Un très grand moment flambant de musique, de rencontres et d’émotions
Dimanche 18 septembre 2016 au Château d'Argenteuil : une découverte. C’est Le 21e Festival Mozart. Cette année, c'est une version promenade d’un jour qui nous est offerte, avec 4 superbes concerts d’ensembles d’excellence. La coutume voulait que se réunissent et interagissent une trentaine de musiciens talentueux internationaux que l’on accueillait en résidence à Waterloo en répartissant leurs prestations sur deux semaines de liesse musicale. Cette édition-ci est un véritable élixir.
Small is beautiful : le public, nullement retenu par la Journée sans voiture à Bruxelles, a investi les salles de concert et a pu apprécier l’intensité de cet événement ramassé sur un jour, se délectant du ressenti des artistes donné avec tant de talent et de générosité. Dès l’entrée, les participants étaient accueillis avec le sourire de jolies élèves du Conservatoire, toutes coréennes ou japonaises, servant boissons et collations sucrées-salées. On a aussi rencontré la fondatrice de l’événement, Dalia Ouziel qui a fait une visite guidée des lieux. Elle nous confie : « La fondation du festival, c’était il y a 21 ans dans l’église Saint-Paul de Waterloo, une initiative de mon mari et moi, le duo Rubenstein-Ouziel. La liste des participants aux 20 premières années, réunissant des artistes tous de haut vol était plus qu’impressionnante quand on y pense. Cette journée unique a été préparée avec feu par notre fils, Daniel Rubenstein, violoniste. C’est lui qui prend la relève et a organisé cette fête musicale qui nous tient tant à cœur ».
Journée d’émerveillement donc. Dès 12h15 le château d'Argenteuil résonnait de vents et cordes avec la complicité de la violoniste Tatiana Samouïl, lauréate du Concours Reine Elisabeth 2001, qui jouent le Quatuor pour flûte N°3 en Ut K.285b de Mozart et le Quintette pour clarinette et cordes opus 115 de Brahms.
C’est ensuite le Quatuor Danel qui investissait les lieux en interprétant successivement Dissonance, le Quatuor à cordes n ° 19 de Mozart (K. 465), puis le Quatuor N°6 en fa mineur op. 60 de Mendelssohn. Marc Danel comme à l’accoutumée, joue de son instrument avec tout son corps, comme assis sur un nuage musical dont il s’envole par moments, tordant les phrasés avec l’énergie du désespoir, tandis que le violoncelliste Yovan Markovitch lutine son instrument le sourire dans l’archet. Des quatre tailleurs de bois précieux, émergent des figures aux visages sacrés. Le public est subjugué. L’expression est intense, audacieuse, et vibrante. Le Mendelssohn aux sonorités étranges est puissant et galvanisé par la passion et la douleur. On est au seuil d’une musique d’épouvante. Les musiciens ne jouent pas pour passer le temps mais pour le cueillir, insaisissable, du bout de l’archet. L’Adagio évoque certes des souvenirs heureux, mais que peut donc évoquer d’autre que la révolte, la mort prématurée d’une sœur ou d’un frère? Outcry! Le pied frappe le sol pour écraser les malédictions du ciel avant les dernières mesures qui évoquent une résistance courageuse.
Mais le charme de la Journée opère, et l’on se dit que cette Journée n’est pas sans rappeler la convivialité d’un autre festival belge, hélas aujourd’hui disparu : Les concerts à l'Orangerie du Château de Seneffe dont la dernière édition s’est tenue en juillet 2015. En invité de choix on y rencontrait Lorenzo Gatto, Jean-Claude Vanden Eynden, Eliane Reyes, le quatuor Danel, l’altiste Vincent Hepp, la violoncelliste Sarah Dupriez… que de merveilleux souvenirs! Et qui retrouve-t-on brusquement en train de répéter près d’une colonnade si ce n’est Vincent Hepp en personne!
Il nous donne rendez-vous avec l’Ensemble Mendelssohn à 17h 15 à la Chapelle pour écouter Le Sestetto concertante en mi bémol majeur K 364 (dans sa transcription de 1808) de Mozart et le Quintette à cordes N°2 en si bémol majeur op. 87 de Mendelssohn. Superbe rythmique, charme et justesse. L’alto (Vincent Hepp) produit des sonorités larges, jubilatoires. Les crescendos sont enveloppants. La musique vient à déborder comme une corne d’abondance. Le violon de Daniel Rubenstein chante avec une pureté, une lumière et une chaleur extraordinaire dans ce lieu qui rassemble les mélomanes de l’après-midi, toutes fenêtres ouvertes. Tout se termine, trop vite, sur un rythme Marcato, tonifiant. Le tempérament intense, c’est la résilience. Les dernières mesures évoquent une résistance courageuse. On quitte le concert avec une consigne : ne jamais abandonner!
Et puis le soir, c’est l’apothéose, avec Eliane Reyes et Jean-Claude Vanden Eynden. Eliane Reyes, l’élève de Jean-Claude Vanden Eynden vient de recevoir une très haute distinction. En effet, elle a reçu les insignes de Chevalier de l'ordre des Arts et des Lettres attribués à des personnes qui se sont distinguées par leur création dans le domaine artistique ou littéraire ou par la contribution qu’elles ont apportée au rayonnement des arts et des lettres en France et dans le monde. Eliane Reyes est la première pianiste belge à être ainsi honorée. Face à face, professeur et ancienne élève vont développer avec chaleur et complicité sur deux pianos imbriqués comme le yin et le yang les magnifiques harmonies du Concerto pour 2 pianos N°1 en mi bémol majeur K.V. 365 de Mozart. La direction de l’orchestre - une toute nouvelle aventure à suivre, celle du Nco Orchestre - a été confiée au jeune chef prometteur que l’on a pu entendre diriger Mozart au festival de Moscou l’an dernier. Il s’agit d’Ayrton Desimpelaere. En première partie du concert de 20h15, Ayrton Desimpelaere a dirigé la création toute récente de Nicolas Bacri: Cosi Fanciulli, allusion au Cosi Fan Tutte de Mozart et L’Adagio en mi majeur pour violon et orchestre K.V261 de Mozart avec Daniel Rubenstein, violon soliste.
Une journée enfin sous le signe de l’art de vivre : Bertolt Brecht ne disait-il pas que "Tous les arts contribuent au plus grand de tous les arts : l’art de vivre". Car Marie Chimkovitch veille avec ses pinceaux. L’artiste-peintre, une « live art performance painter », croquait sur le vif et avec douceur et poésie les musiciens à l’œuvre, transportant son exposition improvisée d’une salle de concert à l’autre. Ravie, elle dépose sa palette et conclut : « La journée fut un feu d'artifice d'émotions fortes : le bonheur de peindre en musique, la musique elle-même, les musiciens, les rencontres, la gentillesse, l'amitié ... Le Festival Mozart cette année fut mini, mais quelle densité ! »
Tableau réalisé dans le cadre du Festival Mozart 2016 : Eliane Reyes, Jean-Claude Vanden Eynden et le Namur Chamber Orchestra sous la direction d’Ayrton Desimpelaere dans le concert pour 2 pianos n°1 K365 de Mozart, huile sur toile (sur carton), 50x70cm, Château d’Argenteuil à Waterloo, le 18.09.2016.
http://www.festival-mozart.be