Du 19 septembre au 20 octobre 2013, au théâtre du Parc
La plongée dans nos nuits par Dominique Serron et Vincent Zabus : « Enfin, après 1001 nuits, la transformation complète de l’homme le révèle, aimant et pleinement pacifié. »
La réalité ? On a pendu la crémaillère chez Laurent (éditeur, la quarantaine) et Laure, qui ont emménagé dans un appartement improvisé dans une ancienne librairie désaffectée, autre réalité. Peut-être celle de L’ombre du Vent … A cet événement, ils ont choisi le thème de la fête : les contes de mille et une nuits… Hasard ? Nécessité ? La réalité appelle-t-elle l’imaginaire ou est-ce le contraire qui se passe? Une dispute Shakespearienne a surgi au sein du couple, « the green-eyed monster » plante ses crocs au fond du cœur de l’homme ! Laurent est jaloux ! Il a besoin de sa dose de valériane pur pouvoir dormir mais il a évidemment perdu la clé de l’endroit où elle est rangée.
Nouvelle réalité: c’est Monsieur Ibrahim, (l’épicier de la rue Bleue, vous vous souvenez ?) qui débarque et lui présente des cornes de gazelle pour le consoler: « Mangez ! Et lisez !!! Laissez‐vous envahir l’esprit… » Début du voyage initiatique façon Lewis Caroll. Ces gâteaux magiques, une fois croqués, deviennent les gâteaux aux amandes dégustées par Shazaman et Shariyâr, deux sultans d’un autre âge et d’un autre espace, affolés par « la trahison féminine ». Entretemps - si l’on peut dire - l’art de la suggestion, les costumes, les voiles qui voilent et dévoilent, la danse, les éclairages subtils ont réveillé l’imaginaire du lecteur. L’Orient est là. Le spectateur, lui, se sent happé dans la galaxie théâtrale : c’en est fait de lui, il n’est plus spectateur. Il est acteur aux côtés de mille et un personnages et a libéré son propre imaginaire.
L’esprit de Laurent se peuple des personnages des contes que lui racontait sa mère. Tout un programme ! L’imaginaire est à la fois évasion et prison, comment s’en sortir ? La sève de l’histoire est la fresque des peurs et des angoisses humaines. Nous sommes dans le théâtre de l’invisible. Voilà les deux sœurs, Shéhérazade (une Antigone orientale admirablement jouée par France BASTOEN) et sa sœur Dounia… même intelligence, même complicité, même humanité, même soif de justice, hors la fin funeste d’Antigone. Shéhérazade brave l’autorité paternelle (un Patrick BRÜLL flamboyant). Elle veut arrêter le massacre. Elle a le plan que l’on connait. Elle va métamorphoser le cruel Shariyâr. Ou Laurent, qui sait ? Ou le spectateur?
L’histoire a été co-écrite par Dominique SERRON et Vincent ZABUS. Une écriture fluide, généreuse, pétillante d’humour et fourmillant de références. Elle puise sa source dans une très belle humanité et elle émerveille. Pas étonnant que surgissent alors tous ces personnages fabuleux et si vivants à la fois, au sein d’imaginaires si bien conjugués ! Les failles de Laurent sont les chemins qu’il faut emprunter résolument pour accéder aux questions essentielles. Tous finissent par se sentir transformés : écrivains, comédiens, spectateurs. Le grand Sigmund a lui aussi traversé la trame de l’écriture. La psychanalyse des contes de fées de Bruno Bettelheim agit en sourdine. Et le miracle de la réconciliation finit par advenir après des tribulations fantastiques qui mélangent hardiment Laurent, son frère, son père, son patron et sa femme adorée et les personnages de contes.
Comme dans l’Oiseau bleu de Maeterlinck, il y a une fée mystérieuse qui guide Laurent dans ses pérégrinations et ses épreuves. Le nombre trois est mythique. Laurent en est conscient et joue le livre dont il est le héros! Il vogue avec une présence et une aisance extraordinaires d’un personnage à l’autre. Son regard, ses gestes, ses répliques ne cessent d’interroger passionnément. Malgré ses quarante ans, il a gardé toute la fraîcheur d’une âme enfantine. Vous vous souvenez du jeune Guy Béart ? C’est un peu lui… Mais de qui parle-t-on ? Mais du comédien, bien sûr, Laurent CAPELLUTO ! Une personnalité très attachante et impétueuse. Et Laure, innocente, féminine et moderne en diable, qui est-elle ? Qui est le miroir de l’autre ? Laure ou la délicieuse Laure VOGLAIRE, comédienne ? « Qui suis-je ? » est la question récurrente.
Une pièce incontestablement novatrice et passionnante. La mise en scène est éblouissante. Les décors poétiques s’effacent, se fondent, s’élèvent, volent presque! Tout y est : depuis les 40 voleurs jusqu’au tapis volant en passant par d’autres contes moins connus. Musiques envoûtantes (Jean-Luc FAFCHAMPS, assisté d’Aldo PLATTEAU), lumières et costumes féeriques. Beauté scénique à chaque tableau que l’on doit se retenir d’applaudir. La troupe de l’Infini Théâtre est merveilleuse, jeune, audacieuse, créative à l’infini. Ils n’ont certes pas volé leur titre : « the sky is the limit ! »
Mise en scène : Dominique SERRON.
Scénographe: Ronald BEURMS.
Costumes: Renata GORKA.
Lumières: Nicolas OLIVIER.
Création Musicale: Jean-Luc FAFCHAMPS.
Assistant : Valentin DEMARCIN.
Assistante: Florence GUILLAUME.
Assistant stagiaire: Antoine COGNIAUX.
Avec:
Laurent CAPELLUTO (Laurent (le mari de Laure), le portefaix, le prince endormi)
Laure VOGLAIRE (L'épouse de Lui, la première pucelle, la femme enterrée vivante)
France BASTOEN (Shéhérazade, la deuxième pucelle, la mère de l'adolescent)
Vincent HUERTAS (Le frère de Laurent, le sultan Shazaman, Masrour...)
Jasmina DOUIEB (Jasmina (l’amoureuse du frère), Douniazade (sœur de Shéhérazade)...)
Patrick BRÜLL (Le père de Laure, le Vizir (père de Shéhérazade), Robert l’Ifrite...)
Othmane MOUMEN (Monsieur Ibrahim (l’épicier), les trois Qalandars, la vieille Sacamal...)
Vincent ZABUS (Jean-Jacques (le patron de Laurent), le sultan Shariyâr, Djafar le vizir déguisé)
Photos: Isabelle De Beir
En savoir plus: http://www.theatreduparc.be/spectacle/spectacle_2013_2014_001