistance, les traités de paix et enfin la transformation de notre pays au sein d’un monde nouveau. Des objets rares, jamais montrés, devraient être exposés. Les organisateurs prévoient peu de textes mais des mises en situation. "Le but est d'éveiller des émotions. Pour bien comprendre, il faut ressentir" affirme Jacques Broun, concepteur de l'exposition.
Infos
Dates : 02.08.14 > 30.05.15
Jours et heures d'ouverture
Ouvert 7J/7, de 09h30 à 18h30
Dernière entrée à 17h30 !
Heures d'ouverture supplémentaire pour : J'avais 20 ans en 14 - Liège Guillemins :
Ouvert les premiers mercredis du mois jusque 22h > Billetterie jusqu'à 20h30 !
Annoncée comme « fraîche et joyeuse », la guerre que chacun à l’été 1914 imaginait de courte durée se prolongera finalement plus de quatre ans et marquera le XXème siècle de son empreinte par une violence sans précédent et des conséquences sans fin. Pendant 51 mois, la Belgique connaît à la fois l’horreur des combats et les souffrances de l’occupation. Envahie, occupée, libérée, la Belgique sortira de la guerre 14-18 profondément transformée au sein d’un monde nouveau. Chefs d’armées, soldats, médecins, civils, artistes, résistants et vainqueurs … autant de témoins, autant de regards, autant de points de vue sur un conflit mondial, la Grande Guerre . Avoir 20 ans en 14-18, c’est être confronté directement ou indirectement à ces différents acteurs.
L'exposition est développée en 7 thèmes
Prologue
LA FIN DE LA « BELLE EPOQUE »
La guerre 14-18 sonne le glas de la « Belle Epoque », ère éphémère de paix, d’expansion et d’insouciance. Les antagonismes subsistent entre nations européennes et, comme chacun soupçonne son voisin de vouloir l’agresser, c’est la course aux armements et au développement des forces militaires. Autre menace : des années de rivalités économiques et diplomatiques ont abouti à la constitution de blocs : d’une part la Triplice (Autriche-Hongrie, Allemagne et Italie), d’autre part l’alliance franco-russe et le rapprochement entre Paris et Londres.
1. CHEFS D’ARMEES
Le 4 août 1914, la Belgique neutre est envahie par les troupes allemandes. Le roi Albert et la Belgique feront l’admiration du monde entier pour leur résistance héroïque. Cette invasion de notre pays n’est que le début d’un long conflit qui s’étendra progressivement à toute l’Europe et à d’autres fronts sur tous les continents. Les déclarations de guerre se succéderont en cascade et l’on voit les chefs d’armées développer des stratégies militaires axées tant sur l’offensive que sur la défensive.
2. SOLDATS
Pendant que chefs d’états et généraux orchestrent les opérations militaires, sur le terrain que ce soit dans les forts de Liège ou dans les tranchées de l’Yser, à Verdun ou sur la Somme, à Gallipoli ou en Galicie, les soldats, quel que soit leur camp, connaissent des conditions de combat effroyables. Les batailles de l’été 1914 sont particulièrement meurtrières et cette guerre de mouvement fait bientôt place à une épuisante guerre de position. On se bat sur terre, sur mer et pour la première fois de façon intensive dans les airs. On combat dans les Balkans, sur les fronts français, russe, italien et dans les colonies. On utilise des armes nouvelles de plus en plus meurtrières. La Grande Guerre sera une guerre longue et totale.
3. MEDECINS
Des millions de victimes, des lésions sans précédent, des troubles psychiques … Au déclenchement du conflit, aucune armée d’Europe n’était préparée à gérer un tel afflux de blessés et des traumatismes d’une telle gravité. En Belgique, le manque de médecins, d’infirmières, de brancardiers, d’ambulances, de locaux adaptés … est criant. Cependant, au fil de la guerre, les soins médicaux évoluent grâce à des actions privées et des œuvres philanthropiques. L’organisation s’améliore et bien des avancées médicales vont naître du chaos dans les domaines des sérums, de l’hygiène, de la radiologie, de l’anesthésie, de la kinésithérapie, de la psychiatrie et de la chirurgie réparatrice des « gueules cassées ».
4. CIVILS
Après quelques semaines de combat, la Belgique est le seul pays du front occidental à être totalement occupé, hormis une zone derrière l’Yser, et la vie quotidienne s’organise au prix de terribles souffrances. En France, ce sont dix départements de l’est et du nord qui sont sous le joug des envahisseurs. La Pologne russe, la Roumanie, l’Ukraine … subiront elles aussi la domination allemande. Avec la Grande Guerre , c’est l’ensemble des sociétés qui est impliqué au point que la frontière entre civils et combattants s’estompe. Pillages, incendies, exécutions, massacres … les civils paient un lourd tribut à la guerre.
5. ARTISTES
Qu’ils soient mobilisés ou non, les artistes participent à l’effort de guerre. La vie culturelle ne s’éteint pas et, même en Belgique occupée, à partir de 1916, théâtres et cafés connaissent le succès. Pendant qu’à l’arrière du front cinéastes, acteurs, chanteurs, musiciens, danseurs, peintres, écrivains contribuent à entretenir le moral de la population, d’autres artistes se font les témoins du conflit et transcendent leur expérience combattante par la création.
6. RESISTANTS
Dès 1914, en Belgique comme dans les régions envahies du nord et de l’est de la France, des patriotes s’engagent dans la clandestinité au péril de leur vie pour organiser des réseaux de renseignements et de passeurs d’hommes. Des femmes notamment, recrutées par les services secrets, sont actives dans l’espionnage. La résistance se manifeste aussi par la publication de journaux clandestins qui soutiennent le moral de la population face à la propagande ennemie. Face à cette armée de l’ombre, les Allemands multiplient les exécutions et, pour isoler la Belgique occupée du reste de l’Europe, ils installent en 1915 une clôture électrique sur la frontière belgo-hollandaise. Mais, plus le conflit s’éternise, plus les aspirations à la victoire font place aux aspirations à la paix.
7. VAINQUEURS
Les 32 Etats vainqueurs se réunissent à Paris en janvier 1919 pour élaborer les nombreux traités de paix dont le traité de Versailles du 28 juin 1919 qui règle le sort de l’Allemagne vaincue. En effet, en 1917, alors que les deux révolutions russes entraîneront la défaite de la Russie, l’entrée en guerre des Etats-Unis a marqué un tournant dans le conflit. Les bolcheviks concluent un armistice avec les puissances centrales et, libérés du front de l’Est, les Allemands se lancent au printemps 1918 dans une nouvelle guerre de mouvement sur le front français. Les Alliés stoppent l’offensive, notamment grâce à l’apport de troupes américaines. Les alliés de l’Allemagne mettront successivement bas les armes, jusqu’à ce que l’armistice obtenu par l’Allemagne le 11 novembre 1918 mette fin à 4 années de guerre.
Objets exceptionnels exposés
un des canons allemands originaux (Haubitze) de 4 m de long, qui ont passé la frontière belge le 4 août à Gemmenich lors de l’envahissement de la Belgique par les allemands ;
un des 2 seuls uniformes complets d’un lancier prussien (Uhlan) subsistant au monde, avec cheval et lance ;
plusieurs uniformes belges et allemands complets avec havresacs ;
une multitude d’armes, dont les nouvelles armes – mitraillette, char lance-flammes, mine dérivante, torpille d’un sous-marin et une douille 420 de 42 cm de diamètre ayant servi de munition pour « la grosse Bertha » ;
une riche collection d’une vingtaine de moulages de plâtre de « gueules cassées » venant de l'Hôtel Dieu de Lyon
une panoplie d’instruments utilisés pour les soins médicaux, démontrant le formidable progrès en la matière de chirurgie réparatrice ;
une maquette d’un train de transport de l’époque;
une collection d’armes et d’équipements de protection (masques à gaz) ;
des tableaux de Max Ernst, Otto Dix et Georges Grosz ;
un document authentique d’un résistant ;
une reproduction authentique de l’avion du « baron rouge » von Richthofen ;
Des décors chargés d'émotion
Tous les espaces de l’exposition s’enrichissent de décors grandioses, de mises en situation, de documents audiovisuels et de supports sonores qui vont immerger le visiteur au cœur des événements-clés de la Première Guerre mondiale. Des décors impressionnants de réalisme où vous serez :
Un chef d’armées dans son bureau d’état-major
Un soldat dans une tranchée sous le feu de l’ennemi
Cette évocation, à la fois historique et humaniste, prend place dans l’Espace Saint-Antoine, lieu d’accueil des expositions temporaires organisées par la Province de Liège. « Liège dans la tourmente » présente, notamment au travers de témoignages et d’archives personnelles inédites, les différentes facettes de la réalité liégeoise durant la Première Guerre mondiale.
Le parcours
D’une part, l’accent est mis sur la Bataille de Liège et la résistance héroïque des forts du 4 au 16 août 1914 ; une résistance qui vaut à la Cité ardente, dès le 7 août 1914, la Légion d’honneur. D’autre part, l’attention est portée sur le vécu difficile des populations durant l’occupation. En guise d’introduction, un premier espace aborde les différents aspects économiques, sociaux, culturels et militaires de la vie à Liège et dans la province, avant le conflit.
Le contexte établi, est soulignée l’attitude admirable de l’armée belge de campagne lors de la Bataille, dite des intervalles, avec les âpres combats, dans la nuit du 5 au 6 août, de Rabozée, Rhées, Magnée, Queue-du-Bois, et du Sart-Tilman. Une reconstitution symbolique de la couronne des forts de Liège permet, par ailleurs, de comprendre le rôle joué par Liège dans le déroulement du conflit.
Dans la foulée, sont illustrées les exactions allemandes qui touchent, de manière aveugle, les habitants des villes et villages du Pays de Liège : Herve, Battice, Blegny, Francorchamps, Poulseur, Visé... Des actes gratuits qui soulignent tant la "brutalisation" du conflit que la victimisation de la neutre Belgique. Deux éléments qui alimenteront largement la propagande alliée.
Un espace traite ensuite du quotidien des civils liégeois (rationnement, aides, secours, déportation, résistance, activités artistiques…) durant les quatre longues années que dure le conflit. La douloureuse absence de ceux, combattant sur le front, déportés en Allemagne ou exilés en France, en Angleterre et aux Pays-Bas, est aussi traitée avec un focus particulier consacré au Limbourg néerlandais, terre d’accueil pour de nombreux Liégeois. Un dernier espace à dimension mémorielle, centré sur les traces et le souvenir de la Grande guerre à Liège et sa province, prend la forme d’une petite agora qui accueille animations et activités pédagogiques.
En ce moment, À Liège,Thierry Bellefroidvisite en primeur‘J’avais 20 ans en14’, une des plus grandes expositions du genre au monde, dansTout le Monde prend l’R, ce vendredi 1er août de 9h à 11h sur la Première.
MATIN PREMIÈRE SERA EN DIRECT DU FORT DE LONCIN ET EMISSION SPECIALE EN DIRECT DE MONS
Lundi 4 août, de 06.00 à 09.00 et de 17.00 à 19.00
4 août 1914, les troupes allemandes entrent en Belgique. C’est le début de la Grande Guerre chez nous. 100 ans plus tard, Matin Première vous propose, avec des témoignages, invités et évocations historiques, une édition spéciale depuis le fort de Loncin, symbole de la résistance héroïque des Belges face à l’attaque allemande. Et dès 17.00, émission spéciale à Mons pour suivre les commémorations au cimetière de Saint-Symphorien.
Et pour mémoire...
au propre comme au figuré, suivez aussi un passionnant feuilleton sur la Voix du Nord:
"Pour commémorer les 100 ans de la Première Guerre mondiale, des archives inédites avec des photos de l'époque, la chronologie complète du conflit dans nos régions, l'agenda des commémorations..." il-y-a-100-ans.fr c'est aussi le carnet de campagne tenu par un civil roubaisien durant le conflit : Pierre Destombes, de nombreux portraits et les lieux de mémoire.
Publié(e) par Serge ULESKI le 31 octobre 2010 à 11:16
Ô Seigneur ! Est-il possible que le calice passe loin de moi, qu’il ne me soit jamais permis de le saisir ? Moi qui suis à la tâche, jour après jour, indéfectible, comme d’autres... au temple, zélés et fervents !
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A quinze ans, la terre ne nous appartient pas encore mais le monde n'existe que pour nous - du moins, pour nous qui sommes capables de lui répondre par l’affirmative : « Oui, je le veux ! Oui, je le peux ! »
A quinze ans, on aime tout ce qui a été pensé pour notre âge, tout ce qui nous est destiné, proposé, offert - pour peu qu’on puisse se l’offrir. On espère, on supplie, on désire, on ordonne, on convoite ; et que dire de toutes ces attentes erratiques, confuses qui ne savent pas vraiment ce qu’elles attendent...
A quinze ans, on dépense tout comme de l’or car la pacotille se vend chère puisqu’elle ne s’affiche jamais comme telle : commerce oblige ! On jette les mots par la fenêtre et les parents, leur argent : la paix est à ce prix et le compromis, maintenant historique... aussi. C’est le joueur de flûte avec sa sérénade brillante et vive ; une sérénade hypnotique et luisante que personne ne lui interdira de jouer car, ceux qui ne souhaitent pas y succomber, sont déjà sans voix.
Un monde fait sur mesure donc, un monde voué à tous les commerces et à tous les rackets : demander, exiger, recevoir, arracher... c’est la seule préoccupation qui ordonne tout le reste. Et là, le monde est d’une clarté totale ; un point aveugle cette clarté au-delà de laquelle plus rien n’est visible.
***
A quinze ans, on se nourrit d’un rien, d’une précipitation de jouissance, sans autre souci que d’aller à la rencontre - à toutes les rencontres -, pourvu qu’elles nous mènent au plus près du but : à la découverte d’une floraison soudaine de possibilités nouvelles porteuses de mille transgressions.
On rêve, on mime, on improvise sur un emploi non contraint du temps et toujours trop court. La nuit n’est qu’un mal nécessaire à l’heure où il nous faut rentrer même si ce refuge nous est bien utile parfois car, on peut encore y trouver la sécurité après une conduite porteuse de tous les risques face aux dangers d’un monde qui n’est qu’un loup pour son propre monde. Elle signifie à peine le repos cette nuit qui s'annonce déjà ; à l’aube, tout sera à recommencer ou bien, à poursuivre : on reprendra le cours là où on l’a quitté, le long d’une pente tantôt douce, tantôt brutale.
A quinze ans, on occupe tout le temps dont on dispose. Aucune culpabilité. Tout est promis à l’oubli et pourtant, tout semble inoubliable, dans un monde qui a une bonne mémoire, la meilleure des mémoires : une mémoire courte ; celle qui ne vous autorisera aucune retour en arrière au delà de l'heure qui s'est écoulée et qui s'est achevée dans la plus parfaite absence de mémoire et dans une indifférence insolente face à cette lacune qui n'en est plus une aujourd’hui.
Quant à la prochaine heure... celle qui s'écoule là, maintenant, sous nos yeux, le monde n'ose déjà plus y penser, de peur de devoir s'en souvenir.
Une génération entière s’est ennuyée, la suivante a tout juste le temps pour elle ; elle va à l’aventure sur un écran de dix sept pouces ou sur un écran géant, le temps de passer de la lumière à l’obscurité... mais la lumière revient toujours à la fin de la séance ! La prochaine épopée chassera la précédente. Hallucinés, du rêve, on passe au songe, du songe à la réalité jusqu’à taire la peur qui nous taraude face à cette inconnue immense : notre vie de demain dans dix ans dans un monde instable et sans remords ; et là, c’est déjà une autre aventure, une tout autre histoire.
A quinze ans, Dieu ! Qu’est-ce qu’on fait comme bruit ! On ne s’entend plus et pour peu qu'on nous conseille vivement de nous taire et d'écouter... en classe, soudain, tout devient difficile ou bien, incompréhensible ; en cours, on ne participe plus, on s'éloigne, on se retranche dans les derniers rangs, on quitte la classe avant tout le monde ; et c'est alors que le collège ou le lycée ne vous appelle plus le matin et ne vous promet plus rien sur le trajet qui y mène.
Sans illusion quant à l’usage qu'ils peuvent espérer faire de cette disgrâce, les adolescents connaissent le prix d’un tel échec et sa récompense : les portes qu'il vous fermera au nez avant même que vous ayez eu le temps d'y frapper car on vous aura vu venir de loin et... nombreux ; et personne ne nous sera d’aucun secours, prisonniers d’une solitude intouchable.
***
L’adolescence tient en trois mots, trois séismes : le désespoir impalpable aux causes aussi multiples qu'indéfinissables, l'amour toujours à refaire et la joie infinie, sans antécédent, sans passé, sans avenir, fruit d'une insouciance sans conséquence pour l'heure.
Oui ! La joie ! Joies qui se succèdent, courtes, spontanées, sans raison, pour un rien et pour un peu. Une lumière cette joie ! Une lumière même quand la lumière fait défaut. Intouchables on est ! Indestructibles ! Il ne manque plus rien aussi longtemps qu'elle est là, à nos côtés. Une vibration cette joie ; une vibration venue du centre de la terre ; aussi vieille que la croûte terrestre et les danses tribales cette joie qui accroît notre être, l’étend, l'enveloppe. Son souffle nous rend légers et nous permet de franchir bien des obstacles en les ignorant, tout simplement. Joie d’être, joie de vivre ! Et ce sourire qui nous illumine ! Regardez-le ce sourire si précieux ! Regardez-les ! Regardez-nous à quinze ans déambuler le long des rues, dans ces avenues qui nous appartiennent le temps de les traverser. Et cette lueur dans les yeux : c'est encore la lumière de la joie bien sûr ! La joie de l’instant qui va nous combler, tout ce qu’on se promet, là, maintenant ou bien, dans l’heure qui suit.
Allez ! Rendez-la-nous cette joie, ce chahut salutaire !
***
Enfant, tout est immense. A quinze ans, on mesure le monde à l’échelle de ce qui sera possible d’y accomplir. Signe de notre temps : aujourd’hui, très vite, c’est déjà trop tard. Jadis, on pouvait s'offrir quelques années d'insouciance, aujourd’hui, on nous conseillera de tout prévoir, de tout envisager, même et surtout le pire en cas d’échec que l'on pressent très tôt ; le succès aussi, pour peu qu’on ait de bonnes raisons de l’espérer.
A quinze ans, ce qui se passera, on ne le voit pas toujours et aussi, ce qui ne se passera pas. Voués au meilleur et au pire, on vit de ce qu’on prend et reçoit du monde, de ce qu'on lui arrache aussi quand il nous oublie au passage ou nous ignore car, si l’abondance nous empêche de voir, le manque, lui, nous couvre de honte : on réclamera son dû. Et c’est alors que la colère et l’impatience nous conduiront tout droit à la révolte et au scandale pour s'empresser de jeter sur la douleur de vivre cette indigence qui surplombe tout et dont on ne saurait porter la responsabilité, notre dévolu d'insultes, d'intimidations et de menaces. Stratégie de survie avec soi-même et les autres qui nous le rendront bien et au centuple, avant longtemps.
A cet âge, tout le mal que l'on se fait, on l'ignore jusqu'à la cure qu'est l'âge adulte, pour peu que l'épuisement nous y aide et puis… parce qu'il faut bien se faire une raison ; la résignation est pareille à l'usure du temps qui guérit bien des maux ; elle prend sa place sur la pointe des pieds alors qu'il fait encore sombre ; et plus elle arrive tôt, plus ses chances de mater cette révolte sont grandes.
A quinze ans, de l’âge adulte, on se rapproche, même si c'est pour mieux nous en éloigner. On se complait de tout. Aucun retrait, aucun recul, c'est la vie qui nous submerge. On hurle. On crie. On bouscule son entourage. On l’ignore.
Autre signe de notre époque : à quinze ans, dehors c'est dedans ; on est partout chez-soi. Au delà du périmètre dans lequel notre action se déploie, rien d’autre existe, rien ni personne ; et tant pis pour les autres qui devront prendre leur mal en patience ou bien, se retirer sans broncher.
A quinze ans, on se cherche un visage, un vrai visage : le sien. Mille essais, mille emprunts, preuves d’une fertilité et d’une inventivité ingénieuses et brouillonnes qui peinent à trouver sa forme. La maturité y pourvoira pour peu qu’il en soit toujours question. Car, si on n'a pas encore à trouver sa voie, en revanche, on se doit de trouver très vite sa place.
Quand on est seul, c’est l’ennui et le désarroi. En bande, on échappe à l’angoisse d’aujourd’hui qui n’est que la négation des responsabilités et des incertitudes de demain. Menu indigeste que demain ! Novice, on avance par à-coups dans un couloir plongé dans le noir. Quand on trouve l'interrupteur et la lumière, c'est le soulagement : on n'a plus peur jusqu'à la prochaine épreuve.
A quinze ans, on veut plaire, être comblé jusqu’à la saturation. Être vivant à quinze ans, c’est être vu et reconnu, escorté du regard et du cœur, mille cœurs entre tous, si possible... et pourquoi pas ! On recueille toutes les faveurs quand on sait les susciter. On vit sans ordre. On a des colères soudaines, sans arrière-pensée et puis, on sait calculer, manipuler, manœuvrer en expert aussi. On s’enflamme, on étouffe, on suffoque, l’amour est minuscule, infini. Et puis un jour, on le fait. Ce jour là, on devient quelqu’un d’autre. Quelque chose a été percé. Quelque chose en nous a fondu. C’est la mue. Une autre peau émerge. On n’y comprend pas grand-chose mais... c'est sûr : on a changé !
Un mystère qui n’en était pas un, cette interrogation - du moins, pas longtemps, car bientôt, tout ça n’aura plus d’importance ; l’essentiel est ailleurs, bien sûr : dans ce qui nous attend, dans cinq ans, dans dix ans d'ici...
***
A quinze ans, c’est fini, plus rien à faire dans la vie, sinon la vivre. Une vie détachée de soi, prodigue d’elle-même et de ceux dont on partage la même vie, au même âge, au jour le jour, d’heure en heure... jusqu’à la suivante. Ce qui doit arriver arrivera toujours assez tôt ; on aura bien le temps de faire face à cette insécurité qui nous attend, une fois que l'on ne pourra plus compter sur ceux qui nous ont mis au monde et qui avaient toujours su nous en protéger.
Si à quinze ans on connaît la peur, on sait la contourner. Si on la frôle, on l'oubliera très vite pour s'empresser d'en chercher une autre ailleurs : ses jouissances sont trop grandes pour qu'on les abandonne à la première alerte, le goût de vivre, plus fort encore. On compose avec la peur comme on compose avec tout le reste : la peur des mauvaises notes, la peur d’être découvert, la peur de l'humiliation, la peur du rejet, la peur de la violence de ceux qui ne craignent rien, ni personne, et surtout pas, ceux qui ont peur.
Parfois, les adultes contribueront à diffuser cette peur qui leur va si bien depuis qu’elle les mène et les force à resserrer leur vie pour diminuer le rayon de son action et réduire le champ de ses ambitions et de son influence.
Adolescent, cette peur est sans doute l’information la plus importante que nous recevons du monde ; une des premières ; s’y soumettre annonce des lendemains plus alarmants encore.
***
Volonté de prendre, de jouir ! Volonté exténuante, désirs insatiables ! A quinze ans, on mixe, on brasse, on mélange tout, même si ce sont les autres qui distribuent les cartes à notre insu. C’est notre façon d’y voir clair en ne voyant rien de ce qui se trame au loin, sans guide pour nous accompagner.
Et tout nous y encourage. "On a le temps !" nous assènent les ondes de la voix du monde et les pixels de sa représentation, là où toute parole vers le haut est impossible. Une voix sur mesure, pour notre immaturité qui ne peut qu’écouter cette voix. Tellement dans son époque cette voix qui jamais ne se trompe ni ne s’égare, au plus près, serrée, collée à notre inconséquence juvénile, telle une sangsue. Pas d’époque sans voix quelle qu’elle soit, aussi dévastatrice soit-elle. Toujours !
Qui possède le Verbe et les décibels, conduit le Monde. Une voix d'usuriers du désert, trompeuse et assourdissante, cette menace proférée sous le couvert d’une attention désintéressée ; une voix condescendante qui absorbe très vite la meilleure part de l'esprit et empêche tout exercice d'une attention claire envers soi-même ; une voix aux éclats incessants telle un marteau sur l’enclume, qui obstrue toute perspective d'élan en nous privant d'un tremplin pour rebondir plus loin, plus haut ; et peu nombreux sont ceux qui sauront le faire à temps.
Une nuisance cette voix pour quiconque souhaite la faire taire. Dans ces moments là, c’est toute la vie qui vire à la lutte, une douleur dans le dos - dans le bas des reins, plus précisément - à force de résistance, en parents confrontés à un âge sans discernement, et à un prix bien plus élevé aujourd'hui qu’hier : pas de conte de fées et pas de happy end pour nous rassurer : dans le meilleur des cas, happés ils seront, au passage de l'écho de cette voix, et dans le pire, broyés, pris en étau entre les incisives et les molaires de sa mâchoire d'ogre.
L’autre voix, elle, est inaudible pour l’heure. Le moment venu, elle n’aura pas besoin de porte-voix. Bientôt, une autre réalité se chargera de nous la faire entendre car, à quinze ans, on est de l’autre côté de la vitre, à l’intérieur ;
Dehors nous attend une surprise : tout ce qui aura été tu des années durant et qui nous est maintenant hurlé.