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libération (2)

administrateur théâtres

L’élan vers la liberté pour les amoureux du verbe,  et plus, si affinités…

Comment trouver une voie/sa voix pour dire 1962 ? Le 30 octobre 1962,  Jean Sénac, poète chrétien, socialiste et libertaire algérien rentre en Algérie après huit années d’exil et d’espérance. N’ayant jamais connu son père, lui-même, taxé de  « gaouri » (descendant des conquistadors), il trouve le pays en liesse. On célèbre le 1er novembre 1954, date anniversaire du déclenchement de la guerre de décolonisation. Dans ces retrouvailles, tout est bonheur, lumière, promesse : « les rues délirantes », « Alger, joie, enthousiasme, confiance, travail, beauté et fraternité », « beauté du peuple, les gosses, la jeunesse, les regards admirables » (Carnet de 1962).

 Né dans les quartiers populaires d'Oran, Jean Sénac sera assassiné à Alger le 30 août 1973 sans que l'affaire ne soit jamais élucidée.

Son recueil Poèmes est publié par Gallimard en 1954, avec un avant-propos de René Char, dans la collection Espoir dirigée par Albert Camus. Il  a osé employer l'expression « patrie algérienne ». Après sa rupture avec Albert Camus, il publie en 1961 le recueil Matinale de mon peuple. Contrairement au défenseur de la « trêve civile » et d’un compromis pacifiste, Jean Sénac  soutient  la cause indépendantiste et la lutte armée (FLN), s’engageant à corps perdu dans une triple quête de reconnaissance : celle du pied-noir qui milite pour l’unification de l’Algérie libre ; celle de l’homosexuel qui défend  l’affranchissement des corps ; celle du poète qui contribue à la naissance  de  la création algérienne contemporaine, que ce soit  en littérature  ou dans les arts plastiques où il tente de réconcilier l’esprit et la chair, dans l’avènement d’un homme nouveau.

Les mouvements d’extrême droite partisans de l’Algérie française prônent une virilité exclusive. L’érotisation de la poésie des amours particulières sert de métaphore pour le  prélude  d’une  réunification  politique  non réductrice de la nation qui est tout d’abord se doit d'être plurielle et de se prémunir de toute  tentative d’uniformité. Non, l’algérien n’est pas qu’un arabe musulman!

  

 Un seul mot peut déclencher

la tragédie des étoiles

un seul mot peut faire pousser

des amandiers dans le désert…

Le terme « diwân » désigne, en langue  arabe un recueil de poésie, et le n— ن —oûn  est une lettre femelle au tracé sensuel, placée en exergue de la sourate 68 du Coran, intitulée « Le Calame ». Le graphisme,  le Verbe sacré et l’érotisme s’entremêlent dans un « corpoème ». Le poète, au terme d’une véritable expérience mystique, touche le divin dans une étreinte très sensuelle, les corps s’unissant « en une chair spirituelle/ Mais animale tout de même et si belle ! »(« Diwân du Noûn », Œuvres poétiques 1967).

On était parti pour rester …et savourer longuement  les enfilades enthousiastes de  verbe brûlant du poète algérien, dont on découvre les textes  pour la première fois grâce à  la  patiente  orfèvrerie de Daniel LIPNIKet de Mario FABBRI. Las, tout passa si vite! Ces textes n’ont rien d’une piquette poétique ou d’un lourd poison baudelairien,   mais tout du vertige et on flirte d'emblée avec l’éphémère et la beauté.    Les poèmes bordés de rivages solaires sont profonds, sobres,  équilibrés, charnels et même noçatoires! Va pour la licence …poétique !

Impossible de ne pas tomber sous le charme du duo de musicalités si finement apparié!   Les cadences  verbales du diseur Mario FABBRI alternent avec des textes servis sur orchestration musicale,  qui sont divinement sublimés par le pianiste Daniel LIPNIK. Celui-ci  a choisi de jouer principalement  le répertoire hypnotique des Gnossiennes et Gymnopédies d’Erik Satie. La palette romantique du pianiste met en relief les tableaux imaginaires, les analogies auditives, les accents  charnels, les envolées spirituelles et les désespoirs abyssaux. De son côté, le conteur,  Marco FABBRI resplendit de charme, d’aisance et de charisme. La voix est belle et les regards intenses. Les  postures galbées, bien étudiées et toujours renouvelées,  ne semblent surgir que  de la spontanéité juvénile  autour du piano phare.

« Oh vous frères et sœurs, citoyens de beauté, entrez dans le poème ! » L’éblouissement musical et poétique a bien eu  lieu, mais il était  hélas, de très courte durée et tellement vite évanoui ! La soirée poétique  était en effet  bien trop courte au goût des spectateurs  médusés. « La beauté sur nos lèvres est un fruit continu…Tout est chant, hormis la mort ! »

 

Noûn Poèmes d'Amour et de Révolte

Sur les plages
l'été camouffle la misère,
et tant d'estomacs creux
que le soleil bronza.
Dans la ville
le soir entrelace au lierre
le chardon de douleur,
cet unique repas.

Noûn, un chant d'amour.
Noûn, c'est un dialogue musical entre une voix et un piano.
Ce sont des poèmes d'amour et de révolte s'entrelaçant à une partition instrumentale jamais figée.
C'est la rencontre de plusieurs univers qui font écho entre eux : un écrivain solaire et engagé, Jean Sénac, et les compositeurs Erik Satie et Frederico Mompou dont l'inspiration échappe à toute définition.

Le duo Mateo & Laëndi, c'est  un acteur et un musicien qui se conjuguent pour offrir l'ouverture de nos horizons.

' … Emblème de surpassement, le noûn signifiera pour Sénac l'accès au sublime, la mise en place d'une érotique poétisée. '

Un spectacle du Duo Mateo & Laëndi
Jeu, mise en espace : Marco Fabbri
Piano, arrangement musical: Laëndi Lipnik

Production et diffusion : MusikAnima

Ferme du Biéreau
Mercredi 17 mai  2017

Réservations : musikanima.com

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_S%C3%A9nac_(po%C3%A8te)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_d%27Alg%C3%A9rie

http://www.laviedesidees.fr/Jean-Senac-l-Algerie-au-corps.html

 

 

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administrateur théâtres

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D'abord le livre:

Syngué Sabour : La pierre de patience                    de Atiq Rahimi

La parole libérée

Une femme veille sur son mari, dans le coma. Nous sommes en Afghanistan et cet homme est un combattant, blessé non au combat mais dans une rixe entre personnes du même bord. Cette veille va être pour elle l’occasion de parler pour la première fois avec son mari d’habitude trop figé dans son autorité et son machisme pour s’ouvrir à sa femme. Ce monologue va lui permettre de régler ses comptes avec ces hommes, ceux qui l’ont abandonnée après le coma de son mari, son père brutal, plus attentionné pour ces « cailles de combat » que pour ses filles, qui l’a vendue pour une dette de jeux. Et ce mari, héros de guerre absent pendant les combats, tout juste plus présent quand il rentre à la maison. A ce mari, elle dira tout, ses lourds secrets les plus cachés et les vérités les plus crues. Atiq Rahimi donne ici un roman intense, au parti pris formel fort, tout le roman est décrit depuis la seule pièce où repose le corps de l’homme. Un parti pris réussi.


« Quelque part en Afghanistan ou ailleurs ….

« Quelque part en Afghanistan ou ailleurs …. », cette imprécision géographique, jointe à une imprécision chronologique et à l’absence d’informations sur l’identité de la femme et du mari confère au roman un intérêt qui dépasse celui de la simple histoire d’une famille . Ce huis clos dans un lieu coupé de la vie extérieure qui ne se manifeste que par des bruits ou  par des images perçues selon un angle très restreint, condense l’attention sur la condition de la femme dans tout pays musulman intégriste où elle est réduite à ruser ou mentir,  à n’ être que mère reproductrice ou repos du guerrier, et sur la difficulté d’entretenir avec l’homme des rapports libres et francs.
A la lenteur du temps qui s’écoule marquée par la narration au présent , les psalmodies, le goutte à goutte et le parcours de l’ombre et du soleil , s’oppose la violence  de certaines  scènes  où la confidence  devient  aveu, le chuchotement  cri et  la douceur  violence , où la femme se croit démone, possédée par le mal . Une œuvre marquante dont la puissance vient paradoxalement de son écriture minimaliste. Les phrases dépouillées, sèches et concises résonnent comme en écho dans l’esprit du lecteur  qui est amené alors à ressentir tout le non-dit du récit .
Un ouvrage qui restitue au corps de  la femme toute la place que le vêtement féminin afghan vise à occulter .

Alma

Et maintenant le film, une pure merveille!

Une pure merveille écrite par l'auteur, avec respect, amour et sens de la beauté.

Un plaidoyer sans appel contre l'homme qui ne sait que faire la guerre et pas l'amour.

C'est l'horreur d'une ville au soleil baignée de sang, de bombardements et de guerre. C'est le bruit sec et lourd du tchador que la femme rabat brutalement à la moindre sortie en dehors de sa maison. Une femme vivante comme une bourrasque erre sur les remparts d'une ville de Troie mise à sac par la folie les hommes.
Et pourtant ses pas courent sur la terre brûlante pour chercher du sérum pour soigner le mari. Ils se font d'une légèreté d'ange sur les ornières de la désolation.

Ce sont des militaires universellement assoiffés de vengeance et de cupidité et leurs victimes abandonnées pour l'exemple.

Ce sont ces deux fillettes vêtues de tissus chamarrés, la tête encore nue, pas encore écrasées par la honte de leur condition féminine, qui sautillent autour de leur mère disloquée par la peur et si audacieuse à la fois.

C'est une femme, belle comme un mythe palpable qui se permet de naître par la parole à côté de l'homme, souche muette et roide, sur le visage duquel pas la moindre contraction de sentiment n'est visible. Juste la totale indifférence d'un Dieu absent.

Mais rien ne peut tuer l'instinct de vie de la femme.

C'est une icône faite de corps voluptueux et de mains qui caressent lavent et soignent le pire ennemi.

C'est un symbole de grâce par son regard infini entre ses cils de femme du désert, qui vous prend à la gorge, car vos larmes ne sont pas loin. C'est l'image de la femme éternelle, mère, épouse, et compassion, sous un voile de beauté.

C'est l'un des plus beaux films que l'on puisse imaginer à propos de la Femme. Seul espoir de l'homme après Dieu. Et si ce film, créé par une main masculine exceptionnelle devenait lui aussi pierre de patience magique et faisait éclater par son langage particulier la libération de toutes les femmes du monde? C'est le rêve des rêveurs. Et heureusement qu'ils existent!

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