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liberté (42)

administrateur théâtres

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Guernica, mi amor
de et par : José Perez

José Perez est traducteur, poète-partisan, et conférencier. Nous avons applaudi son précédent spectacle en octobre dernier au théâtre de la Clarencière. Il mettait en scène la poésie de Garcia Lorca, et ce fut un triomphe! La salle, ce soir, est  à nouveau comble. « Le rôle des poètes, c’est d’y croire ! »

José Perez est né dans le même quartier de Malaga en Espagne que Picasso. Cela fait 20 ans qu’il méditait de rendre hommage à Guernica,  cette toile mythique qui fut une révélation pour lui dès le plus jeune âge, une toile qui fut le témoignage visuel le plus éloquent et le plus fort de l’horreur absolue de la guerre, tant défensive qu’ offensive. Pablo Picasso dit  lui-même de ce manifeste : « Cette peinture n’est pas faite pour décorer les appartements. C’est un instrument de guerre, offensif et défensif contre l’ennemi. » Elle symbolise la colère ressentie par le peintre à la mort des  innombrables victimes tombées le 26 avril 1937, un jour de marché, à16h30  sous le feu des escadrilles allemandes à la demande du Général Franco. On se souvient de cette célèbre anecdote qui raconte qu’Otto Abetz, alors ambassadeur du régime nazi à Paris, aurait lors d'une visite d’atelier devant une photo de Guernica demandé à Picasso avec colère: « C'est vous qui avez fait cela ? » Et Picasso aurait répondu bravement: « Non… c'est vous ! » 

José  Perez  ne croit pas aux tables qui tournent ni à aucune bondieuserie, mais il croit dans le Diable et conte l’histoire du Mal : «Et puis le diable  s’en était pris à mon village », raconte-t-il, alors que  l’innocent village basque préparait une noce !  La toile fut  exposée il y a 80 ans au Pavillon espagnol de l'Exposition internationale à Paris en 1937. On ne peut passer cet anniversaire sous silence!

C’est l’occasion pour José Perez de  réunir sous sa plume  les deux figures tutélaires espagnoles :

 «  A ton chevalet, peintre, à ta muse, poète,

 Dessine-nous le jour, invente-nous la fête,

 La surface de ta page blanche, inondée de vermeil,

 La surface de ta toile blanche, inondée de soleil,

 Que luisent tous les feux tournés vers l’Empirée,

 Que nagent les dauphins vers le port de Pirée. »

Aujourd’hui, les bombes tombent de plus en plus près, et de plus en plus souvent. Convoquer Picasso après avoir invité Garcia Lorca pour condamner le franquisme est une évidence. Il faut prendre les armes poétiques et artistiques pour confronter le Mal absolu. Pour que les gens se rendent compte des relents de la bête immonde qui se réveille… partout dans le monde en 2017. Elle est parmi nous.

Il ne faut plus la faire, la guerre. C’est écrit dans le sang de la terre, « quand il n’y a plus de ciel pour bercer la campagne, quand il n’y a plus de feu pour chauffer l’Espagne ! » Quand des noms d’hommes sont mis en répertoires, quand on se tient au mur sous le bruit des sirènes. Quand la chemise est maculée de sang. Et que les hommes se sont enfuis dans la forêt. Il y a tant d’hommes et de femmes accablés et torturés dans les cachots pour avoir condamné le silence. Il y a tant d’enfants sacrifiés dans le grand saccage.  

« …Est-ce ainsi que les hommes vivent 
Et leurs baisers au loin les suivent… »

Très habilement, José Perez mélange  le terreau des  grands poètes français Aragon, Apollinaire et d’autres encore,  l’argile féconde de  vastes musiques classiques et la tourbe légère de chants traditionnels espagnols, le feu de sa propre passion poétique, la voix de la Résistance, la guitare, le talon, le bâton, la berceuse de Brahms et la  valse de Chostakovitch pour nous émouvoir et nous faire entrevoir l’avènement de la démence et  l’épouvantable suicide de la Liberté.

« Picasso colombe au laurier
Fit Guernica la mort aux cornes
Pour que dans un monde sans bornes

La nuit ne vienne plus jamais

La nuit ne vienne plus jamais
La nuit ne vienne plus jamais » –
Jean Ferrat

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       « Je n'ai jamais considéré la peinture comme un art de simple agrément de distraction. Ces années d'oppression terribles m'ont démontré que je devais combattre non seulement pour mon art mais aussi pour ma personne ». Pablo Picasso

µ https://www.laclarenciere.be/

µ José Perez prépare un autre spectacle à La Clarencière, pour le mois de Juin : « le Carré Long » La franc-Maçonnerie a 300 ans. Avec Myriam Kaminski, Kate Rizzi, Cécile Rigot, et François Mairet. Les 23 et 24 juin 2017    

µ Rejoignez-nous! https://www.facebook.com/groups/364779173602534/

µ Et profitez-en pour plussoyer la page de l'auteur de cet article où vous retrouverez quelques photos du spectacle! https://www.facebook.com/plusde500billetsdeDHL/

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administrateur théâtres

Du Mercredi 11 au Dimanche 22 janvier PARCE QUE C’ÉTAIT LUI  “MONTAIGNE & LA BOÉTIE

Un texte à trois voix de Jean-Claude IDEE

 

Toutes les utopies ont engendré la violence...  

Surprise, enthousiasme, passion, philosophie, délices du corps et de l’âme, fraîcheur exquise,  la jubilation devant le jeu des trois larrons qui nous ont projetés avec tant de feu quatre cents ans en arrière,  et au bout,  l’envie folle de se procurer le livret si à propos  ou de revenir le lendemain pour re-savourer  à loisirs ce joyau du cœur et de l’esprit, contempler avec bonheur une perle de la scène !  Pendant ce court spectacle, bouillonnant d'esprit et de beaux costumes,  vous serez remués par la beauté de la langue, la justesse du propos, le ton comique et jouissif, la beauté des sentiments, la vérité des interrogations, la subtilité du discours ! Cinq étoiles et plus s’il y avait de la place dans le firmament de nos coups de cœurs pour la perfection de l'interprétation: Katia MIRAN, Emmanuel DECHARTRE, Dominique RONGVAUX !

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Jean-Claude Idée s’est attaqué à une œuvre maîtresse du capital culturel mondial : les Essais de Michel de Montaigne et aux doutes qui hantent son auteur. Il raconte des épisodes de la vie passionnante de Montaigne, l’homme des missions diplomatiques impossibles entre Catherine de Médicis, le duc de Guise, Henri III et le jeune Henri de Navarre. Il met en relief la  trahison ressentie vis-à-vis de son meilleur ami, Etienne de la Boétie, décédé à la fleur de l’âge, et  dont il a omis volontairement de publier les écrits comme il l’avait promis. Il  estimait que ce texte, le Discours de la servitude volontaire par Étienne de La Boétie (1549) était un véritable brûlot révolutionnaire  risquant  de ruiner une France déjà dévastée par 30 ans de guerres de religion sanguinaires.

... Il est « devenu le prince des accommodements » enrage le fantôme d’Etienne qui ne cesse de le hanter. Etienne l’accuse vertement d’avoir pondu 3 essais de 1000 pages narcissiques sur l’éloge du « rien ! » ... Philosopher n’est pas poétiser.  Montaigne  estime qu’Etienne, tout en voulant revenir aux valeurs d’origine de la société gréco-romaine,  pense plus loin que la république, souhaite une insurrection chronique, rêve d’une société libertaire. Il refuse de faire l’éloge de la violence. Seule la réconciliation peut éteindre les guerres. Etienne bataille pour une pensée neuve et radicale menant à la désobéissance générale.

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« L’amazone est une philosophe » raille Etienne ! La très jeune et pétillante  femme savante Marie de Gournay - la première grande féministe française - travaille pour gagner sa vie et se met au service d’un homme dont elle est tombée doublement amoureuse: pour les mots, d’abord, pour la chose ensuite. Elle fait son enquête et cherche à comprendre pourquoi Montaigne n’a pas publié le texte de son ami dans ses essais. Elle n’attend rien des autres hommes et veut tout de lui. Y compris un enfant, ou alors une tonne de souvenirs qui seront toute sa vie ! Et elle veut changer la société, abattre les privilèges. Tabula rasa. Tout comme Etienne ! Tiens, tiens !

Marie «Tu es le frère de tous les hommes, je suis la fille de ton âme ! » 

Etienne «  Quelle dérision, tu es mon pire ennemi ! »

Michel « Il y a quelque chose de « nous »   dans chaque français » 

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http://www.comedievolter.be/parce-que-cetait-lui-montaigne-la-boetie/

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Songe ou mensonge ? Complicité de deux géants russes…Pouchkine et Rimsky Korsakov.  Que nous réserve l’aube nouvelle ?

Quelque part dans un empire
Plus lointain qu'on ne peut dire,
Vivait le grand roi Dadon,
Qui dès l'enfance eut le don
D'infliger par son courage
À ses voisins force outrages.
Or ce roi, quand il vieillit,
Voulant loin des chamaillis
Connaître des jours paisibles,
A son tour devint la cible
De ses voisins qui dès lors

Lui causaient beaucoup de tort… 

Ainsi commence le conte russe écrit par Pouchkine (1799-1837) en 1834. Jugé irrévérencieux, par ses remarques caustiques sur le Tsar Nicolas I,  celui-ci fut déjà censuré.

 La satire  gagne encore en puissance avec le librettiste, Vladimir Belsky et la musique de  Rimsky Korsakov (1844-1908). Il fut à son l’époque plus difficile de  faire sautiller Le Coq d’or de sur la scène russe que de faire passer un chameau par le  trou d’une aiguille…raconte à l'époque, le critique musical, Joel Yuliy Engel (1868-1927).  Quoi de plus subversif d’ailleurs qu’un conte, pour critiquer  ce régime tsariste pourri  qui ne recule pas devant le crime et ne tient pas  ses promesses? En 1905, le compositeur   fut destitué, puis réintégré dans ses fonctions au Conservatoire pour avoir apporté son soutien public à des étudiants rebelles. La création du dernier opéra de Rimski-Korsakov eut finalement lieu le 24 octobre 1909 à Moscou dans un théâtre privé, après sa mort.

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  "Il a le rang et les vêtements du Tsar. Mais son corps et son âme sont ceux d'un esclave. À quoi ressemble-t-il? Les courbes impaires de son personnage rappellent celle d'un chameau, Et ses grimaces et caprices sont celles d'un singe ..." La musique transparente de cet opéra alerte et malicieux, composé près de  10 ans  avant la révolution de 1917, regorge d’allusions parodiques au pouvoir en place, critiquant ouvertement ce roi malhabile, son régime autoritaire et arbitraire et l’asservissement de son peuple, pourtant libéré officiellement du servage en 1861.

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Cet extraordinaire Coq d’or hélas rarement joué, est un  vrai  cadeau de décembre avec la très  intelligente  mise en scène du français Laurent Pelly et surtout sous la baguette d’Alain Altinoglu qui  dirige, avec quelle force théâtrale,  son premier opéra depuis sa prise de fonction  comme chef attitré de La Monnaie! Alain Altinoglu préside à son orchestre comme un chef d’atelier de tapisserie musicale, assemblant les 1001 mélodies orientales de la composition en une immense fresque débordante de vie, qui met en scène une myriade de sonorités instrumentales bien adaptées à la voix des solistes.

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En prime, cadeau dans un cadeau, entre le 2e  et le 3e acte, Alain Altinoglu dépose la baguette, quitte l’orchestre, ouvre un piano et joue en interlude musicale les suites tirées de l'opéra avec la violoniste Saténik Khourdoïan … qui  plane avec son archet, les yeux fermés. Pur bonheur, moment de grâce,  d’extase peut-être, un saisissant contraste après la ridicule scène entre la sublime  et séduisante reine Chemakhane (Venera Gimadieva/ Nina Miasyan) et le balourd roi Dido (Pavlo Hunka/ Alexey Tikhomirov), qui se comporte, à peu de choses près, aussi stupidement et vulgairement que  certains touristes sexuels des contrées lointaines.

 

 Cette nouvelle production de La Monnaie tend un miroir à la bêtise humaine et à tous les tyrans du monde.  Le travail de la mise en scène où le peuple et le tas de charbon se confondent  capte à contre-jour le jeu de foules versatiles. Souvenirs de tableaux expressionnistes ? Les magnifiques costumes de fourrure de renard argenté de la cour impériale  se chargent  au fur et à mesure la poussière noir charbon. Celle-ci finit par  devenir de plus en plus  envahissante,  jusqu’à atteindre même le  splendide costume de la reine Chemakhane, une truite d’argent enchanteresse si suggestive dans son torride solo érotique,  devant un roi  béat d’admiration! Le décor de ce deuxième acte n'est pas une immense corne d'abondance mais une immense nasse illuminée de désir dont le piège se refermera sur le roi incompétent. Les lumières (Joël Adam), elles aussi, comme les tonalités musicales, ne font que s’assombrir, et  annoncer l’inéluctable déclin et la mort du monarque absolu. Le somptueux lit d’argent  où paresse le roi est une pièce d’orfèvrerie qui une fois montée sur un tank dévastateur, dit tout de l’horreur de la guerre. Les figures déshumanisées  qui accompagnent la Circé orientale font frémir.

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Mais l’émerveillement est  entier à chaque apparition du Coq d’or, un être mythique dont les postures sont plus vraies que nature. Le poitrail doré se gonfle de chants mystérieux chantés par la voix de Sheva Tehoval, tandis que la danseuse, Sarah Demarthe, accomplit le miracle mimétique sue scène par une danse d’une incomparable  grâce animale. Les tressaillements de l’immense queue faite de plumes de paradisier, ou du moins on l’imagine, les sabots d’or qui chaussent les pattes délicates qui cherchent à éviter de se salir, et le refuge sur un radiateur pendant le sommeil injuste du tsar sont autant de secondes de beauté: tout chez cette figure fabuleuse,  est matière d'espoir, matière  à rire et à plaisir, comme échappée des Contes du Chat Perché!         

 

 La féerie subversive est  bourré d’humour : « Tout conte est mensonge mais n’en contient pas moins quelque allusion. Puisse-t-il servir de leçon à maints braves jeunes gens. » dit Pouchkine et le facécieux Astrologue (Alexander Kravets)  de conclure : «  Seule la tsarine et moi-même y étions bien vivants ! Les autres, chimères, élucubrations, fantômes blafards, vacuité… » Notre société semble être accablée des même maux de décadence et de désarroi… Quel coq d’or risque subrepticement de s’animer et de pourfendre  son crâne ?  

© LA MONNAIE/BAUS

http://www.lamonnaie.be/fr/program/10-le-coq-d-or

liens utiles:

https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandre_Pouchkine

https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Coq_d'or_(op%C3%A9ra)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandre_II_(empereur_de_Russie)

 « Le Coq d'or » a séduit la presse ! – 


– Opéra magazine 14.12.2016
Le Coq d'or, (...) est admirablement servi par la Monnaie de Bruxelles depuis hier soir. Lecture orchestrale enivrante d’Alain Altinoglu, (...) et mise en scène de Laurent Pelly réussissant le juste dosage entre onirisme, fantasmagorie et satire dans une œuvre hésitant entre différents genres. 
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–  La Libre Belgique, 14.12.2016
Un Coq d’or noir, étincelant et poétique. Après un « Capriccio » de grande classe, voici un « Coq d'or » qui pourrait marquer les mémoires.
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– Le Soir, 15.12.2016
Une féerie somptueusement maligne.
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– L'Echo, 15.12.2016
Une mise en scène savoureuse de Laurent Pelly : un régal d’insolence douce, absurde et taquine (…) 
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– FAZ.NET, 15.12.2016
«Der goldene Hahn» is eine Prachtpartitur.

 

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Tapie dans l’ombre...

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Tsunami sur les planches…et cartes sur table. Il faut que les artistes fassent bouger les lignes. La première représentation de la pièce de théâtre "Gun Factory" par la Compagnie Point Zéro / Jean-Michel d’Hoop a eu lieu au Théâtre National dans le cadre du Festival pour la Liberté. Le théâtre de la Comédie Claude Volter a accueilli ensuite ce spectacle d’une brutalité inouïe, pendant près de deux semaines, avec un extraordinaire succès.

Le commerce des armes ? C’est le mal absolu ! On le sait et que fait-on ? On ajuste les législations ? La croissance des armes est exponentielle. Il est bien loin le temps des marches pour la paix ! Ainsi, dans la ferveur du principe du colibri, l’équipe résolument engagée de la Compagnie Point Zéro expose inexorablement les faits, de manière clinique et détachée, comme si notre monde n’était qu’un grand corps malade. Des chiffres astronomiques nous font savoir que la terre se transforme inexorablement en une poudrière de plus en plus explosive et que les bénéficiaires de ce trafic immonde ne sont nullement prêts à abandonner la partie. C’est dans ce commerce que les ploutocrates invétérés trouvent les profits les plus juteux.

C’est froid, laconique, cynique. Les faits sont palpables, étourdissants, presque inconcevables, dénoncés grâce à un arsenal théâtral à couper le souffle : tant par la puissance de l’imagination collective de cette équipe que par la présence physique tranchante et le jeu ajusté des comédiens en scène. On se doit de souligner avec force le travail fulgurant du vidéaste et des lumières. On est saisi à la gorge par la multiplicité de tableaux qui se bousculent et tuent à bout portant, et une multiplicité de points de vue qui contribuent à une construction intelligente et objective du propos. 

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L’analyse se concentre sur La Belgique, en particulier en Wallonie, au milieu de la problématique européenne. Les armes belges se retrouvent partout dans les mains de criminels de guerre des quatre coins de la planète. Il ressort que ce sont les pays de l’hémisphère Nord plus le Brésil qui sont le creuset du trafic de la mort sous les douilles. Parmi ceux-ci, la Belgique peut s’enorgueillir d’être l’un des plus petits pays du monde mais qui possède une des plus prolifiques multinationales d’armes légères au monde, la FN d’Herstal. Les pièces à conviction sont des dossiers scrupuleusement documentés, des écrits, des ouvrages, des interviews, des images volées de reportages de guerre, des sons, des armes et des munitions. Rien que du réel. Aveuglant et totalement insoutenable. La problématique de l’emploi dans de telles fabriques de mort  est développée en détails, avec finesse, clarté et honnêteté intellectuelle. Celle du respect des lois également.

Un Adieu aux larmes… Un Adieu aux armes…utopique hélas, mais bouleversant. Car si on avait proposé aux spectateurs de signer une pétition à la sortie, pas un spectateur n’aurait refusé, tant la qualité du spectacle et l’urgence du message était percutante ! Et sachez que tout ce qui a été dit ne concernait que les armes légères… En Belgique. Seulement.

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Cette production théâtrale qui n’a rien du divertissement ne donne de leçons à personne. Elle possède une lourdeur de plomb qui laissera dans les esprits des traces inoubliables. Ce spectacle peut faire peur, c’est dit dans l’introduction. L’arrivée des mercenaires (SMP ou  Sociétés Militaires Privées) signe le déclin de notre société. Soit. Mais il reste la parole de résistance, le respect de la légitimé. On ne doit pas se réfugier dans le silence ou chercher des coupables ou des victimes expiatoires. Comprendre aussi, que si on se laisse guider par la peur, on s’empêche de résister tandis que la ruine totalitaire, tapie dans l’ombre, veille, inexorablement. 

Mise en scène et écriture : Jean-Michel d'Hoop • Avec : Léone François Janssens, Léa Lefell, Héloïse Meire, Benjamin Torrini, Corentin Skwara • Marionettes: Natacha Belova • Videos : Yoann Stehr • Musique : Pierre Jacqmin • Marionettes: Natacha Belova  •Régie: Sébstien Couchard / Loïc Lefol  •  Scénographie : Noémie Vanheste • Assistants à la mise en scène : François Regout, Lucille Vignoles • Production : Catherine Hansay | Co-production : Compagnie Point Zéro, Comédie Claude Volter.

En partenariat avec Amnesty International Belgique

Du Mercredi 9 au Dimanche 20 novembre 2016

Comédie Claude Volter 
98 avenue des frères Legrain
1150 Woluwé St Pierre
02/762 09 63

 Une vérité qui dérange - Chaque minute est une arme qui tue ! Une vérité qui dérange - Chaque minute est une arme qui tue ! Une vérité qui dérange - Chaque minute est une arme qui tue ! Une vérité qui dérange - Chaque 

 Quelques extraits du programme: 

Jean-Michel d’Hoop : Jamais la compagnie Point Zéro n’avait abordé si frontalement un sujet aussi politique ! Si nous voulons informer et poser des questions qui dérangent, cela ne se fera pas pour autant au détriment de ce qui fait l’essence de notre démarche artistique : l’Humour et la Poésie. Dans cette production, il y a de la musique, du cinéma d’animation et des images projetées, des marionnettes et des acteurs prêts à tout pour bousculer les codes de la représentation, faire rire et réfléchir, émouvoir certainement.

GUNFACTORY est une création qu’on pourrait qualifier de « zap théâtre » : un récit composé de fragments divers et variés offrant une vision kaléidoscopique du sujet, passant volontairement rapidement d’un univers à l’autre pour créer du sens, et déclinant plusieurs situations en parallèle, qui trouvent leur résolution en fin de spectacle.Loin de tout récit linéaire, l’écriture scénique est là pour créer des contrastes et provoquer une réflexion.

 

Jean-Michel d'Hoop: Nous avons approché ce thème par un travail d’Enquête. Nous avons, nous acteurs, artistes du spectacle, techniciens et administratifs réunis, plongés dans les méandres de ce gigantesque trafic pour tenter d’y voir plus clair. La tâche était (est toujours) énorme ; les informations multiples et contradictoires.

Nous avons travaillé avec un principe de laboratoire de recherches et le travail a commencé il y a un an déjà. Deux laboratoires de recherches sur le sujet nous ont confortés dans la nécessité de porter aujourd’hui et maintenant cette parole sur le plateau.

Nous avons rencontré des personnes ressources qui travaillent dans plusieurs secteurs liés de près ou de loin à tout ce qui touche les armes, leur production et leur commerce : des chercheurs du GRIP, le directeur d’Amnesty International Belgique, des représentants de la délégation FGTB au sein de la FN de Herstal, un ingénieur concepteur de machines à munitions, un ex-membre de la commission d’exportation des armes pour la région wallonne, des professeurs et chercheurs Science Po, des responsables d’associations pacifistes, etc.

Nous avons même poussé les portes de l’usine de la FN et avons eu la possibilité de nous entretenir avec des ouvriers et de tester le savoir-faire wallon...

De ces rencontres, nous en avons tiré l’essence pour les scénariser dans des séquences théâtrales, pour multiplier les points de vue et dépasser le simple retour d’interview. Pour étoffer notre propos, nous avons également puisé sur le net toutes sortes de documents :

La presse belge et étrangère sur le commerce des armes - reportages et documentaires autour de l’armement en général - salons de vente d’armes, - sites de vente d’armes en ligne plus ou moins légaux - Deep WEB, ou tout ce que l’on peut trouver dans ce réseau parallèle d’internet échappant à toute espèce de législation - Forums de joueurs spécialisés en jeux de guerre - Forums de clubs de tirs - chroniques France Inter - débats et interviews de personnalités politiques belges et étrangères.

Approche créative...

Jean-Michel d’Hoop : Depuis quelques années, mon travail avec l’équipe , s’oriente plus particulièrement sur    « l’animé et l’inanimé ».

Par le truchement de pantins, nous explorons une relation singulière qui peut se nouer entre un acteur et un double. Nous revendiquons un théâtre pour un large public, tout en étant moderne et innovateur. Nous parions sur l’alliage possible entre une démarche scénique audacieuse et un divertissement intelligent basé sur le plaisir immédiat de la rencontre entre l’acteur et le spectateur.

Chaque minute est une arme qui tue « Je condamne l'ignorance qui règne en ce moment dans les démocraties aussi bien que dans les régimes totalitaires. Cette ignorance est si forte, souvent si totale, qu'on la dirait voulue par le système, sinon par le régime. J'ai souvent réfléchi à ce que pourrait être l'éducation de l'enfant. Je pense qu'il faudrait des études de base, très simples, où l'enfant apprendrait qu'il existe au sein de l'univers, sur une planète dont il devra plus tard ménager les ressources, qu'il dépend de l'air, de l'eau, de tous les êtres vivants, et que la moindre erreur ou la moindre violence risque de tout détruire. Il apprendrait que les hommes se sont entre-tués dans des guerres qui n'ont jamais fait que produire d'autres guerres, et que chaque pays arrange son histoire, mensongèrement, de façon à flatter son orgueil.» Marguerite Yourcenar

 Une vérité qui dérange - Chaque minute est une arme qui tue ! Une vérité qui dérange - Chaque minute est une arme qui tue ! Une vérité qui dérange - Chaque minute est une arme qui tue ! Une vérité qui dérange: 1.566.845.000.000 € pour les dépenses militaires mondiales en 2015

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administrateur théâtres

UN SECOND HYMNE NATIONAL

... symbole de l'unité italienne. Nabucco raconte l'histoire biblique de l'exil juif à Babylone. Le souverain cruel Nabucco devient impliqué dans une lutte de pouvoir avec sa fille Abigaille, dans laquelle il sera finalement vaincu et les Juifs  pourront retrouver leur liberté. 

Le génie de Giuseppe Verdi réside dans la formidable tension dramatique qui tend ses opéras et l’irrésistible beauté de ses mélodies. Nabucco, narrant un célèbre épisode biblique, contient en son sein les revendications d’indépendance du peuple italien soumis depuis trop longtemps à la domination étrangère. Parmi les passions humaines exprimées par les superbes airs, se trouve un chœur sublime. Le peuple juif y chante la nostalgie de son pays. Va pensiero, mélodie simple et pure par excellence devient, dès la création, un symbole de l’unité du peuple italien. Aujourd'hui, ce second hymne national a franchi les frontières et exprime la douleur de toutes les oppressions.

Pour ce chef-d’œuvre qui déclencha une véritable ferveur à La Scala de Milan lors de sa création en 1841 et qui fera de Verdi le musicien le plus célèbre d’Italie, une double et prestigieuse distribution s’impose. Nous retrouverons le grand Leo Nucci qui partagera le rôle-titre avec Ionut Pascu. Abigaille sera incarnée par les deux sopranos Virginia Tola et Tatiana Melnychenko. A la direction musicale, nous retrouvons Paolo Arrivabeni pour qui ce spectacle revêtira une signification particulière puisque c’est le premier ouvrage qu’il ait dirigé à Liège.

 Nabucco est de retour dans une mise en scène de Stefano Mazzonis di Pralafera pour une nouvelle coproduction de l’Israeli Opera de Tel Aviv et de l'Opéra Royal de Wallonie-Liège.
 

Le destin  a frappé Verdi encore une fois, le 18 juin 1840: ce jour-là, sa tendre et douce Margherita est emportée par une encéphalite, à 26 ans, huit mois après le petit Icilio, deux ans après la jolie Virginia, leurs deux enfants.

Verdi est effondré, seul, au bord du suicide En panne d'inspiration, écrasé par les coups du destin - ses deux enfants puis sa femme meurent à quelques mois d'intervalle -, le compositeur est au bord du gouffre lorsqu'on lui confie le livret de ce qui va devenir... Nabucco.

C'est dans cet état d'abattement qu'il doit achever la composition de son opéra bouffe: on imagine aisément combien la verve comique est éloignée de son esprit. Il vient pourtant à bout de la partition, en homme scrupuleux envers ses engagements. Et, le 5 septembre 1840, la Scala crée cette deuxième œuvre de Verdi, Un giorno di regno, en présence du compositeur, tout de noir vêtu, le cœur brisé, l'esprit martyrisé. C'est un échec complet. L'opéra ne sera représenté qu'une seule fois, comme si son titre, Un giorno di regno, avait été prémonitoire.

L'hiver vient. Un soir de décembre, Verdi traverse comme un somnambule la grande place du Duomo de Milan. Machinalement, il essuie de la main sa courte barbe noire où le brouillard se fige en gouttes au goût de larmes. Soudain, il manque se heurter à un homme. C'est Merelli, le directeur de la Scala. Ecoutons leur dialogue.

Merelli  - Ah! Ça alors! Verdi!

Verdi  - Bonsoir, monsieur Merelli.

Merelli  - Comment allez-vous, mon cher Verdi?

Verdi  - Mal...

Merelli  - Mais non, mais non, il ne faut pas vous laisser abattre. Il faut réagir, il faut rebondir. Tous les compositeurs connaissent des fours, vous savez! C'est bien malheureux pour nous mais c'est comme ça. Mais (il sort de sa poche une liasse de feuillets) tenez, cet imbécile de Nicolaï vient de me refuser ce livret, un livret superbe pourtant...

Verdi  - Je ne composerai plus jamais!

Merelli  - Allons, ne dites pas cela! Lisez-moi ce manuscrit...

Verdi  - Non, vous dis-je, plus une note, plus jamais, rien.

Merelli  - Ne soyez pas borné, que diable! et lisez-le au moins, cela ne peut pas vous faire de mal!

Verdi  - C'est inutile, je ne veux plus composer. Plus jamais.

Merelli  - Eh bien, lisez-le au moins pour me donner votre avis sur ce livret.

Avec un geste de lassitude, Verdi fourre la liasse de feuillets dans sa poche et s'éloigne lentement.

De retour dans sa chambre grisâtre, Giuseppe jette le manuscrit sur la table et ses yeux tombent sur quelques vers au milieu des pages éparpillées: «Va, pensiero, sull'ali dorate...». Il a relu récemment ce passage de la Bible narrant les malheurs du peuple juif jeté dans l'esclavage et l'exil. Dans la froidure de la nuit, le sommeil ne vient pas. «Va, pensiero...» Il se relève, rallume sa bougie et lit, relit et relit encore le manuscrit... Au petit matin, il pose quelques notes sous un vers, en griffonne d'autres durant la journée ; un autre jour, il trace une phrase mélodique pour un chœur... et, un an plus tard, l'opéra est composé. Les épaules encore voûtées par le malheur, Verdi se fait recevoir à la Scala par Merelli, qui lit son opéra, s'enflamme, s'exclame, appelle sa chère Strepponi, à laquelle il décide de confier le rôle féminin principal. Car il va le créer, cet opéra, et au plus vite, au moment du Carnaval.

Durant les répétitions, tout le personnel de la Scala est comme électrisé, chacun perçoit que c'est un tournant de l'histoire de l'opéra qui se dessine. Seul Verdi demeure sombre, comme si l'intérieur de son corps était vidé. C'est tout de noir vêtu qu'il se rend, le 9 mars 1842, à la Scala. Et la soirée n'est qu'un long triomphe: Nabucco fait renaître Verdi, qui pleure de joie - de désespoir, aussi, en songeant à celle qui n'est plus là, la belle Margherita, à ses enfants qu'il a portés en terre. Et pourtant les bravos ne cessent pas. Il doit venir saluer sur scène et le fait gauchement. Mais ces acclamations sans fin commencent lentement à lui réchauffer le cœur.

Ce sera le même triomphe à la deuxième représentation. Puis aux suivantes. Prévu pour huit représentations, Nabucco en atteindra 57 en trois mois: record absolu, et inégalé, pour la Scala ! un événement unique dans l’histoire du théâtre milanais et franchit ensuite les Alpes : Vienne, Lisbonne, Berlin, Stuttgart, Paris, Londres et même Barcelone. «Ma carrière a vraiment commencé avec Nabucco», dira-t-il quelques années plus tard. Après le terrible fiasco d'Un jour de règne près de deux ans plus tôt, c'est un règne de près de soixante ans, jusqu'à sa mort en 1901, qui débute pour Verdi.

Le 9 mars 1842, Nabucco, le troisième opéra de Verdi, est présenté à la Scala de Milan, après seulement douze jours de répétitions. Donizetti est dans la salle. Malgré la période du carnaval – Verdi s’était montré intransigeant sur le choix de la date, voulant absolument éviter la période du carême vu le sujet –, la représentation rencontre un énorme succès. Et ce malgré les conditions vocales difficiles de Giuseppina Strepponi – elle deviendra sa deuxième femme dix-sept ans après cette malheureuse représentation – qui incarnait alors le rôle ardu d’Abigaille aux côtés du baryton donizettien Giorgio Ronconi dans le rôle du roi babylonien.

 

Aujourd’hui, Nabucco a presque la saveur d’une lutte épique entre la providence qui lui a donné à voir la page la plus célèbre de l’opéra et Verdi lui-même qui, lecteur de la Bible, mais également agnostique tourmenté, s’est retrouvé envahi par une espèce de « fureur sacrée ». C’est d’ailleurs précisément sur cette image du chant des esclaves qu’il a libéré toute sa puissance créative. Ce chœur solennel, triste, puis lumineux, Va Pensiero, est le onzième numéro de l’opéra et anticipe la prophétie de Zaccaria, avec laquelle se clôture le troisième acte. Non seulement un adieu à la liberté, mais également un adieu à la vie. Adieu à la liberté et à la vie qu’il faudrait toujours débarrasser de la rhétorique et de tout lien à des faits politiques italiens passés et contemporains – également au niveau des arrangements scéniques – et ramener à la saveur biblique, plus dense, universelle et grandiose, associée au début de la captivité de Babylone, une prière entonnée par tout le peuple, comme l’a très justement fait remarqué Rossini, qui l’a définie comme « une grande aria pour sopranos, contraltos, ténors et basses ». Qu’a donc vu cet artiste – jeune (il n’avait que vingt-huit ans à l’époque), mais déjà plein de charisme et d’une « simplicité fascinante » – dans ce peuple enchaîné chantant à la « patria belle e perduta » (belle patrie perdue) et priant pour que cette « patire » (souffrance) se transforme en « virtù » (vertu) ?

Le psaume 137 est le seul des 150 psaumes à évoquer l'exil à Babylone qui a suivi la prise de Jérusalem par le roi de Babylone Nabuchodonosor en 586 av. J.-C. Selon la tradition rabbinique, il a été écrit par le prophète Jérémie. En latin: Super flumina Babylonis.

DIRECTION MUSICALE : Paolo Arrivabeni 

 MISE EN SCÈNE : Stefano Mazzonis di Pralafera 

CHEF DES CHŒURS : Pierre Iodice 

ARTISTES : Leo NucciIonut PascuVirginia TolaTatiana Melnychenko,Orlin AnastassovEnrico IoriGiulio PelligraCristian MogosanNa’ama GoldmanRoger JoakimAnne Renouprez,Papuna Tchuradze 

9 DATES : Du mardi, 18/10/2016 au samedi, 29/10/2016 

http://www.operaliege.be/fr/activites/nabucco

Va, pensiero, sull’ali dorate;
Va, ti posa sui clivi, sui colli,
Ove olezzano tepide e molli
L'aure dolci del suolo natal!

Del Giordano le rive saluta,
Di Sionne le torri atterrate...
Oh mia patria sì bella e perduta!
Oh membranza sì cara e fatal!

Arpa d'or dei fatidici vati,
Perché muta dal salice pendi?
Le memorie nel petto raccendi,
Ci favella del tempo che fu!

O simile di Solima ai fati
Traggi un suono di crudo lamento,
O t'ispiri il Signore un concento
Che ne infonda al patire virtù!

Va, pensée, sur tes ailes dorées ;
Va, pose-toi sur les pentes, sur les collines,
Où embaument, tièdes et suaves,
Les douces brises du sol natal !

Salue les rives du Jourdain,
Les tours abattues de Sion ...
Oh ma patrie si belle et perdue !
Ô souvenir si cher et funeste !

Harpe d'or des devins fatidiques,
Pourquoi, muette, pends-tu au saule ?
Rallume les souvenirs dans le cœur,
Parle-nous du temps passé !

Semblable au destin de Solime
Joue le son d'une cruelle lamentation
Ou bien que le Seigneur t'inspire une harmonie
Qui nous donne le courage de supporter nos souffrances !

Sources

-(Extraits choisis de l’article de Luca Pellegrini dans le numéro spécial du magazine « L’Opéra » consacré, en septembre 2016, à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège)

-Alain Duault

https://fr.wikipedia.org/wiki/Nabucco

https://www.opera-online.com/items/works/nabucco-solera-verdi-1842

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administrateur théâtres

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Vole ma pensée, sur des ailes dorées;

Va, pose-toi sur les pentes, sur les collines,

Où embaument, tièdes et suaves,

Les douces brises du sol natal !

 

Salue les rives du Jourdain,

Les tours abattues de Sion ...

Oh ma patrie si belle et perdue !

Ô souvenir si cher et funeste ! 

PRETENDRE que « Va, pensiero », le chant des esclaves hébreux dans Nabucco, a catapulté Giuseppe Verdi   vers les sommets de  la   renommée  universelle est loin d’être exagéré. Il reste l'un des plus grands moments de  l'opéra, et les Chœurs d'Opéra de Liège sous la direction de  Pierre Iodice  ont  exécuté ce moment tant attendu de façon remarquable  le soir de la première. Le public en était tout chaviré.  Un chant qui commence à l'unisson, devient un bouleversant gonflement nostalgique, pour s'amplifier à pleine voix et mourir dans des soupirs d’espérance. Le temps de méditer sur tout ce qui nous enchaîne ou pourrait nous asservir.  La mise en scène de Stefano Mazzonis Di Palafera de Nabucco est d’une simplicité  confondante pour un opéra de cette envergure!  La plèbe des Babyloniens et des Hébreux, dont se détachent les personnages bibliques, se meut dans de lentes  mobilités  menaçantes et font penser aux arrière-plans de grands tableaux du 17 siècle.

 

 LE DECOR lui-même est un chef-d'œuvre d’abstraction moderne, avec ce rideau d’étoiles de David censé véhiculer la Jérusalem antique - avant, pendant et après sa destruction. Au deuxième acte, la maquette aérienne couleur lapis lazzuli des jardins suspendus de Babylone faits d’escaliers, de colonnades et balcons  est  un travail d’artiste. La texture est   une dentelle d’octogones imbriqués qui symbolisent les palais splendides de la cité et le regard  des femmes à travers les moucharabiehs. Au troisième acte, les pieds des esclaves fouleront les flots du Jourdain, lieu de baptême et  de rédemption en live. L’eau lumineuse qui coule depuis  l’arrière-plan fait d’un rideau de joncs dorés par  le soleil levant, a noyé la splendeur envolée des palais babyloniens. Des décors d’une simplicité parfaite soulignés par de savants jeux de lumière plongent le spectateur dans  une rêverie intemporelle.

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LA DISTRIBUTION est bien sûr éblouissante, à la mesure de l’oeuvre avec en tête, Leo Nucci dans le rôle-titre. Le chanteur vibre d’une puissance prophétique sous ses 74 printemps. Il fait une entrée remarquée sur un fabuleux cheval de bois dont le pelage arbore des couleurs de fleurs rien moins que Chagalliennes, assorties au bleu munificent des palais. Il commettra l’irréparable péché d’orgueil qui le foudroie : « Moi qui suis Dieu, adorez-moi ! » Il deviendra dément, mais il se repentira avec ferveur et regagnera la grâce divine. Une fresque épique à lui seul. Son Dio di Giuda! arrache des clameurs à la salle!


   

 

 

 LA SOPRANO argentine Virginia Tola en tant que Abigaille, campe du haut du  majestueux cheval psychédélique, la violence, la soif de pouvoir qui s’est emparée d’elle et la destruction. Elle joue du dynamisme vocal et théâtral. Sa  voix est l’instrument  achevé de tout  pouvoir insatiable : brillante et tranchante. Mais elle est aussi capable de lamentations en présence de l’homme qu’elle désire. Elle criera « Mort aux Hébreux ! Rends-moi cette couronne ! Plutôt mourir ! »  Sa superbe s’achève après s’être discrètement empoisonnée. Un très émouvant sursaut d’humilité et de dignité survient, elle implore, vaincue,  le  pardon du Tout Puissant, trempant la main dans le fleuve Jourdain.

 

 L’EXQUISE  Nahama Goldman, pour la première fois sur la scène de l’Opéra Royal de Wallonieincarne la douce Fenena, l’otage assyrienne du grand-prêtre. Elle apparaît comme   la   noble  fleur des chants justes, souples et tristes alors qu’à tout instant, vivant symbole d’empathie ou de compassion,  elle voit sur elle le glaive de  la mort. A côté d’elle, Giulio Pelligra brille d’une belle puissance et  intensité dans le rôle d’Ismaele.

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ORLIN ANASTASSOV, superbe basse lyrique dans le rôle du grand prêtre juif Zaccaria, est une révélation. Un très magistral Vieni, o Levita! ... Il santo Codice reca! rallie l’adhésion de la salle entière après sa belle introduction aux violoncelles que l’on aurait cru plus profonde. La sagesse, l’humilité et le courage qu’il insuffle de sa voix puissante et magnifiquement posée, ont de quoi ébranler. La voix appelle à une alliance éternelle avec le Tout Puissant, loin des fausses idoles renversées.  

 

Mais bien sûr, il n’y a pas que la qualité des chanteurs ou des  40 choristes dirigés par Pierre Iodice, il y a aussi la tenue de l’orchestre par  Paolo Arrivabeni qui savoure la partition avec nuances, finesse et énergie, loin de tout fracas  prétentieux.

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NOTES:

DIRECTION MUSICALE : Paolo Arrivabeni  MISE EN SCÈNE : Stefano Mazzonis di Pralafera  CHEF DES CHŒURS : Pierre Iodice  ARTISTES : Leo NucciIonut PascuVirginia TolaTatiana MelnychenkoOrlin AnastassovEnrico IoriGiulio PelligraCristian MogosanNa’ama GoldmanRoger JoakimAnne RenouprezPapuna Tchuradze  

 9 DATES : Du mardi, 18/10/2016 au samedi, 29/10/2016

(Saison 2016-2017) : | Opéra Royal de Wallonie

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La complexité de la trame originale du Nabucco de Verdi a été ici revisitée pour en garder l'essentiel: l'amour, la quête d'indépendance, la justice et le pardon.

Le lien http://fr.allreadable.com/cb36EP9 vous permet de retrouver le texte du livret en français

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Fabuleux! Du théâtre bilingue Fr/Es au théâtre de la Clarencière:  

b7abaff22890521ecd50d8b99ba9d0aeec32f1cf.jpg?wl=1024"Je m’appelle Federico García Lorca. Je suis né en 1898 près de Grenade. Grenade mes amours, Grenade blanche, Grenade mauresque, Grenade,
ma Grenade, Grenade des neiges, de l’olive et du vin. Je suis mort en 1936. Près
de Grenade aussi. Grenade pillée, déchirée, violée. Grenade noire, chrétienne,
balayée par le bruit des fusils et le silence des poignards dans la gorge."

Un texte époustouflant écrit en hommage à  F.G.Lorca, vibrant de résistance à toutes les dictatures, 5 comédiens, de la musique, de la tension, et tant de sincérité dans le jeu! Une création du théâtre de la Clarencière et un  superbe  spectacle, comme toujours! Avec Laurence Briand, régisseur et actrice passionnante.

Il y a 80 ans…

Le poète et dramaturge espagnol, ami de Manuel de Falla, Luis Buñuel, Salvador Dalí,  également peintre, pianiste et compositeur avait 38 ans quand il fut assassiné le 19 août 1936, il y a 80 ans,  à Viznar près de Grenade, par les milices franquistes. Il s’appelait Federico García Lorca.

Lorca, le vagabond du verbe… plutôt Laurence Briand  la vagabonde, ne veut pas mourir. Il/Elle n’est pas un(e) hérétique! Et pourtant son procès se tient bien au cœur souterrain de la Clarencière, un mur noir taché de sang plus noir encore, devant une  salle comble et silencieuse. Laurence Briand dans le rôle de Federico est entourée de François Mairet, Ruy Peres, José Peres et Marguerite Topiol.  

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 A la lumière de cierges, l’audience est prête à suivre le protocole habituel de la mise en accusation de l'hérétique, comme l'étaient avant le poète andalou, les Juifs, les Marranes, les Cathares.   Voici démontée la mécanique bien rodée d'un procès d'Inquisition, avec toutes ses étapes qui vont de la présentation de l'hérétique, de celle de l'Inquisiteur, de l'autodafé - temps de grâce pour l’« actus fidei » à l'exécution et à la mise à l'index des œuvres du poète en passant par l'indispensable délation. Après abjuration des convictions et des écrits de l’accusé, tortures à l'appui, on passe à  l’application  des peines dont on ne ressort jamais vivant et les écrits sont brûlés sur la place publique. Tout cela  ne se passe  pas  au Moyen-Âge, comme on pourrait le penser, mais il y a  moins d’un siècle, dans la très sainte et  catholique Espagne franquiste, que des milliers de personnes ont  dû quitter pour sauver leur vie et se réfugier dans d’autres pays.

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Jugements sommaires, exécutions sanglantes.

Entre 1998 et 2001 Les talibans détruisirent les 55.000 livres rares de la plus vieille fondation afghane et ainsi que celles de plusieurs autres bibliothèques publiques et privées. Au Mali en janvier 2013, en Irak en 2015, l'organisation djihadiste Etat Islamique brûle 2000 livres à Mossoul. « Art is the signature of civilizations.» La Turquie ne se prive pas d’user de méthodes similaires en 2015-2016.  La meilleure couverture de la dictature, c’est la foi ; la meilleure couverture de l’oppression de la femme, c’est encore la foi.

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Dans ce  spectacle où s’affrontent  les 5 comédiens exaltés,  le spectateur  est plongé malgré le sujet  terrifiant,  dans la douceur de vivre andalouse par le verbe poétique et la beauté de la gestuelle. On  y découvre en effet une très attachante Marguerite Topiol.    Elle danse, chante, mime, raconte  un rêve de  femme libre et belle. Elle est un  modèle de bonheur et de joie de vivre.  Elle est un modèle de larmes versées pour la terre qui l’a vu naître.    Car on plonge aussi évidemment dans la manipulation exécrable des tribunaux d’exception qui pratiquent une justice expéditive et destructrice, souvent aux noms de dieux ou d’idéologies meurtrières. Il faudrait se rendre compte qu’aucune  dictature n’a de place pour la femme.  Hommes et femmes, devraient s’en convaincre.  Si non, partout et toujours,   la femme sera  reléguée, privée de liberté de parole et d’action, interdite de toute manifestation de libre-arbitre sauf à être l’esclave de  l’homme. Voilà ce que   toutes les  dérives  extrêmes nous proposent. Voilà  ce qu’il est primordial de combattre.

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La pièce se déroule dans les tonalités chaudes des rythmes espagnols, la  mélodie de la langue espagnole est  fortement présente et chante la nature et la beauté. Même si on n’est pas bilingue on a l’impression de tout comprendre ou presque : la magie de l’interprétation?  La magie du lieu, qui oblige les comédiens à donner la quintessence de leur art. Chaque fois que l’on quitte La Clarencière, on a   goûté  une large rasade d’intense théâtralité de proximité qui vous pénètre et vous enivre jusqu’au fond de l’âme. Remercions son infatigable directrice, Fabienne Goovaerts qui trouve toujours la manière de galvaniser la pensée ou le cœur car  son théâtre est fait, ici ou ailleurs,  pour réenchanter le monde: le poète a dit la vérité…

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Et l’auteur s’appelle ...José Peres.

Site de la Clarencière

Drame de José Perez
Par : Laurence Briand, François Mairet, Marguerite Topiol, José Perez et Ruy Perez
Chant : Cécile Rigot 
Mise en scène : Laurence Briand
Assistanat : Marguerite Topiol 
Production : Toc Toc Art

  

Photos de Christian Snoeckx

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eventon16122.jpgThéâtre promenade convivial, théâtre de voyageurs spirituels qui trinquent ensemble …et avec le public. Année 1789 -10 : le roman Jacques le Fataliste et son maître en huit journées et quatre motifs, met en scène deux passagers d’une époque.  Ils cheminent en discutant de tout et de rien, tandis  que sortent pêle-mêle  de leurs malles d’osier histoires d’amour et de trahison, parenthèses, digressions, protagonistes  pittoresques hommes et femmes, apostrophes au lecteur et la reconstitution fragmentée d’un crime. Entre gaieté et profondeur, on découvre le siècle de Diderot  en costumes d’époque avec ses convictions et ses interrogations.  

Au cours de  ce voyage vers nulle part, le réjouissant questionnement du maître et de son valet sur la liberté individuelle débouche sur   une   certitude de l’époque que Diderot, l'un des premiers, veut contester.

 « Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s’appelaient-ils ? Que vous importe ? D’où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l’on sait où l’on va ? Que disaient-ils ? Le maître ne disait rien  et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut. » C’est l’histoire écrite sur le  Grand Rouleau : “Nous croyons conduire le destin, mais c’est toujours lui qui nous mène.”

 

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 Si le valet  futé joué par Jean-Pierre Baudson est terriblement bavard, son maître,  un noble riche et maladroit qui se refuse de lacer  le moindre brodequin, est passé virtuose dans l’art de le  faire parler. Il est campé par Patrick Donnay. Ainsi  l’amitié vraie née de la parole,  relie  ces deux extrêmes qui deviennent vite inséparables et  oh! stupeur   même dépendants l’une de l’autre, question d’abolir avant la lettre, tous les privilèges de classe. Le sujet de 1779 vit sous la dépendance de son maître,  mais le citoyen de 1789 dont on attend l’avènement, sera  celui qui affirme sa liberté, et, partant, sa souveraineté.

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 Grand déballage de malles …très emballant! Vers une aube inconnue ? A  travers  l’errance picaresque de ce duo en scène plein de verve et d’usage, le spectateur participe à une joyeuse farce sociale et philosophique où les postures intellectuelles savoureuses  de l’un et de l’autre fusent  en un énorme festin vocal. Choc des idées, hallucinante frénésie de paroles, gestuelle débridée, imaginaire au pouvoir, la  riante dissertation en live est bel et bien jouissive.  La mise en scène impeccable de Jean Lambert – elle commence dans la salle avant même le début de la séance  soutient avec talent les équilibristes du verbe qui ont su préserver  un  charme 18 ème.  Les applaudissements  fournis  de l’assemblée témoignent de la générosité des artistes qui ont tout joué, y compris les rôles désopilants d'une flopée de joyeuses dames qui n’ont vraiment pas froid aux yeux!  

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 du 06/09/16 au 29/10/16  Offrant une plongée originale et pleine de surprises dans l’univers d’un géant des Lumières, ce spectacle du Théâtre National  a rencontré un vif succès à sa création en 2013. Amusez-vous des aventures de deux compagnons qui se baladent dans la vie en méditant gaiement sur nos amis, nos amours, nos emmerdes ... et notre destinée. 

https://www.theatrelepublic.be/play_details.php?play_id=454&type=1

 

 

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administrateur théâtres

Quand les attentats de Bruxelles vous  ont fait perdre les pédales, ou le clavier…

On était sur le point d’écrire, quand soudain l’innommable se produisait aussi à Bruxelles, tuant en chacun de nous le sentiment de paix et de sécurité, dérangeant le berceau où éclosent les plus belles fleurs des Arts et des Lettres, toute musique tue, assourdie par les déflagrations barbares. Tant de respirations humaines disparues ou de familles blessées à jamais!  Vivons-nous désormais à contre-sens ? Le monde, le grand William l’avait bien dit, est un théâtre !

Nous  en avons mis du temps pour renouer avec le sens ! On a fait retraite dans un petit village de Savoie, question de s’éloigner de la folie humaine, s’approcher des nuages, se bercer du ciel des sommets. En phase avec la nature, se remettre au retour dans  un attelage d’une semaine aux travaux de la terre, dans un jardin défiguré par l’hiver. Loin des nouvelles du monde, dans les replis de la germination, dans le secret de l’humus prolifique.  Il a fallu ce contact intime avec la nature, travailler sans gants bien sûr,  pour que culture revienne, et que l’écriture renaisse. Et puis on s’est souvenu de ce petit bijou donné quelques jours avant le drame,  avec tant de générosité dans ce café-théâtre bruxellois, pourtant mythique, où nous n’avions jamais mis les pieds. Et le clavier s’est remis en route, même si l’âme est toujours cabossée, pour accompagner les artistes dans leur voyage.   

Tout commence par l’amitié avec l’un des deux comédiens, Marc De Roy. Il nous invite à déguster  quelques  textes exquis, servis sur canapés et chaises de bistrot,  interprétés avec brio avec son comparse non moins exquis : ValéryBenji lali, dans un petit lieu chargé d’histoire, La Soupape.  Ils vont mettre en scène  un choix de textes de Jean-Michel Ribès à l’humour corrosif, aux doubles sens pernicieux, sous des dehors bon enfant. Il est auteur et metteur en scène d’une vingtaine de pièces, dont Les Fraises musclées (1970), Tout contre un petit bois (1976, Prix des « U » et « Prix Plaisir du théâtre »), Théâtre sans animaux (2001, Molières de la meilleure pièce comique et du meilleur auteur) et Musée Haut, Musée Bas (2004, sept nominations aux Molières,  et Molière de la révélation théâtrale pour Micha Lescot). Pascale van der Zypen est à la mise en scène de ce théâtre de l’insolite.  

 Les saynettes mi-figue, mi-raisin, partent de situations courantes gonflées par l’absurde, irriguées par le non-dit, musclées par l’énergie théâtrale des comédiens. L’inventivité poétique des deux compères les fera adroitement éclater comme bulles de savon, les unes après les autres. Ils vont tirer sur tous les dysfonctionnements du monde et feront mouche. Il n’y a qu’à se d’ailleurs baisser pour ramasser tout ce qui est bancal, source de chagrin et de désillusion!

  Le « Je voudrais changer de rôle » au théâtre se retrouve bien sûr dans un bureau de change. Ce n’est qu’un exemple, tout est à l’avenant, un peu à la manière de Raymond Devos.  Il est mort le théâtre? Question on ne peut plus absurde, car les poètes des planches sont bien vivants et le texte se gorge de dérision. Les allusions cachées les références parodiques se succèdent dans un rythme de kaléïdoscope. L’observation de la gent humaine se précise, coups de griffes et coups de plumes se succèdent, Et vlan pour les frères ennemis, les présidents de la république, les parcours de musées, la pesanteur de l’attraction universelle, les peurs paniques que l’on voudrait mettre au frigo, la violence de l’instinct de survie, le sursaut de bonheur…  Ils sont les pionniers de la liberté,  Le pied de la lettre fait des pieds et des mains pour s’affranchir de l’aliénation, et volent les goélands!

  Les costumes s’endossent, s’enfilent et s’abandonnent  dans une incessante  recréation. Guitare et voix jouent les profondeurs de Serge Reggiani, Il n’est vraiment pas mort, ce théâtre tant il surprend! Et pourtant l’espace de jeu est exigu, mais la salle pleine à craquer est subjuguée par cet univers du non-sens, de l’espièglerie, et la cocasserie des situations. Bravissimo plutôt que Bravo, vous apprécierez vous aussi, si comme nous, vous  rêvez de sortir des chemins tout tracés, des ornières profondes, des habitudes de sérieux, du formatage des  conventions. Prendre le large, en prenant la tangente dérangeante, et direction « Je voudrais changer le monde! » Mais où est donc le bureau de change? Si vous riez, c’est gagné !   

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Une soirée et deux opéras en un acte. Couleurs, beauté et endurance!  Deux époques de styles farouchement différents mais  qui  exploitent  avec exaltation le thème  de la femme délaissée de tous temps. Deux destinées, deux actes de solitude.

Dans la première œuvre, « Il Segreto di Susanna » d’Ermanno Wolf-Ferrari,  l’homme (un fougueux Vittorio Prato) , vaque à ses occupations diurnes et nocturnes mais il est miné par  une  jalousie …risible. Dans la seconde, « La Voix humaine » de Poulenc,  l’homme est carrément absent, il a  fui celle qui l’aime à en mourir, pour vivre sa vie.  Les deux femmes vivent confortablement dans des intérieurs élégants intemporels,  mais comme elles se morfondent!

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 L’une  se découvre une passion qui enfin l’arrache  à l’ennui et l’affaire ne se termine pas trop mal  dès le moment où elle réussira à partager ses divagations avec l’homme qu’elle aime. Pathétique quand même,  la force de l’addiction,  qu’il s’agisse de cigarettes ou de drogues dures!  

L’autre, ivre de solitude et de désespoir, souffre de dépendance psychologique  pour l’homme qui l’a abandonnée. Une addiction non moins néfaste.  « Elle » est à deux doigts de se donner la mort pour cesser de souffrir. Elles sont toutes deux meurtries profondément par l’abandon, y en aurait-il une plus heureuse que l’autre?  

Et les voilà rassemblées  en une seule  et magnifique interprète : Anna Caterina Antonacci, une chanteuse lyrique  au palmarès exceptionnel  qui  réussit à sculpter les deux situations avec une immense sensibilité. Elle possède une virtuosité et une expressivité vigoureuse pour affronter ce grand défi pour toutes les grandes chanteuses que cette création lyrique  de « La voix humaine » de Francis Poulenc. Un mélange palpitant de voix parlée et chantée, entre violence des sentiments et  soumission. Le jeu scénique est d’une mobilité extraordinaire. De nombreuses séquences a capella font penser à une lente mise à nu de la victime.

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 Impressionnant travail de mise en scène et de lumières de Ludovic Lagarde et de Sébastien Michaud. Le décor épuré est de la main d'Antoine Vasseur.  Le passage d’un  opéra à l’autre est très subtil. De la bonbonnière vibrante de lumières pastel,  finement époussetée par un  fidèle domestique (qui rappelle quand même le salon bourgeois 19e), on passe à un moulin moderne aseptisé. La solitude éblouissante se déploie comme un sablier sur une scène tournante. Le logement d’origine  a été  démultiplié en trois pièces rutilantes de blancheur : hall, chambre et salle de bain couv’de mag’. Le progrès  et le  confort sont visibles.  Mais dans ce paradis artificiel, pulse partout   un  regard féminin affolé dont on peut lire  l’évolution des émotions  intérieures   sur le visage de  la femme en close-up projeté sur des écrans années 2000. Le souffle d’ Hitchcock semble souffler quelque part et  l’héroïne désenchantée promène son mal-être de pièces en pièces, attachée au fil sans cesse brisé de sa conversation!  L’utilisation d’un téléphone avec standardiste a quelque chose  de surréaliste dans tant de modernité. On est hanté par une image plus probable dans ce décor, celle d’un téléphone portable, addiction des temps modernes et modèle même de notre solitude à nous qui voulons à tout prix « rester connectés ».

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La standardiste est rendue vivante par  les instruments de l’orchestre sous l’élégante direction  de Patrick Davin. Le harcèlement  du piano lui rappelle la douleur de l’homme absent. Et ce sont des petites morts chaque fois que la ligne se coupe. Un enchaînement de ruptures et de brisures.  Le talent  de la  chanteuse réveille dans notre imaginaire un fondu enchaîné  de mille et une femmes éplorées, bafouées, totalement dépendantes. Dans ses poses, ses postures, son jeu tragique  elle  nous rappelle les souffrances et la tendresse excessive de grandes figures de l’histoire du cinéma  telles qu’Ingrid Bergman, Marilyn Monroe, Romy Schneider…

Si on rit de bon cœur dans le premier opéra « Il Segreto di Susanna », œuvre cocasse et divertissante - l’intermezzo fut  joué pour la première fois à Munich  en décembre 1909 -  il en est tout autrement dans le deuxième opéra où l’on assiste à une descente vertigineuse en enfer.

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 L’enfer c’est les Autres, l’absent, l’homme en fuite qui n’a laissé derrière lui qu’une femme épuisée, vidée de toute substance.  Cette  vaillante voix humaine  féminine  brave pendant 40 minutes,  et seule, l’orchestre omnipotent  dans ce  jeu de massacre conjugal. C’est moderne et réaliste.    Son combat  tragique bouleverse. Sauf si, reprenant soudain pied dans notre  réalité, on se prend à soupeser les avancées du combat féministe. La déchirante héroïne  ne serait-elle pas  d’une autre ère, espère-t-on avec soulagement, question de créer  un peu de distance avec l’intensité presque insoutenable du  spectacle.

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Mais on ne peut s’empêcher de se dire avec anxiété qu’il n’y a que dans les couches aisées et éduquées de la population occidentale que  les femmes peuvent se targuer d’être enfin libérées. Partout autre part, elle reste  un objet de plaisir, une valeur d’échange, un signe de richesse, une  simple procréatrice,  un  sujet de convoitise que l’homme traite à sa guise. Le malaise reste entier, si on pense à cette  autre moitié du monde, niée, foulée aux pieds, séquestrée, emprisonnée dans des codes immondes, lapidée dans certaines parties du monde. Et donc un regain d’amertume s’ajoute au fiel démoniaque dont est cousue cette oeuvre méconnue de Francis Poulenc créée en 1959 pour son égérie Denise Duval, à qui on vient de rendre hommage tout récemment, à l’occasion de sa disparition.

 

secret_de_suzanne_voix_humaine_-_site_opera_royal_de_wallonie_-_lorraine_wauters-18.jpg?itok=96KRXE2D&width=452Direction musicale : Patrick DAVIN

Mise en scène : Ludovic LAGARDE

 Décors : Antoine VASSEUR

Costumes : Fanny BROUSTE

 Lumières : Sébastien MICHAUD

Vidéo : Lidwine PROLONGE

Production Opéra Comique Coproduction Opéra Royal de Wallonie-Liège / Les Théâtres de la Ville de Luxembourg Partenaire associé Palazzetto Bru Zane – Centre de musique romantique française

Contessa Susanna / Elle: Anna Caterina ANTONACCI

Conte Gil : Vittorio PRATO

 Le Serviteur: Bruno DANJOUX

Et Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège

http://www.operaliege.be/fr

Crédit photos: L'opéra de Liège

http://www.operaliege.be/fr/activites/operas/il-segreto-di-susanna-la-voix-humaine

 

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administrateur théâtres

 Nous sommes en 1942 dans la France occupée. Deux officiers allemands  ont été  abattus devant un immeuble. Dans un des appartements on fête un anniversaire. Le Commandant Kaubach - il adore Horace et Virgile - vient annoncer  poliment que deux otages devront être désignés parmi les convives… c’est son cadeau d’anniversaire ! « Si vous ne vous décidez pas, je vous fais fusiller tous les 7 !» 

Julien Sibre a eu l'idée de monter la pièce en 2001, en voyant à la télévision le film de Christian-Jaque, Le Repas des fauves, avec Claude Rich, France Anglade, Francis Blanche, Antonella Lualdi. Il contacta Vahé Katcha, l'auteur de la pièce écrite dans les années 60, pour retravailler l'adaptation avec son accord. Cinq ans de travail  assidu, avant de  monter la pièce en 2010. « Je souhaitais un point de vue un peu plus moderne, que le spectateur soit l'acteur d'une histoire à laquelle il aurait pu ou pourrait un jour être confronté. » Aux Molières 2011, le spectacle a gagné 3 récompenses : Molière de l'adaptateur, Molière du metteur en scène et Molière du théâtre privé pour cette chronique cruelle et lucide de la barbarie ordinaire.  Le spectacle a été joué à Bruxelles en 2012 au Centre Culturel d’Auderghem, récoltant un très franc succès. Déjà joué plus de 600 fois, le revoici sous la griffe d’ Alexis Goslain  au Théâtre des Galeries en 2015 en décors d’époque, avec une très brillante distribution de comédiens rôdés aux comédies de boulevard, tous des artistes sincères et généreux. Le sujet est pourtant grave. Et le défi de faire rire dans un contexte aussi tragique relève de la prouesse, car dans ce jeu difficile, la faute de goût guette chacun des gestes des acteurs, chacune de leurs intonations. Et comment rester crédible, ne pas surjouer des rôles qui frisent la caricature?  Le festin des fauves sera-t-il un dîner parfait? Un régal théâtral très applaudi dès la première, en tous cas. Avec Christel Pedrinelli, Stéphanie Van Vyve, Denis Carpentier, Marc De Roy, Dominique Rongvaux, Fabrice Taitsch, Lucas Tavernier et Michel Poncelet.

Tombe la neige!

Max ne viendra pas ce soir,

 Il est liiiibre Max!

Trève de Haiku, la question glaçante que chacun se pose en dehors de l’aveu de la lâcheté de tous en situation de danger de mort, c’est de  se demander quelle vie vaut plus que celle d’un autre ? Et qui peut oser porter ce jugement? Est-ce celle de Françoise qui a le courage de distribuer des tracts de la résistance? Celle du couple Victor et Sophie Pélissier dont on fête justement l’anniversaire et qui pourrait être enceinte? Celle du médecin grisonnant, enclin aux bassesses les plus immondes mais qui pourrait sauver la vie de tout une patientèle et rejoindre sa femme Madeleine? Celle de Vincent, électron libre qui n’a peut-être plus rien à perdre mais qui, dégoûté par la découverte de la lâcheté générale  et la férocité mutuelle des soi-disant « amis », ne se porte plus volontaire pour devenir l’un des deux otages de l’officier allemand ? Celle de Pierre, devenu aveugle au front, ayant combattu pour la France? Celle enfin de cet industriel  exécrable, Monsieur André, l’homme d’affaire bien décidé à sauver sa peau en se mettant du bon côté, en jouant la loi du plus fort et en prenant les commandes pour manipuler tout ce beau monde terrorisé, afin de mieux se protéger? Mais ils sont tous faits comme des rats. Des propos impensables d’inhumanité et de bassesse ou de mauvaise foi fusent de toutes parts  sous le regard  amusé de l’officier. Le public n’a que son rire pour se défendre. C’est un sauve-qui-peut ignoble et détestable, jusqu’au coup de théâtre final.  …Qu’ils aillent donc tous au Diable éternel, se cacher et  boire la honte de leur triste nature humaine.

Jusqu’au 15 novembre, au théâtre des Galeries

Avec : Christel Pedrinelli, Stéphanie Van Vyve, Denis Carpentier, Marc De Roy, Dominique Rongvaux, Fabrice Taitsch, Lucas Tavernier et Michel Poncelet.

Dans la mise en scène d’Alexis Goslain

Décor et costumes de Charly Kleinermann et Thibaut De Coster, les lumières sont signées Laurent Comiant

 

http://www.trg.be/saison-2015-2016/le-repas-des-fauves/en-quelques-lignes__6020

 

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administrateur théâtres

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OPÉRA

LA VESTALE

GASPARE SPONTINI

Alessandro de Marchi & Eric Lacascade

 

 

13, 15, 17, 20, 22 Octobre 2015  20:00

25 Octobre 2015  15:00

 

 Au CIRQUE ROYAL

 

Opéra en trois actes, version française

Livret de Victor-Joseph Etienne de Jouy

Création Salle Montsansier, Paris, 15/12/1807

 

                                                                                         NOUVELLE PRODUCTION

 « Depuis La Vestale, il n’a point été écrit une note qui ne fût volée de mes partitions ! » Gaspare Spontini avait parfaitement conscience du caractère influent de sa partition: il y proposait de nouvelles perspectives pour l’opéra, en imaginant l’ensemble de la partition selon une dramaturgie forte qui déterminait des effets naturalistes, l’orchestration et la forme musicale, et en ouvrant ainsi la voie à des compositeurs d’opéra tels que Rossini, Wagner, Berlioz et Meyerbeer... Ce grand opéra avant la lettre, regorgeant de tableaux spectaculaires sur l’amour interdit d’une vestale pour un général romain, fit aussitôt de Spontini le compositeur le plus important de l’ère napoléonienne. Pour sa première mise en scène d’opéra, le metteur en scène français Éric Lacascade aborde un thème actuel : « Plus que la passion amoureuse, l’enjeu de l’opéra est la libération d’une femme qui s’affranchit du pouvoir religieux. »

 

La vestale est une œuvre à redécouvrir, véritable passerelle entre le baroque et le romantisme. Si l’influence de Gluck se fait sentir dès les premiers accords de l’ouverture comme dans les scènes chorales, superbes, ou les grands récitatifs, l’originalité et le raffinement de l’orchestration de Spontini porte en elle de nombreuses innovations que bien des contemporains et successeurs lui empruntèrent. Berlioz notamment citera souvent l’opéra de Spontini en exemple et Wagner dirigera l’œuvre en 1844.

L’histoire se déroule sur fond de tragédie romaine. Le général Licinius est amoureux d’une jeune prêtresse du temple de Vesta, Julia. Alors qu’ils se jurent fidélité, le feu sacré placé sous la surveillance de Julia, s’éteint. Arrêtée, celle-ci refuse de dénoncer son amant et se voit condamnée à être enterrée vive. Elle sera sauvée par la puissance de l’amour. Un orage divin enveloppe le temple et permet à Licinius d’arracher Julia à sa tombe. Le feu sacré est restauré.

 

L’opéra de Spontini  fut  créé à Bruxelles dès 1810. En 1954, Maria Callas remet le rôle au goût du jour dans une mise en scène mémorable d’un certain Visconti. Mais il faudra encore plus de cinquante ans pour le réentendre à la Monnaie !

 

Le chef d’orchestre italien Alessandro de Marchi que nous n’avons pas eu l’occasion d’entendre depuis plusieurs saisons, viendra diriger l’Orchestre symphonique de la Monnaie pour cette nouvelle production qui sera présentée au Cirque Royal  du 13 au 25 octobre 2015. On y retrouvera également les Chœurs de la Monnaie dirigés par le chef Martino Faggiani et la MM Academy préparée par Benoît Giaux.

La mise en scène, confiée au français Eric Lacascade,  a été créée en 2013 au Théâtre des Champs-Elysées à Paris et a, depuis le début, été mise en place en vue de la présenter au Cirque Royal de Bruxelles. Issu du monde du théâtre, le metteur en scène français Eric Lacascade fait ici ses premiers pas à l’opéra. Il nous propose une version détachée de tout historicisme comme de toute transposition contemporaine. Le dispositif scénique est simple, un plateau nu brûlé par le soleil ou plongé dans la pénombre, quelques meubles. Eric Lacascade utilise une certaine stylisation dans le décor et le jeu des chanteurs pour dégager les traits psychologiques des personnages tout en se tenant au plus près de la musique de Spontini. Il voit dans l’ouvrage de Spontini un drame intemporel et définit ainsi le personnage principal : « Julia,  femme victime, femme guerrière, femme révoltée, femme insoumise, révélée à elle-même par l'amour passion. La puissance de cette passion, la puissance de cette femme enflammée dépasse de loin toute époque. Soumise à un rituel ancestral dans lequel la femme est au service de Dieu et de l'homme, elle ose choisir la singularité de son amour, contre la loi divine, contre la loi de la cité. » Il ajoute que c’est également la « présence du peuple, peuple de vestales, de prêtres, de guerriers, de citoyens, foule bigarrée et mélangée, toujours au bord de l'explosion qui fait aussi la puissance de l'œuvre. »

La Monnaie - La Vestale

 Photo © Chad Ress / Gallery Stock

 
Titre jadis incontournable du répertoire bruxellois, La Vestale de Spontini n’a pas été donné ces dernières décennies. Nous vous présenterons la version française de cette tragédie lyrique, une oeuvre que l’on peut considérer comme annonciatrice du grand opéra. Le metteur en scène de théâtre français éric Lacascade, connu pour ses adaptations de Molière, Kleist et Shakespeare, proposera ici sa première mise en scène à l’opéra, déjà donnée au Théâtre des Champs-Élysées à Paris en coproduction avec la Monnaie. Il adaptera sa production à l’espace du Cirque Royal, où il sera rejoint par le chef d’orchestre Alessandro De Marchi.   Peter de Caluwe

 


La distribution réunit des artistes invités régulièrement sur la scène bruxelloise, Yann Beuron, Sylvie Brunet-Grupposo, Julien Dran et Jean Teitgen. Pour ses débuts pour la Monnaie, la soprano franco-canadienne Alexandra Deshorties interprétera le rôle de Julia.


Le ténor français Yann Beuron qui créa en 2014 le rôle du mari de la sœur ainée dans Au monde de Philippe Boesmans, interprètera pour la première fois le rôle de Licinius, l’amant de la vestale. La mezzo-soprano française d’origine sicilienne Sylvie Brunet-Grupposo incarnera la Grande Vestale. Elle avait impressionné le public et la critique pour ses débuts dans le rôle d’Azucena (Il Trovatore) en 2012 et dans la reine Gertrude (Hamlet, Verdi) en 2014. Dans le rôle de Cinna, nous retrouverons le jeune ténor français Julien Dran, découvert à la Monnaie avec le personnage d’Edmondo dans Manon Lescaut (Puccini) en 2013, et, dans le rôle du Souverain Pontife, la basse française Jean Teitgen,.

Coproduction La Monnaie / De Munt, Théâtre des Champs-Élysées
Avec le soutien de SWIFT

Réservation en ligne ICI

CALENDRIER et tickets: http://cirque-royal.org/?

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La Monnaie

http://www.lamonnaie.be/fr/opera/568/La-Vestale

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administrateur théâtres

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« Je ne suis ni folle ni possédée ! »Suzanne Simonin

Il y a 50 ans déjà ! « La Religieuse » de Denis Diderot (1760-1781)  était adaptée au cinéma par  Jacques Rivette  et soulevait une puissante  vague d'indignation et d’appels à la censure de la part de la société bien-pensante.  La présidente de l'Union des Supérieures Majeures écrit le 12 octobre 1965 au ministre de l’information, Alain Peyrefitte et accuse la production d’être « un film blasphématoire qui déshonore les religieuses ». Le ministre, qui partage ce point de vue, lui promet qu'il fera tout en son pouvoir pour empêcher le film de nuire à l'image des religieuses. En effet, DIDEROT ne mâche pas ses mots : « Faire vœu de pauvreté, c’est s’engager par serment à être paresseux et voleur. Faire vœu de chasteté, c’est promettre à Dieu l’infraction constante de la plus sage et de la plus importante de ses lois. Faire vœu d’obéissance, c’est renoncer à la prérogative inaliénable de l’homme, la liberté. Si l’on observe ces vœux, on est criminel ; si on ne les observe pas, on est parjure. La vie claustrale est d’un fanatique ou d’un hypocrite. » Son réquisitoire contre le fanatisme est sans appel. Tout comme d’ailleurs celui de Jean-Jacques ROUSSEAU avec cette phrase célèbre extraite  "Du contrat social" en 1762 : "La terre entière regorgerait de sang et le genre humain périrait bientôt si la Philosophie et les lois ne retenaient les fureurs du fanatisme, et si la voix des hommes n'était plus forte que celle des dieux."

Une longue bataille juridique s’enflamme, la distribution et l’exportation du film interdit aux moins de 18 ans est empêchée. Il faut attendre 1975 pour la levée de censure par le Conseil d’état. Sujet toujours sensible, un nouveau film sort en 2013, avec Pauline Etienne et Isabelle Huppert.

826862457.jpg?width=450Les temps ont  certes changé depuis les années 60, mais il faut croire que la contrainte de la prise de voile imposée à une jeune ville de 16 ans menant à son enfermement à vie est un sujet qui n’a pas fini de passionner et de nous révolter. Daniel Scahaise à son tour exploite ce texte sulfureux avec  grande  empathie et justesse de ton.

Rappelons l’histoire en bref. Suzanne Simonin, enfant rejetée, née en dehors des liens du mariage, est contrainte par sa famille à rentrer dans les ordres, alors qu’elle n’aspire qu’à vivre dans « le monde ». Au couvent, elle est confrontée à l’arbitraire de mères supérieures tour à tour bienveillantes, cruelles ou vraiment trop caressantes…dans leurs transports interdits.  Véritable héroïne de la dignité,  loin de tout péché d’orgueil ou d’outrecuidance, la jeune fille résiste courageusement à la barbarie de l’enfermement, aux sévices corporels, aux brimades, aux privations par la PAROLE. Elle a décidé de lutter par tous les moyens pour recouvrer son identité et sa liberté d’action. Sa  seule arme est la plume…pour rédiger un mémoire à charge contre la Famille, l’Eglise et l’Etat. 

3840311950.jpg?width=450Chaque geste, chaque mouvement, chaque tressaillement  de Suzanne la mal aimée est un tableau de maître. Dolorès Delahaut qui l’incarne avec passion et raison à la fois, a des airs de Jeanne d’Arc.   Le plateau  central est  un  carré de marbre noir, traversé par les sombres forces de l’Injustice qui cerne de tous côtés  la vie palpitante qui bouillonne dans la jeune religieuse. Biche aux abois, elle  se bat avec l’énergie et la détermination de la chèvre de Monsieur Seguin, préférant au besoin, s’immoler plutôt que de renoncer à sa liberté.  Les jeux d’ombres, de lumières et de citations musicales ou sonores sont fascinants. Et la plume et l’écritoire, les seuls alliés de la jeune fille, de mener presque  une vie propre!  On croit voir le texte s’écrire en encre sympathique sur les pages de la confession de la religieuse.

 3936137295.3.jpg?width=450Le premier contact du public avec la scène est synonyme dès le départ, d'aveuglement et  de violence monastique « qui jettent l’économie animale dans un désordre dont elle ne peut sortir  ». Les chaises des spectateurs-juges sont disposées sur les quatre côtés de cet abîme qui pourrait tout aussi bien être un puits sans fond  où flotte,  retournée face contre terre, le corps sans vie de la jeune  religieuse. Morte ou vivante? Murée et enterrée vivante? Autour des spectateurs,  des parois faites  rideaux noirs tels les plis de la robe religieuse.   Deux mères supérieures impassibles  sont  assises avec vous au premier rang de part et d’autre du plateau.  Julie Lenain,  impressionnante dans son rôle de castratrice, de juge et de tortionnaire,  Hélène Theunissen  incarnant au fil de l’histoire, la souffrance physique d'un réalisme soufflant d’une infâme lubricité.  Distribution remarquable et vibrante de colère, de révolte et de violence pour interpréter un texte qui n'a pas vieilli... hélas!  La voix, la stature de Stéphane Ledune rendent le plaidoyer de Diderot pour Dieu et contre les institutions liberticides  d’une intensité stupéfiante! La fin de l’histoire, est un dernier coup de poignard d'une muflerie inouïe.

La Religieuse

Denis Diderot - Théâtre en Liberté

Du 13.01 au 14.02.2015

Réservez en ligne

 

Crédit Photos : Isabelle De Beir
:
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administrateur théâtres

12273067452?profile=originalUn Don Juan aux semelles de vent!

 

Thierry Debroux, le metteur en scène, explique : « ce n’est pas l’attitude de libertin que Molière condamne à la fin de son texte mais l’aptitude de ses contemporains à feindre la dévotion. Pas étonnant que la pièce, bien qu’appréciée par Louis XIV, fut retirée assez vite de l’affiche et ne fut plus rejouée du vivant de son auteur. Une autre lecture de la pièce pourrait nous amener à penser que le véritable enfer de Dom Juan, c’est le consumérisme, et en cela il représente à merveille notre société contemporaine. Il consomme les femmes, comme notre société consomme les objets, mais cette consommation finit par le lasser. Il provoque toujours plus le ciel. Il sait qu’il fonce droit dans le mur...et plus Sganarelle ou Elvire tentent de lui ouvrir les yeux sur la catastrophe imminente, plus il s’obstine à se vautrer dans le scandale… ».

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 Voilà donc campé un Dom Juan mobile, épris de vitesse et de changement, fuyant l’étau de l’autorité et des responsabilités  au pas de course,  blasphémateur, tellement iconoclaste et impénitent que l’on finit par s’en faire une idée à la limite de la caricature. C’est Sganarelle - le héros de ce drame joué à l’origine par Molière lui-même - qui rassemble dans son personnage toute notre sympathie et notre admiration de spectateurs. D’entrée de jeu il a établi une connivence immédiate avec les fumeurs de la salle - une minorité sans doute - mais qui a atteint le reste du public de façon virale tant son jeu théâtral est juste, désopilant et plein d’esprit. Le tabac soudain fédérateur fait un tabac!  Dans ses manières si humaines, pleines de bon sens, loin de tout extrême, il dénonce les -ismes du monde et les fracas impies de son maître à coup de formules et de questions bien senties. On l’adore et on compatit avec ses faiblesses, puisqu’il sera le grand perdant : « Voilà par sa mort un chacun satisfait: Ciel offensé, lois violées, filles séduites, familles déshonorées, parents outragés, femmes mises à mal, maris poussés à bout, tout le monde est content. Il n'y a que moi seul de malheureux… » « Mes gages, mes gages ?» hurle-t-il à la fin. Même les grands évanouis, les petits trinquent toujours.  Et Benoît Van Dorslaer est un tout grand comédien !

12273066458?profile=original Cependant,  à force d’effets  burlesques  foudroyants, ce Dom Juan interprété avec fougue et énergie par  Bernard Yerlès  ne perd-il pas  un peu la trace du libertin bon teint, apôtre de la transgression et suprêmement humain,  et qui se sent en incompatibilité absolue  avec les nœuds du monde qui l’entoure ? Lorsqu’il veut  désespérément inventer une nouvelle mesure des choses, des êtres et des événements et court assoiffé d’espace vital et de désir, ne court-il pas directement …à sa propre perte? Ironie du sort, il commettra lui-même le péché d'hypocrisie qu'il abhorre!

  En effet, le Dom Juan intemporel de Molière est un futur héros du 18ème siècle : il poursuit tel un Don Quichotte, une liberté  chimérique qui sans cesse se dérobe. Il rêve d’une égalité de chacun, dans la fraternité  et devant la Raison.  Si Dom Juan consent à donner la pièce au mendiant dans la scène du pauvre, il le fait par amour pour l’humanité, non par peur du châtiment divin. Jean-Jacques Rousseau écrit dans la première version de son "Du contrat social" en 1762 : "La terre entière regorgerait de sang et le genre humain périrait bientôt si la Philosophie et les lois ne retenaient les fureurs du fanatisme, et si la voix des hommes n'était plus forte que celle des dieux." Et bien que Sganarelle nous  soit si sympathique, n’est-il pas temps de  traverser une période hantée par les abus de pouvoir, le puritanisme et la bigoterie par le rire étincelant et blasphémateur grâce au personnage décrié de Dom Juan?  

 

 Situations baroques qui bouillonnent d'impertinence… et le public de rire de bon cœur  ou de se récrier au cours de cette tragi-comédie inquiète et impatiente. Les décors évanescents faits de splendides boiseries épurées et lumineuses enchaînent les paysages imaginaires  les plus variés puisque Molière a décidément rompu avec les règles classiques de l’unité de temps, de lieu et d’action.

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Au niveau de l'excellence théâtrale, le comédien Luc Van Grunderbeeck qui se glisse dans de multiples personnages (Dom Louis, le Pauvre et Le Commandeur) fait merveilles et sera salué avec passion!  La langue admirable de l'auteur dramaturge est une constante qui émeut et fait plaisir,  superbement préservée dans son rythme et sa poésie malgré l’absence de versification… Fermez les yeux, c’est Molière qui  berce l’humain  entre Dom Juan et Sganarelle!  

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Le mot de Thierry Debroux:

Madame, Mademoiselle, Monsieur,

 

Le 15 février 2015, au lendemain de notre dernière  

représentation, cela fera, jour pour jour, 350 ans que se  

donnait pour la première fois le Dom Juan de Molière. 

Profitant du départ des Italiens qui jouaient avec grand succès 

un Dom Juan, Molière s’empare de l’intrigue et en quelques 

jours, dit-on, écrit la pièce que vous verrez (ou reverrez) ce soir.

 

On a tout écrit sur Dom Juan et on l’a « cuisiné » avec mille 

épices différentes.Mozart, comme vous le savez, en a fait un opéra avec le 

concours de Da Ponte et tout récemment, au Théâtre Royal de  

la Monnaie, la mise en scène de ce chef-d’oeuvre a suscité une  

vive polémique.

 

Mais revenons à Molière. La pièce est étrange et mélange  

tous les genres. On passe sans transition d’une discussion  

philosophique à un numéro de commedia dell’arte… Molière  

fait de nombreux emprunts à la version italienne… mais  

dépasse la farce, effleure la tragédie, plonge dans le drame, ose  

le grand guignol…

 

Nous avons tenté de prendre en compte tous les chemins  

qu’emprunte l’écriture, tous les genres littéraires qui se  

superposent.

 

A l’époque où Molière écrivit ce chef-d’oeuvre, ses provocations  

lui attirèrent les foudres des intégristes. Il risqua sa vie comme  

l’ont risquée les dessinateurs de Charlie Hebdo, à qui je veux  

rendre hommage ici.

 

J’espère que vous passerez un bon moment en compagnie d’un  

auteur courageux. 

Du 15 janvier au 14 février 2015

(29 représentations).

http://www.theatreduparc.be/

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administrateur théâtres
12273056495?profile=original

LES FILLES AUX MAINS JAUNES

de MICHEL BELLIER
Mise en scène Joëlle Cattino. Avec Anne Sylvain, Valérie Bauchau, Céline Delbecq, Blanche Van Hyfte. Violoncelle: Jean-Philippe Feiss
DU 05/11/14 AU 13/12/14
 
Accueil - Salles des Voûtes - relâche les dimanches et lundis
 
Qui étaient les filles aux mains jaunes?
« Si les femmes s’arrêtaient de travailler vingt minutes, les Alliés perdraient la guerre ! » disait le  Maréchal Joffre. Un hommage rendu aux femmes laissées seules,  une fois les hommes partis en guerre. Auparavant employées dans des tâches mineures, elles vont tout assumer : travailler dix heures par jour dans les usines d’armement, assumer avec les vieillards et les enfants les durs travaux des champs, devenir marraines de guerre pour remonter le moral des combattants et pleurer les disparus. À la fin de l’année 1917, les ouvrières seront quatre cent mille. De nombreuses employées feront grève pour obtenir des salaires équitables. La place traditionnelle de la femme évolue enfin.
L’écriture de Michel Bellier, autodidacte, est une véritable trainée lumineuse qui n’en finit pas de faire palpiter un public pris à bras le corps, au confluent du souvenir de la première Guerre mondiale et celui de la justice enfin faite à la voix des femmes. Anne Sylvain, Valérie Bauchau, Céline Delbecq et Blanche Van Hyfte incarnent à la perfection les quatre cariatides de cette magnifique pièce épique et polyphonique, porteuses d’un monde nouveau. Toutes de condition plutôt  modeste - l’une sait à peine lire - créent lors du travail éreintant et insalubre dans cette usine d’obus, du lien indélébile, malgré leurs différences très marquées  qui vient nous  remuer au plus  intime… cent ans après.  Et c’est la création même  de ce lien qui libère la parole ! Enfin. 

Cette pièce est  donc un pavé dans la mare des adeptes du déni des femmes et au fur à mesure la dramatisation  se construit mot après mot, une sorte de cathédrale d’échos, d’appels, de rêves, de joies et de larmes  que nul ne peut désormais oublier. L’objectif pédagogique de l’auteur est pleinement atteint. Qu’il soit remercié ! 

 Quant à l’interprétation dramatique des quatre comédiennes, vivantes, charnelles et attachantes,  elle est à son zénith.  Chaque nouvelle vague de parole qui se déploie dans ce  lieu qui sent l’huile, le métal surchauffé, la sueur et le danger, ou la courette ensoleillée où les ouvrières respirent quelques instants sur le chemin des toilettes,  nous touche et nous émeut profondément dans leur splendide diversité. Jeanne : « Tu crois que c’est drôle, toute la journée, coudre des robes noires ? » Rose : 500.000 femmes … ensemble. Mais pourquoi faire ?  Tu crois qu’on l’aurait votée, toi la guerre ? Louise : une guerre ça ne se vote pas, ça se déclare. Julie, face au public : A quoi as-tu pensé ? Ta dernière, ta toute dernière pensée ? Celle qui restera dans tes yeux ? Et dans ta bouche, mon nom est-il resté ? 

 Le public est embarqué dans les rêves de ces femmes aux malheurs en cascades, et impliqué dans la lente organisation de leur combat. Le texte est d’une justesse de ton extraordinaire, en diapason total avec l’accompagnement musical émouvant de  l’homme silencieux (Jean-Philippe Feiss) qui joue sans discontinuer du violoncelle sur scène. Image de paix surréaliste, au milieu de ces planches bouleversantes. Les pulsions musicales subliment le texte et l’entoure d’un amour ineffable. A se demander qui induit l’autre, la mélodie ou le texte joué. Une communion parfaite dans laquelle on se perd et on s’abandonne. Le symbole de l’homme absent ?   

De cette première guerre mondiale, mère de toutes les atrocités, Michel Bellier fait  surgir une lumière, un bienfait fragile mais  toujours en construction : la parole des femmes et le mot liberté. Le mélange intime du travail de mémoire et du travail  d’avenir est nécessaire afin que les  immenses sacrifices consentis ne se perdent pas dans les sables de l’oubli ou du déni.  La construction progressive du récit dans une langue fluide et vivante est d’un équilibre parfait : pas un mot à retirer ou à suppléer.  Michel Bellier  semble porter en lui l’amour de toutes les femmes, et  aussi celui des jeunes générations auxquelles ils consacre une bonne partie de son temps en parcourant les écoles avec ses productions porteuses de sens. Est-il sur les pas du merveilleux romancier Gilles Laporte, l’écrivain Vosgien qui a consacré une grande partie de son œuvre à un engagement inconditionnel en faveur de la reconnaissance de la Femme dans la société ? On  y retrouve le même souffle de vérité que dans le  roman « Julie-Victoire Daubié, première bachelière de France », ou  l’autre « Des fleurs à l’encre violette ». Cette modeste pièce oh combien bienfaisante, en a les accents  et participe de la même puissance sismique. Et tout cela… nous ramène à l’héroïne entre toutes : Marie Curie! 
  

 
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administrateur théâtres

04f06818d335b3dd653907b83d52fce8.png?1310493152Dès les premières mesures, le chef d’orchestre Paolo Arrivabeni  - une première pour le maestro- convoque l’atmosphère. On sait que ce sera musicalement superbe. Intensité dramatique croissante : les contours angoissants de la sinistre prison emplissent l’imaginaire engouffré dans les replis de la musique et accroché à l’ombre portée  des barreaux sur le rideau. Où se trouve donc le prisonnier enfermé pour dissidence?

C’est alors qu’une très instinctive Cinzia Forte donne vie à la jeune Marzelline, la fille du geôlier de la prison d’état et ne se laisse pas faire par Jaquino (Yuri Gorodetski) qui a décidé de l’épouser, per amore o per forza ! Heureusement que le père a du bon sens et ne veut pas livrer sa fille au premier venu ! « Quand on n’a pas d’or on ne peut pas être heureux ! » Morale bourgeoise ? Mais là n’est pas le propos !

_dsf6838__b_.jpgFidelio, le seul et pour cela très unique opéra de Beethoven, raconte le sauvetage du prisonnier politique Florestan par son épouse Léonore. Léonore habillée en garçon, Fidelio, obtient un emploi avec le directeur de la prison, Rocco. Elle persuade Rocco de laisser les prisonniers respirer au grand jour quelques moments, en espérant que cela offrira à Florestan une petite chance d'évasion. Mais à son insu, le gouverneur tyrannique Don Pizzaro prévoit de le tuer puisque Rocco s’y refuse ( « Das Leben nehmen ist nicht meine Pflicht »), afin de ne pas être découvert et confondu par les autorités pour ses agissements. Léonore fera tout, y compris creuser de ses mains la tombe de son mari pour lui venir en aide et lui faire retrouver la liberté.

La dualité obscurité / lumière oriente le texte, la musique, les voix et la mise-en scène. A chaque niveau on perçoit une nette (r)évolution de l’une vers l’autre. A tout moment l’auguste épouse est une femme debout qui se bat impitoyablement contre la dictature, l’oppression et la haine. Le ton se situe  entre le conte fées et un jeu qui rappelle Bertold Brecht. La musique oscille dans le premier acte entre des réminiscences lumineuses d’Haydn ou de Mozart, tandis que dans la deuxième partie les couleurs complexes et sombres  du romantisme se développent et parallèlement, l’idéalisme humaniste de Beethoven. Cette musique exemplaire devient exemple de moralité. Une moralité constamment rappelée par un Rocco diablement  humain et sympathique. Lui et sa fille ne vivent-ils pas dans une prison, la condition humaine? Une superbe voix de baryton: Franz Hawlata. Osmin dans « L’enlèvement au sérail » dernièrement sur la même scène et L’esprit du lac dans « Rusalka ».  

Dans son air sublime, Léonore, la merveilleuse soprano américaine Jennifer Wilson,"l'une des plus grandes sopranos dramatiques du monde",  s’exclame en deux montées l’une chromatique et l’autre diatonique sur le si aigu pour cueillir le mot magique « ERREICHEN ». Oui, elle entrevoit l’issue heureuse de son entreprise ! Trois cors, symboles de l’espoir, l’accompagnent et annoncent la promesse de la victoire. Dans le récitatif qui précède, l’orchestre et les timbales ont annoncé le danger qui guette le prisonnier et donnent à entendre son cœur qui bat. « Fidelio, ich habe Mut ! » L’amour peut supporter les pires souffrances. Le dictateur a beau mugir avec extase ses envies de vengeance meurtrières : «  Triumph, Der Sieg ist mein ! » C’est bien la lumière et l’amour qui seront victorieux. Don Pizzaro est interprété avec énormément de conviction par Thomas Gazheli.  

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La scène où les prisonniers retrouvent l’air et la lumière est particulièrement bouleversante : « O Welche Lust in freien Luft den Atem zu nehmen ! »  Fidelio en pleure. Alors que les chuchotements des prisonniers (« Sprecht leiser ! ») annoncent déjà leur adieu à la chaude lumière. Une splendide chorégraphie de Marcel Seminara. Les gardes mettent en joue les prisonniers.

Au deuxième acte, la sombre introduction avec cuivres lugubres et timbales fatidiques laisse filtrer un bruissement de flûtes et l’espoir renaît. La voix solitaire du prisonnier fuse : « O grauenvolle Stille ! O schwere Prüfung , doch gerecht ist Gottes Wille ! »  Zoran Todorovich a la voix de ténor idéale pour ce rôle, glissant légèrement entre  les ombres de la souffrance et la lumière.  Il se soumet aux desseins de Dieu, bercé par les violons ; il a dit la vérité et le cachot est sa récompense.  De sa voix claire et souple « Gott ! Welch Dunkel hier ! »  Florestan chante tour à tour sa souffrance et son espoir en la liberté. Il a soudain perçu une lueur féerique et senti la voix de sa femme? Magie musicale et affective s’emmêlent, on est en plein conte de fées !  Les voilà qui chantent à trois l’espoir radieux retrouvé !  Léonore a offert du pain au prisonnier qui ne l’a pas encore reconnue sous son lourd manteau. Lorsque Pizarro descend pour le tuer, Léonore dévoile son identité de femme, s’interpose et le menace de son pistolet.

 

_dsf6888__b_.jpgLe bon ministre Don Fernando (Laurent Kubla) est arrivé, Pizzaro emmené par des gardes. C’est Leonore qui libèrera son mari des entraves. « O Gott, welch ein Augenblick ! » « Liebend ist es mir gelungen, dich aus Ketten zu befrei´n».  La lumière emplit l’espace et inonde le plateau qui avait pris l’apparence d’un pénitencier moderne. Dans le final  resplendissant qui  s’apparente à la thématique de l’Hymne à la joie - long moment inoubliable - toutes les femmes suivent l’exemple de Léonore et enlèvent les fers des pieds de leur mari, les jetant avec dégoût au bord de la scène. On est très loin de la moralité bourgeoise! Il s'agit plutôt d'une morale héroïque.  On ressort du spectacle, l’amour de la liberté fiché dans le cœur. On a entendu un émouvant manifeste pour l’amour conjugal, dans sa profondeur et sa vérité, l’accomplissement du devoir moral et l’affranchissement de toute dictature.

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Fidelio

Direction musicale :  Paolo Arrivabeni
Mise en scène :  Mario Martone
Chef des Chœurs :  Marcel Seminara
Artistes :  Jennifer Wilson, Zoran Todorovich, Franz Hawlata, Cinzia Forte, Yuri Gorodetski, Thomas Gazheli, Laurent Kubla
Du vendredi, 31/01/2014 au mardi, 11/02/2014
http://www.operaliege.be/fr/activites/operas/fidelio
Opéra Royal de Wallonie
Place de l'Opéra
4000 Liège - Cité
Téléphone +32 (0)4221 47 22
location@orw.be
www.operaliege.be

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D'abord le livre:

Syngué Sabour : La pierre de patience                    de Atiq Rahimi

La parole libérée

Une femme veille sur son mari, dans le coma. Nous sommes en Afghanistan et cet homme est un combattant, blessé non au combat mais dans une rixe entre personnes du même bord. Cette veille va être pour elle l’occasion de parler pour la première fois avec son mari d’habitude trop figé dans son autorité et son machisme pour s’ouvrir à sa femme. Ce monologue va lui permettre de régler ses comptes avec ces hommes, ceux qui l’ont abandonnée après le coma de son mari, son père brutal, plus attentionné pour ces « cailles de combat » que pour ses filles, qui l’a vendue pour une dette de jeux. Et ce mari, héros de guerre absent pendant les combats, tout juste plus présent quand il rentre à la maison. A ce mari, elle dira tout, ses lourds secrets les plus cachés et les vérités les plus crues. Atiq Rahimi donne ici un roman intense, au parti pris formel fort, tout le roman est décrit depuis la seule pièce où repose le corps de l’homme. Un parti pris réussi.


« Quelque part en Afghanistan ou ailleurs ….

« Quelque part en Afghanistan ou ailleurs …. », cette imprécision géographique, jointe à une imprécision chronologique et à l’absence d’informations sur l’identité de la femme et du mari confère au roman un intérêt qui dépasse celui de la simple histoire d’une famille . Ce huis clos dans un lieu coupé de la vie extérieure qui ne se manifeste que par des bruits ou  par des images perçues selon un angle très restreint, condense l’attention sur la condition de la femme dans tout pays musulman intégriste où elle est réduite à ruser ou mentir,  à n’ être que mère reproductrice ou repos du guerrier, et sur la difficulté d’entretenir avec l’homme des rapports libres et francs.
A la lenteur du temps qui s’écoule marquée par la narration au présent , les psalmodies, le goutte à goutte et le parcours de l’ombre et du soleil , s’oppose la violence  de certaines  scènes  où la confidence  devient  aveu, le chuchotement  cri et  la douceur  violence , où la femme se croit démone, possédée par le mal . Une œuvre marquante dont la puissance vient paradoxalement de son écriture minimaliste. Les phrases dépouillées, sèches et concises résonnent comme en écho dans l’esprit du lecteur  qui est amené alors à ressentir tout le non-dit du récit .
Un ouvrage qui restitue au corps de  la femme toute la place que le vêtement féminin afghan vise à occulter .

Alma

Et maintenant le film, une pure merveille!

Une pure merveille écrite par l'auteur, avec respect, amour et sens de la beauté.

Un plaidoyer sans appel contre l'homme qui ne sait que faire la guerre et pas l'amour.

C'est l'horreur d'une ville au soleil baignée de sang, de bombardements et de guerre. C'est le bruit sec et lourd du tchador que la femme rabat brutalement à la moindre sortie en dehors de sa maison. Une femme vivante comme une bourrasque erre sur les remparts d'une ville de Troie mise à sac par la folie les hommes.
Et pourtant ses pas courent sur la terre brûlante pour chercher du sérum pour soigner le mari. Ils se font d'une légèreté d'ange sur les ornières de la désolation.

Ce sont des militaires universellement assoiffés de vengeance et de cupidité et leurs victimes abandonnées pour l'exemple.

Ce sont ces deux fillettes vêtues de tissus chamarrés, la tête encore nue, pas encore écrasées par la honte de leur condition féminine, qui sautillent autour de leur mère disloquée par la peur et si audacieuse à la fois.

C'est une femme, belle comme un mythe palpable qui se permet de naître par la parole à côté de l'homme, souche muette et roide, sur le visage duquel pas la moindre contraction de sentiment n'est visible. Juste la totale indifférence d'un Dieu absent.

Mais rien ne peut tuer l'instinct de vie de la femme.

C'est une icône faite de corps voluptueux et de mains qui caressent lavent et soignent le pire ennemi.

C'est un symbole de grâce par son regard infini entre ses cils de femme du désert, qui vous prend à la gorge, car vos larmes ne sont pas loin. C'est l'image de la femme éternelle, mère, épouse, et compassion, sous un voile de beauté.

C'est l'un des plus beaux films que l'on puisse imaginer à propos de la Femme. Seul espoir de l'homme après Dieu. Et si ce film, créé par une main masculine exceptionnelle devenait lui aussi pierre de patience magique et faisait éclater par son langage particulier la libération de toutes les femmes du monde? C'est le rêve des rêveurs. Et heureusement qu'ils existent!

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DOUCE DECHIRURE


Si jamais par hasard nos chemins se croisent
Comme se croiseraient dans la vie des destinées,
Et de là où tu es du coin de l’œil tu me toises,
Sois sûr que je n’ai pas ta belle âme oublié.

Dis-toi qu’au fond de moi ton goût survit encore.
Je t’ai gardé dans mon cœur une place de choix,
Mon doux, mon sage, mon prophète aux mots en or
Sertis de mes pleurs, que j’ai élu unique roi !

Que tu veuilles me parler ou tu désires te taire,
Je saurai comment faire pour dompter ton silence
Comme j’ai bien su avant gérer tes vertes colères ;
Lourds sévices engendrant ma douleur, mes souffrances.

Si tu cherches, ma foi, sans moi la tranquillité
Et la paix ; sans mes mots de pudique tendresse,
Recouvre donc comme l’air ta très chère Liberté.
Les vrais Amours n’admettent guère qu’on les mette en laisses !


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