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insolite (2)

administrateur théâtres

Quand les attentats de Bruxelles vous  ont fait perdre les pédales, ou le clavier…

On était sur le point d’écrire, quand soudain l’innommable se produisait aussi à Bruxelles, tuant en chacun de nous le sentiment de paix et de sécurité, dérangeant le berceau où éclosent les plus belles fleurs des Arts et des Lettres, toute musique tue, assourdie par les déflagrations barbares. Tant de respirations humaines disparues ou de familles blessées à jamais!  Vivons-nous désormais à contre-sens ? Le monde, le grand William l’avait bien dit, est un théâtre !

Nous  en avons mis du temps pour renouer avec le sens ! On a fait retraite dans un petit village de Savoie, question de s’éloigner de la folie humaine, s’approcher des nuages, se bercer du ciel des sommets. En phase avec la nature, se remettre au retour dans  un attelage d’une semaine aux travaux de la terre, dans un jardin défiguré par l’hiver. Loin des nouvelles du monde, dans les replis de la germination, dans le secret de l’humus prolifique.  Il a fallu ce contact intime avec la nature, travailler sans gants bien sûr,  pour que culture revienne, et que l’écriture renaisse. Et puis on s’est souvenu de ce petit bijou donné quelques jours avant le drame,  avec tant de générosité dans ce café-théâtre bruxellois, pourtant mythique, où nous n’avions jamais mis les pieds. Et le clavier s’est remis en route, même si l’âme est toujours cabossée, pour accompagner les artistes dans leur voyage.   

Tout commence par l’amitié avec l’un des deux comédiens, Marc De Roy. Il nous invite à déguster  quelques  textes exquis, servis sur canapés et chaises de bistrot,  interprétés avec brio avec son comparse non moins exquis : ValéryBenji lali, dans un petit lieu chargé d’histoire, La Soupape.  Ils vont mettre en scène  un choix de textes de Jean-Michel Ribès à l’humour corrosif, aux doubles sens pernicieux, sous des dehors bon enfant. Il est auteur et metteur en scène d’une vingtaine de pièces, dont Les Fraises musclées (1970), Tout contre un petit bois (1976, Prix des « U » et « Prix Plaisir du théâtre »), Théâtre sans animaux (2001, Molières de la meilleure pièce comique et du meilleur auteur) et Musée Haut, Musée Bas (2004, sept nominations aux Molières,  et Molière de la révélation théâtrale pour Micha Lescot). Pascale van der Zypen est à la mise en scène de ce théâtre de l’insolite.  

 Les saynettes mi-figue, mi-raisin, partent de situations courantes gonflées par l’absurde, irriguées par le non-dit, musclées par l’énergie théâtrale des comédiens. L’inventivité poétique des deux compères les fera adroitement éclater comme bulles de savon, les unes après les autres. Ils vont tirer sur tous les dysfonctionnements du monde et feront mouche. Il n’y a qu’à se d’ailleurs baisser pour ramasser tout ce qui est bancal, source de chagrin et de désillusion!

  Le « Je voudrais changer de rôle » au théâtre se retrouve bien sûr dans un bureau de change. Ce n’est qu’un exemple, tout est à l’avenant, un peu à la manière de Raymond Devos.  Il est mort le théâtre? Question on ne peut plus absurde, car les poètes des planches sont bien vivants et le texte se gorge de dérision. Les allusions cachées les références parodiques se succèdent dans un rythme de kaléïdoscope. L’observation de la gent humaine se précise, coups de griffes et coups de plumes se succèdent, Et vlan pour les frères ennemis, les présidents de la république, les parcours de musées, la pesanteur de l’attraction universelle, les peurs paniques que l’on voudrait mettre au frigo, la violence de l’instinct de survie, le sursaut de bonheur…  Ils sont les pionniers de la liberté,  Le pied de la lettre fait des pieds et des mains pour s’affranchir de l’aliénation, et volent les goélands!

  Les costumes s’endossent, s’enfilent et s’abandonnent  dans une incessante  recréation. Guitare et voix jouent les profondeurs de Serge Reggiani, Il n’est vraiment pas mort, ce théâtre tant il surprend! Et pourtant l’espace de jeu est exigu, mais la salle pleine à craquer est subjuguée par cet univers du non-sens, de l’espièglerie, et la cocasserie des situations. Bravissimo plutôt que Bravo, vous apprécierez vous aussi, si comme nous, vous  rêvez de sortir des chemins tout tracés, des ornières profondes, des habitudes de sérieux, du formatage des  conventions. Prendre le large, en prenant la tangente dérangeante, et direction « Je voudrais changer le monde! » Mais où est donc le bureau de change? Si vous riez, c’est gagné !   

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Tout sauf autre chose


TOUT SAUF AUTRE CHOSE




A digérer tou’chat,

Les poussins dans la neige

Plus jaunes que les rires et les possible pièges

Embouteillage du monde

Et bouteille à la mer

Millésimes à la ronde

La la la la la l’ère

On aime trop le silence

Et le vent et l’errance

Vivre sa préhistoire, c’est construire demain


Toto dit que les gens n’ont plus de parole

Toto le répète en n’accusant personne

On en convient, on s’en console

Mais on pose des croix dans les colonnes

Un soleil enrhumé est toujours un soleil

La nuit portera toujours ses conseils


C’est tout sauf autre chose

C’est fou, cette overdose

Entre manque et superflu(x)

Déjà eu, encore dû


On a l’âge de ses voies

De ses riens, de son cœur

Et on nage tout coi

Dans la rosée des fleurs

Entre faire et défaire,

On occulte, on éclaire

A digérer tou’chat

Les poussins dans la neige



Fabienne Coppens

Sabam
Mars 1998


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