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SPECTACLES

Allons … badiner!

La Compagnie du Temps Perdu a posé ses bagages… à Bruxelles ! Ils sont absolument extraordinaires, se produisent en ce moment au théâtre de la Clarencière 20 rue du Belvédère, 1050 Bruxelles, juste derrière Flagey. 50 places. Courez-y, vous reviendrez le cœur en fête et les larmes aux yeux ! Spécialement si dans vos jeunes années, les bibliothèques universitaires étaient votre havre de paix…ou votre studieux lieu de rencontres !

La pièce est signée et interprétée par Maximilien Solvès et Christel Pourchet. Et ces deux comédiens, sont aussi bons que… les Émotifs anonymes, aussi généreux qu’une pêche miraculeuse. Les répliques sautent de partout, vous éclaboussent de bonheur, vous chatouillent l’esprit et le cœur. C’est du merveilleux théâtre aussi drôle que celui de rue, aussi intense que la source du verbe, aussi lumineux que le don du sourire !

Les voilà embarqués dans une inénarrable course poursuite, un slalom vertigineux entre les plus grandes scènes d’amour exhumées avec tendresse de la collection complète de l’histoire de la littérature française, du Moyen âge au 20e siècle. Un condensé de Lagarde et Michard live, ça vaut le déplacement, maintenant que les cours de français se trouvent formatés sur des fichiers pédagogiques en ligne.


Comme le désordre amoureux qui les anime secrètement – à chacun son audace ou sa timidité – les scènes sautent ingénument d’un siècle à l’autre, par simple analogie avec l’histoire frémissante qui débute entre les deux étudiants à la belle anatomie. A notre tour de refaire leur carte du Tendre. Pas un mot des titres, ou des têtes de chapitres, juste les auteurs qui se réveillent côte à côte dans une ronde folle … presque de la Saint-Jean.

Il y a Marius Fanny, César, avè l’asseng, Hugo, Feydeau, Musset, Labiche, Racine dans un méli- mélo invraisemblable d’antiquité grecque et romaine, quel délice ! Alceste, bien sûr, non, Molière qui fête ses 400 ans d’anniversaire avec le patois savoureux de Charlotte, Mathurine et Pierrot soufflé dans le Jeu de Robin et Marion, Mais ne te promène donc pas toute nue ! Et l’incontournable lettre de Cyrano qui arrache des larmes… Acte V scène 5. Oui, et Françoise Sagan. Nous attendions la cristallisation de l’amour dans Climats de André Maurois. Bof c’est pas du théâtre. Georges Sand, quand même ! Sans Chopin. Quelle incroyable dynamique !

On ressort du spectacle, comme d’un feu d’artifice, étourdi de bonheur, fervent admirateur de notre si belle langue française, si bien interprétée, si bien coulée entre toutes les époques, riche, chatoyante, bouleversante de beauté et d’émotion.

Tour cela pour le fond… mais la forme ? Pleine forme, créativité intense, imaginaire débridé – les décors précaires, presque inexistants comme au temps de Shakespeare – c’est du papillonnage fin et espiègle, des changements de costumes intelligents, du grand art des planches, une immense énergie dans un mouchoir de poche, un franche bouffée de vie théâtrale totalement bienvenue et rafraîchissante.

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Metteur en scène : Barbara Castin, et tout cela pluri-joué à Paris depuis 2019… avec ou sans couvre-feux, quarantaines et autres barrières culturelles.

Dominique-Hélène Lemaire pour Arts et Lettres

https://www.laclarenciere.be/

« On ne badine pas », c’est le 20, 21, 22, 27, 28 et 29 janvier, ainsi que les 3, 4 et 5 février à 20h30 ! Au Théâtre de la Clarencière (rue du Belvédère 20, Ixelles)☎️ Infos et réservations: Tel: +32/(0)2 640 46 76 Site: https://www.leverbefou.fr/reservationth/reservation.php

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             Vous avez bien vu: deux spectacles le même jour! Et une tournée jusque fin 2020! 

Emotions, au Centre Culturel d’Auderghem,  une généreuse  ouverture  de saison !

A l’endroit, le collège et ses misères, à l’envers, l’héroïque mousquetaire qui parle en taisant ses sentiments, se déclare en écrivant, se bat contre moulins à vent, cueille  des étoiles, élégant, courtois et  libre, tutoyant  la lune comme nul ne sait le faire. Un tissu de bonheur.

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Merveilleux  spectacle de rentrée pour tous ces jeunes qui passent la grande porte de  l’adolescence. Nouveaux dans la nouvelle école,  le collège ou le lycée, se reconnaîtront-ils dans Colin, Maxence, Adélaïde, Benoît  et les autres ? Tous nés après 2000…les voilà obligés de se découvrir,  devant une prof de français charismatique, fou de  théâtre  et qui leur sert du Cyrano sur un plateau qu’ils se  devront de conquérir. Le goût du sublime, le rêve de l’amour, la langue riche et raffinée, sont autant de mets qu’ils vont dévorer à belles dents sous la houlette bienveillante  du prof, un authentique passeur de culture, version française du grand Keating. La mort de la société des poètes disparus  en moins.   Pourtant  le jeune Colin a la mort de son père sur l’estomac, il a perdu tous ses moyens, rentre les épaules, redoute qu’on lui parle, veut se faire invisible et communique de façon à peine audible, redoublant la moindre syllabe. Va-t-il  réussir à renaître, se transformer, s’envoler enfin ?

Mais la  magie du texte de Cyrano veille. Les adolescents sont éblouis et se jettent corps et âme dans le feu des planches. Même Colin, statufié par la peur de l’autre, finit par se dégeler. Surprise: on comprend que Colin, dans le secret de sa chambre,  retrouve ses moyens grâce à sa guitare et chante  l’amour en pensant à son père disparu. Foin des logopèdes et autres psy, le sentiment d’amour ne demande   donc bien sûr qu’à s’envoler… Le prof génial l’a  bien compris, et fait éclore la personnalité blessée du jeune Colin, ravi de s’envoler, puisqu’il adore les papillons et la plus jolie fille du collège. « …Quels mots me direz-vous ? »

Fascinante magie de Nicolas. L’incipit  en voix off  intrigue : « Une histoire, c’est des personnages, et croire à une histoire, c’est faire une pause de soi et laisser la place à l’autre personnage…» Toute une philosophie. A chaque jeu d’épaule, de regard, ou de posture,  le comédien au port de danseur fait surgir des fragments de personnages qui ont le temps de lâcher leurs répliques dans un flux d’énergie virevoltante. Durée : 1 h 15. Mines, mimiques, bruitages, humour, compassion se disputent avec un verbe qui déferle de toutes parts, comme l’émotion. Comment fait-il ? Le décor est inutile : le noir complet,  une chaise d’école et un projecteur, cela suffit. Il a la comédie dans la peau!

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Nicolas Devort, auteur et comédien virtuose, en est à son 780e spectacle depuis le off d’ Avignon qui  l’encensa pendant 7 ans consécutifs! Il est seul  en scène devant un parterre bruyant de jeunes super excités de se retrouver, parfois pour la première fois,  au théâtre. On leur parle, ils trépignent. On joue, ils chuchotent, on termine, ils en voudraient encore, tant le talent de Nicolas les a séduits. Ils se précipiteront pour acheter son livre, un viatique pour certains? Ce prodigieux défilé tableaux de leurs congénères  et des adultes qui gardent leur porte fermée est si habilement troussé, qu’il a emporté leur adhésion inconditionnelle. Et puis, le charme personnel, avouons-le!

Dominique-Hélène Lemaire, Arts et Lettres

Dans la peau de Cyrano, de et par Nicolas Devort. Lumières : Jim Gavroy et Philippe Sourdive Le jeudi 26 septembre 2019 à 20h30 Au Centre Culturel d’Auderghem

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SPECTACLES

Au théâtre des Martyrs: "L’histoire approximative mais néanmoins touchante et non écourtée de Boby Lapointe"

Salade russe, avec ou sans Mayo ?

Debout les crabes, la marée monte ! Bobby Lapointe l’alliterophile absolu de la chanson française, le prince de l’imagination, se réveille ce soir, sous le jeu vivant et bon enfant de trois mauvaises herbes poussant d’ordinaire leur spectacle de par les rues ensoleillées du royaume de Belgique. Mais c’est bientôt l’hiver, et les manteaux, écharpes et parapluies ont envahi les rues, les gens se pressent pour échapper aux morsures de la froidure, et les baladins cherchent des murs…La bise venue, rien ne valait donc mieux pour les artistes batteurs de pavés, que l’accueillante fourmilière du Théâtre des Martyrs. Un lieu sûr pour ces saltimbanques chercheurs d’abri côtiers, rêveurs d’été, enchanteurs de plages, capteurs de sirènes et de pirates en goguette, et enfileurs de tableaux historiques à l’envers.

Ils sont 5 vaillants bricoleurs, unis comme les doigts de la main, mais on n’en voit que trois. Leur mission est de promouvoir notre belle langue française, affirment-ils, sans toutefois vouloir brandir haut et fort le flambeau du lexique ni celui de l’ami Grévisse. L’orthographe – on le sent, on le redoute – ils la traitent …par dessus la jambe. Comme dans Boby!

Mais qu’importe, s’il ne s’agit que réveiller les voix des géants endormis de notre chanson française ! Ceux qui ont tissé l’enfance des Boomers de tout poil. Georges Brassens, et sa moustache bien peignée, la pipe en coing (pour l’asseng) , une guitare ou une femme sur les genoux…et son parent pauvre : Sieur Bobby Lapointe. les artistes en culottes courtes veulent nous faire rire à coups répétés d’anti-héros chansonniers, ou de chansonniers anti héros. …Ce n’est pas la même chose, figurez-vous ! Mais pas mal de coups d’épée dans l’eau. Toute monde ne s’improvise pas Don Quichotte.

Mais soyez sans crainte : les reprises des tubes de Bobby se font à la bonne franquette, même si la mise en œuvre musicale est un peu légère. On avait adoré à la Samaritaine, Dieu ait son « æme », le trio féminin Tibidi , qui interprétait Boby Lapointe. Elles étaient absolument craquantes dans le genre : charme fou, diction parfaite, harmonie des voix, chorégraphie…


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Ces messieurs s’adonnent aux plaisirs des rimes et des clowns sur scène, mais la mayo prend-elle pour autant ? Pour que le rire joyeux fuse, il ne suffit pas de malmener la chronologie, jouer l’absurdie, Merci Lydie, ou de contrepéter à tire l’harigot, il faut que le grain de folie intoxique… On leur souhaite donc un peu plus d’arsenic ou de digitaline ou quelques graines d’hellébore, pour que le feu ne reste pas celui d’un déjeuner de soleil ou celui de quelques brindilles en fumeroles … Debout les fourmis ! Ou les cigales, c’est comme vous l’entendrez !

Au gré de leurs moultes prestations en places publiques, les artistes ont rassemblé assez d’éléments épars de la vie du bonhomme Lapointe que quitta sa Katy pour l’éternité, pour en faire un spectacle grand format, sous chapiteau permadur et qui tienne la route en hiver. Keep trying !

Dominique-Hélène Lemaire 

 THEATRE DES MARTYRS

 Petite salle - 27.11 > 14.12.19 - 1h15 - sans entracte

Les mardis et samedis à 19h00, les mercredis, jeudis et vendredis à 20h15, les dimanches 01 & 08.12 à 15h00.
Bord de scène vendredi 06.12 animé par Michael Delaunoy.

JEU Valentin Demarcin, Benoit Janssens, Virgile Magniette
LUMIÈRES Renaud Ceulemans
REGARD EXTÉRIEUR & RÉGIE Axel Cornil & Allan Bertin
CRÉATION COLLEXTIVE Les compagnons pointent
PRODUCTION Les compagnons pointent

RÉSERVATIONS
par téléphone +32 2 223 32 08 ou via le site http://theatre-martyrs.be/

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Même pas peur ?

Personne ne s’y attend mais “What’s the luck” remplace d’un coup le "f... word" pour venir convertir sous vos yeux agrandis par la surprise, la réalité glaçante de la maladie que personne ne veut nommer dans les faire-parts.

Voici que sous l’interprétation délicate et forte à la fois de Caroline Lambert - elle fait penser à une coach d’aérobic - surviennent des traces d’espoir dans un ciel plutôt bleu et apparaissent des visages de bonheur qui transfigurent à la fois l’intervenante et un public sur le qui vive. Ce spectacle éblouissant de confiance a le don de ranimer la flamme humaine mieux qu’un coureur olympique. Vous en jugerez. Ni muck ni sucks... Tout cela sous le regard d’une metteur en scène à la fois géniale et profondément humaine : Anne Beaupain.

Le voyage intérieur de la crabahuteuse - le vocable est d’Hélène Bénardeau - évoque les deuils, les péripéties génétiques, médicales, physiques, affectives et morales, que trouve sur son parcours, la femme atteinte du cancer (sein ou ovaires), ou de celle dont le gène tueur larvé risque à tout moment de s’éveiller et de débarquer dans la vie d’une victime á la fleur de l’âge. Tough luck!

Caroline, la survivante des deux, résume. Elle et Véronique, cousines germaines quasi jumelles partagent ainsi un destin commun : celui de la lutte contre le crabe, à la scène comme à la ville. Dans la vraie vie, quoi ! Et sous forme d’exercice courageux d’auto guérison artistique sur les planches de la Comédie Claude Volter. du 4 au 8 février, semaine de la lutte contre le cancer. Elle a couché sur papier ses affects les plus désespérés et les plus intimes et les interprète acec une sensibilité à fleur de peau sur la scène bruxelloise. C’est avec avec tact, distanciation, humour, bienveillance et des litres de verres à moitié plein que Caroline Lambert lève le rideau sur ses cogitations, ses colères, ses trouilles et ses espoirs grandeur nature. C’est qu’elle porte en elle, non un enfant, mais ce gène maléfique, suceur de vie. L’image contient peut-être : 2 personnes, personnes sur scène et intérieur

Miracle, Caroline multiplie les exorcismes, exhume au fur et à mesure des émerveillements bouleversants devant le miracle de la vie. Pour toutes ses sœurs de pas d’chance. Chemin faisant, elle se déleste des poids morts, au bord de la tombe elle rejoint et vole dans les bras de sa cousine raflée par le crabe et balise la route pour toutes ses sœurs d’infortune.

Miracle, malgré toutes ses tribulation qui arrachent l’empathie et les rires d’un public converti, elle explose la joie contagieuse d’aimer et d’être aimée. Contre tous les vents hostiles du destin et l’absurdité de la souffrance et de la maladie. Que du vécu sublimé par l’art de dire et de jouer.

Permettez nous donc de citer ici les paroles sublimes d’une autre femme des années cancer : Hélène Bénardeau, décédée il y a 3 ans.

“Je suis juste une petite terrienne, donc faillible, comme tous ses congénères à deux pattes, dont le propre reste le rire, envers et contre tout. Ne prenez jamais pour argent comptant ce que je vous raconte, même si je le fais en toute conscience. Mon Crabounet à moi, mon corps, ma sensibilité, mes colères, mes soucis, mes paniques, mes remèdes ne sont que les cousins des vôtres. Vous êtes seules à pouvoir apprivoiser la bête, et le dompteur magister le plus apte à vous épauler, c’est celui ou celle que vous aurez CHOISI (et non subi) parmi les p’tits soldats d’Hippocrate. “

Et voici d’autres paroles tout aussi vraies :

"... Il y a une chose, une seule, que malgré tout l’amour du monde, vous n’arriverez pas à éradiquer, à déraciner de nos cœurs... Cette chose… c’est La PEUR.

Ce sont nos peurs.Retour ligne automatique
Peur des traitements lourds.Retour ligne automatique
Peur des mutilations, des balafres indélébiles.Retour ligne automatique
Peur de ne pas pouvoir ré-apprivoiser notre nouveau-moi.Retour ligne automatique
Peur que vous ne l’aimiez plus.Retour ligne automatique
Peur de la souffrance physique.Retour ligne automatique
Peur de la souffrance morale.Retour ligne automatique
Peur de vous user à la corde.Retour ligne automatique
Peur de voir vos yeux, un jour, nous regarder partir.Retour ligne automatique
Peur de vous faire souffrir.Retour ligne automatique
Peur de plomber l’insouciance de nos enfants.Retour ligne automatique
Peur de ne pas les voir grandir.Retour ligne automatique
Peur du monde médical, qui, parfois, nous maltraite autantRetour ligne automatique
Peur de savoir que nous ne quitterons jamais le fauteuil de Denys, que le crin de cheval est fragile et que le glaive est lourd.Retour ligne automatique
Peur que vous oubliiez qu’un bonbon d’hormonothérapie, ce n’est pas un cachou.Retour ligne automatique
Peur que vous ne l’oubliiez pas.Retour ligne automatique
Peur de ces contrôles, de ces rendez-vous incontournables, qui vont désormais ponctuer nos existences et ce JUSQU’A LA FIN DE NOS JOURS.

Oui, nous allons oublier, parfois. Oui, nous allons réapprendre à l’aimer cette vie qui court dans nos veines, palpitante, impérieuse. Nous avons tout accepté POUR ÇA, pour l’amour de vous, des autres, de ce monde qui marche sur la tête mais que nous ne voulons pas quitter, pas encore ... "  

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Et tout cela au théâtre, le lieu des dramaturgies humaines, le jour et la semaine de la journée mondiale contre le cancer.
M A G N I F I Q U E autant qu’inoubliable. Même pas peur, et l'épée au poing!  Le docteur de Caroline Lambert était dans la salle. Ovation. Cinq étoiles, bien sûr !

Dominique-Hélène Lemaire  

du 4 au 8 Février

WHAT THE LUCK ?

de & avec Caroline LAMBERT

Quand j’étais petite, j’avais toujours peur de dire mon signe astrologique de peur de l’attraper. Cancer. Je suis cancer ! J’avais l’impression qu’il était déjà en moi ! En même temps, j’étais pas si bête que ça vu qu’apparemment, il y a un petit terreau !  

Caroline nous livre un récit intime et familial d’une sensibilité rare et soulevant des questions universelles. Travailler la joie avec une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes, une invitation qui nous est lancée à travers ce spectacle dont il est difficile de ne pas sortir transformé.

Bouleversant, rempli d’espoir, teinté d’humour et débordant d’Amour !

Mise en scène : Anne BEAUPAIN

Scénographie : Valérie PERIN

Musique : Patrick PERIN

Création lumière : Sébastien MERCIAL

Le TEASER 

********************  ******************** du 4 au 8 Février 2020

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« En attendant Bojangles » au Centre Culturel d’Eau de Gemmes

Hélène, puisque c’est d’elle que l’on parle, jamais  ne sera  la vieille accroupie de Ronsard… Jouée par Anne Charrier, aux côtés de Didier Brice, elle rayonne dans un spectacle enchanteur et enchanté et …terriblement courtois. Je parle de l’amour, bien sûr!  L’enfant, source de bonheur, joué par Victor Boulenger est-il décrié, sous son  nom vulgaire d'enfant-roi? Certes, non, c'est tout le contraire!  *Coup de foudre  donc  pour cette famille-enfant au triangle parfait, dessinant le visage joyeux du bonheur

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Page après page, Le père a la parole et la loi de l’amour sous sa plume. Il transmet le roman de l’intranquilité de la vie et de sa miroitante fantaisie pour  ceux qui y croient.

L’enfant rebelle adoré reconstitue le puzzle de l’amour et se nourrit de son histoire comme s’il buvait du lait. Il parle fort, comme si déjà ses géniteurs avaient rejoint les esprits myrteux de l’ami Ronsard. Il est donc adulte.  …Et vous?  Dans ses mains – et dans les nôtres – un bouquet de mimosas et la poésie dont a été tissée toute son enfance. Un talisman, une aubaine, pour qui sait la voir, une musique sacrée qui donne les clefs du paradis sur terre, pour qui sait l’être!  Jamais le Néant! 

La femme aux mille et un prénoms, qui jamais ne sera une vieille accroupie, véhicule toutes les intentions de bonheur et leur réalisation et pourchasse  routines vermoulues et  fonctionnaires vert-de-gris. Elle met le feu aux avoirs, illustre la folie de la passion qui  ira jusqu’à la mort.  Et dans sa sagesse infuse, elle  prend la langue au pied de la lettre, telle une vestale de l’humour. Contrevenante des marées noires, elle choisit de fixer les étoiles, même dans un divan endormie, et flotte sa vie jusqu’au bout, entraînée par l’amour. Et lui, la suit,  bien sûr, comme dans l’Eté Indien. 
« On ira
Où tu voudras, quand tu voudras
Et on s’aimera encore Où tu iras…»
 

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L’auteur de ce conte a retrouvé les accents succulents de Boris et de l’écume des jours. Il célèbre la communion de la folie amoureuse et signe …Olivier Bourdeaut. Victoire l’a saisi en plein vol et signe l’adaptation théâtrale et la mise en scène dans des décors de Caroline Mexme

Le spectateur se laissera séduire dès le premier son de cloche qui célèbre des noces profondes, celles qui se veulent absolues, quelles que soient les contingences, les noces des serments éternels qui ne verront jamais les amants désunis. Colin/Georges envisage Chloé/ Constance et les autres, comme un arbre magique, celui de notre éternel ami, Georges qui aimait tant Suzon? « Tu sais, fiston, Suzon a beaucoup d’imagination, elle joue avec tout, même avec sa filiation. Mais dans notre arbre généalogique, ta Maman, ce sont les racines, les feuilles, les branches et la tête en même temps, et nous, nous sommes les jardiniers, nous allons faire en sorte que l’arbre tienne debout et qu’il ne finisse pas déraciné. »

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La critique emballée n’en dira pas plus, si ce n’est pour  se réjouir de la langue musicale follement bien habitée par le délicieux triangle  des comédiens, leur diction ravissante, leurs émotions à fleur de plume, leurs mouvements souples comme dans les rêves.   On se souviendra d’une mise en scène alerte, raffinée, subjugante même, puisqu’on entre de plein pied dans la danse foisonnante et volatile du texte,  malgré où grâce à l’économie de moyens. Le décor, c’est avec les mots et les gestes qu’il est planté  avec grâce infinie.  Bref, cette mise en scène est stupéfiante de puissance évocatrice. Il faut souligner que la musique et les choix de la bande sonore signée Pierre-Antoine Durand pavent l’histoire triste et belle de sublimes clair-obscurs.  La bande lumière (Stéphane Baquet) ,  de son côté  s’occupe de faire taire  le malheur… et d’ auréoler les instants joyeux.    Le choix des costumes ( de Virginie Houdinière)  s’emboîte dans l’histoire avec candeur. Les éclats de rire en mode majeur ou mineur surviennent comme autant de bulles de saveur partagée.  L’ensemble, très équilibré, et sans faute de goût,  vous insuffle un bonheur aussi bien apprivoisé que l’oiseau, Mademoiselle Superfétatoire, une grue demoiselle de Numidie, que Maetelinck aurait sûrement vêtue de bleu. Cette pièce à vol d’oiseau,  jouée entre Paris et Bruxelles, villes de douce connivence, est donc un bijou inclassable et irrésistible sauf à le classer dans la Voie lactée …parmi les étoiles.​ On remercie le Centre Culturel d’Auderghem  pour cette charmante   mise en chef-d’oeuvre théâtral.

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Une pièce d’après le roman d’Olivier BOURDEAUT (300.000 exemplaires vendus)« En attendant Bojangle »
Mise en scène : Victoire Berger-Perrin 
Avec : Anne Charrier, Didier Brice et Victor Boulenger
Adaptation : Victoire Berger-Perrin
Décors : Caroline Mexme
Costume(s) : Virginie Houdinière
Lumières : Stéphane Baquet
Musique : Pierre-Antoine Durand
Assistant(e) mise en scène : Philippe Bataille. Chorégraphie Cécile Bon. Collaboration artistique Grégori Baquet
Durée : 1h30

Centre Culturel D’Auderghem

Boulevard du Souverain 183, 1160 Bruxelles 02 660 03 03

Du 11 au 16 décembre 2018

  

*GEORGES (au public la mère immobile, le temps arrêté) « J’étais donc arrivé à ce moment si particulier où l’on peut encore choisir, ce moment où l’on peut choisir l’avenir de ses sentiments. Je me trouvais désormais au sommet du toboggan, je pouvais toujours décider de redescendre l’échelle, de m’en aller, fuir loin d’elle. Ou bien je pouvais me laisser porter, enjamber la rampe et me laisser glisser avec cette douce impression de ne plus pouvoir rien décider, confier mon destin à un chemin que je n’avais pas dessiné, et pour finir, m’engloutir dans des sables mouvants, dorés et ouatés. Je voyais bien qu’elle n’avait pas toute sa tête, que ses yeux délirants cachaient des failles secrètes, que ses joues enfantines dissimulaient un passé d’adolescente meurtrie, que cette belle jeune femme, apparemment drôle et épanouie, devait avoir vu sa vie passée bousculée et tabassée. Je m’étais dit que c’était pour ça qu’elle dansait follement, pour oublier ses tourments, tout simplement. Je m’étais dit bêtement que ma vie professionnelle était couronnée de succès, que j’étais presque riche, plutôt beau mâle et que je pouvais aisément trouver une épouse normale, avoir une vie rangée, tous les soirs prendre un apéritif avant le dîner et à minuit me coucher.»  


Dominique-Hélène Lemaire

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administrateur théâtres

Rencontre avec un LOVERBOOKÉ, convertisseur de bonheur !

Main-tenant, main-tendue, il est sur les rails de la raillerie joyeuse. Il est exubérance et transhumance, au cœur d’une symphonie d’hu-mour, contraction de « humain + amour ». Dans ses maints apartés, c’est le verbe qu’il manipule sans vergogne, le sourire qu’il décroche, l’espoir qu’il rallume.  Les pitreries qu’il pétrit rendent les contrariétés du monde moins terrifiantes. Le bonheur, cela se gagne : en tuant la peur!

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Donc  voilà Bruno Coppens qui  débarque dans  le silence compact du public devant un plateau vide, sauf une floche rouge de carrousel accrochée  à la sortie. Il arrive, comme un père Noël sans barbe ni bonnet, trônant  sur une immense main baladeuse rouge-baiser, belle comme une île flottante et accueillante comme un rêve de Demain. Le mot l’inspire et il démarre  jeux de mots et jeux de mains. Le gaucher contrarié a la pêche, il pérore, il se lâche et chasse les ennuis. Heureux qui communique! 

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De l’amibe à l’homme twitter, il trace l’évolution. Passe chez le docteur pour commander un burnout pour un ami. Il est si fier d’être solidaire, il adore aider les autres ! Et puis après une scène délirante de double séparation (au bout de six mois seulement…), on se la repasserait bien en boucle, il nous instruit de comment faire l’amour avec nos conflits intérieurs.

 Bon an mal an, il déroule des anecdotes  tirées de l’histoire de l’humanité  pour expliquer comment les plus grandes réussites sont immanquablement greffées sur  l’humus fertile des échecs les plus cuisants. Je rate donc je suis … gagnant! Les pires catastrophes, surtout celle qui portent des noms de femmes of course,  ont du bon. Du beau, du bon « du bon Dubonnet » ? Eh non, on en est à « Carglass répare, Carglass remplace » ! Et du bon au beau, je suis bonobo… allez comprendre!  Allez-y, vous comprendrez!  Dialectique spécieuse de temps en temps mais on se tient les côtes,   l’optique est tellement généreuse et galvanisante ! Car il est prêt à tout pour nous faire toucher les étoiles ! «Catch a falling star and put it in your pocket» disait une vieille chanson.  On n’aura pas assez de mains pour applaudir… ce concentré de peps et de bienveillance… qui offre en prime une lovervisite gratuite chez le golopède! Mission accomplished, le Loverboy! OK? 

De Bruno Coppens
Mise en scène : Eric De Staercke.

Avec : ...Bruno Coppens.

DU 07/11/17 AU 31/12/17

http://www.theatrelepublic.be/play_details.php?play_id=507

Réenchanter le monde...? Il y a de quoi faire! 

  Comme l’homme ne descend pas du sage, il remontera dans le temps pour trouver la faille, cet instant de l’Histoire où tout a foiré. Revisitant les vies de Jeanne Dark, du Navigateur Explorer Christophe Colomb, de l’homme de Cro-Mignon et d’autres héros d’hier, notre Sauveur 2.Zorro prendra le passé à bras le cœur afin de transformer l’échec en réussite : « S’échouer ? C’est chouette ! ». Parviendra-t-il à réécrire notre monde qui part à la dérêve ? Mettra-t-il le chaos K.O ? Le ciel se couvre, il pleut de la haine sur les réseaux, les trottoirs, les meetings… les raccourcis odieux, les formules à l’emporte-pièce et les phrases assassines font tapage. On ne s’entend plus penser. On reste incrédules… On en perd son latin ! Sans cynisme, Coppens revient nous faire du bien. Il nous fait un parapluie de son « Ludictionnaire » et parle un autre vocabulaire. Il nous invente d’autres langages qui, mine de rien, nous permettent d’en inventer d’autres, plus joyeux, plus amoureux, plus malins.

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administrateur théâtres

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 La séduction du Verbe!

Alors là, ils sont tous irrésistibles et brillants !  « La seconde surprise de l’amour », comédie en trois actes et en prose de Marivaux est à savourer encore quelques jours au théâtre Le Public, sans modération! Et pourtant il s’agit d’un double deuil. Celui d’une Marquise inconsolable  et celle  d’un Chevalier trahi. L’une vient d’enterrer son mari, l’autre ne se remet pas de la réclusion dans un couvent de son ex bon-amie. Lisette (Anna Pieri, une merveilleuse impertinente) et Lubin (un craquant Paolo Dos Santos) sont les valets fidèles respectifs qui complotent malicieusement pour faire cesser les noires pleurnicheries. L’amour, l’amitié, »...le syllogisme...« et autres figures de style se poursuivront au gré de la carte du Tendre, abandonnant la préciosité et les bavardages galants pour rechercher, avec conviction, l’élégance des grands sentiments. Et qu’il est difficile de communiquer. Et que cela fait rire!  Un mal du siècle, certainement ! Lequel siècle? On se le demande !  Deux personnages drôlissimes complètent le tableau : Diafoirus (Pierre Banderet), un comte riche et jaloux et Hortensius, le professeur de philosophie saisissant d’ennui (José Lillo), un concentré de pédanterie moralisante… en vertu des grands principes!  

Valentin Rossier, à la fois Le Chevalier, le directeur du théâtre de l’Orangerie à Genève  et le metteur en scène est immuable dans son chagrin et sa déprime gondolante. Car il se gondole littéralement et physiquement, à chaque pas, à chaque mot. Il joue les valses hésitations avec une persévérance et une sensibilité inouïe.  

 L’orgueilleuse marquise (Marie Druc) en lunettes de Wonderwoman, passée maître en art de la dissimulation,  ne peut se résoudre à avouer  son  intense besoin d’aimer et d’être aimée  et sa préoccupation principale est de ne pas perdre « sa dignité »  lors de  son embarquement pour Cythère. Comment supporter que le Chevalier puisse lui refuser sa main, alors que l’idée de se marier ne lui a même pas traversé l’esprit? Paradoxe ! Autre figure de style !

Tout se joue très élégamment,  sur terre battue, façon terrain de tennis sans filet, entre des grands panneaux de verre dépoli, façon intérieur japonais, pour mieux distiller les sentiments. Ils sont en livrée de ville, fluide et papillonnante à souhait comme si  l’été allait débarquer.   Des livres 18ième dorés sur tranche sont aussi de  la partie, un tabouret, deux chaises pliantes…et c’est tout ! Tout est dans la rapidité et l’intensité des échanges verbaux et sensuels, aussi vifs et passionnants que dans un match réel.  Et vous rirez d’un bout à l’autre de la pièce, devant tant de raffinement, de complexité et de retournements de sentiments.  Heureux qui communique! Et Adieu la morosité!  

Contrairement à la première Surprise, les personnages et les artifices de la comédie italienne en sont absents. Le seul masque est celui du verbe, du bel esprit qui séduit et qui protège, et celui de l’orgueil qui empêche d’avouer un intense besoin d’aimer et d’être aimé. La Marquise, son entourage, sa domesticité ainsi que le chevalier, tous au fond cherchent l’amour. On se délecte de leurs soupirs, de leur art de la dissimulation, de leur amour-propre et de leurs efforts pour sauver les apparences. Marivaux est décidément un moderne !

"La seconde surprise de l'amour" de Marivaux
Mise en scène de Valentin Rossier - du 1/09 au 2/10/2015
 Crédit photos:  Marc Vanappelghem

Texte: Marivaux
Mise en scène: Valentin Rossier
Distribution: Marie Druc, Anna Pieri, Pierre Banderet, Paulo dos Santos, José Lilo, Valentin Rossier
Décors: Jean-Marc Humm
Lumières: Jonas Buhler
Costumes: Nathalie Matriciani
Administrateur: Didier Nkebereza

Coproduction: Helvetic Shakespeare Company / Théâtre de l’Orangerie (2014)

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administrateur théâtres

12273067452?profile=originalUn Don Juan aux semelles de vent!

 

Thierry Debroux, le metteur en scène, explique : « ce n’est pas l’attitude de libertin que Molière condamne à la fin de son texte mais l’aptitude de ses contemporains à feindre la dévotion. Pas étonnant que la pièce, bien qu’appréciée par Louis XIV, fut retirée assez vite de l’affiche et ne fut plus rejouée du vivant de son auteur. Une autre lecture de la pièce pourrait nous amener à penser que le véritable enfer de Dom Juan, c’est le consumérisme, et en cela il représente à merveille notre société contemporaine. Il consomme les femmes, comme notre société consomme les objets, mais cette consommation finit par le lasser. Il provoque toujours plus le ciel. Il sait qu’il fonce droit dans le mur...et plus Sganarelle ou Elvire tentent de lui ouvrir les yeux sur la catastrophe imminente, plus il s’obstine à se vautrer dans le scandale… ».

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 Voilà donc campé un Dom Juan mobile, épris de vitesse et de changement, fuyant l’étau de l’autorité et des responsabilités  au pas de course,  blasphémateur, tellement iconoclaste et impénitent que l’on finit par s’en faire une idée à la limite de la caricature. C’est Sganarelle - le héros de ce drame joué à l’origine par Molière lui-même - qui rassemble dans son personnage toute notre sympathie et notre admiration de spectateurs. D’entrée de jeu il a établi une connivence immédiate avec les fumeurs de la salle - une minorité sans doute - mais qui a atteint le reste du public de façon virale tant son jeu théâtral est juste, désopilant et plein d’esprit. Le tabac soudain fédérateur fait un tabac!  Dans ses manières si humaines, pleines de bon sens, loin de tout extrême, il dénonce les -ismes du monde et les fracas impies de son maître à coup de formules et de questions bien senties. On l’adore et on compatit avec ses faiblesses, puisqu’il sera le grand perdant : « Voilà par sa mort un chacun satisfait: Ciel offensé, lois violées, filles séduites, familles déshonorées, parents outragés, femmes mises à mal, maris poussés à bout, tout le monde est content. Il n'y a que moi seul de malheureux… » « Mes gages, mes gages ?» hurle-t-il à la fin. Même les grands évanouis, les petits trinquent toujours.  Et Benoît Van Dorslaer est un tout grand comédien !

12273066458?profile=original Cependant,  à force d’effets  burlesques  foudroyants, ce Dom Juan interprété avec fougue et énergie par  Bernard Yerlès  ne perd-il pas  un peu la trace du libertin bon teint, apôtre de la transgression et suprêmement humain,  et qui se sent en incompatibilité absolue  avec les nœuds du monde qui l’entoure ? Lorsqu’il veut  désespérément inventer une nouvelle mesure des choses, des êtres et des événements et court assoiffé d’espace vital et de désir, ne court-il pas directement …à sa propre perte? Ironie du sort, il commettra lui-même le péché d'hypocrisie qu'il abhorre!

  En effet, le Dom Juan intemporel de Molière est un futur héros du 18ème siècle : il poursuit tel un Don Quichotte, une liberté  chimérique qui sans cesse se dérobe. Il rêve d’une égalité de chacun, dans la fraternité  et devant la Raison.  Si Dom Juan consent à donner la pièce au mendiant dans la scène du pauvre, il le fait par amour pour l’humanité, non par peur du châtiment divin. Jean-Jacques Rousseau écrit dans la première version de son "Du contrat social" en 1762 : "La terre entière regorgerait de sang et le genre humain périrait bientôt si la Philosophie et les lois ne retenaient les fureurs du fanatisme, et si la voix des hommes n'était plus forte que celle des dieux." Et bien que Sganarelle nous  soit si sympathique, n’est-il pas temps de  traverser une période hantée par les abus de pouvoir, le puritanisme et la bigoterie par le rire étincelant et blasphémateur grâce au personnage décrié de Dom Juan?  

 

 Situations baroques qui bouillonnent d'impertinence… et le public de rire de bon cœur  ou de se récrier au cours de cette tragi-comédie inquiète et impatiente. Les décors évanescents faits de splendides boiseries épurées et lumineuses enchaînent les paysages imaginaires  les plus variés puisque Molière a décidément rompu avec les règles classiques de l’unité de temps, de lieu et d’action.

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Au niveau de l'excellence théâtrale, le comédien Luc Van Grunderbeeck qui se glisse dans de multiples personnages (Dom Louis, le Pauvre et Le Commandeur) fait merveilles et sera salué avec passion!  La langue admirable de l'auteur dramaturge est une constante qui émeut et fait plaisir,  superbement préservée dans son rythme et sa poésie malgré l’absence de versification… Fermez les yeux, c’est Molière qui  berce l’humain  entre Dom Juan et Sganarelle!  

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Le mot de Thierry Debroux:

Madame, Mademoiselle, Monsieur,

 

Le 15 février 2015, au lendemain de notre dernière  

représentation, cela fera, jour pour jour, 350 ans que se  

donnait pour la première fois le Dom Juan de Molière. 

Profitant du départ des Italiens qui jouaient avec grand succès 

un Dom Juan, Molière s’empare de l’intrigue et en quelques 

jours, dit-on, écrit la pièce que vous verrez (ou reverrez) ce soir.

 

On a tout écrit sur Dom Juan et on l’a « cuisiné » avec mille 

épices différentes.Mozart, comme vous le savez, en a fait un opéra avec le 

concours de Da Ponte et tout récemment, au Théâtre Royal de  

la Monnaie, la mise en scène de ce chef-d’oeuvre a suscité une  

vive polémique.

 

Mais revenons à Molière. La pièce est étrange et mélange  

tous les genres. On passe sans transition d’une discussion  

philosophique à un numéro de commedia dell’arte… Molière  

fait de nombreux emprunts à la version italienne… mais  

dépasse la farce, effleure la tragédie, plonge dans le drame, ose  

le grand guignol…

 

Nous avons tenté de prendre en compte tous les chemins  

qu’emprunte l’écriture, tous les genres littéraires qui se  

superposent.

 

A l’époque où Molière écrivit ce chef-d’oeuvre, ses provocations  

lui attirèrent les foudres des intégristes. Il risqua sa vie comme  

l’ont risquée les dessinateurs de Charlie Hebdo, à qui je veux  

rendre hommage ici.

 

J’espère que vous passerez un bon moment en compagnie d’un  

auteur courageux. 

Du 15 janvier au 14 février 2015

(29 représentations).

http://www.theatreduparc.be/

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administrateur théâtres

Au théâtre de la Vie, Un Rêveur sombre dans la raison

 « C’était une nuit de conte, ami lecteur, une de ces nuits qui ne peuvent guère survenir que dans notre jeunesse. Le ciel était si étoilé, le ciel était si clair que lorsque vous leviez les yeux vers lui, vous ne pouviez, sans même le vouloir, que vous demander : Est-il possible que, sous un ciel pareil, vivent toutes sortes de gens méchants et capricieux ? »

Le monde appartiendrait-il aux rêveurs ?  On le souhaiterait  bien sincèrement ! Le tout jeune metteur en scène Olivier Lenel  rêve lui d’un renouveau théâtral. Il entre en compagnie de la traductrice Katia Vandenborre  dans le vif du  texte russe  du roman, sans passer par une traduction figée par des droits d’auteur. De concert, poétiquement soutenus par la création pianistique de Julien Lemonier et Félix Ulrich,  ils transposent ensemble l’essence  russe du roman en dialogues scéniques vivants, étonnamment modernes. Cela implique un gommage de l'esthétique romantique de la traduction existante, et la capacité de renouer avec  la puissance et la force des mots bruts. Réinventer une ponctuation syncopée  qui colle à cette tragi-comédie et  fabriquer une oralité étourdissante.  Entrer dans les représentations mentales des personnages, les pousser à bout et les faire exploser comme cela explose les nuits de printemps…

 C'est l'histoire d'un homme qui se surnomme le Rêveur. Une nuit, il se souvient. Il rencontre la bondissante Nastenka (Marie du Bled) qui lui raconte sa réclusion sous le toit d’une grand-mère abusive, son attente fiévreuse d’un fiancé, son rêve de bonheur inaccessible. Ému pour la première fois de sa vie, le rêveur se laisse aller au rêve de l’amour et finit par se déclarer quand ledit fiancé ne revient pas le jour dit.  Faute de mieux, Nastenka, affolée de ne pas voir revenir le chevalier de ses rêves, vire de bord et accepte la déclaration d’amour du Rêveur. Un amour désintéressé, idéal,  qui célèbre le total oubli de soi et le bonheur de l’autre. Fugace instant de béatitude : le Rêveur et Nastenka soudain se rejoignent, le bonheur est presque là, parfait comme dans un rêve.  Puis la réalité fracasse soudainement ces minutes d’éternité  car la capricieuse Nastenka s’est jetée dans les bras du fiancé venu enfin la rechercher. Nastenka, cruelle et inconsciente, ingénue et égoïste daigne garder son amitié pour le Rêveur éconduit.

 Le Rêveur alors doit choisir : s’installer dans la minute rêvée ou accepter de vivre avec la réalité. Il est reconnaissant qu’un  moment de grâce ait illuminé sa vie. Life is but a dream, “a dream within a dream” dirait Edgar Poe. La réalité beaucoup moins belle et beaucoup plus triste a réveillé l’artiste rêveur en sursaut mais au fond de lui, il garde son trésor. « Petit poucet rêveur, j’égrenais dans ma course… des étoiles. » La jeune dame exaltée a fui vers son inaccessible étoile, sera-t-elle heureuse pour autant ? Le rêveur a laissé couler les grains d’or dans ses mains et garde, par l’écriture, le souvenir de son éblouissement.

Les scènes, oniriques et sombres,  sont d’un  réalisme étonnant vu le contexte  et l’absence de décor, à part le mur de briques où va s’écraser le rêve en question. Les émotions s’enchaînent comme dans une partition musicale. Les confessions chaotiques  commencent tout doucement et s’enflent en paroxysmes fantastiques. Plusieurs interprètes du Rêveur, modulent de soir en soir le texte du Rêveur autour de la jeune ingénue. Nous avons vu Vincent Huertas, fascinant par la mobilité de ses émotions et la variété de son jeu. Les débordements de l’imagination sont un ferment de bonheur. Foin de romantisme lourd et lent, le texte est haletant, rythmé, saccadé par les émotions. Les crises de larmes et les trépignements d’impuissance, l’hypersensibilité et l’immaturité de la jeune fille, sonnent juste aux oreilles  de l’an 2000. La musicalité française de la langue capte les émotions et les projette comme des claques.  Le Rêveur sera frappé de stupeur. Le spectateur aussi, par la dernière scène bouleversante et la théâtralité de la mise en scène. C’est grave  pour un cœur formidablement  enthousiaste, de devoir ravaler son rêve. Que le rêve soit russe ou qu’il soit autre.

"Les nuits blanches"   Création d'après Dostoïevski. Adaptation & mise en scène : Olivier Lenel

au Théâtre de la Vie Théâtre de la vie asbl
rue traversière 45
1210 Bruxelles http://www.theatredelavie.be/ 

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NAMUR - Le poète et directeur de la Maison de la poésie Éric Brogniet vient d'être élu à l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique.

Un coup de téléphone, ce lundi matin, lui a annoncé la nouvelle. Les membres de l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique ont souhaité qu'Eric Brogniet rejoigne leur prestigieuse assemblée. « Sur le coup, je suis resté un peu "pété" », avoue le poète namurois, par ailleurs directeur de la Maison de la poésie de Namur.

 

S'il ne s'attendait pas à ce coup de fil, Eric Brogniet était tout de même au courant de ce que son nom figurait sur la short-list des académiciens. « On ne pose pas sa candidature pour intégrer l'Académie, on est coopté par ses membres, explique-t-il. Il y a un an environ, on m'avait demandé si j'accepterais cet honneur, le cas échéant. Puis, pendant une année, le black-out, plus aucune nouvelle. Jusqu'à ce lundi matin... » Pour la beauté du geste Né en 1956, Eric Brogniet est le plus jeune élu de l'histoire de l'institution. Il occupera le fauteuil numéro 21, où s'est notamment assis Paul-Henri Spaak. Il succédera à Fernand Verhesen, membre décédé. On ne quitte en effet l'Académie qu'à sa mort... « La tradition veut que le nouveau venu rende un hommage approfondi à la personne à laquelle il succède, commente Eric Brogniet. Je suis bien tombé avec Fernand Verhesen, un poète que j'ai déjà rencontré, dont l'oeuvre est assez différente de la mienne mais qui avait, comme moi au travers de la Maison de la poésie, une démarche liée à la diffusion, au partage de la poésie avec le public. Il a notamment fondé le Journal des poètes, dans les années 30, et lancé la Biennale internationale de poésie de Knokke. » Eric Brogniet siégera donc chaque deuxième samedi du mois au Palais des Académies de Bruxelles, à deux pas du Palais royal. Pour servir la langue et la littérature françaises, mais pas pour l'argent : le titre est purement honorifique, la fonction n'est pas rétribuée. Parmi les missions de l'Académie : la gestion d'un fonds d'aide à la publication de nouveaux auteurs, l'analyse de l'évolution de la langue, la republication de grands écrivains de notre patrimoine...

 

Écouter voler les mouches« Cette nomination, c'est une reconnaissance magnifique d'un parcours intellectuel, créatif et humain,

 

dit Eric Brogniet. J'insiste sur cet aspect humain, car je défends depuis toujours le principe d'une poésie accessible à tous, comme outil de plaisir, et pas réservée à un petit nombre.

 

C'est aussi la reconnaissance d'un dynamisme qui s'est exprimé à Namur, la reconnaissance d'une action culturelle de terrain. C'est le travail de l'équipe de la Maison de la poésie qui est, à travers moi, salué. » Eric Brogniet compte pas s'endormir sur les lauriers fraîchement posés sur sa tête : « Je considère ma nomination comme un challenge, dit le poète Namurois. L'Académie rajeunit ses cadres, elle attend de ses nouveaux membres un certain dynamisme, un engagement de terrain. Je ne compte donc pas m'assoupir dans un fauteuil en écoutant distraitement voler les mouches... »

 

Source: verslavenirnamur Alexandre DEBATTY

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La langue humaine (essai)

La langue humaine

(essai)

Antonia Iliescu

 

Malgré leur construction (anatomiquement parlant et en excluant les cas pathologiques) selon le même modèle, avec des organes similaires destinés à l’émission et à la réception des informations verbales, les humains ne parlent pas tous la même langue. Jusqu’ici, rien de nouveau. Moins connu peut-être c’est le fait qu’il existe sur la Terre une multitude de langues et jargons, environ 6000, groupées en 400 familles. On suppose que toutes ces langues auraient à l’origine une protolangue maternelle, qui serait apparue 50 000 auparavant (Ruhlen, “The origin of Language. Tracing the evolution of the mothertongue”, 1994). Mais peu importe leur origine, commune ou non, toutes ces langues créent un ensemble : la langue humaine qui facilite la communication entre les hommes appartenant à des différentes communautés. Mais toutes ces expressions verbales, répondent-elles toujours à leurs desiderata de départ, celle de l’entente entre les hommes ?

Laissant la pansée voyager en toute liberté vers ces temps où la parole avait descendu des ténèbres cosmiques, on voit la parole se poser sur Terre, où elle fut encastrée au fil des millénaires, dans la pierre, le papyrus, l’argile, le papier et le matériel informatique. Perçant ensuite les couches de l’histoire saignant de mystères, avec notre esprit, certaines questions surgissent. Existe-t-il vraiment un créateur, ou la vie apparaît-elle spontanément avec la première bactérie issue de « la soupe organique primordiale », selon la théorie de Oparin ? (Entre parenthèses soit dit, quoi que la soupe organique ait été reproduite en laboratoire par Stanley Miller, aucune bactérie n’y sortit, mais uniquement de la matière organique inanimée, comme les acides aminés et …) ? Et si l’on suppose qu’Oparin disait vrai, ou que la vie était venue du cosmos sous forme de spores, selon la théorie de la panspermie de Svante Arrhenius, comment est-on  arrivé de la simple cellule à la matière intelligente, capable de communiquer verbalement ? Quelles furent les aventures de la matière aveugle dans son chemin vers la lumière, celle venant de l’intérieur ?

Me voilà oser  faire une petite incursion (sans prétention de traitement exhaustif) dans les théories qui sont aujourd’hui véhiculées dans différents articles scientifiques et films documentaires relatifs à l’évolution.

Ce sont trois grandes théories qui se confrontent aujourd’hui : l’évolutionnisme, basé sur la sélection naturelle des espèces ou le darwinisme, qui est enseigné dans les écoles et qui appartient à la doctrine matérialiste ; le créationnisme, qui est fondé sur les sources bibliques et qui soutient que l’Univers fut créé en 6 jours et en fin, le néo-créationnisme (ou « Intelligent Design ») qui est un courant nouveau, très répandu aux Etats Unis, mais aussi en France, sous l’influence de Teilhard de Chardin, l’homme de science universel, ayant une grande ouverture vers la spiritualité. Ce dernier courant groupe des chercheurs appartenant à des domaines d’étude plus diversifiés, parmi lesquels la paléoanthropologie, la génétique, la médecine, la linguistique, les mathématiques, l’astrophysique, l’économie.

Certains parmi ces chercheurs nient l’appartenance à ce courant ou à un autre de type créationniste, essayant d’échapper à l’harcèlement des polémiques lancées et soutenues par les partisans darwinistes. Mais les résultats de ces "néo-créationnistes" - malgré eux, convergent vers une même conclusion : la matière vivante est fabriquée conformément à un plan évolutif intelligent et l’évolution est orientée vers un « point oméga », qui pourrait s’identifier au Créateur.

Un réputé mathématicien français, Jean-Louis Krivine, continuant la série de recherches initiées en 1931 par son homologue autrichien, Kurt Gödel, soutient que le programme de construction et d’évolution de la matière vivante est écrit dans un langage logique, nommé « lambda calcul », très ressemblant au programme informatique utilisé dans la programmation des ordinateurs (Science & Vie , N° 1013, 2002). Ce serait le langage universel ou « la première couche » de langage, sur laquelle se superposent d’autres couches, de plus en plus élaborées, comme par exemple, le sous conscient, le langage naturel, la pensée, la conscience. Dans ce sens, nos propres pensées ne seraient que la montée à la surface des  « morceaux » du programme d’origine. Si J-L. Krivine avait été contemporain avec Blaga, il aurait peut-être nommé ces « morceaux » différentielles divines et le programme de base, Le Grand Programme, en faisant sortir de cette manière le Créateur du Grand Anonymat.

Des recherches de date récente, dans le domaine surnommé « néo-créationnisme », ont dévoilé un fait d’une importance capitale : l’évolution a un sens et ce sens va de l’intelligence de la matière inconsciente à la conscientisation de cette intelligence.

En effet, l’homme incarne toutes les stades de l’évolution de la matière intelligente, en commençant avec les organismes monocellulaires les plus simples, celles dites procaryotes (dépourvus de noyau), comme c’est aussi le cas des globules rouges, et terminant avec l’organe le plus complexe de l’homme : le cerveau. Tout ce qui est vivant sur notre planète semble être conçu le crayon à la main et selon une logique parfaite. Toute la matière organique est constituée des mêmes substances de base (…), qui se lient l’une à l’autre dans un ordre spécifique à chaque individu, l’ordre étant dicté par son propre ADN (acide désoxyribonucléique), inscrit dans chaque cellule ; c’est lui « la tête » qui détient le code. Ce code est universel (il contient des combinaisons de trois bases azotées, des quatre possibles, notées par les abréviations : A, C, G, T), mais il est aussi spécifique (l’ordre de liaison de ces bases, ainsi que leur degré de répétitivité tout au long de la chaîne d’ADN, sont différents d’un être à l’autre). L’ADN serait ainsi un livre de la Grande Bibliothèque, un livre avec lequel nous sommes nés et qui nous inspire au fil des jours de notre vie, pour pouvoir grandir et vivre. Notre livre a un sens parce que quelqu’un l’a écrit avec du sens.

A l’appui de cette croissance qui a un sens, les chercheurs ont un mot important à dire. Anne Dambricout-Malassé – une réputée chercheuse dans le domaine de la paléoanthropologie, qui a publié de nombreux articles et qui est aujourd’hui dans le collimateur des darwinistes – vient avec des données concrètes : l’évolution de l’os sphénoïde au fil de l’histoire évolutive de l’homme, à partir de l’australopithèque jusqu’à homo sapiens. Cet os bizarre, en forme de papillon, situé à la base du crâne, a souffert les 60 derniers millions d’années, 5 modifications de forme et de position par rapport à la colonne vertébrale (correspondant aux  5 grandes étapes évolutives des êtres vivants, jusqu’au dernier chaînon, l’homme) ; il est directement impliqué dans « l’humanisation » de l’homme (verticalité, modifications du crâne, entraînant le rétrécissement du visage et des mâchoires, ainsi que le développement du cerveau suivie par l’apparition de la conscience).

            L’os sphénoïde s’est levé de l’horizontale vers une position oblique (aujourd’hui), étant encore en évolution, mais « toujours dans le même sens » - dit la chercheuse – fait qui contredit la théorie de l’hasard, incluse dans l’explication du processus de l’évolution par sélection naturelle (le darwinisme). Ces modifications sont d’ordre génétique, elles étant inscrites dans le programme évolutif de l’embryon humain.

            Mais cette nouvelle conception de l’évolution est combattue par les partisans du darwinisme, par une série d’accuses, avec ou sans arguments. On reproche à Madame Dambricourt-Malassé (dont les travaux, selon ses propres affirmations, n’ont rien à voir avec la religion) d’avoir remis en question le point principal de la théorie de Charles Darwin, notamment l’adaptation à l’environnement comme facteur décisif de l’évolution de l’homme. On lui reproche encore (le journal « Le Monde » du 29. 10. 2005) l’association au courant religieux introduit dans le domaine de la science par l’abbé Breuil et Teilhard de Chardin et le fait d’être «soutenu par des organisations efficaces dont les importants moyens financiers viennent parfois d'outre-atlantique."  La théorie que la chercheuse expose est aussi attaquée par certains journalistes qui étalent une série d’arguments détaillés sous différents titres du type « un seul os ne peut pas être essentiel » ou « croire que l’homme continue d’évoluer est une illusion » ou « écrire une loi mathématique de l’évolution ne repose sur rien de sérieux » ou « il n’existe aucune preuve d’une loi cachée dans nos gènes » (Science & Vie, décembre N° 1059, 2005). Ces arguments-révolver tombent à une lecture plus attentive (et plus avisée) de certains articles scientifiques publiés au fil des 4 dernières années, voir la collection de la même revue.

            Laissant la science à part et contemplant cet os tellement controversé, avec des yeux intuitifs et bien lavés des préjugés d’ordre scientifique ou religieux, il est impossible ne pas s’émouvoir devant sa forme bizarre. Ce papillon ossifié, assis à la base du crâne, a une « forme »… dépourvue de forme ! C’est une pièce œuvrée d’un grand raffinement, un véritable bijou dentelé ; une vague de mer minuscule, en mouvement, dont l’écume fixée dans le réseau de calcium du tissu osseux, semble vouloir nous suggérer les 26 dimensions de l’univers. Le sphénoïde cache dans sa cavité – « la selle turcique » - une glande (l’hypophyse), ayant une importance capitale dans le maintien de l’équilibre énergétique du corps, grâce à 8 hormones qu’elle secrète, et qui sont directement impliquées dans le processus de la croissance et de la maturation sexuelle de l’individu. On pourrait assimiler le sphénoïde à une antenne interne, qui s’oriente grâce aux modifications génétiques, pour mieux capter « le plan intelligent ».

 Mais voilà, à la même conclusion – du « plan intelligent » - arrivent, par d’autres chemins, des chercheurs de prestige appartenant à d’autres domaines. Le belge Christian de Duve (le prix Nobel de la médecine, 1974) dit que la matière « est obligée » d’aller vers la complexité, « parce qu’elle n’a pas d’autres choix » et que ce processus évolutif est dirigé vers le perfectionnement du cerveau humain, ayant comme but ultime de l’évolution, l’apparition de l’intelligence et de la conscience. Jean Chaline (paléontologue français) reconnaît que la loi de l’évolution est inscrite à l’intérieur de chaque cellule, dans l’ADN. Une équipe interdisciplinaire, - formée de Jean Chaline, l’astrophysicien Laurent Nottale et l’économiste Pierre Grou, - a établit une loi mathématique capable de prévoir les mutations génétiques liées aux grands sauts évolutifs (Science & Vie N° 1059, 2005).

En penchant notre attention vers ce programme de synthèse et d’évolution de la matière vivante – écrit à l’encre sympathique qui, comme on le sait bien, a besoin de lumière ( !) pour dévoiler les vérités qu’elle cache – nous pouvons nous rendre compte de l’unité de la vie terrestre, de notre origine commune, mais aussi de son énorme diversité. Comment ?! J’ai dit « origine commune » et « diversité » ?! Mais les darwinistes soutiennent la même chose : nous tous sommes apparus au bout d’un long processus évolutif des primates, qui, à leur tour, sont apparus d’une autre lignée, ayant pour base la salamandre !! Les deux courants, tellement opposés en apparence, le darwinisme et le néo-créationnisme, pourraient être donc complémentaires… Leur conciliation pourrait commencer à partir des deux constats suivants : « Intelligent Design » envisage le but de la création et le finalisme global de l’évolution, tandis que le darwinisme fournit uniquement les étapes impliquées dans la réalisation de ce processus évolutif, par des petites périodes.

La forme de papillon du sphénoïde, fut choisie semble-t-il expressément pour nous rappeler qu’avant de pouvoir voler, le papillon fut d’abord une larve. Le fait d’être caché dans le crâne, à la base du cerveau, serait le signe que le vol commence à partir de là.

Teilhard de Chardin, ce réconciliateur visionnaire entre la science et la religion, disait: "For the observers of the Future, the greatest event will be the sudden appearance of a collective humane conscience and a human work to make."(„Pour les observateurs du Futur, le plus grand évènement sera l’apparition soudaine d’une conscience humaine collective et du travail humain à faire).                   

Les environ 6000 langues terrestres, où la langue humaine sortie peut-être du premier Verbe, seront-elles capables de travailler à l’accomplissement de la prophétie de Teilhard?
                                                                                                                      1 décembre 2005 
 
(ROMANIAN ACADEMY, Romanian Committee for the History and Philosophy of Science, INTERDISCIPLINARY BULLETIN No. 2,- 2007)

 

 

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Témoignages d'écrivains sur la langue française

Témoignages d'écrivains sur la langue française
EUROPE

Stéphane Hessel (Berlin, 1917)
Né allemand, acquiert la nationalité française en 1937. S’engage dans les Forces françaises libres. Devient diplomate et haut représentant de la France.
« De cette France revendiquée j’adopte les institutions et les multiples aspects de l’héritage culturel et historique : non seulement la Révolution de 1789 et la Déclaration des droits de l’homme, mais encore la valorisation sans cesse renouvelée de l’intelligence et de la tolérance, de la lucidité et du respect de l’autre : Montaigne, Pascal, Voltaire, Georges Sand ; la conquête des libertés modernes : Hugo, Baudelaire, Rimbaud, Apollinaire ; la profonde clarté d’une langue analytique, articulée, précise. »
(« Danse avec le siècle », par Stéphane Hessel, Seuil, 1997, p. 39)

Rainer Maria Rilke (Prague, 1875-1926)
Poète autrichien de langue allemande. secrétaire de Rodin.
« Oui, j’aime écrire en français, quoique je ne sois jamais arrivé à écrire cette langue (qui plus que toute autre oblige à la perfection, puisqu’elle la permet) sans incorrections et même sans d’insidieuses fautes… Je me rappelle qu’une des premières raisons de me passer une poésie française fut l’absence de tout équivalent à ce délicieux mot : Verger. »
(Florilège de la langue française », par Xavier Deniau, Evreux, Editions Richelieu-Senghor, 1988, p. 102)
« Quelle joie que de pouvoir confier à une langue aussi consciente et sûre d’elle-même, une sensation vécue, et de faire en sorte qu’elle introduise en quelque manière dans le domaine d’une humanité générale… Elle académise, si j’ose m’exprimer de la sorte, la contribution frappée à sa marque et déversée en elle, et lui donne ainsi l’aspect d’une noble chose comprise. »
(Extrait de « Vergers », Gallimard, 1926)

John Brown (Angleterre)
Poète anglais et critique éminent. Auteur en français d’une remarquable histoire des lettres américaines.
« Je sais qu’au début, émerveillé, je maniais le français avec l’insouciance et l’audace d’un alpiniste débutant, qui se balance sur les abîmes sans penser aux dangers. Tout était permis : Je me trouvais dans un nouveau pays où je ne connaissais personne, où personne ne me connaissait. Les contraintes de ma langue natale disparaissaient. Je pouvais sauter, danser, marcher sur la tête, je ne craignais ni le ridicule ni l’extravagant. J’étais l’enfant qui tambourine sur un antique clavecin, le barbare qui pille joyeusement les temples millénaires. »
(Revue internationale de culture française, op. cit.)

Julia Kristeva (Bulgarie)
Professeur à Paris VII. Epouse de Philippe Sollers. Auteur de « Etrangers à nous-mêmes » (Folio, 1988).
« Ecrire en français, ce fut me libérer. Geste matricide. Quitter l’enfer : cette langue est devenue mon seul territoire. Désormais, je ne rêve plus qu’en français. »
(André Brincourt, op. cit., p. 231)

Michel del Castillo (Madrid, 1933)
A fui l’Espagne franquiste, en 1953, pour Paris. Romancier célèbre et chrétien engagé.
« C’est vrai que j’ai eu beaucoup de mal avec l’Espagne, mais maintenant cela va beaucoup mieux. Je suis en fait assez content de ma position, être un écrivain français d’origine espagnole me permet d’avoir une certaine distance vis-à-vis des deux pays. »
(Entrevue, dans Vers l’Avenir, Namur, 18 août 1997)

Jorge Semprun (Madrid, 1913)
Emigré à Paris, en 1936. Déporté à Buchenwald. Ministre en Espagne après Franco.
« Nous avions la passion que peuvent avoir des étrangers pour la langue française quand celle-ci devient une conquête spirituelle. Pour sa possible concision chatoyante, pour sa sécheresse illuminée… L’ espagnol est une langue très belle, mais qui peut devenir folle et grandiloquente, si on lui lâche la bride. Cioran parlait du français comme d’une langue de discipline. Je le crois, le français m’aide à maîtriser mon espagnol. »

Jan Baetens
Critique et poète flamand
« En choisissant librement le français, je cherche aussi à maintenir vivante la tradition de liberté du français, langue et culture des lumières dont il est nécessaire de rappeler l’héritage. J’écris en français pour me libérer de mes particularités trop partisanes, de tout ce qui me limite, des préjugés, des idées trop vite faites, des certitudes trop commodes à porter. »
(Carte blanche, extraits. Le Carnet et les Instants, novembre 1998- - janvier 1999)

Marie Gevers (Edegem, 1883-1975)
Romancière flamande intimiste de grand renom.
« J’ai reçu le français comme instrument familier et bien aimé. Je n’ai pas choisi cette langue. Je me trouve au point de jonction des deux cultures. Et ces deux routes se joignent dans mon cœur. »
(Marie Gevers et la nature, par Cynthia Skenazi, Palais des Académies, 1983, p. 81).

Emile Verhaeren (Saint Amand, 1856-1916)
Etudes au Collège jésuite de Gand (en français) avec Georges Rodenbach. Figure dominante de la littérature belge de langue française. Chantre de la Flandre.
« La plus solide gloire de la langue française, c’est d’être le meilleur outil de la pensée humaine ; c’est d’avoir été donnée au monde pour le perfectionnement de son sentiment et de son intelligence ; c’est en un mot, d’être faite pour tous avant d’appartenir à quelqu’un. Ah ! Si un jour il se pouvait faire que toute la force et tout le cœur et toute l’idée et toute la vie des Européens unis s’exprimassent en elle avec leur infinie variété d’origine et de race… »
(Revue internationale de culture française, op. cit.)

Vassilis Alexakis Grèce) 1944
Partage sa vie entre Athènes et Paris. Prix Médicis 1995 pour « La langue maternelle ».
« Nous sommes les enfants d’une langue. C’est une identité que je revendique. J’écris pour convaincre les mots de m’adopter. »
(« La langue maternelle », Fayard, 1995)

Jean Moreas (né Papadiamantapoulos, Athènes, 1856-1910
Amoureux de la France. Prince de l’école symboliste.
« Mon père voulut m’envoyer étudier en Allemagne. Je me révoltai. Je voulais voir la France. Deux fois je me sauvai de mon foyer et pus enfin gagner Paris. Le destin m’a montré la route –mon étoile me guidait- pour que je devienne le plus grand des poètes français. »
(Revue internationale de culture française, op. cit.)

Samuel Beckett (Dublin, 1906-1990)
Ecrivain de langue anglaise qui s’est imposé par son théâtre en langue française. Prix Nobel de Littérature.
« Son bilinguisme anglais-français lui permet d’assurer à sa pensée une équivalence d’expression dans chacune des langues qui lui sont également familières… Le langage ne compte pas d’abord en tant que porteur d’idées, ce sont les mots, quoique imparfaits, chacun d’eux pris séparément et en même temps dans ses rapports avec les autres, qui isolent l’idée pour la mettre en valeur, soit prononcée, soit suggérée, soit très sous-jacente. »
(Louis Perche dans « Beckett », Le Centurion, 1969, p. 118-119)

Carlo Coccioli (Livourne, 1920)
Emule de Bernanos, auteur du roman « Le Ciel et la Terre ».
« Disons que je sens en italien et que je parle en français. »
(dans « La Voix au cœur multiple », op. cit., p. 25)

Emmanuel Lévinas (Kaunas, Lituanie, 1905-1995)
Philosophe d’origine juive. A élaboré en français sa phénoménologie.
« J’ai souvent pensé que l’on fait la guerre pour défendre le français, c’est dans cette langue que je sens les sucs du sol. »
Le Monde, 19 janvier 1996)

Oscar Vladislas de Lubicz-Miloz (Czereïa, Biélorussie, 1877- Fontainebleau, 1939)
Prince balte, grand poète français. Auteur d’un chef-d’œuvre : Miguel Manara.
« Honneur à la France, pays de cristal, patrie de la pure raison. »
(dams « Milosz, par Armand Godoy, Fribourg, 1944, p. 207)

Marel Halter (Varsovie)
D’origine juive. Rescapé des camps d’extermination.
« C’est en France, plus tard, dans cette France réelle que j’ai découverte à l’âge de quatorze ans, que j’ai appris la liberté en même temps que le français. C’est pourquoi, bien que parlant plusieurs langues, je ne peux écrire, pleurer, rire ou rêver qu’en français. Seule langue dans laquelle je n’ai connu aucune oppression. »
(« Contacts », Paris, janvier 1996-décembre 1997)

Emil Michel Cioran (Raschinari-Sibiu, Roumanie, 1911-1995).
En France depuis 1937. Devenu chef de file de la pensée française.
« La langue française m’a apaisé comme une camisole de force clame un fou. Elle a agi à la façon d’une discipline imposée du dehors, ayant finalement sur moi un effet positif. En me contraignant, et en m’interdisant d’exagérer à tout bout de champ, elle m’a sauvé. Le fait de me soumettre à une telle discipline linguistique a tempéré mon délire. Il est vrai que cette langue ne s’accordait pas à ma nature, mais, sur le plan psychologique, elle m’a aidé. Le français est devenu par la suite une langue thérapeutique. Je fus en fait moi-même très surpris de pouvoir écrire correctement en français, je ne me croyais vraiment pas capable de m’imposer une telle rigueur. Quelqu’un a dit du français que c’est une langue honnête : pas moyen de tricher en français. L’escroquerie intellectuelle y est quasi impraticable. »
(« Itinéraires d’une vie », par Gabriel Lûceanu.)

Eugène Ionesco (Slatina, Roumanie, 1912-1994)
Membre de l’Académie française. Consécration mondiale au théâtre avec « La Leçon » et « La Cantatrice chauve ».
« Si je suis citoyen français, c’est que j’ai fait un choix, qu’une patrie avait la priorité. J’ai choisi le pays de la liberté. »

Romain Gary (Moscou, 1914-1980)
D’un père émigré en Pologne. Volontaire de la France libre. Amoureux de De Gaulle. Diplomate français. Deux fois Prix Goncourt avec « Les Racines du ciel » et « La Vie devant soi ». S’est suicidé.
« Je plonge mes racines littéraires dans mon métissage… La France libre est la seule communauté humaine à laquelle j’ai appartenu à part entière. »
(Dans André Brincourt, op. cit. p. 190-191)

Andreï Makine (Novgorod, 1957)
Venu de Russie aux lettres françaises. Pris Goncourt 1995 pour « Le Testament français ».
« Le français de Charlotte avait gardé une extraordinaire vigueur, dense et pure, cette transparence d’ambre qu’acquiert le vin en vieillissant. Cette langue avait survécu à des tempêtes de neige sibériennes, à la brûlure des sables dans le désert de l’Asie, et elle résonne toujours au bord de cette rivière. »
(« Le Testament français », Mercure de France)

Henry Troyat (né Lev Tarassov, Moscou, 1911)
Venu à Paris en 1920. Couvert de prix. Membre de l’Académie française (1959). Beaucoup de romans et de biographies, inspirées par la Russie.
« Je vivais la moitié du jour à Paris et la moitié du jour à Moscou. J’étais partagé entre le passé et le présent, sollicité, tour à tour, par des fantômes surannés et par des visages vrais et actuels, par une première patrie, lointaine, inaccessible, fuyante, et par une seconde patrie, qui bourdonnait autour de moi, me tirait à elle, m’emportait dans un tourbillon. Pendant longtemps, j’avançai, tant bien que mal, un pied sur les nuages russes et l’autre sur la terre ferme française. Puis, l’équilibre se fit, insensiblement, entre ces deux séductions rivales. Je devins Français, tout en conservant une tendresse particulière pour la contrée de rêve dont m’entretenaient mes parents. »
(« Revue internationale de culture française », op. cit.)

Milan Kundera (Brno, 1929)
Ecrivain français de langue tchèque. Exilé en France. A fini par écrire directement en français (par exemple « Les testaments des trahis »).
« C’était l’occupation russe, la période la plus dure de ma vie. Jamais je n’oublierai que seuls les Français me soutenaient alors. Claude Gallimard venait voir régulièrement son écrivain pragois qui ne voulait plus écrire. Dans ma boîte, pendant des années, je ne trouvais que des lettres d’amis français. C’est grâce à leur pression affectueuse et opiniâtre que je me suis enfin décidé à émigrer. En France, j’ai éprouvé l’inoubliable sensation de renaître. Après une pause de six ans, je suis revenu, timidement, à la littérature. Ma femme, alors, me répétait : La France, c’est ton deuxième pays natal. »

Elie Wiesel (Signhet, Transylvanie, 1928)
Rescapé des camps d’extermination. Parle et écrit quatre langues : yiddish, hébreu, français, anglais. A choisi le français pour langue littéraire parce que c’est la langue qui l’a réconcilié avec le monde et c’est en français qu’il a lu ses deux maîtres : Kafka et Dostoïevski.
« C’est le français qui m’a choisi. »
(Dans « Auteurs contemporains », n° 6, Bruxelles, Didier-Hatier, p., 50


AFRIQUE NOIRE ANTILLES OCEAN INDIEN

Paulin Joachim (Cotonou, Bénin, 1931)
Etudes de journalisme. Directeur de « Bingo ».
« Je me suis enraciné loin dans la langue française pour pouvoir en explorer les profondeurs… et je peux affirmer aujourd’hui que je lui dois tout ce que je suis. »
(« Florilège de la langue française », par Xavier Deniau, Evreux, Ed. Richelieu Senghor, 1998)

Sony Labou Tansi (Kimwanza, 1947-1995)
Né de père zaïrois, un des écrivains les plus créateurs de l’Afrique noire, notamment au théâtre. Mort du sida.
« On me reproche d’écrire en français, langue de l’acculturation. Une chose me fait sourire : les reproches me sont faits en français et je les comprends mieux comme cela. Cela ne veut, certes, pas dire que je balance la langue kongo par dessus bord pour épouser la belle prisonnière de Malherbe. Le monde actuel est essentiellement fait de métissage. Comment pourrait-il en être autrement ? Je suis Kongo, je parle kongo, j’écris en français. Ma kongolité ne peut pas s’exprimer en dehors de cette cruelle réalité. »

Léopold Sédar Senghor (Joal, 1906)
Père de la négritude, premier président du Sénégal indépendant. Membre de l’Académie française. Un des plus grands poètes français.
« Le français, ce sont les grandes orgues qui se prêtent à tous les timbres, à tous les effets, des douceurs les plus suaves aux fulgurances de l’orage. Il est, tour à tour et en même temps, flûte, hautbois, trompette, tam-tam et même canon. Et puis le français nous a fait don de ses mots abstraits –si rares dans nos langues maternelles- où les larmes se font pierres précieuses. Chez nous, les mots du français rayonnent de mille feux comme des diamants. Des fusées qui éclairent notre nuit. »

René Depestre (Jacmel, Haïti, 1926).
Exilé. Séjour à Cuba. Haut fonctionnaire à l’Unesco.
« De temps en temps il est bon et juste
de conduire à la rivière
la langue française
et de lui frotter le corps
avec des herbes parfumées qui poussent en amont
de mes vertiges d’ancien nègre marron.
Laissez-moi apporter les petites lampes
créoles des mots qui brûlent en aval
des fêtes et des jeux vaudou de mon enfance :
les mots qui savent coudre les blessures
au ventre de la langue française,
les mots qui ont la logique du rossignol
et qui font des bonds de dauphins
au plus haut de mon raz de marée,
les mots qui savent grimper
à la folle et douce saison de la femme,
mes mots de joie et d’enseignement :
tous les mots en moi qui se battent
pour un avenir heureux,
Oui, je chante la langue française
qui défait joyeusement sa jupe,
ses cheveux et son aventure
sous mes mains amoureuses de potier. »
« Bref éloge de la langue française », Haïti, 1980)

Léon Laleau (Port-au-Prince, 1892-1979)
Sa « Musique nègre » date de 1931.
« Ce cœur obsédant, qui ne correspond
Pas à mon langage ou à mes costumes,
Et sur lequel mordent comme un crampon,
Des sentiments d’emprunt et des coutumes
D’Europe, sentez-vous cette souffrance
Et ce désespoir à nul autre égal
D’apprivoiser, avec des mots de France,
Ce cœur qui m’est venu du Sénégal. »
(Dans « Francité », par Joseph Boly, Bruxelles Fondation Plisnier, 1984, p. 36)

Jean Métellus (Jacmel, 1937)
Eloigné de son pays. Neurologue à Paris.
« Je tiens à la francophonie non pas pour une quelconque raison esthétique mais parce que tout le passé d’Haïti a été exprimé dans cette langue. »
(Dans « Florilège », op. cit., p. 127)

Raphaël Confiant (Lorrain, Martinique, 1951)
Appartient à la nouvelle génération des Antillais décolonisateurs de la langue française, avec Patrick Chamoiseau (Prix Goncourt pour « Texaco »). Co-auteur de « Eloge de la créolité ».
« Je suis français. Césaire est français. Mais nous ne sommes pas que français. Je ne peux pas écrire comme un Hexagonal. Je ne crois pas que les canadiens Gaston Miron ou Antoine Maillet soient seulement français, et ce qui est intéressant dans leurs livres, ce n’est pas la Francité mais la Canadianité. »
(Dans André Brincourt, op. cit., p. 60)

Edouard Glissant (Bezaudin, Martinique, 1928)
Ecrivain mondialement consacré depuis longtemps. Prix Renaudot pour « La Lézarde » (Seuil, 1958)
« Je crois que la francophonie peut être un lieu de lutte pour l’explosion de toutes les langues, et c’est seulement à ce prix, selon moi, qu’elle aura mérité d’être. »
(Dans « Florilège », op. cit., p. 128)

Jean-Joseph Rabearivelo (Tananarive, 1901-1937)
Poète maudit et déchiré. Auteur des « Calepins bleus ». S’est suicidé en pensant à Baudelaire.
« J’embrasse l’album familial. J’envoie un baiser aux livres de Baudelaire que j’ai dans l’autre chambre –Je vais boire- C’est bu- Mary (sa femme). Enfants. A vous tous mes pensées les dernières –J’avale un peu de sucre –Je suffoque. Je vais m’étendre…
(Dans « La Voix au cœur multiple », op. cit. p. 106)

Jacques Rabemananjara (Maroantsera, 1913)
A grandi à Tananarive. Ecrivain majeur des lettres françaises.
« La langue française est un objet d’amour pour nous… Nous avons été tellement séduits par la langue française que c’est à travers cette langue française que nous avons réclamé notre indépendance… Débarrassée de toute connotation impérialiste et dominatrice, la langue française a été choisie par nous-mêmes pour être un instrument idéal, le véhicule qui nous permet de communiquer aisément avec des millions d’êtres humains et de lancer, de par le monde, notre propre message. »
(Dans « Florilège », op. cit., p. 104 et 127)

Raymond Chasle (Brisée-Verdière, Ile Maurice, 1930-1996)
Etudes à Londres. Diplomate de haut niveau. Métis et poète à la manière de Mallarmé et d’Apollinaire.
« La langue française m’a permis de résoudre mes tensions intérieures, de transcender mes écartèlements. Langue de toutes les succulences et de toutes les résonances, elle est, pour moi, le support privilégié de la mémoire, de la connaissance et du combat. »
(Dans « Florilège », op. cit., p. 104)


MONDE ARABE

Jean Amruche (Kabylie, 1906-1962)
Poète et essayiste. Se voulait être un pont entre les communautés algérienne et française.
« Ses rigueurs (du français) satisfont un besoin essentiel de mon esprit. Sa souple, sévère, tendre et quasi insensible mélodie, touche, éclaire, émeut mon âme jusqu’au fond. »
(Le Figaro littéraire, 13 avril 1963)

Mohamed Dib (Tlemcen, 1920)
Romancier et poète. regard lucide sur le monde et les siens.
« (Le français), c’est le véhicule idéal d’une pensée qui cherche, à travers les réalités locales, à rejoindre les préoccupations universelles de notre époque. »
(« Florilège de la langue française », par Xavier Deniau, Evreux, Ed. Richelieu-Senghor, 1988)

Tahar Djaout (Algérie, 1954-1993)
Prix Méditerranée 1991. Assassiné à Alger, le 2 juin 1993.
« L’écrivain n’use-t-il pas inévitablement d’une langue différente, d’une langue de l’étrangeté… empruntant les détours d’une langue non natale, aller plus loin dans l’exil et, partant, dans l’aventure. »
(« La Quinzaine littéraire », Paris, 15 mars 1985)

Assiaz Djebar (Cherchel, 1936)
Romancière et cinéaste.
« Il y a un pont à établir… du français conceptuel à l’arabe luxuriant, il y a quelque écho commun, mais si fragile, si secret… une fluidité, une coulée qui est à la fois française et arabe. »
(Dans « La Voix au cœur multiple », op. cit., p. 54) + Anth. Nathan (p. 376-7)

Malek Haddad (Constantine, 1927-1978)
Poète et romancier. déchiré de ne pouvoir écrire en arabe.
« Je suis en exil dans la langue française. Mais des exils peuvent ne pas être inutiles et je remercie sincèrement cette langue de m’avoir permis de servir ou d’essayer de servir mon pays bien aimé. »
(Dans « Florilège », op. cit., p. 126)

Mouloud Mammeri (Kabylie, 1917-1989)
De sa langue maternelle berbère au roman français. Auteur de « La Colline oubliée » (1952). Mort accidentelle.
« Le français n’est pas ma langue maternelle. J’ai eu bien du mal à apprendre l’imparfait du subjonctif antérieur. Or si je veux m’exprimer, je ne peux le faire que dans cette langue. On peut être nationaliste algérien et écrivain français. Je crois, d’ailleurs, qu’avec l’indépendance, la langue française prendra un nouvel essor. Elle ne sera plus l’instrument d’une coercition, la marque d’une domination. Elle sera le canal de la culture moderne. Pour moi, je n’envisage pas d’écrire jamais dans une autre langue. »
(Le Figaro littéraire », 31 décembre 1955 et « Témoignage chrétien », 24 janvier 1958)
« La langue française est pour moi un incomparable instrument de libération, de communion ensuite avec le reste du monde. Je considère qu’elle nous traduit infiniment plus qu’elle nous trahit. »
(« France Information », n° 122, Paris, 1984)

Khalida Messaoudi
Pour elle, comme pour beaucoup d’autres, la résistance au terrorisme islamique en terre d’Algérie se fait d’abord en langue française.
« Bien sûr, j’avais déjà étudié Nedjma (de Kateb Yacine) sans le comprendre vraiment. J’ai écouté cet homme (Guenzet) parler dans un français exceptionnel et nous lancer : « Le français, c’est un butin de guerre . » Pour la première fois, je me suis mise à réfléchir en français, mais plus comme à la langue donnant accès aux textes de littérature ou de philosophie. Je m’interrogeais sur son statut en Algérie. Je me suis rendu compte que Kateb –comme Mouloud Mammeri ou Mohamed Dib et d’autres- l’avait utilisé, lui, comme arme de combat contre le système colonial, comme arme de conceptualisation. Dès lors je ne trouvais plus seulement naturel de parler français, je me disais : « C’est génial, je suis en train de me l’approprier comme un instrument. Jamais je ne laisserai tomber ça. » Vois-tu, c’est cette Algérie-là pour laquelle je me bats, une Algérie où il est possible d’être en même temps berbérophone, francophone et arabophone, de défendre le meilleur des trois cultures. Le message de Guenzt se trouvait dans cette vérité, et ma mémoire l’a enregistré pour toujours. »
(« Une Algérienne debout », Flammarion, 1995, coll. J’ai lu, p. 81-82)

Kateb Yacien (Constantine, 1929-1989)
D’une renommée internationale avec « Nedjma » (1956) au théâtre en langue arabe.
« La plupart de mes souvenirs, sensations, rêveries, monologues intérieurs, se rapportent à mon pays. Il est naturel que je les ressente sous leur forme première dans ma langue maternelle. Mais je ne puis les élaborer, les exprimer qu’en français. Au fond, la chose est simple : mon pays, mon peuple sont l’immense réserve où je vais tout naturellement m’abreuver. Par ailleurs, l’étude et la pratique passionnées de la langue française ont déterminé mon destin d’écrivain. Il serait vain de reculer devant une telle contradiction car elle est précieuse. Elle consacre l’un de ces mariages entre peuples et civilisations qui n’en sont qu’à leurs premiers fruits, les plus amers. Les greffes douloureuses sont autant de promesses. Pourvu que le verger commun s’étende, s’approfondisse, et que les herbes folles franchissent, implacables, les clôtures de fer. »
(« Revue internationale de culture française », op. cit.)

Tahar Ben Jelloun (Fès, 1944)
Immense écrivain international. Poète, romancier et essayiste. Pris Goncourt (« La Nuit sacrée »). Chroniqueur au « Monde ».
« Qu’importe l’encre, la couleur des mots, le regard des mots ; et si ces mots sont de France, ils viennent de toutes les langues françaises que nous écrivons ici et ailleurs. »

Héli Béji (Tunisie, 1948)
« Une langue n’est jamais neutre, fut-elle de naissance ; elle n’est qu’une traduction étrange de l’intensité de la réalité. »
« La Quinzaine littéraire, Paris, 16 mars 1985)

Abdelwahab Meddeb (Tunisie, 1946)
« Faire pénétrer dans la langue française une respiration sémitique spécifique… décentrer la langue française, lui insuffler un expir arabe, de quoi lu donner des accents inouïs, inattendus, imprévus. »

Albert Memmi (Tunis, 1920)
Vit à Paris. Psycho-sociologue et romancier. (« La statue de sel », 1953).
« J’essayais de prononcer une langue qui n’était pas la mienne, qui, peut-être, ne la sera jamais complètement, et pourtant m’est indispensable à la conquête de toutes mes dimensions. »
(Dans « La Voix au cœur multiple », op. cit., p. 78)
Abdelaziz Kacem (Bennane, Tunisie, 1933)
Agrégé d’université, critique, écrivain bilingue.
« J’ai expliqué que l’arabe et le français étaient pour moi l’endroit et l’envers d’une même étoffe, que l’une des deux langues était ma mère et l’autre ma nourrice, ce qui fit de moi pour Villon un frère de lai. »

Hector Klat (Alexandrie, 1888-1977)
Un des précurseurs, avec Charles Corm, dans l’expression littéraire libanaise.
« Mots français mots du clair parler de doulce France ;
Mots que je n’appris tard que pour vous aimer mieux.
Tels des amis choisis au sortir de l’enfance ;
Mots qui m'êtes entrés jusqu’au cœur par les yeux. »
(« Le Cèdre et les lys », 1934, couronné par l’Académie française)

Georges Schéhadé (Beyrouth, 1910-1989)
Une des grandes voix des lettres françaises en poésie et au théâtre.
« Tout petit, j’avais le goût des mots, j’étais en dixième, je crois, quand j’ai entendu pour la première fois le mot « azur », j’ai trouvé ça « extraordinaire »… « azur »… je l’ai emporté avec moi dans mon cartable. »
(Entrevue dans « Le Monde », par Claude Sarraute, 26 novembre 1967)

Salah Stétié (Beyrouth, 1929)
Grand prix de la francophonie 1995.
« Miracle de ceux-là qui viennent au français avec leur arabité ou leur négritude, leur asiatisme ou leur insularité, leur expérience autre de l’Histoire et du monde, leurs autres mythologies, avec leurs dieux ou leur Dieu, salés par les océans qui ne sont pas les mers frileuses d’ici, mers d’Europe bordant le plus grand pourtour de l’Hexagone. Ils savent ceux-là que le français, langue des Français, n’est pas, n’est plus le trésor des seuls Français. »
(Dans André Brincourt, op. cit., p. 103)

Vénus Koury-Ghata (Beyrouth, 1937)
Inspiration poétique et expérience de femme.
« Le français est pour moi un compagnon fidèle, clef des fantasmes, gardien contre les dérapages et la solitude dans un pays qui n’est pas le mien. L’Arabe, c’est l’autre, drapé de mystère. Il emprunte ma plume… Il revient quand bon lui semble, entre les lignes, au détour des pages. Ses passages sont fugaces. »
(Dans André Brincourt, op. cit., p. 104)

Amin Maalouf (Beyrouth, 1949)
Une des voix qui montent en France et recueillent tous les suffrages. Auteur des « Identités meurtries » (Paris, Grasset, 1998)
« Le fait d’être chrétien et d’avoir pour langue maternelle l’arabe, qui est la langue sacrée de l’Islam, est l’un des paradoxes fondamentaux qui ont forgé mon identité… Je bois son eau et son vin, mes mains caressent chaque jour ses vieilles pierres, jamais plus la France (où il vit depuis l’âge de 27 ans) ne sera pour moi une terre étrangère. »

Andrée Chédid. (Le Caire, 1920)
Vit en France par choix. Y brille par sa poésie. Formée en partie à l’Université américaine. Premier poème en anglais.
« Par choix, par amour de cette cité (Paris). Sa pulsation, sa liberté, sa beauté m’ont marquée très jeune d’une manière indélébile. »
(Dans « Questions de français vivant », n° 4, Bruxelles, 1984)

Albert Cossery (Le Caire, 1913)
Vit à Paris depuis 1945. N’a jamais demandé la nationalité française. Décrit une Egypte marginale.
« Je n’ai pas besoin de vivre en Egypte ni d’écrire en arabe. L’Egypte est en moi, c’est ma mémoire. »
(Dans André Brincourt, op. cit., p. 16)

Georges Dumani (Egypte, 1882)
Fondateur de l’hebdomadaire « Goha ».
« C’est qu’ici et là on aime la fine clarté, l’intelligence compréhensive, l’ordonnance rythmée de la pensée et du style, l’enchâssement harmonieux des mots dans le tissu des phrases : c’est qu’ici et là –quelle que soit la diversité du génie et de la race- on a le goût de la vérité, le sens de l’ironie et le culte de la tendresse. »
(Dans « L’Egypte, passion française », par Robert Solé, Seuil, 1997, p. 234)

Edmond Jabès (Le Caire, 1912-1991)
Grande notoriété dans la littérature française contemporaine. Quitte l’Egypte à l’arrivée de Nasser, en 1957.
« Mon attachement à la France date de mon enfance et je ne pouvais m’imaginer habitant ailleurs. »
(Dans « Questions de français vivant », op. cit.)

Elian J. Fibert (Jaffa, 1899-1977)
A chanté les animaux et son pays, Israël. Grand Prix Princeton pour l’ensemble de son œuvre.
« Voici des Musulmans, des Arméniens, des Juifs, des Syriens et bien d’autres. Familles d’esprit aux contrastes et aux oppositions innombrables, mais qui se sont pliés à une même règle et ont accepté une discipline semblable, celle de la langue et de la culture françaises. Peut-être, cette langue et cette culture, touchent-elles en moi ce que nous avons en commun, nous autres riverains de la Méditerranée, je veux dire le goût pour les idées pures, pour la raison. »
(« Revue internationale de culture française », op. cit.)

Naïm Kattant (Bagdad, 1928)
Né dans la communauté juive de Bagdad. Emigré au Québec, en 1954. Chef de service des lettres et de l’édition des Arts du Canada.
« Si, à vingt-cinq ans, j’ai choisi Montréal comme nouvelle patrie, c’est qu’on y parle français. Aussi, à travers les civilisations, j’adopte une langue et un pays autres que les miens et je garde mon nom. Je ne subis pas mon destin et ma mémoire, je les accepte et je signe mon nom. »
« Le Repos et l’Oubli », essai, Québec, Méridiens Klincksieck, 1987, p. 121 et 196)

André Chouraqui (Aïn Temouchent, Algérie, 1917)
Résistant en France. Maire adjoint à Jérusalem. Traducteur de la Bible et du Coran en français, « une lecture décloisonnée, non confessionnelle » qui, grâce aux « libertés que permet l’éclatement actuel de la langue française, abolit les frontières et lance un pont entre des religions et des confessions fondées sur les réalités essentielles ».
« Ma langue maternelle, avant l’hébreu, était l’arabe. Nous ne parlions que cette langue, qui fut celle de nos plus grands théologiens, dans notre maison, comme dans les rues animées par nos jeux. »
Dans « Le Journal d’un mutant » par Joseph Boly, CEC, Bruxelles, 1987, p. 89)


AMERIQUE – ASIE

Julien Green (Paris, 1900)
Ecrivain américain de langue française. Un monument de notre littérature.
« Ma vraie personnalité ne peut guère s’exprimer qu’en français ; l’autre est une personnalité d’emprunt et comme imposée par la langue anglaise (et pourtant sincère, c’est le bizarre de la chose). Cette personnalité d’emprunt, je ne puis la faire passer en français que fort ma-laisément : elle ne semble pas tout à fait vraie. »
(« Journal » (1943-1945), Plon, 1949, p. 160, 16 sept. 1944)

Hector Biancotti (1930)
Argentin d’origine italienne. Venu en France, à Paris (1963) pour être écrivain français. Membre de l’Académie française. Chroniqueur au « Monde ». Premier roman en français « Sans la miséricorde du Christ » (Gallimard, 1985).
« J’entends les nuances du français, c’est une langue plate, très uniforme au point de vue de l’accent, mais il a la richesse des diphtongues et des différents « e » aigu, accent grave, et cette mystérieuse richesse qui est le « e » muet. Il faut que la phrase soit bien balancée. Pas toutes. On apprend, en écrivant beaucoup de pages, qu’il ne faut pas tomber dans la mélopée. Il faut casser le rythme. Vous avez cédé pendant vingt lignes à la phrase longue et à la mélopée, alors il faut tout à coup faire des phrases courtes. Certains appellent ça la technique. C’est comparable à la musique. »
« Le Magazine littéraire », septembre 1995)

Adolfo Costa du Rels (Corse, 1891)
Romancier et auteur dramaturge bolivien. Ecrivain bilingue.
« Je t’ai donné une culture française afin de perpétuer dans notre famille une tradition qui est une sorte de patrie mentale. Je vous passe le message de mon père. » (à son fils).
(« Revue internationale de culture française », op. cit.)

Armand Godoy (La Havane, 1880-1964)
A changé de langue à quarante ans pour devenir poète français dans la langue de Baudelaire.
« Depuis que je t’ai découvert
Ton livre jamais ne me quitte
Il vit en moi, toujours ouvert,
Comme un missel de cénobite. »
(« Stèle pour Charles Baudelaire »)

Ventura Garcia Calderon (Paris, 1887-1959)
Né péruvien, à Paris. Fut ministre du Pérou. Ecrivit dans les deux langues en cultivant un grand amour pour la France.
« Me suis-je trompé avec tant de spectateurs universels en venant ici à vingt ans, orphelin ingénu, comme le pauvre Gaspard de Verlaine, prendre place dans ce que l’ancêtre Calderon appelait « le grand théâtre du monde » ? Tout le problème de la culture française et des origines de son génie se posait naturellement à moi. pendant que des soldats nocturnes dévalisaient la France, je faisais, sans pouvoir dormir, l’inventaire de son génie. »
(« Cette France que nous aimons », Paris, Editions H. Lefèbvre, 1942)

Nguyeng tien Lang (Nord, 1909-1976)
Prisonnier du Viêt-Minh (1945-1951). « Les Chemins de la révolte » (1953).
« C’est dans nos fibres les plus profondes que cette empreinte de la France nous a marqués pour toujours, et pourtant nous restons encore et toujours nous-mêmes ; ou, pour ainsi parler, ni tout à fait nous-mêmes, ni tout à fait français ! C’est cela qu’on appelle la synthèse ! Si c’est cela, c’est bien doux à certaines minutes, mais c’est très souvent déchirant. »
(Dans « La Voix au cœur multiple », op. cit., p. 149)

Vo Long-Tê (Sud, 1927)
Ecrit en vietnamien et en français. Baptisé catholique en 1952. Interné en 1975-1977. Au Canada depuis 1991. Traducteur de Paul Claudel. Admirateur de Rimbaud et du poète lépreux Han-Mac-Tu. A servi la poésie française qui lui a permis de rester lui-même dans l’épreuve.
« Reverrai-je bientôt ma lointaine patrie ?
Elle est toujours en moi durant toute ma vie,
Attachée à jamais à la vietnamité. »
(« L’Univers sans barreau », 1991)

A ces auteurs qui se sont exprimés, il conviendrait d’ajouter tous les autres, innombrables, et de plus en plus nombreux, ces dernières années.
Laissons de côté les écrivains d’Afrique noire, des Antilles et de l’Océan Indien ainsi que ceux du Monde arabe et de l’ancienne Indochine, ils sont légion. Nous ne pouvons que renvoyer aux anthologies et histoires littéraires.
Certains pays non francophones et non colonisés par la France entretiennent une littérature presque continue en langue française. C’est le cas de :

Flandre : Charles de Coster, Michel de Ghelderode, Georges Eechoud, Max Elskamp, Franz Hellens, Werner Lambersy, Maurice Maeterlinck, Françoise Mallet-Joris, Félicien Marceau, Camille Melloy, Jean Ray, Charles Van Lerberghe, Liliane Wouters, Pau Willems .

Roumanie : Constantin Amarui, Princesse Bibesco, Adolphe Cantacuzène, Comtesse Anna de Noailles, Petru Dimitriu, Mircea Eliade, Benjamin Fondane, Virgil Gheorghiu, Luca Gherasim, Isidore Isou, Panaït Istrati, Tristan Tzara, Hélène Vacaresco, Horia Vintila, Ilarie Voronca.

Russie : Arthur Adamov, Victor Alexandrov, Nelle Bielski, Alain Bosquet, Hélène Carrère d’Encausse, Christian Dédeyan, Georges Govy, Joseph Kessel, Zoé Oldenbourg, Nathalie Sarraute, Boris Schriber, Elsa Triolet, Vladimir Volkoff, Vladimir Weidké.

Grèce : Alfred Cohen, André Kedros, Gisèle Prassinos, C.P. Rodocanouchi, Georges Spyridaki, Nikos Zazantzaki.

Italie : Louis Calaferte, Gabriele d’Annunzio, Lanza Del Vasto, Geneviève Genari.

Espagne : Arrabal, Salvador de Madiaraga, Luis de Villalonga, Picasso.

Egypte : Amouar Abdel Marek, Albert Adès, Faouzia Assad, Georges Cattauï, Georges Henein, Albert
Josipovicci, Joyce Mansour, Filippo Marinetti, Out El-Kouloub, Robert Solé, Gaston Zananiri.
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