Viva Nabucco ! « Sur les ruines de Sion, le roi Assyrien ne s’installera pas. Et Baal, dieu mensonger disparaîtra »
Vole ma pensée, sur des ailes dorées;
Va, pose-toi sur les pentes, sur les collines,
Où embaument, tièdes et suaves,
Les douces brises du sol natal !
Salue les rives du Jourdain,
Les tours abattues de Sion ...
Oh ma patrie si belle et perdue !
Ô souvenir si cher et funeste !
PRETENDRE que « Va, pensiero », le chant des esclaves hébreux dans Nabucco, a catapulté Giuseppe Verdi vers les sommets de la renommée universelle est loin d’être exagéré. Il reste l'un des plus grands moments de l'opéra, et les Chœurs d'Opéra de Liège sous la direction de Pierre Iodice ont exécuté ce moment tant attendu de façon remarquable le soir de la première. Le public en était tout chaviré. Un chant qui commence à l'unisson, devient un bouleversant gonflement nostalgique, pour s'amplifier à pleine voix et mourir dans des soupirs d’espérance. Le temps de méditer sur tout ce qui nous enchaîne ou pourrait nous asservir. La mise en scène de Stefano Mazzonis Di Palafera de Nabucco est d’une simplicité confondante pour un opéra de cette envergure! La plèbe des Babyloniens et des Hébreux, dont se détachent les personnages bibliques, se meut dans de lentes mobilités menaçantes et font penser aux arrière-plans de grands tableaux du 17 siècle.
LE DECOR lui-même est un chef-d'œuvre d’abstraction moderne, avec ce rideau d’étoiles de David censé véhiculer la Jérusalem antique - avant, pendant et après sa destruction. Au deuxième acte, la maquette aérienne couleur lapis lazzuli des jardins suspendus de Babylone faits d’escaliers, de colonnades et balcons est un travail d’artiste. La texture est une dentelle d’octogones imbriqués qui symbolisent les palais splendides de la cité et le regard des femmes à travers les moucharabiehs. Au troisième acte, les pieds des esclaves fouleront les flots du Jourdain, lieu de baptême et de rédemption en live. L’eau lumineuse qui coule depuis l’arrière-plan fait d’un rideau de joncs dorés par le soleil levant, a noyé la splendeur envolée des palais babyloniens. Des décors d’une simplicité parfaite soulignés par de savants jeux de lumière plongent le spectateur dans une rêverie intemporelle.
LA DISTRIBUTION est bien sûr éblouissante, à la mesure de l’oeuvre avec en tête, Leo Nucci dans le rôle-titre. Le chanteur vibre d’une puissance prophétique sous ses 74 printemps. Il fait une entrée remarquée sur un fabuleux cheval de bois dont le pelage arbore des couleurs de fleurs rien moins que Chagalliennes, assorties au bleu munificent des palais. Il commettra l’irréparable péché d’orgueil qui le foudroie : « Moi qui suis Dieu, adorez-moi ! » Il deviendra dément, mais il se repentira avec ferveur et regagnera la grâce divine. Une fresque épique à lui seul. Son Dio di Giuda! arrache des clameurs à la salle!
LA SOPRANO argentine Virginia Tola en tant que Abigaille, campe du haut du majestueux cheval psychédélique, la violence, la soif de pouvoir qui s’est emparée d’elle et la destruction. Elle joue du dynamisme vocal et théâtral. Sa voix est l’instrument achevé de tout pouvoir insatiable : brillante et tranchante. Mais elle est aussi capable de lamentations en présence de l’homme qu’elle désire. Elle criera « Mort aux Hébreux ! Rends-moi cette couronne ! Plutôt mourir ! » Sa superbe s’achève après s’être discrètement empoisonnée. Un très émouvant sursaut d’humilité et de dignité survient, elle implore, vaincue, le pardon du Tout Puissant, trempant la main dans le fleuve Jourdain.
L’EXQUISE Nahama Goldman, pour la première fois sur la scène de l’Opéra Royal de Wallonieincarne la douce Fenena, l’otage assyrienne du grand-prêtre. Elle apparaît comme la noble fleur des chants justes, souples et tristes alors qu’à tout instant, vivant symbole d’empathie ou de compassion, elle voit sur elle le glaive de la mort. A côté d’elle, Giulio Pelligra brille d’une belle puissance et intensité dans le rôle d’Ismaele.
ORLIN ANASTASSOV, superbe basse lyrique dans le rôle du grand prêtre juif Zaccaria, est une révélation. Un très magistral Vieni, o Levita! ... Il santo Codice reca! rallie l’adhésion de la salle entière après sa belle introduction aux violoncelles que l’on aurait cru plus profonde. La sagesse, l’humilité et le courage qu’il insuffle de sa voix puissante et magnifiquement posée, ont de quoi ébranler. La voix appelle à une alliance éternelle avec le Tout Puissant, loin des fausses idoles renversées.
Mais bien sûr, il n’y a pas que la qualité des chanteurs ou des 40 choristes dirigés par Pierre Iodice, il y a aussi la tenue de l’orchestre par Paolo Arrivabeni qui savoure la partition avec nuances, finesse et énergie, loin de tout fracas prétentieux.
NOTES:
DIRECTION MUSICALE : Paolo Arrivabeni MISE EN SCÈNE : Stefano Mazzonis di Pralafera CHEF DES CHŒURS : Pierre Iodice ARTISTES : Leo Nucci, Ionut Pascu, Virginia Tola, Tatiana Melnychenko, Orlin Anastassov, Enrico Iori, Giulio Pelligra, Cristian Mogosan, Na’ama Goldman, Roger Joakim, Anne Renouprez, Papuna Tchuradze
9 DATES : Du mardi, 18/10/2016 au samedi, 29/10/2016
(Saison 2016-2017) : | Opéra Royal de Wallonie
Le lien http://fr.allreadable.com/cb36EP9 vous permet de retrouver le texte du livret en français