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dramatique (21)

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                                   Jeanne est d’abord un être humain que je veux libérer du poids des clichés.
                                                                                   Romeo Castellucci

Cet automne, La Monnaie  programme  du 5 au 12 novembre, l'opéra "Jeanne d'Arc au bûcher", oratorio dramatique d'Arthur Honegger sur un livret de Paul Claudel. La mise en scène est signée Romeo Castellucci dont on se souvient lorsque l’an dernier il produisait une mise-en-scène très controversée de « la Flûte Enchantée » de Mozart, dans la même maison. Est-ce sur cette  base,  que les esprits se sont tout de suite échauffés, pour brûler une nouvelle proie, criant  à l’obscénité majeure, pour quelques photos  considérées comme choquantes, et sans avoir  même réellement assisté au spectacle?  Sic  la Fédération Pro Europa Christiana, qui promeut les "valeurs chrétiennes à travers l'Europe" et sa pétition qui a recueilli avant la première du 5 novembre plus de 10.300 signatures. Bon, la tolérance  ne fait-elle pas  partie de nos valeurs chrétiennes, et «Tu ne jugeras point » pareillement ?  

Consentir au souffle clair et aux gestes de sable

S’ils avaient été voir ce spectacle, leur âme aurait été emplie de bonheur, naturel et surnaturel tellement la musique d’Honneger fleurait le bienfait rafraîchissant et l'épopée humaine. Un élixir de joie et d’amour.  Les chœurs  omniprésents étaient installés dans le colombier diffusant leur musique enivrante comme les parfums d’un encensoir diffusant  paix,  beauté et grâce. Des voix tantôt profondes comme racines de la terre, et tantôt angéliques et inouïes comme in Paradisum. Un enchantement et un mystère qui vous tombe sur les épaules comme un manteau bienfaisant  de la Saint-Martin !   

Les derniers moments de la pucelle d'Orléans

Et sur scène on assiste à un seul en scène,  une traversée du désert en 11 flashbacks, à la recherche de l’amour, terrifiée à l’idée de son supplice.  C'est Jeanne (Audrey Bonnet), sorie du monde de silence,   qui occupe tout l’espace, seule, avec ses voix. On  sympathise au sens propre du terme, avec  une lente  épure mystique qui délivre Jeanne de son histoire d’héroïne de la France, qui lui ôte sa cuirasse de guerrière, la décape de tous les poncifs historiques qui entourent le personnage. Elle est peu à peu mise à nu, elle se dépouille de tout ce qui lui a été toxique.  C’est  toujours mieux que d’être mise à mort… Elle perd d’un coup de balai,la détestable image d’idole récupérée  par des partis politiques très peu recommandables. Elle  retrouve  toute sa  chevelure de femme, sa force, sa lumière, son corps virginal tout de blanc poudrée.  Elle est sortie d’un accès de folie  du cerveau d’un concierge d’école. La voilà, naissant du ventre de l’ombre,  ressuscitée d’entre les chaises d’une classe de village. Elle creuse le sol, déterre son passé,  fouille les souvenirs, retrouve le glaive de saint-Michel et le cheval de bataille, le roi de France, l’amour de la patrie. Elle est cet amour qui réunit les communautés, remembre l’unité, réconcilie les extrêmes, fabrique un corps social unifié! Et ainsi elle atteint l’humus sous le plancher qu’ lance autour d’elle comme pour exalter son humanité et retrouver le sein de la terre féconde. Elle renoue ainsi  avec son humilité, sa condition de femme éperdue d’amour, sa nature profonde. C’est une  folie  sauvage, libre  et authentique qui s’attendrit devant les fleurs de pommiers roses de Normandie, qui est bouleversée par un chant de rouge-gorge, - de quoi fondre en larmes -  qui tente d’expliquer ce qu’est l’amour à un frère Dominique enfermé dans une cuirasse de bure inexpugnable, incapable de sentir. Cet oratorio est un choc spirituel  que d’aucuns voulaient livrer aux flammes… « Comburatur igne ! » ( Le Chœur).   Les persécuteurs ont souvent eu bonne presse auprès des foules avides d' événementiel, or il faut toujours revenir à l’essentiel qui fait notre lumière. Ce qu’a voulu chanter, danser et jouer Romeo Castellucci. A tout hasardLa Monnaie a assuré qu'elle prendrait des "mesures de sécurité appropriées afin que les spectateurs puissent profiter des représentations sans dérangement".

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Une lecture dramatiquement magistrale, radicalement dépouillée

Dans un rêve fébrile de chants, de textes dits et de musique, cette œuvre d’une extrême originalité nous entraîne à travers quelques passages-clés de la vie de Jeanne d’Arc au moment où, toute seule, à l’approche de la mort, il lui faut faire face à elle-même et à sa France. Qui d’autre que Romeo Castellucci  pouvait  transposer les visions mystiques et les conflits intérieurs de cette jeune femme en théâtre sublimé ? L’artiste total italien  s’est associé à  l’ancien directeur musical de  la Monnaie, Kazushi Ono, qui s’est retrouvé à nouveau dans la fosse d’orchestre de la Monnaie, dix ans après l’avoir quittée.  Le chef nippon nous a livré la fresque musicale dans  un chatoiement de timbre et d’effets acoustiques stupéfiants.   Ce spectacle  est l’œuvre d’une coproduction de la Monnaie, du Theater Basel, du Perm State Opera and Ballet Theatre et de l’Opéra de Lyon, où a eu lieu la création en 2017. Pour nous ce fut un émerveillement philosophique. Bien sûr on pourrait reprocher qu’aucune voix entourant Jeanne ne se trouve réellement  présente sur le plateau, mais n’est-ce pas le propre des voix… d’être invisibles?

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Visionnaire, prégnant, ambigu : le mystère lyrique d’Honegger 

Arthur Honegger (1895-1955)  tomba d’emblée sous le charme du texte de  Paul Claudel (1868-1955)  et de sa musicalité poétique. La musique d’Honegger ne reflète pas seulement les différents registres stylistiques du livret, mais également l’esprit turbulent et survolté des années 20 et 30. Des chants spirituels austères qui rappellent Bach alternent avec de la musique contemporaine française, des comptines hors d’âge, des ritournelles de  pastoureaux, des blocs de sons cubistes et même une ligne subversive de jazz et de music-hall. Sorte de théâtre musical, les personnages principaux ont des rôles parlés. L’orchestration fait penser à une tragédie antique ou à un mystère médiéval, mais avec un langage musical chromatique et polytonal extrêmement varié. 

 Les chœurs  ont été renforcés pour l’occasion par les chœurs d’enfants et de jeunes et par l’Académie des chœurs de la Monnaie – tous deux sous la direction de Benoît Giaux. Kazushi Ono avait  déjà dirigé cette production avec beaucoup de succès à Lyon  aux côtés de Romeo Castellucci  et ses collaboratrices attitrées, les dramaturges Piersandra Di Matteo et Silvia Costa. L’actrice française Audrey Bonnet interprétait Jeanne d’Arc et occupait la scène quasi seule pendant près d’une heure  et demie. Elle était  accompagnée sur scène par  Sébastien Dutrieux, dans le rôle du Frère Dominique.

Dominique-Hélène Lemaire
DISTRIBUTION

Direction musicaleKAZUSHI ONO
Mise en scène, décors, costumes et éclairagesROMEO CASTELLUCCI
Dramaturgie : PIERSANDRA DI MATTEO
Collaboratrice artistique : SILVIA COSTA
Collaboration aux éclairages : MARCO GIUSTI
Chef des chœurs : CHRISTOPHE TALMONT

Jeanne d’Arc : AUDREY BONNET
Frère Dominique : SÉBASTIEN DUTRIEUX
La Vierge : ILSE EERENS
Marguerite : TINEKE VAN INGELGEM
Catherine : AUDE EXTRÉMO
Une Voix, Porcus, Héraut I, Le Clerc :JEAN-NOËL BRIEND
Une Voix, Héraut II, Paysan : JÉRÔME VARNIER
Héraut III, L'Ane, Bedford, Jean de Luxembourg, Un paysan : LOUKA PETIT-TABORELLI
L'Appariteur, Regnault de Chartres, Guillaume de Flavy, Perrot, Un prêtre  GEOFFREY BOISSY
Soprano Solo : GWENDOLINE BLONDEEL
Une Voix d'Enfant : SIOBHAN MATHIAK

Orchestre symphonique et Chœurs de la Monnaie
Chœurs d’enfants et de jeunes et Académie des chœurs de la Monnaie s.l.d. de Benoît Giaux

CoproductionLA MONNAIE / DE MUNT, OPÉRA NATIONAL DE LYON, PERM STATE OPERA AND BALLET THEATRE, THEATER BASEL

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Production créée à l’Opéra National de Lyon, 21.1.2017

 

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Orphée et Eurydice à l'Opéra Royal de Liège


Une production spectaculaire tout en français! 

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En déployant les couleurs les plus variées des sentiments  d’amour, d’espoir, de chagrin et de détresse, Varduhi Abrahamyan nous a donné une interprétation passionnée du rôle principal dans l’opéra de Gluck arrangé par Berlioz. En 1859, Berlioz arrangea l'opéra de Gluck afin qu'Orphée puisse être chanté par la grande mezzo-soprano Pauline Viardot, avec laquelle il travaillait en étroite collaboration. Il modifia la structure formelle  de l'opéra, l en divisant l'œuvre en quatre actes au lieu de trois et plaça les scènes chez Hadès et aux Champs Élysées dans des actes séparés. Il  modifia également  certaines parties d’Orphée, principalement dans les récitatifs,  tout en reprenant la majeure partie de l’orchestration de Gluck.  L'Orphée de Varduhi Abrahamyan affiche une ligne solide, étendue et puissante tout au long de son voyage amoureux dans le  séjour des morts. Permettant de franchir les portes de l'enfer et de braver ses féroces gardiens, la beauté de sa musique a fait oeuvre de magie. Varduhi Abrahamyan a plongé les spectateurs dans  les brumes bleues du mystère. Le décor très  onirique conçu par Pierre Dequivre est décliné en cinquante nuances de bleu. Cependant, la prononciation plutôt médiocre du chanteur en français nous a poussés à utiliser les sous-titres plus d'une fois, ce qui était en quelque sorte agaçant. Néanmoins, vocalisant aisément à travers la vaste gamme de matière  vocale,  la voix superbe  de Varduhi Abrahamyan se frayait un chemin à travers les flots d'émotions, soulignant à la fois  le pouvoir de guérison inhérent à  la  musique, en tant qu’art suprême. En quête de la note bleue?  Il demande  à Eurydice de l'écouter… Ce qu'elle  fait, même si elle ne souffrait plus de la moindre douleur, un fois échouée dans la paix du royaume des morts.  En accord avec  la vision paisible de Socrate! 

                               « Cet asile aimable et tranquille par le bonheur est habité. Nul objet ici n’enflamme l’âme; une douce ivresse laisse un calme heureux dans tous les sens. Et la sombre tristesse cesse dans ces lieux innocents. C’est le riant séjour de la félicité. » L’image contient peut-être : nuit


 Les débuts de Melissa Petit dans le rôle d’Eurydice à l’Opéra Royal de Wallonie  ont été lumineux et applaudis avec entrain, dès la chute du rideau. Née à Saint-Raphaël dans le sud de la France, Melissa Petit a commencé à étudier le chant à 14 ans à l'École de musique de Saint-Raphaël. En 2009, elle a fréquenté l'Université de musicologie de Nice et a travaillé comme soliste avec l'orchestre de chambre de Saint-Raphaël. La même année, elle remporte le 2e prix du concours international «Concorso Musica Sacra di Roma» et plus tard, récolte  le 1er prix du concours national de chant à Béziers en France. Inutile de dire que sa prononciation  aux impeccables sonorités était  du pur bonheur et impeccables sonorités à l'oreille française. Sa performance cristalline semblait appeler la célèbre étoile inaccessible, celle décrite par Jacques Brel, celle qui symbolise un amour et un désir inaccessibles. Rappelée à la vie par l’art de son amant, Eurydice supplie Orphée de lui parler ... Ce qu’il ne  fait pas,  parce que les Dieux le lui ont interdit. Donc,  le voilà pris dans une double impasse! Entraîné dans  des souffrances insurmontables et, bien sûr, comme il ne pouvait s'empêcher de  lui jeter un regard, voilà Eurydice ravalée par la tombe, pour la deuxième fois! 

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La délicieuse soprano belge Julie Gebhart a chanté le troisième  grand rôle:  celui de l'Amour, l'allégorie utilisée comme tiers dans l'opéra de Berlioz. Amour ou destin?

                                   « Apprends la volonté des dieux: sur cette amante adorée garde-toi de porter un regard curieux, ou de toi pour jamais, tu la vois séparée. Tels sont de Jupiter les suprêmes décrets; rends toi digne de ses bienfaits. »

Son engagement scénique  très admiré, toujours en phase parfaite avec les gracieuses modulations de son chant. Quel talent! 

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D'ailleurs, selon Gluck, «l'opéra et le théâtre vont de pair et doivent être unis jusqu'à la fusion pour exprimer la quintessence du drame». C'est le défi qu'Aurélien Bory a relevé dans  une  mise en scène à couper le souffle. Il a tout d'abord évoqué un tableau extrêmement bucolique «Orphée ramenant Eurydice des Enfers» de Camille Corot (Musée des beaux-arts de Houston, 1867).  Celui-ci capture l'instant même où Orphée est sur le point de se tourner vers Eurydice… Cette image  gigantesque de L'Arcadie se reflétait ensuite dans un dispositif constitué d'un immense miroir pivotant, qui au départ faisait plutôt penser au couvercle d'une boîte de Pandore. Diverses positions d' écrans dévoilaient également une suite de  passages secrets vers  des réalités mystérieuses. Quoi qu'il en soit, les choeurs vibrants  de Pierre Iodice se sont  finalement  installés dans un cercle lumineux au centre du plateau, de même que les six danseurs qui  tissaient  l'histoire sans relâche, bercés par l'opulente matière orchestrale dirigée avec une  énergie de feu  par l'admirable maître de musique,  Guy Van Waas, homme d'une rare sensibilité. Les  chœurs et les danseurs s'unissaient pour soutenir corporellement  la moindre phrase musicale,  fabriquant au fur et à mesure  une sorte de   tapisserie vivante bouleversante.  La matière de rêves ?   Orphée et Eurydice, contrairement au reste des artistes  se mouvaient peu et lentement,  comme s'ils étaient  englués dans la toile de la destinée.  Le déploiement  sonore  était également accompagné de  mouvement fluides de voiles balayant le sol, prêts à emporter les protagonistes impuissants.  Ce spectacle  a donc témoigné  d'une créativité visuelle particulièrement  hypnotisante,  mêlant rêve et imagination, et faite pour  souligner  de visu, les performances vocales  parfaites des chœurs et des solistes au service de la musique de Berlioz. Au final,  un  spectacle d' une modernité absolue, consacrant une histoire légendaire immortelle et bouleversante. Opéra Royal de Wallonie-Liège, de Orphée et Eurydice

Dominique-Hélène Lemaire, pour Arts et Lettres  

L'article en anglais :ici

LIVRET DE PIERRE-LOUIS MOLINE

Nouvelle production

  • Opéra Royal de Wallonie-Liège
  • Opéra Comique
  • Opéra de Lausanne
  • Théâtre de Caen
  • Les Théâtres de la Ville de Luxembourg
  • Opéra Royal-Château de Versailles Spectacles
  • Croatian National Theater in Zagreb
  • Beijing Music Festival    

crédits photos: OPRLW

Prochain spectacle à L'opéra royal de LiègeVe. 08 Novembre 2019

 https://www.operaliege.be/spectacle/les-pecheurs-de-perles-2019/

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Chronique de chronique !

 Le monde selon Gardner

Vivre ! Face aux tragédies de  leur histoire,  les juifs proposent un mécanisme de défense : l'humour juif, un rire  qui est à prendre au sérieux et est une formidable réponse à l'antisémitisme.  Le «Maître» étalon moderne de cet humour étant  Woody Allen. Dans« Conversations avec mon père » comédie dramatique de Herb Gardner, (New York 1992) on peut observer une peinture éclatée  de l’Amérique juive new-yorkaise de 1936 à 1976. L’avènement de la parole  joue dans cette pièce un rôle  crucial.

17-conversations-lancon4.jpgThe American Dream: you’re most welcome in the Melting Pot! A quel prix ?  La reconstitution de la saga familiale explosée en  avalanches de flashbacks en présence d’un témoin contemporain (Charlie, Axel De Booseré)  expose  de façon lucide et jubilatoire la  question  de l’exil, des souvenirs du pays d’origine, de l’intégration du migrant dans la communauté,  du  douloureux abandon ou non  de la culture propre,  au profit d’un métissage avec la culture d’adoption. Les ravages de l’antisémitisme. Sur le plan universel,  que transmet-on à nos enfants, de générations entre générations, quelle est la définition d’un bon père, d’une bonne mère, d’enfants heureux ? La complexité des rapports familiaux et-elle la même à travers toutes les cultures, Quel rapport a-t-on, ou pas, avec la religion officielle du groupe?  Bref, qu’est-ce qu’une culture?  Tout au long de cette épopée familiale, on prend  conscience de façon de plus en plus  émouvante de la difficulté d’être. Un thème shakespearien.

La mise  en scène parfaitement scandée et éclairée est signée Jean-Claude Berutti.  La figure paternelle indestructible  du jeune Charles et de son frère, n’est autre qu’Itsik Elbaz, un personnage bourré de contradictions et qui s’avère de plus en plus incandescent au fur et à mesure que la pièce s'enflamme. Itsik Elbaz jouait l’an dernier dans « Pour en finir avec la question juive » au théâtre le Public.    Le reste des 11 comédiens est une formidable palette d’artistes qui partagent visiblement leur  félicité théâtrale autant  sur  la scène qu’avec le public. Rien n’étant plus important dans la culture juive que les noms,  citons-les gaiement: François Bertrand, William Clobus, Axel De Booseré, Ferdinand DespyItsik Elbaz, Antoine Herbulot, Clément Papachristou, Bernadette Riga, Marvin Schlick, Lotfi Yahya Jedidi, Aylin Yay

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 Patron du café couleur tabac,  rebaptisé de façon caustique The Flamingo, Itzhak Goldberg, nouvellement dénommé Eddie Ross,  cherche à  faire oublier ses origines ashkénazes en se fondant dans le moule yankee. Son esprit lucratif naturel va-t-il aller jusqu’aux compromissions ? Sacrifiera-t-il sa liberté ou gardera-t-il sa dignité? Gusta-Gloria, la mère, marquée par le Shtetl natal  vestale de lointains souvenirs, reste étrangère et est la plupart du temps hors-jeu. Elle cuisine, elle chante des berceuses, elle veille sur les lanternes rouges disposées sur les tables du café,  refuse de parler autre chose que du yiddish.  La comédienne  se nomme Aylin Yay.    Charlie, le fils cadet refuse tout bonnement de parler… avant trois ans, comme Einstein? Il se réfugie dans l’écriture. Il  deviendra une plume d’or.  Le frère, Joey se fait malmener pour ses origines  par les boys de l’école et des quartiers avoisinants. La guerre des gangs en miniature. Le harcèlement en grand format! Il recevra les plus hautes marques d’honneur militaire américain. Le père, ancien boxeur, veut être américain à tout prix.  Il sait ce que la différence implique en termes de rejet et fait l’impossible pari de s’assimiler. Il verra sa parole abolie.   Les tranches de vie se déroulent sous le  regard  placide d’une tête de bison et  l’impénétrable sourire du président Roosevelt accroché à un mur du café. Zaretsky, le locataire, un vieil acteur magnifiquement joué par l’innénarrable Lotfi Yahya Jedidi,  fulmine contre la mauvaise bonne idée du patron. Il proclame : « Moi au moins, je reste  moi ».  Leur disputes sont homériques, le public savoure.  Le pittoresque ravit. Les rires alternent avec les pleurs. La question de l’Absolu interpelle.  S’il y a un bémol, c’est celui de la projection des voix, qui pour cause de mise en scène, ne font souvent pas face au public. Évitez donc les bas-côtés de la salle!

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Le spectateur est  emportés dans l’océan de sentiments exacerbés et profondément humains comme dans le ‘Fiddler on the Roof’ et traverse avec délices les murs du non-dit grâce au talent conjugué de cette bande de saltimbanques  si différents et si attachants. Notamment  les jeunes William Clobus et Antoine Herbulot.  Ils ont l’art de dire, de conter et de jouer bonheurs, souffrances et déchirements  qui surnagent  inévitablement après la violence infligée aux Juifs lors des pogroms en Russie et  celle des persécutions de la barbarie nazie. Des souffrances qui habitent encore en 1976, ce café de Canal street, à New-York.

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http://www.atjv.be/Conversations-avec-mon-pere

Toute la distribution

Auteur Herb Gardner-Version française Jean-Claude Grumberg-Mise en scène Jean-Claude Berutti-AvecFrançois Bertrand (Nick), William Clobus (Charlie à 12 ans), Axel De Booseré (Charlie), Ferdinand Despy (Sammy / Monsieur Bleu), Itsik Elbaz (Eddie), Antoine Herbulot (Joey à 12 ans / Finney), Clément Papachristou (Joey), Bernadette Riga (Hannah), Marvin Schlick (Jimmy Scalso), Lotfi Yahya Jedidi (Zaretsky), Aylin Yay (Gusta)-Assistant à la mise en scène François Bertrand-Scénographie Rudy Sabounghi-Costumes Colette Huchard-Maquillages et coiffures Rebecca Flores-Lumières Christophe Forey-Réalisation des décors et des costumes Ateliers du Théâtre de Liège-Création son Pierre Dodinval

mardi 30 janvier20h30
mercredi 31 janvier20h30
jeudi 01 février19h30
vendredi 02 février20h30
samedi 03 février20h30
dimanche 04 février16h00
mardi 06 février20h30
mercredi 07 février20h30
jeudi 08 février19h30Rencontre avec les artistes
vendredi 09 février20h30

 

Liens utiles :

Note d'intention

 http://arts-sceniques.be/rencontre/conversations-avec-mon-pere/

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Une CRÉATION MONDIALE -  « KENNEDY » de Thierry Debroux,

 Le 5ème spectacle de la saison du Théâtre Royal du Parc :

Trois dates:       

Du 14 avril au 14 mai 2016 :– Bruxelles - création

Les 2 et 3 juin 2016 : Théâtre Montansier – Versailles

Juillet 2016 : Festival Off d’Avignon - Théâtre du Chêne Noir


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En quelques mots…

La pièce nous fait entrer dans l’intimité du président des États-Unis lors de cette fameuse soirée au Madison. Marilyn Monroe vient de susurrer «Happy Birthday». John (Jack pour les intimes) et Bobby règlent leurs comptes dans une chambre d’hôtel sous le regard d’une mystérieuse inconnue qui semble tout connaître des deux frères. Un suspense psychologique mis en scène par Ladislas Chollat dont le spectacle Le Père a triomphé à Paris et remporté plusieurs Molières dont celui du «Meilleur spectacle». Il a travaillé avec Fabrice Lucchini, Line Renaud, Robert Hirsch, Dominique Pinon  Créateur d’une sorte de bombe psychologique méticuleusement documentée  et truffée d’irrationnel,  Thierry Debroux est l’auteur du texte dense et percutant.

 

  Est-ce un fantasme ? La femme est-elle l’avenir de l’homme ? C’est ce que semble suggérer  cette femme multiple et  déstabilisante qui hante les rêves des deux frères Kennedy sous les traits séduisants d’Anouchka Vingtier, resplendissante de féminité dans chacune de ses apparitions. Dans chaque éclat du miroir qu'elle tend aux deux frères, chacun  peut tour à tour  y contempler le doute, la conscience, la destinée, le libre-arbitre, le souvenir, la mort ? Ou bien l’égérie,  la muse,  la libératrice, la   consolatrice, l’amour, peut-être ?  A chaque fois, la beauté de l’ange, qui vous tient la main et voudrait vous aider à changer votre destin.  Elle l’avoue elle-même : « Ich bin eine « Mystère » … » Pendant  parodique d’ « Ich bin ein Berliner ? » Tour à tour, un ying et un yang splendidement incarnés qui ne fascinent pas que le président.  Entendez-la :

Jack : Qui êtes-vous ?

La femme : C’est un prénom que tu veux ? De toute façon, tu ne te souviens jamais des prénoms. C’est dommage que tu sois cloué là...La vue est sublime d’ici.

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Jack : Comment savez-vous que j’allais occuper cette suite ? Je ne le savais pas moi-même...

La femme : Ich bin eine «  Mystère » !

Jack : Bon, ça suffit. J’appelle la sécurité...

La femme : Tu veux que j’approche le téléphone ? C’est le corset qui te gêne ? L’homme le plus puissant du monde porte un corset à cause de son mal de dos tout cassé. Je trouve ça plutôt mignon. Mais attention, ce corset pourrait te jouer des tours... 

  Personnages et décor hyper-réaliste font tout de suite penser aux tableaux d’Edward Hopper. Les admirables costumes de Jackye … Fauconnier et les décors de Geneviève Périat  prolongent avec  humour l’illusion artistique. Les vidéos d'époque coulent comme un immuable sablier sur l'action psychologique. Elle se situe le 19 mai 1962 dans une suite luxueuse d’un hôtel de New York.

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  Alain Leempoel (JFK), Dominique Rongvaux (Bobby) et Anouchka Vingtier composent  le trio d’enfer qui va rejouer comme un thriller, l’Histoire qui s’arrêtera le 22 novembre 1963 à Dallas.  L’action plonge  dans la souffrance abyssale du président : il a le dos qui part en miettes. Il fait le point avec son frère Bobby et  confie par bribes, les relations difficiles du clan avec le père qui, grâce à l’argent, l’a fait élire président. Le texte pointe les manipulations,  l’absence d’amour de Rose, sa mère, le mariage malheureux avec Jackie, l’hypocrisie des apparences.  Sa relation  avec Marilyn fait voir à JFK combien en fait,  ils se ressemblent.  Au passage, le texte détrousse les dossiers compromettants avec les caïds de la Maffia, la pègre de Chicago, les  rouages cachés de la famille Kennedy et les  malédictions qui la rongent. Est-ce ainsi que nous ignorons tout des puissants qui nous dirigent? Est-ce ainsi que nous aimons parfois dans nos familles ?

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  Le mythique JFK est un infirme qui pourrait hurler de douleur et cache sous son bronzage légendaire et son sourire de héros,  un immense mal-être physique et moral. Il ne sait pas combien de temps il pourra cacher au monde ses infirmités. « Un président infirme ne fait pas rêver, alors je dissimule ! » articule-t-il. Se présenter aux  yeux du monde, lui aussi, en chaise roulante, lui fait horreur. « Plutôt crever ! »  Son monde intime est un cauchemar, il avoue ne pouvoir se supporter que grâce aux drogues et au sexe. Cerné par ses hallucinantes rencontres avec la Femme-miroir, il attend désespérément les injections de procaïne  du docteur Feelgood  et parle vraiment pour la première fois avec son frère Bobby tandis que La Femme-miroir décortique sans relâche, chacun des deux frères, à la façon d’une entomologiste pour percer leur vérité.

  La mise en scène dynamique  de Ladislas Chollat s’emploie à maintenir brillamment le rythme soutenu d’un roman d’espionnage. On assiste, le souffle coupé,  à de violentes chevauchées d’amour dans une sorte de course constante contre la mort! Le jeu scénique intense du trio est impeccable et  millimétré mais le Temps gagne toujours.  Humilité: « Si toi qui portes le monde sur les épaules, tu n’es pas maître de ton destin, qui pourra se vanter de l’être… ? »

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 http://www.theatreduparc.be/Agenda/evenement/62/36.html

KENNEDY
de Thierry Debroux.

Du jeudi 14 avril au samedi 14 mai

Avec : 
Alain Leempoel
Dominique Rongvaux 

Anouchka Vingtier

Mise en scène : Ladislas Chollat 
Assistanat: Catherine Couchard
Scénographie : Emmanuelle Roy
Lumières : Alban Sauvé
Costumes : Jackye Fauconnier
Création make up et coiffure : Bouzouk 
Musique : Frédéric Norel
Durée : 1h30 sans entracte

Avec l’aide de Panache Diffusion et de la Compagnie Nationale 12.

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Récit de la servante Zerline

Hermann Broch

La Servante

Du 07 au 25.01.2014

Au théâtre des Martyrs

Prise dans l’étau de deux musiques sentimentales

Couple amoureux aux accents méconnus
Le violon et son joueur me plaisent.
Ah ! j’aime ces gémissements tendus
Sur la corde des malaises.
Aux accords sur les cordes des pendus
À l’heure où les Lois se taisent
Le cœur en forme de fraise
S’offre à l’amour comme un fruit inconnu.

(Louise de Vilmorin, Fiançailles pour rire, 1939)

 

Ce poème  pourrait sûrement se murmurer sur la musique d’ouverture de la pièce…tant l’invitation sentimentale est vive. Mais c’est tout le contraire qui accueille le spectateur. Voici au lever du rideau une pièce vide comme une cellule, ouverte sur une baie vitrée dont les châssis chuchotent le mot grille!  Jacqueline Bir apparaît dans la croisée, dure, austère épave rhumatisante presque émaciée, les cheveux collés au crâne, voûtée dans son tablier blanc dans les poches duquel elle ne cesse de plonger les mains pour retrouver le fil de son histoire. Une histoire lâchée soudain à un locataire muet, affalé au pied du mur.

 

Pendant tout le huis clos elle circule comme une figure naturaliste peinte par Daumier entre trois chaises grand siècle… trois personnages absents qui ont étayé sa pauvre vie. Sa parole contenue pendant des années explose enfin. On est loin d’ « Un cœur simple » ! Voici un cœur rebelle ! "Je suis intelligente!"  Elle est servante humiliée depuis l’enfance, objet domestique privé depuis le plus jeune âge de toute  vie affective qu’elle a passé une vie à composer et recomposer librement. Enfermée à jamais dans la folie  de la perversité. Comment mieux symboliser d’ailleurs le délabrement des valeurs de la société dans laquelle vivait Hermann Broch ?  Cet écrivain autrichien créa l'image d'« Apocalypse joyeuse » pour désigner le sentiment de désastre imminent et d'effondrement prochain de l'Empire austro-hongrois au début du XXe siècle. Une lecture  prémonitoire de délabrement des valeurs en ce début de  XXIe siècle? Sauf qu’ici l’apocalypse n’a rien de joyeux.

D’un bout à l’autre, la voix posée de l’actrice dissèque sa vie perdue, son absence de mariage et son manque d’enfants, ses infâmes machinations contre tous : son seigneur et maître le président de cour d’assises, son amant Von Janu qu’elle partage avec sa maîtresse haïe,  et l’enfant, Hildegarde,  fruit illégitime de celle-ci  et de cet « autre homme ».

Vindicative, elle étale avec passion et sans relâche la décadence, l'hypocrisie sociale, les dénis de justice, les complaisances douteuses, les silences coupables, les petites lâchetés et les grandes chimères qui tissent sa vie de domestique. Elle revit sa folle passion, son désir et son extase de dix jours, l’abandon de son amant et sa sombre vengeance. Les mots sont sa vie, pour se sauver de la perdition. Grâce à eux, elle affiche son indépendance amoureuse, sexuelle et morale. En amour  «  Des mains un peu rouges valent mieux que tout ce vacarme cérébral manucuré. »  D’un bout à l’autre du spectacle, elle glace le public par les violents aveux de ce monologue lucide et impitoyable. Les éclairages de Philippe Sireuil , le metteur en scène soulignent à merveille  la sombre et féroce confession qui fuse des lèvres de  notre toute grande comédienne belge qui réapparaît, souriante et mutine pour saluer un public mesmérisé après le deuxième morceau de musique qui conclut l’histoire.

Crédit photos 1 à 4: ZVONOCK

http://www.theatredesmartyrs.be/pages%20-%20saison/grande-salle/piece4.html

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administrateur théâtres

Vingt-quatre heures de la vie d'une Femme

Hommage à Stefan ZWEIG

 

avec Anne-Marie CAPPELIEZ


 

Et au fond de l’abîme, était l’Envoûtement.

Premier cercle : Dans un hôtel de la Côte d’Azur, une femme « comme il faut »  quitte mari et enfants pour soudain suivre un jeune amant, sans jeter un regard en arrière  et sans espoir de retour. Scandale. . .  Deuxième cercle : Une autre femme, une dame anglaise très distinguée, séjournant dans le même hôtel a aussi été envoûtée par le passé. Sa confession imminente suffira-t-elle à lui faire retrouver la sérénité  et faire craquer après 24 ans  l'envoûtement de souffrances toujours recommencées ? Troisième cercle : Apparition magique de ladite femme, encore jeune et  si envoûtée par son mari, qu’à la mort de celui-ci,  elle se trouve  incapable de continuer à vivre chez elle et se lance dans une fuite en avant pour échapper au vide vertigineux de l’âme. « Aucun flot vital ne résidait plus en elle. » Quatrième cercle : Était-ce une nuit de la Saint-Jean ? Sur le tapis vert du casino de Monte-Carlo, elle rencontre des mains, puis un visage exalté, ensuite flétri: un homme au bord du désespoir. Cinquième cercle : L'inconnu est envoûté par la passion du jeu et agonise. Sixième cercle : La femme se découvre une âme salvatrice qui l’envoûte totalement. Elle est prête à commettre les actions les plus folles pour l’arracher à la destruction.  Sentiment exaltant et neuf de l’utilité de son existence ! Septième cercle : Les 24 heures fatidiques. La voilà  au septième ciel, elle est tombée amoureuse. « Cette nuit me parut mille ans ». Passion foudroyante.  Nouvel envoûtement. Huitième cercle : Toujours envoûté par le jeu, le jeune homme  rompt sa promesse et  ne la reconnaît pas. Après avoir reperdu toute sa fortune, il ne résistera pas à l’attrait du suicide, envoûtement maléfique.

 Neuvième et dixième cercles : c’est le spectateur et la spectatrice qui sont à leur tour envoûtés par le texte de Stefan Zweig, par le talent très puissant de la conteuse. Un élixir, une herbe magique ?  Les murs du théâtre disparaissent, le décor de même, jusqu’au moindre petit pot de Saint-Paulia aux fleurs violettes  qui décoraient le lobby de l’hôtel  où est sensée se dérouler l’histoire. A la fin de l’histoire on découvre avec stupeur, la  petite tasse à thé en porcelaine  de la dame anglaise, posée délicatement sur une table basse juste devant les spectateurs. Elle semble ne jamais avoir été là avant, tant l’imagination du spectateur a fait du chemin.

Allez voir cette pièce qui fait partie d’une trilogie envoûtante de Stefan Zweig, donnée au théâtre du Grand Midi sous la direction artistique de Bernard Damien.

 

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https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/le-theatre-du-grand-midi-rend-hommage-a-stefan-zweig

du 28 février au 17 mars à 20h30

 

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administrateur théâtres

                                                                                                 mocratie

        De : Michael Frayn

      du 13 au 18 Mars

Mise en scène, scénographie et lumières : Jean-Claude Idée

Dramaturgie : Armand Delcampe

Avec Jean-Pierre Bouvier, Xavier Campion, Emmanuel Dechartre, Alain Eloy, Jean-François Guilliet, Frédéric Lepers, Frédéric Nyssen, François Sikivie, Jacques Viala, Alexandre von Sivers

 

21 octobre 1969 : « La guerre contre les peuples et contre son peuple est enfin perdue. Créons une Allemagne d’Amour et de Justice!» C’est le vœu de Willy Brandt, personnage charismatique fascinant. Les visages  émaciés des gens de l’Est sont tournés vers lui. Il a le geste pacificateur, l’heure viendra! De l’autre côté du mur, les Libéraux ne veulent pas de traité avec L’Allemagne de l’Est et préfèrent les accords avec les Démocrates Chrétiens. Dans la solitude du pouvoir,  Willy Brandt tient bon : «ça va ça vient les coalitions, ça n’a pas de racines ». Willy Brandt est soutenu par le compagnonnage qui s’est établi avec son assistant personnel Günter Guillaume,   un espion de l’Est qui a su gagner sa confiance.  Dixit Günter Guillaume : Willy Brandt représente le rêve d’une démocratie parlementaire, « une fête qui ne finit pas ». Günter ou Guillaume selon l’interlocuteur,  celui de l’Est ou de l’Ouest. 

 

 Arno K., le commanditaire à qui Günter confie les avancées de sa mission  est partout. Il joue un personnage machiavélique  qui  symbolise à merveille la RDA et la surveillance constante du régime communiste. Big Brother invisible pour les comédiens, il se glisse au milieu de toutes les conversations. Jacques Viala l’incarne diaboliquement bien.

 

Huis clos sur l’immense plateau de l’Aula Magna. Les personnages sortent régulièrement de l’ombre pour jouer leur partition sous un spot de lumière. Cela  nous donne à voir toutes  les coulisses du pouvoir… qui tue. On revivra l’histoire éternelle de la roche tarpéienne. Les services secrets de la République Démocratique ont décidé, en accord avec l’Ouest, de saborder (Günter) Guillaume pour faire sauter le chancelier et son Ostpolitik… Dans l’ombre, veille le Mazarin : « oncle Herbert », Herbert Wehner,  chef du SPD qui attend jalousement de présenter son favori, Helmut Schmidt aux élections. « La démocratie, c’est comme la spontanéité, elle a besoin d’être contrôlée. »

 

 Et au détour de la guerre du Kippur, de la crise pétrolière, le 7 mai 1974, le chancelier qui ne chancelle pas,  Prix Nobel de la Paix, démissionnera, toute honte bue. Guillaume, son assistant personnel a été démasqué  quinze jours plus tôt comme  espion de la Stasi, les services secrets de la RDA.

 

 Tout le monde s’observe, épie, conspire  et s’approprie des lambeaux de la démocratie, cet  humble animal qui s’offre en pâture aux plus gourmands. A travers les personnages, ce sont les rouages de la politique, les contradictions, les enjeux, les désespoirs qui exposent leur vérité crue. ‎La phrase de Walt Whitman « Me contredis-je ? Très bien alors, je me contredis. Je suis vaste, je contiens des multitudes. » est un sésame dans la bouche de Willy Brandt. Et Guillaume d’éprouver paradoxalement  une admiration sans bornes pour son maître et ami. L’heure sera grave quand les silences de Willy « ne diront plus rien ». Il aura été abandonné.   Dans  l’aurore norvégienne, pendant ses  dernières vacances  familiales avec Willy, Guillaume se demande « Est-ce lui que je vois dans la lumière norvégienne ou moi-même ? » Une question intime qu’aucun  vrai espion ne se pose. La fête est finie.

 

Cette représentation théâtrale  est soigneusement orchestrée. Le mur du  décor est  un  personnage muet qui nous fixe  du haut de son mirador. Les  comédiens triés parmi les meilleurs  (Alexandre Von Sivers,  Xavier Campion… ) s’emparent du  texte dense  et  rendent les scènes historiques très évocatrices comme la tombée à genoux de Willy Brandt à Varsovie. Le spectateur ressort de la salle heureux d’avoir parcouru une page complexe de l’histoire rendue palpable par la dynamique théâtrale. Heureux que les murs finissent toujours par tomber.

 

Les prestations de Jean-Pierre Bouvier (Willy Brandt) et d’Alain Éloy, l’espion au cœur qui balance,  sont brillantes et passionnées.  L’AULA MAGNA à Louvain-la-Neuve se souviendra  longtemps de la chute de ce  mur tant décrié par Willy Brandt!

http://www.atjv.be/fr/saison/detail/index.php?spectacleID=475

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administrateur théâtres

CHATROOM en reprise au Théâtre de Poche!

DE ENDA WALSH
MISE EN SCÈNE SYLVIE DE BRAEKELEER

CHATROOM fait désormais partie des blockbusters du Théâtre de Poche. Le Festival d’Avignon 2009, au Théâtre des Doms, fut un véritable tremplin pour une première tournée magistrale du spectacle, la saison passée, en France et Outre-Mer. Depuis octobre 2011, après plus de 170 représentations et plus de 40.000 spectateurs, CHATROOM est reparti pour une deuxième tournée de 70 dates à travers la France, la Belgique, l’Italie et la Suisse !

Entre la Haute-Normandie et le Midi-Pyrénées, CHATROOM fera une halte au Poche, du 28 février au 9 mars 2012, pour une série de 9 représentations qui affichent quasi SOLD OUT. Pour tenir ce rythme effréné, la production a réuni une deuxième équipe de comédiens.
Lors de cette reprise au Poche, vous pourrez voir sur scène les 2 équipes ; la nouvelle équipe du 28 février au 6 mars, et l'équipe initiale du 7 au 9 mars.12272794279?profile=original

Chatroom 15/05/2010

T’es toi quand tu parles.  Quand on ne se parle pas, on chatte sous le couvert de l’anonymat, et les lions sont lâchés. Lâchement l’un, l’une prennent le pouvoir et diffusent machiavéliquement  leur puissance virtuelle sur de vrais pauvres paumés. Le meurtre est le pouvoir absolu : les voilà qui exultent.  Danse macabre. Et sur cette île lugubre du chatroom,  pas de ‘deus ex machina’ pour remettre ces enfants de jungle sur la piste du  respect, du bonheur, de la rationalité comme dans The Lord of the Flies….12272794475?profile=original

Enfin une jeune paumée qui a vaincu la mort crie soudain sa vérité et réveille la vie enfouie malgré tout dans  le pauvre Jim, devenu à son insu, et en vrai, la victime expiatoire de tous ces ados désœuvrés, malaimés, sans but, sans valeurs, largués…. assommés de musique sauvage, prisonniers de gestes d’automates en folie.

Et les lucioles de tecktonik abruties par leurs contradictions et celles du monde, de s’agiter désespérément. Personne n’entend rien. Surgit une image de bonheur dans le regard vide de Jim. Et si on se parlait vraiment : … Laura et Jim, dernière scène.

Malgré le sujet, aussi accablant qu’affligeant,  la vitalité et le talent  des acteurs nous réconcilient avec cette jeunesse en manque permanent….de permanence et de certitudes.


Reprise du 28 février au 9 mars 2012
(relâche les dimanches et lundis)


AVEC EN ATERNANCE
:
Du 28 février au 6 mars :
BRUNO BORSU, ALICE DE MARCHI, FANNY DONCKELS, MARTIN GOOSSENS, JORDAN MARTY, ELSA POISOT

Du 7 au 9 mars :
ELSA POISOT, DEBORAH ROUACH, ADRIANA DA FONSECA, JULIEN VARGAS, OLIVIER LENEL ET CÉDRIC LOMBARD

COMPLET sauf le 1er mars à 14h30 !

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administrateur théâtres

Au théâtre Royal du Parc : Mademoiselle Julie de August Strindberg/ Mise en scène : Jasmina Douieb

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Julie: une enfant gâtée qui séduit le cocher ? Pas vraiment. Une  princesse tout de même, qui va s’enflammer au contact d’un jardinier de la Saint-Jean. Belle histoire comme celle de l’amant de Lady Chatterley ? Pas vraiment. La belle vit une histoire qui la pousse au désespoir. Malgré la victoire de l’amour sur les conventions sociales, du corps sur l’esprit, du primitif sur la pensée trop réfléchie, l’explosion des conventions et  la  quête d’amour se font ...à coups de foudre qui tue.

Le huis clos est représenté par une énorme boîte qui s’ouvre lentement. On pense à un coffret de papier à lettres fleuri et  romantique, mais là  on est dans la cuisine du château avec une Julie en tenue  de cavalière, séductrice, revendicatrice. Elle ne sait rien sur le sexe auquel elle appartient. Sa mère vengeresse, l’a empêché de devenir « femme », au nom de l’égalité entre les sexes, au nom d’une guerre implacable contre son mari,  menée à coups d’incendies. Les joutes cruelles entre les futurs amants  se déroulent dans la cuisine sous les yeux effarés de Christine la gardienne du château,  la fiancée du compère soudain  piqué d’amour pour la dame des lieux. « Je te hais autant que je t’aime. »

Fabrice Rodriguez (Jean), poignant  dans  l'Hamelin deJuan Mayorga (mise en scène Christophe Sermet) au théâtre du Rideau l’année dernière, joue avec raffinement et élégance le domestique madré. Il fustige les nantis : « Quand les maîtres se mélangent avec le commun, ils deviennent communs ». Julie : « Ce soir, laissons tomber le rang ! » Jean : « Ne descendez pas mademoiselle, tout le monde pensera que vous tombez ! » Julie : « Comme vous êtes fier !» Jean : « Parfois oui, parfois non !»   Julie : « Avez-vous jamais aimé ? « Cela doit être un malheur infini que d’être pauvre !» Il lui raconte comment tout jeune domestique, il était tombé amoureux d’une princesse de onze ans qui s’appelait Julie. Il se rendait à l’église, juste pour l'entrevoir. « C’était pour moi le signe de l’impossibilité  de  sortir du cercle où j’étais. » Après les aveux, Julie s’offre au serviteur qui rêve de s'élever et  devenir comte à son tour. L'argent peut tout acheter.

Mais le poids des conventions rattrape  bientôt la pauvrette, écrasée par la terrifiante image   de son  père qui va revenir de voyage. Elle ne peut non plus  se résoudre à suivre Jean ( Julien Sorel ?) en Italie pour recommencer une vie nouvelle et ouvrir un hôtel. « Je veux partir et je veux rester ». Le serin dans sa cage de voyage est mort au point du jour.  Je ne vous dirai pas comment. « Le soleil se lève et le troll crève ! » constate Jean.

Une atmosphère grinçante, étouffante. Anouchka Vingtier (Julie) , la mal-aimée,  tape du pied,  vitupère, s’emporte, crie. Une authetique enfant gâtée, dans tous les sens du terme. Les scènes avec la délicieuse Christine (Catherine Grosjean), la cuisinière font du bien. Il y a ce bord de scène inoubliable où elle s’adresse à sa chatte, une chatte  imaginaire  qui a encore fauté, elle est prête à mettre bas sans doute.  Après tout, c'est la Saint-Jean pour hommes et bêtes. Il est bon parfois d’être pieds sur terre.

La mise en scène est très belle.

 

 

http://www.theatreduparc.be/

Du 1er au 31 mars 2012

Avec : Anouchka Vingtier, Fabrice Rodriguez, Catherine Grosjean

 et à l’accordéon : Liborio Amico, musique de Pascal Charpentier

 

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administrateur théâtres

Un ACCUEIL au théâtre Varia :  INVASION!

 

                          12272785257?profile=original De Jonas Hassen Khemiri. Mise en scène de Michel Didym.

 

Du 31 janvier au 4 février 2012 à 20h30 sauf les mercredis à 19h30 - relâche les lundis et dimanches. Grande salle.

Variation sur l’identité et les cultures

 

 

Jonas Hassen Khemiri, auteur et dramaturge suédois exporte une pièce de théâtre, Invasion!, bourrée d’humour mais aussi dérangeante, qui traite de l’identité, de la langue et de la couleur de ceux qu’on persécute.

 

Dans un flot d’énergie théâtrale on assiste, médusé, à la manifestation éclatante du pouvoir de la langue, sous forme de tableaux burlesques et ludiques  qui défilent comme des esquisses sur une ardoise magique, avec une extrême volubilité, langue oblige.

What’s in a name ? Un terme peut vouloir dit tout et son contraire, peut plonger ses racines dans une culture donnée ou être pure invention ou supercherie. Rien en effet à la rubrique Aboulkassem dans Wikipedia, alors que c’est le seul fil conducteur de la pièce. Et qui conduit une énergie détonante. « Aboulkassem », Abracadabra  abracadabrant, tout l’art est dans l’intonation - vive l'oralité! - et l’émotion qui sous-tend le vocable. Cette émotion qui est en fin de compte une des dernières différences qui nous distingue de la machine.  On peut voguer du plus atroce au plus fantasmé. Démonstration faite sur scène avec brio qui fait mousser le rire. Mais le vocable finit par faire  exister la chose. Il y a dans la langue un potentiel politique, subversif fascinant. C’est bien le  même propos qui est  défendu par A…lexis Jenni dans  « L’Art français de la guerre ». La chose peut être à la fois le rêve et le cauchemar. Démonstration aussi sur scène lorsque le spectateur  qui se tenait les côtes tout à coup transforme son rire en cri muet de Munch. C’est tout dire.

 

Spectacle saisissant, qui réveille, sème la  graine fertile du respect humain, bloque la voie aux stéréotypes de tout poil, fustige le repli sur soi et la peur de l’altérité.

Dans un magnifique dialogue de sourds où une éminente traductrice suédoise aux cheveux noir corbeau traduit une confession dite en perse, on assiste au retournement total de la vérité, un peu comme dans le 1984 d’Orwell, il y a combien d’années déjà ? Le spectateur voudrait se boucher les oreilles en entendant tant d’insanités au fur et à mesure que  la communication en suédois  s’éloigne du texte original et s’habille de haine. Cette représentation des émigrés nous met véritablement au supplice.

 Si Khemiri, né de père tunisien et de mère suédoise  utilisait dans le texte de sa pièce des tournures rappelant le suédois parlé par beaucoup d’immigrés en Suède, avec syntaxe et grammaire éclatées, la traduction ici ne lui fait pas faux bond car nous sommes arrosés d’un parler des banlieues, jeune, branché pour certains, obscur parfois mais très drôle qui se répand sur le plateau en gloussements et postures à mourir de rire. Les  quatre comédiens virevoltent entre les  changements de costumes éclairs, proches de la prestidigitation pour interpréter chacun six personnages,  sillonnent un immense escalier où se trouve bétonnée l’ascension sociale. Entre des réclames qui louent le système suédois  - le meilleur d’Europe -  des enquêteurs apparaissent régulièrement dans un immense écran vivant - de la télévision en trois D - pour nous « informer » à propos de la chasse à l’homme. La terre elle-même, immense boule-kasem rouge, jaillit de l’écran invisible et ne s'arrête pas de tourner. Nos yeux ébahis suivent le trajet ahurissant de l’homme traqué, démasqué, insaisissable…  qui est partout à la fois, et peut-être aussi  dans la salle. « Nous sommes tous des immigrés, il n'y a que le lieu de naissance qui change» (A…nonyme)

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Deux musiciens diffusent par-dessus l’escalier et entre les lignes un élan vital fait d’écoute et d’émotion en  jouant discrètement de la  guitare et du synthé. La légèreté est de mise, il ne s’agit pas de scander un quelconque manifeste.   L’instrumental est en total équilibre avec les comédiens tout au long de la pièce pour souligner les humeurs et la couleur des sentiments. Le cueilleur de pommes ne dit-il pas que dans sa vie il n’y a que la musique qui le fasse vivre, un élixir d’amour?  

 

Avec : Quentin Baillot, Zakariya Gouram, Luc-Antoine Diquéro, Julie Pilod. - Musiciens : Flavien Gaudon, Philippe Thibault - Scénographie : Sarah de Battice.- Lumière : Joël Hourbeigt. - Costumes : Anne-Sophie Lecourt.- Mise en scène : Michel Didym. Réserver

 

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Le texte est publié aux Ed. Théâtrales. Texte français de Susanne Burstein avec la collaboration d’Aziz Chouaki. http://www.varia.be/fr/les-spectacles/invasion4/

 

Un spectacle de la Compagnie Boomerang Lorraine en coproduction avec le Théâtre Nanterre-Amandiers, la Maison de la Culture de Bourges et le Théâtre de la Manufacture de Nancy. Remerciements à La Comédie-Française et à Renato Bianchi.

 

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administrateur théâtres

12272782055?profile=originalLE REPAS DES FAUVES Centre Culturel d'Auderghem, Bld du Souverain 183 – 1160, Accueil parisien du 16/01/2012 au 22/01/2012

1942, quelque part, en France occupée, un appartement bourgeois. Circonstances « atténuantes »,  le SS  Kaubach qui connait Victor Pélisier comme libraire de la ville,  fait « une faveur » à Sophie, sa femme,  qui  fête ce soir-là son anniversaire. Ils pourront  d’ici deux heures, parmi les sept convives, désigner les  deux otages par appartement  qui payeront de leur vie  l’attentat de deux officiers allemands abattus ce soir-là, au pied de l’immeuble.

L’angoisse est à son comble, personne ne songe à tirer au sort. Chacun trouvera que « l’autre » est de manière évidente,  bien plus apte à être envoyé au sacrifice. Que le salut viendra  sûrement d’appels à l’aide parmi leurs sympathies allemandes. « … Comme de bien entendu ! »  Le sujet est  glaçant, le jeu de l’autorité en place  est sadique et cynique. «  Prenez votre temps, dit l’officier,  maintenant vous avez un sujet de conversation ! » Pendant deux heures rien d’autre ne circule que la peur panique d’hommes et de femmes soudainement dressés les uns contre les autres devant le danger. De Jean-Paul, le  docteur, figure respectée, au salaud collabo et pragmatique, André, en passant par Pierre, rendu aveugle lors de ses combats  au front et Françoise aux sympathies marquées pour la Résistance, tous s’entredéchirent, avec une férocité grandissante, pendant que le SS parcourt d’un regard amusé les beaux livres de la bibliothèque.

12272782256?profile=originalCe  spectacle a obtenu 3 Molières en 2011.  

Dans toute cette gravité du huis clos infernal,  les adeptes d’humour noir jubileront. Le personnage d’André, pourtant fort opportuniste est peut-être le moins hypocrite d’entre eux, le seul qui ose poser les bonnes questions. Il ose asséner : «Je préfère avoir un cadavre sur la conscience qu’être le cadavre sur la conscience de quelqu’un d’autre ». Le personnage de Victor le mari est un condensé d’égoïsme et de pleutrerie qui méprise sa femme. « Tout est pardonnable quand il s’agit de sauver sa vie!» Françoise, lucide déclare « Nous sommes tous responsables… » Mais ses grands états d’âme ne vont pas plus loin que les mots.  Les huit acteurs sont finement  décalqués sur la bassesse, la médiocrité, la lâcheté qui les animent tous, sans exception.  L’appartement cossu  et net  qui respire le monde de nos grands parents forme  un contrepoint esthétique  saisissant. Sur la large baie vitrée, des projections d’actualités, mêlées de  funestes personnages  de grossiers dessins animés  nous plongent dans une évocation glaçante de l’horreur de l’époque.  Bombardements, défilés, discours nazis. Destruction consciencieuse  de la dignité humaine. Mais ce qui se passe et se dit  sur scène est presque plus effrayant. Le dénouement, point d’orgue inoubliable,  est un cadeau d’anniversaire  terriblement héroïque.

«  Tu peux sourire, charmante Elvire, les loups sont entrés dans Paris…» Les comédiens sont entrés dans leurs personnes-otages avec une vérité déconcertante.   Mais comme  cela fait du bien de retrouver leur traits détendus, leur réalité d’êtres humains, leurs joyeuses œillades d’artistes au moment des applaudissements à tout rompre.

 

mise en scène de Julien Sibre Avec Cyril AUBIN, Pierre-Jean PAGÈS, Alexis VICTOR, Caroline VICTORIA, Olivier BOUANA, Julien SIBRE, Pascal CASANOVA, Stéphanie HÉDIN, Jérémy PRÉVOST.

http://www.cc-auderghem.be/index.php/nos-spectacles/paris-theatre-1112/details/104-le-repas-des-fauves.html

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LE CAS JEKYLL - C. Montalbetti (Théâtre des Martyrs)

12272772684?profile=originalNous voici donc devant  un nouveau Docteur Jekyll et Mr. Hyde, inspiré de la célèbre nouvelle de Stevenson. Une heure 10 de palpitations magnifiquement interprétées par Emmanuel Dekoninck,  multiple Manu, qui, de son corps agile et de sa voix nous guide dans la  descente vertigineuse des complexités du Moi. Il  nous souhaite  au passage de ressortir de ce spectacle un peu différent. Il est vrai qu’ après avoir bu la potion magique de son art dramatique éblouissant  et goûté au poison de l’expérience scientifique qui se déroule devant nos yeux ébahis par la mise en scène et le décor , on ne peut plus qu’accepter avec humilité les zones d’ombre que tout un chacun porte en soi.

 

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Christine Montalbetti met en scène la brume de l’hiver londonien, les ombres lugubres d’une rue déserte la nuit, la lune traîtresse et cette chose visqueuse qu’est le secret. C’est cette  dernière confession bouleversante  du Dr. Jekyll, envahi inexorablement par les difformités physiques et morales de  Mr. Hyde, qui va empoigner le spectateur jusqu’à ce que conscience s’en suive. Le visage lisse du jeune étudiant sans problème de la  cuvée 2011-2012 se froisse et apparaissent les failles qui  le feront aimer désespérément. Quel que soit le siècle, il se pose la question maléfique  du désir et de l’ennui.  Il révèle peu à peu sa perception des pulsions perfides, des zones d’ombre, des souffrances.  Alternent l’angoisse de Jekyll, mais aussi l’humour de Hyde, sa séduction subversive et souveraine, sa soumission entière au désir.

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Contraste lumineux : le Dr. Jekyll, épris de progrès scientifique, offre tout simplement sa personne à la science et explique l’expérience devant un tableau d’auditoire imaginaire. Noble passion et générosité de l’homme chercheur et enseignant. Jekyll analyse minutieusement  l’être humain dans sa complexité. Pour lui, jusque dans la bonté il y a des pulsions bâillonnées, des chemins tortueux. « Je suis l’incarnation de l’hétérogène et je fais mon autopsie. Vous repartirez différents suite à l’agitation de vos molécules.» promet-il. 

  Paradoxalement, le Dr. Jekyll va donc  s’appliquer à métamorphoser… le spectateur. L’effroyable Mr. Hyde est un monstre qui grâce aux effets de la potion  est devenu un être purifié dans l’alambic de la science, sans mélanges. Il ne connait pas la versatilité, ignore l’autre, est soumis à la machinerie infernale de sa pulsion première et personnifie l’abomination de la pureté.

D’aucuns verront aussi  dans ce conte cruel l’image des combats fratricides qui peuplent toutes nos mythologies depuis l'aube de l'humanité. Une œuvre forte  intensément interprétée par Manu. Suavité diabolique de la question de Hyde : « Si je ne te servais pas de repoussoir, comment pourrais-tu te glorifier dans ta vie quotidienne ?  Est-ce que je ne t’ai pas sauvé de l’ennui en te laissant le beau rôle ?»   

Seule la mort est sans faille. Deux mortels, Ange et Démon se disent  donc adieu, ainsi qu’à la vie dans un luxe langagier qui ne déplairait pas à Baudelaire. Jekyll ne peut plus faire qu’une chose : parler, parce que la parole est tout ce qui lui reste. Une parole qui devient spectacle saisissant.

 

Du 11.01 au 18.02.2012

Di : 22.01 & 05.02

 

http://www.theatredesmartyrs.be/saison.html

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12272763266?profile=original« Grand ECArt » de Stephen Belber mis en scène au théâtre de la Madeleine à Paris et maintenant à Bruxelles au CENTRE CULTUREL D’AUDERGHEM

 

Une pièce où l’on parle de A comme Amour ou  A comme Art ;  du contrôle de soi, du travail et de la discipline de la danse, « c’est sidérant, bouleversant, la rigueur » ; de ce que peuvent bien se dire un flic et un danseur (homosexuel à ses heures),  de haschisch et autres substances hallucinogènes (c’est l’époque),   des années soixante et particulièrement de l’année 1963, «  période de défoulement total »; des milieux artistiques, « tout le monde couchait avec tout le monde ! » ; du merveilleux métier qu’est l’enseignement,  « voilà pourquoi j’enseigne: accoucher la magnificence de l’esprit humain »; de sexe, de tricot et de danse « qui sont interchangeables » ; de l’usure des couples ; du rêve de vie de chaque individu,  et du grand écart, figure de danse, et  phénomène qui sépare tant les fils et les pères que les individus dans les couples mariés ou non. On dirait presque un titre canadien !  Foule sentimentale, sortez vos mouchoirs et riez de bon cœur.

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Un spectacle désopilant, mais absolument  pas pour enfants, nous prévient Thierry Lhermite lui-même ! Cela se passe dans l’appartement 52, dernier étage d’un gratte-ciel Newyorkais. On y parle beaucoup de la prestigieuse Julliard School. Cette comédie dramatique et  psychologique  touche à la fois nos fibres profondes et nous fait sincèrement rire tant le jeu des acteurs et le décor fantaisiste se liguent pour accumuler une tension  merveilleusement bien menée qui interroge ce fameux grand écart, dans tous les sens du terme.

 

À New York, Toby, ce célèbre chorégraphe excentrique et solitaire, devenu professeur de danse à la Julliard School suite à un accident qui brisa sa carrière de danseur étoile, reçoit donc  la visite d'un étrange couple de Seattle venu l'interroger sur le milieu de la danse dans les années soixante. Une banale  enquête sociologique qui va le distraire de sa solitude  croit-il. Mais cette  rencontre devient très vite  explosive.   Comment ces trois protagonistes mus au départ par la seule curiosité,  peuvent s’engouffrer dans une hostilité réciproque et sauvage… est révélateur de la nature humaine et montre à souhait qu’il suffit de très peu pour déclencher une guerre.

 
L'interview prend  une tournure très inquisitrice car elle porte sur les mœurs sexuelles très libres de l’époque hippie mais surtout sur les partenaires variés et  nombreux du chorégraphe. De quoi créer un malaise de plus en plus désagréable pour le vieux danseur.   A vous de découvrir  les motifs  secrets  de cette visite déterminante, en présence des protagonistes, servis par  des comédiens magnifiques sur  les planches du centre culturel d’Auderghem. On ne voudrait en aucun cas vendre la chandelle d’une pièce finalement fort émouvante. Vous serez servis en surprises et en vérités psychologiques et artistiques.


Auteur : Stephen Belber
Artistes : Thierry Lhermitte, Valérie Karsenti, François Feroleto
Metteur en scène : Benoît Lavigne

Du lundi 17 au samedi 22 octobre 2011 à 20h30 et dimanche 23 octobre à 15h30

http://www.cc-auderghem.be/index.php/nos-spectacles/paris-theatre-1112.html

 

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L’ECUME DES JOURS de Boris Vian (A l’atelier 210)

12272756691?profile=originalL’ECUME DES JOURS de Boris Vian

A l’atelier 210 (jusqu'au 8 octobre)

Un monde monté  sur des roulettes: voici l’univers imaginaire et déroutant  de Boris Vian, où la fantaisie et le merveilleux sont omniprésents, présenté par Emmanuel Dekoninck.  Le texte de Vian est resté en partie au vestiaire.  Les mots swinguent moins. On n’entend pas les pas des amoureux clapoter sur le parquet de l’appartement de Colin, qui ne cesse de rétrécir et de s’assombrir au fur et à mesure des progrès du nénuphar.  Pas de narrateur mais un piano et une jeune chanteuse habillée Courrèges. Rien que des dialogues vifs et bien enchaînés, neuf comédiens-musiciens juvéniles  bondissants, le swing de la musique d’aujourd’hui, toute une grammaire d’éclairages, de la chorégraphie, des scènes muettes (le mariage, la nuit de noces). On applaudit en plein milieu du spectacle devant les  jeux de scène délirants, tirés à l’extrême  et les accessoires et ustensiles loufoques dignes du salon  des inventions, qui ont un pied dans le réel, un autre dans l’imaginaire.

Et  le tout marche comme sur des roulettes. Emmanuel Dekoninck a réussi le défi de   montrer un univers parallèle que l’on peut réellement voir, un monde qui jongle  avec la vitesse et avec la mort. Une façon efficace d’appréhender le réel. Dénonciation moderne  de tout ce qui tue: le travail érigé en valeur plutôt qu’en moyen, la guerre, la pauvreté, la maladie. La folie de l’administration. La folie religieuse qui tue le plaisir. La folie du culte de la personnalité avec ce personnage délirant, lui aussi monté sur roulettes, et pas des moindres,  représenté comme un philosophe grotesque présentant ses échantillons de vomi lors de ses conférences de presse. Rapport à la Nausée.  Allusion à son meilleur ami  Jean-Paul Sartre. Pardon, Partre.  Dérision. Tout roule n’est ce pas ? Est-ce vrai ? Et de méditer tout aussitôt sur  la magnifique phrase d’entrée de jeu :

 «Dans la vie, l’essentiel est de porter sur tout des jugements a priori. Il apparaît, en effet, que les masses ont tort, et les individus toujours raison. Il faut se garder d’en déduire des règles de conduite: elles ne doivent pas avoir besoin d’être formulées pour qu’on les suive. Il y a seulement deux choses: c’est l’amour, de toutes les façons, avec les jolies filles, et la musique de la Nouvelle-Orléans ou de Duke Ellington. Le reste devrait disparaître, car le reste est laid, et les quelques pages de démonstration qui suivent tirent toute leur force du fait que l’histoire est entièrement vraie, puisque je l’ai imaginée d’un bout à l’autre.  Boris Vian, La Nouvelle-Orléans 10 mars 1946. » Jamais, il n’est allé en Louisiane.

Et pendant ce temps là,  l’immense nénuphar  de  tout ce qui bloque l’homme, se développe, mortifère et imperturbable,  se nourrissant du fleuve de nos émotions et de notre angoisse. Les hommes sont des souris pour le chat. Roulette russe. Colin, au contraire de ce monde, est ce jeune homme aisé  et rêveur, qui aime le jazz, la vie et l’amour et qui déteste la violence et le travail. La délicieuse, la frêle et douce Chloé incarne la féminité et la beauté. Celles-ci sont vouées à un bien triste destin. A la fin, Colin pleure et son amie la souris, incapable de contenir sa douleur,  mi-animale, mi-humaine,  préfère se précipiter dans la gueule du chat sous nos yeux. La lutte pour le bonheur est vraiment trop  inégale.

 

Jetez un coup d’œil sur la vidéo :

http://www.telebruxelles.net/portail/emissions/les-journaux/le-journal/15871-lecume-de-vian-sur-scene-et-en-musique

distribution et infos pratiques :

http://www.atelier210.be/programme_information-A210-82.html

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 "Pensez-vous, Maître qu'il ne faut pas rire? "(Adso)

 

Le titre « Le nom de la rose »  fait rêver certes mais n’est pas une des clés du roman d’Umberto Eco.  Le premier titre, « l’Abbaye du Crime » eût été bien plus approprié mais ne fut pas accepté par son éditeur, étant trop explicite ou trop polar.   Eco choisit alors  « le nom de la rose » parce que cela sonnait bien, cela fait moyen âge, mystère, inaccessibilité, …labyrinthe ?

 

Dans cette création mondiale sur scène, dont le texte a été soigneusement revisité par Umberto Eco lui-même,  on retrouve un concentré de l’aspect divertissant du roman détective : introduction, intrigue, conclusion. Les  détails de la mise en scène magistrale et des costumes nous plongent dans l’époque avec des allures de grand spectacle, tout en frémissant sous la  parole silencieuse des pierres et  le charme mystique des ruines de l’abbaye de Villers-la Ville. Car elle est bien plus qu’un décor !

 

 La deuxième partie du spectacle, située au cœur de l’Abbatiale  vous coupe le souffle : nous plongeons dans la dictature de l’église et  l’obscurantisme comme si on y était. Le fanatisme religieux et le cynisme de l’inquisiteur Bernado Gui,  rival de Guillaume  et personnage historique, est un morceau d’anthologie. Le spectateur  est totalement révolté par sa manière tronquée d’aborder le procès des malheureux  Salvatore et Rémigio,  tous deux inculpés sans preuves, où l’inquisiteur ne s’encombre d’aucune vertu de l’église, ni charité, ni  pitié, ni même de sens de la justice. Scène inoubliable et forte.

 

 Et surnage l’éblouissement des citations  d' Umberto Eco. Ses références littéraires grésillent dans tous ses personnages. Des références à Lucien, St Thomas d'Aquin...

Le personnage de Guillaume de Baskerville est inspiré à la fois de Guillaume d’Ockham, moine franciscain, célèbre rationaliste et disciple de Roger Bacon, et du célèbre détective Sherlock Holmes du roman d'Arthur Conan Doyle « The Hound of the Baskervilles ». Selon sa théorie, les hypothèses les plus simples sont les plus vraisemblables, principe de base des sciences et de l’art du détective.   « Il ne faut pas multiplier les explications et les causes sans qu'on en ait une stricte nécessité ».

 Le novice Adso est un raccourci phonétique du Docteur Watson qui pose sans relâche des questions très astucieuses à son maître.  

 Jorge de Burgos, le  vénérable personnage aveugle, gardien du livre interdit, est directement inspiré de l’écrivain argentin Jorge Luis Borges.

 La bibliothèque, construite comme un labyrinthe complexe magnifiquement décalqué sur les ruines dans la troisième partie du spectacle, est un personnage en soi. Représente-t-il l’importance de ce trésor qu’est notre culture, l’importance du mystère, comme à Stonehenge ou à Chartres? Représente-t-il la complexité de l’univers, celle de notre spiritualité ?  

Le risque que cette bibliothèque mythique prenne feu, confrontée à la folie humaine, est grand. A chacun de choisir son chemin dans ce labyrinthe, outil de méditation, ou de rester en dehors. … Guillaume Baskerville, aidé  son jeune et fidèle assistant, aura jusqu’à la fin la passion dévorante  de découvrir la vérité cachée dans la salle secrète et interdite de la bibliothèque, nommée «  Finis Africae ». Le savoir ne demande-t-il jamais autre chose qu'à être découvert ?

 

Mais surtout on assiste aussi à une excommunication du rire, un enjeu idéologique de première importance au Moyen Age. Jorge de Burgos, la véritable âme de cette abbaye le condamne, ... sans coup férir. A voir! 

Depuis le début, ce  vieillard repoussant et  intransigeant cherche à tout prix à interdire l'accès au livre inédit d'Aristote dans lequel le philosophe grec aurait prononcé l'éloge irrévérencieux du rire. Celui de la vie ?  Jorge de Burgos ne veut pas que les hommes se croient autorisés à rire: il faut, pense-t-il, les tenir ployés sous la terreur. Le rire est source de doute. Le rire, selon lui, anéantirait la crainte de Dieu et amènerait la ruine de L’Eglise.
Le Christ riait-il ? Rien dans ses paraboles ne prête au rire. Dieu voit et punit. Rien de drôle. Le Christ possédait-il, en propre, sa tunique? Une paire de lunettes est-elle ou non un outil du Diable?

Sarah a ri !

Guillaume émettra l'hypothèse que " Le diable, c'est la vérité qui n'est jamais effleurée par le doute".

 

 

Ceci ne manquera pas de nous rappeler un autre polar, moderne celui-ci, très  documenté et divertissant : « le rire du Cyclope » sur le même thème de l’infaillible subversivité  du rire. Et de méditer.  En tous cas cette représentation théâtrale est  une manière d’aborder de façon humoristique et efficace  les conflits intellectuels, religieux et politiques du début du 14e siècle et du nôtre. 

 C’était une première, la mise en place des personnages dans la première partie est un peu rocailleuse surtout avec le personnage loufoque et peu crédible de Salvatore, mais le reste du spectacle devient de plus en plus passionnant. La seule figurante féminine est craquante et les moines idéalement croqués.

 

http://www.deldiffusion.be/prochaines_productions/prochaines_productions.asp

 

 

  • Quand ? Du 13 juillet au 13 août 2011
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Les mercredi 8, jeudi 9, vendredi 10 juin 2011 à 20h30
Les mercredi 15, jeudi 16 et vendredi 17 juin 2011
à 20h30

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La Dame au Violoncelle est un hymne à l’Amour et aux Passions.
En accord avec le violoncelle, la dame entretient un rapport charnel avec son instrument.
Sans pudeur, elle se dévoile et nous conte sa quête du bonheur. A la poursuite de ses rêves, elle affronte ses peurs, ses manques, ses difficultés. Elle nous raconte les chemins qu’elle emprunte, le pourquoi de ses choix dans une histoire de crime d’amour... Une vie réelle ou fantasmée? La frontière est floue.
Cette pièce nous intrigue, au point qu’on ne sait plus la définir. Comédie ou tragédie? Une certitude toutefois, elle parle à tous et ne laisse personne indifférent.

                         

 

Théâtre de la Clarencière  

20 rue du Belvédère - 1050 Bruxelles

Situation géographique

près de la Place Flagey et de l'Eglise Sainte-Croix, dans la petite rue parallèle arrière à l'ancien bâtiment de l'I.N.R. devenu aujourd'hui Radio Flagey.

Accès

bus 38/59/60/71/366 Trams : 81

Foyer et jardin

ouverts 30 minutes avant le spectacle, soit 20h00 ou 15h30

 

 

"On n’est sincère qu’avec ses rêves. Et la comédie commence quand les rêves s’achèvent."

 

 Il y a ce long moment appuyé et  suspendu au théâtre de la Clarencière, où l’on renaît  à chaque fois,  dans le noir absolu, avant que la pièce ne commence. C’est comme  une hésitation, un basculement.

 

Soudain sous le jet de lumière,  apparaît le dos nu de la  tunique noire que porte la  femme qui va s’offrir en spectacle, elle et son violoncelle dans un registre d’expressions et de gestuelle d’une variété inouïe. On pense d’emblée aux toiles de Picasso, à l’érotisme des instruments de musique, dont le violoncelle est sans doute le plus profond : « seul capable de mimer les cris rauques et les souffrances de l’homme. »   Peu à peu, elle, la silencieuse qui faisait semblant,  va libérer la parole, et entonner sur tous les tons une ode désespérée aux rêves personnels. Elle nous fera l’aveu  qu’avec son partenaire-objet,  enfin, elle existe. Qu’elle n’est plus une femme potiche que l’on sort comme une plante. Qu’elle est capable de mettre des mots sur ses fantasmes et qu’elle arrive à l’extase avec son puissant  compagnon de résonnance. Démonstration.  Au début elle ne donnait  que  la face cachée de son visage : ses cheveux blonds coiffés  en carré sage. Puis elle s’anima : « Je fais semblant, comme vous. Vous ne trouvez pas que tout est faux ? » et devint « elle ». « Elle est violoncelle. »

 

Dès l’entrée de jeu elle fera tout pour engluer de l’empreinte du faux, tout ce  qui couvre le vide intérieur, de soi et de l’autre. Elle refuse catégoriquement de n’être qu’un miroir du monde.

 

Elle accentue sur son  formidable numéro  d’agression lascive,  cette épure de  fausseté  qui marche si  bien pour d’aucuns, comblés rien qu’en  tombant dans le piège de la séduction factice. Quitte à irriter  d’autres, souverainement : les  adeptes de la spontanéité, de la  sincérité, de la générosité, de la relation à l’autre. Donc elle séduit mais elle irrite.

 

Le « faire semblant » est le fil conducteur de cette pièce, cela irrite et cela séduit. La comédienne veut jouer autrement le jeu de la vérité, et le rendre aussi vrai que la vraie vérité : faire semblant n’est pas du mensonge, ne rend pas coupable. On va la juger pour la disparition tragique de son mari. Le meilleur ami du mari  (qui a toujours  chanté faux), attend son faux-pas pour la démasquer.  Le juge se tait. “Je suis innocente! Innocente! Puisque je fais semblant. On  n’est pas coupable quand on fait semblant!”  Maudite d’avance,  elle est pourtant  très habile et se lance dans un plaidoyer  fort bien ficelé, déroutant par sa logique  féminine absurde. « Tout mot dit est souffrance et toute note est plainte.»  Ca y est, même les réfractaires aux manières de femme fatale, rentrent dans sa logique : «  Chaque homme, chaque femme cache un violoncelle. » plaide-t-elle, et  le cher disparu a voulu tuer  le sien de violoncelle… voilà des circonstances  bien atténuantes.  

 

http://www.laclarenciere.be/

 

 

 

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Une superbe vidéo aquatique  nous plonge dans l’Histoire du Titanic,  vieille de 99 ans. En ce jour fatidique  du 14 avril 1912, le puissant monde occidental se brisait comme une poupée de porcelaine et s’engouffrait au fond de l’Atlantique Nord pour toujours. On le sait, c’est le  péché  d’Hubris, tant dénoncé par les tragédiens grecs,  qui  fit disparaître  pour toujours ce bâtiment réputé insubmersible, dans "le  crissement d'un patin sur la  glace." Ce navire, aussi  haut que le plus grand des gratte-ciel américains, sombra en quelques heures par  une nuit sans lune, en frôlant l’iceberg meurtrier. Symbole tragique des limites de l’homme et de la dislocation du Vieux monde.

 

La pièce de THIERRY DEBROUX fut écrite quelques mois avant la sortie du film de Cameron en 1996, lui aussi une description d’une catastrophe qui ne cesse d’interroger notre mémoire collective.  Ainsi furent fracassés brutalement, le luxe extrême, le délire du progrès technique et les classes sociales…. Coup de semonce divine? En tout cas, une catastrophe internationale et ici dans la pièce, une catastrophe intime d’une petite fille séparée de sa mère dans des circonstances étranges. De l’immensément grand à l’immensément petit.

 

 Le décor est un vaste plan incliné blanc, le souvenir de l’iceberg,  sur lequel apparaissent - elle,  dans toute sa vivacité, et lui, dans son immense bonhommie - la grande actrice Jacqueline Bir et son merveilleux compagnon, Marc Olinger  jouant Edward, le mari flegmatique. Ils ont tout du beau couple de noces d’argent,  s’intéressant, l’un aux étoiles et aux questionnements de Einstein, et  l’autre à l’infiniment petit : les  pucerons  dévorants le robinier du jardin.

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 Maggy est mystérieusement protégée de ses souvenirs de petite fille par une amnésie infantile  qui a recouvert  les événements du 14 avril 1912.  La surface polie du couple sera fracassée par la  visite soudaine d’un jeune compositeur d’opéra, tout comme le destin fracassa subitement le bateau mythique. Edward, le mari  astronome ne veut pas réveiller les vieux souvenirs. Il traine derrière lui un fardeau aussi lourd que le Titanic. Par amour pour sa femme, Maggy,  il n’a jamais voulu dévoiler les secrets qu’il détient.

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Un douloureux travail de mémoire  pour Maggy s’engage dans un duel avec le jeune compositeur, figure très dramatique. Celui-ci s’est  passionné pour un travail de mémoire palpitant et c’est ainsi que les deux destins se croisent. Il est en effet fasciné par la photo d’une femme, trouvée dans un livre ayant appartenu à son grand-père. Pourquoi ressemble-t-elle tant à cette mère fermant les bras sur son enfant, qu’il a retrouvée dans des documents d’archive du  Titanic? Une énigme familiale qu’il ne peut s’empêcher de vouloir résoudre. Maggy, devenue la proie de réminiscences  troublantes, qu’elle croyait enfouies à jamais,  finit par se prêter au jeu … qu’elle porte élégamment, avec une justesse de ton, une vigueur et une émotion magnifiques.

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A la fin, c’est la catharsis salutaire et l’émergence de la sérénité et de la paix. La petite fille souriante de la vidéo mélangeant subconscient et fonds marins,  apparaît sur la scène en sautillant. Applaudissements vifs et chaleureux.

 

 

        THÉÂTRE ROYAL DU PARC  28 Avril 2011 >> 28 Mai 2011

MISE EN SCÈNE   Thierry Debroux , COMPOSITION MUSICALE de PASCAL CHARPENTIER, 

SCÉNOGRAPHIE ET COSTUMES   Catherine Cosme

 

 

AVEC   Jacqueline Bir,  Anouchka  Vingtier,  Marc  Olinger,  Hervé  Sogne

                                   Le texte est paru aux éditions Lansman.

 

 

 http://www.theatreduparc.be/spectacle/spectacle_2010_2011_005

 

 

 

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LA CONFUSION DES SENTIMENTS de Stefan Zweig

 
Mise en scène: Michel Kacenelenbogen / Avec Muriel Jacobs, Nicolas d'Oultremont et Pierre Santini

DU 17/05/11 AU 25/06/11

Comédie dramatique

 

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La double vie : celle du vieux professeur divisé par deux, entre la réalité et l’œuvre monumentale de Shakespeare qu’il possède comme une deuxième peau et  enseigne avec ivresse et passion. Il est encore divisé par deux entre les convenances de la société et ses désirs autres. Les éclairages changent. Un savant tissage de doubles bandelettes élastiques verticales à travers laquelle les acteurs apparaissent et s’évanouissent au gré des réalités qu’ils vivent, marque ces plongeons d’un monde à l’autre.  Mise en abîme  et dualité encore: le réel, noir et blanc, donne la main à de chatoyants extraits de sonnets de Shakespeare, de Hamlet, d’Othello. Interprétations pleine de ferveur, chaque mot est égrené comme une pierre précieuse.

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 Roland, le jeune étudiant impétueux initialement épris des joies du libertinage et de la paresse estudiantine à Berlin est envoyé par son père dans une petite ville de province où il fait la rencontre éblouie de ce professeur de littérature anglaise, un monument d’enthousiasme, partant, de passion. Le voilà qui plonge éperdument et avec délectation dans l’océan romantique du grand dramaturge anglais, à en perdre le sommeil. En parallèle, cette jeune âme sensible perçoit un  lourd secret qui ronge le couple du professeur. Epris, il veut démêler le fil de ce nœud de sentiments fort complexes qui étrangle le couple.  Disparitions soudaines du professeur. Incompréhension, souffrances. Fatalisme de sa femme,  qui semble lire dans les pensées de chacun et semble aussi lire l’avenir.   Passionnée de  nage, elle plonge des heures durant dans les lacs purs… elle aurait rêvé d’avoir un enfant. Elle entraîne le jeune étudiant dans une escapade nature.  Les livres craignent l’eau ! Elle prend les airs tragiques de Charlotte Rampling. L’ironie et le sarcasme régissent les rares échanges du couple. Admiration sans bornes, inquiétude, souffrance, jalousie, trahison jaillissent  inéluctablement des extraits de Shakespeare qui surgissent  comme autant de spectres annonciateurs de drame. Roland est aussi duel.  Le spectateur est ballotté entre les différentes réalités dans un rythme de plus en plus accéléré, la tension grandit jusqu’au paroxysme des sentiments. Le drame d’une vie est là et  une phrase très belle donne le dénouement.

 

Les trois comédiens sont très émouvants tant leurs rôles respectifs leur collent à la peau. Le violoncelle, sorte de voix off, commente chaque action comme un chœur antique… le public sent que les atmosphères se chargent progressivement de vibrations troublantes, qu’un orage passionnel est sur le point d’éclater.  La mise à nu des sentiments se fait de plus en plus intense, sans concessions. De très belles voix, du très beau théâtre: chaque acteur a donné toute sa vérité et sa substance au jeu. 

 

 


VIVRE PAR PASSIONS

 


Ouvre-toi, monde souterrain des passions !

Et vous, ombres rêvées, et pourtant ressenties,

Venez coller vos lèvres brûlantes aux miennes,

Boire à mon sang le sang, et le soufle à ma bouche !

Montez de vos ténèbres crépusculaires,

Et n’ayez nulle honte de l’ombre que dessine autour de vous la peine!

 

L’amoureux de l’amour veut vivre aussi ses maux,

Ce qui fait votre trouble m’attache aussi à vous.

Seule la passion qui trouve son abîme

Sait embrasser ton être jusqu’au fond ;

Seul qui se perd entier est donné à lui-même.

Alors, prends feu ! Seulement si tu t’enflammes,

Tu connaîtras le monde au plus profond de toi !

Car au lieu seul où agit le secret, commence aussi la vie.


 


Stefan Zweig


 

 

 

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12272731100?profile=originalIl est encore temps de vous précipiter…encore à l'affiche jusqu'au  07/05/11

 

De l’excellent théâtre satirique contemporain,  et même classique, pour l’observance de la  règle des trois unités. Le texte est d’un sarcasme exquis. Le collège catholique Saint-Nicolas respire lui aussi la règle, la rigueur, la vertu. Sa directrice, sœur Aloysius admirablement interprétée par Patricia Ide a la voix sèche comme des feuilles mortes, le visage fané et jauni, la paire de lunettes austère, la cambrure des reins hautaine,  la coiffe et la pèlerine, noires de paranoïa. Elle a même entamé une campagne de mauvais aloi contre les stylos à bille. 

 En 1960 dans le Bronx, c’est  le seul établissement  scolaire qui permettra l’accès au lycée et ensuite à l’université. Donald Miller, 12 ans, est un enfant isolé et aussi un enfant  de couleur,  le seul parmi ses congénères. On apprendra qu’il est battu par son père car dans l’air… il y a des doutes, sur « ses tendances ». Accueillant, charismatique, rêvant que l’église s’ouvrira à plus d’humanité et moins d’hiérarchie, que l’enseignement a une vocation progressiste, le père Flynn (le talentueux Olivier Massart) écoute l’enfant esseulé.

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 L’air étouffe de non-dits, mais ce qui se dit est que ce prêtre a sans doute des attitudes ambigües avec cet enfant protégé par sa mère mais sauvagement rejeté par son père.

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Cela dérange, cette passion du jardinier de voir s’épanouir dans la douceur, les jeunes qui vous sont confiés. Les mêmes reproches s’adressent à Sœur James, (la radieuse Caroline Kempeneers), jeune professeur d’histoire, toujours en  mal d’approbation mais si inspirée dans sa générosité de cœur. Elle aussi fait tache dans cet univers caverneux. « Ne vous laissez pas séduire par leur intelligence ou la vôtre », prévient la directrice. «  La satisfaction est un vice ! » « Donnez le cours d’histoire sans y donner le sucre ! » « Les professeurs naïfs sont souvent dupés » lâche-t-elle d’un ton glacial.  Le père Flynn joue au basket au soleil et prépare avec une créativité nouvelle  le spectacle de Noël. Las ! La directrice est forte de ses certitudes et fera une campagne féroce contre le prêtre, armée de sa seule conviction personnelle sans aucune preuve contre lui …

 

Cris de corbeaux, jardin de cailloux, phrases à double sens, humour mordant, atmosphère nauséabonde, tout contribue à l’éviction du généreux homme. Les larmes aux yeux, la mère de l’enfant, plaidera pour un peu de mansuétude et posera cette question troublante: « Pourquoi avez-vous besoin d’être  si sûre de quelque chose dont vous n’êtes pas sûre ? ». La directrice, méprisante et  inaccessible,  sait ce qu’elle a à faire et  l’enfant pleurera.

 

 Le rythme du spectacle tient le spectateur aux abois, le texte tourmente,  les interprétations engagées du quatuor de  personnages sont magistrales, la comédienne africaine, Babetida Dadjo, est un régal d’humanité. Le public du Public, immensément reconnaissant, bat cinq retours sur scène consécutifs. Doute ? A conjuguer sans doute … à l’impératif.

 

DOUTE

de John Patrick Shanley

 


Mise en scène: Michel Kacenelenbogen / Avec Patricia Ide, Caroline Kempeneers,

Olivier Massart, Babetida Sadjo

 

DU 22/03/11 AU 07/05/11

 

http://www.theatrelepublic.be/play_details.php?play_id=265&source=videos

 

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New York  26 Avril 2011 >> 14 Mai 2011  Les Riches-Claires 

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De et mis en scène par Dominique Bréda
Avec Alexandre Crépet, Emmanuel Dekoninck et Alexis Goslain
Création lumière : Thomas Vanneste
Scénographie : Auffray Deghorain

 

Une fumée qui ne pique pas les yeux flotte, suspendue au-dessus d’un quai de gare abandonnée. Un décor pour Beckett ou Cocteau ?  La toile de fond est piquée de taches couleur bile et la rouille dégouline. On va sans doute pleurer. A côté d’un paumé de la vie en veston et chemise vert acide  qui siffle des canettes de bière, surgit en nœud papillon et chemise de soirée, la figure de son père, la main vissée à l’attaché-case, suicidé à 35 ans  devant le  jeune garçon de 8 ans sur le même quai. Le bruit du train éclair qui trancha la vie dans un fracas ahurissant revient comme un métronome.

 

Théâtre de l’absurde.  Que reste-t-il à Max comme vie ?  L’invisible veut l’aider. Le père a conclu un pacte de sauvetage avec une  figure angélique fascinante de fraîcheur et de compassion: celle  d’un chef de Gare en képi rouge et or. Le jeu naïf du jeune chef de Gare enchante et réveillerait plus d’un de l’engluement suicidaire mais Max, trompe-la-vie, se veut inébranlable. Toutefois, petit à petit son chagrin immense se fait grignoter, par la dialectique tendre et insistante du chef de Gare. Les rires fusent, la connivence s’installe, les disputes anciennes éclatent, cela communique vachement entre père et fils, comme jamais auparavant, des pardons se consentent du bout du cœur. L’espoir renaît! La mise à nu de la situation ne juge ni le père ni le fils. L’explication entre eux suffira-t-elle ? L’incompréhension mutuelle est profonde et tenace. 

 

 Des scènes surréalistes nous plongent dans un fantastique très épuré, très intense tant il ressemble au quotidien. On est envahi par un drôle de  parfum de l’au-delà de plus en plus entêtant. Orphée ne cherche pas Eurydice mais sa  mère au royaume des enfers. Comment s’en relever : l’écriture ?, la biture ?, les drogues dures ? La défonce aide … et le père de dispenser ses sempiternels  conseils et la figure paternelle de toujours manquer.

 

  La salle participe activement à l’échafaudage du rire, le remède ?  C’est beau, c’est délirant  et touchant même si c’est en permanence très noir. Est-ce qu’on défait un scénario familial en se jetant sur les rails ?  Il est libre… Max ! C’est magnifiquement joué par un trio fantastique au propre et au figuré. Une claque, jeune et enthousiaste, ponctue de façon vibrante ce spectacle de l’angoisse moderne.

 

Site Web : http://www.lesrichesclaires.be

 

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