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Femmes (56)

administrateur théâtres

Du 03 > 20/10 2024 au théâtre de la Valette, à Ittre, une première en Belgique

Interprétation : Christel Pedrinelli, Séverine De Witte, Laura Fautré & Bénédicte Chabot, la mise en scène de Fabrice Gardin, décors de Léa Gardin

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All in the same boat… n’est-ce pas ?

Face à la misogynie structurelle vécue, l’union fait la force malgré les différends et les chamailleries féminines. Ainsi, ces quatre femmes rangées se retrouvent attablées dans des scènes d’ébriété surréaliste. La mère autoritaire en tête. Face au public, comme découpées entre les panneaux verticaux du décor, elles apparaissent comme quatre points cardinaux pour un bateau fantôme : Fluctuat nec mergitur.

Au nord, qu'elle semble avoir perdu, il y a Violet, cette mère qui a souffert tant et plus de la tromperie et des sévices des hommes. Elle combat la dépression à coup de pilules roses.

Au sud : c'est Brown, une de ses filles, exploratrice relationnelle intrépide des insectes et des hommes. Elle est blonde comme les blés, se passionne pour l’encadrement des papillons, libellules et amants de trois jours.

À l’est : Black. Le soleil intérieur de la jeune artiste incomprise dessine, peint et chante coûte que coûte, au besoin, dans une langue inventée. C’est l’aînée de la famille, la plus vaillante ?

Enfin, tout à l’ouest : Blue, la dernière de la famille, personnage terriblement complexe et attachant ; elle fait ...de la divination. Comme ses demi-sœurs, elle porte une couleur du désespoir. Elle a d’ailleurs voulu offrir ses poignets au cutter, à la suite de la mort attendue de son père. Sa vie est-elle suspendue à un fil ? Vit-elle dans l'entre-deux ? Atteinte par la folie d’amour, elle fascine par ses plongées en apnée dans le mystère…

Le spectateur invité dans leur huis-clos ne sait absolument pas de quel côté penchera leur navire solitaire. Vers l’humour, surtout …noir ? L’auto-dérision ? Les interminables disputes de gynécée ? L’ironie du destin ? Le jeu infernal des sortilèges ? Un monde de sorcières ? L’amour quand même, mijotant dans le creuset de la sororité ?

Sachez seulement que le jeu en vaut vraiment la chandelle. Tant celui, impeccable, des comédiennes est haletant, et tant a force dramatique est sans cesse renouvelée. Surtout que personne, ni elles, ni le public ne s'attend au moment de bascule qui fera éclater leur mode de "mortes à la vie".

Or, dans la pire extrémité, voici de l’or véritable : les voilà soudain projetées dans une scène inoubliable, baignées d’amour et de lumière dans l’intimité d’une salle de bain. La sublime mise en scène de Fabrice Gardin les éclaire via le moteur humain inné de la compassion et de la solidarité. Car le moteur, n’est-ce pas, ce n’est pas l’argent, le travail, l’amour, le désir….

« Πάντα χωρε κα οδν μένει » C’est Héraclite, n’est-ce pas qui affirme que « tout passe et rien ne demeure ». Tel un navigateur à bout de souffle sur son radeau, le spectateur se voit donc chahuté et bouleversé à maintes reprises par toutes ces tempêtes émotionnelles successives…

 Il y aurait-il tout de même une sorte d’ange qui veille sur elles ? Ou, siègerait-il carrément en l’une d’elles ? Surnage donc cette certitude vitale qu’il est bon d’écouter les ailes des anges qui poussent irrésistiblement. Et ça, c’est la bonne nouvelle !

 

Dominique-Hélène Lemaire , Deashelle pour le réseau Arts et lettres  

 

https://theatrelavalette.be/

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SPECTACLES

De part en part, un combat résolument moderne

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  L’excellent Guy Pion dans une antique école des femmes? Un poids plume peut-être, mais qui fait pourtant vraiment le poids face à  Lysistrata, la très brillante Anoushka Vingtier et ses huit filles extraordinairement vaillantes. Car les voilà de plus en plus convaincues et résolues à changer le monde pour rétablir enfin la paix.  En effet, la triste et sanglante guerre du Péloponnèse  dure depuis vingt ans entre la démocratie d’Athènes, grande puissance maritime et la ligue du Péloponnèse, menée par la très oligarchique et jalouse Sparte. Celle-ci n’hésitera d’ailleurs pas à s’allier avec Les Perses, ennemis jurés des grecs, pour signer la chute définitive de la Grèce antique de Périclès. Ainsi, Athènes ne sortira finalement  du feu et de la folie  qu’en 404 avant notre ère, vaincue et humiliée.

  Gravité et sérieux animent donc cette belle comédie d’Aristophane, produite en 411 avant notre ère, en signe de courageuse opposition aux  va-t-en-guerre. Cette oeuvre du grand comique est bourrée bien sûr de jokes  d’humour sauvage et licencieux typique de l’auteur antique.  Faisant quelque peu le ménage dans les allusions phalliques, l’adaptation parfaitement inspirée de Thierry Debroux est succulente d’esprit, regorge de savoureux anachronismes et  apparaît néanmoins pleine de consistance. Telle sa version vraiment frappante du mythe de la caverne de Platon qui commence ,en citant …Socrate. En joue, au-delà de la guerre : la corruption, ces politiciens véreux qui profitent de la guerre, le patriarcat égoïste plein de superbe, la soumission silencieuse des femmes, le triste statut des esclaves, les oubliés de la société. On retiendra la magnifique Keisha, cette merveilleuse servante  intelligente jouée par Alex Lobo.

En hommage? A la lutte viscérale des femmes pour la paix, au retour de la vie et de l’harmonie.  Même si, dit le texte, « le pire ennemi de la femme, c’est la femme! » Courez  donc voir ce magnifique spectacle, vous comprendrez!

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  Le pitch:  « Lysistrata », un nom qui signifie  en grec ancien « je défais les armées », dépeint la prise par les femmes de la cité de l’Acropole et du trésor d’Athènes gardé par un magistrat  bien heureux dans sa fonction: notre fameux Guy Pion.  À l’instigation de Lysistrata, voilà même les athéniennes unies aux femmes de Sparte, ô les traitresses,  pour interdire toute relation sexuelle avec leurs époux, jusqu’à ce qu’ils se décident à mettre fin à l’innommable guerre.  C’est cela ou la mort de la société!  Non contentes de  passer leur vie à la tenue du foyer, les femmes tiennent bon, réclament leur participation à la vie de la cité, jusqu’à ce que leurs partenaires, désespérés arrangent la paix.  Ainsi, hommes et femmes seront alors réunis.  La grève du sexe aura porté ses fruits!  Le bouquet, c’est ce chœur final d’une beauté bouleversante.  Surtout quand on s’aperçoit qu’il s’agit de l’ode à la Liberté dans  l’émouvante chanson Baraye, écrite pour dénoncer une affligeante réalité de notre monde: l’assassinat en Iran de #MahsaAmini, âgée de  22 ans  à peine, le 16 septembre 2022.

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  Guy Pion et Béatrix Ferauge Photo Aude Vanlathem

Aspasie, la femme du magistrat, cet homme comblé, est audacieuse au lit et totalement soumise à son mari.  Jouée à la perfection par Béatrix Ferauge, elle évolue néanmoins à vue d’œil et rejoint  sans tarder les vaillantes amazones. Toutes : étincelantes de vigueur, de beauté et  de cœur au ventre : Margaux Frichet, Océa Ghonel, Charlotte de Halleux, Tiphanie Lefrançois, Noémie Maton, en fabuleuse Hécate, l’intrigante déesse lunaire et  Emma Seine. Un décor unique: une élégante rotonde de colonnes doriques, bruisse de chants d’oiseaux et de couleurs…  Une  allusion à la tholos de Delphes qui marque l’entrée du sanctuaire d’Appolon et dédiée à Athéna?   De  savants jeux de lumières y reflètent les différentes humeurs depuis l'horrueur de la guerre jusqu’à  la couleur de la cigüe …  Avec cela, des costumes, des maquillages et des coiffures haut de gamme. A la vidéo: Allan Beurms. Et la somptueuse voix de Bernard Yerlès…

  Ce spectacle est donc d’une richesse extraordinaire. La dynamique des combats et chorégraphies  scande le texte sans lasser, ne laissant aucun moment de répit devant le cri  éternel et désespéré des femmes:  il faut sauver le monde du tourment de la guerre!

Dominique-Hélène Lemaire, Deashelle pour Arts et Lettres

Au Théâtre du Parc à Bruxelles – jusqu’au 14 octobre 2023

Avec Béatrix Ferauge, Margaux Frichet, Océa Gonel, Charlotte De Halleux, Noémie Maton, Tiphanie Lefrançois, Alex Lobo, Guy Pion, Emma Seine, Anouchka Vingtier.

Mise en scène Thierry Debroux Assistanat Catherine Couchard
Costumes Béa Pendesini Lumières Xavier Lauwers
Décor sonore Loïc Magotteaux Maquillage et coiffures Florence Jasselette
Composition des chœurs chantés et coaching vocal Camélia Clair et Daphné D’Heur
Chorégraphie des danses
 Emmanuelle Lamberts Chorégraphie des combats Émilie Guillaume
Vidéos Allan Beurms

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Photos Aude Vanlathem

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SPECTACLES

Un 8 mars en avance à l’opéra de Liège?

Mese Mariano  de Giordano et Suor Angelica de Puccini,  quel  beau mariage lyrique !  Le sujet est grave, mais il n’y aura pas de  misérabilisme  ou  le  pathos enflammé auquel on aurait pu s’attendre. Rien que de la dignité sous la baguette agile  et fiévreuse de la frêle chef d’orchestre ukrainienne Oskana Lyniv. Elle  se veut  ambassadrice déterminée  d’une culture européenne en marche par laquelle  elle veut défendre la paix et  les valeurs humanistes,  la communication   rationnelle versus la folie du monde et des hommes. On ne sort pas ses mouchoirs, malgré deux histoires poignantes de femmes méprisées,  soumises aux lois mâles de la société, résignées devant leur malheur, violées, battues et privées de leur progéniture. Tous les malheurs à la fois. Par l’ énergie de la musique  que la fringante artiste ukrainienne déploie  en   interprétant ces deux œuvres elle semble dire : «  Nous sommes fortes, nous sommes fières », nous  ne pleurerons pas.  Chez le spectateur, la spectatrice,  c’est plutôt une sorte de colère silencieuse  qui finit par prévaloir,  tandis que  les yeux restent secs malgré  un  cœur qui saigne.


L’ouverture de Mese Mariano est chantante, pleine de charme. Le rideau se lève  presque  aussitôt sur  les  gracieuses  arcades couvertes de glycines de la piazza d’un monastère  surplombant, à l’aube du 20e siècle, une vallée  napolitaine riante et un duomo étincelant sous le soleil. L’ouvre de Francesca Mercurio.  Aux lumières : Luigi Della Monica.  Contrastant avec  la beauté des décors et la foule de cornettes innocentes qui vaquent joyeusement  dans la cour du monastère, le récit bouleversant de Carmela fait peu à peu prendre conscience de toute l’horreur de la condition féminine de l’époque. Sa sujétion au monde des hommes, sa dépendance, son impuissance, son manque de liberté, son infériorisation. Et parmi  toute ces  femmes qui acceptent leur triste et humble condition, il y a ces traîtresses qui jouent le jeu des hommes, ces Cruella hautaines et méprisantes qui  osent marcher sur leurs sœurs. Dans le deuxième opéra, c’est carrément  le mur du monastère  et ses trois imposantes colonnes qui semble tomber du ciel pour  signifier l’enfermement de la jeune suor Angelica.  Une très habile mise en scène de Lara Sansone.  Une formidable Violeta Urmana interprète l’imposante et glaciale Madre Superiore dans Mese Mariano, et la princesse  dans l’œuvre de  Puccini, Suor Angelica . Elle est vêtue d’une  impressionnante tenue Elisabéthaine, qui contraste avec la simplicité et l’humilité des tenues des nonnes du couvent (costumes des mains de Teresa Acone).  Son jeu de véritable marâtre est implacable. Sa voix contient tout  l’orage de la vindicte  des puissants:  des grondements profonds , aux éclairs fulgurants, au silence meurtrier qui condamne sa victime sans appel. A côté de ce dragon, la pauvre Carmela et la suor Angelica n’ont aucune chance. A travers ces deux œuvres miroir, émerge la conviction profonde que les avertissements de Victor Hugo proférés à l’ouverture des “Misérables” résonnent de façon  toujours aussi  pressante, même à notre époque. Et notre frisson  intérieur reste le même: “ tant qu’il y aura sur la terre ignorance et misère, des livres de la nature de celuici pourront ne pas être inutiles. » Les femmes et les enfants sont toujours  au premier rang des victimes.

En Italie,  la veine artistique  vériste  signe  l’ entrée fracassante du naturalisme dans l’opéra,  avec des personnages mélodramatiques faisant partie du commun des mortels. La sincérité de l’interprétation de Serena Farnocchia est très  touchante et invite à la compassion, par une vocalité toute en nuances dans les  plaidoyers bouleversants de Carmela et de Suor Angelica.    

La Beauté humble de la musique vériste, ses bouillonnements passionnels émouvants,  la douceur et l’élégant classicisme des décors italiens ont patiemment tissé la parole des femmes…

Les splendides chœurs d’enfants très actifs et attendrissants,  sous la direction aérienne de Véronique Tollet  et une distribution presque totalement féminine  ont donné  une dimension particulièrement émouvante  au spectacle. Un dernier vœux  posthume de Stefano Mazzonis Di Pralafera ?  


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Lors de la dernière du dimanche après-midi, parmi les nombreuses sœurs qui interviennent dans les deux histoires nous avons aussi  eu la chance d’écouter les talentueuses interprétations de Chantal Glaude (artiste des Chœurs à l’ORW) dans le rôle de Suor Celeste et de  Louise Kuykenhoven dans celui de Suor Genovieffa. En remplacement au pied levé de la chanteuse lyrique  Morgane Heyse. Les merveilleuses Julie Bailly et Natacha Kowalsky en suor Cristina et Suor Maria. Patrick Delcour, un habitué de la scène liégeoise, le seul chanteur masculin de cette distribution,  en Don Fabiano.

Dominique-Hélène Lemaire Pour le réseau Arts et Lettres

GIORDANO / PUCCINI Voici deux histoires croisées qui se répondent à huit ans d’intervalle et qui émanent des plus grands protagonistes de la scène vériste italienne, Giordano et Puccini. Au centre du propos, deux jeunes mères éplorées, obligées d’abandonner leur enfant illégitime et bouleversées d’apprendre bientôt leur mort… Deux tragédies fulgurantes et édifiantes qui permettent à leurs auteurs une introspection des recoins les plus intimes de l’âme humaine… Avec Mese Mariano (Le Mois de Marie), en 1910, Giordano condense une trajectoire immuable et nous mène, en une bonne demi-heure profondément émouvante, dans la simplicité des « vinti dalla vita » (les vaincus de la vie). Quant à Puccini, avec Suor Angelica, ce célèbre volet du Trittico créé à New York un soir de 1918, il saisit l’occasion de confier à l’odieuse princesse, la tante d’Angelica, le seul rôle important d’alto et l’une des rares incarnations féminines malfaisantes de toute sa production…

MESE MARIANO
LIVRET DE SALVATORE DI GIACOMO
D’APRÈS LE DRAME ’O MESE MARIANO, TIRÉ DU ROMAN SENZA VEDERLO

SUOR ANGELICA
LIVRET DE GIOVACCHINO FORZANO

A voir en replay dès le 18 février 2022 sur France•TV Culturebox

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ORCHESTRE, CHŒURS ET MAÎTRISE
OPÉRA ROYAL DE WALLONIE-LIÈGE CHEF DES CHŒURS
DENIS SEGOND
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SPECTACLES

Don Juan, Visit Now!

Les nouveaux ostracismes

La société est malade. Et le charme, la beauté physique, l’humour, le discours, la communication riche et structurée, c’est élitiste: qu’on les pende! Et la magie théâtrale, n’en parlons pas. Bien dommage pour Don Juan, dont le texte a été … fracturé.

Faites gaffe en particulier à cette femme blanche, bien habillée, émancipée, éduquée, libre, ouverte, tolérante, et maîtresse d’elle même! Nous la haïssons, c’est la pire espèce et elle ne fait pas partie de notre sororité, déclare avec conviction une des membres du collectif. Mode d’emploi : la terre brûlée. On déblatère et ça répond dans un feu de questions dans le vide. Surtout bien sûr, évitons des mots tels que fraternité, c’est ma foi, trop chargé de genre… Inconnues au bataillon ces bienveillantes Soroptimistes qui ne se gênent pas pour utiliser la langue  courante.  

Certes, nous vivons à notre époque le bouleversement de nos modes de vie. Et d’aucuns s’en réjouissent. Il vaut toujours mieux voir le verre à moitié plein qu’à moitié vide. On en convient. Absolument. 

Mais….

N’est-ce pas une société affluente, riche, libre des affres de la guerre, de la famine, et des maladies qui permet que se déploient l’éducation, la santé, le confort social et les libertés démocratiques? C’est cette même société hautement décriée qui donne sa place à la culture, la musique, aux arts vivants, à la parole.

Ce n’est pas parce que l’on dénonce la dictature des forts qu’il faut tolérer la dictature des faibles ou de toute espèce de minorité qui se retranche dans son entre-soi, subir la police de la pensée, les extrémismes ridicules du politiquement correct, ceux d’une langue dénaturée artificielle et hypocrite.

Oui nous signons pour l’Art. Pour le langage universel de la musique, pour les arts plastiques, pour tout ce qui fait la noblesse de l’Homme. Nous signons pour L’Art poétique de Boileau, les déclarations d’amour de Pierre Ronsard, la sagesse de Montesquieu, toutes les œuvres de Racine et de Molière, Victor Hugo et du petit Marcel. Ils avaient la sensibilité de la langue à fleur de peau, ils étaient des modèles de pensée et de raffinement humain en quête de spiritualité, d’élévation ou de progrès.

Et aussi que brille la mémoire de toutes ces femmes formidables qui ont ouvert dans la littérature française, la voie à la parole féminine. Depuis Christie de Pisan jusqu’aux précieuses ridicules qui les premières ont secoué le joug masculin, ah! Mademoiselle de Scudéry! Madame de Sévigné, Georges Sand, l’illustre Colette ont pavé le chemin pour qu’enfin femmes s’expriment et partagent leur intelligence de cœur et d’esprit. Les grandes Simone de Beauvoir, Marguerite, Françoise Dolto et Simone Weil… sont autant de lumières qui éclairent notre route.

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« Don Juan, visit now ! »  scénographie d’Alicia Jeannin. ©Marie-Christine Paquot

Mais … ânonne toujours le collectif: méfions nous du Verbe, de sa richesse, de sa complexité, de la rhétorique, de l’art de convaincre, de l’argumentation qui ne fait que de creuser le fossé entre les classes.

Don Juan n’est pas l’esprit libre que vous croyez, le libertin pourfendeur de privilèges, c’est juste le plus vil modèle de tous les prédateurs. Il est pour Pascal Crochet et son équipe – dont certains avouent n’avoir même pris la peine de lire la pièce – le prétexte pour se mettre à déconstruire les rapports hommes-femmes (ou, le cas échéant, autres identifications humaines).

Or, vouloir jeter aux orties le  Don Juan de Molière et de Mozart est un geste totalitaire inconvenant, comme celui que dévisser des figures historiques et leur faire un procès quelques siècles plus tard. Georges Orwell avait pourtant bien prévenus que réécrire l’histoire, la sortir de son contexte ne peut mener qu’au totalitarisme.

Le rideau n’est pas levé que l’on nous présente trois pauvres diables balbutiants, mal à l’aise, mal fagotés, incapables de trouver leurs phrases… Le reste du spectacle est ceinturé par des femmes hors d’elles-mêmes . Il est fait  d’indigeste laideur, où que l’on se tourne, côté cour ou côté jardin, malgré certains exploits de langage corporel bien appuyés. Coté sofa ou côté cuisine, dans ce loft improbable meublé au Formica des années 50, 2022 pourrait faire mieux… Anachronisme maladroit?

Leur doctrine simpliste est sans doute qu’on n’en fait pas d’omelette sans casser des œufs. Rien de plus vrai, mais quelle volée de poncifs en tout genre. Le spectateur est mis en demeure d’avaler quantité de couleuvres sans dire mot. En même temps que cette improbable omelette gluante pleine de coquilles, servie sans manières, aux trois mâles qui mangent sans fourchette.

Et un protagoniste de conclure: on a mis le pied sur une fracture glacée d’où tous nous espérons qu’un monde nouveau ressortira. Cela, OUI, on l’espère de tout cœur. Mais la manière marxiste n’a plus vraiment cours. Alors, on s’est trouvé à applaudir rapidement, par respect pour les artistes renommés et talentueux qui ont donné tout ce qu’ils pouvaient, malgré cette période tellement débilitante que nous vivons tous. On a préféré fuir au plus vite devant tant de polémique, de mauvaise foi, d’intégrisme destructeur, de vindicte et de violence faite à  l’humanisme.

Dominique-Hélène Lemaire pour le réseau Arts et Lettres

Distribution

JEU Maxime Anselin, Marie Cavalier-Bazan, Isabelle De Beir, Dolorès Delahaut, Alexandre Duvinage, Mathilde Geslin, Sylvie Perederejew, Hélène Theunissen, Laurent Tisseyre, Laura Zanatta •

CONCEPTION & MISE EN SCÈNE Pascal Crochet avec la participation libre de l’équipe de création

Du 11 au 27 janvier 2022 Théâtre des Martyrs
Place des Martyrs, 22 1000 Bruxelles

http://www.theatre-martyrs.be
billetterie@theatre-martyrs.be
+32 2 223 32 08

Rendez-vous avec DON JUAN, VISIT NOW! de Pascal Crochet

Interview des actrices Marie Cavalier-Bazan et Hélène Theunissen et du metteur en scène Pascal Crochet. Restez avec nous jusqu’au bout pour les bonus… défi ! Musique : Fabian Fiorini Montage : Maxime Jouret#pourenfiniravecdonjuan#cacraquedepartout#domination#societe#hommefemme#rendezvousavec#interview#tma2122

https://fb.watch/ayxea7E45p/

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8 Mars journée internationale des femmes... Une parmi tant d'autres.

Une des images de mon livre écrit suite à mes deux voyages au Nord du Niger :

"Un Ami, contes et paroles nomades en pays Touareg"

est édité par "5 Sens Éditions", à Genève,

il fait suite à ces rencontres amicales.

Il est à commander dans toutes bonnes librairies !

N'hésitez pas à soutenir les auteures indépendantes

ainsi que les

Éditrices indépendantes !

Merci

5 Sens Editions Un Ami...

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12273310073?profile=originalAlice Rahon

La ballade de Frida Kahlo

 Acrylique, 1966

 

      Quel que fut le destin de ces artistes laissées plus ou moins dans l’ombre de Frida, toutes portent haut les couleurs du féminisme. Et Frida Kahlo reste pour ces dernières à la fois une figure symbolique et un porte-voix de part et d’autre de l’Atlantique. Elle est ainsi devenue une véritable icône de la Pop Culture à l’instar d’un Michael Jackson*1, de David Bowie ou de Madonna, qui par ailleurs collectionne ses œuvres…

 

C’est une maison bleue…

12273310859?profile=originalDavid Bowie devant la Casa Azul de Frida Kahlo

Coyoacán dans les faubourgs de Mexico, le 20/10/1997

Maison qui l’a vu naître et mourir.

Maison devenue musée et sanctuaire.

Un ossuaire kitch où il est de bon ton de se recueillir.

(photographie de Fernando Aceves captée sur le net)

 

12273310701?profile=originalSanta Madonna… !

(photo captée sur le net)

 

 … inspirant de nouveaux artistes ou ornant les chambre d’adolescents, se retrouvant sur les places publiques, comme ici sur le Museum Square à Rhodes…

 

12273311855?profile=originalFrida Kahlo

Portrait réalisé par une artiste sur la place Alexandrou à Rhodes, 2017 (Grèce)

(d’après une photographie prise en 1938 de Nickolas Muray)

 

…. ou sur les réseaux, notamment sur celui dédié à la culture, à la curiosité et à l’amitié, Arts & Lettres bien sûr.

 

12273312075?profile=originalFrida

Anik Bottichio

Acrylique sur toile

Une fleur qui vous dévore de l’intérieur.

Frida ou l’écume des jours.

 

12273313056?profile=originalDona Frida Kahlo de Rivera et Grazino

Bernard Tournier

Huile sur toile, 2011

(d’après une photographie de Nickolas Muray, 1892-1965, qui fut un temps son amant)

Michael, Frida… à chacun son faon.

Fan de tes grands yeux

De ton sourire

Je suis fan de toi

 

Mais, entre idolâtrie et business, dérives et produits dérivés, Frida sur un coussin dans une boutique de souvenirs, est-ce bien séant ? Faut-il en pleurer, faut-il en pouffer ?

 

12273313086?profile=originalBroderie mécanique (Réthymnon, Crète, Grèce)

Carré magique avec figure hypnotique aux vertus narcotiques ?

Surrealistic pillow ?

Frida, comme La Catrina*2, définitivement Queen of Pop

 

12273313481?profile=originalLilia Carrillo

Palabras sueltas

(photo captée sur le net)

 

      Mais je ne saurai terminer sans au moins citer quelques oubliées (les nommer c’est déjà les reconnaître) comme Rosario Cabrera Lόpez (1901-1975), considérée comme « la première grande peintre mexicaine du XXe siècle » [mais qui s’en souvient ?], Aurora Reyes Flores (1908-1985), Elena Huerta Muzquiz (1908-1997), Fanny Rabel (1922-2008), peintre d’origine polonaise, ou Rina Lazo Wasem*3 (1923-2019), d’origine guatémaltèque elle assista Rivera. Si elles furent le plus souvent liées au mouvement muraliste mexicain (ou surréaliste comme nous le verrons plus loin), l’objectif de ce troisième billet consacré aux femmes est de montrer qu’elles furent plus que les seconds couteaux de la peinture.

12273313856?profile=originalRosario Cabrera Lόpez

Femme avec une écharpe rose (huile sur toile)

(photo captée sur le net)

Ou encore Cordelia Urueta Sierra (1908-1995), une grande dame de l’abstraction, Isabel Chabela Villaseñor (1909-1953), artiste aux multiples talents, Celia Calderόn (1921-1969), au graphisme d’une grande finesse, ou Lilia Carrillo (1930-1974), peintre de la Ruptura, accents lyriques et mots simples.

 

12273313677?profile=originalRemedios Varo

Anglès (Espagne), 1908 – Mexico, 1963

Creaciόn de las aves, 1957

(photo captée sur le net)

« Je voudrais être la projection pulvérisée du soleil

 sur la parure de lierre de tes bras. »,

Benjamin Péret (1899-1959)

Comme un répons, un écho profond, étrange et pénétrant aux

Chants de Nezahualcόyotl

« Tu décores des plumes du quetzal

Tes amis, Aigles et Jaguars. »

 

Et comment négliger María de los Remedios Alicia Rodriga Varo y Uranga, ou plus simplement Remedios Varo, peintre espagnole mais dont l’œuvre s’est épanouie au Mexique où elle s’éteignit. Tout comme Bridget Tichenor, née en France puis naturalisée Mexicaine, ou l’anglaise Leonora Carrington qui comme elle s’accomplit au Mexique, réalisant entre autres Le monde magique des Mayas. Toutes trois travaillèrent dans le voisinage du surréalisme, dans le sillage notamment de Paalen et d’Ernst dont elles semblent suivre le commandement en toute liberté de rêver

« Errez et sur vos flancs viendront se fixer les ailes de l’augure. »

 

Mexicaines dans l’âme, ces belles étrangères délivrent de purs moments de poésie. Aussi, parmi la jeune garde, j’ajouterai Beatriz Aurora (née Castedo Mira en 1956 au Chili), peintre mexicaine de la geste zapatiste des guérilléros du Chiapas au style naïf.

 

12273313499?profile=originalBeatriz Aurora

Granjas integrales zapatistas

(photo captée sur le net)

 

Mexique terre d’accueil et de rencontres où…

« Le rêve à travers les temps nous ramène ce temps où, sous le choc de la spontanéité humaine, la Nature entière devenait ensorcelée »,

Antonin Artaud (1896-1948)

 

12273314455?profile=originalLeonora Carrington

Clayton Green (G-B), 1917 – Mexico, 2011

Green tea, 1942

(photo captée sur le net)

 

      Beaucoup de femmes peintres se sont engagées dans le surréalisme, notamment sur cette terre d’élection. Mais à vrai dire ce sont surtout des étrangères qui se fixèrent au Mexique pour y trouver paix et refuge. Et dans ce pays qui est le « lieu du surréalisme par excellence », ainsi parlait le pape Breton en personne, elles bâtirent leur grand œuvre.

A ce propos, j’ai déjà écrit dans mon article sur Frida Kahlo, qui ne les estimait guère, que les pygmalions du surréalisme portaient finalement un regard condescendant sur leurs consœurs*4. Propos fumeux mais ô combien décisifs de ces Messieurs échangés au fumoir, anodins babils côté boudoir. Réflexion et fulgurances, transcendance, joliesse de l’expression et légèreté de la touche. Galanteries de gala des galapiats. Pas gâtée(s) Galatée(s)…

« C’est que ta tête est close, ô statue abattue. »,

Paul Eluard (1895-1952)

« A ce qu’on m’a raconté,

Cette bonne Galathée

Se teint les cheveux en noir ;

Toute autre est la vérité,

Car ils étaient déjà noirs

Quand elle les a achetés. »,

Gotthold Ephraim Lessing (1729-1781)

Epigramme rapportée par Freud, l’adulée idole des Surréalistes,

dans Le mot d’esprit et sa relation à l’inconscient.

Et effectivement, persuadés de leur importance, on connait les uns, on ignore généralement les autres. A l’exception peut-être de Toyen (Marie Čermínová, dite ; 1902-1980) qui participa à toutes les expositions du groupe (si on met à part l’interruption due à la guerre). Même dans des ouvrages exclusivement dédiés aux artistes femmes, souvent écrits par des femmes, elles sont fréquemment définies par rapport à un compagnon, à un mari, à un mentor, voire à leurs seules liaisons. Maîtres et maîtresses. Chacun sa muse. Ainsi réduites, ce sont eux qui en définitive prévalent et que tout le monde admire. Et si on célèbre leur beauté, convulsive forcément, on entend implicitement femmes fatales, scandales, vénales, ou femmes-enfants, immatures, mineures. Egéries ! Pour ne pas en pleurer de ces mâles embouchés sonnant les trompettes de la renommée.

« Vérité, Beauté, Poésie : elle est Tout :

 une fois de plus sous la figure de l’Autre.

Tout excepté soi-même. »,

Simone de Beauvoir (1908-1986)

Misogynie à part, si certaines femmes artistes furent délaissées (Carrington, Tichenor, Izquierdo, en particulier) lors de la sélection officielle supervisée par Wolfgang Paalen et César Moro sous le haut patronage d’André Breton, il faut bien reconnaitre qu’à l’« Exposiciόn internacional del surrealismo. Mexico. 1940 » d’autres furent présentées (Kahlo, Rahon, Varo, ainsi que la Chilienne Graciela Aranis ou les Suissesses Meret Oppenheim et Eva Sulzer) à cette occasion*5. Avec parcimonie, comme une indulgence, par simonie.

Quand bien même, six reines (pour une cinquantaine de contributeurs) ne font manifestement pas un appel des ténors du mouvement. Révélateur entre-soi.

« Autrui joue toujours dans la vie de l’individu le rôle d’un modèle,

d’un objet, d’un associé ou d’un adversaire. »

Sigmund Freud (1856-1939)

Mises en scène, elles jouent en fait les utilités. Ainsi l’apparition lors de l’inauguration d’Isabel Marin en « Grand Sphinx de la nuit » ; femme-objet  papillonnant dans ce pré carré d’invités pour qui, selon le canon dicté par le maître de chapelle, « la beauté sera érotique-voilée, exposante-fixe, magique-circonstancielle ou ne sera pas. » Ambiguë position. Comme d’ajouter un genre à artiste.

      A l’évidence, on ne peut qu’être séduit par le « réalisme magique » de la trop rare Bridget Bate Tichenor (1917-1990). Née à Paris au hasard des pérégrinations de ses parents, elle élit résidence à Mexico en 1953 après s’être partagée entre l’Angleterre, la France et l’Italie, pour y réaliser son ouvrage tout le reste de son âge. Une œuvre où B.B.T nous tend la psyché, la fait pivoter puis disparaître dans l’œil de sorcière… Quand, pour Breton, « la plupart des artistes en sont encore à retourner en tous sens le cadran de la montre sans se faire la moindre idée du ressort caché dans la boîte opaque. »

Paradoxalement sa production restera dans l’ombre la plus obscure, tombant dans un sommeil profond. Breton, prophète, l’ignorant superbement, quand cependant

« La finalité du poète est d’émerveiller.

Je parle de l’achevé et non du malavisé.

Qui ne sait étonner qu’il se fasse étriller »

Le Cavalier Marin

(Gianbattista Marino, dit ; 1569-1625)

Et elles émerveillent, captivent et magnétisent de leur chant étrange et émouvant.

 

12273313698?profile=originalBridget Bate Tichenor

Les surréalistes ou Les spécialistes

Huile sur masonite, 1956

(photo captée sur le net)

Qui réveillera ces belles au bois dormant ?

Sûrement pas ces Messieurs les censeurs !

Fées libres, ces félibres étonnent autant qu’elles détonnent.

 

12273314665?profile=originalRemedios Varo

Le troubadour

Huile sur masonite, 1959

(photo captée sur le net)

      A mes yeux pourtant Leonora Carrington, Bridget Tichenor, Remedios Varo notamment, pour rester au Mexique, font bien partie des meilleurs peintres surréalistes du vingtième siècle. J’y ajouterai l’américaine Dorothea Tanning (1910-2012) qui sème le trouble comme personne tout en dénonçant narquoisement « la triste petite procession d’analyseurs qui se traînent jusqu’à l’autel de la libido en chantant leurs cantiques chevrotants. »

 

12273314289?profile=originalDorothea Tanning

La chambre d’amis

(huile sur toile, 1951)

« Les gens déambulent

chuchotent, se regardent

Nul ne sait que faire de la mort, ma sœur

Nul ne sait que faire de ta mort. »

Mόnica Mansour

(poétesse mexicaine née en Argentine en 1946,

extrait de Lumière)

 

12273315269?profile=originalDorothea Tanning

La chambre d’amis (détail)

 « Tout cela que la nuit dessine de sa main obscure :

Le plaisir qui révèle,

Le vice qui dénude. »

« Mais les psychologues voudront comprendre alors qu’il s’agit d’imaginer. »

Collage : Xavier Villaurrutia (1903-1950)

et Gaston Bachelard (1884-1962)

 

      Pour parfaire l’inventaire, levons coin du voile jeté sur Angelina Beloff (1879-1969), peintre et graveuse d’origine russe connue pour avoir été la première épouse de Diego Rivera, ce qui est tout de même très réducteur.

 

12273315068?profile=originalAngelina Beloff

Tepoztlán

Aquarelle

(photo captée sur le net)

      Et, bien que liée à l’Art déco dont elle fut l’étoile filante, j’ai une pensée pour Tamara de Lempicka (née Maria Gόrska ; 1898-1980). L’éruptive baronne polonaise passa les deux dernières années de sa vie à Cuernavaca, au-dessous du volcan des passions éteintes. A sa mort elle souhaita que ses cendres soient dispersées au sommet du Popocatepetl…

« On ne peut vivre sans amour »,

Malcolm Lowry (1909-1957)

 

12273315081?profile=originalTamara de Lempicka

Mexican girl, 1948

(photo captée sur le net)

 

Alors, femme, fière, rebelle, je m’enflamme et te porte aux nues pour

« Rien que cette lumière que sèment tes mains

Car tu es l’eau qui rêve

et qui persévère. »

Philippe Soupault (1897-1990)

 

Rebel Rebel… pour être vraies.

Para bailar la Bamba

Se necesita una poca de gracia,

Una poca de gracia y otra cosita.

Traditionnel (typique du son Jarocho)

Pour danser la Bamba

Cela nécessite un peu de grâce,

Un peu de grâce et autre petite chose.

Peut-être ce petit supplément

Qu’on appelle le talent

Grâce et talent ici réunis.

 12273315681?profile=originalTamara de Lempicka

Calla lilies*6, 1931

(photo captée sur le net)

 

      Quant à Georgia O’Keeffe (1887-1986), une autre figure majeure du modernisme, qui vécut au Nouveau-Mexique l’essentiel de sa vie. Elle nous invite à passer outre la frontière et à nous engager, car

« Il faut du courage pour créer un monde dans tout art. »

Aussi à vous toutes je dédie ce billet, quand bien même reste « quelque chose inexplorée sur la femme que seule une femme peut explorer. »

12273315470?profile=originalGeorgia O’Keeffe

Two calla lilies on pink, 1928

(photo captée sur le net)

Variations sur un même thème. Un thème également cher à Diego Rivera.

Tous les chemins mènent arum. Arum, fleur du désir ardent.

 

      Au fait, si machiste que cela le Mexicain ? Pas si simple… A Juchitán de Zaragoza, la « ville des femmes », en particulier, comme souvent dans l’état d’Oaxaca et l’isthme de Tehuantepec, les femmes administrent la vie économique et domestique tandis que les hommes sont aux champs, quoiqu’ils s’arrogent en général la sphère politique. Matriarcat particulier. Cette communauté de culture zapotèque respecte également les muxes, ces « hommes au cœur de femme ».

Et je ne saurai passer sous silence sœur Juana Inés de la Cruz (1648-1695), poétesse mexicaine et pionnière du féminisme, lorsqu’elle formule ce vœu :

« Pour l’âme, il n’existe ni cachot, ni prison qui la retiennent,

car seuls l’emprisonnent ceux qu’elle s’invente elle-même. »

Il n’en reste néanmoins vrai que le pays est particulièrement violent envers les femmes. Alors quand on est femme et indigène…

       A l’heure où les lointains descendants du conquistador Hernán Cortès et de l’empereur aztèque Moctezuma II se congratulent pour fêter le 500e anniversaire de la colonisation du Mexique et faire table rase du passé. Tous les espoirs peuvent paraître permis ! Fort de cacao tout de même...

Souvenez-vous. Les Mexicas reçurent le présage de s’établir là où ils verraient un aigle sur un cactus s’emparant d’un serpent*7. C’était même un commandement de Huitzilopochtli, dieu de la guerre et du soleil radieux, leur protecteur. L’apparition se réalisa sur une île au milieu du lac Texcoco, et là ils fondirent Tenochtitlán… Lorsque, moins de deux siècles plus tard, le perfide Cortès fondit sur eux ils le virent tel le serpent tout emplumé et le reçurent comme un fils du dieu Quetzalcóatl, avec ses guerriers, ses envoyés descendus des cieux… Les dieux sont tombés sur l’Aztèque.

Clap de fin de la civilisation méso-américaine.

S’ils ne veulent à nouveau tomber dans le lacs, ses petits-enfants devraient se méfier des augures…

Il serait plus avisé, autant pour les Indiens que les femmes, de rester sur le qui-vive.

« Lutter, c’est vivre. »,

Frida Kahlo

 

Michel Lansardière (texte, notes et photos, sauf mention contraire)

 

Retrouvez ici notre première partie « Femmes, fières et Mexicaines ! » consacrée à Frida Kahlo :

 https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/femmes-fi-res-et-mexi...

Et là le second volet de notre triptyque (Maria Izquierdo, Olga Costa, Rosa Rolanda…) :

 https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/femmes-fi-res-et-mexicaines-2e-partie-frida-mar-a-olga-rosa-et-c

 

On vient de retrouver la voix « chaude et mélodieuse » de Frida Kahlo, selon la ministre mexicaine de la culture, Alejandra Frausto.

Si cet enregistrement fait déjà grand bruit dans le landerneau médiatico-culturel, j’ai voulu suivre d’autres voies.

Décidément si

Le secret au bord des lèvres

Semble dépasser un peu,

Emergeant de ses ténèbres

Il goûte à l’air du ciel bleu

Jules Supervielle (1884-1960)*8

D’autres voix demandent à être entendues.

*1 Influences et concordances… Cf. l’exposition On the Wall qui, du 23/11/2018 au 14/02/2019, fut consacrée à Michael Jackson au Grand Palais à Paris, qui a succédé à la National Portrait Gallery de Londres. On pouvait aussi découvrir celle dédiée, au Victoria & Albert Museum (du 16 juin au 4 novembre 2018) aux effets personnels de Frida Kahlo ! On apprenait ainsi que son rouge à lèvre était le « Everything’s Rosy » de Revlon ! Où va se loger le fétichisme tout de même ! Il y a quand même des cultes de la personnalité dont on se passerait bien (et même des coups de pied au culte qui se perdent parfois. A ce propos, une collection de chaussures à son effigie vient d’être lancée ! Quel pied !?).

*2 La Catrina est une figure populaire au Mexique, un squelette de femme imaginé en 1912 par José Guadalupe Posada.

Calavera, crâne crâne, cadavérique créature portant chapeau et affûtiaux pour une danse macabre.

Ce fantôme de squelette

N’a pour toute toilette

Qu’un diadème de vers

Posé tout de travers.

Charles Baudelaire

12273315875?profile=originalCadavre exquis, Ô Catrina bella mariachi-tchi.

Cent sept ans que j’attends ! J’ai honte, mais gironde géronte.

*3 Rina Lazo est décédée ce 1er novembre 2019, pendant El Día de muertos, jour de fête populaire au Mexique qui s’étend en fait du 31 octobre au 2 novembre, ce qui est une forme de politesse que nous lui rendons. Elle habitait avec son compagnon, le peintre et graveur Arturo García Bustos (1926 -2017), la Maison de la Malinche, la maîtresse indienne de Cortès.

*4 Un mépris qui se manifestât aussi par l’organisation de « dîners de cons » où le convive était sacrifié sur l’autel de l’humour. Surréaliste.

*5 Remarquez que d’ordinaire j’illustre mes billets avec mes propres clichés, ce qui n’est pas le cas ici (à l’exception de Rahon et de Tanning, curieusement cette dernière étant pourtant peu légitime pour représenter la peinture mexicaine n’y ayant pas même vécu, mais présente à l’exposition Los Modernos à Lyon). C’est qu’aux grandes rétrospectives de Lille en 2004, de Paris en 2016 ou de Lyon en 2017, les femmes peintres au Mexique étaient somme toute sous-représentées (bien qu’on y ait accroché Izquierdo, Costa, Rolanda : voir mon précédent article). Guère mieux dans les catalogues et livres consultés, alors de guerre lasse j’ai eu recours pour cet article à des photos captées sur le Net. Il fallait bien rendre visibles les invisibles, en toute transparence c’est clair.

*6 Calla lily : arum ou zantedeschia.

*7 Une image toujours présente au centre du drapeau mexicain.

Federico Acosta et Ascanio Pignatelli, respectivement descendants de Moctezuma et de Cortès, se sont rencontrés le 8 novembre 2019 sur les ruines de l’ancienne Tenochtitlán, dans cœur historique de la capitale, le Zόcalo, là où précisément au centre de la place flotte un drapeau géant du pays. « Nous sommes une même famille maintenant », ont-ils déclarés. Une plaque commémorative avait déjà été posée en quasi catimini (vous ne trouverez dans le pays ni rue Cortès ni statue du mégalo) le 26 mars 2109 dans l’église de l’Immaculée Conception de la mégalopole. Baroque.

*8 Le poète, né à Montevideo (Uruguay), était l’ami de l’écrivain et diplomate Alfonso Reyes (1889-1959) alors qu’il était ministre du Mexique à Paris, par ailleurs oncle de la peintre muraliste Aurora Reyes Flores déjà citée dans ce billet. Il avait donc toute sa place dans cette série.

12273315700?profile=originalAurora Reyes Flores

Parral, 1908-Mexico, 1985

Presencia del maestro en la historia de Mexico (mural, 1960/62)

(photo captée sur le net)

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administrateur théâtres

 My Fair Lady à Bruxelles 

Auriez-vous eu par hasard vent de  l’exposition sur la vie d’Audrey Hepburn, « Intimate Audrey »* , créée cette année à Bruxelles par son fils Sean Hepburn Ferrer, pour fêter  les  90 ans de sa mère, dans la ville natale de l’artiste ?  Celle-ci se tient  depuis le  1er mai et jusqu’au 25 août 2019 dans l’Espace Vanderborght. Sielle est passée inaperçue  et qu’elle ne vous a pas particulièrement fait dresser l’oreille, voici pour  l’artiste  comme pour nous, un merveilleux cadeau.

Il est  offert par le festival « Bruxellons » qui propose un « My Fair lady » éblouissant, vigoureux comme aux premières heures, débordant de verve et de bienveillance. Une splendide façon de fêter les 20 ans du festival !   Sous la direction artistique de Daniel Hanssens qui s’est saisi du sujet des charmes de la phonétique  anglaise et de la fable sociale,  ce cadeau vous attend au château du Karreveld à Molenbeek, dans une version de comédie musicale bruxelloise inédite, peaufinée et impeccable.

L’image contient peut-être : une personne ou plus et intérieur

La mise en scène est de Jack Cooper et Simon Paco. C’est un spectacle de haut niveau qui plaira au beau monde comme aux chats de gouttière. Tout y est beau et soigné : les décors, les costumes, la scénographie, les ensembles, les chorégraphies, le chant, et bien sûr la phonétique : irréprochable! Même transposée en français !

L’histoire

Qui ne se souvient donc pas des remarquables  talents d’actrice d’Audrey Hepburn en 1964 et de  sa présence  hypnotique  à l’écran, dans cette comédie musicale unique en son genre, même si pour les chansons,  sa voix avait été doublée ?   Elle sera à jamais associée au personnage d’Eliza Doolittle en interprétant  le parcours fabuleux  de l’insolente jeune vendeuse de violettes à l’accent cockney épouvantable, qui guettait quelques sous auprès de  grands bourgeois au  sortir de l’Opéra… dans le très pittoresque  Covent Garden du début du XXe siècle. Incroyable coup du sort,  Le colonel Pickering lui achète une fleur et son ami distingué phonéticien se prend au jeu de vouloir faire passer la gueuse pour une duchesse grâce à la qualité de ses manières et de son langage.

L’origine du spectacle

Georges Bernard Shaw avait commencé à écrire sa pièce « Pygmalion »  au printemps 1912.  La pièce  fut jouée la première fois en 1913 en allemand, en Autriche, avant d’atteindre les feux de la rampe à  Londres un an plus tard. Mais, toute sa vie, jusqu’en 1950, date de sa mort,  Georges Bernard Shaw refusa que l’on adaptât sa pièce « Pygmalion » en opérette, repoussa  tout essai d’adaptation cinématographique, hormis  celle de 1938 avec Gabriel Pascal, où il conserva une supervision constante de l’adaptation. Penguin is Penguin (books) of course, le texte c’est le texte ! Librement inspiré du mythe grec de Pygmalion et de Galatée (popularisé par le poète romain Ovide dans ses Métamorphoses), « Pygmalion » et  « My fair Lady » partagent beaucoup de points communs avec la satire sociale de Shakespeare, « The Taming of the Shrew », dans laquelle un homme brutal apparemment (mais pas tout à fait) se mesure à  une femme à l’esprit libre. Si bien que Georges Bernard Shaw se disputa avec les metteurs en scène qui osèrent à maintes reprises  vouloir donner une fin romanesque à l’histoire en l’ouvrant  sur le mariage du Professeur Higgins et de sa protégée.

Foin des romances à deux balles

Si la jeune femme s’est construite grâce au professeur, l’admire sincèrement, et a vécu une relation unique avec lui,  elle est devenue une autre personne et s’affranchit totalement de son influence. Shaw tient en effet à dénoncer la société anglaise où les femmes se laissaient soumettre. Si les femmes de plus de 30 ans peuvent voter en Angleterre dès 1918, Il faut attendre la loi de 1928 qui donna le droit de vote aux femmes à 21 ans quel que soit leur état de fortune. Vote For Women! La mise en scène  n’a pas raté l’occasion de le souligner !

Les textes

Cette version bruxelloise francophone** de la comédie musicale est fidèle aux textes et à l’époque. Quel bonheur ! La libre traduction de Stéphane Laporte est d’une grande  saveur et d’une belle empathie littéraire. La musicalité de la langue anglaise a trouvé des échos francophones pleins de charme et de vivacité.   Cette adaptation soignée sous la direction d’Olivier Moerens  donne une performance remarquablement aiguisée du flegme anglais, incarné par le très rusé professeur Henry Higgins dont l’excellent Frank Vincent  tire une interprétation très juste.  Le personnage  est  archi plein de lui-même, archi fier de sa condition de « vieux célibataire confirmé »,  psychologiquement  à côté de ses satanées pantoufles en matière de sentiments, inconscient du mal qu’il fait, mais étrangement sympathique. 

Sous les étoiles

 L’humour pétille sous les étoiles dans la cour du château du Karreveld. Les petites gens sont aussi bien campées dans le verbe, que les habitués d’Ascott.  Décernons aussi  de multiples  médailles pour les fabuleux costumes signés Béatrice Guilleaume et la scénographie de Francesco Deleo, les divines coiffures d’Olivier Amerlinck,  les maquillages et perruques de Véronique Lacroix. Aux chorégraphies Kylian Campbell, aux lumières Laurent Kaye.  A la direction musicale de l’orchestre, des solistes et des chœurs, la pétulante  Laure Campion assistée parJulie Delbart. L’image est retransmise sur des écrans discrets pour ceux qui s’intéressent à la magie de la baguette.  Un orchestre live de 12 musiciens   joue en effet dans la Chapelle du Château, respect aux instruments… mais  ils viendront  saluer le public qui trépigne de bonheur.

L’image contient peut-être : 5 personnes, personnes assises, personnes debout et chapeau

Les voix

La vigoureuse gouvernante du Professeur Higgins, Mrs. Pearce,  a de l’ascendant. Elle  lui rappelle « qu’on ne ramasse pas une fille comme on ramasse un galet sur la plage !» Elle est une voix de la raison. Elle  représente la voix traditionnelle, maternelle, de la classe « inférieure ». Elle se rapproche rapidement d’Eliza qu’elle entend protéger…  Un rôle à la mesure de Laure Godisiabois au mieux de sa forme.

Mme Higgins, la mère du professeur représente aussi la voix de la raison. Elle est jouée par Jeanine Godinas, royale. Emouvante, et  sensible lorsqu’elle se prend d’amitié pour Eliza. Comme dans sa jeunesse, elle est féministe en  diable et finalement  insensible aux peines de cœur de son fils qui n’a toujours pas grandi malgré ses exploits linguistiques!

 La troisième voix de la raison est  bien sûr celle de  Mr. Pickering (François Langlois), subtilement paternel,  nanti de cette bienveillance qui lui fait traiter la bouquetière comme une duchesse, contrairement à son ami Henry Higgins !

Et puis il y a la voix du coeur, celle du « love at first sight », sublimement  «  love me tender ! » : Samuel Soulie dans le rôle de Freddy. Eliza succombera-t-elle ? Elle demande à voir…

Le rôle-titre

Eliza Doolittle,  affligée d’un parler populaire à couper au couteau, d’une phonétique branlante, d’une grammaire inexistante et d’un vocabulaire de charretier,  succombe à la promesse condescendante du rusé  linguiste, rêvant d’élévation sociale. Il   parie  que son entraînement intensif à la grammaire,  style et élocution transformeront Eliza en  objet désirable – l’œuvre dont il tombe en fait amoureux-  employable, une fois l’expérience réussie, pourquoi pas dans un magasin de fleurs avec pignon sur rue ? Mais le pari gagné, Eliza Doolittle se retrouve seule. Elle se rebiffe et s’en va en claquant la porte. Bel exemple d’expérience sociolinguistique réussie,  elle  est  dans une position délicate. Que va-t-elle devenir ? Comment subvenir à ses  besoins avec le genre de compétences qui lui ont été données ?  Elle est devenue « autre ».  Il n’y a pas que la main de l’homme qui fasse mûrir le fruit ! L’interprétation irréprochable de l’artiste française Marina Pangos est empreinte d’humanité profonde. Elle fait rire, elle fait pleurer, elle fait réfléchir, se poser des questions. Fera-t-elle fléchir la misogynie universelle ?  Ce rôle central est un catalyseur d’interrogations. Le maintien est celui d’une reine. Le jeu est sûr, la voix est belle, la métamorphose sublime, le résultat de la performance admirable : une force théâtrale et musicale surprenantes. Pourtant, à vrai dire, l’intrigue était finalement bien mince!

Mais pas que

L’image contient peut-être : une personne ou plus, personnes assises, chaussures et nuit

Le père de la jeune femme a aussi bien des choses à nous dire et à partager. La vis comica de l’éboueur  Doolittle (Daniel Hanssens) emporte par sa faconde et sa jovialité. Les petits ont autant d’arrangements que les grands bourgeois. A ses dépens,  le très philosophe Monsieur  Alfred Doolittle pleure la perte de sa liberté envolée, une fois contaminé par  l’argent  reçu d’un improbable héritage et dont il ne saurait se départir ! Le voilà obligé de vivre pour les autres au lieu de ne vivre que pour lui-même !   Mais malgré les coups de griffes à la bourgeoisie bien établie,  la bonne humeur reste. C'est le plus bel héritage de ce spectacle hors pairs, fable vivifiante et festive.

Dominique-Hélène Lemaire Arts et Lettres

crédit photos: Gregory Navarra

My Fair Lady

De Lerner & Loewe

MISE EN SCÈNE: JACK COOPER ET SIMON PACO – UNE COPRODUCTION DE BULLES PRODUCTION, COOPER PRODUCTION ET LA COMÉDIE DE BRUXELLES –
25 REPRÉSENTATIONS DU 11 JUILLET AU 7 SEPTEMBRE 2019


*Tous les bénéfices iront à Eurordis-Rare Diseases Europe et aux hôpitaux Brugmann et Bordet de Bruxelles.**On peut consulter  une version du texte néerlandophone sur écrans discrets.
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"... Simone, elle est la fille de Marie Haillecourt  et de Marcel Seytres ; Elle, est la seconde, une petite sœur est morte huit mois avant sa naissance à elle le 14 mars 1924. Simone est têtue, frondeuse, souvent en opposition avec ses parents... À 17 ans, son père, pour tenter de la dissuader du mariage qui se profile à l’horizon avec Hervé Dumas, l'envoie dans une prison dorée : un studio à Monaco... Simone est fière, orgueilleuse, mais plastronner ne suffit pas... Elle épouse Hervé Dumas à Marseille en 1942 ; Monte à Paris en 1948, rencontre Didi (Henri Megglé) rue de Tournon... La personnalité de Simone Seytres est à l'origine de mon récit...

Extraits :

« Noël 1960 est fêté chez ma grand mère paternel, rue de Tournon, à Paris, dans cette grande maison bourgeoise, réunissant oncles tantes cousins et cousines. Le grand père Armand est mort en Mai 1959. C'est une fête de famille, la dernière, ma grand-mère meurt le 16 Février 1961.

Je me souviens avoir reçu en cadeau un louis d'or, que j'ai perdu le jour même ; dans mon souvenir j'en été très honteuse ; après l'avoir cherché vainement dans tout l'appartement, qui était fort grand avec un plancher en bois ciré, je me suis réfugiée près de la Fiancée du Nil, le moulage d'une statut originale, réalisée par le sculpteure égyptien Mahmoud MOUKTAR.  Le moulage en plâtre de la fiancée du Nil réalisé en 1929, et exposée pour l'ouverture du Musée du même nom inauguré au Caire le 27 Mars 1952, a été offert à mon Grand-père, alors qu'il habitait encore en Égypte. J'étais en amour devant cette femme si harmonieuse et douce, grande comme une vraie femme, à-genoux en bordure du Nil, couronnée d'une tête de faucon. Mon Père a hérité de cette statut, puis ce fut moi à mon grand bonheur.

"...Mes grands-parents, leurs parents, ont vécus longtemps en Égypte. Mon grand père a été naturalisé français au début du XXème siècle - Ainsi je suis un peu Égyptienne... 

Chapitre 16.

De merveilleux vagabonds en résidence à Château-Vallon (Extrait)

Je souris en pensant à ma vie de petite princesse, celle que j’ai imaginée pour moi il y a des années, princesse dans un château en ruines. Y étais-je heureuse ? Chez moi, je suis entourée par deux tableaux de Château-Vallon peints par Igor en 1949 ;

Il y a aussi un pastel réalisé par Lella, les couleurs sont passablement déla­vées mais je retrouve la délicatesse et la minutie de ses gestes ; et par une gouache de mon frère Didier peinte en 1955, ce dessin représente une scène familiale lumi­neuse et colorée devant la façade principale du château. Didier s’est peint à la fenêtre de la chambre-grenier et il regarde ses sœurs.

Dans cette grande chambre fraîche en été et avant qu’elle ne devienne l’antre de Girard et Lella, maman invite ses filles à y faire sécher des pétales de fleurs réservés pour la préparation d’un vinaigre parfumé. (...)

C’est la belle époque, celle de la confiance. Celle d’avant 1961 ! Nous serons cinq enfants, cinq frères et sœurs. Nous nous aimerons, nous aimerons nos parents, notre vie, la vie avec Didi et Simone. Avec Didier (mon frère aîné) nous n’en connaissons pas encore tous les aléas.

Lella et Henri Girard se sont rencontrés en 1949 et se sont liés d’amitié avec Henri et Simone en 1950 dans l’Île Saint-Louis où ils cohabitent tous les quatre. Une confiance véritable et réciproque unit les deux couples, et c’est ainsi que Didi leur confie les clefs de Château-Vallon.

Émerveillés par la beauté du site, ils y arriveront pour goûter au succès du Salaire de la peur, le dernier ouvrage de Georges Arnaud. Précédant de quelques jours Didi et Simone, hôte et hôtesse du lieu, Lella « Cette fille folle venue joindre sa tendresse à ma détresse… » témoigne de leur cheminement rocambolesque :

« Descendus en train jusqu’à Toulon, puis en autocar jusqu’à Valbertrand, nous rejoignons le château à pied (…) Je nous revois poussant une voiture-à-bras qu’on nous avait prêtée (…) » 

Tirant et poussant votre carriole sur une petite route bordée de pierres sèches, de figues en fleurs de barbaries, de ronces et de champs de vignes, vous passez devant La Ferrane, maison familiale des Megglé, puis devant la carrière de sable où travaillent des ouvriers étrangers. La route grimpe légèrement jusqu’au Clos de Château-Vallon, maison sentinelle au pied de ce vieux fortin qui émerge des pins et des genévriers. (Extrait)

Opération séduction !

J'ai 15 ans et Didi (mon père) propose de m'emmener en vacances en Dordogne chez une amie d'enfance. Les conséquences de la déportation sont encore très douloureuses à vivre pour lui et l'air de la Dordogne lui fera du bien.

Trop heureuse d'être enfin séparée de ma sœur si affable, si drôle, face à une Caroline boudeuse, j'accepte cette proposition, et maman ne s'y oppose pas ! Je les rejoindrai à Sanary plus tard. En Dordogne je découvre un père charmant, gentil, serviable, et comme il n'y a qu'un pas pour admettre que Simone (ma mère) est vraiment rabat-joie, je le franchis allègrement ! La maison est magnifique, pleine de lierre, de boiserie, de chocolat chaud, de grillades, d'attention, et je rencontre mon premier amour ! L'avant-veille de mon départ, Thalie, l'amie de papa, une adorable jeune femme mère d'un petit garçon de trois ans, organise une grande fête... Je suis aux anges.

"...à Sanary je pense avoir été "involontairement" odieuse avec maman, lui décrivant la disponibilité de Thalie, de Didi, et la présence de ce si gentil bambin, etc, etc.

Les vacances se terminent. Maman est sombre, triste, mon père repart à Paris, laissant seule Maman et ses quatre enfants.."

Extrait de la lettre à l'Auteure par Jacqueline Martinez

« À navire rompu, tous les vents sont contraires », dit un vieux proverbe italien. Que de vents contraires ont balayé ces pages que tu as noircies et moi défrichées. Le vent qui chante au petit matin dans la garrigue d’Ollioules, celui qui brûle à midi sur les roches de Sanary, celui qui caresse la peau au soleil couchant ; le vent glacial des tempêtes familiales, celui qui bouleverse à chaque déménagement.

Des vents contraires certes, mais jamais indécents. Pris tous ensemble, ils deviennent pare-feu et ne concèdent rien. Pas le moindre interstice où viendraient s’embusquer des yeux malveillants à la recherche d’un indice croustillant, dégueulasse, sur toute une vie ainsi mise en pâture. Le voyeurisme guette tout travail autobiographique comme si le questionnement de soi signifiait inévitablement une mise à mort.... 

Le livre se commande en ligne auprès de mes éditrices ou dans toutes bonnes librairies. Il est répertorié par la FNAC.

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12273305890?profile=originalMaría Izquierdo

Ma tante, un petit ami et moi *1

Huile sur toile, 1942

 

      Jouissant d’une immense aura depuis le succès du film éponyme qui lui fut dédié (Frida de Julie Taymor, 2002), qui fit suite au livre de Hayden Herrera, Frida Kahlo est devenue une icône internationale, une figure de proue du féminisme, qui malheureusement éclipse ses contemporaines mexicaines. J’ai pu le constater lors de la dernière exposition consacrée aux artistes mexicains (Los Modernos, au Musée des Beaux-Arts de Lyon du 2 décembre 2017 au 5 mars 2018) où une foule se massait devant les quelques œuvres de sa main, délaissant, ou presque, les autres artistes accroché(e)s aux cimaises.

Mais foin de polémique, j’ai voulu rendre ici un petit hommage aux autres femmes peintres du Mexique.

Place donc à…

 

12273307056?profile=originalMaría Izquierdo

Autoportrait, 1946

 

María Izquierdo (San Juan de los Lagos, 1902-Mexico, 1955) :

Artiste essentiellement autodidacte, comme le Douanier Rousseau qui fantasma le Mexique dans ses toiles et ses rêves d’exotisme naïfs. Compagne du peintre Rufino Tamayo (1899-1991), proche de Wolfgang Paalen et des surréalistes, elle milita au sein de la Ligue des écrivains et artistes révolutionnaires. Ce qui n’empêcha pas, en 1945, le trio Rivera, Siqueiros, Orozco d’opposer leur veto à une commande de fresque à María Izquierdo. Macho un poco, no ?

En tout état de cause, si les « Trois Grands » se montrèrent bien petits, nos conspirateurs d’opérette l’évincèrent. En art comme en littérature point n’est besoin de généraux de pronunciamientos.

 

12273307270?profile=originalMaría Izquierdo

Calvaire

Aquarelle, 1933

 

Olga Costa (Leipzig, 1913- Guanajuato, 1993) :

Peintre d’origine allemande, née Olga Kostakowsky Falvisant, elle s’activa à promouvoir les arts plastiques mexicains dont elle fut l’« ange blanc » selon Carlos Mérida.

  12273306698?profile=originalOlga Costa

Autoportrait

Huile sur toile, 1947

 

Rosa Rolanda (Azusa, Californie, 1898- Mexico, 1970) :

Peintre, photographe, danseuse et chorégraphe d’origine américaine, née Rosemonde Cowan, elle côtoya notamment Frida Kahlo et Diego Rivera.

 

12273307671?profile=originalRosa Rolanda

Autoportrait

Huile sur toile, 1952

Maria del Carmen Mondragόn Valseca (Tucabaya, 1893- Mexico, 1978), dite Nahui Olin :

Peintre et poète, elle fut la compagne de Gerardo Murillo, dit Dr. Atl (le signe de l’eau dans l’astrologie aztèque), qui lui donna le pseudonyme de Nahui Olin, en référence au nom nahuatl d’une fleur*2. Libre et sauvage beauté. 

 12273307486?profile=originalDr. Atl (Guadalajara, 1875-Mexico, 1964)

Nahui Olin : portrait futuriste

Pastel et huile, ca 1921

« Il faut te parer de tes fleurs,

la fleur de spatule rouge divine

à l’éclat de soleil,

la fleur de corbeau.

Avec elles couvrons-nous, sur la terre,

ici-bas, seulement ici-bas. »

Chants de Nezahualcόyotl (1402-1472),

traduits du nahuatl par Georges Baudot.

 

Alice Rahon (Chenecey-Buillon, Doubs, 1904-Mexico, 1987) :

D’origine française, mariée au peintre Wolfgang Paalen (1905-1959), elle fit partie du groupe surréaliste. Marquée dans ses chairs comme Frida Kahlo, gagna le Mexique à l’invitation de cette dernière, pays qu’elle ne quittera plus.

 

12273308463?profile=originalAlice Rahon

Autoportrait et autobiographie

 Huile et sable sur toile, 1948

 

12273309261?profile=originalWolfgang Paalen

Vienne (Autriche), 1905-Taxco (Mexique), 1959

Grand enfumage (Orphée)

Enfumage  et huile, ca 1935

Né à Vienne en 1905, Wolfgang Paalen adhéra au surréalisme en 1935. Il initia le procédé « automatique » du « fumage » (comme le sont le « cadavre exquis », grattage, frottage, collage, décollage…). Il s’établit au Mexique en 1939 où il décédera vingt ans plus tard. Il y travailla avec des artistes locaux comme le peintre et caricaturiste Miguel Covarrubias (1904-1957).

 

A suivre avec Lilia, Leonora, Remedios

Première partie consacrée à Frida Kahlo au lien suivant :

 https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/femmes-fi-res-et-mexicaines-1-re-partie-frida-kahlo?xg_source=activity

 

Michel Lansardière (texte et photos)

 

*1 Toile que l’on pourra rapprocher de celle de Frida Kahlo, réalisée en 1936, « Mes grands-parents, mes parents et moi (arbre généalogique) » exposée au MoMA de New York.

*2 Ollin, c’est aussi le mouvement cosmique du Soleil et de la Lune. Nahui Ollin représente les « quatre courses du Soleil », notion qui correspond à la perception cosmogonique des mythes fondateurs dans les cultures préhispaniques. Au commencement du monde il y avait Ometeolt (dieu-deux), puis quatre soleils (jaguar, vent, pluie, eau) se succédèrent…

Lors du quatrième cycle, Nahui Atl (quatre-eau, ou Atonatiuh, soleil d’eau), un homme et une femme sortirent indemnes du déluge mais, ayant désobéis à Tezcatlipoca (« miroir fumant », divinité primordiale), ils furent métamorphosés en chiens.

Nahui Ollin serait en fait le cinquième soleil, un nouvel âge qui verrait s’effondrer le monde dans de violents séismes…

Remarquons que ces quatre soleils nous renvoient aux quatre ères géologiques. L’ère quaternaire, dernière division du Cénozoïque, se serait terminée. Nous serions entré dans l’Anthropocène… le temps où l’homme, nouvelle force tellurique, est devenu capable de bouleverser la biosphère.  

Notons encore que la fleur nahui olin est à quatre (nahui) pétales. Fleur que l’on retrouve stylisée sur le manteau de Notre-Dame de Guadalupe, la sainte patronne du Mexique. La Vierge Marie serait apparue le 9 décembre 1531 (fêtée le 12 décembre, date de la quatrième et dernière apparition) à Juan Diego Cuauhtlatoatzin, qui sera le premier chrétien amérindien canonisé. Prélude à l’indépendance le père Miguel Hidalgo lance son « cri de Dolorès » le 15 septembre 1810 : « Vive la Vierge de Guadalupe ! » fédérant ses partisans. Plus tard les troupes zapatistes la brandiront en étendard. 

CQFD, dieux et deux font quatre, merci.

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administrateur théâtres

…Et on murmure dans mon dos que ma musique est vieille !

 

✔ Laudamus te… 

Joie, ravissement, bonheur théâtral et musical complets devant cette production de one-man-opera, flanquée de deux anges, musiciennes passionnées : Les chanteuses lyriques Julia Szproch, soprano et Sarah Théry, mezzo, deux figures en robes blanches incarnant émotion,  pureté et source de vie. Il faut dire que  le comédien de cet opéra parlé en 11 tableaux est de taille à endosser l’Antonio Vivaldi  hors d’âge  décrit avec immense saveur,  par Vincent Engel dans son roman Alma Viva (Ker edition 2017) qui retrace le récit des derniers mois de la vie du compositeur.  Viva Alma  Viva !

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 ✔ Pietro Pizzutti a le charme natif de l’italien, l’agilité bourdonnante de pilleur de jeunes filles en fleurs, le charme du rêveur ...pas toujours solitaire, et les irrésistibles intonations du Don Juan pourfendeur des hypocrisies patriciennes et de la boue toxique des foules  mortifères. Les colères misanthropes du Maître de violon au Pio Ospedale della Pietà éclatent avec vigueur, sa verve poétique pour la lagune de Venise attache, son credo « je prie, j’aime et je crée » remplit d’ivresse!

Difficile de faire la part du livre et celle  du diseur de mots dont les postures, les pitreries et les révélations enchantent. Merci l’Artiste! Fervent défenseur de Dieu mais pas des bondieuseries, gonflé de respect pour son père et refusant de l’enfermer dans un Requiem, amoureux de ses origines simples - du barbier au violoniste - il conspue le clavecin aristocratique et  pourfend l’ostentation des pharisiens de tout poil.

« Mon masque à moi est tissé de notes et j’aime la vie car j’adore Dieu qui nous a offert la vie ! » Etre musicien c’est être au plus près de Dieu … et de ses anges! Il mêle l’azur des musiques naissantes aux caresses érotiques et à l’esprit de Dieu ! Dominus vobiscum…Et cum spiritu tuo ! Le texte vous embarque loin de la vieillesse, au plus près de l’amour. De quoi frissonner. « Le gondolier pousse sa barque d’un coup d’archet virtuose propre à enflammer la lagune… »Tout est dit, le reste est variations sur le thème enivrant de la célébration de la vie. Les messes, les mots, les titres, les programmes frelatent la vérité de la musique. «Je ne me moque pas du monde c’est le  monde qui se moque de la musique. »

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    Il faut saluer bien sûr la parfaite mise en scène de  Gabriel Alloing.  L’écrin dans lequel se joue cette brillante péroraison sur l’amour de la vie est un superbe triptyque de silhouettes de la ville sur lequel  apparaît à tour de rôle  la salle du conseil des « governatori » de la Pietà à qui s’adresse Vivaldi, un florilège de peintures de très saintes femmes, le bruissement de l’eau du canal à l’aube des sentiments, et le gondolier rêveur qui mène sa barque à travers les sublimes musiques. 

 

Benedicimus te !

 

In Musica veritas! L’ensemble baroque des Muffatti - I migliori vini dolci italiani - divisé en diptyque, à gauche et à droite de la scène ravit par  la  sonorité des timbres  délicats, la polychromie, la grâce, la  théâtralité du geste musical qui brode fidèlement  le texte mais sans emphase. On perçoit au contraire une réelle empathie avec le comédien et cela crée une sorte de dialogue parfait. N’est ce pas cela, ce que veut dire «concertare»? Dialoguer.

 

✔Glorificamus te !

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http://www.atjv.be/Viva

  

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administrateur théâtres

L’image contient peut-être : 2 personnes, personnes deboutChute libre vers la liberté?

Elles jouent sur un plan incliné entre les étoiles.

Dominique : Pourquoi êtes-vous entrée chez moi ?

Anna : La porte était ouverte.

Dominique : Pourquoi êtes-vous entrée dans l’immeuble ?

Anna : La porte était ouverte.

Dominique : Et vous cherchez quoi ?

Anna : Je cherche rien.

Dominique : Vous avez froid ?

Anna : Non.

Dominique : Vous avez faim ?

Anna : Non.

Dominique : Vous avez peur ?

Anna : On a tous peur.

 Que se passerait-il si un beau jour,  disons, un très beau soir,  vous retrouviez dans votre appartement ou dans votre maison, une personne inconnue  qui vient de s’éveiller sur votre moquette ? L’exercice de style que Fabrice Gardin prend par les  antennes, germe  en un dialogue extraordinaire entre absurdité et réalités. Il démontre la puissance et l’urgence  de la curiosité qui tous nous anime, malgré les barrières érigées par la société. Curiosité de soi et des autres. Voyage en huis clos. Présence à l’Autre.

Dominique : Tu viens de quelle planète ?

Anna : Celle du cœur.

Dominique : Tu vas me faire souffrir longtemps ?

Anna : Ça dépend de toi.

Dominique : Tu ne serais pas un démon quelquefois ?

Anna : C’est quoi, ta définition du démon ?

Dominique : Un machin qui dit des vérités et force les gens à se regarder dans un miroir.

L’image contient peut-être : 2 personnes, personnes assises

Marie-Noëlle Hébrant incarne Celle du dedans: une jolie femme mûre – surtout pas vieille – bien sapée dans une ample robe moirée à godets rehaussée d’une veste moulante dans le même tissu. Elle est blonde, coiffure au carré, et porte des souliers corail à talons confortables.  Plus que tout, elle est  restée fixée en admiration pour son défunt père qui lui a filé son  immense fond de culture. « Je crois qu’on décide pour vous, dans la vie… » Elle a fait vaillamment tout le parcours de combattante jusqu’au doctorat en histoire de l’art et a gagné la reconnaissance des pairs. Elle voyage, prisonnière de l'engrenage,  elle est plusieurs fois commissaire d’expositions, vit dans les musées, mais regarde rarement au fond d’elle-même. S’aime-telle même ? Qui aime-t-elle? Quelqu’un l’aime-t-elle ? Et où se cache son cœur?   


Camille Dawlat… incarne Celle du  dehors: une intruse, très curieuse elle aussi… Une Shéhérazade à l’écoute. Mais où est le sac ? Elle n’en n’a pas. Elle porte des bas en résille noirs, des bottines ouvertes, une robe courte en dentelle indigo et une veste polaire noire mangée par une  immense chevelure de sirène Sicilienne piquée d’une rose pourpre. Elle est du genre grand tournesol, au sourire de braise coiffé  d’yeux  flamboyants.  En robe blanche, et le cœur sur les lèvres,  elle a des  intentions d’ange.

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Mais bien sûr les travaux d’approche diffèrent  autant que  les dehors et les dedans… Les « tu » et les « vous » se mélangent entre les quelques blancs. Les verres trinquent.   Le texte s’allume, brille, frémit, rougeoie, poudroie, reprend, s’enflamme, resplendit et s’évanouit dans l’énigme la plus profondément obscure. La vie ne sera plus jamais la même après cette nuit d’étranges soleils et de rencontre brûlante. Il suffit d’une fois, sur toute une vie… de boire de ce vin-là, pour sourire à vie!  

Dans ce spectacle beau comme un impromptu, ouvert comme un livre, fertile comme une poignée de graines,  le public s’est passionné pour tout ce dévoilement d’humour, d’ironie et de vérités en filigranes exposées avec tant d’ardeur et de pudeur, à travers un jeu très subtils d'interrogations, de regards, de silences et de postures magnifiquement étudiées. 

DESTIN  de FABRICE GARDIN

Du  20/04 au 06/05 - Du  mercredi au samedi 

THEATRE DES RICHES-CLAIRES

Rue des Riches-Claires   24 - 1000  Bruxelles

Infos Réservations : 02 / 548 25 80

Avec: Camille Dawlat & Marie-Noëlle Hébrant

Scénographie et costumes : Lionel Lesire

Lumières : Félicien  van Kriekinge

Décor sonore : Laurent  Beumier

 Ecriture et mise en scène : Fabrice Gardin

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administrateur théâtres

Image may contain: 1 person, sitting, child, table, shoes and indoorTempête dans un café. Cela se joue dans l’arrière-salle d’un café parisien, dans un décor et des costumes de Lionel Lesire. Imaginez un jukebox et des sofas et table basses faits avec des palettes de récupération. Un grand mur de briques blanches et une fenêtre pour le temps qu’il fait. Elles sont belles, les comédiennes d’ "Un temps de chien", une comédie contemporaine de Brigitte Buc ! Naissance de vies de jeunes femmes ? Joyeux et délirant comme un enterrement de vies de jeunes filles.

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 Avec Sophie DelacolletteCécile Florin and Christel Pedrinelli et Fred NyssenImage may contain: 3 people, people sitting

La mise en scène de ce texte bien rythmé est signée Fabrice Gardin. Dehors : la pluie, la neige, les giboulées. Dedans : le chaos de vies sous pression qui explose sous le regard narquois du garçon de café misogyne mais compatissant (Frédéric Nyssen) qui a eu de nombreux déboires avec les femmes et n’est pas de bonne humeur, aujourd’hui. Big Bang bénéfique, car au fur et à mesure des partages gourmands de ces commensales fortuites et bavardes, le monde se redessine autrement, grâce à l’humour !

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Hélène (Christel Pedrinelli) est la wonderwoman débordée par son boulot haut de gamme et sa famille égocentrique. Un optimisme forcené l’aide à gérer, ou presque. Loulou (Sophie Delacollette) est la jolie bringue, mère célibataire, craquante de charme, travaillant dans un magasin de lingerie. Elle n’aime que son fils, et lui donne tout ce qu’elle-même n’a jamais reçu, étant une enfant de la Ddass, brinqueballée de famille d’accueil en famille d’accueil. Après des tas d’aventures ratées, Gabrielle (Cécile Florin) est seule, méfiante et paumée. Au cours du huis-clos les regards se mesurent, se comprennent ; les cœurs fondent, les rancœurs crépitent et les langues se délient. De chiens de faïence, elles se changent en saint-Bernard et vont se solidariser à vue d’œil, à coups de bonne chère et d’Armagnac. Crises de nerfs, burnout, tout y passe avec des uppercuts bien assénés sur les maux du siècle. Quelle meute ! On fête un non anniversaire délirant, décidément, le meilleur de leur vie. Elles sont hors du temps : elles dansent, elles fument, elles s’éclatent sans la moindre honte ! Elles prennent le bon temps à bras le corps. Le peps et le champagne coulent à flots, le garçon de café est atterré et finit par fuir les lieux, non sans les avoir enfermées par erreur ! Et la fin… justifie les moyens, à vous de juger ! 

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http://www.trg.be/saison-2016-2017/un-temps-de-chien/en-quelques-lignes__7004

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administrateur théâtres

#SexismePasNotreGenre : vous avez 12 jours pour  aller voir la pièce et en parler autour de vous !

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« Il est très difficile à une femme d'agir en égale de l'homme tant que cette égalité n'est pas universellement reconnue et concrètement réalisée. » La fin du mépris ? Pas encore ! Le sexisme ordinaire est tellement généralisé qu'il est presque invisible. Les femmes elles-mêmes ont intégré les clichés dont elles sont  victimes. Bien pire, il est des millions de femmes qui subissent toujours des traditions néfastes. Elles doivent se battre pour faire des études …ou pour ne pas être excisées, violées, battues, enfermées, traitées comme du bétail humain. Vous souvient –il de cette jeune héroïne pakistanaise qui  âgée de 17 ans, obtenait le Prix Nobel de la paix en 2014?  Malala Yousafzai, fille d’un militant convaincu pour l’éducation des femmes.

Ph. D. R.

 Et puis enfin il y a ces Femen médiatiques…qui après la révolution orange en Ukraine, manifestent l'été 2008, déguisées en prostituées, pour dénoncer l'importance de la prostitution en Ukraine. En 2009, elles innovent en manifestant seins nus contre la pornographie en ligne. Elles choisissent ainsi de dénuder leur poitrine, les seins nus symbolisant la condition des femmes ukrainiennes : pauvres, vulnérables, propriétaires seulement de leurs corps.

« Nous sommes les petites filles des sorcières que vous n’avez pas pu brûler » est un manifeste salutaire, saluant le combat des femmes depuis 1913, retraçant l’histoire de leur pénible chemin vers la dignité et l’égalité.  Une urgence par ce que « Si l’on vit assez longtemps, on voit que toute victoire se change un jour en défaite ». Une pièce redisant combien nous est nécessaire la phrase de Simone de Beauvoir  « N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant… » Ce qu’estiment  Christine Delmotte, metteur en scène  et son quintet  sulfureux de comédiennes vaillantes, provocatrices,  généreuses et engagées jusqu’au bout des cheveux, courts ou longs, militantes jusqu’au bout des seins pour certaines… Elles sont spectaculaires.  Le titre de la création  est emprunté à la pancarte d’une manifestante. Ce slogan "paraît très juste et, dit Christine Delmotte, il pourrait être revendiqué par tous les personnages du spectacle"Les héroïnes se nomment  Sophie Barbi, Daphné D’Heur, Isabelle De Beir, Catherine Decrolier et Mathilde Rault. Elles sont magnifiques. 

Ph. D. R.

La scénographie est haletante, les moyens sont home-made comme certaines bombes.   La  bande d'heureuses complices, féminines et épanouies, déborde d’ingéniosité pour présenter leur vaste dossier pédagogique live. Et on est loin des stéréotypes des MLF enragées des golden sixties.  Quant à la femme des années 80, cela fait peut-être ringard maintenant, mais la bataille et loin d’être gagnée.  Les femmes ne sont encore que 14% dans les conseils d’administration des entreprises. En moyenne, les hommes gagnent 19% de plus que les femmes, et cette différence persiste tout au long de la vie. Combien de coups de reins encore pour secouer la pesanteur du joug sexiste? C’est que chacun de nous se doit de traquer la « blague » ou le comportement  sexiste.

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 Suggestions de la réalisatrice : La bataille pourrait-t-elle se livrer sur le plan de la maternité, dernier refuge de l’inégalité des sexes? Elle vous offrira en prime un balayage  maison délirant des nouvelles constellations familiales!  Un seul regret : l’absence de ces sorcières  d’antan dont on aurait aimé honorer la mémoire, car les honorer  c'est faire l'éveil devant la crainte de nouvelles formes d'inquisition, c'est dénoncer  les discours fondamentalistes qui se présentent comme vérités immuables.  Depuis toujours,  on pratique la recherche de boucs émissaires responsables de tous les maux de la société, et on ferme pudiquement les yeux.

CRÉATION

Générique:

Avec: 
Sophie Barbi
Daphné D’Heur (et création sonore) 

Isabelle De Beir
Catherine Decrolier
Mathilde Rault 


COLLABORATION À LA SCÉNOGRAPHIE   
Noémie Vanheste, Antoine Vilain aux éclairages
REGIE GENERALE
Antoine Vilain

ASSISTANAT À LA MISE EN SCÈNE   
Fanny Donckels
 
ÉCRITURE, SCÉNOGRAPHIE & MISE EN SCÈNE   
Christine Delmotte
 
COPRODUCTION  
Cie Biloxi 48 | Théâtre en Liberté

DUREE DU SPECTACLE
1h25 sans entracte

Du 11 novembre au 10 décembre 2016

Devant le succès du spectacle NOUS SOMMES LES PETITES FILLES DES SORCIERES QUE VOUS N'AVEZ PAS PU BRÛLER, deux représentations supplémentaires sont ouvertes 
LES SAMEDIS 3 ET 10 DECEMBRE, à 15 h 00

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http://theatre-martyrs.be/saison/nous-sommes-les-petites-filles-des-sorcieres-que-vous-navez-pas-pu-bruler/8935A8E9-EA6C-1BAD-99D0-DDEAC35F8B9F/

https://fr.wikipedia.org/wiki/Malala_Yousafzai

https://fr.wikipedia.org/wiki/Femen

https://fr.wikipedia.org/wiki/F%C3%A9minisme

 

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administrateur théâtres
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A coups de ciseaux de couture

Du 08 au 19 septembre 2015 à 20h30 au Théâtre de la Samaritaine (16, Rue de la Samaritaine, 1000 Bruxelles)

Création, adaptation, scénographie et mise en scène de Lucy Mattot
Textes: Jean Genet, Jean Cocteau, Juliette Noureddine, Berthold Brecht.
Avec Bertrand Daine, Lucie de Grom, Julie Dieu, Alicia Duquesne, Zoé Henne, Lucie Mattot, Romina Palmeri et Quentin Meurisse.
Direction musicale et compositions: Quentin Meurisse.
Aide au travail corporel: Salomé Génès. Photographie: Simon Paco

Il s’agit d’une création autour des bonnes à tout faire, de la folie meurtrière et des pulsions engendrées par l’asservissement. La plus grande partie du spectacle est composée d’extraits choisis des «Bonnes» de Jean Genet. Des textes et chansons d’auteurs tels que Brecht, Cocteau, Juliette… s’imbriquent dans la progression de la pièce. La musique est très importante dans ce spectacle puisque une composition musicale alternative accompagne les comédiens.


Nous assistons à une cérémonie célébrée par deux bonnes visant à répéter l’assassinat de leur maîtresse. Asservies, humiliées par leur condition, ces deux soeurs sont chacune leur propre miroir, engendrant un dégoût mutuel pour l’autre et pour elles-mêmes.
Ainsi, veulent-elles vraiment tuer Madame, où se libérer en s’entretuant?
Découpées en plusieurs étapes, la pièce est ponctuée de textes et chansons choisis pour chaque étape: d’abord, il y a l’humiliation de l’asservissement. Puis, la pulsion de meurtre. Ensuite, la haine aveuglante. Et finalement, la libération.

Une répétition ultra-théâtrale, des corps-à-corps féminins d'une violence inouïe et magnifique, d'une beauté de ravages. Les visages se touchent presque pour boire ou échanger les paroles empoisonnées. La tension dans la salle, soutenue par une musique digne d'Hitchcock est presque insoutenable et il faut du temps après le spectacle pour digérer cette proposition originale qui cerne au plus près les sources de violence. L'homme est absent de la scène, les femmes sont maître et esclaves et s'entretuent au propre comme au figuré. La qualité de l'interprétation est d'une  audace  dramatique incroyable. Allez-y, le cœur lourd et si vous n'avez pas froid au yeux. Il est vrai que cette proximité de violence paroxystique fait cruellement penser à celle du monde qui nous entoure, nous qui vivons protégés dans nos bonheurs respectifs.  Le jeu théâtral du trio est de la pure sculpture démoniaque avec une mention spéciale pour Romina Palmeri qui dégage une énergie ....effrayante ! Bravo!

PS On aurait aimé avoir un feuillet avec les titres des différents textes, même si le travail scénique refuse les coutures apparentes, car la compréhension se bloque de temps en temps...ou Est-ce l'essence de la violence intrinsèque qui bloque tout?

— Tirésias —
Amis, peut-être
Serez-vous surpris par le noble langage
De ce poème vieux de milliers d’années
Que nous avons appris par cœur. Le sujet,...
Si familier, si cher aux auditeurs d’autrefois,
Le sujet vous en est inconnu. Aussi permettez-nous De vous le présenter. Voici Antigone,
Fille d’Œdipe et princesse. Ici, Créon,
Son oncle, tyran de la cité de Thèbes.
Je suis Tirésias, le devin. Celui-là
Mène une guerre de rapines
Celle-ci n’accepte pas ce qui est inhumain,
Elle est anéantie. Mais sa guerre à lui,
Qui mérite bien d’être appelée inhumaine,
Sa guerre tourne au désastre. L’indomptable, la juste, Sans égard pour les sacrifices de son propre peuple, De son peuple réduit en servitude, c’est grâce à elle
Que la guerre a pris fin. Nous vous prions
De vous souvenir d’actes semblables,
Accomplis dans un passé plus proche, ou de l’absence D’actes semblables.
Antigone (1947) — Bertold Brecht (Prologue)

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administrateur théâtres

12273067452?profile=originalUn Don Juan aux semelles de vent!

 

Thierry Debroux, le metteur en scène, explique : « ce n’est pas l’attitude de libertin que Molière condamne à la fin de son texte mais l’aptitude de ses contemporains à feindre la dévotion. Pas étonnant que la pièce, bien qu’appréciée par Louis XIV, fut retirée assez vite de l’affiche et ne fut plus rejouée du vivant de son auteur. Une autre lecture de la pièce pourrait nous amener à penser que le véritable enfer de Dom Juan, c’est le consumérisme, et en cela il représente à merveille notre société contemporaine. Il consomme les femmes, comme notre société consomme les objets, mais cette consommation finit par le lasser. Il provoque toujours plus le ciel. Il sait qu’il fonce droit dans le mur...et plus Sganarelle ou Elvire tentent de lui ouvrir les yeux sur la catastrophe imminente, plus il s’obstine à se vautrer dans le scandale… ».

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 Voilà donc campé un Dom Juan mobile, épris de vitesse et de changement, fuyant l’étau de l’autorité et des responsabilités  au pas de course,  blasphémateur, tellement iconoclaste et impénitent que l’on finit par s’en faire une idée à la limite de la caricature. C’est Sganarelle - le héros de ce drame joué à l’origine par Molière lui-même - qui rassemble dans son personnage toute notre sympathie et notre admiration de spectateurs. D’entrée de jeu il a établi une connivence immédiate avec les fumeurs de la salle - une minorité sans doute - mais qui a atteint le reste du public de façon virale tant son jeu théâtral est juste, désopilant et plein d’esprit. Le tabac soudain fédérateur fait un tabac!  Dans ses manières si humaines, pleines de bon sens, loin de tout extrême, il dénonce les -ismes du monde et les fracas impies de son maître à coup de formules et de questions bien senties. On l’adore et on compatit avec ses faiblesses, puisqu’il sera le grand perdant : « Voilà par sa mort un chacun satisfait: Ciel offensé, lois violées, filles séduites, familles déshonorées, parents outragés, femmes mises à mal, maris poussés à bout, tout le monde est content. Il n'y a que moi seul de malheureux… » « Mes gages, mes gages ?» hurle-t-il à la fin. Même les grands évanouis, les petits trinquent toujours.  Et Benoît Van Dorslaer est un tout grand comédien !

12273066458?profile=original Cependant,  à force d’effets  burlesques  foudroyants, ce Dom Juan interprété avec fougue et énergie par  Bernard Yerlès  ne perd-il pas  un peu la trace du libertin bon teint, apôtre de la transgression et suprêmement humain,  et qui se sent en incompatibilité absolue  avec les nœuds du monde qui l’entoure ? Lorsqu’il veut  désespérément inventer une nouvelle mesure des choses, des êtres et des événements et court assoiffé d’espace vital et de désir, ne court-il pas directement …à sa propre perte? Ironie du sort, il commettra lui-même le péché d'hypocrisie qu'il abhorre!

  En effet, le Dom Juan intemporel de Molière est un futur héros du 18ème siècle : il poursuit tel un Don Quichotte, une liberté  chimérique qui sans cesse se dérobe. Il rêve d’une égalité de chacun, dans la fraternité  et devant la Raison.  Si Dom Juan consent à donner la pièce au mendiant dans la scène du pauvre, il le fait par amour pour l’humanité, non par peur du châtiment divin. Jean-Jacques Rousseau écrit dans la première version de son "Du contrat social" en 1762 : "La terre entière regorgerait de sang et le genre humain périrait bientôt si la Philosophie et les lois ne retenaient les fureurs du fanatisme, et si la voix des hommes n'était plus forte que celle des dieux." Et bien que Sganarelle nous  soit si sympathique, n’est-il pas temps de  traverser une période hantée par les abus de pouvoir, le puritanisme et la bigoterie par le rire étincelant et blasphémateur grâce au personnage décrié de Dom Juan?  

 

 Situations baroques qui bouillonnent d'impertinence… et le public de rire de bon cœur  ou de se récrier au cours de cette tragi-comédie inquiète et impatiente. Les décors évanescents faits de splendides boiseries épurées et lumineuses enchaînent les paysages imaginaires  les plus variés puisque Molière a décidément rompu avec les règles classiques de l’unité de temps, de lieu et d’action.

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Au niveau de l'excellence théâtrale, le comédien Luc Van Grunderbeeck qui se glisse dans de multiples personnages (Dom Louis, le Pauvre et Le Commandeur) fait merveilles et sera salué avec passion!  La langue admirable de l'auteur dramaturge est une constante qui émeut et fait plaisir,  superbement préservée dans son rythme et sa poésie malgré l’absence de versification… Fermez les yeux, c’est Molière qui  berce l’humain  entre Dom Juan et Sganarelle!  

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Le mot de Thierry Debroux:

Madame, Mademoiselle, Monsieur,

 

Le 15 février 2015, au lendemain de notre dernière  

représentation, cela fera, jour pour jour, 350 ans que se  

donnait pour la première fois le Dom Juan de Molière. 

Profitant du départ des Italiens qui jouaient avec grand succès 

un Dom Juan, Molière s’empare de l’intrigue et en quelques 

jours, dit-on, écrit la pièce que vous verrez (ou reverrez) ce soir.

 

On a tout écrit sur Dom Juan et on l’a « cuisiné » avec mille 

épices différentes.Mozart, comme vous le savez, en a fait un opéra avec le 

concours de Da Ponte et tout récemment, au Théâtre Royal de  

la Monnaie, la mise en scène de ce chef-d’oeuvre a suscité une  

vive polémique.

 

Mais revenons à Molière. La pièce est étrange et mélange  

tous les genres. On passe sans transition d’une discussion  

philosophique à un numéro de commedia dell’arte… Molière  

fait de nombreux emprunts à la version italienne… mais  

dépasse la farce, effleure la tragédie, plonge dans le drame, ose  

le grand guignol…

 

Nous avons tenté de prendre en compte tous les chemins  

qu’emprunte l’écriture, tous les genres littéraires qui se  

superposent.

 

A l’époque où Molière écrivit ce chef-d’oeuvre, ses provocations  

lui attirèrent les foudres des intégristes. Il risqua sa vie comme  

l’ont risquée les dessinateurs de Charlie Hebdo, à qui je veux  

rendre hommage ici.

 

J’espère que vous passerez un bon moment en compagnie d’un  

auteur courageux. 

Du 15 janvier au 14 février 2015

(29 représentations).

http://www.theatreduparc.be/

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administrateur théâtres

lecole-38-5a530-3ea21.jpg?width=101 Dix sur vingt ? Trèees Bien!

 « L’école est finie ! » c’est le titre grinçant de la pièce de Jean-Pierre Dopagne.  Le théâtre n’est jamais loin de l’école et vice-versa. Demandez à vos  ex-profs préférés ! On espère donc sincèrement, que ni l’un ni l’autre ne seront finis de sitôt. Et pourtant, la menace couve, c’est notre culture que l’on assassine, dit-on dans les journaux! Voilà donc le propos de cet opus  éblouissant qui veut mettre l’alarme au camp!

 lecole-44-087bc-a78dc.jpg?width=150 Voici en tous cas, une pièce qui sauve, un radeau solitaire sur un océan de conformité. Cette pièce bourrée de vitriol, de dynamite et de phosphore est bien sûr aux antipodes de la version   éponyme de la chanson de Sheila, où après des années de travail scolaire ardu, on sortait de l’école équipés pour la vie et rêvant à l’amour! La comédienne d’aujourd’hui, Chloé Struvay, véritable virtuose des émotions,  perce les impostures modernes  les unes après les autres, cherchant l’adhésion du spectateur  de son regard incisif  - c’est du théâtre de proximité ! - et  explose toutes les hypocrisies contemporaines  à la manière d’une kamikase, avec un sourire ravageur. Elle diffuse une énergie sans pareille et se révolte de toutes ses fibres (les siennes et  celles de l’enfant qu’elle porte),  contre les tromperies qui ont semé son jeune parcours.

lecole-60-17e46-ad297.jpg?width=150Chloé Struvay (alias Caroline, 22 ans)  commence d’ailleurs par un mot très fort, elle parle du « viol » originel de sa personne. Elle a conscience que la société  en la privant de sens, lui a volé son unicité, sa conscience d’être et sa raison d’être. Même régime pour les élèves dont elle aura la charge une fois devenue enseignante à son tour!  Pour elle, l’enfant est sacré, il doit être éduqué, comme le verbe « educere » latin l’indique… « conduit, guidé  hors de… ». On ne peut se contenter d’étouffer les humains à petit feu. Elle a eu la chance incroyable de  résister, de s’accrocher aux nourritures spirituelles et s’en sortir, par sa seule volonté. Grâce à sa vitalité et sa rage de vivre, mais combien d’autres seront laminés ?

lecole-63-c5978-5c893.jpg?width=101L’enseignement au 21e siècle frise l’imposture et fait de plus en plus partie intégrante de la machine économique! Qu’il est loin le temps des arts libéraux ! Qui  lit encore Victor Hugo? Elle est une Antigone de notre société nouvelle. « Antigone, une fille comme vous et moi. Qui fait la guerre à la bêtise humaine et qui franchit les interdits » Au pays du surréalisme, la fausse nouvelle  récente du journal Nordpresse n’est pas si imaginaire que cela : « Depuis l’avènement d’Internet et des jeux vidéo, le Bescherelle a essayé de maintenir une conjugaison basée sur le sens et pas sur le son. Son usage fut conseillé à chacun, mais dans son édition 2015, tout change enfin. Dans sa prochaine édition, disponible en librairie dès le mois de Janvier, le manuel désire se conformer à l’usage courant de notre jeunesse. Au lieu de se braquer sur une pratique d’un autre âge écartant de facto les bloggeurs, joueurs en ligne et autres communautés de gens privés de vie sociale, il permettra enfin à chacun de choisir l’accord qui lui plaît. » Elle se bat férocement  pour la grammaire, les accords de participes passés,  les subjonctifs imparfaits, le scintillement du vocabulaire et  une  langue de culture, bref, ce qui nous relie entre nous ! Elle conspue les grilles de toute nature… les grilles de prison, celles  de lecture, celles d’évaluation… tandis que notre  propre grille horaire s’est arrêtée pile pendant ce spectacle courageux! Chloé Struvay (alias Caroline, 22 ans) va-t-elle réussir à arrêter le temps ?  

 

 lecole-87.jpg?width=501Le soir de la première au théâtre du Blocry (Jean Vilar) et le lendemain, les moindres strapontins sont occupés. On sent vibrer les réactions du public qui se boursoufflent de colère partagée contre un système qui dénature l’essence même de l’enseignement. En gros, on n’apprend plus aux gosses et adolescents à grandir en faisant des efforts sur eux-mêmes. On leur donne des leçons de vide et on leur apprend à simuler.  On les anesthésie  de paroles lénifiantes et de savoirs de plus en plus allégés, du berceau à la sortie de l’université, en espérant former des foules dociles et consentantes qui nourriront  le très rentable  collimateur du consumérisme économique. Cela passe  - comme dans le 1984 du célèbre George Orwell - par la réduction du langage à un kit de vocabulaire de survie, incapable d’exprimer ou pire d’énoncer  la moindre  pensée structurée.  

 

 lecole-71.jpg Large extrait : «- Parfaitement, Mademoiselle. - C'est Bouchard qui parle. - Le citoyen d'aujourd'hui doit être un citoyen de l'univers en expansion. Et l'expansion de l'univers, aujourd'hui, c'est la production et l'intégration. Ce sont les cadres, les normes, décrets et directives, indispensables à la bonne évolution des sociétés. Le poids des volailles, le calibrage des tomates, le temps de parole au journal télé, les quotas hommes-femmes sur les listes électorales, le nombre d'actes médicaux à poser dans un hôpital... tout est encadré et scientifiquement évalué par des organismes certifiés. Aujourd'hui, même les pays, les Etats reçoivent une note et un bulletin d'évaluation. C'est le devoir de l'Ecole d'assurer à tous les élèves une formation à l'encadrement, une qualification pour leur intégration dans la vie économique. Je traduis : citoyen signifie consommateur ; expansion veut dire mondialisation ; qualification : uniformisation ; formation : soumission ou formatage ; encadrement : emprisonnement ; vie économique : lois du marché ; formation : mise à mort de la liberté. »  Tout va « trèeees bien », madame la Marquise! Bravo Chloé Struvay (alias Caroline, 22 ans).  

L'Ecole est finie !



Théâtre Blocry / Louvain-la-Neuve

Une production de l'Atelier Théâtre Jean Vilar et du Festival Royal de Théâtre de Spa. Le spectacle est créé à Louvain-la-Neuve cette semaine, dans une mise en scène de Cécile Van Snick (interprétation : Chloé Struvay). Du 6 au 26 novembre.

www.atjv.be

Le livre de Jean-Pierre Dopagne (éd. Lansman) sera en vente en primeur lors des représentations.

photos © Véronique Vercheval

 




 
 
 
 
  



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administrateur théâtres

Fathers & Sons vus à l'envers?

Un drôle de père

Les lumières s’éteignent, se rallument, les comédiens sont-ils en retard ? Jeu de projo devant le rideau: l’un d’entre eux vient faire des confidences au public à propos du  héros du jour. Mon père, ce héros ? Tour à tour, entre les différents actes, les comédiens  parlent d’une sorte d’hommage géant au père, à l’ami, à l’amant, au mari. Quatre points cardinaux de toute  la vie de François Garnier.  Mais il y a ceux qui aiment et ceux qui détestent  …les surprises!  

Magnifique décor de Francesco Deleo. Le rideau se lève sur un appart en duplex très design avec bar escamotable : côté Bibli (le fils ?) et  côté Bibendum (le père ?). Il suffit d’appuyer sur un bouton et cela démarre.  Le bouton du rire évidemment.  Un rire omniprésent et totalement dérangeant pour  Christophe, ce fils tristounet.

On a inversé les valeurs ...ou les habitudes. C’est le Père (François Garnier, ascendance God Save the Queen), qui est un comble de légèreté, d’instabilité et de dilettantisme. C’est le Fils (Christophe, ce qui n’est pas rien comme prénom) qui est sérieux comme un pape. Il  n'a pas de petite amie, lit Kant, adore Socrate, porte des costumes de vieux et n’a jamais dit une seule phrase humoristique de sa vie. Ce qui   sépare  père et fils  inévitablement et dramatiquement. Pas drôle, un drôle de père ! Drôle de guerre même ! Ils se sont perdus de vue depuis deux ans, au détour des infidélités paternelles et  au cours de ses dilapidations d’argent successives.

Vont-ils se retrouver enfin (le mot est lourd de sens) lors d’éphémères vacances  alors que le script de sa vie légère se réécrit soudain en tragédie ? En effet, de graves menaces de maladie en phase terminale planent sur la santé du père qui avoue (lucidement pour une fois)  n’avoir plus beaucoup d’autre choix hors celui de l’incinération ou de l’inhumation.

Comment reconquérir un fils aliéné par des années de négligence ? Comment, lui qui adore son  beau-père,  redécouvrir un père honni à cause de  cette aura d’amuseur public que tout le monde  vénère, y compris son ex-femme (idéale), remariée depuis 16 ans et mère de deux enfants?

Photo

Photo: St Pascal ?!

  

Les joutes verbales entre le Saint-fils et le père charmant, volage et irresponsable, ont assurément du piquant. Particulièrement  en deuxième partie du spectacle où le cynisme à la Sacha Guitry est monté en puissance. Le duo Pascal Racan /Robin Van Dyck  est éloquent, efficace et profondément émouvant. Le mélange de colère et d’humour fait mouche. Les poncifs et les mensonges  font rire « je peux tout expliquer et quand tu comprendras, tu vas RIRE ! »   Mais  des bribes de dialogue retentissent dans la mémoire… « Mais  QUI est le père de cet enfant ? »  ou « « J’ai fait le bilan de ma vie cette nuit ? Cela t’a pris longtemps ? Cinq minutes… » Et encore, « Tu sais, Papa à huit ans on est toujours un peu conservateur ! ».  

Un drôle de père

Au verso de la comédie, il y a la menace de la panoplie de traitements  que François va devoir subir et auxquels il se refuse… et ses rapports avec la Médecine.  Il y a dans ces circonstances difficiles,  une date que tout le monde semble oublier. Et pourtant !  Nous n’en dirons pas plus.

Le fidèle ami, c'est  Michel Poncelet, comme on le connait, un bonhomme  efficace et tendre. Le jeu de la troupe des  sept comédiens est étincelant, on contourne avec beaucoup d’humour le pathos et on se prend les pieds dans un tapis de rires bienfaisants. Les quatre  personnages féminins sont des points cardinaux  bien plantés, drôles, touchants et spirituels, superbement habillés ou déshabillés, on a le choix! Elles sont toutes  resplendissantes : Rosalia Cuevas, Eléonore Peltier, Catherine Claeys et Angélique Leleux.  Les splendides costumes  sont signés Fabienne Miessen. Si la mise en scène d’Alexis Goslain est quelque peu tortueuse - on préfère de loin les parties « rideau levé » aux apartés de bord de scène - cela fait  sans doute  partie de la réécriture de Gérald Sibleyras. La pièce originale est un immense succès de Bernard Slade, grand dramaturge comique anglo-saxon, auteur d’une multitude de  sitcoms, dont « Ma sorcière bien-aimée».

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04f06818d335b3dd653907b83d52fce8.png?1310493152Dès les premières mesures, le chef d’orchestre Paolo Arrivabeni  - une première pour le maestro- convoque l’atmosphère. On sait que ce sera musicalement superbe. Intensité dramatique croissante : les contours angoissants de la sinistre prison emplissent l’imaginaire engouffré dans les replis de la musique et accroché à l’ombre portée  des barreaux sur le rideau. Où se trouve donc le prisonnier enfermé pour dissidence?

C’est alors qu’une très instinctive Cinzia Forte donne vie à la jeune Marzelline, la fille du geôlier de la prison d’état et ne se laisse pas faire par Jaquino (Yuri Gorodetski) qui a décidé de l’épouser, per amore o per forza ! Heureusement que le père a du bon sens et ne veut pas livrer sa fille au premier venu ! « Quand on n’a pas d’or on ne peut pas être heureux ! » Morale bourgeoise ? Mais là n’est pas le propos !

_dsf6838__b_.jpgFidelio, le seul et pour cela très unique opéra de Beethoven, raconte le sauvetage du prisonnier politique Florestan par son épouse Léonore. Léonore habillée en garçon, Fidelio, obtient un emploi avec le directeur de la prison, Rocco. Elle persuade Rocco de laisser les prisonniers respirer au grand jour quelques moments, en espérant que cela offrira à Florestan une petite chance d'évasion. Mais à son insu, le gouverneur tyrannique Don Pizzaro prévoit de le tuer puisque Rocco s’y refuse ( « Das Leben nehmen ist nicht meine Pflicht »), afin de ne pas être découvert et confondu par les autorités pour ses agissements. Léonore fera tout, y compris creuser de ses mains la tombe de son mari pour lui venir en aide et lui faire retrouver la liberté.

La dualité obscurité / lumière oriente le texte, la musique, les voix et la mise-en scène. A chaque niveau on perçoit une nette (r)évolution de l’une vers l’autre. A tout moment l’auguste épouse est une femme debout qui se bat impitoyablement contre la dictature, l’oppression et la haine. Le ton se situe  entre le conte fées et un jeu qui rappelle Bertold Brecht. La musique oscille dans le premier acte entre des réminiscences lumineuses d’Haydn ou de Mozart, tandis que dans la deuxième partie les couleurs complexes et sombres  du romantisme se développent et parallèlement, l’idéalisme humaniste de Beethoven. Cette musique exemplaire devient exemple de moralité. Une moralité constamment rappelée par un Rocco diablement  humain et sympathique. Lui et sa fille ne vivent-ils pas dans une prison, la condition humaine? Une superbe voix de baryton: Franz Hawlata. Osmin dans « L’enlèvement au sérail » dernièrement sur la même scène et L’esprit du lac dans « Rusalka ».  

Dans son air sublime, Léonore, la merveilleuse soprano américaine Jennifer Wilson,"l'une des plus grandes sopranos dramatiques du monde",  s’exclame en deux montées l’une chromatique et l’autre diatonique sur le si aigu pour cueillir le mot magique « ERREICHEN ». Oui, elle entrevoit l’issue heureuse de son entreprise ! Trois cors, symboles de l’espoir, l’accompagnent et annoncent la promesse de la victoire. Dans le récitatif qui précède, l’orchestre et les timbales ont annoncé le danger qui guette le prisonnier et donnent à entendre son cœur qui bat. « Fidelio, ich habe Mut ! » L’amour peut supporter les pires souffrances. Le dictateur a beau mugir avec extase ses envies de vengeance meurtrières : «  Triumph, Der Sieg ist mein ! » C’est bien la lumière et l’amour qui seront victorieux. Don Pizzaro est interprété avec énormément de conviction par Thomas Gazheli.  

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La scène où les prisonniers retrouvent l’air et la lumière est particulièrement bouleversante : « O Welche Lust in freien Luft den Atem zu nehmen ! »  Fidelio en pleure. Alors que les chuchotements des prisonniers (« Sprecht leiser ! ») annoncent déjà leur adieu à la chaude lumière. Une splendide chorégraphie de Marcel Seminara. Les gardes mettent en joue les prisonniers.

Au deuxième acte, la sombre introduction avec cuivres lugubres et timbales fatidiques laisse filtrer un bruissement de flûtes et l’espoir renaît. La voix solitaire du prisonnier fuse : « O grauenvolle Stille ! O schwere Prüfung , doch gerecht ist Gottes Wille ! »  Zoran Todorovich a la voix de ténor idéale pour ce rôle, glissant légèrement entre  les ombres de la souffrance et la lumière.  Il se soumet aux desseins de Dieu, bercé par les violons ; il a dit la vérité et le cachot est sa récompense.  De sa voix claire et souple « Gott ! Welch Dunkel hier ! »  Florestan chante tour à tour sa souffrance et son espoir en la liberté. Il a soudain perçu une lueur féerique et senti la voix de sa femme? Magie musicale et affective s’emmêlent, on est en plein conte de fées !  Les voilà qui chantent à trois l’espoir radieux retrouvé !  Léonore a offert du pain au prisonnier qui ne l’a pas encore reconnue sous son lourd manteau. Lorsque Pizarro descend pour le tuer, Léonore dévoile son identité de femme, s’interpose et le menace de son pistolet.

 

_dsf6888__b_.jpgLe bon ministre Don Fernando (Laurent Kubla) est arrivé, Pizzaro emmené par des gardes. C’est Leonore qui libèrera son mari des entraves. « O Gott, welch ein Augenblick ! » « Liebend ist es mir gelungen, dich aus Ketten zu befrei´n».  La lumière emplit l’espace et inonde le plateau qui avait pris l’apparence d’un pénitencier moderne. Dans le final  resplendissant qui  s’apparente à la thématique de l’Hymne à la joie - long moment inoubliable - toutes les femmes suivent l’exemple de Léonore et enlèvent les fers des pieds de leur mari, les jetant avec dégoût au bord de la scène. On est très loin de la moralité bourgeoise! Il s'agit plutôt d'une morale héroïque.  On ressort du spectacle, l’amour de la liberté fiché dans le cœur. On a entendu un émouvant manifeste pour l’amour conjugal, dans sa profondeur et sa vérité, l’accomplissement du devoir moral et l’affranchissement de toute dictature.

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Fidelio

Direction musicale :  Paolo Arrivabeni
Mise en scène :  Mario Martone
Chef des Chœurs :  Marcel Seminara
Artistes :  Jennifer Wilson, Zoran Todorovich, Franz Hawlata, Cinzia Forte, Yuri Gorodetski, Thomas Gazheli, Laurent Kubla
Du vendredi, 31/01/2014 au mardi, 11/02/2014
http://www.operaliege.be/fr/activites/operas/fidelio
Opéra Royal de Wallonie
Place de l'Opéra
4000 Liège - Cité
Téléphone +32 (0)4221 47 22
location@orw.be
www.operaliege.be

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administrateur théâtres

Propos très vrais… à propos de l'Art du Mensonge!

Il y a quelques temps, on jouait  à la Comédie Claude Volter « Si tu mourais » une autre  pièce de Florian Zeller d’une très belle facture. Et déjà, le mensonge n’était pas une vérité en l’air ! Aujourd’hui, au théâtre des Galeries la nouvelle pièce de Florian Zeller « La Vérité » qui est encore une comédie sur le mensonge, est  résolument moderne. C'est l'histoire d'un menteur … à qui tout le monde ment. Sa femme sa maîtresse, son meilleur ami. Cette pièce légère et très cohérente est admirablement servie par un quadrille de comédiens chevronnés, tous plus justes (vrais?) dans leur interprétation les uns que les autres. Remarquez, on s’en doutait un peu, car la distribution cinq étoiles ne peut pas faillir. MARIE-PAULE KUMPS, MARIE-HELENE REMACLE, MICHEL PONCELET et PIERRE PIGEOLET (qui s’appelle Michel) réalisent un sans-faute pour interpréter magistralement, la vitalité et le charme piquant des dames, et le contraste entre l’honnête homme et le mufle, du côté hommes. Des personnages humains et attachants, même celui de Michel qui nous tend son miroir grossissant !

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Le spectateur suit l’évolution de l’intrigue l’œil amusé car c’est à lui de deviner la vérité. Pour une fois, contrairement aux ressorts habituels du théâtre de boulevard, les personnages sur le plateau tournant ne sont jamais sérieux. Tout est faux ! Seriously ? Une pièce poisson d’avril avant l’heure… et une réflexion véritable sur l’approche Voltairienne du mensonge : « Le mensonge n'est un vice que quand il fait mal. C'est une très grande vertu quand il fait du bien. Soyez donc plus vertueux que jamais. Il faut mentir comme un diable, non pas timidement, non pas pour un temps, mais hardiment, et toujours. Mentez, mes amis, mentez, je vous le rendrai à l'occasion. » Une phrase en exergue de la pièce dans l’édition de chez Flammarion en 2011.

La Vérité - ©Fabrice Gardin 195 [1600x1200].JPG

Mais ce qui frappe surtout, c’est la peinture du monstrueux égocentrisme du personnage de Michel, surjoué à dessein par PIERRE PIGEOLET afin que nul n’en n’ignore. Cette masse d’égocentrisme pervers est tellement déferlante et irritante qu’elle contribue à faire accepter encore plus facilement la théorie de Voltaire ! Alors que le personnage de Michel utilise le mensonge uniquement à des fins personnelles. Sous le couvert du mensonge, cette pièce nous dit donc la vérité sur le plus grand défaut de l’homme. No kidding !


Cette comédie dont la mise en scène est signée Patrice Mincke amuse vraiment et pose en filigrane la question du mensonge sous toutes ses formes dans notre société.   Comme le dit très bien George Orwell : "A une époque de supercherie universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire." ...Et dans les relations intimes,  connait-on jamais la vérité de l'AUTRE?


THEATRE ROYAL DES GALERIES, Galerie du Roi 32 1000 Bruxelles, Infos Réservations: 02 / 512 04 07

http://www.trg.be/saison-2013-2014/la-verite/en-quelques-lignes__4585

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administrateur théâtres

Monsieur chasse? …Madame aussi ! 

Un bouquet de fraîcheur, un festival de railleries et d’esprit français,  c’est la  langue succulente de Feydeau qui agit. Jeux de mots, double-sens, sous-entendus, métaphores et musicalité aérienne. Un spectacle volatile débarrassé de ses lourdeurs de décors bourgeois 19e, remonté à neuf par Jean- Paul Tribout,  exquis metteur en scène francais et  fin comédien. 12272974256?profile=originalC’est lui Monsieur Duchotel, le mari-chasseur qui risque fort d’être chassé …de son logis. Et son spectacle  fonctionne  comme une précieuse horlogerie fine… hors du temps : quelle gageure! Cinq  portes éclatantes de blancheur, comme autant de pages neuves, sans autre décor, font face au public et s’ouvrent sur des personnages d’abord légèrement figés dans leur encadrement agrémenté d’un décor intérieur en trompe l’œil. Ils s'en échappent dans un mouvement diabolique et virevoltant de sortie de boîte. Ils sont  plus vivants que jamais, portés par l’énergie pure du texte et la vérité des sentiments. La diction : savoureusement belle.

 12272973891?profile=originalIls sont ma foi fort modernes, quoi qu’en disent les somptueux costumes d’époque et la  splendide robe émeraude de Léontine Duchotel, une émouvante et merveilleuse Marie-Christine Letort dont le visage et le corps épousent les moindres changements d’humeur. Pour peu on se croirait à l’Opéra.  Au travers de cette comédienne phare, c’est l’institution du mariage qui est en jeu. Au début de la pièce Léontine parle  avec naïveté et candeur de son amie fraîchement divorcée et  pourtant bonne catholique mais à la fin n’est-elle pas prête à réclamer haut et fort un  droit au divorce  bien du 20e siècle? Ah mais il y a un personnage pas mal non plus: ce lit capitonné qui sort lui aussi d’une boîte à surprises très inventives, entourée de nymphes pulpeuses et suggestives…

Léontine Duchotel annonce qu’elle ne sera pas la première à donner le premier coup de canif dans le contrat. Mais, que le mari se méfie, s’il se risque à l’infidélité, elle s’arrogera le droit de faire de même, allant passer deux jours « chez sa marraine »! Un procédé qui enclenche une mécanique d’œil pour œil, dent pour dent extrêmement mouvementée et drôle, et certes, aucunement vieillie ! Léontine porte le spectacle avec vérité humaine profonde - sa palette de sentiments est fascinante -  et ce, sans la moindre préciosité.

 L’intemporalité de ce vaudeville, est  incontestable. L’homme, quel que soit son âge résiste à tout sauf à la tentation, toujours à l’affût d’aventures et de chimères  il ne peut se contenter du confort tranquille du mariage et recherche les dangers de la chasse.  Léontine règne sur le plateau, lieu de joutes en tout genre, craquante de franchise et d’ingénuité dans ses hésitations extra-maritales avec le docteur Moricet. 12272974883?profile=originalLe rythme se fait vertigineux entre Jacques Fontanel  qui interprète ce rôle de vieux séducteur de médecin avec totale sincérité … immensément factice et Emmanuel Dechartre qui ne rêve que de se venger de l’infidélité de son épouse, Madame Cassagne. Xavier Simonin fait un valet et un inspecteur de police très caustiques, tous deux   joliment doués de  sublime hypocrisie. Coiffé en pétard, Thomas Sagols  se prête très justement au  jeu du jeune  neveu, Gontran,  voluptueux bachelier glandeur et  roublard. Claire Mirande, ex-comtesse de la Tour est devenue une  concierge-cocotte intrusive et bavarde qui rajoute, si besoin était,  de  nouvelles coupes de bulles au breuvage capiteux qu’est … le texte !  

http://www.atjv.be/Monsieur-chasse

"Monsieur Chasse" de  Georges Feydeau

Mise en scène de  Jean-Paul Tribout,

Avec  Emmanuel Dechartre,  Jacques Fontanel, Marie-Christine Letort, Claire Mirande, Thomas Sagols, Xavier Simonin, Jean-Paul Tribout

 

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