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classique (213)

administrateur théâtres

Didon et Enée, une production poétique, stupéfiante de grâce et de beauté dont on ressort émerveillés, et si reconnaissants…

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Avant le début de la représentation de Didon et Enée, on écoutera à rideau fermé, la Suite d’Abdelazer or the Moor’s revenge d’Henry Purcell (1695), pièce orchestrale en 9 mouvements, question de se familiariser l'oreille aux instruments anciens et à une musique baroque rarement jouée dans ce temple de l'opéra italien... 

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Didon et Enée

C’est une romance apocalyptique, mais quelle savoureuse féerie baroque! Voici la Méditerranée, la grande bleue de notre tendre enfance, pavée d’enfer et lieu absolu du chaos des destinée! Imaginaire anglais :  les flots  d’azur renferment d’affreuses sorcières ricanantes et des  esprits maléfiques dont le but unique est de répandre le mal.

 Image clé de cette nouvelle production de l’Opéra de Liège, il faut pour le lecteur, se situer face à un rivage désert de mer du sud au crépuscule,  devant des vagues qui déferlent voluptueusement  au balancement  de la musique. Mais en même temps, on se croit plus au nord,  côté Manche,  avec les noirs  Idle Rocks des Cornouailles qui évoquent  la ville de Carthage, ville nouvellement  créée par des réfugiés de Tyr. Comme dans les féeries de Shakespeare, voici un libre cocktail élisabéthain d’époques et de lieux,  fait pour  enchanter l’imaginaire. Le public sera pris d’un bout à l’autre du récit par la virtuosité exceptionnelle de la mise en scène et des chorégraphies qui évoquent le monde sous-marin et ses monstres, les  métaphores du Mal. Les douces ondulations des flots bleus peuvent se transformer en terribles tempêtes, bruitage Purcellien à l’appui ! Cet unique opéra d'Henry Purcell, dont aucune partition originale n’a été conservée, a été composé pour les jeunes filles d’un pensionnat aristocratique,  sur un livret de Nahum Tate, d'après le livre IV de l'Énéide. Il  est fait d’un prologue et de trois actes.

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   D'après l'Enéide de Virgile, la vaillante veuve Elissa originaire de Tyr, qui porte le nom latin de Didon, reine de Carthage,  accueillit Enée  et en tomba amoureuse. Au cours d'une partie de chasse alors qu'un violent orage les a réunis dans une grotte, ils deviennent amants. Mais Virgile veut donner des origines mythiques à Rome et faire du héros troyen et de son fils Ascagne, les fondateurs de  la ville. Virgile  se sert des dieux  pour empêcher l’union  de Didon et Enée. Poussé par ceux-ci, Enée  décide de répondre à son destin et reprendre la mer pour fonder la nouvelle Troie. La magicienne et ses sorcières se réjouissent de la détresse de la reine car pour elles,  seul importe que Didon soit privée de gloire, d’amour et de paix.  Didon ordonne de construire un bûcher afin qu’Enée voie de son navire  qu’elle s’est suicidée.  Elle se poignarde de dépit,  ayant  renvoyé Enée (le bariton Benoit Arnould) alors  que celui-ci était finalement prêt à braver les dieux et à leur désobéir pour elle.   

Recitatif
Thy hand, Belinda, darkness shades me,
On thy bosom let me rest,
More I would, but Death invades me;
Death is now a welcome guest.

Aria
When I am laid, am laid in earth, May my wrongs create
No trouble, no trouble in thy breast ;
Remember me, remember me, but ah! Forget my fate.
Remember me, but ah! Forget my fate.

Roberta Invernizzi joue ici une Didon parfaitement tragique et émouvante. Son lamento final quelle adresse à sa sœur Belinda (Katherine Crompton) est inoubliable pour les yeux, comme pour les oreilles et a contraint le public à un silence absolu tant la conjonction de l’orchestre et des chœurs  semblant rendre les derniers soupirs,  la chorégraphie de  son ensevelissement maritime et le chant de la soliste qui n’en finit pas de mourir d’amour, avaient atteint des sommets de  beauté.

 Dido and Aeneas op het netvlies gebrand en in het oor geknoopt

Ne jouant pas vraiment de rôle actif dans l’histoire mais plutôt un rôle de commentateur comme dans la tragédie grecque, Le Choeur de Chambre de Namur est debout dans la fosse avec l’ensemble orchestral Les Agrémens. Musiciens et choristes sont tous debout pendant la prestation, pour mieux projeter l’énergie musicale de chaque artiste, nous confie, Guy Van Waas le chef d’orchestre, qui de son côté, accomplira un vivant travail de joaillerie dans l’interprétation de ce chef d’œuvre de musique baroque, balançant adroitement entre humour et larmes, et serrant au plus près l’esprit de la musique baroque, y compris dans les postures. Le fait que toute la production de l’Opéra de Liège est en ce moment à Oman avec « Les Pêcheurs de perles », laissait en effet le champ libre pour accueillir pour une fois  un spectacle de musique baroque. Quelle magnifique occasion de pouvoir écouter Guy Van Waas et Les Agrémens jouant sur instruments d’époque : violons I et violons II, altos, violoncelle, viole de gambe et un théorbe. Guy Van Waas, lui-même au clavecin, dirige chœurs et orchestre! On ne peut que saluer leur travail musical exemplaire avec les chœurs de Namur, qui, pendant un long moment semblent s’être carrément dédoublés en deux chœurs distincts, l’un proche et l’autre distant et pourtant les mêmes!

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Très parlante et mystérieuse surtout, cette mise en scène inventive sur fond de Bleu Chagall de Cécile Roussat et Julien Lubek. Elle est à la fois aquatique et aérienne, utilisant des costumes symboliques féeriques comme pour les deux sorcières-ondines Jenny Daviet et Caroline Meng, des antres et des rochers qui rappellent la  caverne de Polyphème, des acrobates musicaux qui flottent en rythme dans les airs, un coquillage alla Botticelli où naît l’amour, des marins qui se transforment en monstres et cette ahurissante sorcière-poulpe (Carlo Allemano), mi-homme mi-femme qu’Homère aurait bien ajoutée dans son Odyssée…!

De peur de casser la bulle réunissant tant d’imaginaires, il y eut, au tomber du rideau, un grand silence avant le tonnerre d’applaudissements et les salves de bravi!

Du mardi, 09/05/2017 au dimanche, 14/05/2017

http://www.operaliege.be/fr/activites/dido-and-aeneas

 crédit photos: © Lorraine Wauters – Opéra Royal de Wallonie

 

 

 

 

 

 

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administrateur théâtres

Hommage à Philippe Herreweghe

 

02.05.2017 — 20:00
La Grande Salle Henry Le Bœuf accueille la célébration
des 70 ans de Philippe Herreweghe,
une toute grande
figure de notre scène musicale belge.
 
Le Collegium Vocale Gent, l’Anvers Symphony Orchestra, Bozar,
deSingel AMUZ et Outhere Musique:
avec qui ce prince de la musique a toujours eu une relation étroite et privilégiée
ont uni leurs  talents pour mettre sur pied ce soir, en son honneur,
un festival d'un soir, plein d’humour et de poésie...

 

 Les artistes :

Christoph Prégardien direction & chant
Collegium Vocale Gent  choeur
Patricia Kopatchinskaja violon
Steven Isserlis  violoncelle
Marie-Elisabeth Hecker  violoncelle
Andreas Brantelid  violoncelle 
Damien Guffroy contrebasse ​
Martin Helmchen piano

Edding Quartet
Christoph Schnackertz 
piano 


Le programme
Bartok (1881-1945) Sonate pour violon seul Sz. 117, BB 124, ∙ extrait (1944)  
Schumann (1810-1856) Fantasiestücke, op. 73 
Ravel (1875-1937) Sonate pour violon et violoncelle, ∙ extrait (1922)
Schubert (1797-1828) Lieder ∙ sur des poèmes de Johann Wolfgang Goethe Schubert Quintette à cordes, en ut majeur, D. 956, ∙ extrait (1828)  
Dvořák (1841-1904) Ze Šumavy, op. 68
Schubert An die Sonne D 439 ∙ sur un poème de Johann Peter Uz (1816)
Mendelssohn-Bartholdy(1809-1847) Psalm 'Warum toben die Heiden' 
Schubert Die Geselligkeit 'Lebenslust'

Ce sont  tous de jeunes instrumentistes, chanteurs et chef d’orchestre  qui  sont là pour  rendre à  Philippe Herreweghe un hommage musical particulièrement  vivant et chaleureux. En effet, la violoniste Patricia Kopatchinskaja et le pianiste Martin Helmchen ont tous deux signé des enregistrements à ses côtés. La jeune violoncelliste au toucher délicat, Marie-Elisabeth Hecker, s’est également illustrée sous sa baguette, de même que le contrebassiste Damien Guffroy, membre de l’Orchestre des Champs Elysées. Steven Isserlis, violoncelliste proche du Gantois, partage avec ce dernier une véritable passion pour Schumann. L’Edding Quartet a enregistré deux albums pour le label Phi ; il se joint à Andreas Brantelid dans le très touchant Quintette de Schubert, pièce maîtresse de ce concert, très émouvante dans ses timbres et ses couleurs. Merveilleuse institution de Herreweghe, le Collegium Vocale Gent est aussi présent et se place pour chanter, en cette occasion si particulière, sous la direction de Christoph Prégardien, avec Christoph Schnackertz au piano  une partition surprise. Il s’agit du  Happy Birthday pour piano, cordes et voix d’Arnold Bretagne (1976) un ensemble humoristique de variations sur le thème bien connu. La salle entière ne se fera pas prier pour participer et ensuite acclamer Philippe Herreweghe qui n’a pas pu résister à sauter sur scène pour remercier l’assemblée, égrenant en quatre langues quelques historiettes savoureuses sur le temps qui passe sans rider l’âme ni le coeur…

 
En 1970 Philippe Herreweghe, encore étudiant, fondait le chœur du Collegium Vocale Gent. Ce fut le début d'un itinéraire fascinant  pour le chef et son ensemble acquérant une renommée mondiale et  exerçaient une  de nouvelles approches par  leurs interprétations de Bach. Herreweghe a fondé ensuite d'autres ensembles, tels que  la Chapelle Royale de Paris (1977) et l'Orchestre des Champs-Élysées (1992). Il est aussi la cheville ouvrière de divers festivals de  musique, comme  celui de Saintes en France et le  Collegium Vocale Crete Senesi en Italie. Depuis 1997, Philippe Herreweghe a joué un rôle actif à  l’Antwerp Symphony Orchestra en tant que chef d'orchestre invité principal. Herreweghe est maintenant considéré comme l'un des plus grands chefs de sa génération. Il a maintes fois été  convié comme Chef d'orchestre invité à l’étranger pour des formations prestigieuses telles que  le Concertgebouw d'Amsterdam, l'Orchestre du Gewandhaus de Leipzig ou même l'Orchestre de chambre Mahler.

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Un très beau livre-programme a été édité à  l’occasion des 70 ans de l’artiste.
Et les fans du compositeur et chef d’orchestre, se hâteront de se procurer le tout nouveau coffret de 5 CD label φ
(PHI) qui revient sur la magnifique carrière du gantois. La compilation de 5 CD est constituée d’extraits des plus
grands compositeurs tels que Lassus, Schein, Bach, Beethoven, Mahler, Dvořak ou Stravinsky. Philippe Herreweghe
y livre ses réflexions musicales et personnelles à travers une série d’entretiens réalisés par Camille De Rijck,
regroupés dans le livre-CD. Une iconographie d’archives à découvrir pour le plaisir des yeux et une biographie
réactualisée. En effet, au fil des ans Philippe Herreweghe a construit une importante discographie de plus de 100
enregistrements commencée en 2010 avec son propre label φ (PHI) pour préserver toute sa liberté artistique
au travers d’un catalogue riche et varié.
 

Cette soirée du 2 mai 2017 à Bozar ouvrait  par la même occasion le festival Bach Heritage, dont le commissaire n’est autre que... Philippe Herreweghe. Des musiciens de talent, parmi lesquels Herbert Schuch et Jean Rondeau, et des ensembles renommés se succèderont pour célébrer le Cantor de Leipzig et son immense contribution à l’histoire de la musique. Magnifique programme en perspective, le dimanche 7 mai à 20h, on retrouvera Philippe Herreweghe en compagnie de l'Orchestre des Champs Elysées retransmis en direct depuis la salle Henry Le Boeuf de Bozar, avec Christine Gyselings  qui commentera ce concert, intitulé "L'art de la fugue".  À l’occasion de ce festival,

                                                            (02 MAI ’17 — 21 MAI ’17)

 BOZAR LITTERATURE a demandé à quelques poètes d'écrire un poème portant sur Bach pour la publication "Thirteen Ways of Looking at J.S. Bach".

 

http://www.bozar.be/fr/activities/108706-bach-heritage-festival

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administrateur théâtres

Au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, grande salle Henry Le Bœuf, une  oeuvre a  publiée par Beethoven seulement deux ans avant sa mort.  Dans un chœur à cœurs fabuleux, l'édifice puissant de la Missa Solemnis opus 123 de Beethoven nous a été présenté dans un exécution sans failles par la Brussels Choral Society (BCS), un ensemble international fondé en 1979, qui compte une centaine de membres représentant plus de 20 nationalités différentes…La paix et la lumière par l'exercice de la Musique. 

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Un festival de sonorités de timbres et de couleurs chaleureuses, des qualités vocales sublimes. A cette occasion, le chœur était élargi par la présence de la Guilford Choral Society. L’Ensemble orchestral de Bruxelles était sous la direction d’Eric Delson, directeur musical de la Brussels Choral Society depuis plus de 25 ans. Il est également actuellement le directeur passionné du Performing Art Department de L’ISB, International School Brussels.

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Les solistes, tous sans faiblesses, donneront une admirable prestation en union parfaite avec le chœur et l’orchestre, chantant avec urgence et conviction une messe porteuse d’espoir, qui incarne le dépassement humain et la soif de liberté. Il s’agit de la Soprano Agnieszka Slawinska, la chaleureuse Mezzo-Soprano Inez Carsauw, le Ténor Markus Brutscher et la Basse-baryton, Norman D. Patzke.

Eric Delson a conféré une magnifique cohérence globale à l’ensemble, évitant tout bombardement musical, mettant en valeur les quatre glorieux solistes, tout de suite en action sur un tapis de murmures respectueux dans le Kyrie, ample et mesuré. Dans le Christe Eleison on reçoit quatre voix passionnées, en croix spectaculaire, soutenue par l’or des cuivres. Le final sera d’une urgence déchirante. Quand les solistes se rassoient, c’est le chœur qui achève les dernières vagues de supplications de l’humanité en détresse.

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Le Gloria sort-il du Livre de l’Apocalypse ? Les partitions semblent prendre feu, le rouge vermillon flamboie dans les voix et sur les tubes de l’orgue. Les solistes font toujours le poids avec un chœur enflammé dans le Qui tollis peccata mundi. L’orchestre ramène le calme. Le Quoniam par le chœur seul est palpitant, la conclusion chorale est vigoureuse.

Il y a beaucoup à admirer dans l'échelle et l'ampleur des idées. Le Credo est envoûtant et presque caressant, les quatre solistes se lèvent sur l’Incarnatus est… Un tracé délicat des bois se tisse autour du quatuor solo, puis de toutes parts résonne le Cruxifixus est, comme la répétition éternelle du drame absolu. Les crescendos et diminuendos sont saisissants pour qu’enfin exulte le Et ascendit porté par les cuivres étincelants. Le Cujus regni non erit finis erre sur des cercles de bonheur. Les voix sont des fusées d’émerveillement qui coupent le souffle de l'assistance. Les notes piquées envahissent les innombrables Amen. Les violons aux archets acérés sont tout aussi haletants jusqu’à ce que, seuls les quatre solistes émergent, tels quatre évangélistes au diapason. Ils incarnent une ascension vers la lumière divine appuyée par la flûte. Les derniers A-men sont de véritables coups de canons mais c’est la voix radieuse d’Agnieszka Slawinska qui semble conclure toute seule.

L'ouverture orchestrale du Sanctus commence avec les textures transparentes et vitreuses des cordes sans vibrato, puis le quatuor solo dessine délicatement l’esprit saint et le choeur attend religieusement. Après l’explosion des trombones, c’est l’explosion des chœurs : des nuées de voix ailées. Elles se posent sur le silence et l’orchestre dispense un velours panoramique sur tapis de cordes plaintives, les affres du doute… Un touchant solo du violon et flûte emmène l’assistance jusqu’aux douceurs du Benedictus. Le Saint-Esprit descendu sur terre? 

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Et en plein cœur de L’Agnus Dei qui débute comme un chant funéraire, il y aura cette blessure immonde et soudaine des résonances de la terreur de la guerre avec trompettes et tambours allegro assai, projecteur sur la misère de notre monde…! Dona nobis pacem ! L’orchestre  insiste pour réverbérer  l'urgence universelle avant le retour dramatique des voix dans un paroxysme de supplications. Pacem x3 x3 x3...  la joie a repris le dessus. Une messe est une oeuvre d'élévation, que les timbales de la guerre se taisent!  Mais le plaidoyer dramatique et plein de colère contre la guerre n'est passé nullement inaperçu et le vœu grandiose de Beethoven est un pacte avec la liberté.

...Nous aurons ces grands États-Unis d’Europe, qui couronneront le vieux monde comme les États-Unis d’Amérique couronnent le nouveau. Nous aurons l’esprit de conquête transfiguré en esprit de découverte ; nous aurons la généreuse fraternité des nations au lieu de la fraternité féroce des empereurs ; nous aurons la patrie sans la frontière, le budget sans le parasitisme, le commerce sans la douane, la circulation sans la barrière, l’éducation sans l’abrutissement, la jeunesse sans la caserne, le courage sans le combat, la justice sans l’échafaud, la vie sans le meurtre, la forêt sans le tigre, la charrue sans le glaive, la parole sans le bâillon, la conscience sans le joug, la vérité sans le dogme, Dieu sans le prêtre, le ciel sans l’enfer, l’amour sans la haine. L’effroyable ligature de la civilisation sera défaite ; l’isthme affreux qui sépare ces deux mers, Humanité et Félicité, sera coupé. Il y aura sur le monde un flot de lumière. Et qu’est-ce que c’est que toute cette lumière ? C’est la liberté. Et qu’est-ce que c’est que toute cette liberté ? C’est la paix.

Victor Hugo,20 septembre 1872

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http://www.brusselschoralsociety.com/

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Jérusalem, fresque épique qui retrace les chemins de l’amour sur fond de première croisade, est une refonte en français  par Verdi en 1847 d'I Lombardi alla prima crocciata, pour l’Opéra Français : musique de circonstance,  grandes scènes dramatiques, incontournable ballet réclamés par le genre, et de nombreux airs à cabalette… Durée 3heures 30! Mais pas une seconde d’ennui dans la  rare et magistrale exécution entendue à l'Opéra Royal de Wallonie.

 

 La mise en scène de Stefano Mazzonis Di Pralafera, les décors à la fois sobres et  captivants de Jean-Guy Lecat, les costumes tantôt rutilants, tantôt manteaux de déserts de Fernand Ruiz et les  éclairages recherchés de Franco Marri auront tout  fait  pour séduire l’imaginaire dans cette fresque guerrière qui sert de toile de fond à l’amour face au destin, à la  vengeance des clans, à la guerre des religions, à la justice et à la réconciliation. C’est grandiose et dépouillé à la fois. Pour exemple: cette réponse  muette du ciel à la prière de l’héroïne, magnifique morceau d’interprétation orchestrale sous la baguette de la fougueuse Speranza Scappucci, semble parvenir d’une immense flaque  de ciel bleu au centre des palais lombards vide de toute âme… Le contraste entre les foules et la solitude des personnages est admirablement rendu, que l’on soit en Lombardie, dans le désert ou dans la ville sainte où Godefroid de Bouillon reconquiert le Saint-Sepulcre.  La direction musicale de Speranza Scappucci  serre la partition au plus près  et conduit l'orchestre dans des accents prémonitoires, des envolées tragiques, des sonorités raffinées et de puissants effets symboliques aux larges phrasés, très inspirés. Les  nombreuses interventions des choeurs dirigés par Pierre Iodice ne sont pas sans rappeler les choeurs de Nabucco et la scansion du texte français particulièrement harmonieux est  chaque fois un  réel plaisir  pour l’oreille. Ajoutons à cela des solistes de tout premier rang : Eliane Alvarez,  Natacha Kowalski, Isaure,  la gracieuse confidente d'Hélène,  Marc Laho, Roberto Scandiuzzi et Ivan Thirion flanqué de son fidèle écuyer (le charmant ténor Pietro Picone) qui font de cette œuvre une complète réussite !

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Solaire dans les aigus acrobatiques, la prononciation  de la diva dans le rôle d’Hélène est parfois déconcertante. La puissance d’Eliane Alvarez, donne parfois l’impression d’une certaine lourdeur, surtout dans ses chagrins, où elle fait un usage intensif de sombres vibratos particulièrement dans les solos. En revanche,  les mouvements d’ensemble où elle règne en maître  sont absolument majestueux et on finit  même par aimer Roger (Roberto SCANDIUZZI ), cet oncle maléfique et incestueux, tant sa voix est belle, sculptée, épanouie et profonde. Marc LAHO, très lyrique  dans le rôle de  Gaston, Vicomte de Béarn, séduit par la largeur de sa voix,  sa noblesse, la hauteur de ses sentiments, aussi bien dans l’amour qu’il éprouve pour Hélène que  dans sa ferme volonté de réconciliation des deux familles ennemies et sa soif désespérée de justice. Il est un vibrant appel à la compassion car il est le jouet de l’injustice, accusé à tort de meurtre parricide. Il est victime de cet oncle  coupable, qui s’est lui-même exilé vers la ville sainte, dans l’espoir de faire pénitence et  d’obtenir sa rédemption pour un crime fratricide qu’il pense avoir commis.

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Le comte de Toulouse, le père d’Hélène, qui n’est -contre toute attente- finalement pas mort, est  interprété par  le vibrant baryton Ivan THIRION.  Sa  très belle stature de  redoutable pater omnipotens est fort intéressante, partagé entre l’amour pour sa fille et  l’idée qu’il  se fait  de la justice : celle de venger par le sang la tentative de meurtre.   La scène de la désacralisation des armes du chevalier et de sa terrible dégradation lors le jugement inique, est, pour le noble chevalier Gaston, pire supplice que l’imminence de sa mise à mort physique. « Barons et chevaliers, je proteste… » ll y a aussi cette  poignante marche funèbre…  Patrick DELCOUR interprète le  légat du pape Urbain VII, Adhémar de Monteil. Il est brillant  et net comme un joyau, mélange de rubis  dans un ciboire précieux. On frissonne avec le souvenir des larmes du Christ dans le jardin des oliviers chanté par les chœurs. L'émir de Ramla (Alexei GORBATCHEV) est captivant par  son étrange sagesse, sa grandeur et sa sérénité. C’est lui qui fait appel à l’ermite pour absoudre le « coupable »… « Pour te bénir, je suis hélas trop coupable ! »  se lamente Roger devant l’ironie du destin! Personne que lui, ne sait mieux l’innocence du valeureux Gaston!   

Une belle surprise attend le spectateur à la fin de l’opéra, où l’œuvre de rédemption et de pardon prend toutes sa signification grâce à un  subtil et fabuleux  jeu d’écharpes, tandis que s’élève le chant des pèlerins à la gloire de Dieu…

Et on ne se lasse pas des  innombrables retours sur scène de cette très glorieuse distribution qui irradie la joie et la victoire. On ne se lasse pas d’apprécier en pleine lumière les somptueux costumes de la foule de figurants et des solistes.

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Gaston: Marc LAHO
Hélène: Elaine ALVAREZ
Roger: Roberto SCANDIUZZI *
Comte de Toulouse: Ivan THIRION
Raymond, l’écuyer de Gaston: Pietro PICONE
Isaure: Natacha KOWALSKI
Adémar de Montheil, légat papal: Patrick DELCOUR
Un Soldat: Victor COUSU
Un Héraut: Benoît DELVAUX
Émir de Ramla: Alexei GORBATCHEV
Un officier: Xavier PETITHAN

Nouvelle coproduction : Opéra Royal de Wallonie / Fondazione Teatro Regio de Turin
Avec la collaboration de l’Institut Supérieur de Musique et de Pédagogie de Namur (IMEP)

Dates: 

Du vendredi, 17/03/2017 au samedi, 25/03/2017

http://www.operaliege.be/fr/activites/jerusalem

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12273213069?profile=originalDans la course au bonheur, Silvia, la fille d’un gentilhomme et Dorante, de même naissance, seront-ils finalement faits l’un pour l’autre en ce qui concerne la qualité de leurs sentiments ? C’est la seule chose dont veut s’assurer la belle Sylvia : que de nobles sentiments mutuels soient équitablement partagés. Angoisse qui ne cesse, à vrai dire de traverser les siècles, jusqu’à nos jours, dans une habile mise en scène de Stéphanie Moriau, fine organisatrice du carnaval des sentiments.

Double observation. Afin d’étudier le prétendant à loisirs, la jeune fille a décidé de prendre la place de Lisette, sa servante, et celle-ci, ravie de la récréation, jouera le rôle de la maîtresse. Mais, Dorante a eu la même idée : il s’est travesti en Bourguignon tandis que son valet, Arlequin, ravi lui aussi d’avoir l’occasion de malmener son maître, jouera sublimement au « Monsieur ». Le choix de Julien Besure ne pouvait pas faire mieux dans ce rôle de bouffon vaniteux, parfait malotru, sot et trivial, dont le jeu de jambes et de postures est éblouissant. Les habits et les manières, certes, peuvent contrefaire, mais la langue ne peut trahir. Du côté des nantis, c’est la qualité de la langue courtoise, vive et raffinée, qui révèle malgré les déguisements, la délicatesse et la sincérité des sentiments. Marivaux, l’esthète ! Serge Daems à la machine à coudre de costumes de rêve ! Et un rêve d’interprétation, tant pour la qualité de la diction que pour la qualité des intonations et la vérité de jeu, incarné par Caroline Lambert. On se souvient avec ravissement de l’espiègle servante espagnole de « Comme s’il en pleuvait », joué dans le même théâtre par la même exquise comédienne, qui a fait le cours Florent et ne déparerait pas à La Comédie Française ! Lumières et régie : l’impeccable Sébastien Couchard.

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Mais, si le délicieux Dorante (Jules Churin, qui lui résisterait ?) a eu le coup de foudre et meurt d’amour pour une prétendue femme de chambre nommée « Lisette », la joueuse et vindicative Silvia ne laissera tomber son masque de domestique que lorsque Dorante, ayant eu l’imprudence (?) et la franchise de lui avouer son identité, ira jusqu’à la demander en mariage malgré son statut de domestique et après avoir même dû essuyer …les affres de la jalousie ! C’est ici, que Marivaux pousse à l’extrême le marivaudage, c’est-à-dire, non vraiment ce que l’on entend par badinerie, mais le plaider le faux pour savoir le vrai ! Car voici que Mario, le frère de Sylvia, lui aussi pousse le jeu en déclarant tout à coup qu’il est amoureux de « Lisette » et prétend être son amant ! Un Abel Tesh de haut vol et de haute stature ! Quelles tempêtes sentimentales, quels quiproquos, quelles manipulations… c’est la société entière qui est dépecée sous le scalpel de Marivaux, l’anatomiste !

 

Ce qui apparaît sous les traits débonnaires et rieurs de Michel de Warzée, c’est une nouvelle sorte de père qui met le bonheur de sa fille au-dessus des conventions sociales et de l’appât de gains matériels. Mais ce père garde toutes les commandes car lui et son fils sont les seuls à connaître les dessous des déguisements croisés, et à jouir de la comédie dont ils sont les maîtres. Voilà Sylvia, qui pensait être passée maître à bord, en proie à un jeu qu’elle ne dirige plus, pas plus qu’elle ne semble capable de contrôler la nature de ses sentiments. Elle enrage lucidement de se savoir aux mains d’un destin qu’elle ne contrôle plus… Sort fatidique et éternel des femmes, en général ? Marivaux, féministe ?

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Du côté des serviteurs qui jouent aux maîtres, l’imposture est de taille et très douloureuse. Comment ? Se laisser aimer d’un seigneur ? Est-ce pensable ? Lisette, dite « Sylvia » ne répond bientôt plus de rien, car elle fait confiance à son trouble et ses émotions ! Elle supplie Orgon d’arrêter le « jeu ». Elle n’en peut plus ! Dans ce rôle qui lui va comme un gant, Stéphanie Moriau est palpitante d’émotion et de satire. Accepter les avances d’une Dame ? Impensable pour le très leste Arlequin, dit « Dorante » ! Shocking ! Dans son jeu de salon aux allures de carnaval, Marivaux se gausse ouvertement des barrières sociales ! Ah, le visionnaire ! 

 

"Le Jeu de l'Amour et du Hasard"

22-26 Février et 7 au 26 Mars 2017

Comédie ClaudeVolter - Bruxelles

avenue des Frères Legrain, 98

1150 Woluwe-Saint-Pierre

http://www.comedievolter.be 


secretariat@comedievolter.be 


02-762.09.63

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« Chacun s’attend à une fête. Assis dans la salle, les sourcils dressés, le spectateur veut qu’on l’étonne. Mais comment faire pour que tout soit fraîcheur et nouveauté et plaisir aussi, tout en ayant du sens ? »  Le Méphisto de Thierry Debroux explore le Faust de Goethe tout en mettant en scène  l’humanité courageuse  d’un metteur en scène passionné, mais douché par le peu d’appétence que rencontre désormais son art.

Nous sommes dans les coulisses, sous les cintres regorgeant de costumes. A droite, il y a une maquette du théâtre Parc. Vide ! Adroitement,  le chef des lieux s’adresse au régisseur nommé Wagner, qui fait naître au fur et à mesure des esquisses de décors de la future pièce.   Avec la complicité de sa fidèle assistante Cornélia,  le  seigneur du plateau va faire passer des auditions pour mettre en scène le géant de la littérature  allemande.

Et on entre de plein pied dans le merveilleux savoir-faire de la mise en scène, scénographie et costumes  signés  Maggy Jacot et Axel De Booseré, passés maîtres es merveilleux.  C’est pire que du Lewis Carroll.  Le texte de Thierry Debroux  jongle  tellement avec les réalités qu’il arrive un moment où on ne peut que …lâcher prise et se laisser porter par la multiplicité de points de vue du créateur. On est prisonnier du sortilège théâtral.

Derrière les facéties du mythe apparaît en majuscules  le génie du Mal, omniprésent et vu sous toutes ses facettes. Le voilà, terriblement ensorceleur et manipulateur, comme ce Méphisto enchanteur, joué avec séduction par le fascinant Fabian Finkels dont les performances scéniques et la voix, et les inflexions  sont franchement irrésistibles.  Voici le  Mal terrifiant,  la « yucky thing under my bed » des enfants,  avec cet hydre bleu nuit mélange d’orgueil de jalousie et de puissance macabre, qui rampe pour dévorer le cerveau du metteur en scène…  Et cet autre monstre informe de la nuit: une entité mouvante sertie de deux yeux en escarboucles.   Ou encore,  le Mal ricané par cet amas de sorcières exorbitées et arachnéennes, cousines de celles de Macbeth,   et le Mal susurré  satanique des jolies dames aux gants blancs ( telles les créatures imaginées par Roald Dahl? ). On est au cœur du fantastique.  Il y a tant de références artistiques dans ce spectacle, qu'il est difficile de s’en remettre !

Thierry Debroux a façonné un véritable vitrail du Mal, miroitant de maléfices, de tentations  et  de desseins  infernaux. Ajoutons à cela, qu’entre le vieux  Faust et le jeune et troublant Méphisto, il y a des changements de peaux inénarrables. Le duo  magistral de Guy Pion et de Fabian Finkels porte le souffre et le sublime, la sagesse et l’orgueil démesuré. On applaudit à tout rompre.

    

Mais surtout, tout au cours du spectacle on peut s’interroger sur la progression du Mal dans notre monde troublé. Ici le diable s’adresse directement à Dieu: « Vraiment j’ai longtemps cherché ce qu’il y avait de bon sur terre mais je dois te dire, Seigneur, que tout y va parfaitement mal comme toujours. Les hommes me font pitié avec leurs vies lamentables. Au point que je n’ai même plus envie de tourmenter ces pauvres gens. »  Satan a d’ailleurs abandonné ses attributs moyenâgeux pour paraître moins effrayant! Le Mal est suffisamment enraciné dans l’homme! Mais la recherche de Thierry Debroux n’a pas de limites : nous voici tout d’un coup, au pied de « l’arbre de Goethe » dont on vous taira bien sûr l’histoire et,  quel coup de maître, serait-on là soudain, au  pied de « l’arbre de Vie » ?  Quelle revanche sur le Mal absolu!  On jubile.

Entre temps, le  pauvre metteur en scène, perdu entre ses rêves infernaux et la réalité résiste  bien vaillamment contre toutes les attaques… Qui êtes-vous à la fin? se rebelle-t-il !  Réponse sibylline et poétique « Une partie de la partie qui au commencement était le tout… Une partie des ténèbres qui donnèrent naissance à la lumière. » On se délecte! La perte de la Lumière n’est-elle pas la pire des choses ?

Mais, comment choisir parmi toutes les candidates aux auditions, celle  – car il veut une femme – qui jouera Méphisto dans  son  Faust de Goethe? D’audition  en audition,  on pénètre dans des extraits de scènes de l’œuvre,  avec, à l’envers du décor,  les angoisses profondes, les culpabilités  secrètes, l'amour bafoué,  et  le désir de gloire  qui  tenaille l’homme. Il est lucide et sait qu’à la fin, la chute est indiscutable.  Quand le Diable lui a serré la main d’une poigne fulgurante, il est  néanmoins capable de prendre ses distances et arrive à le chasser à plusieurs reprises et, in fine, qui sait, totalement.  En faisant appel à sa rationalité! On admire!

 Un tissu de routes possibles se présente : poésie, lyrisme, tragédie, bouffonnerie, comédie musicale... Les changements de registre font rire et démontrent les tâtonnements dans lequel l’homme est pris, au cours de sa recherche du sens de la vie. L'accompagnement musical et sonore de Pascal Charpentier est étourdissant. Les changements de décors, d'une fluidité soufflante,  sont dans le droit fil des autres féeries théâtrales imaginées depuis quelques années par le maître d’œuvre, Thierry Debroux qui chaque fois, ne manque pas de prendre le spectateur complètement au dépourvu. Cette fresque théâtrale dépoussiérée est donc d’une remarquable modernité.

Les comédiennes brûlent littéralement les planches  comme de véritables sorcières : Béatrice Frauge (Cornelia) et Anouchka Vingtier (Bianka)  en tête de trio avec  Mireille Bailly (Laure)  et  Birsen Gülsu (Thea) ; Chloé Winkel (Juliette), Colline Libon(Charlotte) et Elisabeth Karlik (Hélène) dans un  bal sans cesse renouvelé d’ivresse sabbatique, d'inventivité démoniaque et de voluptueuses tentations.

 

THEATRE ROYAL DU PARC

Rue de la Loi 3 – 1000 Bruxelles

Infos Réservations : 02 / 505 30 340

 

Crédit photos Zvonock

www.theatreduparc.be

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FÉV 8 20:00  RÉCITAL  de STÉPHANE DEGOUT
CHANSONS MADECASSES
Mélodies de Francis Poulenc & Maurice Ravel CONSERVATOIRE ROYAL DE BRUXELLES
“Degout, a wonderfully patrician singer with a handsome, ringing tone, has an innate charm that can turn to menace in a flash: it’s a superbly accomplished characterisation.”
(
The Guardian)
 
Avec les Chansons madécasses de Maurice Ravel (1875-1937), écrites entre 1925 et 1926, Stéphane Degout nous fait entrer dans le monde exotique des îles de l’Océan indien du XVIIIe siècle, revu par un compositeur français du XIXe.
Le poète et voyageur Évariste de Parny avait publié en 1787 un recueil de textes en prose tirés de chansons malgaches. Bien qu’il ne connût pas l’île de Madagascar, il en donna une vision simple et aimable, dénonçant sévèrement les méfaits de la colonisation. Maurice Ravel en sélectionna trois sur lesquels il composa une musique extrêmement dépouillée pour baryton, flûte, violoncelle et piano. « C’est une sorte de quatuor où la voix joue le rôle d’instrument principal. La simplicité y domine. » écrivit-il dans son Esquisse biographique.
Nahandove et Il est doux sont des mélodies délicates, sensuelles et érotiques, Aoua une vigoureuse dénonciation de l’exploitation et de l’esclavage. Il affirma dans une interview tardive que ces trois chansons étaient parmi ses favorites.
Sur le même principe, Ravel mit en musique les petites Histoires Naturelles de Jules Renard en 1906. Ces scénettes à l’humour quelque peu étrange et à la prosodie volontairement simpliste avaient provoqué une certaine désapprobation le jour de leur création. Pourtant, cette faune si familière – Le Paon, Le Grillon, Le Cygne, Le Martin-pêcheur, La Pintade – prend des allures de fantastique basse-cour émouvante et fragile que la musique sait merveilleusement poétiser. « Mon dessein n'était pas d'y ajouter, mais d'interpréter » aurait dit le compositeur.
Des propos que l’on peut prêter tout aussi bien à Francis Poulenc (1899-1963) lorsqu’il entreprend en 1919 de composer son propre Bestiaire sur des poèmes de Guillaume Apollinaire. Là encore, il s’agit d’animaux – Le Dromadaire, La Chèvre du Thibet, La Sauterelle, Le Dauphin, L’Écrevisse, La Carpe – dont la banalité est transfigurée par la poésie des mots et des notes. Ces petits textes charmants et ironiques offrent à Poulenc l’occasion d’un exercice musical où s’exprime sa profonde tendresse pour la vie et ses aléas. L’accompagnement originellement prévu se composait d’une flûte, d’une clarinette, d’un basson et d’un quatuor à cordes.
Apollinaire fut une source d’inspiration inépuisable pour Poulenc qui mit en musique nombre de ses poèmes. Le poète français reste le fil rouge des mélodies qui composent la suite du programme avec Calligrammes (L’Espionne ; Mutation ; Vers le Sud ; Il pleut ; La Grâce exilée ; Aussi bien que les cigales ; Voyage) daté de 1948, les Quatre poèmes (L’Anguille ; Carte-Postale ; Avant le Cinéma ; 1904) datés de 1931, Banalités (Chanson d’Orkenise ; Hôtel ; Fagnes de Wallonie ; Voyage à Paris ; Sanglots) daté de 1940, ainsi que Montparnasse et Hyde Park composés en 1945.La langue d'Appolinaire trouve avec Poulenc un interprète en parfaite synergie avec cette ironie aux accents faussement naïfs et voilée de nostalgie caractéristique du poète. Des mélodies qui, pour Poulenc, devaient parler pour elles-mêmes et être chantées sans emphase.
Viendra s’adjoindre à ce programme le trio de Kaija SaariahoCendres, pour flûte, violoncelle et piano, qui lui fut inspiré par son double concerto …à la fumée et qui vient apporter une note plus grave à ce joli moment de plaisir fantasque.

 

S’il est un artiste dont le parcours révèle toute l’exigence de qualité, c’est bien Stéphane Degout qui était récemment l'invité de La Monnaie à Flagey pour un splendide récital* et une remarquable interprétation du Poème de l’amour et de la mer de Chausson. Ce chanteur et acteur d’exception, qui n’est jamais si à l’aise que sur une scène, a déjà treize rôles à son actif à la Monnaie où son talent dramatique et l’opulence de son timbre lui ont permis toutes les audaces.
Cela n’exclut pas pour autant le plaisir du récital chez ce grand mélodiste, qui, confronté à l’intimité du genre, sait parfaitement se mettre au service de la musique et de l’expression des sentiments, et transmettre avec une finesse remarquable la poésie de la langue et son alliance parfaite avec la mélodie. Des qualités qui devraient faire des étincelles dans ce nouveau récital dédié aux mélodies de Maurice Ravel et Francis Poulenc, que le baryton français présentera le 8 février au Conservatoire Royal de Bruxelles.

Avec la complicité de trois musiciens de grand talent, le pianiste Cédric Tiberghien, le violoncelliste Alexis Descharmes et le flûtiste Matteo Cesari, il a composé un ensemble très significatif de ces deux compositeurs qui se défiaient de tout romantisme et se dissimulaient souvent derrière l’humour et la légèreté.  

Cédric Tiberghien se produira également à Flagey dans le cadre du Flagey Piano Days du 9 au 12 février 2017

 


*Alain Altinoglu Requiem & Poèmes: Debussy, Chausson, Fauré Nov 26th 2016 Concert La Monnaie De Munt

 

Baritono - STÉPHANE DEGOUT
Piano - CÉDRIC TIBERGHIEN
Violoncelle - ALEXIS DESCHARMES
Flûte - MATTEO CESARI
 

 PROGRAMME
 
Francis Poulenc (poèmes de Guillaume Apollinaire)
Le Bestiaire
(Le Dromadaire ; La Chèvre du Thibet ; La Sauterelle ; Le Dauphin ; L’Ecrevisse ; La Carpe)(1948)
Montparnasse (1945)
Hyde Park (1945)
Calligrammes (L’Espionne ; Mutation ; Vers le Sud ; Il pleut ; La Grâce exilée ; Aussi bien que les cigales ; Voyage) (1948)
Quatre poèmes (L’Anguille ; Carte-Postale ; Avant le Cinéma ; 1904) (1931)
Banalités (Chanson d’Orkenise ; Hôtel ; Fagnes de Wallonie ; Voyage à Paris ; Sanglots) (1940)

Kaija Saariaho
Cendres (Trio pour flûte, violoncelle et piano) (1998)

Maurice Ravel
Chansons Madécasses (poèmes d’Évariste Parny) (1925-26)
 ( « Nahandove, ô belle Nahandove » ,« Il est doux de se coucher »
 ; Aoua )
Histoires Naturelles (textes de Jules Renard)
 (Le Paon ; Le Grillon ; Le Cygne : Le Martin-pêcheur ; La Pintade) (1906)
INFORMATION GENERALE
REPRÉSENTATION 
8 février 2017 - 20:00
 
CONSERVATOIRE ROYAL DE BRUXELLES
30, Rue de la Régence – 1000 Bruxelles
 

PRODUCTION De Munt / La Monnaie
COPRÉSENTATION Bozar Music
INFO & BILLETS
+ 32 2 229 12 11
MM Tickets, 14 rue des Princes, 1000 Bruxelles
www.lamonnaie.be - tickets@lamonnaie.be
 
PRIX
10 € à 44 €

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C’est une légende dramatique en quatre tableaux à propos d’un personnage qui a réellement existé. Mais nul ne peut dire avec certitude ce que son âme est devenue! Encore moins si Berlioz, le compositeur torturé par les échecs de la vie, le poète maudit, l’artiste romantique a souffert des mêmes affres que le célèbre médecin astrologue du XVe siècle. Nul ne peut dire si,  malgré l’aspect positif de l’appétit de Faust insatiable de connaissances et de jouissance, Berlioz ne le condamne pas au feu éternel, par pur dépit.

Premier tableau. Le ténor Paul Groves embrasse avec ardeur et immense talent le rôle de Faust dans une superbe diction. L’hiver a fait place au printemps…Faust est perdu dans la contemplation d’un paysage de campagne, jouissant pleinement de sa solitude, il assiste au lever du soleil sur les champs. Il se laisse envahir par les chants d’oiseaux que prolongent des chansons joyeuses de paysans. « De leurs plaisirs, ma misère et jalouse ! »  Une armée passe, au son d’une marche hongroise devenue très célèbre  grâce à  l’art cinématographique français. Se déploie une fresque d’images du feu et des atrocités de  la guerre. « Son cœur reste froid, insensible à la gloire ! »   

Deuxième tableau « Sans regrets, j’ai quitté les riantes campagnes où m’a suivi l’ennui ! »  Faust est  seul dans son cabinet de travail et donne  libre cours à sa souffrance  profonde. « La nuit sans étoiles ajoute encore à ses sombres douleurs. » Dans sa sensibilité exacerbée, il est envahi de désirs inassouvis et sombres et le  spleen du poète maudit l’incite à vouloir boire une coupe de poison. Il perçoit, venant d’une église voisine, un  chant de Pâques entonné par le chœur des fidèles. Il se sent touché par une foi ancienne. C’est le moment que choisit Méphisto, « l’esprit qui console »,  pour l’inviter à le suivre vers d’autres plaisirs. Le baryton-basse italien Ildebrabdo D’arcangelo  incarnera tous ses maléfices. Première station dans un cabaret de Leipzig où un groupe de buveurs entonne l’éloge du vin. L’un d’entre eux, Brander, complètement bituré, raconte l’histoire  délirante d’un rat brûlé par l’amour. C’est notre délicieux Laurent Kubla.

Requiescat in pace, Méphisto raille l’Amen parodique chanté par les buveurs et se pique d’une histoire de puce. Faust est peu enthousiaste devant les scènes de beuverie et se retrouve emmené sur les rives de l’Elbe et ses flots d’argent. Il sombre dans un sommeil envahi par les gnomes et les sylphes. Ceux-ci lui font apparaître en songe Marguerite, image parfaite de l’amour. A son réveil, Faust n’a plus qu’une pensée : la retrouver. Il entre dans la ville en même temps que des étudiants et une bruyante soldatesque. Il est au pied d’une demeure entourée d’hortensias.

Troisième tableau. « Merci, doux crépuscule, c’est l’amour que j’espère ! » Faust, seul, découvre la chambre de Marguerite et  sent naître son bonheur. « Seigneur, après ce long martyre, que de bonheur ! » Méphisto le poste en observation,  derrière un rideau. Amoureuse de l’amour, Marguerite est songeuse et envahie par les images d’un rêve où  lui apparaît son futur amant. Pendant qu’elle tresse ses cheveux, elle chante, mélancolique, une chanson gothique, celle  d’un roi, Theulé, qui,  sentant sa mort prochaine,  distribua toutes ses richesses,  sauf une coupe lui rappelant sa défunte femme. Cette coupe se brise. C’est la voix magnifique  de la divine soprano géorgienne Nino Surguladze qui symbolise toutes les langueurs, les attentes et les élans de l’amour.

« Mes follets et moi allons lui chanter un bel épithalame ! »  Méphisto va  souffler son plan d’action à l’oreille de la belle alanguie. Pour mieux l’étourdir, la sérénade ensorcelante est accompagnée du chœur et des danses des follets. Mais voilà que Marguerite aperçoit Faust, l’amant de son rêve. Faust lui avoue sa passion, les deux amants s’étreignent sur l’amoncellement de coussins apportés par les follets et le regard voyeur du maître du jeu. Soudain, Méphisto interrompt leurs ébats et ébruite que les voisins sont en train de prévenir la mère de Marguerite qu’un homme est chez  sa fille. Les deux amants se séparent, espérant se retrouver le lendemain. Méphisto tient maintenant en son pouvoir l’âme de sa victime.

Quatrième  tableau. Marguerite se lamente, possédée par l’amour de celui qui n’est jamais revenu. Elle entend des bribes de  chants de soldats et d’étudiants qui lui rappellent cette première nuit si courte et si fragile. Seul aussi, face à une nature avec laquelle il souhaiterait  se fondre, Faust ne pense plus qu’à Marguerite. Il erre, prisonnier de sa tour d’enfer. Méphisto surgit et  lui apprend que Marguerite est condamnée à mort pour  matricide, car chaque nuit où elle attendait son amant, elle l’endormait avec un  poison qui a finalement eu raison  de sa santé. Ainsi l’heure fatidique du pacte est arrivée : Méphisto est prêt à sauver Marguerite si Faust s’engage à le servir « à l’avenir ». Le parchemin est signé par-dessus le vide. Sancta Maria ora pro nobis ! Sancta Marguerita… Sur deux chevaux noirs, Faust et Méphisto s’engagent dans une cavalcade infernale vers ce  que Faust  croit être la  maison de Marguerite. Rythmée par le chœur des paysans et les angoisses de Faust, la course à l’abîme, s’achève en enfer. Le Prince des ténèbres se vante de sa victoire. Faust, sans jamais perdre sa prestance,  est  enfin précipité dans les flammes sous  les hurlements infernaux du chœur des damné(e)s, des démons et des macabres squelettes. Puis, le calme revenu sur terre, c’est une véritable apothéose: le chœur des esprits célestes appelle la vertueuse Marguerite - sauvée par l’amour inconditionnel de son amant - à monter au ciel.

Quel écho peut donc avoir une telle œuvre  avec notre perception moderne?  L’histoire nous touche-t-elle vraiment? Sombrera-t-on avec ce Faust désespéré  dans l’inanité de l’existence de l’esprit positif ? Ou simplement, nous laisserons nous emporter par le vertige de la découverte de l’œuvre de Berlioz ?  Allons-nous nous laisser devenir  captifs de l’esprit insatiable qu’il symbolise ?  Serons-nous séduits par le génie d’un compositeur qui osa faire tabula rasa  de toutes les tendances de son époque et des précédentes? Certes, la magie musicale opère grâce à la qualité et la perfection d’interprétation musicale du chef d’orchestre,  Patrick Davin. Véritable maître du jeu, il s’emploie avec passion à  ressusciter une œuvre totalement innovante. Il déclenche notre admiration pour une partition  constituée d’immenses pages orchestrales d’une richesse inouïe,   dont on se demande parfois si on ne préférerait pas les écouter les yeux fermés pour en retirer toute  leur saveur. On sait  que dans sa nouvelle création, en 1846, Berlioz ne prend  même pas la peine de composer une ouverture, qu’il juge inutile, car il démontre que la musique peut tout exprimer et sait jouer le parfait mimétisme, fond/ forme! Ainsi, à quoi d’ailleurs pourraient bien servir des décors? Même les plus précieux, comme ceux élaborés par Eugène Frey (1860-1930), ces fameux tableaux transparents avec rétroprojection dont s’est inspiré le metteur en scène de cette production,  Ruggero Raimondi. Derrière les voiles reproduisant les tableaux successifs, a-t-il conçu  la carcasse  de fer comme une  sorte de tour de Babel  qui rappellerait celle de Breughel ? Ou pensait-il à la tour d’ivoire du poète? Une vision de  gazomètre en déshérence ?  Cette structure évoque une prison de fer et d’enfer pour la condition humaine dont l’homme ne peut s’échapper que par le ciel ou la géhenne.

L’enfermement est donc omniprésent : même lorsque les voiles sont supposés cacher cette tour,  ou du moins en partie, elle reste perceptible à tout moment. Le regard, lui-même est prisonnier. Au travers de lumières soit  trop tamisées soit trop distrayantes,  on perce  parfois difficilement les visages. La texture et les formes des costumes du peuple  infernal sont  très originales pourtant, et les évolutions ou les chants des nombreux figurants gagneraient à être mieux mis en lumière. L’enfermement circulaire, fait d’échafaudages est certainement très pratique pour une mise en scène verticale des protagonistes, mais tout le monde ne sera pas sensible à cette vision esthétique plutôt accablante pour ceux qui ne rêvent que de liberté !

Du mercredi, 25/01/2017 au dimanche, 05/02/2017

DIRECTION MUSICALE : Patrick Davin MISE EN SCÈNE : Ruggero Raimondi CHEF DES CHŒURS : Pierre Iodice ARTISTES : Paul GrovesNino SurguladzeIldebrando D’ArcangeloLaurent Kubla 

https://www.operaliege.be/en/shows/season/2016-2017/

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Tragédie du choc des cultures Est-Ouest. Le choc de l’amour vrai et de l’éphémère, de l’orgueil et de l’humilité. Le choc du rêve et de la réalité. Et une sérieuse critique de la façon outrecuidante dont l’Occident traite l’Orient.

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Une toiture de pagode est posée sur le vide.  A Nagasaki, au Japon, Benjamin Franklin Pinkerton (Leonardo Caimi), jeune lieutenant de la marine  américain a recours à l’entremetteur Goro (Riccardo Botta) pour se procurer les services d’une jeune geisha de 15 ans Cio-Cio-San, alias Butterfly en anglais. Il a acheté une maison locale sur une colline. « Ce petit papillon voltige et se pose avec une telle grâce silencieuse, qu'une fureur de le poursuivre m'assaille, dussé-je lui briser les ailes ».  Son ami, le consul américain Sharpless (Aris Argiris)  l'avertit que le mariage sera pris au  très sérieux par la  jeune-fille et déplore  sa désinvoture. « Ce serait grand péché que de lui arracher les ailes et de désespérer peut-être, son cœur confiant ».   Mais l’insouciant et arrogant  Pinkerton porte déjà un toast à son vrai mariage, quand il épousera une  américaine. Les lois japonaises l'autorisent à signer un acte de mariage pour 999 ans mais  il peut le rompre chaque mois, s'il le souhaite. Dès le début, on sait que l’histoire tournera au drame.

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Arrive la jeune Cio-Cio-San,  annoncée par un chœur de joyeux gazouillis de jeunes- filles. Elle est  heureuse et amoureuse de son fiancé, entourée de parents et d'amis, soulagée de pouvoir quitter son état de geisha. Impressionnée par l’étranger, elle charme  Pinketon, qui reste cependant  insensible devant le déballage de ses innocents trésors :   de menus objets féminins et les ottokés, des statuettes symbolisant l'âme de ses ancêtres  ainsi que  le précieux  poignard avec lequel son très honorable père s'est suicidé en se faisant hara-kiri. Soumise, elle  va jusqu’à promettre d’oublier les dieux de sa famille et d’aller prier le Jésus américain. Après un simulacre de cérémonie vite expédiée, la  fête de famille est interrompue par  le terrifiant oncle Bonze (Mikhail Kolelishvili)  que l’on n’a pas invité et qui la maudit  pour avoir renié la religion de ses ancêtres.

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Pinkerton  chasse les intrus avec hauteur et enfin seuls, les deux époux chantent leur l'amour mutuel. Sombre prémonition de Cio-Cio-San:  « On m'a dit qu'au-delà des mers, s'il tombe entre les mains de l'homme, le papillon sera percé d'une épingle et fixé sur une planche ! » Fin de l’acte I.

Trois ans plus tard, Madame Butterfly, reniée par sa famille  est seule et abandonnée. La  fidèle Suzuki (Qiu Lin Zhang) prie les dieux  pour sa maîtresse qui survit grâce à une illusion : « Ô Butterfly, petite épouse, je reviendrai avec les roses à la belle saison quand le rouge-gorge fait son nid. »  Suzuki  essaie de lui ouvrit les yeux mais  elle est  persuadée que Pinkerton reviendra comme il l'a promis « Un bel di vedremo ». L’entremetteur Goro se présente avec un  riche prétendant, le prince Yamadori, aux allures de magnifique paon blanc paradant sous les lumières, mais  elle  lui répond qu'elle est déjà mariée. Le consul Sharpless, dont le rôle développe de plus en plus d’humanité,  arrive pour tenter de  lui lire lettre de rupture de Pinkerton, à laquelle dans son aveuglement, elle  refuse catégoriquement de croire. La très belle voix de baryton riche et sonore se fait de plus en plus resplendissante. Elle  lui oppose qu'elle se tuera si son mari ne revient pas tout en dévoilant qu'un enfant est né de leur union. Un formidable  coup de canon annonce l'arrivée du navire de Pinkerton. Folle de joie elle décore la maison de fleurs et revêt son habit de noces pour l’accueillir.  Suzuki et l'enfant s'endorment avec le « Coro A Bocca Chiusa ».  Elle n’a pas  fermé l’œil. A l'aube,  Suzuki la convainc de prendre du repos. C'est alors que Kate, l'épouse américaine de Pinkerton apparaît et demande à Suzuki de convaincre  sa maîtresse de lui confier cet enfant dont ils ont appris l’existence et à qui ils assureront un avenir. Suzuki est  suffoquée. Sharpless rappelle à Pinkerton ses mises en garde, mais celui-ci, ne supporte pas d’être confronté, avoue sa lâcheté et s’enfuit.  Lorsque Cio-Cio-San comprend la vérité, elle accepte, par  ultime obéissance à son « mari », de confier son enfant au couple, à condition que Pinkerton vienne le chercher lui-même ! Mais une fois seule,  ayant éloigné l’enfant, elle  se donne la mort avec le  couteau de son père.

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Voilà une histoire qui ne manque pas de nous faire réfléchir sur les relations de pouvoir entre occupant et occupé, entre prédateur et victime, entre  âge mûr et jeunesse,   entre pauvres et riches, capables de tout se procurer, quels que soient les enjeux humains. Voilà une femme abandonnée qui n’a plus de subsistance.  Voilà une fille-mère aux abois qui, plutôt que voir son enfant la regretter ou la rechercher  un jour, préfère se donner la mort! C’est d’une violence glaçante. Une histoire écrite en 1898 par un anglais, John Luther Long.  Une histoire qui n’a, en outre, pas fini d’exister deux siècles plus tard, époque où nous sommes prêts à tout vendre et à brader.

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C’est néanmoins dans l’histoire du  théâtre japonais traditionnel et les rythmes de la cérémonie du thé que la metteuse en scène danoise Kirsten Dehlholm (Hotel Pro Forma)  a choisi de nous plonger. Elle veut gommer  par ses installations scéniques toute notion de réalisme ou d’anecdote. Elle choisit d’utiliser l’histoire au profit de l’innovation d’une forme  créative  de portée universelle.  Saisissant l’occasion  que les suicidés japonais continuent à hanter la terre sous forme de fantômes condamnés à raconter sans relâche leur histoire, elle poste donc en bord de scène  une Butterfly méconnaissable sous sa perruque grise – les fantômes vieillisent-ils donc ? – mais oh combien retentissantes d’émotions depuis la naissance de l’amour, à ses élans,  jusqu’à la douleur qui conduit à la mort. Le 3 février, c’était Amanda Echalaz qui assurait ce rôle d’une  rare exigence et d’une rare beauté.  En parallèle, Kirsten Dehlholm  fait jouer  sur scène une admirable poupée de porcelaine réalisée par des artistes japonais (Ulrike Quade Company) guidée par un trio de marionnettistes d’une souplesse fabuleuse. La ressemblance est telle avec ce que l’on imagine de la jeune geisha, qu’à plusieurs reprises on la voit vivante!  Cette technique ne peut que  renforcer bien sûr le propos de Pinkerton qui  considère la jeune épousée comme un pur jouet éphémère de ses désirs. Ainsi le double portait de Butterfly volette : prisonnier de son dédoublement, prisonnier de la tradition,  prisonnier de son destin fatal, prisonnier du silence de la poupée aux gestes  parlants, prisonnier d’une douleur  rendue muette par la mort. On pense à Liu de Turandot. Le public est contraint de mélanger sans cesse les deux propositions, visuelle et auditive,  dans un effort d’accommodation comme pour mieux souligner l’absurdité  de la douleur… sauf à se laisser entièrement emporter par  la qualité extraordinaire de l’orchestration sous la baguette de Roberto Rizzi-Brignou. Et c’est ce qui arrive.

 Par son  lyrisme,  ses nuances,  la musicalité de ses timbres,  le déferlement romantique, la dramaturgie musicale est  bouleversante.   On sent poindre les harmonies chatoyantes de Debussy, on sent virevolter le papillon et les humeurs changeantes, les espoirs et les inquiétudes.  Au sein du foisonnement de couleurs orchestrales, la tension dramatique s’amplifie  jusqu'au bout, jusqu’à atteindre le cœur de la douleur.  Au cours de l’ivresse  du voyage musical, on reconnait des thèmes populaires japonais  alternés avec le début de la mélodie de l’hymne américain, le Star Spangled Banner,  de quoi  soulager un peu  de la tension des sentiments exacerbés! 

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Mais ce sont surtout les tableaux de la nature des sentiments  qui sont saisissants de beauté ou … glaçants d’effroi comme les thèmes de la malédiction, du désespoir, de la mort et du suicide. Côté décor, s’embrasent de fabuleux jeux de lumières sur les créations en origami rendues vivantes. Jamais on n’oubliera les barreaux de dentelle de la cage qui se referme sur la jeune fille.  Les personnages déambulent à petits pas, tous les gestes se fondent dans la proposition  théâtrale délibérée de lenteur extrême orientale. L’air du cerisier est suivi d’un fabuleux cortège de  fleurs d’hibiscus multicolores et lumineuses, assoiffées d’amour, une  dernière parade amoureuse extraordinaire, hélas solitaire et inutile.

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Toutefois d’autres choix de la mise en scène sont beaucoup moins enchanteurs, à chaque fois que l’esprit parodique s’en mêle. Comme de remplacer la frégate guerrière par un  bâtiment de croisière  géant, à faire frémir tout Venise.  Comme cette nuée de rouges-gorges morts dans l’explosion des canons du navire de guerre qui marque la fin des illusions de Cio-Cio-San. Comme cet enfant-roi  hypertrophié en matière plastique gonflable qui surgit, comme une aberration dans le dernier tableau. Il semble alors que la mise-en scène ait pleinement réussi  son pari d’accentuer la  grossièreté  occidentale face à la beauté d’une héroïne victime de son innocence, de sa fragilité, de sa sensibilité et de ses traditions.

Agenda:  

http://www.lamonnaie.be/fr/program/17-madama-butterfly

Direction musicale : ROBERTO RIZZI BRIGNOLI
BASSEM AKIKI (10, 12 & 14/2)

Mise en scène : KIRSTEN DEHLHOLM (HOTEL PRO FORMA)
Co-mise en scène :  JON R. SKULBERG
Collaboratrice à la mise en scène :  MARIE LAMBERT
Décors :  MAJA ZISKA
Costumes :  HENRIK VIBSKOV
Éclairages JESPER KONGSHAUG
Dramaturgie :  KRYSTIAN LADA
Collaboration à la chorégraphieKENZO KUSUDA
Collaboration pour la marionnette : ULRIKE QUADE
Chef des chœurs : MARTINO FAGGIANI

Distribution

Cio-Cio-San : ALEXIA VOULGARIDOU
AMANDA ECHALAZ (1, 3, 7, 9, 12/2)
Suzuki : NING LIANG
QIULIN ZHANG (1, 3, 7, 9, 12/2)

Kate Pinkerton : MARTA BERETTA
F. B. Pinkerton : MARCELO PUENTE
LEONARDO CAIMI (1, 3, 7, 9, 12/2)
SharplessARIS ARGIRIS
Goro : RICCARDO BOTTA
Il Principe Yamadori : ALDO HEO
Lo zio Bonzo : MIKHAIL KOLELISHVILI
Il commisario / L’ufficiale : WIARD WITHOLT
Yakuside : RENÉ LARYEA
Madre di Cio-Cio-San : BIRGITTE BØNDING
Zia di Cio-Cio-San : ROSA BRANDAO
Cugina di Cio-Cio-San : ADRIENNE VISSER
Marionnettistes : TIM HAMMER, JORIS DE JONG, RUBEN MARDULIER, SUZE VAN MILTENBURG

Orchestre symphonique et chœurs de la Monnaie

PRODUCTION : La Monnaie / De Munt
COPRODUCTION : Ulrike Quade Company

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administrateur théâtres

Difficile de s’en passer…voici un festival croquignolet dirait-on dans le Routard, à propos du   Brussels Piano Festival

 

Hospitalité, cordialité et excellence sont les maître-mots de ce festival bruxellois qui se déroule chaque année dans un cadre bruxellois prestigieux, rien moins qu’une des plus belles salles de Belgique, la salle gothique de l’hôtel de ville de Bruxelles... L’initiateur de ce festival est  Marc Castelain, lauréat du Conservatoire Royal de Musique de Bruxelles (classe de piano d’André Dumortier) et licencié en Musicologie (ULB) qui pourrait sûrement dire avec Leonard Bernstein « On ne vend pas la musique. On la partage. » On l’a connu et écouté avec passion sur les ondes de la RTBF (Musiq3). Il était particulièrement connu pour ses présentations d’opéra et ses émissions consacrées au piano. Cet instrument  est son porte-bonheur  et le mène aux quatre coins de la planète  pour visiter festivals et concours internationaux de piano.

C’est là qu’il repère les talents qui ne sont pas encore « phagocytés par les circuits classiques ». Chaque artiste invité est une réelle personnalité et possède ce quelque chose de particulier que les autres n’ont pas. Ainsi à l’ouverture du festival, le public a pu s’en prendre plein les oreilles avec les fulgurances pianistiques gorgées de  plaisir du jeune pianiste belge Florian Noack, remarqué comme « l’un des pianistes les plus prometteurs de la nouvelle génération ».

Florian Noack découvre le piano dès l’âge de 4 ans. Il entre  à 12 ans à la Chapelle Musicale Reine Elisabeth dans le cycle pour ‘jeunes talents exceptionnels’. Il suit des master class auprès d’A.R. El Bacha, D. Bashkirov, V. Margulis et Brigitte Engerer.  Alors qu’il n’a que 14 ans, celle-ci écrivait : « J’ai été très impressionnée par sa maturité, ses grandes capacités techniques, son intelligence et sa musicalité naturelle. Pour moi, son brillant avenir de pianiste ne fait aucun doute. »

Il remporte de nombreux prix et parcourt l’Europe : passionné par les œuvres rares du répertoire romantique et post-romantique (Medtner, Liapounov, Dohnanyi…), Florian Noack est également auteur de transcriptions d’après des œuvres de Tchaïkovsky, Rachmaninov, Rimsky-Korsakov, etc. Un créatif-natif !

Il est l’invité de nombreux festivals en France, en Allemagne, en Chine, en Corée et aux Etats-Unis. La Lettre du Musicien le qualifie de « tout jeune virtuose à la sonorité éblouissante », à la suite de son récital à Lyon.

A 20 ans, il remporte le 2ème Prix et le Prix du Public au concours Rachmaninov, et, l’année suivante, le 3ème Prix au Concours International de Cologne, le 2ème au Concours International Robert Schumann et enfin, en 2013 le 1er Prix du Concours Karlrobert Kreiten.

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noack-pianiste-1300x866.jpg?itok=9EIfU2CGIl est devant nous ce soir, pour partager lors de son récital tous  les facettes généreuses de  son âme et la virtuosité de son talent.  Il a réalisé la transcription pour piano du Concerto pour quatre clavecins BWV 1065 de JS Bach, œuvre elle-même transcrite de Vivaldi. La méditation centrale est entourée de carillonnements virevoltants, c’est un festin presque jazzy, bouillonnant de couleurs. On est conquis. Ensuite viennent  les Variations sur un thème de Hüttenbrenner  D. 576.   de Schubert ciselées avec  tendresse, rondes nostalgiques, couleurs franches et sonorités flûtées, réveils de cordes qui rappellent la harpe, mais il est au piano bien sûr. Il sème à tous vents  ses accords graves vifs et claquants. Le toucher est délicat, long et caressant. Voilà la mélodie qui saute à gauche, les accords à droite ont une saveur et un art de confiseur, puis la main gauche explose de notes frappées pendant la promenade d’arpèges à droite.   Le jeu de dynamiques sautille, cabriole ! Schubert est magnifique sous le regard des statues de bois sculpté de la salle gothique  et d’un public profondément heureux.

Le charme pianistique est contagieux dans les Danses polovtsiennes de Borodin qu’il interprète dans un  arrangement personnel éblouissant. Le deus ex musica déborde d’énergie vitale et de passion bondissante. Après l’entracte il y aura les Six des Douze Etudes Transcendantes op. 11  de S. Lyapunov: Berceuse, Carillons, Tempête, Nuit d’été, Ronde des Sylphes, Lesghinka. Un déluge de puissance et de ferveur, de mystère et de bonheur que l’on peut retrouver gravé dans son dernier CD.

Ce n’est pas tout: le musicien dans l’âme et le corps offre des encore avec une pièce à la manière de Borodine de Ravel et  le Nachtbilder No.8 de Theodor Kirchner!

Notez les prochaines dates de récital du Brussels Piano Festival  Infos www.brusselspianofestival.com :

Le 11/10 : Heejae Kim (Corée), dans Chopin, Bach, Bach/Busoni et Schubert

Le 18/10 : Alberto Ferro (prix Musiq’3 du Reine Elisabeth 2016) Italie, dans Chopin, Debussy et Chostakovitch

 Le 25/10 : Tomoki Sakata, dans Mozart, Liszt, Takemitsu et Granados 

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administrateur théâtres
La fin de l’année, n’est-ce pas ce temps plein de fantaisie qui excite notre imagination, un temps  qui pousse à de conviviales festivités et retrouvailles ? Voilà pourquoi la Monnaie a décidé de réunir à nouveau toutes ses différentes familles de public à venir assister à une représentation du Coq d’or de Rimski-Korsakov – dirigée par notre directeur musical Alain Altinoglu et dans une mise en scène de Laurent Pelly (International Opera Award du Meilleur metteur en scène 2016)
Le mardi 20 décembre à 14h00 au Palais de la Monnaie à Tour & Taxis.
Le Coq d'or est un opéra en trois actes de Nikolai Rimski-Korsakov. Vladimir I. Bielski en a composé le livret intégral, d'après le conte en vers de Pouchkine . Wikipédia
DISTRIBUTION
 
Direction musicale - ALAIN ALTINOGLU
Mise en scène et costumes – LAURENT PELLY
Décors – BARBARA DE LIMBURG
Éclairages – JOËL ADAM
Chorégraphie – LIONEL HOCHE
Collaboration costumes – JEAN-JACQUES DELMOTTE
Chef des chœurs – MARTINO FAGGIANI
 
Tzar Dodon - PAVLO HUNKAALEXEY TIKHOMIROV°
Tzarevich Guidon - ALEXEY DOLGOV
Tzarevich Afron - KONSTANTIN SHUSHAKOV
General Polkan - ALEXANDER VASSILIEV
Amelfa - AGNES ZWIERKO
Astrologer - ALEXANDER KRAVETS
Tzaritza of Shemakha - VENERA GIMADIEVANINA MINASYAN°
Little Golden Cockerel - SHEVA TEHOVAL
 
ORCHESTRE SYMPHONIQUE  & CHŒURS DE LA MONNAIE
ACADEMIE DE CHŒUR DE LA MONNAIE s.l.d. de BENOÎT GIAUX
 
 
En tant que maison d’opéra de Bruxelles, une ville à la très grande diversité culturelle, nous souhaitons réellement donner l’occasion à tous de connaître l’art lyrique.

Le choix d’un après-midi de semaine a été pensé dans l’optique de faciliter l’accès à l’opéra aux personnes qui ont parfois des difficultés pour se rendre à la Monnaie. Aux côtés de spectateurs qui paient plein tarif, un tarif exceptionnel – 10, 15 ou 25 euros pour des places qui coûtent en général 129 ou 99 euros -  est proposé aux:
  • groupes fragilisés (associations et institutions du secteur social et les personnes bénéficiant d’une allocation sociale)
  • élèves (introduction à l’école inclue) 
  • étudiants– 30 ansartistes et professionnels du spectacle
La Monnaie défend énergiquement l’accès à la culture pour tous et lutte contre le préjugé selon lequel le monde lyrique serait uniquement réservé à une élite. L’organisation de cet après-midi à l’opéra est une affirmation de notre mission d’institution de service public et illustre les valeurs humanistes que nous tentons de pratiquer au travers de nos différents programmes pour les écoles, les jeunes, les familles et les groupes précarisés, développés depuis les années 90.
Ce n’est pas le premier Building Bridges de la Monnaie : la saison dernière, nous avions accueilli plus de 1500 spectateurs pour une représentation de L’Elisir d’amore au cours d’une exceptionnelle après-midi d’opéra au Cirque Royal.

Une expérience incroyable pour tous ceux qui l’ont vécue, comme en témoigne ce récit :
« Il est 13 heures, ce jeudi. La foule s’accumule aux portes du Cirque Royal. Ce 17 septembre, L’Elisir d’amore de Gaetano Donizetti est prévu en matinée. Un horaire inhabituel pour un public qui ne l’est pas moins. Résidents de homes bruxellois, bénéficiaires du CPAS, patients de maisons médicales, participants de centres de jour, de maisons de quartier ou d’alphabétisation, nombreux élèves du primaire et du secondaire, artistes et professionnels du monde du spectacle, étudiants aussi … Pour une majorité d’entre eux, venir à l’opéra constitue une première. Fien et Daphné, en 6e secondaire, ont fait la route depuis Ostende, avec leur classe de latin de l’école Onze-Lieve-Vrouw. « Notre prof est fan d’opéra, mais pour nous c’est tout nouveau », confient-elles. « Nous en avions une image un peu « old fashion », mais les films et les photos que nous avons vus ont changé notre vision des choses. » En tailleur et costume, Hélène et Pierre se sont mis sur leur 31 pour l’occasion. « Une chanteuse de la Monnaie, accompagnée d’un musicien au violoncelle sont venus à la Résidence Arcadia, à Molenbeek, il y a quelques semaines, juste pour nous ! », sourit Pierre, qui semble déjà à son aise. Un peu plus loin, ce sont onze résidents de la maison de repos Notre-Dame de Stockel qui reçoivent leur ticket d’entrée. « Mais pourquoi ne peut-on pas déjà aller s’asseoir, puisqu’on a nos places ? », relève Lucie, impatiente. « Ne t’inquiète pas, elles sont numérotées », tente de la rassurer Georges. Georges, 94 ans, était un habitué de l’Opéra de Verviers étant plus jeune. « Mon premier opéra, je m’en souviens, c’était Faust », raconte-t-il, « mais ce que je préfère, ce sont les opérettes ! Je viens d’une famille de musiciens, et la musique a toujours accompagné ma vie. La culture, c’est essentiel pour moi. Nous sommes allés à plusieurs reprises assister aux répétitions de l’Orchestre de la Monnaie. C’est une occasion de sortir un peu du home. »

 
Depuis les années 90, la Monnaie a développé toute une série de programmes avec les écoles, les jeunes, les familles et les groupes précarisés. Une vocation sociale dans laquelle s’inscrit le programme « Un pont entre deux mondes » qui propose dix-sept ateliers de chant hebdomadaires dans les maisons de repos des CPAS, à la Monnaie et dans quatreprisons, mais aussi chaque saison, quelque 5.000 places de spectacles gratuites aux institutions du secteur social. Avec une quinzaine de récitals et de concerts de musique de chambre au sein même des structures des CPAS et des établissements pénitentiaires, grâce au soutien financier de mécènes publics et privés.
 
http://www.lamonnaie.be/fr/static-pages/114-un-pont-entre-deux-mondes
INFORMATION GENERALE
REPRESENTATION
20 décembre - 14h00
 
PALAIS DE LA MONNAIE 
Chapiteau Tour & Taxis
86c Avenue du Port, 1000 Bruxelles
 
PRODUCTION De Munt / La Monnaie
COPRODUCTION Teatro Real de Madrid 2017, Opéra national de Lorraine (Nancy) 2017
 
INTRODUCTION 
Une demi-heure avant la représentation

INFO & BILLETS
+ 32 2 229 12 11
MM Tickets, 14 rue des Princes, 1000 Bruxelles www.lamonnaie.be - tickets@lamonnaie.be 

PRIX
Groupes fragilisés 
Via le secteur social: 10 € (Cat. I–II)
unpontentredeuxmondes@lamonnaie.be
+32 2 229 12 50
 
Groupes scolaires
Enseignement primaire 3e degré (workshop 1 jour à l’école inclus)
& Enseignement secondaire et supérieur (introduction à l’école incluse): 15 € (Cat I–IV) s.briard@lamonnaie.be
 
Tickets individuels 
Bénéficiaires d’une allocation sociale (CPAS, demandeurs d’emploi,…): 10 € (Cat. I–II)
-30 ans, artistes et professionnels du spectacle: 25 € (Cat. I–IV)
Tarif plein: 129 € – 10 € (Cat. I–VI)12273200273?profile=originalhttp://www.lamonnaie.be/fr/program/10-le-coq-d-or
 
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administrateur théâtres

UN SECOND HYMNE NATIONAL

... symbole de l'unité italienne. Nabucco raconte l'histoire biblique de l'exil juif à Babylone. Le souverain cruel Nabucco devient impliqué dans une lutte de pouvoir avec sa fille Abigaille, dans laquelle il sera finalement vaincu et les Juifs  pourront retrouver leur liberté. 

Le génie de Giuseppe Verdi réside dans la formidable tension dramatique qui tend ses opéras et l’irrésistible beauté de ses mélodies. Nabucco, narrant un célèbre épisode biblique, contient en son sein les revendications d’indépendance du peuple italien soumis depuis trop longtemps à la domination étrangère. Parmi les passions humaines exprimées par les superbes airs, se trouve un chœur sublime. Le peuple juif y chante la nostalgie de son pays. Va pensiero, mélodie simple et pure par excellence devient, dès la création, un symbole de l’unité du peuple italien. Aujourd'hui, ce second hymne national a franchi les frontières et exprime la douleur de toutes les oppressions.

Pour ce chef-d’œuvre qui déclencha une véritable ferveur à La Scala de Milan lors de sa création en 1841 et qui fera de Verdi le musicien le plus célèbre d’Italie, une double et prestigieuse distribution s’impose. Nous retrouverons le grand Leo Nucci qui partagera le rôle-titre avec Ionut Pascu. Abigaille sera incarnée par les deux sopranos Virginia Tola et Tatiana Melnychenko. A la direction musicale, nous retrouvons Paolo Arrivabeni pour qui ce spectacle revêtira une signification particulière puisque c’est le premier ouvrage qu’il ait dirigé à Liège.

 Nabucco est de retour dans une mise en scène de Stefano Mazzonis di Pralafera pour une nouvelle coproduction de l’Israeli Opera de Tel Aviv et de l'Opéra Royal de Wallonie-Liège.
 

Le destin  a frappé Verdi encore une fois, le 18 juin 1840: ce jour-là, sa tendre et douce Margherita est emportée par une encéphalite, à 26 ans, huit mois après le petit Icilio, deux ans après la jolie Virginia, leurs deux enfants.

Verdi est effondré, seul, au bord du suicide En panne d'inspiration, écrasé par les coups du destin - ses deux enfants puis sa femme meurent à quelques mois d'intervalle -, le compositeur est au bord du gouffre lorsqu'on lui confie le livret de ce qui va devenir... Nabucco.

C'est dans cet état d'abattement qu'il doit achever la composition de son opéra bouffe: on imagine aisément combien la verve comique est éloignée de son esprit. Il vient pourtant à bout de la partition, en homme scrupuleux envers ses engagements. Et, le 5 septembre 1840, la Scala crée cette deuxième œuvre de Verdi, Un giorno di regno, en présence du compositeur, tout de noir vêtu, le cœur brisé, l'esprit martyrisé. C'est un échec complet. L'opéra ne sera représenté qu'une seule fois, comme si son titre, Un giorno di regno, avait été prémonitoire.

L'hiver vient. Un soir de décembre, Verdi traverse comme un somnambule la grande place du Duomo de Milan. Machinalement, il essuie de la main sa courte barbe noire où le brouillard se fige en gouttes au goût de larmes. Soudain, il manque se heurter à un homme. C'est Merelli, le directeur de la Scala. Ecoutons leur dialogue.

Merelli  - Ah! Ça alors! Verdi!

Verdi  - Bonsoir, monsieur Merelli.

Merelli  - Comment allez-vous, mon cher Verdi?

Verdi  - Mal...

Merelli  - Mais non, mais non, il ne faut pas vous laisser abattre. Il faut réagir, il faut rebondir. Tous les compositeurs connaissent des fours, vous savez! C'est bien malheureux pour nous mais c'est comme ça. Mais (il sort de sa poche une liasse de feuillets) tenez, cet imbécile de Nicolaï vient de me refuser ce livret, un livret superbe pourtant...

Verdi  - Je ne composerai plus jamais!

Merelli  - Allons, ne dites pas cela! Lisez-moi ce manuscrit...

Verdi  - Non, vous dis-je, plus une note, plus jamais, rien.

Merelli  - Ne soyez pas borné, que diable! et lisez-le au moins, cela ne peut pas vous faire de mal!

Verdi  - C'est inutile, je ne veux plus composer. Plus jamais.

Merelli  - Eh bien, lisez-le au moins pour me donner votre avis sur ce livret.

Avec un geste de lassitude, Verdi fourre la liasse de feuillets dans sa poche et s'éloigne lentement.

De retour dans sa chambre grisâtre, Giuseppe jette le manuscrit sur la table et ses yeux tombent sur quelques vers au milieu des pages éparpillées: «Va, pensiero, sull'ali dorate...». Il a relu récemment ce passage de la Bible narrant les malheurs du peuple juif jeté dans l'esclavage et l'exil. Dans la froidure de la nuit, le sommeil ne vient pas. «Va, pensiero...» Il se relève, rallume sa bougie et lit, relit et relit encore le manuscrit... Au petit matin, il pose quelques notes sous un vers, en griffonne d'autres durant la journée ; un autre jour, il trace une phrase mélodique pour un chœur... et, un an plus tard, l'opéra est composé. Les épaules encore voûtées par le malheur, Verdi se fait recevoir à la Scala par Merelli, qui lit son opéra, s'enflamme, s'exclame, appelle sa chère Strepponi, à laquelle il décide de confier le rôle féminin principal. Car il va le créer, cet opéra, et au plus vite, au moment du Carnaval.

Durant les répétitions, tout le personnel de la Scala est comme électrisé, chacun perçoit que c'est un tournant de l'histoire de l'opéra qui se dessine. Seul Verdi demeure sombre, comme si l'intérieur de son corps était vidé. C'est tout de noir vêtu qu'il se rend, le 9 mars 1842, à la Scala. Et la soirée n'est qu'un long triomphe: Nabucco fait renaître Verdi, qui pleure de joie - de désespoir, aussi, en songeant à celle qui n'est plus là, la belle Margherita, à ses enfants qu'il a portés en terre. Et pourtant les bravos ne cessent pas. Il doit venir saluer sur scène et le fait gauchement. Mais ces acclamations sans fin commencent lentement à lui réchauffer le cœur.

Ce sera le même triomphe à la deuxième représentation. Puis aux suivantes. Prévu pour huit représentations, Nabucco en atteindra 57 en trois mois: record absolu, et inégalé, pour la Scala ! un événement unique dans l’histoire du théâtre milanais et franchit ensuite les Alpes : Vienne, Lisbonne, Berlin, Stuttgart, Paris, Londres et même Barcelone. «Ma carrière a vraiment commencé avec Nabucco», dira-t-il quelques années plus tard. Après le terrible fiasco d'Un jour de règne près de deux ans plus tôt, c'est un règne de près de soixante ans, jusqu'à sa mort en 1901, qui débute pour Verdi.

Le 9 mars 1842, Nabucco, le troisième opéra de Verdi, est présenté à la Scala de Milan, après seulement douze jours de répétitions. Donizetti est dans la salle. Malgré la période du carnaval – Verdi s’était montré intransigeant sur le choix de la date, voulant absolument éviter la période du carême vu le sujet –, la représentation rencontre un énorme succès. Et ce malgré les conditions vocales difficiles de Giuseppina Strepponi – elle deviendra sa deuxième femme dix-sept ans après cette malheureuse représentation – qui incarnait alors le rôle ardu d’Abigaille aux côtés du baryton donizettien Giorgio Ronconi dans le rôle du roi babylonien.

 

Aujourd’hui, Nabucco a presque la saveur d’une lutte épique entre la providence qui lui a donné à voir la page la plus célèbre de l’opéra et Verdi lui-même qui, lecteur de la Bible, mais également agnostique tourmenté, s’est retrouvé envahi par une espèce de « fureur sacrée ». C’est d’ailleurs précisément sur cette image du chant des esclaves qu’il a libéré toute sa puissance créative. Ce chœur solennel, triste, puis lumineux, Va Pensiero, est le onzième numéro de l’opéra et anticipe la prophétie de Zaccaria, avec laquelle se clôture le troisième acte. Non seulement un adieu à la liberté, mais également un adieu à la vie. Adieu à la liberté et à la vie qu’il faudrait toujours débarrasser de la rhétorique et de tout lien à des faits politiques italiens passés et contemporains – également au niveau des arrangements scéniques – et ramener à la saveur biblique, plus dense, universelle et grandiose, associée au début de la captivité de Babylone, une prière entonnée par tout le peuple, comme l’a très justement fait remarqué Rossini, qui l’a définie comme « une grande aria pour sopranos, contraltos, ténors et basses ». Qu’a donc vu cet artiste – jeune (il n’avait que vingt-huit ans à l’époque), mais déjà plein de charisme et d’une « simplicité fascinante » – dans ce peuple enchaîné chantant à la « patria belle e perduta » (belle patrie perdue) et priant pour que cette « patire » (souffrance) se transforme en « virtù » (vertu) ?

Le psaume 137 est le seul des 150 psaumes à évoquer l'exil à Babylone qui a suivi la prise de Jérusalem par le roi de Babylone Nabuchodonosor en 586 av. J.-C. Selon la tradition rabbinique, il a été écrit par le prophète Jérémie. En latin: Super flumina Babylonis.

DIRECTION MUSICALE : Paolo Arrivabeni 

 MISE EN SCÈNE : Stefano Mazzonis di Pralafera 

CHEF DES CHŒURS : Pierre Iodice 

ARTISTES : Leo NucciIonut PascuVirginia TolaTatiana Melnychenko,Orlin AnastassovEnrico IoriGiulio PelligraCristian MogosanNa’ama GoldmanRoger JoakimAnne Renouprez,Papuna Tchuradze 

9 DATES : Du mardi, 18/10/2016 au samedi, 29/10/2016 

http://www.operaliege.be/fr/activites/nabucco

Va, pensiero, sull’ali dorate;
Va, ti posa sui clivi, sui colli,
Ove olezzano tepide e molli
L'aure dolci del suolo natal!

Del Giordano le rive saluta,
Di Sionne le torri atterrate...
Oh mia patria sì bella e perduta!
Oh membranza sì cara e fatal!

Arpa d'or dei fatidici vati,
Perché muta dal salice pendi?
Le memorie nel petto raccendi,
Ci favella del tempo che fu!

O simile di Solima ai fati
Traggi un suono di crudo lamento,
O t'ispiri il Signore un concento
Che ne infonda al patire virtù!

Va, pensée, sur tes ailes dorées ;
Va, pose-toi sur les pentes, sur les collines,
Où embaument, tièdes et suaves,
Les douces brises du sol natal !

Salue les rives du Jourdain,
Les tours abattues de Sion ...
Oh ma patrie si belle et perdue !
Ô souvenir si cher et funeste !

Harpe d'or des devins fatidiques,
Pourquoi, muette, pends-tu au saule ?
Rallume les souvenirs dans le cœur,
Parle-nous du temps passé !

Semblable au destin de Solime
Joue le son d'une cruelle lamentation
Ou bien que le Seigneur t'inspire une harmonie
Qui nous donne le courage de supporter nos souffrances !

Sources

-(Extraits choisis de l’article de Luca Pellegrini dans le numéro spécial du magazine « L’Opéra » consacré, en septembre 2016, à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège)

-Alain Duault

https://fr.wikipedia.org/wiki/Nabucco

https://www.opera-online.com/items/works/nabucco-solera-verdi-1842

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administrateur théâtres
Une brume d'or dans un temps de feu…
 
Entamée avec Enoch Arden, la Monnaie
poursuit son exploration de la musique de Richard Strauss avec Capriccio, opéra en un acte et son dernier, créé en 1942 à Munich.
Légère et vive, cette « conversation musicale » est un hommage crépusculaire et nostalgique à un monde disparu, et dont Stefan Zweig qui insuffla l’idée à Strauss dès 1934 est le représentant perdu. On ne peut s’empêcher de s’interroger sur ce vieux compositeur âgé de 80 ans, retranché dans sa villa de Garmisch, fermant les yeux sur un monde à feu et à sang, tourné désespérément vers une époque depuis longtemps disparue ; et, cependant, écrivant encore et encore une musique d’où surgissent les plus belles et les plus bouleversantes émotions.

L’œuvre n’avait plus été jouée à la Monnaie depuis 1983. Son retour a été confié au chef d’orchestre allemand Lothar Koenigs à la tête de l’Orchestre symphonique de la Monnaie, et au metteur en scène David Marton. 

Le livret ne se limite pas à une mascarade amoureuse. Quel sera le genre du spectacle donné pour l'anniversaire de la Comtesse ? Un opera seria, avec des chanteurs italiens spécialisés dans le bel canto, comme le voudrait La Roche ? Un spectacle faisant la part belle à la poésie et mettant en valeur le jeu théâtral de mademoiselle Clairon, une actrice célèbre, ainsi que le voudrait Le Comte, frère de Madeleine ? « Prima la musica – dopo le parole ! », clame-t-on d'un côté. « Prima le parole – dopo la musica ! », réplique l'autre partie.

Le débat est illustré par une déclamation de sonnet par Olivier, une improvisation au clavecin de Flamand, un intermède dansé, un duo des chanteurs italiens. Le Comte met fin au débat en suggérant que soient relatées dans un opéra les aventures de la journée. La proposition est acceptée. Il est tard, les invités prennent congé. Un spectacle n'est qu'illusion, sur la scène règne l'éphémère et le rêve ne tient qu'à peu de choses. M. Taupe, le souffleur, qui s'était endormi et qu'on a oublié, le rappelle au Majordome, qui propose de le faire raccompagner à Paris. La comtesse est restée au château. Un rendez-vous a été pris avec Olivier, le lendemain à onze heures, à la bibliothèque. Le Majordome lui rappelle que Flamand l'attendra au même endroit et à la même heure. Que faire ? Lequel des deux choisir ? Doit-on d'ailleurs choisir entre la poésie et la musique ? La Comtesse se met à la harpe et s'accompagne en chantant le sonnet d'Olivier. Musique et poésie se fondent l'un dans l'autre. Madeleine est interrompue dans sa rêverie par le Majordome, qui l'invite à passer à table.


Pour David Marton, hongrois et berlinois d’adoption, les discussions menées dans la “Konversationsstück für Musik” de Strauss sont à prendre très au sérieux. Mais il constate que cette question séculaire à l’opéra de la primauté du mot ou de la musique est insoluble – du moins aussi longtemps qu’elle reste traitée en termes abstraits. En la replaçant dans le tangible d’une mise en scène particulière qui impose d’établir concrètement des priorités, le débat retrouve toute son actualité. Cette mise en scène à l’intérieur de la mise en scène place les frénétiques conversations des différents bretteurs sous un éclairage étonnant et parfois très drôle. Marton ne va jamais à l’encontre de l’esprit de l’œuvre grâce à sa manière pleine de vie d’aborder l’émotion, à une direction d’acteur tout en finesse et une utilisation intelligente du double espace théâtral.
 
La distribution rassemble une pléthore d’excellents chanteurs, à commencer par Sally Matthews qui interprétera pour la première fois le rôle de la Gräfin Madeleine. La soprano anglaise n’est plus à découvrir sur la scène belge où elle se produit régulièrement. Après avoir interprété le rôle-titre de Jenůfa, elle était une bouleversante Daphne dans l’opéra éponyme de Strauss.

Le frère, Der Graf, sera joué par le baryton allemand Dietrich Henschel. Présent à la Monnaie depuis le début du mandat de Peter de Caluwe, il y a incarné de multiples rôles, Wozzeck, Nick Shadow, Golaud et Œdipe, avant d’être un formidable Doktor Schön dans notre dernière Lulu et d’endosser le personnage de Peter dans Hänsel und Gretel (Humperdinck) en décembre 2015.

Le ténor lituanien Edgaras Montvidas incarnera le compositeur Flamand. Depuis ses débuts à la Monnaie dans le Requiem de Bruneau en 2012, il s’est produit à Glyndebourne, Berlin, Munich comme à l’Opéra Royal de Versailles.
C’était un autre habitué de la scène de la Monnaie qui devait chanter le poète Olivier mais le baryton français Stéphane Degout a malheureusement dû déclarer forfait. Son rôle est repris par le baryton estonien Lauri Vasar qui l’interprétait récemment encore à l’Opéra de Lyon. Il a interprété le personnage du Minotaure pour la création de Phaedra (Henze) en 2007, et Schaunard (La Bohème).  Il  accepté cette reprise au pied levé. 

Kristinn Sigmundsson fait ses débuts à la Monnaie dans le rôle de La Roche (Theaterdirektor). C’est un interprète très sollicité pour les grands rôles de basse, ceux de Wagner et Verdi notamment.

Charlotte Hellekant chantera Clairon (Schauspielerin). La mezzo-soprano s’est produite notamment dans deux des dernières créations de la Monnaie, Matsukaze (Murasame) qu’elle reprendra également cette saison et Au monde (la fille aînée).
Ce seront les quatre jeunes interprètes de l’Opéra de Lyon, coproducteur avec la Monnaie, qui viendront interpréter les rôles du souffleur, des chanteurs italiens et du majordome : le ténor suisse François Piolino (Monsieur Taupe) ; la soprano russe Elena Galitskaya(Italienische Sängerin) 3e Prix et Prix du public du Concours Reine Elisabeth 2011 et son compatriote le ténor Dmitry Ivanchey (Italienischer Sänger) qui font tous deux font leurs débuts à la Monnaie ; le jeune baryton Christian Oldenburg (Haushofmeister).
Parmi les huit serviteurs, nous pourrons entendre deux membres de  la MMAcademy, Pierre Derhet (MMAcademy Laureate) et Maxime Melnik (MMAcademy soloist), ainsi que Artur Rozek membre de l’International Opera Academy, aux côtés de Zeno Popescu, Nabil Suliman, Vincent Lesage, Bertrand Duby et Kris Belligh.
Agenda

03.11.2016 – 16.11.2016

Lieu

Palais de la Monnaie, Tour & Taxis

Tarifs

cat 1 - 129 € / cat 2 - 99 € 
cat 3 - 84 € / cat 4 - 59 € 
cat 5 - 34 € / cat 6 - 10 €

Présentation

Introductions une demi-heure avant les spectacles par Antonio Cuenca Ruiz (en français) & Reinder Pols (en néerlandais)

Langue

Chanté en allemand
Surtitré en français et en néerlandais

Durée

ca 2h 45’
(1h - entracte - 1h 25')

Streaming

live sur ArteConcert
10.11.2016
streaming sur lamonnaie.be
24.11 > 15.12.2016
sur Klara
03.12.2016
sur Musiq’3
03.12.2016

 

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administrateur théâtres

14695587_1445099122186137_2258976398414716966_n.jpg?oh=5598aace944035af312da142c2c70f1a&oe=58A97712Viva Nabucco ! « Sur les ruines de Sion, le roi Assyrien ne s’installera pas. Et Baal, dieu mensonger disparaîtra » 

Vole ma pensée, sur des ailes dorées;

Va, pose-toi sur les pentes, sur les collines,

Où embaument, tièdes et suaves,

Les douces brises du sol natal !

 

Salue les rives du Jourdain,

Les tours abattues de Sion ...

Oh ma patrie si belle et perdue !

Ô souvenir si cher et funeste ! 

PRETENDRE que « Va, pensiero », le chant des esclaves hébreux dans Nabucco, a catapulté Giuseppe Verdi   vers les sommets de  la   renommée  universelle est loin d’être exagéré. Il reste l'un des plus grands moments de  l'opéra, et les Chœurs d'Opéra de Liège sous la direction de  Pierre Iodice  ont  exécuté ce moment tant attendu de façon remarquable  le soir de la première. Le public en était tout chaviré.  Un chant qui commence à l'unisson, devient un bouleversant gonflement nostalgique, pour s'amplifier à pleine voix et mourir dans des soupirs d’espérance. Le temps de méditer sur tout ce qui nous enchaîne ou pourrait nous asservir.  La mise en scène de Stefano Mazzonis Di Palafera de Nabucco est d’une simplicité  confondante pour un opéra de cette envergure!  La plèbe des Babyloniens et des Hébreux, dont se détachent les personnages bibliques, se meut dans de lentes  mobilités  menaçantes et font penser aux arrière-plans de grands tableaux du 17 siècle.

 

 LE DECOR lui-même est un chef-d'œuvre d’abstraction moderne, avec ce rideau d’étoiles de David censé véhiculer la Jérusalem antique - avant, pendant et après sa destruction. Au deuxième acte, la maquette aérienne couleur lapis lazzuli des jardins suspendus de Babylone faits d’escaliers, de colonnades et balcons  est  un travail d’artiste. La texture est   une dentelle d’octogones imbriqués qui symbolisent les palais splendides de la cité et le regard  des femmes à travers les moucharabiehs. Au troisième acte, les pieds des esclaves fouleront les flots du Jourdain, lieu de baptême et  de rédemption en live. L’eau lumineuse qui coule depuis  l’arrière-plan fait d’un rideau de joncs dorés par  le soleil levant, a noyé la splendeur envolée des palais babyloniens. Des décors d’une simplicité parfaite soulignés par de savants jeux de lumière plongent le spectateur dans  une rêverie intemporelle.

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LA DISTRIBUTION est bien sûr éblouissante, à la mesure de l’oeuvre avec en tête, Leo Nucci dans le rôle-titre. Le chanteur vibre d’une puissance prophétique sous ses 74 printemps. Il fait une entrée remarquée sur un fabuleux cheval de bois dont le pelage arbore des couleurs de fleurs rien moins que Chagalliennes, assorties au bleu munificent des palais. Il commettra l’irréparable péché d’orgueil qui le foudroie : « Moi qui suis Dieu, adorez-moi ! » Il deviendra dément, mais il se repentira avec ferveur et regagnera la grâce divine. Une fresque épique à lui seul. Son Dio di Giuda! arrache des clameurs à la salle!


   

 

 

 LA SOPRANO argentine Virginia Tola en tant que Abigaille, campe du haut du  majestueux cheval psychédélique, la violence, la soif de pouvoir qui s’est emparée d’elle et la destruction. Elle joue du dynamisme vocal et théâtral. Sa  voix est l’instrument  achevé de tout  pouvoir insatiable : brillante et tranchante. Mais elle est aussi capable de lamentations en présence de l’homme qu’elle désire. Elle criera « Mort aux Hébreux ! Rends-moi cette couronne ! Plutôt mourir ! »  Sa superbe s’achève après s’être discrètement empoisonnée. Un très émouvant sursaut d’humilité et de dignité survient, elle implore, vaincue,  le  pardon du Tout Puissant, trempant la main dans le fleuve Jourdain.

 

 L’EXQUISE  Nahama Goldman, pour la première fois sur la scène de l’Opéra Royal de Wallonieincarne la douce Fenena, l’otage assyrienne du grand-prêtre. Elle apparaît comme   la   noble  fleur des chants justes, souples et tristes alors qu’à tout instant, vivant symbole d’empathie ou de compassion,  elle voit sur elle le glaive de  la mort. A côté d’elle, Giulio Pelligra brille d’une belle puissance et  intensité dans le rôle d’Ismaele.

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ORLIN ANASTASSOV, superbe basse lyrique dans le rôle du grand prêtre juif Zaccaria, est une révélation. Un très magistral Vieni, o Levita! ... Il santo Codice reca! rallie l’adhésion de la salle entière après sa belle introduction aux violoncelles que l’on aurait cru plus profonde. La sagesse, l’humilité et le courage qu’il insuffle de sa voix puissante et magnifiquement posée, ont de quoi ébranler. La voix appelle à une alliance éternelle avec le Tout Puissant, loin des fausses idoles renversées.  

 

Mais bien sûr, il n’y a pas que la qualité des chanteurs ou des  40 choristes dirigés par Pierre Iodice, il y a aussi la tenue de l’orchestre par  Paolo Arrivabeni qui savoure la partition avec nuances, finesse et énergie, loin de tout fracas  prétentieux.

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NOTES:

DIRECTION MUSICALE : Paolo Arrivabeni  MISE EN SCÈNE : Stefano Mazzonis di Pralafera  CHEF DES CHŒURS : Pierre Iodice  ARTISTES : Leo NucciIonut PascuVirginia TolaTatiana MelnychenkoOrlin AnastassovEnrico IoriGiulio PelligraCristian MogosanNa’ama GoldmanRoger JoakimAnne RenouprezPapuna Tchuradze  

 9 DATES : Du mardi, 18/10/2016 au samedi, 29/10/2016

(Saison 2016-2017) : | Opéra Royal de Wallonie

www.operaliege.be/fr/activites
La complexité de la trame originale du Nabucco de Verdi a été ici revisitée pour en garder l'essentiel: l'amour, la quête d'indépendance, la justice et le pardon.

Le lien http://fr.allreadable.com/cb36EP9 vous permet de retrouver le texte du livret en français

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administrateur théâtres

 Un  très grand moment flambant de musique, de rencontres et d’émotions 

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Dimanche 18 septembre 2016 au Château d'Argenteuil : une découverte. C’est  Le 21e Festival Mozart. Cette année, c'est une version promenade d’un jour qui nous est offerte, avec  4 superbes concerts  d’ensembles  d’excellence. La coutume voulait que se réunissent et interagissent une  trentaine  de musiciens  talentueux  internationaux  que l’on accueillait en résidence à Waterloo  en répartissant  leurs prestations sur deux semaines de liesse musicale. Cette édition-ci est un véritable élixir.  

Small is beautiful : le public, nullement retenu par  la Journée sans voiture à Bruxelles,  a investi les salles de concert et a pu apprécier l’intensité de  cet événement ramassé sur un jour,  se délectant du  ressenti  des artistes  donné avec tant de talent et de générosité. Dès l’entrée, les participants  étaient accueillis avec le sourire de jolies élèves du Conservatoire, toutes coréennes ou japonaises, servant boissons et  collations sucrées-salées. On  a  aussi rencontré la fondatrice de l’événement, Dalia Ouziel qui a fait une visite guidée des lieux. Elle  nous confie : «  La fondation du festival, c’était il y a 21 ans dans l’église Saint-Paul de Waterloo, une initiative de mon mari  et moi,  le duo   Rubenstein-Ouziel. La liste des participants aux 20 premières années, réunissant des artistes  tous de haut vol était plus qu’impressionnante quand on y pense. Cette journée unique a été préparée avec feu par notre  fils, Daniel Rubenstein, violoniste. C’est lui  qui prend la relève et a organisé cette fête musicale  qui nous tient tant à cœur ».

Journée d’émerveillement donc. Dès 12h15 le château d'Argenteuil résonnait  de vents et  cordes  avec la complicité de  la violoniste Tatiana Samouïl, lauréate du Concours Reine Elisabeth 2001, qui jouent le Quatuor pour flûte N°3 en Ut K.285b de Mozart et le Quintette pour clarinette et cordes opus 115 de Brahms.  

C’est ensuite le Quatuor Danel qui investissait les lieux en  interprétant successivement  Dissonance, le Quatuor à cordes n ° 19 de Mozart (K. 465), puis le Quatuor N°6 en fa mineur op. 60 de Mendelssohn. Marc Danel comme à l’accoutumée, joue de son instrument avec tout son corps, comme assis sur un nuage musical dont il s’envole par moments, tordant les phrasés avec l’énergie du désespoir, tandis que le violoncelliste Yovan Markovitch lutine son instrument le sourire dans l’archet. Des quatre tailleurs de bois précieux, émergent des  figures aux visages sacrés. Le public est subjugué.  L’expression est intense, audacieuse, et vibrante. Le Mendelssohn aux sonorités étranges est puissant et galvanisé par la passion et la douleur. On est au seuil d’une musique d’épouvante.  Les musiciens ne jouent pas pour passer le temps mais pour  le cueillir, insaisissable, du bout de l’archet. L’Adagio évoque  certes des souvenirs heureux, mais que peut donc évoquer d’autre que la révolte,  la mort prématurée d’une sœur ou d’un frère? Outcry! Le pied frappe le sol pour écraser les malédictions du ciel avant les dernières mesures qui évoquent une résistance courageuse.  

 Mais le charme de la Journée opère,  et l’on se dit que cette Journée  n’est pas sans rappeler la convivialité d’un autre festival belge,  hélas aujourd’hui disparu : Les concerts à l'Orangerie du Château de Seneffe  dont la dernière édition s’est tenue en juillet 2015. En invité de choix on y rencontrait Lorenzo Gatto, Jean-Claude Vanden Eynden, Eliane Reyes, le quatuor Danel, l’altiste Vincent Hepp, la violoncelliste Sarah Dupriez… que de merveilleux souvenirs! Et  qui retrouve-t-on brusquement en train de répéter près d’une colonnade si ce n’est Vincent Hepp en  personne!

Il nous donne rendez-vous avec l’Ensemble Mendelssohn à 17h 15 à la Chapelle pour écouter  Le Sestetto concertante en mi bémol majeur K 364 (dans sa transcription de 1808) de Mozart et le Quintette à cordes N°2 en si bémol majeur op. 87 de Mendelssohn. Superbe rythmique, charme et justesse. L’alto (Vincent Hepp) produit des sonorités larges, jubilatoires. Les crescendos sont enveloppants. La musique vient à déborder comme une corne d’abondance. Le violon de Daniel Rubenstein chante avec une pureté, une lumière et une chaleur extraordinaire dans ce lieu qui rassemble les mélomanes de l’après-midi, toutes fenêtres ouvertes.    Tout se termine, trop vite,  sur un rythme Marcato, tonifiant. Le tempérament  intense, c’est la résilience. Les dernières mesures  évoquent une résistance courageuse. On quitte le concert avec une consigne : ne jamais abandonner!

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 Et  puis le soir, c’est l’apothéose,  avec Eliane Reyes et Jean-Claude Vanden Eynden. Eliane Reyes, l’élève de Jean-Claude Vanden Eynden vient de recevoir une très haute distinction. En effet, elle a reçu les insignes de Chevalier de l'ordre des Arts et des Lettres attribués à des personnes qui se sont distinguées par leur création dans le domaine artistique ou littéraire ou par la contribution qu’elles ont apportée au rayonnement des arts et des lettres en France et dans le monde. Eliane Reyes est la première pianiste belge à être ainsi honorée.  Face à face, professeur et ancienne élève vont développer avec chaleur et complicité  sur deux pianos imbriqués comme le yin et le yang les magnifiques harmonies du  Concerto pour 2 pianos N°1 en mi bémol majeur K.V. 365 de Mozart. La direction de l’orchestre - une toute nouvelle aventure à suivre, celle du Nco Orchestre -  a été confiée au  jeune chef  prometteur que l’on a pu entendre diriger Mozart  au festival de Moscou l’an dernier.  Il s’agit d’Ayrton Desimpelaere.  En première partie du concert de 20h15, Ayrton Desimpelaere a dirigé la création toute récente de  Nicolas Bacri: Cosi Fanciulli, allusion au Cosi Fan Tutte de Mozart  et L’Adagio en mi majeur pour violon et orchestre K.V261 de Mozart avec Daniel Rubenstein, violon soliste.

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Une journée  enfin sous le signe de l’art de vivre : Bertolt Brecht  ne disait-il pas que  "Tous les arts contribuent au plus grand de tous les arts : l’art de vivre". Car Marie  Chimkovitch  veille avec ses pinceaux. L’artiste-peintre, une « live art performance painter », croquait  sur le vif et avec  douceur et poésie les musiciens à l’œuvre, transportant son exposition improvisée d’une salle de concert à l’autre. Ravie, elle dépose sa palette et conclut : «  La journée fut un feu d'artifice d'émotions fortes : le bonheur de peindre en musique, la musique elle-même, les musiciens, les rencontres, la gentillesse, l'amitié ... Le Festival Mozart cette année fut mini, mais quelle densité ! »

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Tableau réalisé dans le cadre du Festival Mozart 2016 : Eliane Reyes, Jean-Claude Vanden Eynden et le Namur Chamber Orchestra sous la direction d’Ayrton Desimpelaere dans le concert pour 2 pianos n°1 K365 de Mozart, huile sur toile (sur carton), 50x70cm, Château d’Argenteuil à Waterloo, le 18.09.2016.

http://www.festival-mozart.be

 

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administrateur théâtres

Après avoir dépeint le Japon dans Madame Butterfly, Giacomo Puccini met le cap sur la Chine, son dernier voyage, car il  mourra à Bruxelles,  laissant  son dernier opéra inachevé. Le compositeur parvenu au terme de sa vie déclare « Toute la musique que j’ai écrite jusqu’à présent me semble une plaisanterie en comparaison de la musique que j’écris en ce moment » Turandot a été composé entre 1921 et 1924. Toscanini en dirigea la première, en avril 1926.

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 Cet opéra est  l'un des plus  vibrants  exemples d’exotisme musical. Résolument moderne et stupéfiante, l’architecture orchestrale est particulièrement efficace  et souligne une judicieuse alternance entre l’atmosphère de conte et le drame insoutenable,  cette  marche  inexorable vers un destin fatal. Une ultime expression de souffrances  longuement tues.  Une débauche d’instruments à percussions,  une débauche de couleurs, une débauche de tableaux sonores.  Voilà ce qui nous est offert par  Paolo Arrivabeni dans la fosse  à la tête de   l’Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie. Les chœurs dirigés par Pierre Iodice,  sont composés de soixante chanteurs majestueusement costumés (Fernand Ruiz). Ils  sont placés de part et d’autre, dans les galeries mystérieuses qui entourent le palais de la Cité Interdite. Le luxe d’éclairages miroitants module à la perfection les mouvements sur le plateau et aux fenêtres du palais ainsi que  la débauche de sentiments exacerbés.   

  A Pékin, une princesse hautaine et cruelle, nommée Turandot,  promet d’épouser un prince qui résoudra trois énigmes. Les prétendants sont décapités s’ils échouent.

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Calaf, prince en exil rêve de reconstituer son pouvoir perdu. "Tu m’as pris mon royaume, tu nous as mis en cage mon père et moi, tu tues mon peuple, donc me voici pour te frapper en retour."  Mais il est fasciné par la princesse jusqu’au délire et veut tenter sa chance. En première partie, on la voit apparaître dans une tenue - large tunique et pantalon - d’une blancheur étincelante et glaciale. Elle est porteuse d’un sceptre qui ressemble à une faux. Comme la personnification de la mort. La mort blanche même, aussi  implacable et dévastatrice que la cocaïne ou l’héroïne. Le prince est halluciné. "Pour la dernière fois, vaincs cette fascination" supplie son père! Et les trois magnifiques mages...

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L’histoire de la femme de glace remonte à plusieurs générations. Une transmission toxique a eu lieu. Il y a des milliers d’années son aïeule a été trahie par un conquérant tartare. Après avoir mis la ville à sac, il l’emmena dans son lointain royaume  où elle mourut de chagrin. C’est pour venger cette infamie, que la princesse Turandot a imaginé l’épreuve. Elle porte avec elle le lourd fardeau d’un trauma transgénérationnel que pour rien au monde elle ne voudrait lâcher car il la protège de la capitulation face à l’homme. Et plus que tout, elle  rêve d’indépendance et craint l’amour charnel avec tout ce qu’il représente. Elle utilise le viol mythique de son aïeule pour haïr  tous les hommes…C’est un  être féroce mû par la vengeance « Je venge sur vous, cette pureté, ce cri et cette mort ! » Ironiquement,  la princesse a sauvagement  besoin de  victimes  expiatoires   pour parvenir à accepter la part féminine  d’elle-même qu’elle renie. L’interprète de Turandot est Tiziana Caruso, un rôle qu’elle maîtrise totalement.

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Le metteur en scène José Cura, incarne avec flamboyance le prince sans nom. José Cura est passé maitre à la fois dans le chant, la direction d’orchestre, la mise en scène et la scénographie.  Calaf, dont personne ne connaît l’identité, résoudra les trois énigmes mais ne veut pas forcer la glaciale beauté à qui il lance lui aussi un défi : il s’avouera vaincu et acceptera la mort si Turandot  réussit à découvrir son nom, ce dont elle ne doute nullement: elle possède toutes les armes de torture pour faire avouer le moindre de ses sujets.  Lui - péché d’orgueil ? -  ne veut recevoir la princesse que par amour. Il est sûr de sa victoire et bouillant d’impatience.  

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Une  seule personne connaît ce nom : l’esclave Liù, amoureuse de Calaf «Parce qu’un jour, dans le palais, tu m’as souri ! ».Elle est fragilité, innocence et  sincérité.  Elle se trouve dans la foule, avec son maître, un vieillard,  le roi détrôné Timur (Luca Dall’Amico), père de Calaf. Une foule bruissante comme en Chine,  qui commente, admire et  se repaît d’imprécations, comme dans la tragédie grecque.  Le  fameux air de Calaf Nessun Dorma  atteste que personne à Pékin n’est autorisé à dormir, sous peine de mort tant que le nom du prince  ne sera révélé. La tension est au maximum. Liù, la jeune esclave se sacrifie pour l’homme qu’elle aime. C’est  l’exquise Heather Engebretson,  jeune soprano américaine, diplômée de la célèbre Julliard School qui l’incarne. Liù est symbole de pureté, de bonté et de beauté morale. Archétype du sacrifice par amour. Celle par qui la malédiction familiale peut être vaincue.

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 Les magnifiques éclairages d’Olivier Wery font vivre cette cité impériale légendaire,  plantée en bord de scène,  d’enfants de notre siècle -  une quarantaine d'enfants de la Maîtrise de l'opéra-  qui construisent des maquettes, dessinent, peignent, dorment et chantent … sous le regard attendri d’un professeur-mandarin (Roger Joachim). Une façon élégante et astucieuse  de relier deux époques, de montrer que les enfants gardent cette capacité de voyager dans l’imaginaire, de  souligner  que tout ceci est un conte  mais que les contes ont toujours une morale!  La morale, c’est la jeune et bouleversante  Liù qui la détient : « Liù, bonté, pardonne et oublie ! »  Et Timur,  en habits noirs la suit dans le couloir de la mort « pour attendre à ses côtés, la nuit sans le matin. »

http://www.operaliege.be/fr/activites/turandot

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administrateur théâtres

eventon16122.jpgThéâtre promenade convivial, théâtre de voyageurs spirituels qui trinquent ensemble …et avec le public. Année 1789 -10 : le roman Jacques le Fataliste et son maître en huit journées et quatre motifs, met en scène deux passagers d’une époque.  Ils cheminent en discutant de tout et de rien, tandis  que sortent pêle-mêle  de leurs malles d’osier histoires d’amour et de trahison, parenthèses, digressions, protagonistes  pittoresques hommes et femmes, apostrophes au lecteur et la reconstitution fragmentée d’un crime. Entre gaieté et profondeur, on découvre le siècle de Diderot  en costumes d’époque avec ses convictions et ses interrogations.  

Au cours de  ce voyage vers nulle part, le réjouissant questionnement du maître et de son valet sur la liberté individuelle débouche sur   une   certitude de l’époque que Diderot, l'un des premiers, veut contester.

 « Comment s’étaient-ils rencontrés ? Par hasard, comme tout le monde. Comment s’appelaient-ils ? Que vous importe ? D’où venaient-ils ? Du lieu le plus prochain. Où allaient-ils ? Est-ce que l’on sait où l’on va ? Que disaient-ils ? Le maître ne disait rien  et Jacques disait que son capitaine disait que tout ce qui nous arrive de bien et de mal ici-bas était écrit là-haut. » C’est l’histoire écrite sur le  Grand Rouleau : “Nous croyons conduire le destin, mais c’est toujours lui qui nous mène.”

 

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 Si le valet  futé joué par Jean-Pierre Baudson est terriblement bavard, son maître,  un noble riche et maladroit qui se refuse de lacer  le moindre brodequin, est passé virtuose dans l’art de le  faire parler. Il est campé par Patrick Donnay. Ainsi  l’amitié vraie née de la parole,  relie  ces deux extrêmes qui deviennent vite inséparables et  oh! stupeur   même dépendants l’une de l’autre, question d’abolir avant la lettre, tous les privilèges de classe. Le sujet de 1779 vit sous la dépendance de son maître,  mais le citoyen de 1789 dont on attend l’avènement, sera  celui qui affirme sa liberté, et, partant, sa souveraineté.

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 Grand déballage de malles …très emballant! Vers une aube inconnue ? A  travers  l’errance picaresque de ce duo en scène plein de verve et d’usage, le spectateur participe à une joyeuse farce sociale et philosophique où les postures intellectuelles savoureuses  de l’un et de l’autre fusent  en un énorme festin vocal. Choc des idées, hallucinante frénésie de paroles, gestuelle débridée, imaginaire au pouvoir, la  riante dissertation en live est bel et bien jouissive.  La mise en scène impeccable de Jean Lambert – elle commence dans la salle avant même le début de la séance  soutient avec talent les équilibristes du verbe qui ont su préserver  un  charme 18 ème.  Les applaudissements  fournis  de l’assemblée témoignent de la générosité des artistes qui ont tout joué, y compris les rôles désopilants d'une flopée de joyeuses dames qui n’ont vraiment pas froid aux yeux!  

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 du 06/09/16 au 29/10/16  Offrant une plongée originale et pleine de surprises dans l’univers d’un géant des Lumières, ce spectacle du Théâtre National  a rencontré un vif succès à sa création en 2013. Amusez-vous des aventures de deux compagnons qui se baladent dans la vie en méditant gaiement sur nos amis, nos amours, nos emmerdes ... et notre destinée. 

https://www.theatrelepublic.be/play_details.php?play_id=454&type=1

 

 

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administrateur théâtres

12273175879?profile=originalLe Lille piano(s) festival 2016 a fêté  les Boris cette année,  et un troisième homme, Lukáš Vondráček, notre lauréat du Concours Reine Elisabeth 2016…. ! Un festival sur le mode majeur, qui s’enracine sur Bach et Mozart ! 

 

         Commençons par le flamboyant Boris Berezovsky, médaille d’or du Concours International Tchaïkovski 1990 à Moscou et maintenant membre de ce Jury prestigieux. C’est lui qui débutait le concert de clôture du festival avec le Concerto pour piano n° 2 en fa mineur, Op.21 de CHOPIN sous la direction de Jean-Claude Casadesus, chef-fondateur du festival et son complice de longue date.  Le pianiste russe  y a déployé  une musicalité et un flegme fascinants qui ont captivé une salle de près de 2000 spectateurs émus et bouleversés par ce sommet de l’ivresse romantique et ce talent pianistique hors pair. Les majestueux élans passionnés ont alterné avec la poésie profonde, intime et raffinée. Boris Berezovsky, en interaction presque viscérale avec l’orchestre,  joue mais écoute les moindres frissons des violons, délicatement  inspirés par le maestro Jean-Claude Casadesus. Monstre sacré, le pianiste produit tour à tour des tornades de notes et des ruissellements emplis de grâce… on en oublie presque l’orchestre dont le déploiement de timbres a pourtant de quoi séduire. On est cloué sous le charme de l’âme slave qui exalte ou fait pleurer. Les parachèvements de  chaque veine musicale sont grandioses  dès le premier mouvement.  Dans le deuxième mouvement, après les  exquises volutes de la cadence, on croirait entendre  naître des voix de chœur d’hommes, tant les vibrations sont belles pour encadrer la souplesse et l’expressivité intense du soliste. Jean-Claude Casadesus conduit la dernière phrase de ce mouvement comme une traînée de poussière d’étoiles.  Au troisième mouvement, les archets rebondissent joyeusement comme  une volée de  chaussons de danse, le soliste taquine le clavier, les jeux de bilboquets s’amoncellent, l’orchestre est rutilant et célèbre la joie de vivre.  Cuivres et piano complices concluent cette fête dans la fête, devant un public subjugué par les  humeurs de l’âme slave et la transparence française. Et le soliste, meilleur instrumentiste de l’année 2006, livre un bis  plein de panache : la première étude de CHOPIN.


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          Mais la soirée n’est pas finie, elle se terminera de façon insolite sur une double exécution du Boléro de RAVEL. D’abord un quatre mains au piano, interprété par Wilhem Latchoumia et Marie Vermeulin au piano.  L’exécution est spectaculaire, parodique, portrait d’un monde malade,  image  d’une humanité  au bord du gouffre ? L’orchestre est figé dans le noir. Sous les lumières,  les deux pianistes semblent fabriquer  la sinistre performance d’un destin qui s’anéantit, jusqu’à utiliser des changements d’harmonie qui produisent d’étranges sons surgelés – le rire des autres planètes? Cela semble convenir parfaitement à l’expression  de leur vision  narquoise, lugubre et pessimiste.  Impassible, Wilhem Latchoumia moque sans la moindre faille l’implacable métronome du temps, tandis que Marie Vermeulin,  pourtant vêtue d’une sage tunique de dentelle et d’un pantalon noir, ne cesse de séduire par sa gestuelle gracieuse de danseuse orientale.  Puis, au cœur de la dérision,  la gestuelle se disloque comme dans un massacre surréaliste.  Et malgré le dynamisme effarant des pianistes ying et yang, l’issue  du monde semble fatale,  laissant un terrifiant goût de  crépuscule.

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          Rassurez-vous, le deuxième Boléro est  totalement solaire et inspiré,  tout autant que  l’Orchestre National de Lille sous la baguette de Jean-Claude Casadesus. La danse obsédante et aérée naît pas à pas, pupitre après pupitre, avec une divine souplesse!  Malgré l’absence de mélodie, les plans orchestraux réduits au rythme seul,  se superposent dans de  superbes sonorités, comme dans un vertigineux  château de cartes,  laissant  le tissu orchestral se déployer majestueusement dans un  long crescendo harmonieux et spectaculaire! Le public est  envoûté et heureux. Mais, Jean-Claude Casadesus, épuisé, indique par d’aimables mimes qu’il est l’heure de se restaurer et d’aller dormir…  Après  une si belle exécution, on est tous d’accord.     

          Et le deuxième Boris?  C’est Boris Giltburg et on l’a écouté au Conservatoire, la veille. Le très talentueux pianiste israélien  est né à Moscou en 1984 et a reçu le Premier Prix du Concours Reine Elisabeth à Bruxelles en 2013.  Au programme il a inscrit son arrangement du Quatuor à cordes n°8 de CHOSTAKOVITCH, suivi des Etudes-Tableaux op.33 de RACHMANINOV pour terminer avec la Sonate n°8 de PROKOFIEV.

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          Le pianiste fait une entrée discrète et secrète avec délices pour l’assistance, son élixir musical savant et précieux. Le corps plié sur le clavier, ses notes deviennent de purs parfums évanescents, le buste ondoie comme dans une nage sous-marine quand retentit la richesse des premiers accords. Il crée des explosions, des pluies d’acier, les poignets en lévitation constante, il danse des bondissements de pluie tropicale. Sa frappe est prodigieuse, les doigts sont possédés par des roucoulements ou des frissons de harpe accélérés… Visuellement, et auditivement, on est vite envoûté. Il produit des rugissements paléolithiques absolus pour passer à des flots de larmes séchées aussitôt ! La compassion est intense et les baumes, salvateurs : c’est un art de guérisseur ! Et on n’est qu’au premier mouvement  du quatuor de Chostakovitch ! Le deuxième, plonge dans une galaxie de couleurs aux lointains brumeux, ensuite dans des gouffres noirs. Les accords majestueux célèbrent le feu créateur. La puissance phénoménale de ce travail de Prométhée et la virtuosité de l’allegretto coupent le souffle.

12273177867?profile=original La sonate  n°8 de PROKOFIEV démontre la délicatesse d’alchimiste du musicien. Le corps tendu à l’extrême, il est à peine assis sur son tabouret et marche en dansant sur le bord d’un cratère. Prokofiev, c’est lui, il a rejoint l’âme du compositeur, torturée, terrifiée  et créatrice, et bientôt il valse dans l’extase ! Il semble que les archanges eux-mêmes sont au garde-à-vous de cet archi-musicien dont le piano est le véhicule, comme certains dieux indiens sauvages et rédempteurs assis sur leurs fabuleuses montures. Se gaussant du monde entier, il célèbre une beauté terrassante. Deux bis : Liebesleid de Kreisler/Rachmaninov et une Polka de Rachmaninov.   Les sonorités en cascades du génie généreux font s’effondrer des mondes de dominos, en un souffle.  Acclamé, Boris Giltburg quitte ce festival de sensibilité  mêlée d’humour sous les ovations du public.

           Et le troisième homme? Encore un phénomène musical : le Premier Prix du Concours Reine Elisabeth à Bruxelles en 2016 : Lukáš Vondráček. Son récital  nous offre les Memories opus 6 de NOVÁK suivi de la sonate en fa mineur opus 5 de BRAHMS.

12273178054?profile=originalDans la première œuvre, il travaille à l’extrême la douceur des sonorités: nous donne-t-il à entendre des infra-sons ? Volutes liquides, ralentis subits, le combat fébrile et démesuré  de titan s’oppose à la patience de chercheur d’or. Sur un fond d’inquiétude dévorante.  Dans le Brahms, il nous livre des détonations délirantes, des électrochocs, sublimes dans l’infiniment petit. Il travaille la matière musicale au ras des notes, comme de l’horlogerie fine,  ou l’entomologie du microcosmos ! L’expressivité est intense, démultipliée. Roulé sur lui-même, il livre goutte à goutte  la sève de son intériorisation. Les contrastes sont aigus, les pianissimi et les salves sonores, surhumaines. Des demi-applaudissements discrets indiquent l’enthousiasme du public après le premier mouvement. L’Andante espressivo rappelle la Bohême natale de l’artiste, pays du cristal. Le toucher fait ressortir des mosaïques de lumière. Maître des scintillements, il plonge dans l’infini de trilles fabuleuses.

12273178261?profile=originalRepos et recherche  intense de concentration dans le silence avant un Scherzo défiant l’Eternel. L’intermezzo est combatif pour se retrouver dans un bain de lumière dans le Finale. Il expose un lieu surnaturel où la douceur et la puissance se réconcilient dans un vaste bouquet de notes éblouissantes. Le son rond et puissant fait penser à l’illustre Richter qui disait de l’interprète qu’ « il ne doit pas dominer la musique, mais devrait se dissoudre en elle. » Le bis?  Une danse tchèque de Smetana.  On pouvait s'en douter!

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 A paraître,  un nouvel article : L’égérie du festival…

 

   

 

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administrateur théâtres

"La Traviata" de Verdi à L'OPERA DE LIEGE

 Dans l’immense jardin de Dieu, Violetta, la courtisane au grand cœur, devenue ange, priera pour le  destin de son aimé qu’elle supplie d’être heureux et d’épouser une  jeune élue au cœur pur! Un rôle interprété par l’exquise soprano roumaine, Mirela Gradinaru. Dernière étape étonnante d’une vie peu à peu tournée vers l’altérité, dans le plus profond oubli de soi, voilà le destin de la dame aux Camélias, Marguerite Gautier, alias Violetta chez Verdi. Le plateau étouffe sous les cœurs de roses rouges qui tapissent le décor kitsch des lieux de perdition parisiens. Elle appartient depuis le plus jeune âge au monde de la noce, du jeu, de la danse, de la musique légère et des plaisirs du palais. Libre et prisonnière à la fois.  Son univers : l’immense lit rococo peuplé de poupées où se déroulent des bacchanales, puis un lit double,  blanc comme un nuage où son amant  a rencontré le ciel « Vivo quasi in ciel », puis hélas, ce lit étroit sous une lumière de vase verte où elle est  consumée par l’immonde phtisie,  antichambre de cette grotte lumineuse de la mort prête à l’engloutir.

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Face à cette âme généreuse qui instinctivement ne vit que par l’Amour, il y a l’orgueilleux Giorgio Germont,  interprété par  Mario Cassi. C’est le père omnipotent de son amant, qui représente  l’égoïsme bourgeois et les apparences d’une société totalement irrespectueuse des vrais sentiments, moralisante à l’excès, hypocrite en diable, osant même  prendre à témoin le Dieu du jardin des âmes bienheureuses quand cela l’arrange. Ce drame de Verdi est une critique fervente de la bigoterie, du « moralisme », ancêtre du « politically correct »? « Through the keyhole », les regards épient, trahissent, accusent et condamnent. Le trou de serrure à travers lequel se joue l’action est symbolique du voyeurisme qui imprègne  la société. Si le chœur en habits noir  du 19e est parfois fort statique, coincé dans des fauteuils comme au spectacle, c’est qu’il doit remplir son rôle de voyeurs avides et malsains et nous tendre le miroir pour dénoncer le phénomène. De tous côtés, la brûlante Violetta est cernée par les regards, et sa voix, tour à tour, tendre, dramatique et héroïque ne peut que susciter des vraies larmes. La passion de la jeune Violetta est plus que douloureuse, elle est injuste et cruelle. Dès le deuxième acte elle s’est convertie à la Vie, renonçant à ses plaisirs futiles, elle est ce personnage qui a failli et qui, seule contre tous, trouve en elle la force de la rédemption! La dévoyée, la Traviata a l’envergure d’une martyre dans la forteresse de sa foi en l’amour ! Tout comme la véracité de ses sentiments, Violetta impressionne par la véracité de son jeu et souplesse de sa voix après l’échauffement du premier acte.

 La mise en scène expréssément bourgeoise de Stefano Mazzonis Di Pralafera  autorise quelques distractions, car Verdi s’amuse avec des rythmes  populaires de valses, polka, galops, une danse de gitanes, une danse de matador, et une séguedille qui allègent un peu la tension dramatique. Les costumes sont griffés Kate Tilley et son équipe. L’orchestre sous la baguette de Francesco Cilluffo épouse magistralement le drame sans sombrer dans le pathos ou l’exhibitionnisme : juste ce qu’il faut d’émotion, de  suspensions silencieuses,  de souffre et d’élégance. Le timbre irrésistible de Mario Cassi  souligne finement l’habileté manipulatoire de Giorgio Germont au deuxième acte (« Pura siccome un angelo ») et sa  belle prestance vole enfin en éclats quand  il se décide à dévoiler la promesse odieuse arrachée à Violetta.  L’amant, Alfredo, un peu effacé par rapport au père,  réjouit par son charme juvénile et sa voix solaire. Javier Tomé Fernàndes, qui se produit pour la première fois sur la scène de l’Opéra de Liège,  recueillera à la fin de la représentation  de réelles ovations aux côtés de Mario Cassi  et de Mirela Gradinaru.  Le jouvenceau est tout simplement craquant de spontanéité, même si l’autorité paternelle  fait de lui une seconde victime. Les rôles secondaires accompagnent lestement le trio principal avec une belle mention pour Anina, la femme de chambre de Violetta interprété par Laura Balidemau. Et qui d'autre pour incarner le protecteur jaloux de Violetta, sombre sire,  si ce n'est la belle voix  de Roger Joakim, un incontournable de la scène liégeoise...13260016_10209037828196731_1203132000821984079_n.jpg?oh=855d6dc2bdf987915ce05622c9e42df1&oe=579CABD4  

https://www.operaliege.be/fr/activites/la-traviata

Saison : 2015-2016 Durée : 2:50  Langue : Italien  Direction musicale : Francesco Cilluffo Mise en scène : Stefano Mazzonis di Pralafera Chef des Chœurs : Pierre Iodice Artistes : Mirela Gradinaru, Maria Teresa Leva, Javier Tomé Fernández, Davide Giusti, Mario Cassi, Ionut Pascu, Alexise Yerna, Papuna Tchuradze, Roger Joakim, Patrick Delcour, Alexei Gorbatchev, Laura Balidemaj         

9 Dates :

 Du vendredi, 13/05/2016 au dimanche, 22/05/2016

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administrateur théâtres

Voilà la 13e édition de Lille Piano(s) Festival achevée depuis une bonne semaine et il nous reste de très beaux souvenirs. Si nous n’avons pas pu courir  aux quatre coins  la ville où rivalisaient claviers et autres boîtes à musique - au Forum départemental des sciences à Villeneuve-d’Ascq, à la Villa départementale Marguerite Yourcenar à Saint-Jans-Cappel, et à la Maison natale Charles de Gaulle à Lille sans oublier le Furet du Nord et la Gare Saint-Sauveur -  nous nous sommes partagés entre  le Nouveau Siècle, résidence de l’Orchestre national de Lille, et le Conservatoire. Selon les organisateurs, le  taux de fréquentation a été de  17 % supérieur à l’année dernière. Un très grand succès compte tenu de la liesse européenne  pour les heurs et malheurs du  ballon rond.

13502634_928332577293943_4494094193331760144_o.jpg?width=450Notre premier coup de cœur fut le vendredi soir à l’auditorium du Nouveau Siècle, avec la richesse pianistique du récital Alexandre Tharaud interprétant Les variations Goldberg de J.-S. Bach. Le plateau de bois blond illuminé de silence et de respect accueille un musicien aux énonciations fermes, aux cascades et ascensions vertigineuses. Les galops effrénés et les survols aériens  succèdent  aux lents enchantements. Les poignets de l’artiste semblent suspendus à quelque fil mystérieux. On ne perd pas une note des suites frissonnantes, de belles notes détachées, des éparpillements ludiques et même des pas de danse! Et l’aveu, en filigrane, de notre condition humaine éphémère, effeuillée tendrement à la manière d’un bouquet de coquelicots. Des pétales de vie lentement dispersés d’où émerge la sérénité. Soliste très réputé de sa génération,

13517458_928332050627329_5232199208256050418_o.jpgAlexandre Tharaud se produit dans les plus grands festivals à travers le monde. Il a enregistré ses variations chez ERATO.

Puis vint la rencontre avec l’égérie du festival, l’une des plus grandes personnalités du piano d’aujourd’hui, Anne Queffélec, soliste renommée,  meilleure interprète de l’année 1990, invitée à travers le monde entier.  Elle se dit attachée à la ville de Lille pour des raisons familiale et musicales. Elle est heureuse de créer du lien avec le public, elle aime l’esprit d’ouverture du festival, elle souligne la qualité des claviers offerts et la très belle organisation des répétitions et des concerts. On est dimanche à 11 heures au Conservatoire.

 13497797_928332047293996_2421304744615565636_o.jpg?width=450Le programme éclectique qu’elle propose  est une œuvre de joaillerie. Elle alterne en effet Gnossiennes et Gymnopédies d’Eric Satie, des  morceaux de  Ravel, Poulenc et Debussy  avec un florilège d’œuvres méconnues du début du 20e siècle de Déodat de Séverac, Pierre-Octave  Ferroud, Reynaldo Hahn, Florent Schmitt, Charles  Koechlin et même un certain  Gabriel Dupont, mort de tuberculose: Après-midi de Dimanche (extrait des Heures dolentes).  La salle est bondée, au parterre comme à l’étage, pour savourer les plaisirs de la musique intimiste ou bucolique. Plus qu’un récital, appelons cela une rêverie commune où se rencontrent l’œuvre, l’interprète et des auditeurs dont elle a habilement capté l’écoute profonde dès le début du concert. La pluie claque sur la coupole du Conservatoire ?  Elle en est fort aise, elle est reliée aux éléments naturels qui renforcent son propos. De la nostalgique Première Gymnopédie, nous  plongeons  dans la langueur  et les légatos lumineux et le toucher aérien de la Rêverie de Debussy. Mais voilà que  perce le spleen sous une pluie battante dans la 3e Gnossienne. Nonchalante de Ferroud est vive et syncopée, libre Esméralda qui danse sous la pluie ! On se délecte des sonorités, des arpèges rêveurs, des silences de neige, et de rythmes de tableaux d’une exposition… bien qu’ils ne soient  nulle part dans le lancinant Glas de Schmitt! Une vraie magie musicale au bout des doigts fait que  résonnent des cloches, fenêtre ouverte sur le monde qui bruisse, chantent des voix de marins (Le chant des pêcheurs de Koechlin), de la main droite miroitent fugaces, au sein de fiévreuses attentes, des nuages des feuilles et des clairs de lune (Debussy). On est sidéré par la qualité des timbres et la composition orchestrale des couleurs, et même d’habiles jeux de dissonances caverneuses, avec chaque fois un soin extrême pour les dernières mesures comme dans Hivernale de Hahn.

  C’est avec une sonate de Scarlatti qui termine ce récital de rêve une promenade en Italie offerte par l’interprète. Les  mains  se croisent à vive allure, les note se piquent de soleil, voici l’écoulement liquide de la joie dans des flots de dentelle musicale, et des roucoulements ininterrompus. Le public remercie debout cette grande dame qui l’a fait pénétrer  au cœur du mystère de la musique. Rendez-vous est pris pour le soir même à 20h, au Nouveau siècle où elle jouera le concert pour piano BWV 1055 de Bach dans un rythme envoûtant. Là encore, on avait rendez-vous avec le ravissement.

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Nous attendons avec grande impatience  sa venue au  concert d’ouverture du Festival Musiq3 à Bruxelles  les trois premiers jours de juillet. C’est  sans doute l'un des concerts les plus attendus  de ce festival,  en  voici le programme :

 

Wolfgang Amadeus Mozart, Sonate en sol majeur pour violon et piano KV 301

Maurice RavelKaddish

Fazil SayCleopatra pour violon seul, op. 34

Aram KhatchatourianGayaneh : Danse du sabre

Claude Debussy, Sonate en sol mineur pour violon et piano

Jules Massenet, La Méditation de Thaïs

 

Anne Queffélec et Tobias Feldman sont animés d’une même profondeur, à la fois sereine et lumineuse. Si Elle est une égérie du piano français, gracieuse et souriante, littéraire dans son approche du clavier, Lui est un jeune virtuose, qui a époustouflé tous les observateurs au dernier Concours Reine Elisabeth de violon.  Et nous avons hâte de les entendre ensemble ! 

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