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Ouverture de saison à Liège : La forza

SPECTACLES

Liège craque sous les applaudissements

« La forza del destino » de Giuseppe Verdi (1862)

La Forza à Liège. On craint toujours de prononcer le titre complet en Italie, par superstition tant les malheurs se sont accumulés autour du compositeur en attendant sa création à Saint-Pétersbourg en 1862. L’œuvre, jouée à Varsovie en 1939 marqua aussi, au jour près, le début de la deuxième guerre mondiale. C’est tout dire.

Tout commence avec une ouverture flamboyante: des cuivres vibrants, de somptueuses couleurs qui font craquer d’émotion une salle où flottent tant de souvenirs liés à son directeur honoris causa à vie. Renato Palumbo à la direction d’orchestre fait vibrer les cœurs et couler les larmes de maints spectateurs. Il sera incontestablement l’artisan précieux des échos orchestraux chatoyants soulignant avec précision et finesse extrême tous les soli.

En guise de bulles de bonheur, partageons ici une consécration de la soprano uruguayenne Maria José Siri qui interprétera à merveille le rôle central de l’héroïne Donna Lenora di Vargas dans ce Verdi spectaculaire et passionnant. Nous vous livrons une partie de son interview réalisé par Paul Fourier pour Toute la Culture. Elle parle de ses premières émotions sur la scène liégeoise.  …

« C’est la première fois que je chante à Liège et tout se passe très bien. La première a été un énorme succès pour tous les participants. Je me sens chanceuse d’avoir ces merveilleux partenaires sur scène et d’être dirigée par l’excellent Maestro Renato Palumbo.
C’est une belle production traditionnelle de Gianni Santucci, d’après une idée de l’ancien directeur artistique du théâtre, Stefano Mazzonis di Pralafera, décédé de manière si inattendue et prématurée l’année dernière.
Avec cette production, je fais mes débuts dans ce magnifique théâtre et je dois dire que je me sens très bien ici ; l’ambiance y est très agréable et j’aime aussi beaucoup la ville. Il y a quelques années, j’étais déjà venue en Belgique chanter Amelia dans « Un ballo in maschera » à La Monnaie à Bruxelles et c’est formidable d’être de retour !
Cette Forza del destino marque le début de ma saison 2021/22 et j’espère qu’enfin les choses vont pouvoir se dérouler comme prévu ! Si tout se passe bien, cet opéra devrait être le premier d’une série de titres Verdi »

 Pur bonheur vocal, son soprano large et somptueux a su électriser le public de Liège qui a réservé à la tragédienne des vivats enthousiastes lors de la séance du dimanche après-midi. On a pu admirer sans réserve Maria José Siri, cette habituée des plus grandes scènes de la planète, qui  a assumé aussi pleinement et sans effort apparent, tous les forte de ses interventions, produisant des aigus d’une superbe stabilité. Ses qualités d’artiste totalement engagée ont su donner de très beaux reliefs à son personnage de plus en plus persécuté par le destin. Car on peut dire que plus son malheur s’affirme, plus elle est convaincante. « Les plus désespérés sont les chants les plus beaux, Et j'en sais d'immortels qui sont de purs sanglots...»  Son « Pace, pace…mio Dio » émeut profondément…  

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La jeune bohémienne Preziosilla interprétée par la mezzo-soprano géorgienne Nino Surguladze, nous offre un timbre rafraîchissant, des vocalises précises et une vocalité pleine qui contraste heureusement avec les lugubres aspects de l’œuvre dramatique. Sa belle présence scénique enjouée, même pour célébrer la guerre et ses tambours, nous donne des moments de respiration bienfaisante. « Viva la buona compagnia ! »   Une foule de choristes, danseurs villageois ou militaires participent à des scènes graphiques qui respirent la vie et une certaine insouciance. Quelle ironie, « Viva la guerra ! »  La victoire, en chantant, non? Une victoire musicale certainement, menée par le chef de chœurs Renato Palumbo.

Peut être une image de 1 personne, position assise et intérieur

Autre cocktail de fantaisie plaisante bienvenu avec Enrico Marabelli en Fra Melitone, un moine de service quelque peu borné mais qui contribue avec la finesse bouffonne des fous shakespeariens à de joyeuses échappées. On a besoin d’air… Car finalement dans quelle mesure est-on encore passionné à notre époque par l’enchaînement infernal de l’honneur bafoué suivi d’une vengeance digne des tragédies grecques ? A moins que, vu sous cet angle plus universel, chacun en son for intérieur ne se sente fort concerné par l’inéluctabilité du Destin qui nous rend proies de la fatalité. Le jeu de Tarot tissé en filigrane sur le rideau est là pour nous rappeler cette force mystérieuse. Quant aux costumes choisis, ils évoquent « La Der des Ders », celle de 14-18 et ses 65.00.000 de victimes, militaires et civils et nous plongent dans les couleurs fatidiques feldgrau des tranchées. Heureusement que les magnifiques décors italiens des scènes de village ou d’église sont eux, intemporels. On gardera le souvenir de ce profil sur le ciel bleu de cette jolie église couleur brique …du centre historique de Bologne ? Viva l’Italia !

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Le Don Alvaro du ténor argentin Marcelo Alvarez, qui a tué le marquis de Calatrava, le père de sa bien-aimée Leonora, est sincère et effervescent. Il témoigne d’une totale générosité expressive. Un modèle de résilience malgré son impuissance à contrer la fatalité. Il fait preuve d’une attachante prestance scénique. Sa voix repose sur de belles résonnances fougueuses et profondes et accède avec éclat aux les harmoniques les plus élevées. Très beaux échanges avec le baryton italien Simone Piazzola dans le rôle de Don Carlo di Vargas.

Angélique Nodus, Alexei Gorbatchev et Maxime Mělník, trois joyeux artistes que l’on adore écouter à Liège, complètent la riche équipe musicale de la production.  Mais aurait-on oublié ce grand prêtre magistral, un modèle de bienveillance, de sagesse, de droiture et de lucidité « Del mondo i disinganni » ? Un second rôle … éblouissant !  C’est Michele Pertusi, une splendide basse, qui respire la compassion et l’humanité enfin lumineuse. Une voix ample et généreuse de pasteur qui rassure malgré tout sur notre sort.

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« La forza del destino » de Giuseppe Verdi (1862)

Opéra en 4 actes
Livret de Francesco Maria Piave
d’après un drame du duc de Rivas,
Don Alvaro o la Fuerza de Sino


 Les talents lyriques :

Marcelo Alvarez (Don Alvaro), María José Siri (Leonora), Simone Piazzola (Don Carlos), Michele Pertusi (Il padre Guardiano), Enrico Marabelli (Fra Melitone), Nino Surguladze (Preziosilla), Maxime Melnik (Trabuco), Alexei Gorbatchev (Il marchese di Calatrava), Angélique Noldus (Curra), Benoit Delvaux (Un chirurgo), Bernard Aty Monga Ngoy (Un alcade)


Avec l’Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Renato Palumbo (direction)
 Et les Chœurs de l’Opéra royal de Wallonie, Denis Segond (chef des chœurs)


Le cadre artistique :

Gianni Santucci (mise en scène), Gary Mc Cann (décors), Fernand Ruiz (costumes), Alex Brok (lumières)

A l’Opéra royal de Wallonie à Liège
16/09/2021 – 19, 22, 25, 28 septembre, 1er octobre 2021 durée : 3h15

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administrateur théâtres

                                   Jeanne est d’abord un être humain que je veux libérer du poids des clichés.
                                                                                   Romeo Castellucci

Cet automne, La Monnaie  programme  du 5 au 12 novembre, l'opéra "Jeanne d'Arc au bûcher", oratorio dramatique d'Arthur Honegger sur un livret de Paul Claudel. La mise en scène est signée Romeo Castellucci dont on se souvient lorsque l’an dernier il produisait une mise-en-scène très controversée de « la Flûte Enchantée » de Mozart, dans la même maison. Est-ce sur cette  base,  que les esprits se sont tout de suite échauffés, pour brûler une nouvelle proie, criant  à l’obscénité majeure, pour quelques photos  considérées comme choquantes, et sans avoir  même réellement assisté au spectacle?  Sic  la Fédération Pro Europa Christiana, qui promeut les "valeurs chrétiennes à travers l'Europe" et sa pétition qui a recueilli avant la première du 5 novembre plus de 10.300 signatures. Bon, la tolérance  ne fait-elle pas  partie de nos valeurs chrétiennes, et «Tu ne jugeras point » pareillement ?  

Consentir au souffle clair et aux gestes de sable

S’ils avaient été voir ce spectacle, leur âme aurait été emplie de bonheur, naturel et surnaturel tellement la musique d’Honneger fleurait le bienfait rafraîchissant et l'épopée humaine. Un élixir de joie et d’amour.  Les chœurs  omniprésents étaient installés dans le colombier diffusant leur musique enivrante comme les parfums d’un encensoir diffusant  paix,  beauté et grâce. Des voix tantôt profondes comme racines de la terre, et tantôt angéliques et inouïes comme in Paradisum. Un enchantement et un mystère qui vous tombe sur les épaules comme un manteau bienfaisant  de la Saint-Martin !   

Les derniers moments de la pucelle d'Orléans

Et sur scène on assiste à un seul en scène,  une traversée du désert en 11 flashbacks, à la recherche de l’amour, terrifiée à l’idée de son supplice.  C'est Jeanne (Audrey Bonnet), sorie du monde de silence,   qui occupe tout l’espace, seule, avec ses voix. On  sympathise au sens propre du terme, avec  une lente  épure mystique qui délivre Jeanne de son histoire d’héroïne de la France, qui lui ôte sa cuirasse de guerrière, la décape de tous les poncifs historiques qui entourent le personnage. Elle est peu à peu mise à nu, elle se dépouille de tout ce qui lui a été toxique.  C’est  toujours mieux que d’être mise à mort… Elle perd d’un coup de balai,la détestable image d’idole récupérée  par des partis politiques très peu recommandables. Elle  retrouve  toute sa  chevelure de femme, sa force, sa lumière, son corps virginal tout de blanc poudrée.  Elle est sortie d’un accès de folie  du cerveau d’un concierge d’école. La voilà, naissant du ventre de l’ombre,  ressuscitée d’entre les chaises d’une classe de village. Elle creuse le sol, déterre son passé,  fouille les souvenirs, retrouve le glaive de saint-Michel et le cheval de bataille, le roi de France, l’amour de la patrie. Elle est cet amour qui réunit les communautés, remembre l’unité, réconcilie les extrêmes, fabrique un corps social unifié! Et ainsi elle atteint l’humus sous le plancher qu’ lance autour d’elle comme pour exalter son humanité et retrouver le sein de la terre féconde. Elle renoue ainsi  avec son humilité, sa condition de femme éperdue d’amour, sa nature profonde. C’est une  folie  sauvage, libre  et authentique qui s’attendrit devant les fleurs de pommiers roses de Normandie, qui est bouleversée par un chant de rouge-gorge, - de quoi fondre en larmes -  qui tente d’expliquer ce qu’est l’amour à un frère Dominique enfermé dans une cuirasse de bure inexpugnable, incapable de sentir. Cet oratorio est un choc spirituel  que d’aucuns voulaient livrer aux flammes… « Comburatur igne ! » ( Le Chœur).   Les persécuteurs ont souvent eu bonne presse auprès des foules avides d' événementiel, or il faut toujours revenir à l’essentiel qui fait notre lumière. Ce qu’a voulu chanter, danser et jouer Romeo Castellucci. A tout hasardLa Monnaie a assuré qu'elle prendrait des "mesures de sécurité appropriées afin que les spectateurs puissent profiter des représentations sans dérangement".

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Une lecture dramatiquement magistrale, radicalement dépouillée

Dans un rêve fébrile de chants, de textes dits et de musique, cette œuvre d’une extrême originalité nous entraîne à travers quelques passages-clés de la vie de Jeanne d’Arc au moment où, toute seule, à l’approche de la mort, il lui faut faire face à elle-même et à sa France. Qui d’autre que Romeo Castellucci  pouvait  transposer les visions mystiques et les conflits intérieurs de cette jeune femme en théâtre sublimé ? L’artiste total italien  s’est associé à  l’ancien directeur musical de  la Monnaie, Kazushi Ono, qui s’est retrouvé à nouveau dans la fosse d’orchestre de la Monnaie, dix ans après l’avoir quittée.  Le chef nippon nous a livré la fresque musicale dans  un chatoiement de timbre et d’effets acoustiques stupéfiants.   Ce spectacle  est l’œuvre d’une coproduction de la Monnaie, du Theater Basel, du Perm State Opera and Ballet Theatre et de l’Opéra de Lyon, où a eu lieu la création en 2017. Pour nous ce fut un émerveillement philosophique. Bien sûr on pourrait reprocher qu’aucune voix entourant Jeanne ne se trouve réellement  présente sur le plateau, mais n’est-ce pas le propre des voix… d’être invisibles?

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Visionnaire, prégnant, ambigu : le mystère lyrique d’Honegger 

Arthur Honegger (1895-1955)  tomba d’emblée sous le charme du texte de  Paul Claudel (1868-1955)  et de sa musicalité poétique. La musique d’Honegger ne reflète pas seulement les différents registres stylistiques du livret, mais également l’esprit turbulent et survolté des années 20 et 30. Des chants spirituels austères qui rappellent Bach alternent avec de la musique contemporaine française, des comptines hors d’âge, des ritournelles de  pastoureaux, des blocs de sons cubistes et même une ligne subversive de jazz et de music-hall. Sorte de théâtre musical, les personnages principaux ont des rôles parlés. L’orchestration fait penser à une tragédie antique ou à un mystère médiéval, mais avec un langage musical chromatique et polytonal extrêmement varié. 

 Les chœurs  ont été renforcés pour l’occasion par les chœurs d’enfants et de jeunes et par l’Académie des chœurs de la Monnaie – tous deux sous la direction de Benoît Giaux. Kazushi Ono avait  déjà dirigé cette production avec beaucoup de succès à Lyon  aux côtés de Romeo Castellucci  et ses collaboratrices attitrées, les dramaturges Piersandra Di Matteo et Silvia Costa. L’actrice française Audrey Bonnet interprétait Jeanne d’Arc et occupait la scène quasi seule pendant près d’une heure  et demie. Elle était  accompagnée sur scène par  Sébastien Dutrieux, dans le rôle du Frère Dominique.

Dominique-Hélène Lemaire
DISTRIBUTION

Direction musicaleKAZUSHI ONO
Mise en scène, décors, costumes et éclairagesROMEO CASTELLUCCI
Dramaturgie : PIERSANDRA DI MATTEO
Collaboratrice artistique : SILVIA COSTA
Collaboration aux éclairages : MARCO GIUSTI
Chef des chœurs : CHRISTOPHE TALMONT

Jeanne d’Arc : AUDREY BONNET
Frère Dominique : SÉBASTIEN DUTRIEUX
La Vierge : ILSE EERENS
Marguerite : TINEKE VAN INGELGEM
Catherine : AUDE EXTRÉMO
Une Voix, Porcus, Héraut I, Le Clerc :JEAN-NOËL BRIEND
Une Voix, Héraut II, Paysan : JÉRÔME VARNIER
Héraut III, L'Ane, Bedford, Jean de Luxembourg, Un paysan : LOUKA PETIT-TABORELLI
L'Appariteur, Regnault de Chartres, Guillaume de Flavy, Perrot, Un prêtre  GEOFFREY BOISSY
Soprano Solo : GWENDOLINE BLONDEEL
Une Voix d'Enfant : SIOBHAN MATHIAK

Orchestre symphonique et Chœurs de la Monnaie
Chœurs d’enfants et de jeunes et Académie des chœurs de la Monnaie s.l.d. de Benoît Giaux

CoproductionLA MONNAIE / DE MUNT, OPÉRA NATIONAL DE LYON, PERM STATE OPERA AND BALLET THEATRE, THEATER BASEL

L’image contient peut-être : une personne ou plus, océan, plein air, eau et nature

Production créée à l’Opéra National de Lyon, 21.1.2017

 

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administrateur théâtres

Bien que cette version ne soit pas une production théâtrale - il n'y a aucun décor terrifiant des portes de l’enfer, aucune chorégraphie, ni de fantomatique  ballet de nonnes pécheresses, aucun costume du Moyen-Âge fantastique, ni de casques, épées ou chevaux de tournoi - le public des Bozar a été enchanté par cette magnifique  version concertante.  Evelino Pidò a dirigé les artistes avec fougue à travers les tempêtes sauvages de sentiments humains et le désir dévorant du pouvoir et des richesses qui peuple l'allégorie, jetant au passage une énorme pierre dans notre jardin!


Le contraste saisissant de la lourde musique chevaleresque mêlé à l’ambiance festive de chansons à boire,  face aux  lignes fluides et des valeurs spirituelles de l’amour courtois et du divin, a su  émerveiller le public tout au long de  la soirée. L'arme secrète, c'est sans doute  la beauté de l’interprétation raffinée  des deux femmes, Alice et Isabelle en particulier. La soprano colorature Lisette Oropesa, dans  sa magnifique robe jaune safran imprimmée de grands coquelicots noirs, a chanté l'opéra avec vigueur et passion, d'un bout à l'autre, sans fatigue apparente, enchaînant  aigus, graves et vocalises avec le plus grand naturel. La vision authentique de la bonté et de la lumière de l'amour était assortie d'une pureté de son extraordinaire. L'exquise soprano espagnole Yolanda Auyanet, dans le rôle d'Alice, faisait, elle aussi, preuve d'une capacité à couvrir les notes les plus graves et les plus hautes  dans une émission  de souffle continu et une  projection de voix remarquable.Bref, du Bel Canto à l'italienne saisissant et une  inébranlable patience dans l' argumentation  visant à démanteler les stratagèmes des  mécréants. Toutes deux, telles une armée de saintes femmes se trouvaient  résolument engagées dans la lutte contre tout ce qui pouvait nous  tirer vers le bas, projetant un faisceau de lumière  au coeur des sombres violences du 13e siècle… et celles du nôtre, par la même occasion.

Alice, l'innocente  soeur de lait de Robert, se bat courageusement pour l'âme de son frère adoré,  contre ce père démoniaque, Bertram, qui  a pris, dit-elle, les traits trompeurs d’un fidèle chevalier. Dès les premières lignes, Alice l'a percé à jour, son âme pure détectant le Mal qu'il incarne, grâce au souvenir d'un tableau de leur lointain village normand, où l'archange  combattait le dragon. Terrorisée, elle le nomme d'emblée "L'Autre". Mais bien sûr, son frère n' écoute rien. Il lui  faudra tout l’opéra pour s’adoucir,  au nom de leur mère bien-aimée, qui dans sa dernire lettre adressée  à son fils,  lui conseillait de se méfier du diabolique Bertram. Ce dernier  est pleinement incarné par la somptueuse basse française Nicolas Courjal,  vraiment fascinant  dans ses maléfices et son imparable séduction. Sa note la plus basse, frappant le terrible mot français «mort», a été suivie d'un silence  mortel dans la salle,  jetant un froid glacial dans toute  l'assemblée.

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Le stupéfiant ténor russe  Dimitry Korczak, a assumé le rôle de Robert avec autant de vaillance et d’esprit  qu’il pouvait en  trouver,  face  à  la figure implacable de l'incarnation de  Méphistophélès. On l’imaginerait tout de même plus à sa place  dans le rôle d’Orpheo et d’Eurydice. Robert le Diable est en fait un noble normand impénitent,  assoiffé de pouvoir, d´or et de femmes, au génie diabolique hérité de son père, exilé en Sicile pour ses nombreux méfaits perpétrés dans sa ville natale. Heureusement que la rédemption par l'amour, on y croit!

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 On se souvienda aussi du remarquable Raimbaut (chanté par un gent troubadour, le ténor Julien Dran avec plein de  soleil dans la voix) et au passage, on retient aussi la belle performance  du ténor belge, Pierre Derhet, l'émissaire juvénile du prince de Grenade, chanté avec une superbe rondeur et une  belle projection. Enfin,  la belle élocution, la dynamique et la présence du choeur, hommes et femmes,  préparé par Martino Faggiani, sont  à couper le souffle,  contribuant  grandement à l´éblouissante réussite de cette soirée.

Bozar 02/05 April 2019

Dominique-Helene Lemaire

https://www.lamonnaie.be/fr/program/838-robert-le-diable

Direction/ EVELINO PIDÒ
Maîtrise des choeurs/ MARTINO FAGGIANI
Assistant musical/ JONATHAN SANTAGADA

ROBERT/ DMITRY KORCHAK
Bertram/ NICOLAS COURJAL
Raimbaut/ JULIEN DRAN
Alberti / Prêtre/ PATRICK BOLLEIRE
Isabelle/ LISETTE OROPESA
Alice/ YOLANDA AUYANET
Héraut / Maître de cérémonie/ PIERRE DERHET (MM Academy Laureate)
Dame d’honneur/ ANNELIES KERSTENS
Chevaliers/ MARC COULON, ALEJANDRO FONTÉ, DAMIEN PARMENTIER, RICHARD MOORE
Joueur/ GERARD LAVALLE

La Monnaie Symphony Orchestra and Chorus
MM Academy / Benoît Giaux

Production/ DE MUNT / LA MONNAIE
Co-presentation/ BOZAR MUSIC

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administrateur théâtres

LES VOIX DU CHANGEMENT UN PROGRAMME POUR GRAND CHŒUR, CHŒUR DE JEUNES ET VOCES8 AVEC LA PARTICIPATION DU PUBLIC, SOUS LA DIRECTION DE PAUL SMITH

12273277483?profile=original Chanter au sein d’un chœur est une activité communautaire au pouvoir incroyable qui embellit notre vie tout en étant, de surcroît, gratuite pour tous.

 Je suis enchanté d’annoncer que cette année a vu le taux de participation à Singing Brussels grimper. Au fil de sessions de travail organisées à BOZAR depuis l’automne dernier, de nombreux groupes se sont préparés au grand concert participatif de cette année. Des chanteurs venus des quatre coins de Bruxelles forment deux grands chœurs – l’un ayant appris la musique d’oreille et l’autre par le biais de partitions. Nous accueillons également quelques chœurs d’adultes bruxellois, deux chœurs d’enfants et deux fabuleux chœurs de jeunes – BEVocaL et Waelrant, qui représentent la Belgique sur la scène internationale.

Ce soir, le son qui émanera de la scène vous donnera la chair de poule. Outre ces nombreux chanteurs, nous avons aussi invité un groupe de jeunes compositeurs bruxellois qui ont créé une œuvre spéciale inspirée par leurs années bruxelloises et par d’autres œuvres inscrites au programme de ce soir. Je suis évidemment impatient d’inviter VOCES8 à se produire à nouveau à nos côtés.

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 En outre, nous avons l’honneur d’être rejoints par l’excellent compositeur et pianiste Jonathan Dove, qui est actuellement le compositeur en résidence de VOCES8 et qui accompagnera au piano son œuvre The Passing of the Year.

The Sound of Change

Ce programme explore « le son du changement » par le biais d’un large éventail d’œuvres musicales d’hier et d’aujourd’hui. Nous nous intéressons aux évolutions sonores et musicales qui marquent nos foyers et ceux qui nous sont proches. Nous nous attardons sur les sociétés anciennes et modernes, et sur l’évolution des comportements dans le monde qui nous entoure. Enfin, nos chants évoquent le monde naturel et le passage des saisons. Tous ces univers expriment le changement à leur manière tout en présentant de nombreuses similarités.

 Le programme de ce soir inclut des versions célèbres de negro spirituals et des circle songs tirées de mélodies traditionnelles. Des œuvres de musique du monde encadreront le concert, sans oublier Stravinsky, Bach, Tormis et Bruckner ainsi qu’une nouvelle œuvre de Paul Smith pour grand chœur intitulée A New World et The Passing of the Year de Jonathan Dove. À travers une sélection de negro spirituals, nous découvrons des mélodies qui parlent d’espoir au beau milieu de la nuit. La profondeur de ces pièces traitant de l’esclavagisme leur a valu d’être connues dans le monde entier.

Que pouvons-nous apprendre en observant le monde à travers les yeux de ceux qui ont vécu à l’époque de la Rome antique ? De la Première Guerre mondiale, deux mille ans plus tard ? De chaque côté du conflit israélo-palestinien ? Que nous racontent les évolutions naturelles et le passage des saisons, les chants des esclaves en quête de leur salut, les mélodies des amants, des guerriers, des philosophes, des politiciens et des poètes ? Dans A New World, nous explorons les concepts de nationalité, de guerre, d’éducation et d’amour. Nous étudions la relation entre l’individu et la nation, la discorde personnelle et les manières dont l’amour et l’espoir survivent quand tout semble perdu.

Cette œuvre, écrite spécialement pour ce concert à BOZAR et pour La Folle Journée 2018 en France, est créée ce soir en Belgique. Lauliku lapsepõli, de l’Estonien Veljo Tormis, a été composée en 1966. La pièce évoque un « thème récurrent dans le folklore estonien » : le parcours d’un homme devenant chanteur. La mélodie simple et répétitive repose sur un fondement harmonique intentionnellement minimal. « L’évolution de mon travail créatif a été influencée par mon intérêt profond pour le destin de mon petit pays natal et pour ma culture à travers les époques », écrivait Tormis. Le célèbre motet de Bruckner, Locus iste, est très apprécié et connu des chœurs à travers le monde. Prêtez une attention particulière à la magnifique introduction « mozartienne » et à l’unique et très long mélisme que contient cette œuvre exclusivement syllabique. Le célèbre compositeur exilé Stravinsky avait longtemps vécu en France avant de quitter la Russie pour s’installer en Suisse en 1914, fuyant l’imminence de la Première Guerre mondiale. La Révolution russe qui a suivi a rendu impossible son retour dans sa patrie, qu’il ne reverra pas avant 1962. L’une des œuvres maîtresses de Bach, Singet Dem Herrn ein neues Lied (Chantez au Seigneur un chant nouveau), sera interprétée par VOCES8, rejoint pour le deuxième mouvement par le grand chœur. Johann Sebastian Bach est certainement l’un des compositeurs ayant eu la plus grande influence sur la musique classique occidentale, et cette pièce est généralement considérée comme l’un de ses motets les plus exigeants pour double chœur. Au beau milieu de ces considérations humaines, nous nous tournons vers le cycle annuel de la nature et notre place dans le monde avec The Passing of the Year, véritable voyage débutant dans le froid hivernal et se clôturant, après un soleil d’été brûlant, au son des « cloches sauvages » triomphantes du Jour de l’An. « Les sept poèmes que j’ai mis en musique dans « The Passing of the Year », explique Dove,  forment trois "mouvements" ».  Le premier attend l’été et commence par une ligne de William Blake (« O Earth, O Earth return! »). The Narrow Bud vient de To Autumn de Blake, bien qu’il s’agisse en fait d’une description de l’été. Dans Answer July, les questions rapides suggèrent l’accélération sensorielle, l’excitation du retour de la vie et l’arrivée triomphante de l’été. La deuxième section suit le passage de l’été. Elle commence dans une chaleur étouffante avec une chanson de la scène d’ouverture de David and Bethsabe (« Hot Sun, Cool Fire ») : une fille se baigne dans une source et ressent le pouvoir et le danger de sa beauté. La section se termine par la mortalité apportée par l’automne : « Adieu! Farewell Earth’s Bliss », de Summer’s Last Will and Testament, qui annonce la mort de l’été. Le cycle se clôture en hiver, le Jour de l’An, avec un passage du poème In Memoriam d’Alfred Tennyson.

Comment une libération ou un retour d’exil permettent-ils l’expression libre de la musique, de la joie ? Interaction, spontanéité et exaltation sont les mots clés autour desquels nous rassemblons des œuvres de différentes régions du monde – notamment la chanson Freedom is coming pour clôturer ce programme par un déchaînement d’émotions humaines à l’état brut. Le changement ne s’opère pas en ligne droite mais sous forme de spirale. Dans quel sens voyageons-nous dans cette spirale ? Grâce au pouvoir de la voix humaine, ce programme explore le son du changement.

Paul Smith

Crédit photo:  Royalbroil - Own work, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=56393842

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https://www.bozar.be/fr/activities/126873-singing-brussels-celebration-weekend

 

L'an dernier... https://www.bozar.be/fr/activities/128589-voces-8

Notre chorale:  http://www.internationalchorale.com/

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                      Créé à Paris le 2 décembre 1840, « La Favorite » de Gaetano Donizetti s'installe à Liège dans sa version originale française!  Fernand (Celso Albelo), un jeune novice, fils spirituel du Grand-prêtre Balthasar (Ugo Guagliardo) , est  déchiré entre sa foi et son  coup de foudre pour une inconnue. Il abandonne son monastère  pour rejoindre les forces armées d’Alphonse  XI, roi de Castille (1311–1350) qui se prépare à partir en guerre contre l'envahisseur maure. Il ne se doute cependant pas un seul instant que la femme qu'il aime est la maîtresse "favorite" du roi. Nous sommes  dans l'Espagne du XIVe siècle, au temps des luttes de pouvoir entre l’Église et l’État et  leurs tumultes illustrés  par les  somptueuses pages lyriques de Donizettti, brillamment dirigées par Luciano Acocella. Alphonse a bien caressé l’intention de répudier sa femme pour faire de Léonor, sa  nouvelle  reine…comme le fera deux siècles plus tard le roi anglais Henry VIII (1491–1547) mais il craint l’excommunication.  Pour  récompenser Fernand  de sa  bravoure,  le roi (Mario Cassi)  le couvre d’honneurs et accède à son désir en lui  accordant la main de Léonor. Il conseille sarcastiquement à Leonor d’être fidèle au moins à Fernand. Ce n'est que le jour même de leur mariage que Fernand découvre avec  horreur la relation de Léonor avec le roi. Sa colère virile explose : S O N honneur est définitivement trahi ! Voyez-vous donc ! Humilié et ostracisé par ses compagnons d’armes, il repousse alors ses titres et ses trésors et retrouve ainsi l’estime de Don Gaspar (Matteo Roma)   et des Seigneurs. Il retourne au monastère, laissant ses vœux et sa nouvelle épouse sombrer dans le désespoir. On assiste aux rites de  son ordination. Mais la tragédie romantique est loin d’être achevée car Leonor, mourante vient s’expliquer avec lui. L’amour de Fernand renaît. Bouleversé,  il veut s’enfuir avec elle, mais elle lui demande de respecter ses vœux et s’éteint dans ses bras.    

                                                                         Stupéfaction, le rideau s’ouvre sur une sombre salle des coffres, où l’on véhicule des bocaux étranges sur une table roulante. Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley se déploie. Le rituel s’installe devant un triangle lumineux sur la pointe. Le glaive du pouvoir divin et de l’injustice? 2080 est bien pire que 1984 de Georges Orwell. La nature, « cette sève de l’être humain » a disparu. Les vestiges se retrouvent dans des bocaux gardés par le pouvoir suprême, un monastère-laboratoire. Dans ce monde d’éprouvettes, plus de pacte familial, ou social, plus de droit à la pensée ou au discernement. Les femmes aux longues chevelures voilées de blanc, toutes identiques, sont offertes à la contemplation. Futures porteuses de guerriers, elles sont cloîtrées sous globe dans la ruche …de plastique, en l’occurrence. Contrôlées, dépossédées de leur libre-arbitre elles font partie d’un monde fait de splendides paysages lumineux tous artificiels. Le seul arbre de l’œuvre, placé dans un cylindre, agrémente comme un saint-sacrement,  la chambre du roi. En 2080 ? La liberté est bien morte, et malgré son caractère trempé  le roi  plie le genou  devant l’autorité religieuse.  En forme de leçon de morale glaçante, un très beau ballet met en scène deux femmes-papillons qui, ayant conservé leurs couleurs, et malgré la beauté de leur art, meurent sous les regards assassins. Chorégraphie: Luisa BALDINETTI. Rosetta Cucchi est la metteuse en oeuvre de ce monde minéral désenchanté. Les costumes, - le ou la - plastique des  lumières et la  scénographie soulignée par des ronces tentaculaires fluorescentes quand on n’est pas dans le monastère-laboratoire, éclatent d’ironie. 

                                                                     Honneur aux femmes.  La  brûlante mezzo-soprano  Sonia Ganassi, incarne dans un portrait sincère de Léonor. Palpitante, humaine, elle s’insurge contre le sérail de ses sœurs qui toutes penchent la tête sous leurs voiles nacrés. Se fait-elle torche incandescente de désespoir au dernier acte, dans ses échanges déchirants avec Fernand ? Donnant beaucoup de tenue aux duos avec Fernand (Celso Albelo) , elle passe des couleurs sombres aux assauts verbaux désespérés et au délire de l’amour avec une incomparable virtuosité. Et son français est bien audible, ce qui est beaucoup moins le cas pour les interprètes masculins de cette production où il faut souvent se référer à la bande déroulante pour en comprendre la diction.   Sa compagne, Inès resplendit de fraîcheur, incarnant par la qualité de la voix, la fameuse sève humaine disparue de ce monde minéral. Une voix solaire, une diction parfaite, un rayonnement musical qui s’avère être un réel répit dans ce monde fossilisé malgré tous ses effets de lumières (Fabio Barettin/Sylvain Geerts ).

                                                        Les chœurs  aussi sont à l’honneur : de véritables rafales de pluie bénéfique bruissante où vibre une humanité chaleureuse restée indépendante de la volonté de la mise en scène.  Une production saisissante par sa modernité et surtout pour la superbe prise de rôle d’Ines (Cécile Latschenko), l’exquise compagne de Leonor qui devait en principe trouver Fernand pour  lui avouer la vérité sur elle. Interceptée par Don Gaspar (Matteo Roma)  elle a été arrêtée par ordre du Roi, pour avoir aidé Léonor dans sa trahison.

                                                            Quel monde… d’hommes!  

 

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La Chypre imaginaire de Shakespeare est une  riche possession vénitienne, bastion  entre l’Islam et la chrétienté orientale. Priorité à la structure et aux couleurs : les notables festoient sur  l’esplanade d’un palais vénitien dans un déluge de tenues d’apparat, dignes de tableaux renaissance de Véronèse : Les noces de Canna (1562)?    On ne peut qu’être remplis d’admiration pour ces costumes rutilants faits de  tissus et  soieries tellement  raffinés -“Stuff dreams are made of” -   et signés  par le fidèle  créateur de L’opéra Royal de Wallonie: Fernand Ruiz. Ceux-ci, tous différents, font  presque passer au second plan les colonnades antiques du palais où se déroule l’action après la  bataille de Lépante…

Cette histoire Shakespearienne encensée par Verdi avait été écrite en 1603-1604 après la publication d’un édit royal de 1601 ordonnant l'expulsion de tous les Noirs d'Angleterre. Otello, le général maure de l’armée Vénitienne est en extase devant  sa jeune  épouse Desdemona qu’il a épousée contre le consentement de ses parents. Cependant,  son conseiller de confiance, Iago, commence à laisser  entendre que Desdemona est infidèle. Il veut causer la perte d’Otello et le pousser au crime passionnel.  Qui des deux, Otello va-t-il croire : son perfide et envieux compagnon d’armes  ou son innocente  femme? Avec une exactitude presque mathématique, on assiste au développement  du sentiment de  jalousie, depuis sa naissance à peine perceptible jusqu’à son fatal paroxysme. Les chœurs toujours dirigés par Pierre Iodice sont somptueux et constituent un renouvellement ininterrompu de  tableaux vivants  de l’époque Elisabéthaine!

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Otello se confond impeccablement avec la ligne ascendante implacable de la jalousie, depuis la confiance extatique au premier acte, jusqu’à l’instant où naît le soupçon infusé avec machiavelisme par Iago, celui où commence la traque de la trahison imaginaire dans une  passion qui s’exaspère jusqu’à la folie bestiale. Et puis, devant le constat de son crime et l’innocence certaine de la victime, il se précipite dans l’abîme du désespoir et de l’inutile repentir. Le ténor   argentin José Cura, formé par Domingo Placido  explore sa partition avec vigueur brûlante et profusion de couleurs.  Son «Abbasso le spade!» clamé avec autorité contraste pleinement avec son duo  avec Desdemona, qui clôt le premier acte. Il diffuse parfaitement sa perception de  la volatilité du bonheur lorsqu’il dit vouloir mourir dans l’extase de l’étreinte de sa compagne.  «Già nella notte densa» déborde de tendresse. Les dieux seraient-t-ils jaloux de ce pur bonheur?

Otello

Jose Cura © Lorraine Wauters 

«  Credi in un Dio cruel che m’ha creato simile a sè ! » Je crois à un Dieu cruel qui m’a fait à son image ! Le sulfureux Iago (Pierre-Yves Pruvot), humilié de s’être vu refuser une promotion,  a engagé une machination infernale pour détruire celui qu’il s’est mis à haïr avec passion.  Il est  consumé par l’orgueil, la jalousie, l’envie et le désir de vengeance. Sa duplicité monstrueuse  fascinante  en fait une figure d’un charisme  infernal qui force  malgré tout l’admiration du public. Quelle prestation et quelle sonorité ! Le baryton Pierre-Yves Pruvot  endosse le costume de l’hypocrisie avec une conviction et un talent vocal et théâtral exceptionnel. Ses moindres inflexions changeantes tantôt caressantes, tantôt menaçantes donnent froid dans le dos tant la fourberie est toxique!

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Desdemona est remarquablement intense dans sa naïveté et son aveuglement amoureux, mais aussi d’une lucidité  surnaturelle  devant l’imminence de sa fin brutale. Cinzia Forte  qui s’est illustrée sur la scène de l’Opéra de Wallonie plusieurs fois, RigolettoLe Nozze di FigaroFidelio et La Bohème) possède une voix pleine de fraîcheur de délicatesse et de rondeur. Ses aigus soulignés par la finesse des violons et en suite  celle des  bois sont super légers !  Son désarroi devant les accusations injustes est  immensément touchant. « Atterré, je fixe ton terrible regard, en toi, parle une furie ! » « L’Eternel voit ma foi ! »L’orchestre est en délire et l’accompagne dans son sentiment d’injustice. Otello l’étouffe sur sa poitrine, elle fuit et les cordes soulignent son isolement. Plainte douloureuse, le soleil s’est éteint.  On retrouve la hantise de l’antiquité grecque.  Dans la fange amère et glacée, elle pleure son âme qui se meurt. Après son Ave Maria, « prega per noi ! » elle quitte le coussin sur lequel elle s’était agenouillée pour s’approcher du lit mortel. L’Amen est illuminé bordé de violons fins comme des cheveux d’ange  Son jeu  final d’oiseau pour le chat est pleinement attendrissant et semble penser :  « Tue-moi mais fais vite !» « As-tu prié » demande Otello ! «  Mon pacte est l’amour. » Tout est dit !

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S’il visait l’excellence  pour sa dernière représentation à L’Opéra de Liège,  Paolo Arrivabeni, dont  c’est la dernière saison, a atteint pleinement son but. Il  confirme sa très fine et profonde  connaissance de l’œuvre et son habileté pour traduire tous les sentiments. Il  parcourt la triple tragédie  dans les moindres détails, avec un sens aigu des variations d’atmosphères et un traitement époustouflant des orages annonciateurs de  tempêtes de sentiments dont les humains sont victimes. La pâte sonore luxuriante semble monter comme un immense soufflé de haine, de jalousie et de désarroi d’une rare  intensité. De la place où nous étions, nous avions une vue plongeante sur l’orchestre, de quoi pouvoir observer les moindres détails des interventions des instrumentistes. Joie musicale redoublée. Quatre notes de harpe disent la nuit qui descend, l’accompagnement du rire de Iago est fracassant et quand le doute pénètre Otello, les cordes en tremblent ! Le venin de la trahison imaginaire s’infuse dans les bois, la colère d’Otello bouillonne avec un orchestre en folie alors que genou à terre celui-ci fait un pacte avec le Diable! Les cuivres sont sanguinaires : « Comment vais-je la tuer » se demande Otello ! Et la munificence de la cour vénitienne déferle avec les chœurs qui saluent le vainqueur de Chypre. A la fin du 3e acte le chef a donné toute sa force et est épuisé par le paroxysme musical. A la fin du 4e acte, le dernier souffle de vie est expulsé par l’orchestre.    19224769_1732477563448290_253497608858692607_n.jpg

Le jeu de la suivante, Emilia n’est pas moins convainquant « Je suis ta femme, pas ton esclave ! » assène-t-elle à Iago. Alexise Yerna a été entendue sur la même scène dans Manon, Luisa Miller, Rigoletto, Ernani, Il Barbiere di Siviglia, Lucia di Lammermoor, La Traviata et Orphée aux enfers. Les deux femmes sont à la pointe de l’intimité, elles s’entraident avec la ferveur du désespoir.  Leur duo tendre souligné par les hautbois est un moment d’émotion intense et lumineuse. C’est elle qui expliquera avec détermination la félonie de son mari  à l’ambassadeur de Venise (notre cher Roger Joachim). Et Cassio, le jouet du destin, c’est  Gulio Pelligra (dans Nabucco en octobre dernier) qui l’habille d’une très belle humanité.

SAISON : 2016-2017

DIRECTION MUSICALE : Paolo Arrivabeni MISE EN SCÈNE : Stefano Mazzonis di Pralafera CHEF DES CHŒURS : Pierre Iodice ARTISTES : José CuraCinzia FortePierre-Yves PruvotGiulio PelligraAlexise YernaRoger JoakimPapuna TchuradzePatrick DelcourMarc Tissons

NOMBRE DE REPRÉSENTATIONS : 6DATES : Du vendredi, 16/06/2017 au jeudi, 29/06/2017  

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Crédit photos: Lorraine Wauters

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Stabat Mater, opus 58  Antonín  Dvořák (1841-1904) œuvre pour soli, chœur et orchestre

Cécile Lastchenko- soprano
Pauline Claes - mezzo
Sébastien Romignon-Ercolini - tenor
Kris Belligh - Bariton
Namur Chamber Orchestra

Direction:Ayrton Desimpelaere


Grand concert de la Régionale A Cœur Joie de Bruxelles sous la direction d' Ayrton Desimpelaere, au profit de l’ASBL « Camp de Partage »

Le jeune chef belge Ayrton Desimpelaere (né en 1990) fait partie  d’une génération montante d’artistes qui se retrouve comme par enchantement dans les salles les plus prestigieuses.  Le jeune maestro talentueux a eu l’occasion de diriger la demi-finale du Concours Tchaïkovski à Moscou en 2015 devant un jury prestigieux présidé par Valery Gergiev et retransmis  sur Medici.tv. Au cours de la saison 2016-2017 il a dirigé la Flûte Enchantée  en version à vocation pédagogique, à L’Opéra Royal de Wallonie où il a eu l’occasion bénie de pouvoir côtoyer tout au cours de l’année,  d’immenses personnalités du monde musical, grâce à son assistanat dans la direction d’orchestre. Depuis 2015, il assure la direction du chœur de la régionale A Cœur Joie de Bruxelles composée de 180 choristes et depuis 2014 il dirige un répertoire d’œuvres sacrées lors des  stages de Chant choral à Loos (France) qui rassemble chaque année une centaine de choristes. Cette année l’œuvre sacrée choisie est La petite messe solennelle de Rossini.  Dernièrement, il a également dirigé lors du Singing Brussels Celebration Weekend à Bozar,  660 élèves issus d’une vingtaine d’écoles primaires bruxelloises interprétant  l’œuvre musicale originale imaginée pour le projet Cantania par le compositeur belge Jean-Philippe Collard-Neven.

Pour ce  prodigieux Stabat Mater, Le NCO (Namur Chamber Orchestra), une formation de 12  jeunes musiciens issus des Conservatoires royaux belges  et qui s’est produite dans de nombreux festivals belges ainsi qu’en France, s’est  augmenté de musiciens professionnels  supplémentaires pour former un orchestre symphonique sous la baguette de leur chef Ayrton Desimpelaere qui dirige également l’immense cohorte musicale des choristes de  la formation A Coeur Joie. Les bénéfices du concert iront généreusement au profit de l’ASBL «Camp de Partage». Quatre solistes éblouissants complètent le tableau : La soprano Cécile Lastchenko (°1989), La mezzo-soprano Pauline Claes, le ténor Sébastien Romignon Ercolini et la basse Kris Belligh.

La version initiale pour quatre solistes, chœur et piano a été composée par Dvořák après la mort de sa fille Josefa en 1875. Il a ensuite mis le travail à l'écart sans l'orchestrer. Peu de temps après, il a perdu deux autres enfants en 1877. À ce stade, il est retourné au manuscrit qu'il avait  abandonné l'année précédente pour composer l’œuvre orchestrale.


Le texte  latin du Stabat Mater  date  du milieu du XIIIe  siècle, mais  les sentiments évoqués dans  ce poème ont une valeur intemporelle.  Le moine franciscain qui l’a écrit et dont l’identité n’est pas certifiée, a trouvé son inspiration religieuse dans la souffrance de Marie au pied de son Fils cloué sur la croix. Ce texte  ainsi que le traitement  musical que  Dvořák a composé  nous touche profondément et exprime l’universalité  notre compassion avec la souffrance  de l'homme.

 

Le concert s’est donné dans la salle Henry le Bœuf  du Palais des Beaux-Arts de Bruxelles le 10 juin 2017. Ayron Desimpelaere a su équilibrer les différentes interventions, chœur, orchestre et soli. De terrestre, - ce que pense le jeune chef de la version  qu'il a livrée -   son interprétation apparaît à certains moments purement cosmique et reflète une force bouillonnante de synergies qui fusent  dans la fresque chorale monumentale. Le chœur très nombreux d’amateurs ne déçoit pas - rien d’approximatif ou d’hésitant -   il est  très à la hauteur. Il est  juste sans doute regrettable  que le concert n’ait probablement pas été enregistré.

Le jeune chef  a su insuffler à son orchestre une belle dynamique empreinte de tension dès le prélude où le crescendo lugubre aboutit  rapidement dans un paroxysme apocalyptique pour être ensuite adouci par des bois aux sonorités très pures. Les constructions successives sont monumentales.   Le Quis est Homo est magnifiquement débuté par Pauline Claes et rallié avec émotion profonde par le tenor Sébastien Romignon-Ercolini  pour aboutir avec souplesse dans un quartet bien balancé.  La désolation est absolue dans la voix de  basse de Kris Belligh. Difficile de ne pas être frappé par la tristesse.  Le public peut  dès lors accompagner mesure après mesure  le Eia Mater Fons Amoris qui  diffuse tout au long du chemin de douleurs, douceur et cris de colère à travers des vagues de pleurs océaniques… Fac Ut Ardeat Cor Meum est magnifiquement conclu par Kris Belligh. La salle entière accompagne les souffrances du Crucifié, les yeux fixés sur les mains du maestro qui  sculpte la douleur.

Le chœur peut alors se lâcher dans la puissance de la  tendresse, un sorte de berceuse cosmique: Tui Nati vulnerari dont la deuxième partie résonne comme une marche triomphale, cuivres et percussions à l’appui, vents pleins d’espérance.  C’est  ensuite le tour du ténor Sébastien Romignon-Ercolini aux accents très romantiques  méditerranéens qui dans le  Fac me vere tecum flere,  arrache des larmes par sa juste et belle entente avec le choeur. La salle est  définitivement conquise et attend avec impatience  son duo avec l’exquise tendresse de Cécile Lastchenko : Fac ut portem Christi mortem…  Le timbre est chaleureux, la voix est souple et les aigus bien ronds sont  assurés. 

Le quartette et le chœur et l’orchestre  concluront dans  une  puissance resplendissante magnifiquement édifiée par Ayrton Desimpelaere où se combinent, implorations respectueuses, enracinement de la force de la foi, silence, et confiance joyeuse dans la danse des anges et le triomphe absolu  de l’amour. Les voix a capella des hommes et des femmes, puis l’orchestre seul et les derniers Amen s’évanouissent avant l’A Dieu final.  Les applaudissements de bonheur éclatent de toutes parts.

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 Sachez finalement que  le maestro, après avoir pris le micro pour des émouvants remerciements pour la collaboration généreuse de tous ses partenaires et de toutes les personnes qui ont soutenu ce fabuleux projet,  offre  en bis ce que son cœur lui dicte et ce que le public attend secrètement: Eia Mater Fons Amoris.

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http://www.bozar.be/fr/activities/125430-stabat-mater-de-antonin-dvorak 

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https://www.rtbf.be/musiq3/actualite/musique/detail_la-matinale-invite-du-15-06-ayrton-desimpelaere?

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ET pourtant ...le tango a été longtemps décrié par l’Église pour sa sensualité ! It's an art attack! Et quand le syndrome de Stendhal vous attrape, il n’existe plus ni temps, ni espace, mais un émoi vertigineux. C’est ce qui s’est passé l’autre soir à l’église Saint-Marc d’Uccle qui accueillait le Brussels Philarmonic Orchestra et le chef-d’œuvre choral de  la Misa Tango… le « péché mignon du pape François » une  œuvre liturgique argentine pour piano, cordes et bandonéon.

Aucun texte alternatif disponible.

 «La messe préférée du pape»  reçut en effet les honneurs du Vatican en octobre 2013, à Saint-Ignace de Loyola, pour l'ouverture du Festival international de musique et d'art sacré de Rome, dédié au Souverain Pontife. Composée en 1996, dans l'esprit de la Misa Criolla d'Ariel Ramírez, « cette messe atypique de Martin Palmeri offre la part belle aux sonorités de la musique du tango, et a un incroyable pouvoir de séduction qui emporte même qui n’apprécierait pas la musique classique. » Les textes, en latin, et la structure sont les mêmes que ceux utilisés pour les grandes messes classiques, mais les rythmes décoiffent et bouleversent. Ne manquaient que quelques couples de danseurs profanes portés par l’émotion de la musique sacrée! Le corps et l’âme apaisés et réconciliés !

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Choix éclectique : En première partie du concert nous avons eu  le plaisir d’écouter  L’Adagio pour cordes, une courte œuvre majeure du compositeur belge Michel Lysight, présent dans la salle. Une œuvre poignante et forte comme une immense houle bienfaisante, dans laquelle le recours au canon  développe une expressivité intense et apaisante!  Pour suivre : la Sérénade Op. 22, l’une des œuvres orchestrales les plus populaires qu’Antonin Dvorak composait en mai 1875, en  moins de deux semaines quatorze jours. Les cordes tanguent déjà, le battement des pizzicatos des violoncelles  annonce la messe argentine à venir. La disposition particulière de l’église avec l’orchestre en son centre permet, si on se trouve sur la droite d’apprécier au mieux les altos, violoncelles et contrebasses. Sous le regard bienveillant de David Navarro Turres, qui dirige l’orchestre,  la salle est bondée, et les sonorités chaleureuses se dispersent en de belles harmonies sur le bois de la nef renversée qui surplombe l’ensemble et résonne comme une conque divine. Le finale démarre sur le rêve et le mystère, David Navarro Turres cueille le recueillement et semble donner une leçon de cosmologie en indiquant les étoiles sur la voûte musicale. On reçoit une perception d’infiniment lointain et d’infiniment proche qui se répondent.

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Pour l’admirable messe, Le Brussels Philharmonic Orchestra  s’accordait avec euphorie avec les longs frissons du Choeur BachWerk, les solistes Pauline Claes (glorieuse mezzo soprano),  María Gabriela Quel (les tendres larmes du piano) et Pauline Oreins ( les joies et les sanglots de l’accordéon). Tous, dans une sorte d’état de grâce, dans un mélange de gammes vers l’infini et de vivante humanité  ont donné le meilleur d’eux-mêmes. Dona nobis Pacem ! La requête impérative se fond à l’espérance muette et poignante dans le cœur de chacun.

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http://www.bpho.be/concerts/2016-2017/misa-tango/

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administrateur théâtres

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12273129701?profile=originalVoici du  panache et  de la  flamboyance  pour ouvrir la  saison à ORW  à Liège.  Jean-Louis Grinda*est de retour avec une somptueuse mise en scène de l'Ernani de Verdi en collaboration avec l’Opéra de Monte-Carlo.   

Pour souligner l’opulence musicale  de l’œuvre, Jean-Louis Grinda choisit d’utiliser une toile de plastique tendue,  faisant miroir, inclinée en fond de scène qui dédouble les clairs-obscurs et les saisissants jeux de lumière de Laurent Castaingt de manière très  onirique. Ceux-ci jouent avec la transparence des écrans et  font surgir  la vision extraordinaire d’une reine de lumière en robe blanche  autour de laquelle surgissent  des   personnages  vêtus de brocart, figés et  muets, comme dans un cauchemar. Nous sommes dans les toutes premières mesures de l’ouverture.

Plus de 300 costumes resplendissants, d’inspiration Renaissance, signés  Teresa Acone et une  réplique stylisée  de combats équestres de Paulo Ucello contribuent à créer  l’atmosphère grisante de légende épique. L’importante distribution  glisse  sur  l’échiquier du drame romantique, fait de porphyre er de marbre noir. Les décors sont signés Isabelle Partiot-Pieri. Le mouvement entre ceux-ci simule  la main du destin, le moteur invisible de l’ouvrage. La très belle direction des choristes  evient à Pierre Iodice. Le décor au  troisième acte suggère le tombeau de Charlemagne surmonté de l’aigle impérial,  auprès duquel se fera le couronnement. Le dernier acte  s’ouvre sur  une couche nuptiale surmontée d’un  immense dais de soie blanche   parsemée  d'écussons dorés,  auquel seront  assorties les tenues de bal de la cour  pour les  épousailles princières.

Les personnages. Une femme Elvira (Elaine Alvarez), flanquée de  sa nourrice Giovanna (Alexise Yerna), face au monde guerrier des hommes : un oncle, un grand d’Espagne,  De Silva (la basse Orlin Anastassov), vieillard qu’elle déteste et qu’elle doit épouser.  Don Carlo (Lionel Lhote), le roi d’Espagne qui lui a aussi demandé sa main et  lui a même offert la couronne. Son cœur appartient à  Ernani (le ténor argentin Gustavo Porta), prince proscrit, cuirassé dans une voix forte, stable  et assurée,  poursuivi par une fatalité meurtrière, devenu bandit avide de vengeance : son père a été tué par le père de Don Carlo. Traqué par les émissaires du roi, iI s’est réfugié dans les montagnes d’Aragon.

Tout pour l’amour. Il rêve d’enlever Elvira. Le malheureux couple  se voue  en effet un amour sincère et juste, seule harmonie dans cette fresque guerrière  mue par la poudre et le glaive. Encore deux hommes de plus  au tableau : Riccardo, l’écuyer du Roi et Jago, celui de De Silva. L’amour est la valeur absolue d’Elvira et sa seule arme. Elle est prête à perdre la vie et irait jusqu’à tuer  si elle ne peut pas vivre aux côtés de son amant.  « Ernani involami » est d’une poignante beauté, brodé de belles demi-teintes fort délicates. 

 Tout pour l’honneur. La machine à broyer les hommes dans le sang - Jalousie et Vengeance - se réveille. De Silva a offert à son insu l’hospitalité à Ernani en fuite. Ernani, croyant Elvira  mariée,  lui offre sa tête en cadeau de noces, quand, enflammés par l’idée de vengeances communes, Ernani et De Silva  décident de se liguer contre le roi. Il revient à Ernani de l’abattre, pour venger la mort de son père.  Inconscient ou la proie d’une malédiction,  Ernani conclut avec De Silva un pacte fou où  il  offre à son ennemi de se supprimer par le glaive lorsque De Silva fera retentir trois fois un cor fatidique!  L’honneur est la valeur absolue d’Ernani,  et rien ne tiendra devant  ce pacte  insensé !  Aucun usage de la raison ou les supplications d’Elvira  n’arrêteront  son passage à l’acte. Pauvre folie des hommes.  Etranglé par l’orgueil de ses principes et la  spirale des vengeances en série, il s’immole aux pieds de celle qu’il peut enfin épouser sous l’œil impassible de De Silva. Quelle absurdité ! Elvira avait  fini par obtenir  la clémence du nouvel empereur du Saint Empire  grâce à  la sincérité et la pureté de ses sentiments. Victoire éphémère de l’amour.  En effet, au  troisième acte, le roi Don Carlo,  accédant au trône impérial sous le nom de Carolus Quintus,  avait su contourner la haine, trouver le chemin de la paix et  de la clémence. On est frappé par la noblesse de ton de Don Carlo, qui s’oppose à la dérisoire vendetta et l’orgueilleuse dette d’honneur!  Le goût du sang, la folie de vengeance et de  jalousie de De Silva  viennent tout ruiner. Le trio final est un hymne rutilant fait de désespoir et de malédiction.

12273129069?profile=originalTout pour la musique. L’orchestre dirigé par Paolo Arrivabeni enchaîne les airs, les chœurs chatoyants et les dialogues  avec une énergie dévorante. La constance  des différentes haines se dégage de chaque scène avec  obstination dans une atmosphère de fatalité. It’s a man’s world. Et à l’opposé, parée de tout le  mystère de féminité, des couleurs  tendres  aux plus crépusculaires, l’interprétation  vocale impérieuse d’Elaine Alvarez est royale et sereine malgré  l’intensité de sa souffrance. Elle suscitera vivats et applaudissements enthousiastes très mérités lors des nombreux rappels en scène. Tout aussi royale est l’interprétation et  la voix ronde et souple de Don Carlo. Lionel Lhote le sublime baryton qui nous a enchantés dans Les pêcheurs de perles tout dernièrement sur la même scène, et il  se surpasse encore. « O de’verd’anni miei » médite-t-il devant la tombe de Carolus Magnus, symbole de sagesse. Avec sa très belle présence scénique, c’est probablement, notre voix préférée dans ce magnifique spectacle qui ne cesse de nous rappeler de façon étonnamment vivante,  les  tableaux  de Velasquez.

ernani-c-opera-royal-de-wallonie-lorraine-wauters-27.jpg?itok=IhBFmvyR&width=452                          http://www.operaliege.be/fr/activites/operas/ernani

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* Jean-Louis Grinda a dirigé l'Opéra Royal de Wallonie pendant des années, avant l'actuel directeur général et directeur artistique Stefano Mazzonis Di Pralfera  

Saison : 2015-2016

Durée : 2:40 /Langue : Italien /Direction musicale : Paolo Arrivabeni / Mise en scène : Jean-Louis Grinda/ Chef des Chœurs : Pierre Iodice/ Artistes : Gustavo Porta, Elaine Alvarez, Orlin Anastassov, Lionel Lhote, Alexise Yerna/ Nombre de représentations : 6 /

Dates : Du jeudi, 24/09/2015 au mardi, 06/10/2015   

 crédit photos: (© Opéra Royal de Wallonie - Lorraine Wauters).

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administrateur théâtres

12273128085?profile=originalHistoire vraie d’un artiste français qui adora La Vestale jusqu'à s'aller tuer pour elle, d'un balle dans la tête! Berlioz raconte: « On doit donner encore la Vestale... que je l’entende une seconde fois !.... Quelle œuvre !... comme l’amour y est peint !... et le fanatisme ! Tous ses prêtres-dogues, aboyant sur leur malheureuse victime... Quels accords dans ce finale de géant !... Quelle mélodie jusque dans les récitatifs !... Quel orchestre !... Il se meut si majestueusement... les basses ondulent comme les flots de l’Océan. Les instruments sont des acteurs dont la langue est aussi expressive que celle qui se parle sur la scène. Dérivis a été superbe dans son récitatif du second acte ; c’était le Jupiter tonnant. Madame Branchu, dans l’air : Impitoyables dieux !, m’a brisé la poitrine ; j’ai failli me trouver mal. Cette femme est le génie incarné de la tragédie lyrique ; elle me réconcilierait avec son sexe. Oh oui ! Je la verrai encore une fois, une fois... cette Vestale... production surhumaine, qui ne pouvait naître que dans un siècle de miracles comme celui de Napoléon. Je concentrerai dans trois heures toute la vitalité de vingt ans d’existence... après quoi... j’irai... ruminer mon bonheur dans l’éternité. » C’est dire si à l’époque (1807), La Vestale de Gaspare Spontini avait ravagé les cœurs!

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On la retrouve en 2015 au Cirque Royal de Bruxelles, un endroit de choix pour monter  cette œuvre méconnue dont on ne se souvient que chantée en italien par La  Callas. L’Orchestre de la Monnaie dirigé par Alessandro De Marchi œuvre à découvert, aux yeux du public dans  une  moitié de l’arène tandis que l’action se déroule en surplomb, dans l’autre moitié du cercle. Les costumes de Marguerite Bordat font plus penser  à L’Antigone de Jean Anouilh qu’au théâtre antique. La mise en scène, signée Eric Lacascade et montée l'année dernière au théâtre des Champs Elysées à Paris, est très stylisée. Epurée et classique à la fois, elle donne le ton d’un drame intemporel.

Comme dans « Les pêcheurs de perles », on retrouve l’amour en butte à la  bigoterie religieuse, le thème du bouc émissaire, mais aussi la  brûlante liberté d’esprit de la victime expiatoire.  Deux thèses en présence: « Le salut exige une victime» s’oppose à un autre camp «  Le salut des états ne demande pas de crime », c'est celui des  jeunes vestales (La Choraline, direction Benoît Giaux). On est glacé par la scène de lynchage qui s’apparente aux scènes insoutenables vécues au sortir de la deuxième guerre mondiale par ces femmes tondues, honnies et  persécutées avec hargne. On respire d’aise  et de bonheur à la fin du drame comme dans « La Clémence de Titus » que présentait La Monnaie la saison dernière.   On ressortira du spectacle avec une certaine exaltation devant  l’homogénéité de la représentation et  la poésie du texte transmise avec une très belle diction, que ce soient les chœurs ou les solistes qui mettent en valeur  la beauté  lyrique  lumineuse de l’œuvre.

12273127460?profile=originalPureté du jeu, pureté du feu,  un flambeau d’amour renaît des cendres de la haine. Le feu symbolise la régénération et la purification, par l’amour et la lumière. Alexandra Deshorties est excellente  dans le rôle de Julia et brille de noblesse naturelle. Son jeu impressionne par la vérité de ses gestes. La tessiture de la voix plonge dans les registres inférieurs de la tragédie désespérée et fuse dans les registres supérieurs du bonheur et de la tendresse charmante et juvénile. La finesse de son, loin d’être un reproche, est au diapason de la pureté des sentiments et de la pureté de la voix. On se sent à la fois envahi par l’innocence, l’illumination palpitante du désir et la rage du désespoir, deux forces qui peuvent changer le monde.

Yann Beuron,  dans le rôle de Licinus a des tempos justes et chaleureux, des phrasés éloquents, une puissance romaine naturelle  dépouillée de toute mièvrerie, une ardeur de guerrier et d’amant passionné. Il célèbre également la vraie amitié et l’amour vrai qu’il éprouve pour sa Julia : « Je vis pour défendre ses jours ! »  Il s’offre héroïquement  pour la sauver tandis qu’elle a choisi de crier en  vestale de l’amour, sa liberté dernière : celle de marcher avec fierté vers la mort et de taire le nom de celui qu’elle aime. De bouc émissaire elle devient martyre glorieuse.   Leurs duos sonnent juste et touchent  les coeurs.    La voix rayonnante du pontife (Jean Teitgen) domine,  impressionne, mais n’arrive jamais à réduire l’innocence de l’amour au silence. Il s’entoure d’une  hypocrite escadre de soutanes noires parées de longues chevelures suant la jouissance de l’anathème et s’alliant les odieux mouvements de  la foule versatile. C’est voulu et  lourd de propos.

DSC_1684press.jpg?width=750 Chargée du rôle de la grande Prêtresse, la mezzo-soprano Sylvie Brunet-Grupposo est  auguste et très crédible, n’hésitant pas à laisser fondre son cœur de mère dans un duo déchirant avant que Julia ne soit enterrée vivante. Sur scène, quelques bancs, ou  longues tables mouvantes, et au centre le siège du feu sacré dans une cage qui sera celle de l’héroïne, entouré de jeunes vestales exquises vêtues de cheveux de feu et de robes blanches. La plus jeune a à peine 19 ans.  Les mouvements fascinants et le lyrisme des chœurs très nombreux utilisent plus que leur espace scénique, ils jouent d’une certaine proximité avec le spectateur, de quoi les clouer dans l’émotion.  

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Une œuvre sans aucune lenteur, des rythmes enflammés, du désespoir palpable, la flamme immortelle de l’amour omniprésente,  le tout serti dans un très beau travail de chœurs (Martino Faggiani), ne fait que contribuer à l’allégresse qui naît lorsqu'une performance est reçue  comme un cadeau.

Crédit Photos: © Clärchen und Mattias Baus 

http://www.lamonnaie.be/fr/opera/

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12273041288?profile=original Alas, the  SINGING BRUSSELS CELEBRATION WEEKEND is over !

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BOZAR   a donc démarré sa nouvelle saison en  C H A N S O  N S !  De  tous les coins de la Belgique, des groupes d’amateurs sont venus se produire pendant tout un week-end dans le dédale des lieux mythiques du palais des Beaux-Arts de Bruxelles les 12, 13 et 14 septembre derniers. Une palette impressionnante de styles: des chœurs professionnels dont la réputation n’est plus à faire, dont Voces 8 et The Tallis Scholars, mais aussi, et surtout, plus de 50 chœurs amateurs venus de  partout en Belgique.

 Entre les concerts, des musiciens professionnels  ont animé des ateliers de chant pour petits et grands.  Au programme,  Le projet Equinox sous la direction artistique de Maria Jao  Pires et le soutien de la Chapelle Musicale Reine Elisabeth, pour des enfants en situation difficile. Mais le clou de la participation des visiteurs, c’était le dimanche à 13 heures dans la grande Salle Henry Le Bœuf où  un des « Top of the Charts anglais » – les Voces 8 – dévoilaient à un public d’amateurs pendant une bonne heure les mécanismes de base de leurs compositions extraordinaires. Ils organisent d’ailleurs des semaines entières de stage sur le sol anglais! Si le cœur vous en dit…  Après une demie heure d’échauffement et d’exercices variés et ludiques  toute  l’assemblée chantait  « Skyfall » (le dernier James Bond) avec la soliste. Une expérience inoubliable!

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La vénérable institution des Beaux-Arts de Bruxelles a donc secoué les esprits et les c(h)œurs…A tous les étages et dans tous les recoins, malgré les travaux en cours, pendant trois jours,  c’était un joyeux festival qui avait encore des airs d’été alors que c’est bel et bien la rentrée ! Parmi les joyaux de ces vendanges d’automne en dehors du splendide concert de Voces 8 donné le samedi soir devant une salle  Henri le Bœuf délirante de bonheur, citons le très sympathique ensemble de Namur ( Voix-ci Voix-là, Arianne Plangar)  qui a transformé le Hall Horta en salle bourdonnante de plaisir, chacun  fort tenté de muser des tubes de la musique française en même temps que les 80 choristes.  On ne peut bien sûr,  ni  citer  toutes les formations musicales, ni les avoir toutes écoutées !

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 Mais le dimanche après-midi, la salle Henry Le Boeuf était particulièrement fertile en crus musicaux de haute voltige, tous d'origine flamande. Tout d’abord, «  Just for Fun » un groupe de Malines noir blanc rouge,  dirigé de main de maître par Johan De Lombaert.  Après leur « Sweedish tune: ‘Balambam… douja la Bamba, badadua Wap…’ chanté a capella, suivaient de près, Duke Ellington, Pink Panther, I can’t get the melody out of my mind. Ils sont venus en train avec leur chef, Johan De Lombaert, “Tchou,tchouoû! Aussi «The Earthsong » de Michael Jackson pour faire plaisir aux choristes et aux spectateurs, dit-il.

12273043300?profile=originalPlace  ensuite à Musa Horti, un ensemble vocal de toute beauté qui vient d’éditer un superbe album « AUS DER TIEFE ». Fondé en 1989, leur point d’attache est l’abbaye du parc d’Heverlee. Ils portent le coquelicot des Flanders Fields à la boutonnière. Cet ensemble est constitué d’une trentaine de choristes très engagés. Le thème de leur album est « guerre et paix » et nous avons pu faire un parcours plus que lumineux avec eux en écoutant de nombreux extraits tels que « Wie liegt die stadt so wüst » de Rudolf Mauersberger , « Warum ist dans Licht gegeben dem Mühseligen » de Johannes Brahms, « How they so softly rest » de Healey Willan et « Lux aeterna » de Edwar Elgar.

 12273043683?profile=originalLe chœur mixte De Vedel  de Turnhout est d’un tout autre style… Sous la baguette d’Els Germonpré ils ont participé au Cobra’s Classic battle et ont reçu une distinction spéciale du jury, tout comme le Brussels Chamber Choir. C’est l’humour, la diversité  et le dynamisme qui président  décidément à leur programme. « Avond geluiden » sur un texte de Paul van Ostaaijen mais aussi un hilarant  « Old Mc Donald had a farm » et un pot-pourri « Name the tune » de Grayston Ives encore plus jubilatoire!

12273044665?profile=original12273045259?profile=originalLe Waelrant Kinder en Jeugdkoor terminera cette après-midi très éclectique. Il s’agit d’une formidable entreprise pédagogique qui rassemble 120 jeunes âgés de 8 à 25ans et qui ont remporté le Cobra’s Classic Battle avec à leur tête Marleen De Boo , une femme passionnée, formée à l'institut Lemmens.  Leur bastion est Borgerhout et  ils ouvrent leur enseignement aux enfants dès l’âge de 5 ans. Avec six chœurs,  des jeux de couleurs musicales, une belle variété des pupitres et des chorégraphies et des mouvements réglés au millimètre, leur représentation regorgeait d’inventivité et de musicalité, mêlant la culture flamande aux musiques du monde.  

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Haut les chœurs! De la musique classique et chansons de la Renaissance jusqu’aux Gospels, pop, jazz et musiques du monde, nous avons été émus de voir que notre capitale,  toutes les catégories d’âges et  de sensibilités confondues,   pouvait vibrer avec une telle intensité lors  de ce  premier Singing Brussels Celebration Weekend*. Les musiques du monde étaient aussi très présentes avec des chœurs marocains, turcs, africains, latino-américains... Cet événement unique et que l’on espère beaucoup voir se réitérer l’an prochain, nous rappelle  que la pratique du chant est la forme d’expression collective la plus ancienne et la plus universelle qu’il soit, mais surtout qu’elle est là pour enchanter tant le public que les choristes.

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« *BOZAR n’est pas seulement destiné à l’artiste professionnel, mais veut aussi accueillir les arts amateurs, synonymes d’engagement et d’énergie. L’art amateur représente un riche bouillon de culture et donne de l’oxygène au secteur professionnel. Et n’oublions pas que tous les grands musiciens ont commencé en tant qu’amateurs… » Paul Dujardin, CEO et directeur artistique du Palais des Beaux-Arts.

 Nous apprenons aujourd'hui qu'à l’occasion de sa rentrée académique, l’ULB honore deux personnalités belges, Paul Dujardin (directeur du Palais des Beaux-Arts) et Peter de Caluwe (directeur de la Monnaie) qui recevront les insignes de Docteur honoris causa, en hommage à leur action culturelle et aux institutions qu’ils dirigent. La séance académique se déroule le vendredi 19 septembre à 16h45 (Amphithéâtre Henri Lafontaine – campus Solbosch)

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administrateur théâtres

1920px-Spb_06-2012_English_Embankment_01.jpgAtmosphère vraiment magique  à Saint-Pétersbourg, la métropole la plus septentrionale au monde. Chaque année de fin mai à début juillet, la nuit ne tombe jamais totalement sur l'ancienne capitale des tsars. Pendant tout le mois, des concerts et des spectacles illuminent les nuits de la ville de Pierre le Grand. Les nuits blanches culminent au moment du solstice d'été le 21 juin, lorsque le soleil à minuit ne descend que de 6° sous l’horizon. Le festival des Nuits blanches est l’occasion pour le théâtre Mariinsky de donner chaque jour des concerts différents et parfois, à toute heure du « jour ».  Depuis 1993, Valery Gergiev,  le directeur du théâtre est aussi le directeur artistique de l’International Stars of the White Nights, festival  annuel  de Saint-Petersbourg.

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Une distribution brillante avec dans le rôle du prince Igor  le baryton Nikolai Putilin, la star du théâtre  qui tourne régulièrement avec la Compagnie d'opéra Mariinsky et indépendamment  en Allemagne, France, Espagne, Italie, Pays-Bas, Belgique, Finlande, Grande-Bretagne, Japon, les Etats-Unis… et  bien d’autres ! Il  s’est produit  au Metropolitan Opera et au Lyric Opera de Chicago, au  Royal Opera House, Covent Garden, à la  Scala… enregistrant The Queen of Spades, Sadko, Iolanta, La forza del destino, Mazepa, Prince Igor et Boris Godounov avec le Mariinsky Opera Company sous le label Philips Classics et NHK. 

La soprano Irina Vasilieva, tout aussi légendaire, est elle aussi à la tête d’une impressionnante liste de rôles lyriques et interprétait l’exquise Yaroslavna, la femme du Prince Igor, abandonnée au palais pendant que celui-ci s’en va combattre les Polovstviens, nomades d'Asie centrale en 1185. Elle joue le rôle des pénélopes à merveille, avec une fermeté de sentiments admirable. On a devant soi une icône musicale rayonnante. Sa lamentation, accompagnée de sa suivante  sur les les remparts déserts,  est bouleversante!

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   Mais parlons du décor ! Pour le spectateur occidental il semblera à première vue d’une lourdeur presque …mérovingienne, l’an 800 chez nous !  Mais si on a suivi quelque peu l’histoire des villes Rus’ au 12e siècle, les tableaux successifs sont très  justement évoqués : Une place dans l'ancienne ville russe de Putivl, une soirée dans  le  camp Polovtsien, les murs de la ville de Putivl, une salle du palais avec le prince usurpateur Vladimir Galitsky et ses acolytes, la  chambre de Yaroslavna…   Ils rejoignent  même le décor imaginé pour cette légende épique (poème épique médiéval Le Dit de la campagne d'Igor) par Bilibin  en 1930.

 

Quant aux costumes, on est  hypnotisé par leur splendeur, leur nombre et leur richesse. Du jamais vu, en Europe Occidentale. Des manteaux d’apparat, des coiffes, des brocarts, des bijoux,  des armures, des étendards, des chevaux vivants  qui traversent la scène, des ballets de guerriers russes et d’esclaves orientales. Celui qui n’aimerait pas la musique est comblé visuellement, c’est du grand art de mise en scène et une  chorégraphie grand spectacle. Les accents contrastés de douleur et d’amour  de l'âme slave  sont  déployés avec émotion et panache par l’Orchestre et des Chœurs sublimes.

On garde aussi à l’esprit le magnifique duo passionné de Stanislav Leontiev jouant  Vladimir (le jeune fils d’Igor) épris de  Konchakovna (Zlata Bulycheva),  la fille du Khan  Konchak, l’ennemi juré au cœur immense,  et l’aria fabuleux de celui-ci à l’acte 2. Une basse impressionnante par sa clarté, la puissance et la résonance de sa voix, interprétée avec effusion par un Askar Abdrazakov  inondé ensuite  de bravos et d’applaudissements.

 

1.1297000967.1_mariinsky-theatre-st-petersburg.jpg?width=450Il faut dire que l’acoustique de ce splendide théâtre qu’est le Mariinsky contribue grandement à l’émotion musicale. Le premier pas dans le parterre restera gravé dans nos mémoires. Le décor d'un luxe inouï commandé par la grande Catherine II de Russie nous a immédiatement projetés dans  l’époque fastueuse où Borodine créait son opéra. Hélas il mourut avant  que celui-ci  ne  fût achevé et  représenté dans ce théâtre mythique de pur style Rococo en 1790, trois ans après sa mort. La version représentée en ce mois de juillet 2014 s’est limitée aux  deux  premiers actes de la partition de Borodine,  pourtant complétée pour sa finition, son édition et orchestration  par ses amis Rimski-Korsakov et Glazounov… Et il faut l’avouer, nous avons été un peu pris de court par la fin abrupte de l’œuvre inachevée…où le prince Igor surgit d’on ne sait  où et se joint discrètement au chœur final. Nous avons en effet  pu entendre récemment une autre version de l’œuvre reconstruite dans son entièreté après un long  travail musicologique au  MET  de New York, une production diffusée mondialement.

En revanche, malgré la surprise de la fin,  l’orchestre est d’une vitalité légendaire. Il est dirigé par Pavel Smelkov incarnant lui-même un océan bouillonnant de souffle épique, mêlant lyrisme, humour et valeurs nobles aux accents rutilants de l’interprétation. Le talent et l’enthousiasme volcanique du chef d’orchestre  ont su provoquer chez le public une joie intense, née du  bonheur évident du partage de la musique qui ne connait pas de frontières. 

 

http://www.mariinsky.ru/en/playbill/playbill/2014/7/17/1_1900/

 

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administrateur théâtres

12272934853?profile=originalEté  2013, les 30 et 31 août à Villers-la-Ville, la 14e Nuit des Chœurs

 «La Nuit des Chœurs renoue avec ses quartiers d’origine, avec l’atmosphère si particulière de la Nuit des Chœurs dans l’abbaye de Villers-la-Ville, où la magie et l’émotion s’unissent et se partagent.»

AVE I Muvrini ! Revoilà en Belgique, les merveilleuses polyphonies corses  au cœur de l’Abbaye de Villers-la Ville à l’occasion de la célèbre Nuit des Chœurs très applaudie au château de Bois-Seigneur-Isaac les années précédentes.

D’emblée le groupe I Muvrini se sent accueilli par les centaines de spectateurs massés dans la nef principale et rend d’abord hommage à ce lieu fait pour la musique sacrée. Tous frères humains, « Christiano » dit-on en Corse. « Dans toutes les traditions religieuses du monde, je me sens chez moi, annonce le chef du groupe dans ce lieu séculaire de rassemblement et de communion, pétri de nature et de précieux travail humain. « Agnus Dei, dona eis requieMMM… ». Les ondes sonores percutent les pierres pieuses et le cœur de chacun.  Seulement, comme pour tous les autres concerts proposés, le charme est  bien trop vite rompu, la séance parait ultra-courte. De la musique en verrines, c’est au goût du jour.  Le temps de se connecter, de savourer et le plat magique vous est  déjà enlevé comme dans les vrais enchantements. Mais les vibratos profonds du « Kyrie » et du « Christe Eleison », font frissonner longtemps après.

Tout le monde circule joyeusement, la chaise et le pique-nique à la main. Sur la scène Trois on découvre « The Priests ». Face au soleil couchant, on frémit avec le «Laudamus Te», l’Ave Maria de Schubert, « Ora pro nobis peccatoribus… » Ces trois très belles statures irlandaises en habit de clergyman, chantent « All the lonely people, where do they all come from» (Eleanor Rigby). Chacun à son tour en Father McKenzie… Les voix somptueuses ont des résonnances profondes. « Benedictus qui venit in nomine patris » enchaîné à  « Funiculi, Funicula » in English, puis en italien et en lunettes de soleil. Ils ne manquent pas d’humour, ces vrais ou faux prêtres. Ils ont du peps et de l’à-propos : « You never walk alone…. » Des effets magistraux avec seulement trois chanteurs, il doit y avoir de la magie là-dessous ! ou un  cadeau du ciel.

Pour les 200 ans de Verdi, voici le splendide Chœur de la ville de Rome. Un chœur mixte d’une trentaine de choristes, on adore ! Leur délicatesse, leur sens émouvant de la légèreté et de la douceur. L’audience observe un silence religieux. « Va Pensiero », le choeur des esclaves fait briller les consciences. Pas le temps de s’appesantir, voici des voix de paille et de soie qui interprètent peut-être des airs bulgares  ou balkanisants. Une fraîcheur extraordinaire dans le soir qui descend. Un air en allemand et Benjamin Britten qui se termine en gouttes de pluie vocale.  

Les Belges de « Voice Male » présentent avec humour et talent de la musique actuelle et pop a cappella. «  Here comes the sun ». C’est prodigieux, il est pourtant déjà couché derrière les ruines, mais on sent encore ses rayons bienfaisants sur les pierres et les voix chaudes. Surgit alors le souvenir de Michaël Jackson scandé avec bonheur par l’assistance. C’est un feu d’artifice d’alléluias en technique rap.

 Ajoutons la plus belle chorale d’enfants d’Europe, le chœur de Munichet l’ensemble 12272935075?profile=originaldisco and funk  Martin and Wright formerly of Chic qui détonne un peu dans cette très belle programmation. En fin de soirée, tous les artistes se retrouveront sur la scène principale pour clore la soirée sous des étoiles, les vraies et les  pyrotechniques.

http://www.nuitdeschoeurs.be/

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administrateur théâtres

C'est dans les chœurs religieux et scolaires en Arkansas que Barbara Hendricks commence à chanter, avant d'entreprendre des études de sciences. À partir de 1968, elle prend des cours de chant, notamment à la Juilliard School of Music de New York, où elle a comme professeur Maria Callas. On connait la suite de son parcours qui a saisi d’admiration des générations d’amateurs d’art Lyrique depuis les années 70.

C’est ce cadeau inestimable que nous a fait la 13e édition de la célèbre Nuit des chœurs au Château Bois-Seigneur-Isaac hier soir.

 Au point de s’octroyer le plaisir de réécouter l’intégralité de son concert une deuxième fois. Le programme est « gospels » tout simplement. Les meilleurs jamais entendus, avec cette sublime formation,  le  Mikrokosmos Choir, fondé en 1989 par son actuel directeur artistique Loïc Pierre, et qui rassemble aujourd’hui deux ensembles composés de jeunes chanteurs venus de la France entière. Une palette de jeunes artistes qui savent transmettre l’émotion, pour qui le décor, le public, les éléments fâchés avec le soleil semblent s’évanouir avec leur création musicale toute en nuances.

C’est la musique de ses racines que Barbara Hendrickx nous livre avec simplicité. Car comme  sur les 6 autres scènes, elle n’a que 20 minutes contre vents et pluies. Ce qui ne l’empêchera pas d’interrompre sa divine prestation en disant d’une voix inoubliable à un spectateur distrait « …. ne fumez pas, s’il vous plait, ne fumez pas ! ». Car l’essence de ses chansons est divine, et on ne peut se permettre le prosaïsme. « My God is so high ! » Glory, Glory Alleluia en solo, sous les arbres et devant une marée de spectateurs captivés. La sonorité est liquide et chaude, l’esprit qui porte le chant fuse comme une jeunesse éternelle, troue les nuages fâcheux et rejoint l’infini. «  Down by the riverside » revient à la terre au bord du Mississipi. Touche ses racines. Le velours de sa voix donne le vertige, les trémolos palpitent, les riches modulations du chœur accompagnent. Les feuilles de partitions s’envolent. Diction sublime.  Point culminant : «  Nobody knows the trouble I see. » Le chœur hulule des soupirs  dignes de Old man River. Des notes très profondes sortent de la bouche de la chanteuse qui ajoute simplement : « …. like Jesus. »   Personne ne voit la misère comme Jésus. L’ample dévotion est au zénith de l’émotion. Des guirlandes de sons se déploient. « Didn’t my lord deliver Daniel ? » Suspense encore :  «….why not e-ve-ry man ? ». Rythme, joie, espoir, texte totalement ressenti, no fake swinging and singing. Le retour aux sources sacrées du chant.  Elle a le sens du drame et de la résurrection. Sa voix juvénile – parcelle d’éternité - s’élance une nouvelle fois vers le ciel lourd et bas. Bis : « Give me Jesus ». Son message en trois mots de la fin. C’est un appel poignant alors que la nuit descend.  « ….when I come to die. » Dernier suspense.12272825886?profile=original

On oublie avec ces instants mémorables le remplacement inopiné du groupe de 30 choristes libanais dont on attendait avec impatience les chants maronites. On se souvient des malicieux « Rossignols Polonais » lauréats du titre de « Chœur de l’Union européenne-ambassadeur de la culture» sous la baguette du talentueux Jacek Sykulski. Ils ont séduit les familles par leur fraîcheur et  leur programme qui brassait l’Alléluia du Messie de  Haendel, les Carmina Burana et les miaous exaltés de  Walt Disney dans Lady and the Tramp. L'a cappella des Flying Pickets a plu. Mais si, pour renouveler le programme l'année prochaine, on partait à la recherche d' un peu plus de chœurs classiques en faisant moins appel à l'aspect "pop", le public serait encore plus ravi. Nous en sommes convaincus.

 

www.nuitdeschoeurs.be

http://www.barbarahendricks.com/

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