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amour (205)

administrateur théâtres

Dialogues des Carmélites, l’opéra le plus célèbre de Francis Poulenc (1899-1963) fut créé à Bruxelles en 1959, soit deux ans à peine après sa création à la Scala et à Paris. C’est une œuvre tragique magistrale, musicalement et dramatiquement. Elle a cette qualité royale : «  la force » et « le dépouillement », pourrait-on ajouter.  L’histoire de ces carmélites décapitées durant la Révolution française est connue par le récit qu’en fit l’une d’entre elles. Sur la nouvelle "La dernière à l'échafaud", de Gertrud von le Fort (1931), Georges Bernanos livre un dialogue de film qui sera publié en 1949, quelques mois avant que la mort ne l’enlève à un public fervent qui n’avait cessé de s’élargir.

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 Les nombreuses prières que comptent l’œuvre confèrent une aura sacrée à l’œuvre. Elles soulignent le refus du compromis et de la transaction. Elles cristallisent l’honneur chrétien : une relation fusionnelle de l’honneur humain et de l’amour du Christ pour les pauvres humains. Blanche incarne un miracle. La faiblesse, la fragilité et la peur sont transfigurées en héroïsme quand la terreur et la violence iconoclaste compromettent ce que nous avons d’élévation et de civilisation.

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A la mort prodigieuse de la prieure, crucifiée par le doute sur  la couche verticale de sa chambre  de nonne, la grâce inonde l’esprit de la jeune Blanche comme  une vague de tendresse éternelle. Ce mot « tendresse » effleuré par la sainte femme, mère de toutes les filles,   elle se l’était réservé comme ma seule chose à emporter.  Ce viatique pour l’au-delà est un trait d’union.  La mort des carmélites qui n’ont pas renoncé à leur foi est un manifeste contre tout ce qui blesse ou avilit l’être humain. La délicieuse sœur Constance, accède aux plus hautes valeurs sans jamais les trahir grâce à ce que Bernanos nommait « l’esprit d’enfance ». Un mélange de pureté, de joie pure, d’idéal et de goût absolu de Dieu. Les deux interprétations de ces  deux rôles de vestales sont immaculées, tout comme leur blanches robes!

 

Les tableaux intimistes d'Olivier Py se succèdent et  déploient de bouleversantes émotions. La tristesse du père qui voit sa fille se condamner au Carmel, la détresse physique et morale de la jeune Blanche qui est envahie par une peur maladive, les murs mouvants qui se referment sur les couleurs du monde, la  souffrance et la peur délirante de la mort de la prieure vue du ciel, l’ultime rencontre de Blanche avec le chevalier de la Force désespéré de voir sa sœur s’enterrer vivante, la déroute des priantes universelles de l’amour face à  la sauvagerie de l’invasion de la soldatesque, le caractère ambigu de l’aumônier démis de ses fonctions,  tout est suggéré de manière minimaliste mais tellement chorégraphique, au sens étymologique du terme. Le mythe brille dans la caverne! Le point culminant de l’opéra est un point d’orgue poignant et sans doute inoubliable par sa majesté.   Le sacrifice des nonnes sera libératoire lorsqu’elles s’éparpilleront une à une dans l’espace étoilé, à chaque coup de guillotine,  leur prison terrestre s’étant ouverte à l’infini de l’univers. Vision extraordinaire d’alpha et d’oméga sur l’onde musicale du Gloria Patri… On a le souffle coupé!

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  L’Orchestre symphonique et les Chœurs de la Monnaie (chef des chœurs Martino Faggiani)  

Il n’y a pas plus vivant que les nuances de gris… dit-on !  L’interprétation du chef d’orchestre Alain Altinoglu, directeur musical de la Monnaie, à la tête de l’orchestre ne cesse de fasciner par le scintillement des émotions et la souplesse des atmosphères. Il ne cesse d’allumer mille et un feux. La palette des sentiments aussi sombres que les costumes et le décor est faite de veloutés, de crépitements,  d’explosions, de signaux d’alarme prémonitoires, de plaintes, de craintes et d’héroïsme flamboyant, spirituel et charnel. 

Peter de Caluwe a réuni une  double distribution éblouissante, choisissant parmi les plus belles voix féminines  du chant français et belge : la soprano Patricia Petibon et la belge Anne-Catherine Gillet, dans le rôle de Blanche de la Force ; les sopranos Sandrine Piau et Hendrickje Van Kerckhove  pour Sœur Constance de Saint-Denis ; la mezzo-soprano Sylvie Brunet-Grupposo  pour Madame de Croissy ; les sopranos Véronique Gens et la jeune Marie-Adeline Henry dans le personnage de Madame Lidoine ; les mezzo-sopranos Sophie Koch et Karine Deshayes dans Mère Marie de l’Incarnation.  Pour les rôles masculins, nous avons admiré la prestance du  baryton-basse français Nicolas Cavallier dans le Marquis de la Force et l’intense  jeune ténor Stanislas de Barbeyrac (débuts à la Monnaie) dans le Chevalier de la Force. Guy de Mey dans le rôle de l’aumônier  … ce rôle, ambigu ?

Nous  nous interrogeons, au passage sur l’intrépidité de La Monnaie à oser présenter une œuvre qui met en scène l’héroïsme religieux et pour certains, une forme de fanatisme, qui devrait pourtant baisser pavillon  par les temps qui courent… Provocation? Le public n’a qu’à réfléchir ! Sans nul doute!

 DISTRIBUTION

Direction musicale ALAIN ALTINOGLU
Mise en scène OLIVIER PY
 
Décors et costumes PIERRE-ANDRÉ WEITZ
Éclairages BERTRAND KILLY
Chef des chœurs MARTINO FAGGIANI
 
Le Marquis de la Force NICOLAS CAVALLIER
Blanche de la Force PATRICIA PETIBON / ANNE-CATHERINE GILLET*
Le Chevalier de la Force STANISLAS DE BARBEYRAC
L’Aumônier du Carmel GUY DE MEY
Le Geôlier, Thierry, M. Javelinot NABIL SULIMAN
Madame de Croissy SYLVIE BRUNET-GRUPPOSO
Madame Lidoine VÉRONIQUE GENS / MARIE-ADELINE HENRY*
Mère Marie de l’Incarnation SOPHIE KOCH / KARINE DESHAYES*
Sœur Constance de Saint Denis SANDRINE PIAU / HENDRICKJE VAN KERCKHOVE*
Mère Jeanne de l’Enfant Jésus MIREILLE CAPELLE
Sœur Mathilde ANGÉLIQUE NOLDUS
Premier commissaire YVES SAELENS
Second commissaire ARNAUD RICHARD
 
ORCHESTRE SYMPHONIQUE & CHŒURS DE LA MONNAIE
ACADÉMIE DES CHŒURS DE LA MONNAIE s.l.d. de BENOÎT GIAUX
 

 

 

https://www.lamonnaie.be/fr/program/426-dialogues-des-carmelites

en live sur
operavision.eu
15.12.2017

diffusion sur Klara
13.01.2018

diffusion sur Musiq3
20.01.2018

streaming disponible sur
www.lamonnaie.be/fr/streaming
10.01 > 30.01.2018

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administrateur théâtres

Second Degré

...comme on les aime !

Déflagration : entre fable d’histoire naturelle et scalpel qui dépiaute les maladies de la société, Geneviève Damas se livre, sur papier et sur le plateau, au propre et au figuré, sans réserves comme si l’urgence était de sauver une espèce en voie de disparition, celle de la femme vivante, animale, animée de désir, prête à risque tout pour vivre sa vie de chèvre de Monsieur Seguin : enfin libre d’ « être », même au risque de se faite dévorer. Plutôt que de se sentir la corde au cou, corvéable à merci et d’être rangée parmi les robots nés pour servir les hommes. C’est dit. Bien qu’à demi-mots. Car la peine profonde reste toujours très silencieuse si pas muette.

LaSolitudeDuMammouth-DominiqueBreda5 Bérénice est une femme parfaite, comme dans American Beauty. Elle fait tout, contrôle tout, jusqu’au moindre brin d’herbe du gazon, jusqu’au nombre de pommes du pommier qui trône dans son paradis sur terre. Mais elle se meurt aux côtés de son professeur de mari, qui ne rêve qu’à ses palmes académiques. Sauf que, lorsque son mec, met les bouts avec une jeune et ravissante monture pour ses ébats amoureux, elle s’écroule d’abord, et croque ensuite avec délices, question de se relever, la pomme de la vengeance. Plus la violence est dissimulée, plus elle la galvanise. Elle perd tout principe moral, toute notion de civilisation et renoue dans un crescendo renversant, avec la sauvagerie originelle. Là est la fable. Le rire salvateur est au rendez-vous, il fuse à chaque ligne du monologue. Le jeu théâtral et la mise en scène sont succulents. On ressort rincé et rafraîchi par ce déluge de fantasmes qui déboulent sur scène et dans le texte, au rythme d’une révolution cosmique. Bousculant tous les codes, retournant toutes les médailles, faisant feu de la moindre convention, l’écriture est incisive et tranchante. Le texte se dévide, implacable. La mise en scène des frustrations et des désillusions sonne on ne peut plus juste …et la vengeance sophiste sur l’estrade sera caricaturale. Une fausse justice fait écho à une cause désespérée !

Geneviève Damas pendant une répétition de "La Solitude du Mammouth"

Grande habileté artistique due à la connivence des artistes, Emmanuel Dekoninck, le metteur en scène, joue un duo parfait de ce texte bourré de dynamite, avec la romancière et la comédienne, Geneviève Damas. L’action se précise au rythme corrosif d’un succulent thriller, qui n’est pas sans rappeler des nouvelles de Roald Dahl ou des romans de Barbara Abel.

25158013_1895501763798032_8434870910700125811_n.png?oh=c64d9c143c839e2fe8e7164aced5fcf8&oe=5A88EF33Aussi désillusionnée qu’une Madame Bovary, Bérénice déclare la guerre à qui lui a ravi son désir, rendu la vie étriquée, mis les sentiments aux abonnés absents …. Comme Médée, cette Bérénice a deux enfants. Ils sont invisibles, Rufus et Paëlla. Elle les laisse sans vergogne aux soins de la voisine. Qui sait, une chance pour eux ? Au passage, quelle preuve de désamour que ces noms-là ! Et comme la Médée antique, elle découvre la cruauté sans limites, se servant de la vengeance pour combler son abandon et y survivre. La loi sauvage du plus fort prévaudra. C’est comme cela, en histoire naturelle. La caricature est diablement efficace. Il n’y a rien d’innocent dans la démarche. Et il y a des plumes à perdre pour certains adeptes des robots féminins living in a Perfect World !

http://theatre-martyrs.be/saison/la-solitude-du-mammouth/8FE8AF55-D332-B17E-18F4-9A1A90CD7F22/

La solitude du mammouth

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administrateur théâtres

…Et on murmure dans mon dos que ma musique est vieille !

 

✔ Laudamus te… 

Joie, ravissement, bonheur théâtral et musical complets devant cette production de one-man-opera, flanquée de deux anges, musiciennes passionnées : Les chanteuses lyriques Julia Szproch, soprano et Sarah Théry, mezzo, deux figures en robes blanches incarnant émotion,  pureté et source de vie. Il faut dire que  le comédien de cet opéra parlé en 11 tableaux est de taille à endosser l’Antonio Vivaldi  hors d’âge  décrit avec immense saveur,  par Vincent Engel dans son roman Alma Viva (Ker edition 2017) qui retrace le récit des derniers mois de la vie du compositeur.  Viva Alma  Viva !

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 ✔ Pietro Pizzutti a le charme natif de l’italien, l’agilité bourdonnante de pilleur de jeunes filles en fleurs, le charme du rêveur ...pas toujours solitaire, et les irrésistibles intonations du Don Juan pourfendeur des hypocrisies patriciennes et de la boue toxique des foules  mortifères. Les colères misanthropes du Maître de violon au Pio Ospedale della Pietà éclatent avec vigueur, sa verve poétique pour la lagune de Venise attache, son credo « je prie, j’aime et je crée » remplit d’ivresse!

Difficile de faire la part du livre et celle  du diseur de mots dont les postures, les pitreries et les révélations enchantent. Merci l’Artiste! Fervent défenseur de Dieu mais pas des bondieuseries, gonflé de respect pour son père et refusant de l’enfermer dans un Requiem, amoureux de ses origines simples - du barbier au violoniste - il conspue le clavecin aristocratique et  pourfend l’ostentation des pharisiens de tout poil.

« Mon masque à moi est tissé de notes et j’aime la vie car j’adore Dieu qui nous a offert la vie ! » Etre musicien c’est être au plus près de Dieu … et de ses anges! Il mêle l’azur des musiques naissantes aux caresses érotiques et à l’esprit de Dieu ! Dominus vobiscum…Et cum spiritu tuo ! Le texte vous embarque loin de la vieillesse, au plus près de l’amour. De quoi frissonner. « Le gondolier pousse sa barque d’un coup d’archet virtuose propre à enflammer la lagune… »Tout est dit, le reste est variations sur le thème enivrant de la célébration de la vie. Les messes, les mots, les titres, les programmes frelatent la vérité de la musique. «Je ne me moque pas du monde c’est le  monde qui se moque de la musique. »

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    Il faut saluer bien sûr la parfaite mise en scène de  Gabriel Alloing.  L’écrin dans lequel se joue cette brillante péroraison sur l’amour de la vie est un superbe triptyque de silhouettes de la ville sur lequel  apparaît à tour de rôle  la salle du conseil des « governatori » de la Pietà à qui s’adresse Vivaldi, un florilège de peintures de très saintes femmes, le bruissement de l’eau du canal à l’aube des sentiments, et le gondolier rêveur qui mène sa barque à travers les sublimes musiques. 

 

Benedicimus te !

 

In Musica veritas! L’ensemble baroque des Muffatti - I migliori vini dolci italiani - divisé en diptyque, à gauche et à droite de la scène ravit par  la  sonorité des timbres  délicats, la polychromie, la grâce, la  théâtralité du geste musical qui brode fidèlement  le texte mais sans emphase. On perçoit au contraire une réelle empathie avec le comédien et cela crée une sorte de dialogue parfait. N’est ce pas cela, ce que veut dire «concertare»? Dialoguer.

 

✔Glorificamus te !

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http://www.atjv.be/Viva

  

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administrateur théâtres

 « Qu’il eût été fade d’être heureux ! » Parlant du bonheur selon Marguerite Yourcenar, Jeand’Omerson  l’accueille en 1980 à l'Académie française avec ces mots :

...La conclusion aurait pu, tout aussi bien, être exprimée par Hadrien, par Zénon, par n’importe lequel, en vérité, de vos héroïnes ou de vos héros : « La seule horreur, c’est de ne pas servir. »

 

« Je m’appelle Marie : on m’appelle Madeleine » Son identité est dès le départ niée par les autres! Elle se sentira mise « à-part ». C’est un être « à-part » qui nous apprend à décliner le mot « aimer », son anagramme! Pas à pas on écoute les fracas de son coeur brisé. Pas à pas on la rejoint dans son désir d’élévation.  « Il ne m’a sauvée ni de la mort, ni des maux, ni du crime, car c’est par eux qu’on se sauve. Il m’a sauvée du bonheur. » 

 

 « Marie-Madeleine ou le Salut » est l’unique nouvelle de « Feux » qui ne repose pas sur un personnage issu de l’Antiquité classique mais sur un personnage biblique : Marie-Madeleine. Marguerite Yourcenar s’appuie sur  le mythe évoqué par Jacques de Voragine dans La Légende Dorée, selon laquelle Marie-Madeleine, habitante du village de Magdala sur la rive occidentale du lac de Tibériade,  était  appelée à devenir l’épouse de Jean. Ce récit de prose lyrique met en scène le désir brûlant que Marie-Madeleine éprouve pour Jean le jour de sa nuit de noces, sa déception lorsque Jean la quitte subitement avant l’aube pour rejoindre Jésus.  Le texte déploie la  passion ardente qui naît en elle,  à la rencontre du Christ. Le mariage n’avait pas été consommé, la jeune femme est considérée  comme une prostituée : « Les enfants du village découvrirent où j’étais ; on me jeta des pierres. » En traversant la douleur, elle dépasse le bonheur et accède à l’illumination.

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Extraordinaire... le texte en solo déchirant, et sa mise en mouvement! Fascinant!

Un spectacle où l’on palpe tout ce qu’on voit, et on touche ce qu’on entend.  Mis en scène  par  Monique Lenoble, le spectacle à la fois beau et bouleversant. Il se déroule comme une installation vivante qui se percherait mot à mot, sur un texte fabuleux. Marie-Madeleine, la jeune femme est sublime dans ses attentes, bouleversante dans ses déceptions, poignante dans son cheminement. Libre et assumée. Chacun de ses gestes est ciselé comme une cérémonie. Le décor est un antre de pierres nu,  magnifiquement exploité. On y retrouve le village, le banquet, la chambre nuptiale, l'arrestation de Jésus,  le pied de la Croix,  le  tombeau du Christ, la flamme de l’illumination après celle de la passion.

La musique – un faisceau d’harmonies et de vibrations comme le début d’un cantique, est un appel vers l’ouverture du cœur et vers l’élévation. Le texte se déploie en trois actes, soutenus par des jeux envoûtants de drapés très évocateurs. Il y a Marie, un peu espiègle et séductrice -  Marie-Madeleine, la courtisane - et enfin  Madeleine, l’amoureuse de Dieu.  Du tissu symbolique qui donne vie au feu de la passion. Chaque mouvement est empreint de noblesse, de délicatesse et d’authenticité.

La salle, hélas bien peu nombreuse se tait, interdite devant le mystère qui se joue.  La beauté inonde jusqu’aux murs  et plafond. On se trouve au cœur de la passion.  Le bouquet se compose d’érotisme brûlant. La symbolique chatoyante  de la chevelure et de l’offrande du corps font voyager du mystère féminin  à la spiritualité. L’intensité du regard de femme  guide les pas vers l’intelligence de cœur. Le texte finit parfois par se perdre dans un trop plein d’émotion murmurée, mais dans l’ensemble, la diction est  jeune, belle et rebelle, vierge de toute  affectation, tant elle vient du plus profond de l’être. Cette trinité de texte, de corps et d’art de la mise en scène se  savoure comme un vin rare et capiteux!  Enivrez-vous! Plus tard, rentré chez soi, on aimera se procurer le texte pour en revivre toute l'humanité. 

Si le feu brûlait ma maison, qu’emporterais-je ? J’aimerais emporter le feu...Jean Cocteau

http://www.theatrepoeme.be/programmation/marie-madeleine-ou-le-salut/

CYCLE MARGUERITE YOURCENAR
Création
Texte de Marguerite Yourcenar
Mise en scène et scénographie : Monique Lenoble
Avec Laetitia Chambon
Stylisme : Bouzouk
Vidéo : Marie Kasemierczak
À l'initiative de Michèle Goslar
Lumière et régie : l'équipe du Poème 2

Du 15 novembre au 3 décembre 2017
Les mercredi à 19h, les jeudi, vendredi et samedi à 20h et les dimanche à 16h

Réservations : reservation@theatrepoeme.be // 02 538 63 58

liens utiles: 

http://palimpsestes.fr/textes_philo/yourcenar/ormesson.html

https://perso.univ-lyon2.fr/~mollon/Feux/doc/PleinsFeux-MarieMadeleine.pdf

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administrateur théâtres

Un grand amour

Intérieur bourgeois  et sans éclat.  Un fauteuil presque Voltaire, une petite table de chevet ronde qui a perdu sa vitre, et dessus un verre à liqueur et une bouteille de spiritueux d’origine allemande.  Les motifs de la  tapisserie, faite de lourds feuillages de  jungle, se prolongent au sol. Au centre, l’oeil du monde: un immense miroir doré se penche vers les spectateurs et dans lequel ils se voient. C’est sans doute cela,  le plus important.  L’adresse du spectacle sera multiple : la comédienne à elle-même, la femme de l’histoire à sa conscience assassinée, cette même femme aux générations d’après, cette femme-comédienne et son double au public présent et à chacun en particulier. La salle est comble.

 C'était la première ce soir! La mise en scène de Jean-Claude Berutti est un chef d’œuvre. Splendide interprétation de Jeanine Godinas, qui creuse de façon poignante et imperturbable le fond des ténèbres, braque une lumière sans la moindre indulgence sur cette femme de... qui ne réussit pas à être femme à …part entière! Femme debout, qui aurait osé braver son mari et demander des comptes à la banalité du mal. Elle est au contraire, régulièrement abusée par les mensonges lénifiants du mari SS, commandant en chef des horreurs des camps d'extermination de Treblinka.

 Jeanine Godinas épouse donc  le destin de cette Madame Stangl pour en extirper l'horreur confondante. Elle balaye sans concessions et avec immense justesse les différentes étapes de la vie de cette femme de grand criminel de guerre qui prit délibérément - plutôt que viscéralement -  la passion amoureuse pour son époux, comme écran pour ne pas regarder la réalité en face! Fracassée par les doutes, elle se laisse néanmoins bercer d'illusions, malgré les preuves évidentes qu'elle récolte au fur et à mesure autour d'elle. On lui ment, elle se ment à elle-même et se trahit. Le grand amour qu’elle croit étreindre est voilé, fêlé par l’abominable vérité.  On est happé par la force des confidences, l'analyse minutieuse de la complexité des sentiments, la réalité des terribles vérités, et le charme charismatique de la belle personne et de la grande dame qui se trouve être comédienne! Une comédienne qui ne ment pas et que l’on regarde en vrai. Le je et son double. Une voix de chair et de femme, d’amour et de résignation lorsque le questionnement se meurt.   

« L’amour avait tenu la vérité, comme en suspens ! » Theresa Stangl réalise qu’il n’y a pas de cloison entre le travail aux « constructions dans le camp d’extermination  et les mises à mort. Et elle réalise que son grand amour lui a servi de cloison entre l’horreur du mal et son confort de mère de trois enfants. Tellement humain et tellement lâche à la fois ! Elle saisit fébrilement toute occasion de disculper celui qu’elle aime, même si au fond de son corps, la honte l’envahit, car le corps sait. Ses pensées s’enlisent dans le magma des mensonges.

Grâce à un passeport du Vatican, un des  monstres responsables du génocide retrouvera sa famille en Syrie, puis s’installera au Brésil. Une terre où l’on ne parle pas de Sobibor ou de Treblinka. La femme se souviendra avec fierté de sa belle maison, des terrasses du confort… Et ne posera plus de questions.

Nicole Malinconi, l’auteur du  récit, insiste : « Pourquoi n’a-t-elle pas menacé de quitter son mari s’il ne quittait pas Treblinka ? « … si vous l’aviez acculé ? » Theresa se souvient des juvéniles rafales de questions qu’elle ne pouvait s’empêcher de formuler et  que son mari, possédé par Treblinka,  rejetait,  tantôt avec violence, tantôt avec douceur menteuse. Mais elle ne lui a jamais tenu tête ! Le confronter, aurait tué son «amour», …son seul viatique, son unique lumière.  Un amour voilé, fêlé, frelaté, obscurantiste auquel manquait le courage, et qui, dissimulant l’innommable, n'est même plus de l'amour.  « La vérité est une chose trop terrible pour que l’on puisse vivre avec elle». Et le reste… est questions. On n'en n'a pas fini! 

Lire plus: 

https://www.babelio.com/livres/Sereny-Au-fond-des-tenebres/438136

https://www.babelio.com/livres/Malinconi-Un-grand-amour/707474

http://docsapp.cccommunication.biz/users/134175/docs/un_grand_amour_dossier_diff_040517.pdf

http://www.rideaudebruxelles.be/les-tournees/3-programmation/682-un-grand-amour

https://vimeo.com/239447762

https://www.facebook.com/demandezleprogramme.be/posts/1612827142098015

https://artsrtlettres.ning.com/events/un-grand-amour-1?rsvpConfirm=1

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du  26 octobre 2017 (à 20:15) au 19 novembre 2017 
Emplacement : Rideau de Bruxelles @ Théâtre des Martyrs
Rue : Place des Martyrs, 22
Ville : 1000 Bruxelles
Site Web ou carte : http://www.rideaudebruxelles.…
Numéro de téléphone : 02 737 16 01

Organisé par : Théâtre le Rideau de Bruxelles

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administrateur théâtres

A CHRISTMAS CAROL “I HAVE endeavoured in this Ghostly little book, to raise the Ghost of an Idea, which shall not put my readers out of humour with themselves, with each other, with the season, or with me. May it haunt their houses pleasantly, and no one wish to lay it.” Their faithful Friend and Servant, C. D. December, 1843.

 On traduit?
…Je me suis efforcé dans ce petit livre bourré de fantômes, d'élever le fantôme d'une idée, qui ne devra surtout pas mettre mes lecteurs de fâcheuse humeur vis-à-vis d’eux-mêmes ou des autres,  ni les induire à maudire l’esprit festif de Noël, ou à me détester moi, l’auteur.  Puisse cette lecture  hanter avec bienveillance leurs demeures, et que personne ne veuille lâcher le texte sans en avoir consommé l’esprit.  Votre fidèle ami et serviteur, Charles Dickens, décembre 1843.

Fidèle ami des grandes causes humaines, Thierry Debroux  a fait de ce court récit souvent abordé dans le secondaire  par la lecture en anglais simplifié, une splendide amplification poétique où pointe sans cesse une joyeuse  ironie. On peut presque parler d’une  – comédie musicale  – qui a mis la salle entière debout, dès la première.  Celle-ci applaudissait avec frénésie une troupe d’acteurs éblouis,  rappelés dix fois, une troupe chargée d’anima, et que l’on aurait bien  cru voir  sortir tout droit de l’Opéra de quat’sous! Coaching vocal : Daphné D'HEUR.

L’équipe est  irrésistiblement entraînante et sûrement  inoubliable :  autour de  Guy PION, il y a Gauthier JANSEN, Béatrix FERAUGE,  Claude SEMAL, Nicolas OSSOWSKI, Fabian FINKELS,  Anthony MOLINA-DIAZ, Sacha FRITSCHKÉ, Julie DIEU, Pénélope GUIMAS, Jeanne DELSARTE. Avec sur les planches, des enfants, lumière de l’avenir. En alternance Léon DECKERS ou Ethan VERHEYDEN; Maxime CLAEYS, Andrei COSTA ou Jérémy MEKKAOUI; Laura AVARELLO, Ava DEBROUX ou Lucie MERTENS; Laetitia JOUS, Clara PEETERS ou Babette VERBEEK. Un défilé de bonne humeur et d’espoir, une tornade de talents créatifs, cadeaux de la maison, le théâtre Royal du Parc!

C’est donc l’histoire d’un rebirth sous la neige. « Le Noël de Monsieur Scrooge » met en scène le processus de transformation d’un cœur abominablement sec et coriace, indifférent à autrui, passionné d’argent,  en une âme généreuse et enfin repentante et heureuse qui renoue avec la vie. Le pardon, dit-on dans les chaumières,  est la clé du bonheur d’ici-bas ...et de l’au-delà, pour ceux que cela intéresse! Il suffit peut-être, comme le dit la chanson de la finale, … d’écouter le vent! « The answer is in the wind…»  Un certain vent dont on ne sait  ni d’où il vient ni où il va…! Le mendiant du début - un craquant  personnage vautré au début du spectacle  dans le fauteuil de l’écrivain - invite les cœurs à se lâcher et  garantit que « les contes de fée sont faits pour apprendre que l’on peut vaincre les monstres!» C’est un jeune Garou, au charme éblouissant qui chante à la lune : Fabian FINKELS.  

Dans ce conte de Noël, le ciel est toujours présent : le décor est sous coupole céleste. La ligne du ciel évoque St Paul’s Cathedral ou Big Ben, les infâmes cheminées crachant fumée de charbon quand la misère  réussit à  se chauffer! Tombe la neige, même s’il y a du smog, façon purée de pois. Mais la déco de la fête tant attendue est là.  Les bougies  brillent aux  fenêtres des maisons bourgeoises et des antiques magasins « so British »:  TAILOR, FURNITURE, BAKERY, CANDLES…  Hélas,  le terrible temple du négoce de l’argent, la $CROOGE COMPANY, à droite du plateau, rassemble tout ce qu’il y a de plus Anti-Christmas Spirit. Vous connaissez sûrement des adeptes! Le maître des lieux c’est l’Avare, Richard III, Méphisto,  and last but not least : Scrooge.  Car le  comédien génial qui est derrière ce sinistre personnage hautement toxique, c’est  le très estimé Guy PION, toujours aussi magnétique  dans ses maléfices. Par dérision, son nom est prononcé  "Scroutch" par les esprits farceurs (Claude SEMAL).

Time is money ! Mais voilà le temps  aboli… En attendant que ce soit l’argent ? On peut toujours rêver!  Quoi qu’il en soit,  la mise en scène est fort habile. Sous forme de doubles des différents âges du triste sire, elle ravit par sa fraîcheur et sa subtilité. Cadeau de l’inventivité fantastique et rythmée de Patrice MINCKE.  Le temps est aboli… Magie théâtrale ou nuit magique ? L’an 2017 vient jusqu’à narguer un Scrooge totalement abasourdi! Ou bien est-ce nous-mêmes, que Dickens vient narguer? Magie du texte! 

Mise en scène illustrative. Des gosses misérables battent le pavé. L’époque est douloureuse, le pain est rare, la maladie  fait des ravages. Les cimetières regorgent de morts prématurées.  Mais le décor n’en reste pas là ! Le savoir-faire légendaire  de Ronald BEURMS une fois de plus fait voyager le spectateur de la cave au grenier, dans les airs et par-dessus les toits. …Dans les cœurs aussi ,  du plus noir: celui  bouclé entre les murs de ses coffres-forts (Guy PION)  …au plus tendre: celui d'une étoile entre deux tresses blondes (Ava DEBROUX, 7 ans). Dès sept ans, le désespoir peut certes résonner dans les consciences!

La scénographie acrobatique trace les contours de l’histoire faite d’une série d’apparitions d’esprits chargés de remettre le Drôle dans le droit chemin. Suspense garanti, on croit qu’à chaque étape qu’il a enfin compris… Eh non, c’est raté ! Quelle  patience il a, cet « esprit de Noël » qui a tout d’un «Père Noël » (Claude SEMAL) y compris les rennes, …particuliers, il faut en convenir, mais très convaincants!

A grands renforts de chansons de gueux, de fables et fantasmes, l’action progresse et réchauffe les cœurs. Qui oserait  grincer à la fin du spectacle, le sourire pincé et le verre à la main « Oui... ! C’est …gentil ! » ? Non! C’est tout simplement merveilleux, tant l’énergie des créateurs est présente, touchante, palpitante même, tant l’humanité se découvre avec audace, sans craindre les esprits blasés qui n’auront  de toutes façons rien compris. Chapeau !  Et puis il y a tous ceux et celles qui, comme Scrooge, auront secoué leur manteau d’indifférence, balancé  leurs aprioris dévastateurs, quitté  l’ivoire de leur confort et rejoint le cœur ré-enchanté , la liesse du renouveau d’humanité et son formidable potentiel. Voilà un anniversaire que  le monde se doit de fêter,  au risque de mourir …à minuit  sonnant!  Mieux vaut naître non? 

http://www.theatreduparc.be/Agenda/evenement/62/49.html

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                             Anne-Frank-4_visu.jpgMiep Gies-Santrouschitz, née le 15 février 1909 à Vienne et morte le 11 janvier 2010 à Hoorn aux Pays-Bas à l'âge de 100 ans, est néerlandaise et  cache Anne Frank et sa famille des nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Par miracle elle ne sera jamais arrêtée. A la suite d'une délation dont l'auteur ne sera jamais identifié, la famille entière est arrêtée le 4 août 1944. Elle essaye vainement d’empêcher leur déportation. Miep trouve le journal intime d’Anne Frank dans la cachette et le conserve sans le lire dans un tiroir, en attendant son retour, puisque la guerre était enfin finie ! Hélas,  elle apprend le décès de l'adolescente et de sa sœur en février 45 dans le camp de concentration de Bergen-Belsen et confie alors tous les documents relatifs au Journal à Otto Frank, le père d’Anne qui fait publier le livre en 1947.  Miep est reconnue Juste parmi les nations et  a reçu la médaille de Yad Vashem.

 

La pièce (The 1956 Pulitzer Prize Winner in Drama) écrite par le couple d’écrivains américains Frances Goodrich et Albert Hackett commence par l’évocation insupportable d’Otto Frank, survivant d’Auschwitz libéré par les Russes le 27 janvier 1945, qui pénètre dans l’Annexe, lieu évident de pèlerinage. Il est le seul survivant des 8 clandestins réfugiés dans l’ "Achterhuis" située au 263 Prinsengracht à Amsterdam, siège de  la société Opekta. Il est de retour dans ces lieux où ils ont vécu cachés, avec sa femme, ses deux filles Margot et Anne, pendant deux ans sans pouvoir jamais sortir,  jusqu’à leur arrestation le 4 août 44 et leur déportation en Allemagne le 3 septembre vers Auschwitz, par le dernier convoi en partance de Westerbork. 

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Il  découvre le journal de sa fille, de retour aux Pays Bas le 3 juin 45. Dans le premier acte, on revit leur installation, leur difficile mode de vie avec une autre famille -  la famille Van Daan (La famille van Pels) - qu’ils ont eux-mêmes accueillie et un autre juif - le dentiste Dussel (Fritz Pfeffer) -  fuyant lui aussi la Gestapo.   Anne confie à son journal sa vie quotidienne de recluse auprès de ses compagnons d'infortune, ses craintes, ses espoirs et ses rêves d'adolescente… Des extraits du journal intime d'Anne Frank sont soit  joués par la comédienne, soit lus en voix off, entre les différentes scènes de vie quotidienne où le fin mot est la préservation de la dignité humaine.  La figure paternelle d’Otto Frank est admirable. Il installe des règles de vie qui doivent servir de rempart aux peurs paniques, aux affres de la faim, à la folie de l’enfermement et aux diverses jalousies. Anne Frank éprouve une réelle vénération pour son père. « Papa a raison, nous avons beaucoup de chance ! »  Le deuxième acte est envahi par … l’amour naissant d’Anna  pour Peter, le fils des Van Daan. D’enfant turbulente qu’elle était, la jeune fille est heureuse de se sentir transformée en femme. Elle croit fermement que le monde, lui aussi se transformera... 

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La distribution calque parfaitement les personnages. Avec Sophie Delacolette une Miep éblouissante d’espoir et de solidarité. Anne-Claire pour Edith, la mère d’Anne, inquiète, maladroite dans ses sentiments maternels, exclusive et guindée. Catherine Claeys, une madame Van Daan, pathétique dans son besoin de paraître et son insupportable mari, Michel Poncelet, admirable dans sa veulerie. Margot, une soeur de rêve sous les traits gracieux de Laura Fautré. …Peter Vandaan, adolescent contrariant, timide et timoré, admirablement campé par Gaspar Rozenwijn. Les rôles semblent faits sur mesure! Aussi pour Marc De Roy qui incarne Monsieur Dussel. Il reste l’héroïne, et son fabuleux père: Bruno Georis.  Dégotée par les soins de Fabrice Gardin : Juliette Manneback, dont on ne pense que du bien.  Elle passionne l’auditoire, infuse sa gaieté juvénile, ses colères, ses indocilités, son bonheur d'écrire, son amour de la nature, elle qui vit enfermée,  ses passions et un incomparable esprit de résilience et de foi en la vie alors qu’elle se trouve, comme tous ces clandestins,  au seuil d’une mort programmée. Elle incarne en continu un poignant message d’humanité devant une société qui trop souvent, détourne le regard. 

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Fabrice Gardin tourne notre attention vers les nouveaux rescapés de guerres qui ne cessent de sévir au 21e siècle, tout à côté de notre confort occidental. Il est indispensable de "Rappeler de temps en temps l’Histoire ne fait pas de mal quand on voit l’intolérance et la haine qui habitent notre monde".  Le metteur en scène monte cette pièce à la fois pour ressusciter le souvenir de cette adolescente lumineuse qui traversa la profondeur des ténèbres et peut être considérée comme un modèle planétaire d’humanité, de tolérance et d’espoir. La production sur scène au théâtre des Galeries  correspond à l'anniversaire des 70 ans de la publication du Journal d'Anne Frank, aux 75 ans des premières lignes tracées à l'âge 13 ans par la jeune fille dans son journal, offert par son père pour son anniversaire, le 12 juin 42. Un journal que tout d’un coup, on a envie de relire ou de faire lire,  grâce à la pièce.

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Quelques temps avant son  arrestation Anne Frank avait eu l’immense joie de savoir qu’elle serait publiée ayant appris par la radio libre néerlandaise de Londres que le gouvernement hollandais en exil promettait d’éditer les mémoires et souvenirs des rescapés de  guerre. Un rêve d’adolescente qui lui, ne sera heureusement jamais assassiné!

Photos : Martin Gallone / www.martingallone.be

http://www.trg.be/saison-2017-2018/le-journal-d-anne-frank/en-quelques-lignes__7908

   

Du 18 octobre au 19 novembre 2017 au Théâtre Royal des Galeries
Galerie du Roi, 32 1000 Bruxelles  Contact  http://www.trg.be 
infos@trg.be 
02-512.04.07   

 

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administrateur théâtres

« Norma » est à l’affiche à L’opéra de Liège. Tous deux, Vincenzo Bellini et John Keats, le poète romantique anglais,  sont morts  très  jeunes, et c’est comme si leur âme flottait encore sur le temps suspendu qu’ils ont su reproduire dans leurs compositions, qui, musicale, et  qui poétique. Ou peut-être les deux ?  “A thing of beauty is a Joy for ever !”

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A entendre ce magnifique opéra de Bellini interprété de façon aussi sublime le jour de la première à Liège, on ne pouvait que se laisser  porter sur les chemins de la beauté musicale et en être atteint en plein cœur. En effet il semble que la musique  de Bellini,  transposée avec autant d’authenticité par Massimo Zanetti à  la direction d’orchestre et par Pierre Iodice à celle des chœurs, a  fait renaître toute l’énergie du  compositeur, lui  conférant  un souffle d’éternité. Mais sans les interprètes, un magnifique casting de six solistes talentueux,  point de forêt mystérieuse, point de rochers bleus veinés d’or, point d’autel, de  sacrifices druidiques, point de brasier justicier, ni de mythe, ni de lune apaisante et élégiaque, ou de faucille d'or en forme de croissant ! L’accent n’est pas mis sur la confrontation de valeurs religieuses, ni  les choix politiques ou la liberté des peuples, c’est  ici l’affrontement intime des passions humaines qui fascine.  

La tragédie se déroule en Gaule transalpine lors de l’occupation romaine. Norma, La prêtresse d’Irminsul, le pilier du ciel, est écartelée entre son devoir sacerdotal, son statut d’épouse répudiée, et ses devoirs de mère clandestine. L’amour divin, l’amour humain et l’amour maternel se vouent une bataille sanglante.  La mise en scène prend l’envergure fantastique  d’une cosmogonie, elle est  signée Davide Garattini Raimondi. Deux puissances en présence: le divin et et le temporel qui s'affrontent.  La montagne  « barbare » d'une part et creusé dans son flanc, un immense bas-relief ouvragé  inspiré d’un sarcophage romain (IIIe siècle ap.JC) : le Sarcofago Grande Ludovisi de Rome, qui témoigne des batailles entre  Romains et  Barbares.  

 Rendons donc hommage à la distribution, vivante, homogène, généreuse dont l’engagement dramatique est prodigieux mais sans emphase. Patrizia Ciofi (Norma)*Gregory Kunde (Pollione)Josè Maria Lo Monaco (Adalgisa),  Andrea Concetti (Oroveso)Zeno Popescu (Flavio), Réjane Soldano (Clotilde) font vibrer puissamment la forêttragique  des sentiments. On est devant une  source inépuisable d’émotions d’une fluidité continue, évitant les effets spectaculaires et  serrant au plus près la recherche de  vérité essentielle. Appréhendant quelque peu la virtuosité acrobatique de l’œuvre, que l'on se plait à dire meurtrière pour les  solistes qui s'essaient au rôle titre, nous nous sommes juste trouvés dans  le champ de la séduction et face à un équilibre absolu des voix, des décors et des costumes intemporels étincelants (Giada Masi). A de nombreux endroits, la volupté de l’écoute arrête le temps qui ne passe pas! Dans la fosse, les musiciens expriment  l’empathie pour notre condition humaine et développent fidèlement  la tension dramatique sous la main expressive et fougueuse du chef d’orchestre qui geste tout cela! Car rien n’est figé.  En parallèle,  la chorégraphie soigneuse de  multiples ballets dansés (guerriers romains, prêtresses, druides), confère  au décor, de vivantes palpitations, déchirantes d’humanité. Le silence  des corps en mouvement est d’une grande éloquence pour dénoncer la torture des sentiments et les violences avérées qui peuplent l’histoire des hommes! … Sous la direction de Barbara Palumbo. Aux lumières : Paolo Vitale.   

Néanmoins, ce que l’on retient surtout de cette représentation foisonnante et  subtile, ce sont les prestations exceptionnelles de Patrizia Ciofi, dans le rôle-titre mythique  immortalisé autrefois par Maria Callas, Leyla Gencer, Joan Sutherland, Montserrat Caballé…

Norma, immense prêtresse vénérée et femme secrètement amoureuse, déchirée par la traîtrise de celui qu’elle aime, se montre divine en vestale, jeune femme planante, aérienne, souple, envahie d’amour dans sa bouleversante intimité!  Elle se montre délicieusement complice  avec sa  jeune consœur spirituelle, Aldagisa. On surprend des affectueux élans vers ses enfants, mais elle reste torturée par le besoin de vengeance, puis de rédemption. Elle se hérisse d’attaques, passe par la douceur et la virtuosité, se fait puissance et agilité. La longueur de souffle semble inépuisable, le défi vocal de la partition semble toujours gagné avec de belles lignes pures de vocalises et surtout, le rôle est habité comme jamais!

L’auditoire ne peut se retenir d’applaudir et d’acclamer fougueusement l'émouvant duo féminin  « Sì, fino all'ore estreme!... » de Norma et Aldagisa (Josè Maria Lo Monaco) la jeune prêtresse dont s’est épris le présomptueux romain. Confondant de superbe et de suffisance, la voix chaude du ténor extraverti Gregory Kunde clame: « Je suis protégé par un puissant pouvoir - celui de l’amour qui enflamme tout mon être - je jure d’abattre cet autel d’infamie! ». Le timbre délicat d’Adalgisa  respire la séduction et la tendresse pure et innocente et on éprouve ce « bonheur irradiant » dont Stendhal parle à l’écoute de Rossini et de Cimarosa.

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 Quant à  la diction impeccable et la  voix cuivrée et solaire du ténor  qui joue de bonne grâce la lourdeur de l’envahisseur romain, elles sont remarquablement adaptées à l’œuvre bellinienne. Mystère de la musique? Duos et trios finiront par effacer les contours de l'imposant décor, pour ne garder que le temps suspendu!   

 

*Silvia Dalla Benetta (Norma 04/11/17)

 

Du jeudi, 19/10/2017 au samedi, 04/11/2017

 

http://www.operaliege.be/fr/activites/norma

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administrateur théâtres

Opéra en 4 actes
Livret de Ruggero Leoncavallo, Marco Praga, Domenico Oliva, Giulio Ricordi, Luigi Illica et Giuseppe Giacosa
Créé à Turin en février 1893

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Le célèbre roman  de l’Abbé Prévost : Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut (1731),    se trouve incarné  en opéra  par  Daniel-François-Esprit Auber en 1856 et  par Jules Massenet , le « maestro colossale » selon les dires de Puccini, en 1884. Puccini quant à lui,   « all'italiana, con passione disperata » en 1893, abandonne  la jeune fille innocente et frivole  du XVIIIe siècle pour  ressusciter le destin d’une  femme sensuelle de son temps habitée par une folle énergie. Elle recherche passionnément les plaisirs de la vie, écartelée entre les attraits inconciliables du luxe et la vérité du désir amoureux. Devant la mort inéluctable, elle refuse de mourir: « No, non voglio morire ! »

Clair de lune au crépuscule. Les couleurs du premier acte sont celles du  Bal du Moulin de la Galette à Montmartre, peint en 1876 par Auguste Renoir. Une palette de bleus lumineux, de verts acides mêlés de glauques et de  violets intenses, les couleurs du spleen.   L’atmosphère est  bruissante, on joue aux  tables de bistrot au pied  de l’auberge d’Amiens. L’arrière-plan du plateau diffus tient de l’impressionnisme.  Une  foule animée, les femmes en robes à crinoline constitue des chœurs exubérants dans leur ode retentissante à la jeunesse et à l’espoir.   Tragédie ou comédie ? Quelle blague! La puissante soprano Anna Pirozzi  & le ténor sicilien Marcello Giordani, forment un  couple central intense et passionné, très bien accordé dans la voix et le jeu. Le timbre noble et chaleureux de l’un répond au diapason des émotions  à vif de l’autre.  

Le chevalier Des Grieux (Marcello Giordani) tombé amoureux de  l’ardente Manon (Anna Pirozzi) à sa descente de calèche,  revit  son rêve caressant  et son coup de foudre passionné :        Donna non vidi mai simile a questa!

        A dirle: io t'amo,

        tutta si desta -- l'anima.                                                    

        Manon Lescaut mi chiamo!

        Come queste parole                                            

        mi vagan nello spirto

        e ascose fibre vanno a carezzare.

        O susurro gentil, deh! non cessare!...  

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 Mais dès cet instant,  Des Grieux signe sa perte.  De son côté, Géronte, - au nom plus qu’évocateur - Fermier-Général de la Province de son état, séducteur caduc, conspire avec Lescaut (Ionut Pascu), le frère très vénal de la belle-promise-au-couvent. Le vieux barbon  se délecte à l’idée d’enlever sa proie et de l’installer à Paris dans un cadre princier. Impeccable prestation de Marcel Vanaud.

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 Grande ellipse narrative. Si Manon s’est enfuie avec Des Grieux à Paris, elle l’a très vite trahi  pour se retrouver dans l’écrin de  la richesse. Les décors somptuaires sont  de Jean-Louis Lecat. Au centre du plateau, trône un superbe escalier d’honneur. Manon  a franchi d’un coup toute l’échelle sociale.   La voilà à sa toilette,  face au miroir de la foule, adulée et caracolant effrontément sur  l’orchestration ferme, gracieuse et brillante de Speranza Scapucci. Laquais, femmes de chambre et perruquier, sont empressés. Son frère, Lescaut  se vante «  c’est grâce à moi que tu as échappé à l’étudiant ! ». Mais au milieu de ses dentelles, Manon livre son cœur déchiré : in quelle trine morbide...                              

       nell' alcova dorata v'è un silenzio..                           

        un freddo che m'agghiaccia!..

        Ed io che m'ero avvezza

        a una carezza

        voluttuosa                                                      

        di labbra ardenti e d'infuocate braccia...

        or ho... tutt' altra cosa!                   

                O mia dimora umile,

                tu mi ritorni innanzi

                gaia, isolata, bianca                                   

                come un sogno gentile

                e di pace e d'amor! 

Manon  s’étiole devant les madrigaux commandés par Géronte. Le chant de pastoureaux libres et heureux la rend nostalgique!   Les secrets du menuet la font enrager au bras du vieux barbon qui l’a couverte d’or ! On attend avec impatience  le magnifique duo avec son amant très en colère  qui débarquera miraculeusement. Dunque non m'ami più?

            Mi amavi tanto!

            Oh, i lunghi baci!  Oh, il lungo incanto!

            La dolce amica d'un tempo aspetta

            la tua vendetta...                                         

            Oh, non guardarmi così: non era

            la tua pupilla

            tanto severa! 

 Manon implore son pardon, l’amour fait le reste.  La chef d’orchestre divine,Speranza Scapucci, dont c’est la première apparition  comme chef principal attitrée de l'ORW-Liège, pour la saison 2017-2018 est une  fabuleuse créatrice d'atmosphères. Elle enlace son orchestre  dans  d'intrépides  étreintes musicales qui deviennent ivresses  de sentiment. Sa baguette passionnée tresse les émotions, prenant  le ciel et les astres à témoin. Les amants tragiques se sont rejoints au pied des fauteuils de l’élégant salon. Point culminant intense de la rencontre amoureuse… balayée par l’arrivée du vieillard en colère : « C’est là vote remerciement ? » L’orchestre traduit les battements de cœur de la femme prise au piège. Des Grieux la  conjure  de fuir avec lui… Mais Manon est décidément incorrigible. Elle est  éblouie par les mirages du luxe largement amplifiés par  les  cuivres brûlants de l’orchestre. Elle perd du temps, caresse langoureusement les meubles précieux, part à la recherche des bijoux qu’elle veut emporter ! Des Grieux est sombre : «  quel avenir obscur feras-tu de moi ? »  « N’emporte que ton cœur!» supplie-t-il !

Après l’arrestation des amants  à la fin du deuxième acte, place  à un splendide intermezzo pendant lequel on lit dans les pensées de Des Grieux : « C’est que le l’aime avec une passion si violente qu’elle me rend le plus infortuné des homes J’ai tout employé, à Paris pour obtenir sa liberté : sollicitations adresse, force m’ont été inutiles. J’ai pris le parti de la suivre, dût-elle aller jusqu’au bout du monde ! » Une citation du texte de l’Abbé Prévost.   Les cordes font vibrer le désespoir. Le violoncelle soliste  dialogue avec l’alto soliste, puis le violon solo avant l’entrée de tout l’orchestre qui répand des vagues successives d’angoisse. Crescendo puissant et inéluctable…pour annoncer le mélodrame final. Speranza Scapucci reçoit des applaudissements très largement mérités.  Au troisième acte, nous sommes au Havre.  Le jour se lève sur le quai où seront amenées les femmes de mauvaise vie en partance pour L’Amérique, terre de bannissement. Le mélange insolite de paquebot à vapeur et de bateau à roues à aubes… suscite l’admiration du public. Le traitement des malheureuses femmes que l’on fait monter à bord remplit d’effroi! C’est l’appel : Rosetta! Manon! Ninetta! Regina! Violetta! Toutes malmenées et méprisées. La foule de badauds  est contenue par la police. Magnifique réglage scénique.  L’orchestre polit les affres de douleur de Manon, prisonnière derrière une grille ; l’amour est son crime ! La passion  des amants  et les envolées lyriques sont à leur comble.

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Des Grieux  bouleverse la foule assemblée et le public par sa décision de suivre Manon en exil. Le quatrième acte est une vallée de larmes partagée par le couple maudit, dévoré par la soif au milieu du désert qu’ils doivent traverser pour rejoindre la colonie anglaise. Ils sont exténués et impuissants. Manon, malgré la fièvre et l’épuisement, reste forte, comme en témoigne sa voix ! Sola... perduta... abbandonata!.. Sola!..                       

        Tutto dunque è finito. E nel profondo

        deserto io cado, io la deserta donna!

        Terra di pace mi sembrava questa...

        Ahi! mia beltà funesta,                                          

        ire novelle accende...

        Da lui strappar mi si voleva; or tutto

        il mio passato orribile risorge

        e vivo innanzi al guardo mio si posa.

        Di sangue ei s'è macchiato...                                    

        A nova fuga spinta

        e d'amarezze e di paura cinta

        asil di pace ora la tomba invoco...

        No... non voglio morire... amore... aita! 

 Mais le désert brûlant engloutira une à une, ses  fiévreuses paroles  d’adieu à la vie... « Sur mes fautes l’oubli s’étendra, mais l’amour vivra ! » sont  les  dernières paroles de Manon, sur lesquelles Des Grieux finit par rendre l’âme.   

 

La direction habile des chœurs très mobiles  est confiée à Pierre Iodice.   Les superbes éclairages de  Franco Mari font vibrer les émotions, les costumes  de Fernand Ruiz déploient richesse et imagination tandis que la  soigneuse mise en scène de Stefano Mazzoni Di Pralfera est loin de décevoir. Au deuxième acte, comme dans une maison de poupée, les différents plans offrent l’illusion de caméras qui pénètre dans plusieurs décors à la fois. Mais par-dessus tout, on gardera en mémoire  ces deux mains qui se cherchent, l’une à bord du navire, l’autre sur le quai…. 

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Speranza Scappucci dirige l'Orchestre et les Choeurs de l'Opéra Royal de Wallonie-Liège. 

MISE EN SCÈNE : Stefano Mazzonis di Pralafera

CHEF DES CHŒURS : Pierre Iodice

ARTISTES : Anna PirozziMarcello GiordaniIonut PascuMarcel VanaudMarco CiaponiAlexise YernaPatrick DelcourPietro Picone

NOMBRE DE REPRÉSENTATIONS : 5 DATES : Du mardi, 19/09/2017 au samedi, 30/09/2017

Infos & Réservations http://bit.ly/2xUkMY3    

Jeudi, 28/09/2017

L'Opéra Royal de Wallonie, en association avec la société de production Jim et Jules, la RTBF et France Télévisions, propose une diffusion en direct sur Culturebox, l'offre numérique dédiée à la culture de France Télévisions, sur medici.tv et sur le site de la RTBF de l'opéra de Puccini. http://culturebox.francetvinfo.fr/

           

 

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administrateur théâtres

Des vocalises qui tombent du ciel !

« Callas, il était une voix » a été créé​ le 19 septembre 2017 à Louvain-la-Neuve, au théâtre le Blocry,  en  première de saison.   Dépouillée, enjouée, virevoltante et dramatique, la mise en scène créative et fantomatique très habile est signée Patrick Brüll. On attendait l’entrée de la diva par le miroir, elle a choisi la fenêtre ! L’apparition du spectre de Maria Callas gêne aussi peu que les fantômes dont Georges Brassens était amoureux, tant la comédienne est belle et son jeu d’actrice fascinant!

01-callas1w.jpg?width=180C'était tremblant, c'était troublant,
C'était vêtu d'un drap tout blanc,
Ça présentait tous les symptômes,
Tous les dehors de la vision,
Les faux airs de l'apparition,
En un mot, c'était un fantôme !

 Maria Callas  disparaît à 53 ans le 16 septembre 1977,  il  y a tout juste quarante an. Figure de proue dans l’histoire de  l'interprétation musicale, elle l’a bouleversée et est devenue une légende!

Quelle alliance artistique ! Dramaturge, romancier, scénariste, Jean-François Viot s’en empare et propose une écriture théâtrale construite comme une tragédie grecque à laquelle il ne  manquerait  que les chœurs ! « L’impuissance d’un personnage qui plie devant la force implacable du destin. Le premier acte où on apprend qui il est. Le second, où tout se passe bien encore mais où arrive le petit grain de sable qui va détraquer la machine. Le troisième, où il pense qu’il va s’en sortir. Et puis la suite, quand tout s’effondre. » …C’est tout Maria Callas, volontaire et fragile, émouvante et indisciplinée! Et pourtant, sur le plateau, dans ce deux-en-scène, que de bienveillance partagée, quel sens aigu de l’humour!

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 Bouche rouge, l’impératrice en noir et blanc, ombre et lumière, soufflante d’élégance, sertie dans une  courte robe  Dior, joli collier de perles trois rangs, coiffure en chignon superbement lissé qui n’aurait rien à envier à Evita, se confie et  savoure ses derniers frissons d’entre-deux  vies  avec le journaliste, François Grenier. L’occasion de laisser un testament en chair et en os? Décidément, Brassens ! Quelle époque, ce 20e siècle, écrin de tous les rêves  les plus fous après les misères du plus jamais ça !  Va-t-elle instiller, à la vue de ses bras si gracieux faits de chair de pomme,  un souffle  nouveau d’enthousiasme romantique au jeune journaliste du 21e siècle  en lui offrant ses hurlements de plaisir et les dernières gorgées de ses profondes  émotions?

La dame évoque l’arrachement à la terre natale, ses féroces combats dès l’enfance, l’amour de son père,  le rêve américain,  sa pugnacité devant  les échecs répétés, l’immortelle tragédie grecque qu’elle transporte dans ses veines,  et sa conquête de la voie royale!   La voix module les souvenirs, se passionne pour les grands airs d’opéra, vocalise l’émotion, susurre ses rêves les plus fous: le déluge de frissons. Le chant résume le tout!  Elle captive un public bouleversé : «  Tout cela pour obtenir si peu ? Une poussière de rien, niente ! » C’est Anne Renouprez avec ses yeux d’icône orientale, dans toute sa splendeur lyrique et théâtrale.

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Le jeune journaliste trentenaire qui l’interview dans son studio tombé du ciel, c’est  Alain Eloy, qui, sans le moindre changement de costumes, par la simple magie théâtrale de la voix et des postures,  explose à la façon d’un prestidigitateur, la mosaïque de personnages imaginés qui fusent et s’évanouissent comme des bulles de champagne! La confidence et la complicité se font si vives, que la diva devient le maître du jeu, question de lui faire entrevoir le bien-fondé de l’amour vécu qui rend si vain  l’affolant déluge des frissons…

crédit photos Gael Maleux

AuteurJean-François Viot-Dramaturgie Patrick Brüll, Catherine L'Hoost-Mise en scène Patrick Brüll-AvecAlain Eloy, Anne Renouprez-Lumières Laurent Kaye-Son Eric Degauquier-Coiffures et maquillages Sara Oul-Régie son et lumières Eric Degauquier-Habilleuse Emmanuelle Froidebise-Construction décor Jean-Philippe Hardy, Manu Maffei-Direction technique Jacques Magrofuoco-Assistante à la mise en scèneDaphné Liegeois-Stagiaire Aurélie Swiri-Remerciements Sébastien Fernandez, Claude-Pascal Perna (conseils et documentations), Saïd Belbecir (prêt accessoires vintages), Giuseppe Talamo (ténor), Fabian Jardon (pianiste), Liliane Breuer (couturière), L' Alliange à Durbuy (accueil et logement stage préparatoire)

Une production de l’Atelier Théâtre Jean Vilar et de DC&J Création. 

http://www.atjv.be/

 

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Sans l’ombre d’une hésitation  Arts et Lettres accorde 5 étoiles à ce fabuleux Hamlet absolument frénétique et échevelé, dont la mise en scène est signée par  un  maître de la flamboyance théâtrale, Thierry Debroux.  Celui-ci  gagne haut la plume son pari d’ouvrir au plus grand nombre, la voie royale  des chefs-d’œuvre immortels. Chacun, chacune peut se laisser traverser à loisirs par le génie de ses mise-en scène qui révèlent le texte sous des éclairages résolument modernes et novateurs sans pour autant trahir la pensée de l’auteur. Mélange habile : le texte de Shakespeare, dont Thierry Debroux a chassé les archaïsmes pour ne pas effrayer les plus jeunes, est épicé de bribes de conversation domestique et  permet à qui n’a jamais mis les pieds au théâtre de goûter chaque mot prononcé sur scène, d’apprécier les problématiques et de se laisser gagner par la magie  de l’œuvre.  Le découpage de la pièce va à l’essentiel et  met en lumière les personnages fondateurs du drame.

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12273246301?profile=originalInnovation renversante : Hamlet, le plus grand des Danois est devenu russe ! Le cadre choisi est un glissement d’époque qui conduit à la nôtre.  Elseneur flirte avec Saint-Pétersbourg, le couple royal shakespearienne flirte avec les Romanov… ou les dictatures ultra-modernes.  Hamlet a décidément l’âme slave avec ses  souffrances extrêmes -  selon Dostoïevski, "le besoin spirituel le plus élémentaire du peuple russe est la nécessité de la souffrance" -  ses désespoirs sont  affolants et  ses folies ravageuses. La vigilance rend-elle fou ? Les multiples coiffures ébouriffées de sa crinière indomptée témoignent de son instabilité et de l’extrême sensibilité de ses perceptions. Se laisser pousser la barbe, dans la culture  russe  à l’époque, c’est un signe de révolte contre le diktat de l’Etat. Et pour le verbe,  quel savoir-faire et quel rythme dans sa sensibilité exacerbée! Je ressens donc je suis!   

 12273247489?profile=originalMais Hamlet, alias un fulgurant Itzik Elbaz, sans qui,  Thierry Debroux n’aurait jamais tenté l’aventure,  c’est aussi Roméo, lorsqu’il pose sa tête sur les genoux d’Ophélie et lui livre son immortelle et  vertigineuse confession intime, à laquelle il donne des résonances encore plus troublantes... Il  se sent à la fois dans le désir et dans l’obligation de la fuir pour la protéger.

Ophélie, prisonnière de la condition de la femme, soumise aux exigences de l’autorité  paternelle et rendue folle d’amour pour Hamlet,  ira elle jusqu’au bout de sa folie, accomplissant le geste fatal. En revanche, le rêve de vengeance d’Hamlet, qu’il maquille par une folie absolument crédible, se termine quant à lui par un salto mortale  dans le gouffre de l’extrémisme radical.  Car lorsque le pouvoir, la jalousie, la vengeance, le rejet des compromissions, l’extrémisme  « éliminent les autres sentiments  ils deviennent eux-même  immense folie! ». A peu de choses près, Hamlet réussit son coup d’état, sauf que la Destinée en décide autrement et que la pièce se terminé par un immense carnage…. « Et le reste est silence. »

Tout aussi admirable dans l’interprétation de son rôle, nous avons Anouchka Vingtier dans le rôle d’Ophélie à l’admirable coiffure tressée avec soin  par des mains de fées. Vêtue d’une robe de soie bleue comme la rivière ou le manteau de la Vierge,  ne dit-elle  physiquement par ses silences et ses postures  le dénigrement séculaire de la condition féminine? A l’instar des femmes décrites par Velasquez, elle est raide, sans maquillage,  paralysée par l’effroi et l’horreur de sa condition de femme, écartelée entre son désir amoureux  et l’obéissance au père. On souhaite que sa soumission, sa folie avérée et le  destin fatal qu’elle choisit radicalement, nous  fera réellement réfléchir.

2582363034.jpg?width=330 Tout aussi emblématique est l’affolement de la reine  Gertrude, complice de Claudius, interprétée par  Jo Deseure.  Si elle est devenue  la  propriété charnelle  du roi usurpateur, et même son animal de compagnie ( il l’appelle « sa souris ! ») elle attire la sympathie pour ses inquiétudes haletantes  de mère  tourmentée.  « Ne puise-t-elle pas «  toute sa vie dans les yeux de son fils ? » Ne va-t-elle pas elle aussi, friser la folie? La chevelure et le jeu de ses expressions égarées  en témoigne!  Encore un savant clin d’œil de l’artiste maquilleur et coiffeur, Bouzouk.

Pour en venir à Claudius (Serge Demoulin), meurtrier mondain,  il est coiffé comme un prince galant. Le dictateur, splendidement vêtu,  froid et résolu, installe à tout moment la surveillance. Il symbolise le visage d'un ordre social cruel : la violence d’état écrase toute forme de résistance ou d'opposition. Il étale ses manières courtoises pour mieux ourdir ses mortelles machinations, sûr de sa réussite. Son sang-froid, sa maîtrise  et sa duplicité laissent pantois. Serge Demoulin qui l’habite au mieux, retrouve toute son humanité  dans la scène de repentir devant Dieu,  jouée au pied des icônes de la cathédrale orthodoxe.  C’est à ce moment qu’ Hamlet perd l’entendement et la partie: il a  abaissé son glaive, non par pureté de cœur,  mais de peur que le scélérat, par sa confession, ne rejoigne malgré tout, un paradis immérité. Là, comme dirait Sophocle: flagrant défaut d’hubris !

Il serait injuste de ne pas aussi donner  la palme aux  trois  autres comédiens qui   contribuent de façon  irréprochable à  cette tragédie : Fabien Finkels, toujours aussi attachant,  que nous avions encensé dans le « Faust » de Goethe à l’affiche du théâtre du Parc l’an dernier et  l’impétueux Adrien Letartre dans les rôles d’Horatio et Laërtes. Et aussi Christian Crahay, un Polonius, superbe archétype du père despotique, qui rampe devant l’autorité et se fait tuer, pris pour un « rat ».

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Mais revenons encore sur cette mise en scène impeccable où les musiques de David Lempereur, le travail scénique sur deux niveaux  de galeries, et les inventions poétiques et allégoriques ne cessent de captiver. Les costumes sont signés Anne Guilleray. Vous aussi serez  hantés par les jeux de lumières fantomatiques, la multitude de miroirs traversés, le frisson de la rivière fatidique,  et par  les autres personnages typiquement shakespeariens qui ont eux aussi de belles histoires à vous faire savourer! Aux lumières : Laurent Kaye et à la scénographie : Vincent Bresmal. 

http://www.theatreduparc.be/Agenda/evenement/57/48.html

Dates: du 14 septembre au 21 octobre 2017

Lieu: Théâtre Royal du Parc

Rue de la Loi, 3 1000 Bruxelles

Contact: 

http://www.theatreduparc.be 
info@theatreduparc.be 
02-505.30.30     

 

  

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administrateur théâtres

#Célimènemèneladanse #Alcesteamoureux  #Arsinoélaprudetladévote #eThéâtre  #GénérationY #digitalnatives #DominiqueSerron #CyberMolière #Le-Misanthrope-2017 #ATJV

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 Jean-Baptiste Poquelin, autrement plus connu sous le pseudonyme de Molière, a dû se retourner de plaisir  du fond de sa tombe infamante, avec la belle mise en scène ultra-chic et moderne,  par  Dominique Serron en 2017, de sa  pièce emblématique « Le Misanthrope »  représentée pour la première fois au théâtre du Palais-Royal à Paris, le 4 juin 1666, par la Troupe du Roi.

Retrouvez les personnages : ALCESTE, dit le Misanthrope, amant de Célimène ; PHILINTE, ami intime d’Alceste ; ORONTE, « poète » et amant de Célimène ; CÉLIMÈNE, amante d’Alceste ; ÉLIANTE, cousine de Célimène ; ARSINOÉ, « amie » de Célimène ; ACASTE & CLITANDRE : 2 marquis prétendants de Célimène,  BASQUE, valet de Célimène ; UN GARDE de la maréchaussée de France ; DU BOIS, valet d’Alceste. Voici l’adresse du texte! http://www.toutmoliere.net/IMG/pdf/misanthrope.pdf

Alceste, l’atrabilaire drôlement sympathique et vif-argent joué par Patrick Brüll a tout pour plaire! Il circule à la vitesse du vent sur un plateau ouvert, entre les alexandrins bénis des amoureux de la langue française et ses élans passionnels pour la belle Célimène. « Je veux qu'on soit sincère, et qu'en homme d'honneur, On ne lâche aucun mot qui ne parte du cœur. » « Sur quelque préférence, une estime se fonde, Et c'est n'estimer rien, qu'estimer tout le monde. » « Non, vous dis-je, on devrait châtier, sans pitié, Ce commerce honteux de semblants d'amitié » « et je hais tous les hommes: Les uns, parce qu'ils sont méchants, et malfaisants  Et les autres, pour être aux méchants, complaisants». 05-misanthrope-pierre-bolle-e45i1796.jpg 

@Célimène : #headoverheelsinlove : « Mon amour ne se peut concevoir, et jamais, Personne n'a, Madame, aimé comme je fais. » Mais, «  J'entre en une humeur noire, en un chagrin profond, Quand je vois vivre entre eux, les hommes comme ils font; Je ne trouve, partout, que lâche flatterie, Qu'injustice, intérêt, trahison, fourberie » C’est là que l’on se dit que Molière a hélas mille fois raison! 

Et la belle Célimène, adulte-ingénue, blogueuse insatiable, fille du siècle, coquette ravis-s-amants vêtue et dévêtue,  et incarnée par la belle Laure Voglaire aura moralement bien du mal à capter les vivats du public! Sa présence physique elle a de quoi ensorceler!  Et tout le monde tombe sous le charme  tandis que  la mise au goût-du-jour de Dominique Serron fait merveille. Un nuage virtuel  nimbe les comédiens qui ont tous leur smartphone à la main, de la cuisine à la salle de bains. Le public médusé de la génération X applaudira bien sûr avec délectation les recours scénographiques aux nouvelles technologies et aux espaces des réseaux sociaux,   ...et la génération Y se trouvera pour une fois, très heureuse d’être au théâtre! Un théâtre qui leur tend pourtant le miroir d’une société totalement « moi-je »,  mais où ils peuvent se contempler à loisir, en selfies, en pied, en cap, sans épée, en échange photos, vidéos, liveshows,  en popularité et surtout en alexandrins extraordinaires! Irrésistible, non? Effet comique assuré! 

La mise en scène a mis le paquet et les deux mondes, celui du verbe et celui du virtuel font excellent ménage, grâce à l’inventivité de la mise en µscène qui infuse Molière dans les esprits en toute liberté et avec avec un art consommé. Notre mode de vie du "tout à l'écran", n'est il pas complètement dégénéré? L'étape suivante c'est la puce derrière l'oreille!  Côté peines du cœur et peines de d’argent, telles que vécues par le grand dramaturge français,  elle en a une  connaissance profonde et partage avec feu  les souffrances de cet Homme Révolté avant la lettre. A se demander d’ailleurs si l’Histoire, comme le pensent tant de  pays d’Orient, ne serait pas finalement cyclique? 

Les autres personnages, ne sont pas en reste. Arsinoé, vieille d’au moins quarante ans et jalouse (Alexia Depicker, qui joue également Eliante,  en deux tonalités parfaitement opposés) se la joue à la perfection dans son rôle d'hypocrite donneuse de leçons. Les soupirants, bien que sans rubans, sonnent très juste, et Philinthe (le très élégant François Langlois)  l’ami inconditionnel et l’honnête homme presque parfait, fait vraiment plaisir à écouter. Bien que, question d’honnêteté et de connivence,  on penche franchement pour l’atrabilaire amoureux!  Et l'on délecte les 780 alexandrins si agréablement prononcés par  la troupe bourdonnante de dynamisme, de l'Infini Théâtre!    

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Ainsi donc, vous ressortirez, quelle que soit votre génération, enchantés d’une telle explosion de créativité  si bien rythmée et  infiltrée avec tant de savoir-faire de sagesse profonde !  

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  • Création au Théâtre Jean Vilar  du 17 au 27 octobre 2017
  • Durée : 2h sans entracte
  • Réservations : 0470/67 97 20 ou reservations@audioscenic.be 

http://www.atjv.be/Le-Misanthrope-2017

 

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administrateur théâtres

Des clés  pour l’opéra, …au cœur de la Forêt de Soignes 

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Quoi de plus  enthousiasmant  pour débuter la nouvelle saison de critiques chez Arts et Lettres, que  le charmant spectacle une  adaptation pour enfants de l’œuvre de Mozart  en  60 minutes   de bonne humeur et de légèreté, écrite par Sophie van der Stegen,  respirant l’exquise musique  du compositeur et son rêve des Lumières!  La (Petite) Flûte Enchantée est un projet Enoa (European Network of Opera Academies),  en coproduction avec l’ Escuela de Musica Reina Sofia, Fondation Calouste-Gulbenkian. La tournée a débuté en Belgique le 26 août à Louvain-la-Neuve (au Kidzic à la ferme du Biéreau), nous l’avons dégustée ce  samedi  10 septembre, à La Chapelle Musicale Reine Elisabeth qui affichait complet! Ensuite elle voguera vers d’autres contrées…(Luxembourg, Portugal & Espagne!)

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Heather Fairbairn, ludique et mystérieuse, est à la mise en scène. Tout commence avec des enfants munis de coussins et de masques d’oiseaux joliment assemblés avant le spectacle qui se rassemblent autour d’un podium servant d’écrin à un arbre de lumière stylisé, seul représentant d’une forêt imaginaire. Les  baies vitrées de la salle  de la Chapelle musicale donnent sur les bois.  Ainsi, au cours de  cet opéra participatif et immersif,  les jeunes de l’école maternelle à l’école primaire picoreront en live et pour la première fois pour nombre d’entre eux, les graines  de l’éveil musical et amoureux. La flûte enchantée n’est-telle pas une initiation au coup de foudre, à l’amour au premier regard, puis à sa maturation en empruntant la voie étroite?

 21742095_10159214129175459_865008333_o.jpg?oh=b998a914e9f3424913de1f9f2351ac7c&oe=59BEE75B&width=300  Quelque part, un escabeau sans prétention et un coffre à  malices ou à costumes ont rejoint le mystère de greniers d’antan.   A l’autre bout,  une pianiste (Julie Delbart /Marie Datcharry) fera frémir des atmosphères : des orages terrifiants, l’autorité du sage, les déclarations d’amour et  les  improvisations de bonheur qui pétillent dans la musique originale d’Ana Seara! 150 regards émerveillés qui ont fait le pari de l’imaginaire seront comblés, l’énergie du conte et de la musique circule  avec naturel. Comme le dit la conclusion du spectacle : « La musique, l’amour, l’amitié et l’imagination, c’est tout l’Opéra. »

 Le ténébreux barytonGuillaume Paire incarnait avec  voix assurée et entregent solide un Papagéno génial, en costume d’explorateur, ainsi que le mage Sarastro … et la Reine de la Nuit et ses maléfices! D’emblée, il sauve le séduisant prince Tamino (le très romantique ténor - brûlant et  enchanteur  -  Fabien Hyon) du terrifiant serpent de la forêt, grand comme une ablette. Rires. Celui-ci tombera ensuite amoureux du portrait de  Pamina, enlevée à sa terrible mère, et séquestrée par Sarastro. Flûte enchantée et carillon magique convoquent la magie… Mais pas que : la magie  même du spectacle et la voix des enfants devenus oiseaux des forêts, ouvrent les portes de l’imaginaire!   Des épreuves terribles attendent le jeune couple, dont la pire : le silence!21745048_10159214129400459_87792270_o.jpg?oh=cda0a4cfaa346a3044f6287eaca050f7&oe=59BF0783&width=300

Parents et enfants se retrouvent à rêver devant la vraie fée du spectacle Pamina (Julie Gebhart) : délicate, frissonnante, juvénile, tendre, exquise image de princesse, douée d’une voix extraordinaire au timbre fruité et aux aigus très agréables. C’est la même interprète, Julie Gebhart qui représente la coquine Papagéna.  « En musique, aidez-nous à trouver Papagéna ! » lance le maître du jeu musical, en nettement mieux que Dora l’exploratrice!  Rassemblés dans la joie de l’écoute et des rires, les gosses de tous âges et leurs parents sont réellement conquis par la découverte !

 

Chapelle Musicale Reine Elisabeth

445 chaussée de Tervuren, 1410 Waterloo

  

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http://belgium-events.com/event/la-petite-flute-enchantee-family-opera-2

 

Mind you! If you want to support the project, nominate us for an Opera Award! 
- Visit www.operaawards.org/nominate
- In the category 'Education & Outreach', type: Queen Elisabeth Music Chapel's La (petite) Flute Enchantee

 

 

 

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Le Poème de la semaine n° 34

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L’éden d’ailleurs

 

Ciel sous le soleil

Le bonheur espérance

Labyrinthe clos

Pensées secrètes

Mes idées sur l’asphalte

Confusion du soir

  

Trop de vertiges

Ce jeudi cerveau étroit

La vie est belle

 

L’éden d’ailleurs

Je vois le soleil et le ciel bleu

Je vois la terre et sa noirceur

Je vois l’espérance et le bonheur

Je vois l’adversité et le malheur

Je me perds dans mes pensées secrètes

Labyrinthe clos par inadvertance

Dédale improbable de mes sentiers

Perdus dans les méandres du cerveau

 suite en cliquant sur ce lien :

https://jeanlouisriguetecriveur.blogspot.fr/

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administrateur théâtres

L’image contient peut-être : 2 personnes, personnes deboutChute libre vers la liberté?

Elles jouent sur un plan incliné entre les étoiles.

Dominique : Pourquoi êtes-vous entrée chez moi ?

Anna : La porte était ouverte.

Dominique : Pourquoi êtes-vous entrée dans l’immeuble ?

Anna : La porte était ouverte.

Dominique : Et vous cherchez quoi ?

Anna : Je cherche rien.

Dominique : Vous avez froid ?

Anna : Non.

Dominique : Vous avez faim ?

Anna : Non.

Dominique : Vous avez peur ?

Anna : On a tous peur.

 Que se passerait-il si un beau jour,  disons, un très beau soir,  vous retrouviez dans votre appartement ou dans votre maison, une personne inconnue  qui vient de s’éveiller sur votre moquette ? L’exercice de style que Fabrice Gardin prend par les  antennes, germe  en un dialogue extraordinaire entre absurdité et réalités. Il démontre la puissance et l’urgence  de la curiosité qui tous nous anime, malgré les barrières érigées par la société. Curiosité de soi et des autres. Voyage en huis clos. Présence à l’Autre.

Dominique : Tu viens de quelle planète ?

Anna : Celle du cœur.

Dominique : Tu vas me faire souffrir longtemps ?

Anna : Ça dépend de toi.

Dominique : Tu ne serais pas un démon quelquefois ?

Anna : C’est quoi, ta définition du démon ?

Dominique : Un machin qui dit des vérités et force les gens à se regarder dans un miroir.

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Marie-Noëlle Hébrant incarne Celle du dedans: une jolie femme mûre – surtout pas vieille – bien sapée dans une ample robe moirée à godets rehaussée d’une veste moulante dans le même tissu. Elle est blonde, coiffure au carré, et porte des souliers corail à talons confortables.  Plus que tout, elle est  restée fixée en admiration pour son défunt père qui lui a filé son  immense fond de culture. « Je crois qu’on décide pour vous, dans la vie… » Elle a fait vaillamment tout le parcours de combattante jusqu’au doctorat en histoire de l’art et a gagné la reconnaissance des pairs. Elle voyage, prisonnière de l'engrenage,  elle est plusieurs fois commissaire d’expositions, vit dans les musées, mais regarde rarement au fond d’elle-même. S’aime-telle même ? Qui aime-t-elle? Quelqu’un l’aime-t-elle ? Et où se cache son cœur?   


Camille Dawlat… incarne Celle du  dehors: une intruse, très curieuse elle aussi… Une Shéhérazade à l’écoute. Mais où est le sac ? Elle n’en n’a pas. Elle porte des bas en résille noirs, des bottines ouvertes, une robe courte en dentelle indigo et une veste polaire noire mangée par une  immense chevelure de sirène Sicilienne piquée d’une rose pourpre. Elle est du genre grand tournesol, au sourire de braise coiffé  d’yeux  flamboyants.  En robe blanche, et le cœur sur les lèvres,  elle a des  intentions d’ange.

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Mais bien sûr les travaux d’approche diffèrent  autant que  les dehors et les dedans… Les « tu » et les « vous » se mélangent entre les quelques blancs. Les verres trinquent.   Le texte s’allume, brille, frémit, rougeoie, poudroie, reprend, s’enflamme, resplendit et s’évanouit dans l’énigme la plus profondément obscure. La vie ne sera plus jamais la même après cette nuit d’étranges soleils et de rencontre brûlante. Il suffit d’une fois, sur toute une vie… de boire de ce vin-là, pour sourire à vie!  

Dans ce spectacle beau comme un impromptu, ouvert comme un livre, fertile comme une poignée de graines,  le public s’est passionné pour tout ce dévoilement d’humour, d’ironie et de vérités en filigranes exposées avec tant d’ardeur et de pudeur, à travers un jeu très subtils d'interrogations, de regards, de silences et de postures magnifiquement étudiées. 

DESTIN  de FABRICE GARDIN

Du  20/04 au 06/05 - Du  mercredi au samedi 

THEATRE DES RICHES-CLAIRES

Rue des Riches-Claires   24 - 1000  Bruxelles

Infos Réservations : 02 / 548 25 80

Avec: Camille Dawlat & Marie-Noëlle Hébrant

Scénographie et costumes : Lionel Lesire

Lumières : Félicien  van Kriekinge

Décor sonore : Laurent  Beumier

 Ecriture et mise en scène : Fabrice Gardin

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administrateur théâtres

Aida - Verdi à la Monnaie

L’image contient peut-être : 1 personne, nuit et plein airDirection musicale : Alain Altinoglu / Samuel Jean (les 30, 31 mai et 2 juin)

Mise en scène : Stathis Livathinos

Aida ou le rêve d’un ailleurs, Radamès ou le rêve du devoir et de l’amour réunis, Ramfis, ou le rêve de  la justice divine, Amnéris ou le rêve de la jalousie surmontée, Amonastro ou le rêve du royaume retrouvé, Verdi ou le rêve de l’amour transcendé… Une île au large du désespoir!

Faisant fi de l’esthétique monumentale – disparus : éléphants,  pyramides, toute l’Egyptomanie ruisselante de fastes pharaoniques –  nous voici sur un vulgaire caillou, récif hostile et déserté par la vie, quelque part en Méditerranée.  Un « Paradise lost » pour Aida, la belle esclave éthiopienne au service de la fille du pharaon, Amnéris, par malheur  également amoureuse de Radamès le vaillant héros. Aida, partagée entre l’amour et les devoirs qu’elle doit à son père, ennemi du pharaon et son amour pour le vaillant  Radamès.  Radamès, partagé entre son amour inaltérable pour Aida et son amour et devoirs pour la patrie.  

Mais il ne s’agit pas de simples rivalités amoureuses ou de fresque pseudo-historique, la  mise en scène de  Stathis Livathinos  (dont c’est la première mise en scène d’opéra), est digne d’une tragédie grecque. Importent au premier chef, l’intemporalité et la lutte existentielle  perdue d’avance entre les trois tenants du triangle amoureux  que le Destin se charge d'écraser. La souffrance humaine est au centre, le couple est maudit. Radamès emmuré dans la tombe, n’est-il pas l’incarnation masculine d’une Antigone injustement  privée de  cette lumière qu’elle adorait plus que tout?  « La pierre fatale s’est refermée sur moi, Voici ma tombe, je ne reverrai plus la lumière du jour… »

Nous sommes déjà  dès le début avec un pied dans  la tombe, la machine infernale, telle le pendulum d’Edgar Poe est prête à faire son œuvre. Vents, rafales, nuées hostiles  étranglent le décor dès l’ouverture du rideau. Le ciel est comme un couvercle… mais l’imaginaire a gagné ! L’œuvre se recentre sur la musique, et quelle musique!  Un concert de sentiments à vif et d’introspection, d’atmosphères orientales et de désirs intenses dirigé tout en finesse par Alain Altinoglu. Le lyrisme orchestral est omniprésent. Le rêve de gloire de Radamès exulte dans la richesse des sonorités  des cuivres et trompettes. La harpe et la douceur irisée des bois et des cordes souligne les moments de tendresse, lorsque par exemple  Aida endormie dans le rocher fait une apparition divine, « Céleste Aida ».   L’impitoyable duo d’Aida et d’Amnéris  à qui elle a involontairement avoué son amour pour Radamès, est trempé de larmes musicales. Le trio « Mes larmes sont celles d’un amour impossible » chanté par les trois infortunés  se termine par des accords déchirants.  Les évocations de drame intime diffusent des vibrations profondes et sincères  au sein d’une très grande variété d’expressions.   A chaque étape, un silence lourd comme un tomber de rideau étreint l’assistance totalement prise par l’émotion,  avant que la tragédie ne poursuive son  cours inexorable. Dans cette chanson de geste tragique, chaque nouveau rebondissement ajoute une recrudescence de désolation répercutée par l'orchestre.  Alain Altinoglu relance inlassablement l’intérêt et joue à merveille tous les registres, de l’intime au spectaculaire:  les cris de vengeance et de puissance, les fanfares guerrières, les  terribles déclarations de guerre,  les  implorations  sacrées des prêtresses, les  jugements iniques des  grands prêtres,  les  foules aveugles en liesse, les plaintes des esclaves et des prisonniers,  les  éléments en furie et le silence du ciel!  Sa musique est enveloppante comme le chœur  d'une tragédie grecque! 

 

On ne pouvait pas élire meilleure interprète du rôle d’Aida que la sublime Adina Aaron, jeune  soprano lyrique  américaine,  bien connue dans le rôle d’Aïda depuis sa prestation à Busseto (Italie)  pour la commémoration du  centenaire de la mort de Verdi en 2001, dans la mise en scène de Franco Zeffirelli. Une voix extraordinaire qui dispose d'une maîtrise technique parfaite. Les affres éprouvées dans son rôle d’esclave alors qu’elle est fille de roi, sont pleinement convaincantes. Elle joue sans fards, avec une émotion, une  intelligence et une sincérité remarquables.  « Dois-je oublier l’amour qui a illuminé mon esclavage? Puis-je souhaiter la mort de Radamès, moi qui l’aime plus que tout ? »  Est-ce son espoir éperdu de fuite avec Radamès  évoquant  le sort des milliers de réfugiés qui parcourent la Méditerranée aujourd’hui, qui nous émeut jusqu’aux larmes? Dans l’« air du Nil », la jeune esclave exprime toute la nostalgie et son attachement au pays natal. Comment ne pas voir à travers cette prestation  que l’espoir intime des milliers de réfugiés est justement d’oublier les persécutions, la guerre. « Fuyons les chaleurs inhospitalières de ces terres nues, une nouvelle patrie s’ouvre à notre amour ! Là nous oublierons le monde dans un bonheur divin… »   Sa prestation vocale charnelle et généreuse rejoint la plainte d’une Antigone, victime expiatoire de la superbe et de l’intransigeance des puissants. Le duo final du couple dans la tombe  les mène d’ailleurs au bonheur divin : « Déjà je vois le ciel s’ouvrir - et il s’ouvre vraiment scéniquement - là cessent tous les tourments, là commence l’extase d’un amour immortel! »  Ce duo  rappelle les premières notes impalpables du prélude de l’œuvre. De crépusculaire,  celui-ci devient lumineux.

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Enrico Iori (Il Re) ; Mika Kares (Ramfis) © Forster

Dans les rôles masculins il y a a le ténor, Andrea Carè, au début, héros assez conventionnel,  mais qui  se développe en un personnage de plus en plus  dramatique et convainquant. On retient cette image inoubliable où, laissés seuls à la fin de l'acte II,  il lâche  avec dégoût et de manière définitive  la main d’Amnéris. Le héros déshonoré aura trahi pour Aida et sa patrie et son honneur... Il se taira devant ses juges. Mais il  ne trahira pas  l’amour!  Quelle posture magnifique! La basse qui interprète le chef des prêtres (dans un magnifique costume) c'est un excellent Giacomo Prestia et le baryton Dimitris Tiliakos qui incarne le père d'Aida, est un Amonasro  d'une  ascendance tout à fait  impressionnante.   

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© Forster 

A l’opposé de tant de finesse et de nuances chez Aida, il y a évidemment la méchante, interprétée  le jour de la première par Nora Gubisch. La grotesque Amnéris  a transformé son amour inassouvi en colère abyssale. Elle est aveuglée par la colère – une grande faute de goût chez les Grecs. Elle ne se rend compte qu’à la fin, que c’est sa jalousie pure  qui a causé la perte de tout le monde et que la clémence aurait été préférable. Contrairement à Aida, son jeu scénique n’est pas très développé, elle brutalise son esclave, s’arrache les cheveux et lacère se vêtements… On constate que  ses interventions collent au caractère glauque qu’elle incarne, et sa perruque, si perruque il y a,  parodie la coiffure de la très puissante Reine Elisabeth I,  aux pieds de laquelle se prosternaient des dizaines d’amants éconduits… Mais Verdi lui accorde une rédemption puisque Amnéris, la voix étouffé par les pleurs et se prosternant sur la dalle de la tombe implore enfin la paix au tout-Puissant Ptah!   

 

Et qu’est-ce que les mouvements de masse nous donnent-ils à voir ?   Encore le désespoir des déplacés et le cri de l’injustice. Les hommes transformés en chiens et en faucons. Une outrecuidante soldatesque qui appelle à la guerre  et des éclopés de  guerre agités de mouvements frénétiques.  Le mystère d’Isis dissimulé derrière le voile brodé du temple qui cache le saint des saints. La superbe des nantis qui exploitent la valetaille. La foule couleur sable, qui s’enivre de plaisirs ou de mortelles sentences. Cheveux cachés ou poudrés,  leur cœur bat au bruit des drapeaux qui claquent  tels des  nuées d’oiseaux d’Hitchcok, ils symbolisent un peuple muselé, ignare sans doute, manipulé et sans voix… Une sacrée performance pour  un  chœur! Il est  parfois proche, parfois lointain, comme dans le magnifique hymne à Ptah, où leurs harmonies et leur dialogue avec l'orchestre  sont  sublimes! Que de tableaux de  vaine poussière, face à l’héroïsme vivant du couple que l’amour rend éternel!


Distribution : 

Aida ADINA AARON
MONICA ZANETTIN (17, 20, 26, 31/5 & 4/6)
Radamès ANDREA CARÈ
GASTON RIVERO* (17, 20, 26, 31/5 & 4/6)
Amneris NORA GUBISCH
KSENIA DUDNIKOVA (17, 20, 26, 31/5 & 4/6)
Amonasro DIMITRIS TILIAKOS
GIOVANNI MEONI (17, 20, 26, 31/5 & 4/6)
Ramfis GIACOMO PRESTIA
MIKA KARES (17, 20, 23, 26, 31/5 & 4/6)
Il Re ENRICO IORI
Una sacerdotessa TAMARA BANJESEVIC
Un messaggero JULIAN HUBBARD

 

https://www.lamonnaie.be/fr/program/219-aida

http://concert.arte.tv/fr/aida-de-verdi-au-theatre-de-la-monnaie

http://opera.stanford.edu/Verdi/Aida/libretto_f.html

interviews/ extraits:   

http://www.bruzz.be/nl/video/de-munt-speelt-aida-voor-het-laatst-op-thurn-taxis

L’image contient peut-être : une personne ou plus, nuage, ciel, plein air et natureMonica Zanettin (Aida) © Forster

Monica Zanettin (Aida) ; Ksenia Dudnikova (Amneris) © ForsterL’image contient peut-être : 1 personne, nuit

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administrateur théâtres

Une mère plus grande que nature

«Avec l'amour maternel, la vie vous fait, à l'aube, une promesse qu'elle ne tient jamais. Chaque fois qu'une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son cœur, ce ne sont plus que des condoléances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné. Jamais plus, jamais plus, jamais plus. Des bras adorables se referment autour de votre cou et des lèvres très douces vous parlent d'amour, mais vous êtes au courant. Vous êtes passé à la source très tôt et vous avez tout bu. Lorsque la soif vous reprend, vous avez beau vous jeter de tous côtés, il n'y a plus de puits, il n'y a que des mirages. Vous avez fait, dès la première lueur de l'aube, une étude très serrée de l'amour et vous avez sur vous de la documentation. Je ne dis pas qu'il faille empêcher les mères d'aimer leurs petits. Je dis simplement qu'il vaut mieux que les mères aient encore quelqu'un d'autre à aimer. Si ma mère avait eu un amant, je n'aurais pas passé ma vie à mourir de soif auprès de chaque fontaine. Malheureusement pour moi, je me connais en vrais diamants. »

 

Une interprétation d’envergure

Mangeur d’étoiles, bourré d’humour et de retenue,  homme de qualité, grand maître du seul en scène  sans une minute d’ennui  ou  l’ombre d’une gesticulation,  καλὸς κἀγαθός, est-il un gentleman anglais, ce Michel Kacenelenbogen  qui  endosse l’espace d’ un soir, la personnalité complexe de Romain Gary, héros de guerre, consul de France, écrivain prolifique et énigmatique?   Au pire moment, son interprétation  bouleversante du lien mère-fils, laissera le visage simplement  baigné de larmes. Les spectateurs émus, le visage saoulé de tendresse, redescendent les escaliers de la salle, la plupart en silence, le sourire aux lèvres, l’amour  diamant fiché dans le cœur.    

Le mystérieux Romain Gary dans « La promesse de l’aube » fait revivre son enfance échevelée en 400 pages d’amour absolu pour sa mère, Nina. Couvé par un regard émerveillé, il a été porté et enivré par un amour maternel inconditionnel. Pour lui, elle est le tout ! Et pourtant, indomptable,  colérique, héroïque, intraitable, possessive, se mêlant de tout, elle en fait trop, en tout, et tout le temps. Il en est conscient à chaque étape. Son seul rêve est d'essayer de ne pas la décevoir, mais la barre est bien haut.   De la Russie, à Paris, puis en Pologne et enfin à Nice, elle n’en finit pas d’accoucher du prince de ses pensées qu’elle ne cesse d’auréoler et d’aduler, quelles que soient ses  déboires pécuniaires. Déterminée, porteuse de ses ambitions, envahissante au possible, omnisciente, omniprésente, filivore, sa génitrice adorée …et parfois haïe est le modèle absolu de la Femme pour Romain Gary. Elle est  amour, compassion et tendresse.  Elle est Christique, et juive. Seule en ligne dans l’éducation de son fils unique, elle surmonte tous les obstacles, lui offre la meilleure éducation,  elle vante ses mérites imaginaires, lui rêve son avenir professionnel, encourage sa vie amoureuse, et projette sur lui son idéal masculin. Ce fils est sa victoire, et pas seulement une promesse.

«Ecoute-moi bien. La prochaine fois que ça t'arrive, qu'on insulte ta mère devant toi, la prochaine fois, je veux qu'on te ramène à la maison sur des brancards. Tu comprends ? » lui dit-elle, en lui administrant les premières gifles de sa vie. Il a dix ans et devient le chevalier protecteur de sa mère. A plusieurs reprises, il a  pourtant senti la honte du ridicule et l’humiliation l’envahir devant les autres. La passion se mêle  alors à la douleur. 

 

4029383686.jpg« Tu seras un héros, tu seras général, Gabriele D'Annunzio, Ambassadeur de France – tous ces voyous ne savent pas qui tu es!
Je crois que jamais un fils n'a haï sa mère autant que moi, à ce moment-là.
Mais, alors que j'essayais de lui expliquer dans un murmure rageur qu'elle me compromettait irrémédiablement aux yeux de l'Armée de l'Air, et que je faisais un nouvel effort pour la pousser derrière le taxi, son visage prit une expression désemparée, ses lèvres se mirent à trembler, et j'entendis une fois de plus la formule intolérable, devenue depuis longtemps classique dans nos rapports : - Alors, tu as honte de ta vieille mère ? »

Une chose est certaine, c’est  elle qui  lui a transmis sa force et sa  fierté démesurée. Sa dernière lettre en témoigne : « Sois dur, sois fort et continue… » Souligné trois fois. Quel viatique!

Une mise en scène sans aucune fioriture

Elle est signée Itsik Elbaz, lui qui a joué Momo aux côtés de Janine Godinas dans  « La Vie devant soi ».  Une mise en scène au naturel, comme s'il n'y avait pas de scène, juste de la confidence pleine de pudeur,  adossée à la tôle ondulée d’un hangar sur lequel courent des lucarnes de promesses  et des  images fugaces de  temps et de lieux. Et, au détour de passages particulièrement émouvants,  naît parfois la lumière intérieure de merveilleuses musiques diaphanes, belles comme des berceuses… russes dans l’âme peut-être.

LA PROMESSE DE L'AUBE

De Romain Gary
Mise en scène Itsik Elbaz. Avec Michel Kacenelenbogen

DU 16/05/17 AU 24/06/17

http://www.theatrelepublic.be/play_details.php?play_id=468

Mise en scène et adaptation: Itzik Elbaz

Assistanat à la mise en scène : Anne Sylvain

Scénographie et costume : Renata Gorka

 

Lumières : Laurent Kaye

Video : Sébastien Fernandez

Musique : Pascal Charpentier

LIENS/ 

https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Promesse_de_l%27aube

http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Blanche/La-promesse-de-l-aube

http://www.ina.fr/video/I14104478

 

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administrateur théâtres

Avanti!L’image contient peut-être : 3 personnes, costume et intérieur

  Une  suite somptueuse avec balcon royal au cœur de Rome, vue sur la basilique Saint-Pierre sert d’écrin à ce vaudeville pétillant et polisson. Francis Huster joue le rôle de l’américain tranquille, Georges Ben Clairborne,  en quête du cadavre du père  décédé dans un malencontreux accident de voiture l'année précédente. Il a promis de le  rapatrier aux Etats-Unis. C’est vrai qu’il a du mal à ne pas trahir l’affaire, par son jeu si diablement français… Ingrid Chauvin joue à la perfection le rôle d’une ravissante comédienne anglaise de clips publicitaires, Alison Miller, en mal de retrouver elle aussi un  cadavre, celui de  sa mère morte dans le même accident. Pur hasard?

L’image contient peut-être : 3 personnes, personnes souriantes, personnes debout

L’Italie,  où se confondent vice et vertu et vice versa sera le philtre magique qui les fera tomber amoureux. Un Eden particulier sans la moindre notion de bien ou de mal… où l’on passe quatre jours sur un nuage en plein ciel totalement bleu avant de retomber sur terre, le cœur en compote de part et d’autre. Mais l’issue est perceptible d’avance : c’est l’efficace  combinazione 100% américaine de la femme haïssable dudit Monsieur, Diane Clairborne,  qui, ambitieuse et glaciale, remettra les horloges à l’heure de l’argent, du pouvoir de celui-ci, et du pouvoir tout court. Alice Carel épouse parfaitement le rôle de la sorcière mal-aimée à qui on ne peut dire que « Oui, ma chérie ! » pour avoir la paix. Elle sonnera très calmement le glas de l’historiette romano-napolitaine!  Et tout se déroulera selon ses augustes désirs… A peu de choses près, puisque l’histoire ne fait que se répéter, de générations en générations!

Il ne faut pas écouter les mauvaises langues qui soufflent que cette pièce est légère et insipide!  On a mis le pied dans une jolie Commedia Del Arte, version moderne, jouissive et  tellement rafraîchissante par sa joie de vivre intense !  Le spectacle est enlevé, porté par  des comédiens exceptionnels dans une mise en scène de Steve Suissa, ma foi typique des grands boulevards, mais quoi? Est-ce vraiment une tare? 

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Mais rien ne se ferait  bien évidemment, sans le sublime et malicieux Baldassare Pantaleone dit  Baldo qui convoque la magie théâtrale! Voilà une mouche du coche bienfaitrice  qui sape les plus grandes timidités. Un étrange dieu Cupidon, ange gardien, assistant incontournable des affaires … amoureuses, prêt à offrir ses services d’amant à qui veut, ou servir tout simplement d’entremetteur de la Cause.  Avec un flair et une versatilité surprenants, Thierry Lopez danse ce rôle à ravir et séduit la salle entière par ses 1001 tours de passe-passe. Hommes, femmes, enfants, tous se rendent à l’évidence du triomphe des graines d’amour semées à tout vent, face aux fétides vases de l’argent et du pouvoir! On ressort de ce spectacle, sorte de Vivre Pour Vivre à l'italienne, gavé de rires et de bonne humeur! 

L’image contient peut-être : 2 personnes, personnes assises, table et intérieur

A voir cette semaine au Centre Culturel d'Auderghem, 

Boulevard du Souverain 183, 1160 Bruxelles

02 660 03 03

AVANTI!  une pièce de Samuel TAYLOR


Mise en scène : Steve SUISSA
Avec Francis HUSTER, Ingrid CHAUVIN, Thierry LOPEZ (nommé aux "Molières 2016"), Alice CAREL, Romain EMON et Toni LIBRIZZI
Adaptation Dominique PIAT
Décors Ivan MAUSSION
Costume(s) : Hervé DELACHAMBRE
Lumières Jacques ROUVEYROLLIS
Musique : Maxime RICHELME

http://www.ccauderghem.be/index.php?mact=Agenda,cntnt01,DetailEvent,0&cntnt01id_event=64&cntnt01returnid=83

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administrateur théâtres

Didon et Enée, une production poétique, stupéfiante de grâce et de beauté dont on ressort émerveillés, et si reconnaissants…

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Avant le début de la représentation de Didon et Enée, on écoutera à rideau fermé, la Suite d’Abdelazer or the Moor’s revenge d’Henry Purcell (1695), pièce orchestrale en 9 mouvements, question de se familiariser l'oreille aux instruments anciens et à une musique baroque rarement jouée dans ce temple de l'opéra italien... 

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Didon et Enée

C’est une romance apocalyptique, mais quelle savoureuse féerie baroque! Voici la Méditerranée, la grande bleue de notre tendre enfance, pavée d’enfer et lieu absolu du chaos des destinée! Imaginaire anglais :  les flots  d’azur renferment d’affreuses sorcières ricanantes et des  esprits maléfiques dont le but unique est de répandre le mal.

 Image clé de cette nouvelle production de l’Opéra de Liège, il faut pour le lecteur, se situer face à un rivage désert de mer du sud au crépuscule,  devant des vagues qui déferlent voluptueusement  au balancement  de la musique. Mais en même temps, on se croit plus au nord,  côté Manche,  avec les noirs  Idle Rocks des Cornouailles qui évoquent  la ville de Carthage, ville nouvellement  créée par des réfugiés de Tyr. Comme dans les féeries de Shakespeare, voici un libre cocktail élisabéthain d’époques et de lieux,  fait pour  enchanter l’imaginaire. Le public sera pris d’un bout à l’autre du récit par la virtuosité exceptionnelle de la mise en scène et des chorégraphies qui évoquent le monde sous-marin et ses monstres, les  métaphores du Mal. Les douces ondulations des flots bleus peuvent se transformer en terribles tempêtes, bruitage Purcellien à l’appui ! Cet unique opéra d'Henry Purcell, dont aucune partition originale n’a été conservée, a été composé pour les jeunes filles d’un pensionnat aristocratique,  sur un livret de Nahum Tate, d'après le livre IV de l'Énéide. Il  est fait d’un prologue et de trois actes.

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   D'après l'Enéide de Virgile, la vaillante veuve Elissa originaire de Tyr, qui porte le nom latin de Didon, reine de Carthage,  accueillit Enée  et en tomba amoureuse. Au cours d'une partie de chasse alors qu'un violent orage les a réunis dans une grotte, ils deviennent amants. Mais Virgile veut donner des origines mythiques à Rome et faire du héros troyen et de son fils Ascagne, les fondateurs de  la ville. Virgile  se sert des dieux  pour empêcher l’union  de Didon et Enée. Poussé par ceux-ci, Enée  décide de répondre à son destin et reprendre la mer pour fonder la nouvelle Troie. La magicienne et ses sorcières se réjouissent de la détresse de la reine car pour elles,  seul importe que Didon soit privée de gloire, d’amour et de paix.  Didon ordonne de construire un bûcher afin qu’Enée voie de son navire  qu’elle s’est suicidée.  Elle se poignarde de dépit,  ayant  renvoyé Enée (le bariton Benoit Arnould) alors  que celui-ci était finalement prêt à braver les dieux et à leur désobéir pour elle.   

Recitatif
Thy hand, Belinda, darkness shades me,
On thy bosom let me rest,
More I would, but Death invades me;
Death is now a welcome guest.

Aria
When I am laid, am laid in earth, May my wrongs create
No trouble, no trouble in thy breast ;
Remember me, remember me, but ah! Forget my fate.
Remember me, but ah! Forget my fate.

Roberta Invernizzi joue ici une Didon parfaitement tragique et émouvante. Son lamento final quelle adresse à sa sœur Belinda (Katherine Crompton) est inoubliable pour les yeux, comme pour les oreilles et a contraint le public à un silence absolu tant la conjonction de l’orchestre et des chœurs  semblant rendre les derniers soupirs,  la chorégraphie de  son ensevelissement maritime et le chant de la soliste qui n’en finit pas de mourir d’amour, avaient atteint des sommets de  beauté.

 Dido and Aeneas op het netvlies gebrand en in het oor geknoopt

Ne jouant pas vraiment de rôle actif dans l’histoire mais plutôt un rôle de commentateur comme dans la tragédie grecque, Le Choeur de Chambre de Namur est debout dans la fosse avec l’ensemble orchestral Les Agrémens. Musiciens et choristes sont tous debout pendant la prestation, pour mieux projeter l’énergie musicale de chaque artiste, nous confie, Guy Van Waas le chef d’orchestre, qui de son côté, accomplira un vivant travail de joaillerie dans l’interprétation de ce chef d’œuvre de musique baroque, balançant adroitement entre humour et larmes, et serrant au plus près l’esprit de la musique baroque, y compris dans les postures. Le fait que toute la production de l’Opéra de Liège est en ce moment à Oman avec « Les Pêcheurs de perles », laissait en effet le champ libre pour accueillir pour une fois  un spectacle de musique baroque. Quelle magnifique occasion de pouvoir écouter Guy Van Waas et Les Agrémens jouant sur instruments d’époque : violons I et violons II, altos, violoncelle, viole de gambe et un théorbe. Guy Van Waas, lui-même au clavecin, dirige chœurs et orchestre! On ne peut que saluer leur travail musical exemplaire avec les chœurs de Namur, qui, pendant un long moment semblent s’être carrément dédoublés en deux chœurs distincts, l’un proche et l’autre distant et pourtant les mêmes!

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Très parlante et mystérieuse surtout, cette mise en scène inventive sur fond de Bleu Chagall de Cécile Roussat et Julien Lubek. Elle est à la fois aquatique et aérienne, utilisant des costumes symboliques féeriques comme pour les deux sorcières-ondines Jenny Daviet et Caroline Meng, des antres et des rochers qui rappellent la  caverne de Polyphème, des acrobates musicaux qui flottent en rythme dans les airs, un coquillage alla Botticelli où naît l’amour, des marins qui se transforment en monstres et cette ahurissante sorcière-poulpe (Carlo Allemano), mi-homme mi-femme qu’Homère aurait bien ajoutée dans son Odyssée…!

De peur de casser la bulle réunissant tant d’imaginaires, il y eut, au tomber du rideau, un grand silence avant le tonnerre d’applaudissements et les salves de bravi!

Du mardi, 09/05/2017 au dimanche, 14/05/2017

http://www.operaliege.be/fr/activites/dido-and-aeneas

 crédit photos: © Lorraine Wauters – Opéra Royal de Wallonie

 

 

 

 

 

 

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