|
amour (205)
Second Degré
...comme on les aime !
Déflagration : entre fable d’histoire naturelle et scalpel qui dépiaute les maladies de la société, Geneviève Damas se livre, sur papier et sur le plateau, au propre et au figuré, sans réserves comme si l’urgence était de sauver une espèce en voie de disparition, celle de la femme vivante, animale, animée de désir, prête à risque tout pour vivre sa vie de chèvre de Monsieur Seguin : enfin libre d’ « être », même au risque de se faite dévorer. Plutôt que de se sentir la corde au cou, corvéable à merci et d’être rangée parmi les robots nés pour servir les hommes. C’est dit. Bien qu’à demi-mots. Car la peine profonde reste toujours très silencieuse si pas muette.
Bérénice est une femme parfaite, comme dans American Beauty. Elle fait tout, contrôle tout, jusqu’au moindre brin d’herbe du gazon, jusqu’au nombre de pommes du pommier qui trône dans son paradis sur terre. Mais elle se meurt aux côtés de son professeur de mari, qui ne rêve qu’à ses palmes académiques. Sauf que, lorsque son mec, met les bouts avec une jeune et ravissante monture pour ses ébats amoureux, elle s’écroule d’abord, et croque ensuite avec délices, question de se relever, la pomme de la vengeance. Plus la violence est dissimulée, plus elle la galvanise. Elle perd tout principe moral, toute notion de civilisation et renoue dans un crescendo renversant, avec la sauvagerie originelle. Là est la fable. Le rire salvateur est au rendez-vous, il fuse à chaque ligne du monologue. Le jeu théâtral et la mise en scène sont succulents. On ressort rincé et rafraîchi par ce déluge de fantasmes qui déboulent sur scène et dans le texte, au rythme d’une révolution cosmique. Bousculant tous les codes, retournant toutes les médailles, faisant feu de la moindre convention, l’écriture est incisive et tranchante. Le texte se dévide, implacable. La mise en scène des frustrations et des désillusions sonne on ne peut plus juste …et la vengeance sophiste sur l’estrade sera caricaturale. Une fausse justice fait écho à une cause désespérée !
Grande habileté artistique due à la connivence des artistes, Emmanuel Dekoninck, le metteur en scène, joue un duo parfait de ce texte bourré de dynamite, avec la romancière et la comédienne, Geneviève Damas. L’action se précise au rythme corrosif d’un succulent thriller, qui n’est pas sans rappeler des nouvelles de Roald Dahl ou des romans de Barbara Abel.
Aussi désillusionnée qu’une Madame Bovary, Bérénice déclare la guerre à qui lui a ravi son désir, rendu la vie étriquée, mis les sentiments aux abonnés absents …. Comme Médée, cette Bérénice a deux enfants. Ils sont invisibles, Rufus et Paëlla. Elle les laisse sans vergogne aux soins de la voisine. Qui sait, une chance pour eux ? Au passage, quelle preuve de désamour que ces noms-là ! Et comme la Médée antique, elle découvre la cruauté sans limites, se servant de la vengeance pour combler son abandon et y survivre. La loi sauvage du plus fort prévaudra. C’est comme cela, en histoire naturelle. La caricature est diablement efficace. Il n’y a rien d’innocent dans la démarche. Et il y a des plumes à perdre pour certains adeptes des robots féminins living in a Perfect World !
http://theatre-martyrs.be/saison/la-solitude-du-mammouth/8FE8AF55-D332-B17E-18F4-9A1A90CD7F22/
…Et on murmure dans mon dos que ma musique est vieille !
✔ Laudamus te…
Joie, ravissement, bonheur théâtral et musical complets devant cette production de one-man-opera, flanquée de deux anges, musiciennes passionnées : Les chanteuses lyriques Julia Szproch, soprano et Sarah Théry, mezzo, deux figures en robes blanches incarnant émotion, pureté et source de vie. Il faut dire que le comédien de cet opéra parlé en 11 tableaux est de taille à endosser✔ l’Antonio Vivaldi hors d’âge décrit avec immense saveur, par ✔Vincent Engel dans son roman✔ Alma Viva (Ker edition 2017) qui retrace le récit des derniers mois de la vie du compositeur. ✔ Viva Alma Viva !
✔ Pietro Pizzutti a le charme natif de l’italien, l’agilité bourdonnante de pilleur de jeunes filles en fleurs, le charme du rêveur ...pas toujours solitaire, et les irrésistibles intonations du Don Juan pourfendeur des hypocrisies patriciennes et de la boue toxique des foules mortifères. Les colères misanthropes du Maître de violon au Pio Ospedale della Pietà éclatent avec vigueur, sa verve poétique pour la lagune de Venise attache, son credo « je prie, j’aime et je crée » remplit d’ivresse!
Difficile de faire la part du livre et celle du diseur de mots dont les postures, les pitreries et les révélations enchantent. Merci l’Artiste! Fervent défenseur de Dieu mais pas des bondieuseries, gonflé de respect pour son père et refusant de l’enfermer dans un Requiem, amoureux de ses origines simples - du barbier au violoniste - il conspue le clavecin aristocratique et pourfend l’ostentation des pharisiens de tout poil.
« Mon masque à moi est tissé de notes et j’aime la vie car j’adore Dieu qui nous a offert la vie ! » Etre musicien c’est être au plus près de Dieu … et de ses anges! Il mêle l’azur des musiques naissantes aux caresses érotiques et à l’esprit de Dieu ! Dominus vobiscum…Et cum spiritu tuo ! Le texte vous embarque loin de la vieillesse, au plus près de l’amour. De quoi frissonner. « Le gondolier pousse sa barque d’un coup d’archet virtuose propre à enflammer la lagune… »Tout est dit, le reste est variations sur le thème enivrant de la célébration de la vie. Les messes, les mots, les titres, les programmes frelatent la vérité de la musique. «Je ne me moque pas du monde c’est le monde qui se moque de la musique. »
Il faut saluer bien sûr la parfaite mise en scène de ✔Gabriel Alloing. L’écrin dans lequel se joue cette brillante péroraison sur l’amour de la vie est un superbe triptyque de silhouettes de la ville sur lequel apparaît à tour de rôle la salle du conseil des « governatori » de la Pietà à qui s’adresse Vivaldi, un florilège de peintures de très saintes femmes, le bruissement de l’eau du canal à l’aube des sentiments, et le gondolier rêveur qui mène sa barque à travers les sublimes musiques.
✔Benedicimus te !
In Musica veritas! ✔L’ensemble baroque des Muffatti - I migliori vini dolci italiani - divisé en diptyque, à gauche et à droite de la scène ravit par la sonorité des timbres délicats, la polychromie, la grâce, la théâtralité du geste musical qui brode fidèlement le texte mais sans emphase. On perçoit au contraire une réelle empathie avec le comédien et cela crée une sorte de dialogue parfait. N’est ce pas cela, ce que veut dire «concertare»? Dialoguer.
✔Glorificamus te !
http://www.atjv.be/Viva
« Qu’il eût été fade d’être heureux ! » Parlant du bonheur selon Marguerite Yourcenar, Jeand’Omerson l’accueille en 1980 à l'Académie française avec ces mots :
...La conclusion aurait pu, tout aussi bien, être exprimée par Hadrien, par Zénon, par n’importe lequel, en vérité, de vos héroïnes ou de vos héros : « La seule horreur, c’est de ne pas servir. »
« Je m’appelle Marie : on m’appelle Madeleine » Son identité est dès le départ niée par les autres! Elle se sentira mise « à-part ». C’est un être « à-part » qui nous apprend à décliner le mot « aimer », son anagramme! Pas à pas on écoute les fracas de son coeur brisé. Pas à pas on la rejoint dans son désir d’élévation. « Il ne m’a sauvée ni de la mort, ni des maux, ni du crime, car c’est par eux qu’on se sauve. Il m’a sauvée du bonheur. »
« Marie-Madeleine ou le Salut » est l’unique nouvelle de « Feux » qui ne repose pas sur un personnage issu de l’Antiquité classique mais sur un personnage biblique : Marie-Madeleine. Marguerite Yourcenar s’appuie sur le mythe évoqué par Jacques de Voragine dans La Légende Dorée, selon laquelle Marie-Madeleine, habitante du village de Magdala sur la rive occidentale du lac de Tibériade, était appelée à devenir l’épouse de Jean. Ce récit de prose lyrique met en scène le désir brûlant que Marie-Madeleine éprouve pour Jean le jour de sa nuit de noces, sa déception lorsque Jean la quitte subitement avant l’aube pour rejoindre Jésus. Le texte déploie la passion ardente qui naît en elle, à la rencontre du Christ. Le mariage n’avait pas été consommé, la jeune femme est considérée comme une prostituée : « Les enfants du village découvrirent où j’étais ; on me jeta des pierres. » En traversant la douleur, elle dépasse le bonheur et accède à l’illumination.
Extraordinaire... le texte en solo déchirant, et sa mise en mouvement! Fascinant!
Un spectacle où l’on palpe tout ce qu’on voit, et on touche ce qu’on entend. Mis en scène par Monique Lenoble, le spectacle à la fois beau et bouleversant. Il se déroule comme une installation vivante qui se percherait mot à mot, sur un texte fabuleux. Marie-Madeleine, la jeune femme est sublime dans ses attentes, bouleversante dans ses déceptions, poignante dans son cheminement. Libre et assumée. Chacun de ses gestes est ciselé comme une cérémonie. Le décor est un antre de pierres nu, magnifiquement exploité. On y retrouve le village, le banquet, la chambre nuptiale, l'arrestation de Jésus, le pied de la Croix, le tombeau du Christ, la flamme de l’illumination après celle de la passion.
La musique – un faisceau d’harmonies et de vibrations comme le début d’un cantique, est un appel vers l’ouverture du cœur et vers l’élévation. Le texte se déploie en trois actes, soutenus par des jeux envoûtants de drapés très évocateurs. Il y a Marie, un peu espiègle et séductrice - Marie-Madeleine, la courtisane - et enfin Madeleine, l’amoureuse de Dieu. Du tissu symbolique qui donne vie au feu de la passion. Chaque mouvement est empreint de noblesse, de délicatesse et d’authenticité.
La salle, hélas bien peu nombreuse se tait, interdite devant le mystère qui se joue. La beauté inonde jusqu’aux murs et plafond. On se trouve au cœur de la passion. Le bouquet se compose d’érotisme brûlant. La symbolique chatoyante de la chevelure et de l’offrande du corps font voyager du mystère féminin à la spiritualité. L’intensité du regard de femme guide les pas vers l’intelligence de cœur. Le texte finit parfois par se perdre dans un trop plein d’émotion murmurée, mais dans l’ensemble, la diction est jeune, belle et rebelle, vierge de toute affectation, tant elle vient du plus profond de l’être. Cette trinité de texte, de corps et d’art de la mise en scène se savoure comme un vin rare et capiteux! Enivrez-vous! Plus tard, rentré chez soi, on aimera se procurer le texte pour en revivre toute l'humanité.
“Si le feu brûlait ma maison, qu’emporterais-je ? J’aimerais emporter le feu...”Jean Cocteau
http://www.theatrepoeme.be/programmation/marie-madeleine-ou-le-salut/
CYCLE MARGUERITE YOURCENAR
Création
Texte de Marguerite Yourcenar
Mise en scène et scénographie : Monique Lenoble
Avec Laetitia Chambon
Stylisme : Bouzouk
Vidéo : Marie Kasemierczak
À l'initiative de Michèle Goslar
Lumière et régie : l'équipe du Poème 2
Du 15 novembre au 3 décembre 2017
Les mercredi à 19h, les jeudi, vendredi et samedi à 20h et les dimanche à 16h
Réservations : reservation@theatrepoeme.be // 02 538 63 58
liens utiles:
http://palimpsestes.fr/textes_philo/yourcenar/ormesson.html
https://perso.univ-lyon2.fr/~mollon/Feux/doc/PleinsFeux-MarieMadeleine.pdf
Un grand amour
Intérieur bourgeois et sans éclat. Un fauteuil presque Voltaire, une petite table de chevet ronde qui a perdu sa vitre, et dessus un verre à liqueur et une bouteille de spiritueux d’origine allemande. Les motifs de la tapisserie, faite de lourds feuillages de jungle, se prolongent au sol. Au centre, l’oeil du monde: un immense miroir doré se penche vers les spectateurs et dans lequel ils se voient. C’est sans doute cela, le plus important. L’adresse du spectacle sera multiple : la comédienne à elle-même, la femme de l’histoire à sa conscience assassinée, cette même femme aux générations d’après, cette femme-comédienne et son double au public présent et à chacun en particulier. La salle est comble.
C'était la première ce soir! La mise en scène de Jean-Claude Berutti est un chef d’œuvre. Splendide interprétation de Jeanine Godinas, qui creuse de façon poignante et imperturbable le fond des ténèbres, braque une lumière sans la moindre indulgence sur cette femme de... qui ne réussit pas à être femme à …part entière! Femme debout, qui aurait osé braver son mari et demander des comptes à la banalité du mal. Elle est au contraire, régulièrement abusée par les mensonges lénifiants du mari SS, commandant en chef des horreurs des camps d'extermination de Treblinka.
Jeanine Godinas épouse donc le destin de cette Madame Stangl pour en extirper l'horreur confondante. Elle balaye sans concessions et avec immense justesse les différentes étapes de la vie de cette femme de grand criminel de guerre qui prit délibérément - plutôt que viscéralement - la passion amoureuse pour son époux, comme écran pour ne pas regarder la réalité en face! Fracassée par les doutes, elle se laisse néanmoins bercer d'illusions, malgré les preuves évidentes qu'elle récolte au fur et à mesure autour d'elle. On lui ment, elle se ment à elle-même et se trahit. Le grand amour qu’elle croit étreindre est voilé, fêlé par l’abominable vérité. On est happé par la force des confidences, l'analyse minutieuse de la complexité des sentiments, la réalité des terribles vérités, et le charme charismatique de la belle personne et de la grande dame qui se trouve être comédienne! Une comédienne qui ne ment pas et que l’on regarde en vrai. Le je et son double. Une voix de chair et de femme, d’amour et de résignation lorsque le questionnement se meurt.
« L’amour avait tenu la vérité, comme en suspens ! » Theresa Stangl réalise qu’il n’y a pas de cloison entre le travail aux « constructions dans le camp d’extermination et les mises à mort. Et elle réalise que son grand amour lui a servi de cloison entre l’horreur du mal et son confort de mère de trois enfants. Tellement humain et tellement lâche à la fois ! Elle saisit fébrilement toute occasion de disculper celui qu’elle aime, même si au fond de son corps, la honte l’envahit, car le corps sait. Ses pensées s’enlisent dans le magma des mensonges.
Grâce à un passeport du Vatican, un des monstres responsables du génocide retrouvera sa famille en Syrie, puis s’installera au Brésil. Une terre où l’on ne parle pas de Sobibor ou de Treblinka. La femme se souviendra avec fierté de sa belle maison, des terrasses du confort… Et ne posera plus de questions.
Nicole Malinconi, l’auteur du récit, insiste : « Pourquoi n’a-t-elle pas menacé de quitter son mari s’il ne quittait pas Treblinka ? « … si vous l’aviez acculé ? » Theresa se souvient des juvéniles rafales de questions qu’elle ne pouvait s’empêcher de formuler et que son mari, possédé par Treblinka, rejetait, tantôt avec violence, tantôt avec douceur menteuse. Mais elle ne lui a jamais tenu tête ! Le confronter, aurait tué son «amour», …son seul viatique, son unique lumière. Un amour voilé, fêlé, frelaté, obscurantiste auquel manquait le courage, et qui, dissimulant l’innommable, n'est même plus de l'amour. « La vérité est une chose trop terrible pour que l’on puisse vivre avec elle». Et le reste… est questions. On n'en n'a pas fini!
Lire plus:
https://www.babelio.com/livres/Sereny-Au-fond-des-tenebres/438136
https://www.babelio.com/livres/Malinconi-Un-grand-amour/707474
http://docsapp.cccommunication.biz/users/134175/docs/un_grand_amour_dossier_diff_040517.pdf
http://www.rideaudebruxelles.be/les-tournees/3-programmation/682-un-grand-amour
https://www.facebook.com/demandezleprogramme.be/posts/1612827142098015
https://artsrtlettres.ning.com/events/un-grand-amour-1?rsvpConfirm=1
du 26 octobre 2017 (à 20:15) au 19 novembre 2017
Emplacement : Rideau de Bruxelles @ Théâtre des Martyrs
Rue : Place des Martyrs, 22
Ville : 1000 Bruxelles
Site Web ou carte : http://www.rideaudebruxelles.…
Numéro de téléphone : 02 737 16 01
Organisé par : Théâtre le Rideau de Bruxelles
A CHRISTMAS CAROL “I HAVE endeavoured in this Ghostly little book, to raise the Ghost of an Idea, which shall not put my readers out of humour with themselves, with each other, with the season, or with me. May it haunt their houses pleasantly, and no one wish to lay it.” Their faithful Friend and Servant, C. D. December, 1843.
On traduit?
…Je me suis efforcé dans ce petit livre bourré de fantômes, d'élever le fantôme d'une idée, qui ne devra surtout pas mettre mes lecteurs de fâcheuse humeur vis-à-vis d’eux-mêmes ou des autres, ni les induire à maudire l’esprit festif de Noël, ou à me détester moi, l’auteur. Puisse cette lecture hanter avec bienveillance leurs demeures, et que personne ne veuille lâcher le texte sans en avoir consommé l’esprit. Votre fidèle ami et serviteur, Charles Dickens, décembre 1843.
Fidèle ami des grandes causes humaines, Thierry Debroux a fait de ce court récit souvent abordé dans le secondaire par la lecture en anglais simplifié, une splendide amplification poétique où pointe sans cesse une joyeuse ironie. On peut presque parler d’une – comédie musicale – qui a mis la salle entière debout, dès la première. Celle-ci applaudissait avec frénésie une troupe d’acteurs éblouis, rappelés dix fois, une troupe chargée d’anima, et que l’on aurait bien cru voir sortir tout droit de l’Opéra de quat’sous! Coaching vocal : Daphné D'HEUR.
L’équipe est irrésistiblement entraînante et sûrement inoubliable : autour de Guy PION, il y a Gauthier JANSEN, Béatrix FERAUGE, Claude SEMAL, Nicolas OSSOWSKI, Fabian FINKELS, Anthony MOLINA-DIAZ, Sacha FRITSCHKÉ, Julie DIEU, Pénélope GUIMAS, Jeanne DELSARTE. Avec sur les planches, des enfants, lumière de l’avenir. En alternance : Léon DECKERS ou Ethan VERHEYDEN; Maxime CLAEYS, Andrei COSTA ou Jérémy MEKKAOUI; Laura AVARELLO, Ava DEBROUX ou Lucie MERTENS; Laetitia JOUS, Clara PEETERS ou Babette VERBEEK. Un défilé de bonne humeur et d’espoir, une tornade de talents créatifs, cadeaux de la maison, le théâtre Royal du Parc!
C’est donc l’histoire d’un rebirth sous la neige. « Le Noël de Monsieur Scrooge » met en scène le processus de transformation d’un cœur abominablement sec et coriace, indifférent à autrui, passionné d’argent, en une âme généreuse et enfin repentante et heureuse qui renoue avec la vie. Le pardon, dit-on dans les chaumières, est la clé du bonheur d’ici-bas ...et de l’au-delà, pour ceux que cela intéresse! Il suffit peut-être, comme le dit la chanson de la finale, … d’écouter le vent! « The answer is in the wind…» Un certain vent dont on ne sait ni d’où il vient ni où il va…! Le mendiant du début - un craquant personnage vautré au début du spectacle dans le fauteuil de l’écrivain - invite les cœurs à se lâcher et garantit que « les contes de fée sont faits pour apprendre que l’on peut vaincre les monstres!» C’est un jeune Garou, au charme éblouissant qui chante à la lune : Fabian FINKELS.
Dans ce conte de Noël, le ciel est toujours présent : le décor est sous coupole céleste. La ligne du ciel évoque St Paul’s Cathedral ou Big Ben, les infâmes cheminées crachant fumée de charbon quand la misère réussit à se chauffer! Tombe la neige, même s’il y a du smog, façon purée de pois. Mais la déco de la fête tant attendue est là. Les bougies brillent aux fenêtres des maisons bourgeoises et des antiques magasins « so British »: TAILOR, FURNITURE, BAKERY, CANDLES… Hélas, le terrible temple du négoce de l’argent, la $CROOGE COMPANY, à droite du plateau, rassemble tout ce qu’il y a de plus Anti-Christmas Spirit. Vous connaissez sûrement des adeptes! Le maître des lieux c’est l’Avare, Richard III, Méphisto, and last but not least : Scrooge. Car le comédien génial qui est derrière ce sinistre personnage hautement toxique, c’est le très estimé Guy PION, toujours aussi magnétique dans ses maléfices. Par dérision, son nom est prononcé "Scroutch" par les esprits farceurs (Claude SEMAL).
Time is money ! Mais voilà le temps aboli… En attendant que ce soit l’argent ? On peut toujours rêver! Quoi qu’il en soit, la mise en scène est fort habile. Sous forme de doubles des différents âges du triste sire, elle ravit par sa fraîcheur et sa subtilité. Cadeau de l’inventivité fantastique et rythmée de Patrice MINCKE. Le temps est aboli… Magie théâtrale ou nuit magique ? L’an 2017 vient jusqu’à narguer un Scrooge totalement abasourdi! Ou bien est-ce nous-mêmes, que Dickens vient narguer? Magie du texte!
Mise en scène illustrative. Des gosses misérables battent le pavé. L’époque est douloureuse, le pain est rare, la maladie fait des ravages. Les cimetières regorgent de morts prématurées. Mais le décor n’en reste pas là ! Le savoir-faire légendaire de Ronald BEURMS une fois de plus fait voyager le spectateur de la cave au grenier, dans les airs et par-dessus les toits. …Dans les cœurs aussi , du plus noir: celui bouclé entre les murs de ses coffres-forts (Guy PION) …au plus tendre: celui d'une étoile entre deux tresses blondes (Ava DEBROUX, 7 ans). Dès sept ans, le désespoir peut certes résonner dans les consciences!
La scénographie acrobatique trace les contours de l’histoire faite d’une série d’apparitions d’esprits chargés de remettre le Drôle dans le droit chemin. Suspense garanti, on croit qu’à chaque étape qu’il a enfin compris… Eh non, c’est raté ! Quelle patience il a, cet « esprit de Noël » qui a tout d’un «Père Noël » (Claude SEMAL) y compris les rennes, …particuliers, il faut en convenir, mais très convaincants!
A grands renforts de chansons de gueux, de fables et fantasmes, l’action progresse et réchauffe les cœurs. Qui oserait grincer à la fin du spectacle, le sourire pincé et le verre à la main « Oui... ! C’est …gentil ! » ? Non! C’est tout simplement merveilleux, tant l’énergie des créateurs est présente, touchante, palpitante même, tant l’humanité se découvre avec audace, sans craindre les esprits blasés qui n’auront de toutes façons rien compris. Chapeau ! Et puis il y a tous ceux et celles qui, comme Scrooge, auront secoué leur manteau d’indifférence, balancé leurs aprioris dévastateurs, quitté l’ivoire de leur confort et rejoint le cœur ré-enchanté , la liesse du renouveau d’humanité et son formidable potentiel. Voilà un anniversaire que le monde se doit de fêter, au risque de mourir …à minuit sonnant! Mieux vaut naître non?
Miep Gies-Santrouschitz, née le 15 février 1909 à Vienne et morte le 11 janvier 2010 à Hoorn aux Pays-Bas à l'âge de 100 ans, est néerlandaise et cache Anne Frank et sa famille des nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Par miracle elle ne sera jamais arrêtée. A la suite d'une délation dont l'auteur ne sera jamais identifié, la famille entière est arrêtée le 4 août 1944. Elle essaye vainement d’empêcher leur déportation. Miep trouve le journal intime d’Anne Frank dans la cachette et le conserve sans le lire dans un tiroir, en attendant son retour, puisque la guerre était enfin finie ! Hélas, elle apprend le décès de l'adolescente et de sa sœur en février 45 dans le camp de concentration de Bergen-Belsen et confie alors tous les documents relatifs au Journal à Otto Frank, le père d’Anne qui fait publier le livre en 1947. Miep est reconnue Juste parmi les nations et a reçu la médaille de Yad Vashem.
La pièce (The 1956 Pulitzer Prize Winner in Drama) écrite par le couple d’écrivains américains Frances Goodrich et Albert Hackett commence par l’évocation insupportable d’Otto Frank, survivant d’Auschwitz libéré par les Russes le 27 janvier 1945, qui pénètre dans l’Annexe, lieu évident de pèlerinage. Il est le seul survivant des 8 clandestins réfugiés dans l’ "Achterhuis" située au 263 Prinsengracht à Amsterdam, siège de la société Opekta. Il est de retour dans ces lieux où ils ont vécu cachés, avec sa femme, ses deux filles Margot et Anne, pendant deux ans sans pouvoir jamais sortir, jusqu’à leur arrestation le 4 août 44 et leur déportation en Allemagne le 3 septembre vers Auschwitz, par le dernier convoi en partance de Westerbork.
Il découvre le journal de sa fille, de retour aux Pays Bas le 3 juin 45. Dans le premier acte, on revit leur installation, leur difficile mode de vie avec une autre famille - la famille Van Daan (La famille van Pels) - qu’ils ont eux-mêmes accueillie et un autre juif - le dentiste Dussel (Fritz Pfeffer) - fuyant lui aussi la Gestapo. Anne confie à son journal sa vie quotidienne de recluse auprès de ses compagnons d'infortune, ses craintes, ses espoirs et ses rêves d'adolescente… Des extraits du journal intime d'Anne Frank sont soit joués par la comédienne, soit lus en voix off, entre les différentes scènes de vie quotidienne où le fin mot est la préservation de la dignité humaine. La figure paternelle d’Otto Frank est admirable. Il installe des règles de vie qui doivent servir de rempart aux peurs paniques, aux affres de la faim, à la folie de l’enfermement et aux diverses jalousies. Anne Frank éprouve une réelle vénération pour son père. « Papa a raison, nous avons beaucoup de chance ! » Le deuxième acte est envahi par … l’amour naissant d’Anna pour Peter, le fils des Van Daan. D’enfant turbulente qu’elle était, la jeune fille est heureuse de se sentir transformée en femme. Elle croit fermement que le monde, lui aussi se transformera...
La distribution calque parfaitement les personnages. Avec Sophie Delacolette une Miep éblouissante d’espoir et de solidarité. Anne-Claire pour Edith, la mère d’Anne, inquiète, maladroite dans ses sentiments maternels, exclusive et guindée. Catherine Claeys, une madame Van Daan, pathétique dans son besoin de paraître et son insupportable mari, Michel Poncelet, admirable dans sa veulerie. Margot, une soeur de rêve sous les traits gracieux de Laura Fautré. …Peter Vandaan, adolescent contrariant, timide et timoré, admirablement campé par Gaspar Rozenwijn. Les rôles semblent faits sur mesure! Aussi pour Marc De Roy qui incarne Monsieur Dussel. Il reste l’héroïne, et son fabuleux père: Bruno Georis. Dégotée par les soins de Fabrice Gardin : Juliette Manneback, dont on ne pense que du bien. Elle passionne l’auditoire, infuse sa gaieté juvénile, ses colères, ses indocilités, son bonheur d'écrire, son amour de la nature, elle qui vit enfermée, ses passions et un incomparable esprit de résilience et de foi en la vie alors qu’elle se trouve, comme tous ces clandestins, au seuil d’une mort programmée. Elle incarne en continu un poignant message d’humanité devant une société qui trop souvent, détourne le regard.
Fabrice Gardin tourne notre attention vers les nouveaux rescapés de guerres qui ne cessent de sévir au 21e siècle, tout à côté de notre confort occidental. Il est indispensable de "Rappeler de temps en temps l’Histoire ne fait pas de mal quand on voit l’intolérance et la haine qui habitent notre monde". Le metteur en scène monte cette pièce à la fois pour ressusciter le souvenir de cette adolescente lumineuse qui traversa la profondeur des ténèbres et peut être considérée comme un modèle planétaire d’humanité, de tolérance et d’espoir. La production sur scène au théâtre des Galeries correspond à l'anniversaire des 70 ans de la publication du Journal d'Anne Frank, aux 75 ans des premières lignes tracées à l'âge 13 ans par la jeune fille dans son journal, offert par son père pour son anniversaire, le 12 juin 42. Un journal que tout d’un coup, on a envie de relire ou de faire lire, grâce à la pièce.
Quelques temps avant son arrestation Anne Frank avait eu l’immense joie de savoir qu’elle serait publiée ayant appris par la radio libre néerlandaise de Londres que le gouvernement hollandais en exil promettait d’éditer les mémoires et souvenirs des rescapés de guerre. Un rêve d’adolescente qui lui, ne sera heureusement jamais assassiné!
Photos : Martin Gallone / www.martingallone.be
http://www.trg.be/saison-2017-2018/le-journal-d-anne-frank/en-quelques-lignes__7908
Du 18 octobre au 19 novembre 2017 au Théâtre Royal des Galeries
Galerie du Roi, 32 1000 Bruxelles Contact http://www.trg.be
infos@trg.be
02-512.04.07
« Norma » est à l’affiche à L’opéra de Liège. Tous deux, Vincenzo Bellini et John Keats, le poète romantique anglais, sont morts très jeunes, et c’est comme si leur âme flottait encore sur le temps suspendu qu’ils ont su reproduire dans leurs compositions, qui, musicale, et qui poétique. Ou peut-être les deux ? “A thing of beauty is a Joy for ever !”
A entendre ce magnifique opéra de Bellini interprété de façon aussi sublime le jour de la première à Liège, on ne pouvait que se laisser porter sur les chemins de la beauté musicale et en être atteint en plein cœur. En effet il semble que la musique de Bellini, transposée avec autant d’authenticité par Massimo Zanetti à la direction d’orchestre et par Pierre Iodice à celle des chœurs, a fait renaître toute l’énergie du compositeur, lui conférant un souffle d’éternité. Mais sans les interprètes, un magnifique casting de six solistes talentueux, point de forêt mystérieuse, point de rochers bleus veinés d’or, point d’autel, de sacrifices druidiques, point de brasier justicier, ni de mythe, ni de lune apaisante et élégiaque, ou de faucille d'or en forme de croissant ! L’accent n’est pas mis sur la confrontation de valeurs religieuses, ni les choix politiques ou la liberté des peuples, c’est ici l’affrontement intime des passions humaines qui fascine.
La tragédie se déroule en Gaule transalpine lors de l’occupation romaine. Norma, La prêtresse d’Irminsul, le pilier du ciel, est écartelée entre son devoir sacerdotal, son statut d’épouse répudiée, et ses devoirs de mère clandestine. L’amour divin, l’amour humain et l’amour maternel se vouent une bataille sanglante. La mise en scène prend l’envergure fantastique d’une cosmogonie, elle est signée Davide Garattini Raimondi. Deux puissances en présence: le divin et et le temporel qui s'affrontent. La montagne « barbare » d'une part et creusé dans son flanc, un immense bas-relief ouvragé inspiré d’un sarcophage romain (IIIe siècle ap.JC) : le Sarcofago Grande Ludovisi de Rome, qui témoigne des batailles entre Romains et Barbares.
Rendons donc hommage à la distribution, vivante, homogène, généreuse dont l’engagement dramatique est prodigieux mais sans emphase. Patrizia Ciofi (Norma)*, Gregory Kunde (Pollione), Josè Maria Lo Monaco (Adalgisa), Andrea Concetti (Oroveso), Zeno Popescu (Flavio), Réjane Soldano (Clotilde) font vibrer puissamment la forêttragique des sentiments. On est devant une source inépuisable d’émotions d’une fluidité continue, évitant les effets spectaculaires et serrant au plus près la recherche de vérité essentielle. Appréhendant quelque peu la virtuosité acrobatique de l’œuvre, que l'on se plait à dire meurtrière pour les solistes qui s'essaient au rôle titre, nous nous sommes juste trouvés dans le champ de la séduction et face à un équilibre absolu des voix, des décors et des costumes intemporels étincelants (Giada Masi). A de nombreux endroits, la volupté de l’écoute arrête le temps qui ne passe pas! Dans la fosse, les musiciens expriment l’empathie pour notre condition humaine et développent fidèlement la tension dramatique sous la main expressive et fougueuse du chef d’orchestre qui geste tout cela! Car rien n’est figé. En parallèle, la chorégraphie soigneuse de multiples ballets dansés (guerriers romains, prêtresses, druides), confère au décor, de vivantes palpitations, déchirantes d’humanité. Le silence des corps en mouvement est d’une grande éloquence pour dénoncer la torture des sentiments et les violences avérées qui peuplent l’histoire des hommes! … Sous la direction de Barbara Palumbo. Aux lumières : Paolo Vitale.
Néanmoins, ce que l’on retient surtout de cette représentation foisonnante et subtile, ce sont les prestations exceptionnelles de Patrizia Ciofi, dans le rôle-titre mythique immortalisé autrefois par Maria Callas, Leyla Gencer, Joan Sutherland, Montserrat Caballé…
Norma, immense prêtresse vénérée et femme secrètement amoureuse, déchirée par la traîtrise de celui qu’elle aime, se montre divine en vestale, jeune femme planante, aérienne, souple, envahie d’amour dans sa bouleversante intimité! Elle se montre délicieusement complice avec sa jeune consœur spirituelle, Aldagisa. On surprend des affectueux élans vers ses enfants, mais elle reste torturée par le besoin de vengeance, puis de rédemption. Elle se hérisse d’attaques, passe par la douceur et la virtuosité, se fait puissance et agilité. La longueur de souffle semble inépuisable, le défi vocal de la partition semble toujours gagné avec de belles lignes pures de vocalises et surtout, le rôle est habité comme jamais!
L’auditoire ne peut se retenir d’applaudir et d’acclamer fougueusement l'émouvant duo féminin « Sì, fino all'ore estreme!... » de Norma et Aldagisa (Josè Maria Lo Monaco) la jeune prêtresse dont s’est épris le présomptueux romain. Confondant de superbe et de suffisance, la voix chaude du ténor extraverti Gregory Kunde clame: « Je suis protégé par un puissant pouvoir - celui de l’amour qui enflamme tout mon être - je jure d’abattre cet autel d’infamie! ». Le timbre délicat d’Adalgisa respire la séduction et la tendresse pure et innocente et on éprouve ce « bonheur irradiant » dont Stendhal parle à l’écoute de Rossini et de Cimarosa.
Quant à la diction impeccable et la voix cuivrée et solaire du ténor qui joue de bonne grâce la lourdeur de l’envahisseur romain, elles sont remarquablement adaptées à l’œuvre bellinienne. Mystère de la musique? Duos et trios finiront par effacer les contours de l'imposant décor, pour ne garder que le temps suspendu!
*Silvia Dalla Benetta (Norma 04/11/17)
Du jeudi, 19/10/2017 au samedi, 04/11/2017
Opéra en 4 actes
Livret de Ruggero Leoncavallo, Marco Praga, Domenico Oliva, Giulio Ricordi, Luigi Illica et Giuseppe Giacosa
Créé à Turin en février 1893
Le célèbre roman de l’Abbé Prévost : Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut (1731), se trouve incarné en opéra par Daniel-François-Esprit Auber en 1856 et par Jules Massenet , le « maestro colossale » selon les dires de Puccini, en 1884. Puccini quant à lui, « all'italiana, con passione disperata » en 1893, abandonne la jeune fille innocente et frivole du XVIIIe siècle pour ressusciter le destin d’une femme sensuelle de son temps habitée par une folle énergie. Elle recherche passionnément les plaisirs de la vie, écartelée entre les attraits inconciliables du luxe et la vérité du désir amoureux. Devant la mort inéluctable, elle refuse de mourir: « No, non voglio morire ! »
Clair de lune au crépuscule. Les couleurs du premier acte sont celles du Bal du Moulin de la Galette à Montmartre, peint en 1876 par Auguste Renoir. Une palette de bleus lumineux, de verts acides mêlés de glauques et de violets intenses, les couleurs du spleen. L’atmosphère est bruissante, on joue aux tables de bistrot au pied de l’auberge d’Amiens. L’arrière-plan du plateau diffus tient de l’impressionnisme. Une foule animée, les femmes en robes à crinoline constitue des chœurs exubérants dans leur ode retentissante à la jeunesse et à l’espoir. Tragédie ou comédie ? Quelle blague! La puissante soprano Anna Pirozzi & le ténor sicilien Marcello Giordani, forment un couple central intense et passionné, très bien accordé dans la voix et le jeu. Le timbre noble et chaleureux de l’un répond au diapason des émotions à vif de l’autre.
Le chevalier Des Grieux (Marcello Giordani) tombé amoureux de l’ardente Manon (Anna Pirozzi) à sa descente de calèche, revit son rêve caressant et son coup de foudre passionné : Donna non vidi mai simile a questa!
A dirle: io t'amo,
tutta si desta -- l'anima.
Manon Lescaut mi chiamo!
Come queste parole
mi vagan nello spirto
e ascose fibre vanno a carezzare.
O susurro gentil, deh! non cessare!...
Mais dès cet instant, Des Grieux signe sa perte. De son côté, Géronte, - au nom plus qu’évocateur - Fermier-Général de la Province de son état, séducteur caduc, conspire avec Lescaut (Ionut Pascu), le frère très vénal de la belle-promise-au-couvent. Le vieux barbon se délecte à l’idée d’enlever sa proie et de l’installer à Paris dans un cadre princier. Impeccable prestation de Marcel Vanaud.
Grande ellipse narrative. Si Manon s’est enfuie avec Des Grieux à Paris, elle l’a très vite trahi pour se retrouver dans l’écrin de la richesse. Les décors somptuaires sont de Jean-Louis Lecat. Au centre du plateau, trône un superbe escalier d’honneur. Manon a franchi d’un coup toute l’échelle sociale. La voilà à sa toilette, face au miroir de la foule, adulée et caracolant effrontément sur l’orchestration ferme, gracieuse et brillante de Speranza Scapucci. Laquais, femmes de chambre et perruquier, sont empressés. Son frère, Lescaut se vante « c’est grâce à moi que tu as échappé à l’étudiant ! ». Mais au milieu de ses dentelles, Manon livre son cœur déchiré : in quelle trine morbide...
nell' alcova dorata v'è un silenzio..
un freddo che m'agghiaccia!..
Ed io che m'ero avvezza
a una carezza
voluttuosa
di labbra ardenti e d'infuocate braccia...
or ho... tutt' altra cosa!
O mia dimora umile,
tu mi ritorni innanzi
gaia, isolata, bianca
come un sogno gentile
e di pace e d'amor!
Manon s’étiole devant les madrigaux commandés par Géronte. Le chant de pastoureaux libres et heureux la rend nostalgique! Les secrets du menuet la font enrager au bras du vieux barbon qui l’a couverte d’or ! On attend avec impatience le magnifique duo avec son amant très en colère qui débarquera miraculeusement. Dunque non m'ami più?
Mi amavi tanto!
Oh, i lunghi baci! Oh, il lungo incanto!
La dolce amica d'un tempo aspetta
la tua vendetta...
Oh, non guardarmi così: non era
la tua pupilla
tanto severa!
Manon implore son pardon, l’amour fait le reste. La chef d’orchestre divine,Speranza Scapucci, dont c’est la première apparition comme chef principal attitrée de l'ORW-Liège, pour la saison 2017-2018 est une fabuleuse créatrice d'atmosphères. Elle enlace son orchestre dans d'intrépides étreintes musicales qui deviennent ivresses de sentiment. Sa baguette passionnée tresse les émotions, prenant le ciel et les astres à témoin. Les amants tragiques se sont rejoints au pied des fauteuils de l’élégant salon. Point culminant intense de la rencontre amoureuse… balayée par l’arrivée du vieillard en colère : « C’est là vote remerciement ? » L’orchestre traduit les battements de cœur de la femme prise au piège. Des Grieux la conjure de fuir avec lui… Mais Manon est décidément incorrigible. Elle est éblouie par les mirages du luxe largement amplifiés par les cuivres brûlants de l’orchestre. Elle perd du temps, caresse langoureusement les meubles précieux, part à la recherche des bijoux qu’elle veut emporter ! Des Grieux est sombre : « quel avenir obscur feras-tu de moi ? » « N’emporte que ton cœur!» supplie-t-il !
Après l’arrestation des amants à la fin du deuxième acte, place à un splendide intermezzo pendant lequel on lit dans les pensées de Des Grieux : « C’est que le l’aime avec une passion si violente qu’elle me rend le plus infortuné des homes J’ai tout employé, à Paris pour obtenir sa liberté : sollicitations adresse, force m’ont été inutiles. J’ai pris le parti de la suivre, dût-elle aller jusqu’au bout du monde ! » Une citation du texte de l’Abbé Prévost. Les cordes font vibrer le désespoir. Le violoncelle soliste dialogue avec l’alto soliste, puis le violon solo avant l’entrée de tout l’orchestre qui répand des vagues successives d’angoisse. Crescendo puissant et inéluctable…pour annoncer le mélodrame final. Speranza Scapucci reçoit des applaudissements très largement mérités. Au troisième acte, nous sommes au Havre. Le jour se lève sur le quai où seront amenées les femmes de mauvaise vie en partance pour L’Amérique, terre de bannissement. Le mélange insolite de paquebot à vapeur et de bateau à roues à aubes… suscite l’admiration du public. Le traitement des malheureuses femmes que l’on fait monter à bord remplit d’effroi! C’est l’appel : Rosetta! Manon! Ninetta! Regina! Violetta! Toutes malmenées et méprisées. La foule de badauds est contenue par la police. Magnifique réglage scénique. L’orchestre polit les affres de douleur de Manon, prisonnière derrière une grille ; l’amour est son crime ! La passion des amants et les envolées lyriques sont à leur comble.
Des Grieux bouleverse la foule assemblée et le public par sa décision de suivre Manon en exil. Le quatrième acte est une vallée de larmes partagée par le couple maudit, dévoré par la soif au milieu du désert qu’ils doivent traverser pour rejoindre la colonie anglaise. Ils sont exténués et impuissants. Manon, malgré la fièvre et l’épuisement, reste forte, comme en témoigne sa voix ! Sola... perduta... abbandonata!.. Sola!..
Tutto dunque è finito. E nel profondo
deserto io cado, io la deserta donna!
Terra di pace mi sembrava questa...
Ahi! mia beltà funesta,
ire novelle accende...
Da lui strappar mi si voleva; or tutto
il mio passato orribile risorge
e vivo innanzi al guardo mio si posa.
Di sangue ei s'è macchiato...
A nova fuga spinta
e d'amarezze e di paura cinta
asil di pace ora la tomba invoco...
No... non voglio morire... amore... aita!
Mais le désert brûlant engloutira une à une, ses fiévreuses paroles d’adieu à la vie... « Sur mes fautes l’oubli s’étendra, mais l’amour vivra ! » sont les dernières paroles de Manon, sur lesquelles Des Grieux finit par rendre l’âme.
La direction habile des chœurs très mobiles est confiée à Pierre Iodice. Les superbes éclairages de Franco Mari font vibrer les émotions, les costumes de Fernand Ruiz déploient richesse et imagination tandis que la soigneuse mise en scène de Stefano Mazzoni Di Pralfera est loin de décevoir. Au deuxième acte, comme dans une maison de poupée, les différents plans offrent l’illusion de caméras qui pénètre dans plusieurs décors à la fois. Mais par-dessus tout, on gardera en mémoire ces deux mains qui se cherchent, l’une à bord du navire, l’autre sur le quai….
Speranza Scappucci dirige l'Orchestre et les Choeurs de l'Opéra Royal de Wallonie-Liège.
MISE EN SCÈNE : Stefano Mazzonis di Pralafera
CHEF DES CHŒURS : Pierre Iodice
ARTISTES : Anna Pirozzi, Marcello Giordani, Ionut Pascu, Marcel Vanaud, Marco Ciaponi, Alexise Yerna, Patrick Delcour, Pietro Picone
NOMBRE DE REPRÉSENTATIONS : 5 DATES : Du mardi, 19/09/2017 au samedi, 30/09/2017
Infos & Réservations http://bit.ly/2xUkMY3
Jeudi, 28/09/2017
L'Opéra Royal de Wallonie, en association avec la société de production Jim et Jules, la RTBF et France Télévisions, propose une diffusion en direct sur Culturebox, l'offre numérique dédiée à la culture de France Télévisions, sur medici.tv et sur le site de la RTBF de l'opéra de Puccini. http://culturebox.francetvinfo.fr/
Des vocalises qui tombent du ciel !
« Callas, il était une voix » a été créé le 19 septembre 2017 à Louvain-la-Neuve, au théâtre le Blocry, en première de saison. Dépouillée, enjouée, virevoltante et dramatique, la mise en scène créative et fantomatique très habile est signée Patrick Brüll. On attendait l’entrée de la diva par le miroir, elle a choisi la fenêtre ! L’apparition du spectre de Maria Callas gêne aussi peu que les fantômes dont Georges Brassens était amoureux, tant la comédienne est belle et son jeu d’actrice fascinant!
C'était tremblant, c'était troublant,
C'était vêtu d'un drap tout blanc,
Ça présentait tous les symptômes,
Tous les dehors de la vision,
Les faux airs de l'apparition,
En un mot, c'était un fantôme !
Maria Callas disparaît à 53 ans le 16 septembre 1977, il y a tout juste quarante an. Figure de proue dans l’histoire de l'interprétation musicale, elle l’a bouleversée et est devenue une légende!
Quelle alliance artistique ! Dramaturge, romancier, scénariste, Jean-François Viot s’en empare et propose une écriture théâtrale construite comme une tragédie grecque à laquelle il ne manquerait que les chœurs ! « L’impuissance d’un personnage qui plie devant la force implacable du destin. Le premier acte où on apprend qui il est. Le second, où tout se passe bien encore mais où arrive le petit grain de sable qui va détraquer la machine. Le troisième, où il pense qu’il va s’en sortir. Et puis la suite, quand tout s’effondre. » …C’est tout Maria Callas, volontaire et fragile, émouvante et indisciplinée! Et pourtant, sur le plateau, dans ce deux-en-scène, que de bienveillance partagée, quel sens aigu de l’humour!
Bouche rouge, l’impératrice en noir et blanc, ombre et lumière, soufflante d’élégance, sertie dans une courte robe Dior, joli collier de perles trois rangs, coiffure en chignon superbement lissé qui n’aurait rien à envier à Evita, se confie et savoure ses derniers frissons d’entre-deux vies avec le journaliste, François Grenier. L’occasion de laisser un testament en chair et en os? Décidément, Brassens ! Quelle époque, ce 20e siècle, écrin de tous les rêves les plus fous après les misères du plus jamais ça ! Va-t-elle instiller, à la vue de ses bras si gracieux faits de chair de pomme, un souffle nouveau d’enthousiasme romantique au jeune journaliste du 21e siècle en lui offrant ses hurlements de plaisir et les dernières gorgées de ses profondes émotions?
La dame évoque l’arrachement à la terre natale, ses féroces combats dès l’enfance, l’amour de son père, le rêve américain, sa pugnacité devant les échecs répétés, l’immortelle tragédie grecque qu’elle transporte dans ses veines, et sa conquête de la voie royale! La voix module les souvenirs, se passionne pour les grands airs d’opéra, vocalise l’émotion, susurre ses rêves les plus fous: le déluge de frissons. Le chant résume le tout! Elle captive un public bouleversé : « Tout cela pour obtenir si peu ? Une poussière de rien, niente ! » C’est Anne Renouprez avec ses yeux d’icône orientale, dans toute sa splendeur lyrique et théâtrale.
Le jeune journaliste trentenaire qui l’interview dans son studio tombé du ciel, c’est Alain Eloy, qui, sans le moindre changement de costumes, par la simple magie théâtrale de la voix et des postures, explose à la façon d’un prestidigitateur, la mosaïque de personnages imaginés qui fusent et s’évanouissent comme des bulles de champagne! La confidence et la complicité se font si vives, que la diva devient le maître du jeu, question de lui faire entrevoir le bien-fondé de l’amour vécu qui rend si vain l’affolant déluge des frissons…
crédit photos Gael Maleux
AuteurJean-François ViotDramaturgie Patrick Brüll, Catherine L'HoostMise en scène Patrick BrüllAvecAlain Eloy, Anne RenouprezLumières Laurent KayeSon Eric DegauquierCoiffures et maquillages Sara OulRégie son et lumières Eric DegauquierHabilleuse Emmanuelle FroidebiseConstruction décor Jean-Philippe Hardy, Manu MaffeiDirection technique Jacques MagrofuocoAssistante à la mise en scèneDaphné LiegeoisStagiaire Aurélie SwiriRemerciements Sébastien Fernandez, Claude-Pascal Perna (conseils et documentations), Saïd Belbecir (prêt accessoires vintages), Giuseppe Talamo (ténor), Fabian Jardon (pianiste), Liliane Breuer (couturière), L' Alliange à Durbuy (accueil et logement stage préparatoire)
Une production de l’Atelier Théâtre Jean Vilar et de DC&J Création.
Sans l’ombre d’une hésitation Arts et Lettres accorde 5 étoiles à ce fabuleux Hamlet absolument frénétique et échevelé, dont la mise en scène est signée par un maître de la flamboyance théâtrale, Thierry Debroux. Celui-ci gagne haut la plume son pari d’ouvrir au plus grand nombre, la voie royale des chefs-d’œuvre immortels. Chacun, chacune peut se laisser traverser à loisirs par le génie de ses mise-en scène qui révèlent le texte sous des éclairages résolument modernes et novateurs sans pour autant trahir la pensée de l’auteur. Mélange habile : le texte de Shakespeare, dont Thierry Debroux a chassé les archaïsmes pour ne pas effrayer les plus jeunes, est épicé de bribes de conversation domestique et permet à qui n’a jamais mis les pieds au théâtre de goûter chaque mot prononcé sur scène, d’apprécier les problématiques et de se laisser gagner par la magie de l’œuvre. Le découpage de la pièce va à l’essentiel et met en lumière les personnages fondateurs du drame.
Innovation renversante : Hamlet, le plus grand des Danois est devenu russe ! Le cadre choisi est un glissement d’époque qui conduit à la nôtre. Elseneur flirte avec Saint-Pétersbourg, le couple royal shakespearienne flirte avec les Romanov… ou les dictatures ultra-modernes. Hamlet a décidément l’âme slave avec ses souffrances extrêmes - selon Dostoïevski, "le besoin spirituel le plus élémentaire du peuple russe est la nécessité de la souffrance" - ses désespoirs sont affolants et ses folies ravageuses. La vigilance rend-elle fou ? Les multiples coiffures ébouriffées de sa crinière indomptée témoignent de son instabilité et de l’extrême sensibilité de ses perceptions. Se laisser pousser la barbe, dans la culture russe à l’époque, c’est un signe de révolte contre le diktat de l’Etat. Et pour le verbe, quel savoir-faire et quel rythme dans sa sensibilité exacerbée! Je ressens donc je suis!
Mais Hamlet, alias un fulgurant Itzik Elbaz, sans qui, Thierry Debroux n’aurait jamais tenté l’aventure, c’est aussi Roméo, lorsqu’il pose sa tête sur les genoux d’Ophélie et lui livre son immortelle et vertigineuse confession intime, à laquelle il donne des résonances encore plus troublantes... Il se sent à la fois dans le désir et dans l’obligation de la fuir pour la protéger.
Ophélie, prisonnière de la condition de la femme, soumise aux exigences de l’autorité paternelle et rendue folle d’amour pour Hamlet, ira elle jusqu’au bout de sa folie, accomplissant le geste fatal. En revanche, le rêve de vengeance d’Hamlet, qu’il maquille par une folie absolument crédible, se termine quant à lui par un salto mortale dans le gouffre de l’extrémisme radical. Car lorsque le pouvoir, la jalousie, la vengeance, le rejet des compromissions, l’extrémisme « éliminent les autres sentiments ils deviennent eux-même immense folie! ». A peu de choses près, Hamlet réussit son coup d’état, sauf que la Destinée en décide autrement et que la pièce se terminé par un immense carnage…. « Et le reste est silence. »
Tout aussi admirable dans l’interprétation de son rôle, nous avons Anouchka Vingtier dans le rôle d’Ophélie à l’admirable coiffure tressée avec soin par des mains de fées. Vêtue d’une robe de soie bleue comme la rivière ou le manteau de la Vierge, ne dit-elle physiquement par ses silences et ses postures le dénigrement séculaire de la condition féminine? A l’instar des femmes décrites par Velasquez, elle est raide, sans maquillage, paralysée par l’effroi et l’horreur de sa condition de femme, écartelée entre son désir amoureux et l’obéissance au père. On souhaite que sa soumission, sa folie avérée et le destin fatal qu’elle choisit radicalement, nous fera réellement réfléchir.
Tout aussi emblématique est l’affolement de la reine Gertrude, complice de Claudius, interprétée par Jo Deseure. Si elle est devenue la propriété charnelle du roi usurpateur, et même son animal de compagnie ( il l’appelle « sa souris ! ») elle attire la sympathie pour ses inquiétudes haletantes de mère tourmentée. « Ne puise-t-elle pas « toute sa vie dans les yeux de son fils ? » Ne va-t-elle pas elle aussi, friser la folie? La chevelure et le jeu de ses expressions égarées en témoigne! Encore un savant clin d’œil de l’artiste maquilleur et coiffeur, Bouzouk.
Pour en venir à Claudius (Serge Demoulin), meurtrier mondain, il est coiffé comme un prince galant. Le dictateur, splendidement vêtu, froid et résolu, installe à tout moment la surveillance. Il symbolise le visage d'un ordre social cruel : la violence d’état écrase toute forme de résistance ou d'opposition. Il étale ses manières courtoises pour mieux ourdir ses mortelles machinations, sûr de sa réussite. Son sang-froid, sa maîtrise et sa duplicité laissent pantois. Serge Demoulin qui l’habite au mieux, retrouve toute son humanité dans la scène de repentir devant Dieu, jouée au pied des icônes de la cathédrale orthodoxe. C’est à ce moment qu’ Hamlet perd l’entendement et la partie: il a abaissé son glaive, non par pureté de cœur, mais de peur que le scélérat, par sa confession, ne rejoigne malgré tout, un paradis immérité. Là, comme dirait Sophocle: flagrant défaut d’hubris !
Il serait injuste de ne pas aussi donner la palme aux trois autres comédiens qui contribuent de façon irréprochable à cette tragédie : Fabien Finkels, toujours aussi attachant, que nous avions encensé dans le « Faust » de Goethe à l’affiche du théâtre du Parc l’an dernier et l’impétueux Adrien Letartre dans les rôles d’Horatio et Laërtes. Et aussi Christian Crahay, un Polonius, superbe archétype du père despotique, qui rampe devant l’autorité et se fait tuer, pris pour un « rat ».
Mais revenons encore sur cette mise en scène impeccable où les musiques de David Lempereur, le travail scénique sur deux niveaux de galeries, et les inventions poétiques et allégoriques ne cessent de captiver. Les costumes sont signés Anne Guilleray. Vous aussi serez hantés par les jeux de lumières fantomatiques, la multitude de miroirs traversés, le frisson de la rivière fatidique, et par les autres personnages typiquement shakespeariens qui ont eux aussi de belles histoires à vous faire savourer! Aux lumières : Laurent Kaye et à la scénographie : Vincent Bresmal.
http://www.theatreduparc.be/Agenda/evenement/57/48.html
Dates: du 14 septembre au 21 octobre 2017
Lieu: Théâtre Royal du Parc
Rue de la Loi, 3 1000 Bruxelles
Contact:
http://www.theatreduparc.be
info@theatreduparc.be
02-505.30.30
#Célimènemèneladanse #Alcesteamoureux #Arsinoélaprudetladévote #eThéâtre #GénérationY #digitalnatives #DominiqueSerron #CyberMolière #Le-Misanthrope-2017 #ATJV
Jean-Baptiste Poquelin, autrement plus connu sous le pseudonyme de Molière, a dû se retourner de plaisir du fond de sa tombe infamante, avec la belle mise en scène ultra-chic et moderne, par Dominique Serron en 2017, de sa pièce emblématique « Le Misanthrope » représentée pour la première fois au théâtre du Palais-Royal à Paris, le 4 juin 1666, par la Troupe du Roi.
Retrouvez les personnages : ALCESTE, dit le Misanthrope, amant de Célimène ; PHILINTE, ami intime d’Alceste ; ORONTE, « poète » et amant de Célimène ; CÉLIMÈNE, amante d’Alceste ; ÉLIANTE, cousine de Célimène ; ARSINOÉ, « amie » de Célimène ; ACASTE & CLITANDRE : 2 marquis prétendants de Célimène, BASQUE, valet de Célimène ; UN GARDE de la maréchaussée de France ; DU BOIS, valet d’Alceste. Voici l’adresse du texte! http://www.toutmoliere.net/IMG/pdf/misanthrope.pdf
Alceste, l’atrabilaire drôlement sympathique et vif-argent joué par Patrick Brüll a tout pour plaire! Il circule à la vitesse du vent sur un plateau ouvert, entre les alexandrins bénis des amoureux de la langue française et ses élans passionnels pour la belle Célimène. « Je veux qu'on soit sincère, et qu'en homme d'honneur, On ne lâche aucun mot qui ne parte du cœur. » « Sur quelque préférence, une estime se fonde, Et c'est n'estimer rien, qu'estimer tout le monde. » « Non, vous dis-je, on devrait châtier, sans pitié, Ce commerce honteux de semblants d'amitié » « et je hais tous les hommes: Les uns, parce qu'ils sont méchants, et malfaisants Et les autres, pour être aux méchants, complaisants».
@Célimène : #headoverheelsinlove : « Mon amour ne se peut concevoir, et jamais, Personne n'a, Madame, aimé comme je fais. » Mais, « J'entre en une humeur noire, en un chagrin profond, Quand je vois vivre entre eux, les hommes comme ils font; Je ne trouve, partout, que lâche flatterie, Qu'injustice, intérêt, trahison, fourberie » C’est là que l’on se dit que Molière a hélas mille fois raison!
Et la belle Célimène, adulte-ingénue, blogueuse insatiable, fille du siècle, coquette ravis-s-amants vêtue et dévêtue, et incarnée par la belle Laure Voglaire aura moralement bien du mal à capter les vivats du public! Sa présence physique elle a de quoi ensorceler! Et tout le monde tombe sous le charme tandis que la mise au goût-du-jour de Dominique Serron fait merveille. Un nuage virtuel nimbe les comédiens qui ont tous leur smartphone à la main, de la cuisine à la salle de bains. Le public médusé de la génération X applaudira bien sûr avec délectation les recours scénographiques aux nouvelles technologies et aux espaces des réseaux sociaux, ...et la génération Y se trouvera pour une fois, très heureuse d’être au théâtre! Un théâtre qui leur tend pourtant le miroir d’une société totalement « moi-je », mais où ils peuvent se contempler à loisir, en selfies, en pied, en cap, sans épée, en échange photos, vidéos, liveshows, en popularité et surtout en alexandrins extraordinaires! Irrésistible, non? Effet comique assuré!
La mise en scène a mis le paquet et les deux mondes, celui du verbe et celui du virtuel font excellent ménage, grâce à l’inventivité de la mise en µscène qui infuse Molière dans les esprits en toute liberté et avec avec un art consommé. Notre mode de vie du "tout à l'écran", n'est il pas complètement dégénéré? L'étape suivante c'est la puce derrière l'oreille! Côté peines du cœur et peines de d’argent, telles que vécues par le grand dramaturge français, elle en a une connaissance profonde et partage avec feu les souffrances de cet Homme Révolté avant la lettre. A se demander d’ailleurs si l’Histoire, comme le pensent tant de pays d’Orient, ne serait pas finalement cyclique?
Les autres personnages, ne sont pas en reste. Arsinoé, vieille d’au moins quarante ans et jalouse (Alexia Depicker, qui joue également Eliante, en deux tonalités parfaitement opposés) se la joue à la perfection dans son rôle d'hypocrite donneuse de leçons. Les soupirants, bien que sans rubans, sonnent très juste, et Philinthe (le très élégant François Langlois) l’ami inconditionnel et l’honnête homme presque parfait, fait vraiment plaisir à écouter. Bien que, question d’honnêteté et de connivence, on penche franchement pour l’atrabilaire amoureux! Et l'on délecte les 780 alexandrins si agréablement prononcés par la troupe bourdonnante de dynamisme, de l'Infini Théâtre!
Ainsi donc, vous ressortirez, quelle que soit votre génération, enchantés d’une telle explosion de créativité si bien rythmée et infiltrée avec tant de savoir-faire de sagesse profonde !
- Création au Théâtre Jean Vilar du 17 au 27 octobre 2017
- Durée : 2h sans entracte
- Réservations : 0470/67 97 20 ou reservations@audioscenic.be
http://www.atjv.be/Le-Misanthrope-2017
Des clés pour l’opéra, …au cœur de la Forêt de Soignes
Quoi de plus enthousiasmant pour débuter la nouvelle saison de critiques chez Arts et Lettres, que le charmant spectacle une adaptation pour enfants de l’œuvre de Mozart en 60 minutes de bonne humeur et de légèreté, écrite par Sophie van der Stegen, respirant l’exquise musique du compositeur et son rêve des Lumières! La (Petite) Flûte Enchantée est un projet Enoa (European Network of Opera Academies), en coproduction avec l’ Escuela de Musica Reina Sofia, Fondation Calouste-Gulbenkian. La tournée a débuté en Belgique le 26 août à Louvain-la-Neuve (au Kidzic à la ferme du Biéreau), nous l’avons dégustée ce samedi 10 septembre, à La Chapelle Musicale Reine Elisabeth qui affichait complet! Ensuite elle voguera vers d’autres contrées…(Luxembourg, Portugal & Espagne!)
Heather Fairbairn, ludique et mystérieuse, est à la mise en scène. Tout commence avec des enfants munis de coussins et de masques d’oiseaux joliment assemblés avant le spectacle qui se rassemblent autour d’un podium servant d’écrin à un arbre de lumière stylisé, seul représentant d’une forêt imaginaire. Les baies vitrées de la salle de la Chapelle musicale donnent sur les bois. Ainsi, au cours de cet opéra participatif et immersif, les jeunes de l’école maternelle à l’école primaire picoreront en live et pour la première fois pour nombre d’entre eux, les graines de l’éveil musical et amoureux. La flûte enchantée n’est-telle pas une initiation au coup de foudre, à l’amour au premier regard, puis à sa maturation en empruntant la voie étroite?
Quelque part, un escabeau sans prétention et un coffre à malices ou à costumes ont rejoint le mystère de greniers d’antan. A l’autre bout, une pianiste (Julie Delbart /Marie Datcharry) fera frémir des atmosphères : des orages terrifiants, l’autorité du sage, les déclarations d’amour et les improvisations de bonheur qui pétillent dans la musique originale d’Ana Seara! 150 regards émerveillés qui ont fait le pari de l’imaginaire seront comblés, l’énergie du conte et de la musique circule avec naturel. Comme le dit la conclusion du spectacle : « La musique, l’amour, l’amitié et l’imagination, c’est tout l’Opéra. »
Le ténébreux barytonGuillaume Paire incarnait avec voix assurée et entregent solide un Papagéno génial, en costume d’explorateur, ainsi que le mage Sarastro … et la Reine de la Nuit et ses maléfices! D’emblée, il sauve le séduisant prince Tamino (le très romantique ténor - brûlant et enchanteur - Fabien Hyon) du terrifiant serpent de la forêt, grand comme une ablette. Rires. Celui-ci tombera ensuite amoureux du portrait de Pamina, enlevée à sa terrible mère, et séquestrée par Sarastro. Flûte enchantée et carillon magique convoquent la magie… Mais pas que : la magie même du spectacle et la voix des enfants devenus oiseaux des forêts, ouvrent les portes de l’imaginaire! Des épreuves terribles attendent le jeune couple, dont la pire : le silence!
Parents et enfants se retrouvent à rêver devant la vraie fée du spectacle Pamina (Julie Gebhart) : délicate, frissonnante, juvénile, tendre, exquise image de princesse, douée d’une voix extraordinaire au timbre fruité et aux aigus très agréables. C’est la même interprète, Julie Gebhart qui représente la coquine Papagéna. « En musique, aidez-nous à trouver Papagéna ! » lance le maître du jeu musical, en nettement mieux que Dora l’exploratrice! Rassemblés dans la joie de l’écoute et des rires, les gosses de tous âges et leurs parents sont réellement conquis par la découverte !
Chapelle Musicale Reine Elisabeth
445 chaussée de Tervuren, 1410 Waterloo
http://belgium-events.com/event/la-petite-flute-enchantee-family-opera-2
Mind you! If you want to support the project, nominate us for an Opera Award!
- Visit www.operaawards.org/nominate
- In the category 'Education & Outreach', type: Queen Elisabeth Music Chapel's La (petite) Flute Enchantee
.
Le Poème de la semaine n° 34
.
L’éden d’ailleurs
Ciel sous le soleil
Le bonheur espérance
Labyrinthe clos
Pensées secrètes
Mes idées sur l’asphalte
Confusion du soir
Trop de vertiges
Ce jeudi cerveau étroit
La vie est belle
L’éden d’ailleurs
Je vois le soleil et le ciel bleu
Je vois la terre et sa noirceur
Je vois l’espérance et le bonheur
Je vois l’adversité et le malheur
Je me perds dans mes pensées secrètes
Labyrinthe clos par inadvertance
Dédale improbable de mes sentiers
Perdus dans les méandres du cerveau
suite en cliquant sur ce lien :
Rose de l'Amour,
Tu berces nos jours,
Ton parfum de velours
Chante son retour.
Chute libre vers la liberté?
Elles jouent sur un plan incliné entre les étoiles.
Dominique : Pourquoi êtes-vous entrée chez moi ?
Anna : La porte était ouverte.
Dominique : Pourquoi êtes-vous entrée dans l’immeuble ?
Anna : La porte était ouverte.
Dominique : Et vous cherchez quoi ?
Anna : Je cherche rien.
Dominique : Vous avez froid ?
Anna : Non.
Dominique : Vous avez faim ?
Anna : Non.
Dominique : Vous avez peur ?
Anna : On a tous peur.
Que se passerait-il si un beau jour, disons, un très beau soir, vous retrouviez dans votre appartement ou dans votre maison, une personne inconnue qui vient de s’éveiller sur votre moquette ? L’exercice de style que Fabrice Gardin prend par les antennes, germe en un dialogue extraordinaire entre absurdité et réalités. Il démontre la puissance et l’urgence de la curiosité qui tous nous anime, malgré les barrières érigées par la société. Curiosité de soi et des autres. Voyage en huis clos. Présence à l’Autre.
Dominique : Tu viens de quelle planète ?
Anna : Celle du cœur.
Dominique : Tu vas me faire souffrir longtemps ?
Anna : Ça dépend de toi.
Dominique : Tu ne serais pas un démon quelquefois ?
Anna : C’est quoi, ta définition du démon ?
Dominique : Un machin qui dit des vérités et force les gens à se regarder dans un miroir.
Marie-Noëlle Hébrant… incarne Celle du dedans: une jolie femme mûre – surtout pas vieille – bien sapée dans une ample robe moirée à godets rehaussée d’une veste moulante dans le même tissu. Elle est blonde, coiffure au carré, et porte des souliers corail à talons confortables. Plus que tout, elle est restée fixée en admiration pour son défunt père qui lui a filé son immense fond de culture. « Je crois qu’on décide pour vous, dans la vie… » Elle a fait vaillamment tout le parcours de combattante jusqu’au doctorat en histoire de l’art et a gagné la reconnaissance des pairs. Elle voyage, prisonnière de l'engrenage, elle est plusieurs fois commissaire d’expositions, vit dans les musées, mais regarde rarement au fond d’elle-même. S’aime-telle même ? Qui aime-t-elle? Quelqu’un l’aime-t-elle ? Et où se cache son cœur?
Camille Dawlat… incarne Celle du dehors: une intruse, très curieuse elle aussi… Une Shéhérazade à l’écoute. Mais où est le sac ? Elle n’en n’a pas. Elle porte des bas en résille noirs, des bottines ouvertes, une robe courte en dentelle indigo et une veste polaire noire mangée par une immense chevelure de sirène Sicilienne piquée d’une rose pourpre. Elle est du genre grand tournesol, au sourire de braise coiffé d’yeux flamboyants. En robe blanche, et le cœur sur les lèvres, elle a des intentions d’ange.
Mais bien sûr les travaux d’approche diffèrent autant que les dehors et les dedans… Les « tu » et les « vous » se mélangent entre les quelques blancs. Les verres trinquent. Le texte s’allume, brille, frémit, rougeoie, poudroie, reprend, s’enflamme, resplendit et s’évanouit dans l’énigme la plus profondément obscure. La vie ne sera plus jamais la même après cette nuit d’étranges soleils et de rencontre brûlante. Il suffit d’une fois, sur toute une vie… de boire de ce vin-là, pour sourire à vie!
Dans ce spectacle beau comme un impromptu, ouvert comme un livre, fertile comme une poignée de graines, le public s’est passionné pour tout ce dévoilement d’humour, d’ironie et de vérités en filigranes exposées avec tant d’ardeur et de pudeur, à travers un jeu très subtils d'interrogations, de regards, de silences et de postures magnifiquement étudiées.
DESTIN de FABRICE GARDIN
Du 20/04 au 06/05 - Du mercredi au samedi
THEATRE DES RICHES-CLAIRES
Rue des Riches-Claires 24 - 1000 Bruxelles
Infos Réservations : 02 / 548 25 80
Avec: Camille Dawlat & Marie-Noëlle Hébrant
Scénographie et costumes : Lionel Lesire
Lumières : Félicien van Kriekinge
Décor sonore : Laurent Beumier
Ecriture et mise en scène : Fabrice Gardin
Direction musicale : Alain Altinoglu / Samuel Jean (les 30, 31 mai et 2 juin)
Mise en scène : Stathis Livathinos
Aida ou le rêve d’un ailleurs, Radamès ou le rêve du devoir et de l’amour réunis, Ramfis, ou le rêve de la justice divine, Amnéris ou le rêve de la jalousie surmontée, Amonastro ou le rêve du royaume retrouvé, Verdi ou le rêve de l’amour transcendé… Une île au large du désespoir!
Faisant fi de l’esthétique monumentale – disparus : éléphants, pyramides, toute l’Egyptomanie ruisselante de fastes pharaoniques – nous voici sur un vulgaire caillou, récif hostile et déserté par la vie, quelque part en Méditerranée. Un « Paradise lost » pour Aida, la belle esclave éthiopienne au service de la fille du pharaon, Amnéris, par malheur également amoureuse de Radamès le vaillant héros. Aida, partagée entre l’amour et les devoirs qu’elle doit à son père, ennemi du pharaon et son amour pour le vaillant Radamès. Radamès, partagé entre son amour inaltérable pour Aida et son amour et devoirs pour la patrie.
Mais il ne s’agit pas de simples rivalités amoureuses ou de fresque pseudo-historique, la mise en scène de Stathis Livathinos (dont c’est la première mise en scène d’opéra), est digne d’une tragédie grecque. Importent au premier chef, l’intemporalité et la lutte existentielle perdue d’avance entre les trois tenants du triangle amoureux que le Destin se charge d'écraser. La souffrance humaine est au centre, le couple est maudit. Radamès emmuré dans la tombe, n’est-il pas l’incarnation masculine d’une Antigone injustement privée de cette lumière qu’elle adorait plus que tout? « La pierre fatale s’est refermée sur moi, Voici ma tombe, je ne reverrai plus la lumière du jour… »
Nous sommes déjà dès le début avec un pied dans la tombe, la machine infernale, telle le pendulum d’Edgar Poe est prête à faire son œuvre. Vents, rafales, nuées hostiles étranglent le décor dès l’ouverture du rideau. Le ciel est comme un couvercle… mais l’imaginaire a gagné ! L’œuvre se recentre sur la musique, et quelle musique! Un concert de sentiments à vif et d’introspection, d’atmosphères orientales et de désirs intenses dirigé tout en finesse par Alain Altinoglu. Le lyrisme orchestral est omniprésent. Le rêve de gloire de Radamès exulte dans la richesse des sonorités des cuivres et trompettes. La harpe et la douceur irisée des bois et des cordes souligne les moments de tendresse, lorsque par exemple Aida endormie dans le rocher fait une apparition divine, « Céleste Aida ». L’impitoyable duo d’Aida et d’Amnéris à qui elle a involontairement avoué son amour pour Radamès, est trempé de larmes musicales. Le trio « Mes larmes sont celles d’un amour impossible » chanté par les trois infortunés se termine par des accords déchirants. Les évocations de drame intime diffusent des vibrations profondes et sincères au sein d’une très grande variété d’expressions. A chaque étape, un silence lourd comme un tomber de rideau étreint l’assistance totalement prise par l’émotion, avant que la tragédie ne poursuive son cours inexorable. Dans cette chanson de geste tragique, chaque nouveau rebondissement ajoute une recrudescence de désolation répercutée par l'orchestre. Alain Altinoglu relance inlassablement l’intérêt et joue à merveille tous les registres, de l’intime au spectaculaire: les cris de vengeance et de puissance, les fanfares guerrières, les terribles déclarations de guerre, les implorations sacrées des prêtresses, les jugements iniques des grands prêtres, les foules aveugles en liesse, les plaintes des esclaves et des prisonniers, les éléments en furie et le silence du ciel! Sa musique est enveloppante comme le chœur d'une tragédie grecque!
On ne pouvait pas élire meilleure interprète du rôle d’Aida que la sublime Adina Aaron, jeune soprano lyrique américaine, bien connue dans le rôle d’Aïda depuis sa prestation à Busseto (Italie) pour la commémoration du centenaire de la mort de Verdi en 2001, dans la mise en scène de Franco Zeffirelli. Une voix extraordinaire qui dispose d'une maîtrise technique parfaite. Les affres éprouvées dans son rôle d’esclave alors qu’elle est fille de roi, sont pleinement convaincantes. Elle joue sans fards, avec une émotion, une intelligence et une sincérité remarquables. « Dois-je oublier l’amour qui a illuminé mon esclavage? Puis-je souhaiter la mort de Radamès, moi qui l’aime plus que tout ? » Est-ce son espoir éperdu de fuite avec Radamès évoquant le sort des milliers de réfugiés qui parcourent la Méditerranée aujourd’hui, qui nous émeut jusqu’aux larmes? Dans l’« air du Nil », la jeune esclave exprime toute la nostalgie et son attachement au pays natal. Comment ne pas voir à travers cette prestation que l’espoir intime des milliers de réfugiés est justement d’oublier les persécutions, la guerre. « Fuyons les chaleurs inhospitalières de ces terres nues, une nouvelle patrie s’ouvre à notre amour ! Là nous oublierons le monde dans un bonheur divin… » Sa prestation vocale charnelle et généreuse rejoint la plainte d’une Antigone, victime expiatoire de la superbe et de l’intransigeance des puissants. Le duo final du couple dans la tombe les mène d’ailleurs au bonheur divin : « Déjà je vois le ciel s’ouvrir - et il s’ouvre vraiment scéniquement - là cessent tous les tourments, là commence l’extase d’un amour immortel! » Ce duo rappelle les premières notes impalpables du prélude de l’œuvre. De crépusculaire, celui-ci devient lumineux.
Enrico Iori (Il Re) ; Mika Kares (Ramfis) © Forster
Dans les rôles masculins il y a a le ténor, Andrea Carè, au début, héros assez conventionnel, mais qui se développe en un personnage de plus en plus dramatique et convainquant. On retient cette image inoubliable où, laissés seuls à la fin de l'acte II, il lâche avec dégoût et de manière définitive la main d’Amnéris. Le héros déshonoré aura trahi pour Aida et sa patrie et son honneur... Il se taira devant ses juges. Mais il ne trahira pas l’amour! Quelle posture magnifique! La basse qui interprète le chef des prêtres (dans un magnifique costume) c'est un excellent Giacomo Prestia et le baryton Dimitris Tiliakos qui incarne le père d'Aida, est un Amonasro d'une ascendance tout à fait impressionnante.
© Forster
A l’opposé de tant de finesse et de nuances chez Aida, il y a évidemment la méchante, interprétée le jour de la première par Nora Gubisch. La grotesque Amnéris a transformé son amour inassouvi en colère abyssale. Elle est aveuglée par la colère – une grande faute de goût chez les Grecs. Elle ne se rend compte qu’à la fin, que c’est sa jalousie pure qui a causé la perte de tout le monde et que la clémence aurait été préférable. Contrairement à Aida, son jeu scénique n’est pas très développé, elle brutalise son esclave, s’arrache les cheveux et lacère se vêtements… On constate que ses interventions collent au caractère glauque qu’elle incarne, et sa perruque, si perruque il y a, parodie la coiffure de la très puissante Reine Elisabeth I, aux pieds de laquelle se prosternaient des dizaines d’amants éconduits… Mais Verdi lui accorde une rédemption puisque Amnéris, la voix étouffé par les pleurs et se prosternant sur la dalle de la tombe implore enfin la paix au tout-Puissant Ptah!
Et qu’est-ce que les mouvements de masse nous donnent-ils à voir ? Encore le désespoir des déplacés et le cri de l’injustice. Les hommes transformés en chiens et en faucons. Une outrecuidante soldatesque qui appelle à la guerre et des éclopés de guerre agités de mouvements frénétiques. Le mystère d’Isis dissimulé derrière le voile brodé du temple qui cache le saint des saints. La superbe des nantis qui exploitent la valetaille. La foule couleur sable, qui s’enivre de plaisirs ou de mortelles sentences. Cheveux cachés ou poudrés, leur cœur bat au bruit des drapeaux qui claquent tels des nuées d’oiseaux d’Hitchcok, ils symbolisent un peuple muselé, ignare sans doute, manipulé et sans voix… Une sacrée performance pour un chœur! Il est parfois proche, parfois lointain, comme dans le magnifique hymne à Ptah, où leurs harmonies et leur dialogue avec l'orchestre sont sublimes! Que de tableaux de vaine poussière, face à l’héroïsme vivant du couple que l’amour rend éternel!
Distribution :
Aida ADINA AARON
MONICA ZANETTIN (17, 20, 26, 31/5 & 4/6)
Radamès ANDREA CARÈ
GASTON RIVERO* (17, 20, 26, 31/5 & 4/6)
Amneris NORA GUBISCH
KSENIA DUDNIKOVA (17, 20, 26, 31/5 & 4/6)
Amonasro DIMITRIS TILIAKOS
GIOVANNI MEONI (17, 20, 26, 31/5 & 4/6)
Ramfis GIACOMO PRESTIA
MIKA KARES (17, 20, 23, 26, 31/5 & 4/6)
Il Re ENRICO IORI
Una sacerdotessa TAMARA BANJESEVIC
Un messaggero JULIAN HUBBARD
https://www.lamonnaie.be/fr/program/219-aida
http://concert.arte.tv/fr/aida-de-verdi-au-theatre-de-la-monnaie
http://opera.stanford.edu/Verdi/Aida/libretto_f.html
interviews/ extraits:
http://www.bruzz.be/nl/video/de-munt-speelt-aida-voor-het-laatst-op-thurn-taxis
Monica Zanettin (Aida) © Forster
Monica Zanettin (Aida) ; Ksenia Dudnikova (Amneris) © Forster
Une mère plus grande que nature
«Avec l'amour maternel, la vie vous fait, à l'aube, une promesse qu'elle ne tient jamais. Chaque fois qu'une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son cœur, ce ne sont plus que des condoléances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné. Jamais plus, jamais plus, jamais plus. Des bras adorables se referment autour de votre cou et des lèvres très douces vous parlent d'amour, mais vous êtes au courant. Vous êtes passé à la source très tôt et vous avez tout bu. Lorsque la soif vous reprend, vous avez beau vous jeter de tous côtés, il n'y a plus de puits, il n'y a que des mirages. Vous avez fait, dès la première lueur de l'aube, une étude très serrée de l'amour et vous avez sur vous de la documentation. Je ne dis pas qu'il faille empêcher les mères d'aimer leurs petits. Je dis simplement qu'il vaut mieux que les mères aient encore quelqu'un d'autre à aimer. Si ma mère avait eu un amant, je n'aurais pas passé ma vie à mourir de soif auprès de chaque fontaine. Malheureusement pour moi, je me connais en vrais diamants. »
Une interprétation d’envergure
Mangeur d’étoiles, bourré d’humour et de retenue, homme de qualité, grand maître du seul en scène sans une minute d’ennui ou l’ombre d’une gesticulation, καλὸς κἀγαθός, est-il un gentleman anglais, ce Michel Kacenelenbogen qui endosse l’espace d’ un soir, la personnalité complexe de Romain Gary, héros de guerre, consul de France, écrivain prolifique et énigmatique? Au pire moment, son interprétation bouleversante du lien mère-fils, laissera le visage simplement baigné de larmes. Les spectateurs émus, le visage saoulé de tendresse, redescendent les escaliers de la salle, la plupart en silence, le sourire aux lèvres, l’amour diamant fiché dans le cœur.
Le mystérieux Romain Gary dans « La promesse de l’aube » fait revivre son enfance échevelée en 400 pages d’amour absolu pour sa mère, Nina. Couvé par un regard émerveillé, il a été porté et enivré par un amour maternel inconditionnel. Pour lui, elle est le tout ! Et pourtant, indomptable, colérique, héroïque, intraitable, possessive, se mêlant de tout, elle en fait trop, en tout, et tout le temps. Il en est conscient à chaque étape. Son seul rêve est d'essayer de ne pas la décevoir, mais la barre est bien haut. De la Russie, à Paris, puis en Pologne et enfin à Nice, elle n’en finit pas d’accoucher du prince de ses pensées qu’elle ne cesse d’auréoler et d’aduler, quelles que soient ses déboires pécuniaires. Déterminée, porteuse de ses ambitions, envahissante au possible, omnisciente, omniprésente, filivore, sa génitrice adorée …et parfois haïe est le modèle absolu de la Femme pour Romain Gary. Elle est amour, compassion et tendresse. Elle est Christique, et juive. Seule en ligne dans l’éducation de son fils unique, elle surmonte tous les obstacles, lui offre la meilleure éducation, elle vante ses mérites imaginaires, lui rêve son avenir professionnel, encourage sa vie amoureuse, et projette sur lui son idéal masculin. Ce fils est sa victoire, et pas seulement une promesse.
«Ecoute-moi bien. La prochaine fois que ça t'arrive, qu'on insulte ta mère devant toi, la prochaine fois, je veux qu'on te ramène à la maison sur des brancards. Tu comprends ? » lui dit-elle, en lui administrant les premières gifles de sa vie. Il a dix ans et devient le chevalier protecteur de sa mère. A plusieurs reprises, il a pourtant senti la honte du ridicule et l’humiliation l’envahir devant les autres. La passion se mêle alors à la douleur.
« Tu seras un héros, tu seras général, Gabriele D'Annunzio, Ambassadeur de France – tous ces voyous ne savent pas qui tu es!
Je crois que jamais un fils n'a haï sa mère autant que moi, à ce moment-là.
Mais, alors que j'essayais de lui expliquer dans un murmure rageur qu'elle me compromettait irrémédiablement aux yeux de l'Armée de l'Air, et que je faisais un nouvel effort pour la pousser derrière le taxi, son visage prit une expression désemparée, ses lèvres se mirent à trembler, et j'entendis une fois de plus la formule intolérable, devenue depuis longtemps classique dans nos rapports : - Alors, tu as honte de ta vieille mère ? »
Une chose est certaine, c’est elle qui lui a transmis sa force et sa fierté démesurée. Sa dernière lettre en témoigne : « Sois dur, sois fort et continue… » Souligné trois fois. Quel viatique!
Une mise en scène sans aucune fioriture
Elle est signée Itsik Elbaz, lui qui a joué Momo aux côtés de Janine Godinas dans « La Vie devant soi ». Une mise en scène au naturel, comme s'il n'y avait pas de scène, juste de la confidence pleine de pudeur, adossée à la tôle ondulée d’un hangar sur lequel courent des lucarnes de promesses et des images fugaces de temps et de lieux. Et, au détour de passages particulièrement émouvants, naît parfois la lumière intérieure de merveilleuses musiques diaphanes, belles comme des berceuses… russes dans l’âme peut-être.
LA PROMESSE DE L'AUBE
De Romain Gary
Mise en scène Itsik Elbaz. Avec Michel Kacenelenbogen
DU 16/05/17 AU 24/06/17
http://www.theatrelepublic.be/play_details.php?play_id=468
Mise en scène et adaptation: Itzik Elbaz
Assistanat à la mise en scène : Anne Sylvain
Scénographie et costume : Renata Gorka
Lumières : Laurent Kaye
Video : Sébastien Fernandez
Musique : Pascal Charpentier
LIENS/
https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Promesse_de_l%27aube
http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Blanche/La-promesse-de-l-aube
http://www.ina.fr/video/I14104478
Avanti!
Une suite somptueuse avec balcon royal au cœur de Rome, vue sur la basilique Saint-Pierre sert d’écrin à ce vaudeville pétillant et polisson. Francis Huster joue le rôle de l’américain tranquille, Georges Ben Clairborne, en quête du cadavre du père décédé dans un malencontreux accident de voiture l'année précédente. Il a promis de le rapatrier aux Etats-Unis. C’est vrai qu’il a du mal à ne pas trahir l’affaire, par son jeu si diablement français… Ingrid Chauvin joue à la perfection le rôle d’une ravissante comédienne anglaise de clips publicitaires, Alison Miller, en mal de retrouver elle aussi un cadavre, celui de sa mère morte dans le même accident. Pur hasard?
L’Italie, où se confondent vice et vertu et vice versa sera le philtre magique qui les fera tomber amoureux. Un Eden particulier sans la moindre notion de bien ou de mal… où l’on passe quatre jours sur un nuage en plein ciel totalement bleu avant de retomber sur terre, le cœur en compote de part et d’autre. Mais l’issue est perceptible d’avance : c’est l’efficace combinazione 100% américaine de la femme haïssable dudit Monsieur, Diane Clairborne, qui, ambitieuse et glaciale, remettra les horloges à l’heure de l’argent, du pouvoir de celui-ci, et du pouvoir tout court. Alice Carel épouse parfaitement le rôle de la sorcière mal-aimée à qui on ne peut dire que « Oui, ma chérie ! » pour avoir la paix. Elle sonnera très calmement le glas de l’historiette romano-napolitaine! Et tout se déroulera selon ses augustes désirs… A peu de choses près, puisque l’histoire ne fait que se répéter, de générations en générations!
Il ne faut pas écouter les mauvaises langues qui soufflent que cette pièce est légère et insipide! On a mis le pied dans une jolie Commedia Del Arte, version moderne, jouissive et tellement rafraîchissante par sa joie de vivre intense ! Le spectacle est enlevé, porté par des comédiens exceptionnels dans une mise en scène de Steve Suissa, ma foi typique des grands boulevards, mais quoi? Est-ce vraiment une tare?
Mais rien ne se ferait bien évidemment, sans le sublime et malicieux Baldassare Pantaleone dit Baldo qui convoque la magie théâtrale! Voilà une mouche du coche bienfaitrice qui sape les plus grandes timidités. Un étrange dieu Cupidon, ange gardien, assistant incontournable des affaires … amoureuses, prêt à offrir ses services d’amant à qui veut, ou servir tout simplement d’entremetteur de la Cause. Avec un flair et une versatilité surprenants, Thierry Lopez danse ce rôle à ravir et séduit la salle entière par ses 1001 tours de passe-passe. Hommes, femmes, enfants, tous se rendent à l’évidence du triomphe des graines d’amour semées à tout vent, face aux fétides vases de l’argent et du pouvoir! On ressort de ce spectacle, sorte de Vivre Pour Vivre à l'italienne, gavé de rires et de bonne humeur!
A voir cette semaine au Centre Culturel d'Auderghem,
Boulevard du Souverain 183, 1160 Bruxelles
02 660 03 03
AVANTI! une pièce de Samuel TAYLOR
Mise en scène : Steve SUISSA
Avec Francis HUSTER, Ingrid CHAUVIN, Thierry LOPEZ (nommé aux "Molières 2016"), Alice CAREL, Romain EMON et Toni LIBRIZZI
Adaptation Dominique PIAT
Décors Ivan MAUSSION
Costume(s) : Hervé DELACHAMBRE
Lumières Jacques ROUVEYROLLIS
Musique : Maxime RICHELME
Didon et Enée, une production poétique, stupéfiante de grâce et de beauté dont on ressort émerveillés, et si reconnaissants…
Avant le début de la représentation de Didon et Enée, on écoutera à rideau fermé, la Suite d’Abdelazer or the Moor’s revenge d’Henry Purcell (1695), pièce orchestrale en 9 mouvements, question de se familiariser l'oreille aux instruments anciens et à une musique baroque rarement jouée dans ce temple de l'opéra italien...
Didon et Enée
C’est une romance apocalyptique, mais quelle savoureuse féerie baroque! Voici la Méditerranée, la grande bleue de notre tendre enfance, pavée d’enfer et lieu absolu du chaos des destinée! Imaginaire anglais : les flots d’azur renferment d’affreuses sorcières ricanantes et des esprits maléfiques dont le but unique est de répandre le mal.
Image clé de cette nouvelle production de l’Opéra de Liège, il faut pour le lecteur, se situer face à un rivage désert de mer du sud au crépuscule, devant des vagues qui déferlent voluptueusement au balancement de la musique. Mais en même temps, on se croit plus au nord, côté Manche, avec les noirs Idle Rocks des Cornouailles qui évoquent la ville de Carthage, ville nouvellement créée par des réfugiés de Tyr. Comme dans les féeries de Shakespeare, voici un libre cocktail élisabéthain d’époques et de lieux, fait pour enchanter l’imaginaire. Le public sera pris d’un bout à l’autre du récit par la virtuosité exceptionnelle de la mise en scène et des chorégraphies qui évoquent le monde sous-marin et ses monstres, les métaphores du Mal. Les douces ondulations des flots bleus peuvent se transformer en terribles tempêtes, bruitage Purcellien à l’appui ! Cet unique opéra d'Henry Purcell, dont aucune partition originale n’a été conservée, a été composé pour les jeunes filles d’un pensionnat aristocratique, sur un livret de Nahum Tate, d'après le livre IV de l'Énéide. Il est fait d’un prologue et de trois actes.
D'après l'Enéide de Virgile, la vaillante veuve Elissa originaire de Tyr, qui porte le nom latin de Didon, reine de Carthage, accueillit Enée et en tomba amoureuse. Au cours d'une partie de chasse alors qu'un violent orage les a réunis dans une grotte, ils deviennent amants. Mais Virgile veut donner des origines mythiques à Rome et faire du héros troyen et de son fils Ascagne, les fondateurs de la ville. Virgile se sert des dieux pour empêcher l’union de Didon et Enée. Poussé par ceux-ci, Enée décide de répondre à son destin et reprendre la mer pour fonder la nouvelle Troie. La magicienne et ses sorcières se réjouissent de la détresse de la reine car pour elles, seul importe que Didon soit privée de gloire, d’amour et de paix. Didon ordonne de construire un bûcher afin qu’Enée voie de son navire qu’elle s’est suicidée. Elle se poignarde de dépit, ayant renvoyé Enée (le bariton Benoit Arnould) alors que celui-ci était finalement prêt à braver les dieux et à leur désobéir pour elle.
Recitatif
Thy hand, Belinda, darkness shades me,
On thy bosom let me rest,
More I would, but Death invades me;
Death is now a welcome guest.Aria
When I am laid, am laid in earth, May my wrongs create
No trouble, no trouble in thy breast ;
Remember me, remember me, but ah! Forget my fate.
Remember me, but ah! Forget my fate.
Roberta Invernizzi joue ici une Didon parfaitement tragique et émouvante. Son lamento final quelle adresse à sa sœur Belinda (Katherine Crompton) est inoubliable pour les yeux, comme pour les oreilles et a contraint le public à un silence absolu tant la conjonction de l’orchestre et des chœurs semblant rendre les derniers soupirs, la chorégraphie de son ensevelissement maritime et le chant de la soliste qui n’en finit pas de mourir d’amour, avaient atteint des sommets de beauté.
Ne jouant pas vraiment de rôle actif dans l’histoire mais plutôt un rôle de commentateur comme dans la tragédie grecque, Le Choeur de Chambre de Namur est debout dans la fosse avec l’ensemble orchestral Les Agrémens. Musiciens et choristes sont tous debout pendant la prestation, pour mieux projeter l’énergie musicale de chaque artiste, nous confie, Guy Van Waas le chef d’orchestre, qui de son côté, accomplira un vivant travail de joaillerie dans l’interprétation de ce chef d’œuvre de musique baroque, balançant adroitement entre humour et larmes, et serrant au plus près l’esprit de la musique baroque, y compris dans les postures. Le fait que toute la production de l’Opéra de Liège est en ce moment à Oman avec « Les Pêcheurs de perles », laissait en effet le champ libre pour accueillir pour une fois un spectacle de musique baroque. Quelle magnifique occasion de pouvoir écouter Guy Van Waas et Les Agrémens jouant sur instruments d’époque : violons I et violons II, altos, violoncelle, viole de gambe et un théorbe. Guy Van Waas, lui-même au clavecin, dirige chœurs et orchestre! On ne peut que saluer leur travail musical exemplaire avec les chœurs de Namur, qui, pendant un long moment semblent s’être carrément dédoublés en deux chœurs distincts, l’un proche et l’autre distant et pourtant les mêmes!
Très parlante et mystérieuse surtout, cette mise en scène inventive sur fond de Bleu Chagall de Cécile Roussat et Julien Lubek. Elle est à la fois aquatique et aérienne, utilisant des costumes symboliques féeriques comme pour les deux sorcières-ondines Jenny Daviet et Caroline Meng, des antres et des rochers qui rappellent la caverne de Polyphème, des acrobates musicaux qui flottent en rythme dans les airs, un coquillage alla Botticelli où naît l’amour, des marins qui se transforment en monstres et cette ahurissante sorcière-poulpe (Carlo Allemano), mi-homme mi-femme qu’Homère aurait bien ajoutée dans son Odyssée…!
De peur de casser la bulle réunissant tant d’imaginaires, il y eut, au tomber du rideau, un grand silence avant le tonnerre d’applaudissements et les salves de bravi!
Du mardi, 09/05/2017 au dimanche, 14/05/2017
http://www.operaliege.be/fr/activites/dido-and-aeneas
crédit photos: © Lorraine Wauters – Opéra Royal de Wallonie