Un ACCUEIL au théâtre Varia : INVASION!
De Jonas Hassen Khemiri. Mise en scène de Michel Didym.
Du 31 janvier au 4 février 2012 à 20h30 sauf les mercredis à 19h30 - relâche les lundis et dimanches. Grande salle.
Variation sur l’identité et les cultures
Jonas Hassen Khemiri, auteur et dramaturge suédois exporte une pièce de théâtre, Invasion!, bourrée d’humour mais aussi dérangeante, qui traite de l’identité, de la langue et de la couleur de ceux qu’on persécute.
Dans un flot d’énergie théâtrale on assiste, médusé, à la manifestation éclatante du pouvoir de la langue, sous forme de tableaux burlesques et ludiques qui défilent comme des esquisses sur une ardoise magique, avec une extrême volubilité, langue oblige.
What’s in a name ? Un terme peut vouloir dit tout et son contraire, peut plonger ses racines dans une culture donnée ou être pure invention ou supercherie. Rien en effet à la rubrique Aboulkassem dans Wikipedia, alors que c’est le seul fil conducteur de la pièce. Et qui conduit une énergie détonante. « Aboulkassem », Abracadabra abracadabrant, tout l’art est dans l’intonation - vive l'oralité! - et l’émotion qui sous-tend le vocable. Cette émotion qui est en fin de compte une des dernières différences qui nous distingue de la machine. On peut voguer du plus atroce au plus fantasmé. Démonstration faite sur scène avec brio qui fait mousser le rire. Mais le vocable finit par faire exister la chose. Il y a dans la langue un potentiel politique, subversif fascinant. C’est bien le même propos qui est défendu par A…lexis Jenni dans « L’Art français de la guerre ». La chose peut être à la fois le rêve et le cauchemar. Démonstration aussi sur scène lorsque le spectateur qui se tenait les côtes tout à coup transforme son rire en cri muet de Munch. C’est tout dire.
Spectacle saisissant, qui réveille, sème la graine fertile du respect humain, bloque la voie aux stéréotypes de tout poil, fustige le repli sur soi et la peur de l’altérité.
Dans un magnifique dialogue de sourds où une éminente traductrice suédoise aux cheveux noir corbeau traduit une confession dite en perse, on assiste au retournement total de la vérité, un peu comme dans le 1984 d’Orwell, il y a combien d’années déjà ? Le spectateur voudrait se boucher les oreilles en entendant tant d’insanités au fur et à mesure que la communication en suédois s’éloigne du texte original et s’habille de haine. Cette représentation des émigrés nous met véritablement au supplice.
Si Khemiri, né de père tunisien et de mère suédoise utilisait dans le texte de sa pièce des tournures rappelant le suédois parlé par beaucoup d’immigrés en Suède, avec syntaxe et grammaire éclatées, la traduction ici ne lui fait pas faux bond car nous sommes arrosés d’un parler des banlieues, jeune, branché pour certains, obscur parfois mais très drôle qui se répand sur le plateau en gloussements et postures à mourir de rire. Les quatre comédiens virevoltent entre les changements de costumes éclairs, proches de la prestidigitation pour interpréter chacun six personnages, sillonnent un immense escalier où se trouve bétonnée l’ascension sociale. Entre des réclames qui louent le système suédois - le meilleur d’Europe - des enquêteurs apparaissent régulièrement dans un immense écran vivant - de la télévision en trois D - pour nous « informer » à propos de la chasse à l’homme. La terre elle-même, immense boule-kasem rouge, jaillit de l’écran invisible et ne s'arrête pas de tourner. Nos yeux ébahis suivent le trajet ahurissant de l’homme traqué, démasqué, insaisissable… qui est partout à la fois, et peut-être aussi dans la salle. « Nous sommes tous des immigrés, il n'y a que le lieu de naissance qui change» (A…nonyme)
Deux musiciens diffusent par-dessus l’escalier et entre les lignes un élan vital fait d’écoute et d’émotion en jouant discrètement de la guitare et du synthé. La légèreté est de mise, il ne s’agit pas de scander un quelconque manifeste. L’instrumental est en total équilibre avec les comédiens tout au long de la pièce pour souligner les humeurs et la couleur des sentiments. Le cueilleur de pommes ne dit-il pas que dans sa vie il n’y a que la musique qui le fasse vivre, un élixir d’amour?
Avec : Quentin Baillot, Zakariya Gouram, Luc-Antoine Diquéro, Julie Pilod. - Musiciens : Flavien Gaudon, Philippe Thibault - Scénographie : Sarah de Battice.- Lumière : Joël Hourbeigt. - Costumes : Anne-Sophie Lecourt.- Mise en scène : Michel Didym. Réserver
Le texte est publié aux Ed. Théâtrales. Texte français de Susanne Burstein avec la collaboration d’Aziz Chouaki. http://www.varia.be/fr/les-spectacles/invasion4/
Un spectacle de la Compagnie Boomerang Lorraine en coproduction avec le Théâtre Nanterre-Amandiers, la Maison de la Culture de Bourges et le Théâtre de la Manufacture de Nancy. Remerciements à La Comédie-Française et à Renato Bianchi.
Commentaires
Du mar. 06/03/12 au ven. 16/03/12
détail des dates
Malakoff
Théâtre 71
infos sur le lieu
http://www.theatre-contemporain.net/spectacles/Invasion-4340/
La pièce se (re) jouera t elle à Paris ???