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spiritualité (6)

administrateur théâtres

 « Qu’il eût été fade d’être heureux ! » Parlant du bonheur selon Marguerite Yourcenar, Jeand’Omerson  l’accueille en 1980 à l'Académie française avec ces mots :

...La conclusion aurait pu, tout aussi bien, être exprimée par Hadrien, par Zénon, par n’importe lequel, en vérité, de vos héroïnes ou de vos héros : « La seule horreur, c’est de ne pas servir. »

 

« Je m’appelle Marie : on m’appelle Madeleine » Son identité est dès le départ niée par les autres! Elle se sentira mise « à-part ». C’est un être « à-part » qui nous apprend à décliner le mot « aimer », son anagramme! Pas à pas on écoute les fracas de son coeur brisé. Pas à pas on la rejoint dans son désir d’élévation.  « Il ne m’a sauvée ni de la mort, ni des maux, ni du crime, car c’est par eux qu’on se sauve. Il m’a sauvée du bonheur. » 

 

 « Marie-Madeleine ou le Salut » est l’unique nouvelle de « Feux » qui ne repose pas sur un personnage issu de l’Antiquité classique mais sur un personnage biblique : Marie-Madeleine. Marguerite Yourcenar s’appuie sur  le mythe évoqué par Jacques de Voragine dans La Légende Dorée, selon laquelle Marie-Madeleine, habitante du village de Magdala sur la rive occidentale du lac de Tibériade,  était  appelée à devenir l’épouse de Jean. Ce récit de prose lyrique met en scène le désir brûlant que Marie-Madeleine éprouve pour Jean le jour de sa nuit de noces, sa déception lorsque Jean la quitte subitement avant l’aube pour rejoindre Jésus.  Le texte déploie la  passion ardente qui naît en elle,  à la rencontre du Christ. Le mariage n’avait pas été consommé, la jeune femme est considérée  comme une prostituée : « Les enfants du village découvrirent où j’étais ; on me jeta des pierres. » En traversant la douleur, elle dépasse le bonheur et accède à l’illumination.

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Extraordinaire... le texte en solo déchirant, et sa mise en mouvement! Fascinant!

Un spectacle où l’on palpe tout ce qu’on voit, et on touche ce qu’on entend.  Mis en scène  par  Monique Lenoble, le spectacle à la fois beau et bouleversant. Il se déroule comme une installation vivante qui se percherait mot à mot, sur un texte fabuleux. Marie-Madeleine, la jeune femme est sublime dans ses attentes, bouleversante dans ses déceptions, poignante dans son cheminement. Libre et assumée. Chacun de ses gestes est ciselé comme une cérémonie. Le décor est un antre de pierres nu,  magnifiquement exploité. On y retrouve le village, le banquet, la chambre nuptiale, l'arrestation de Jésus,  le pied de la Croix,  le  tombeau du Christ, la flamme de l’illumination après celle de la passion.

La musique – un faisceau d’harmonies et de vibrations comme le début d’un cantique, est un appel vers l’ouverture du cœur et vers l’élévation. Le texte se déploie en trois actes, soutenus par des jeux envoûtants de drapés très évocateurs. Il y a Marie, un peu espiègle et séductrice -  Marie-Madeleine, la courtisane - et enfin  Madeleine, l’amoureuse de Dieu.  Du tissu symbolique qui donne vie au feu de la passion. Chaque mouvement est empreint de noblesse, de délicatesse et d’authenticité.

La salle, hélas bien peu nombreuse se tait, interdite devant le mystère qui se joue.  La beauté inonde jusqu’aux murs  et plafond. On se trouve au cœur de la passion.  Le bouquet se compose d’érotisme brûlant. La symbolique chatoyante  de la chevelure et de l’offrande du corps font voyager du mystère féminin  à la spiritualité. L’intensité du regard de femme  guide les pas vers l’intelligence de cœur. Le texte finit parfois par se perdre dans un trop plein d’émotion murmurée, mais dans l’ensemble, la diction est  jeune, belle et rebelle, vierge de toute  affectation, tant elle vient du plus profond de l’être. Cette trinité de texte, de corps et d’art de la mise en scène se  savoure comme un vin rare et capiteux!  Enivrez-vous! Plus tard, rentré chez soi, on aimera se procurer le texte pour en revivre toute l'humanité. 

Si le feu brûlait ma maison, qu’emporterais-je ? J’aimerais emporter le feu...Jean Cocteau

http://www.theatrepoeme.be/programmation/marie-madeleine-ou-le-salut/

CYCLE MARGUERITE YOURCENAR
Création
Texte de Marguerite Yourcenar
Mise en scène et scénographie : Monique Lenoble
Avec Laetitia Chambon
Stylisme : Bouzouk
Vidéo : Marie Kasemierczak
À l'initiative de Michèle Goslar
Lumière et régie : l'équipe du Poème 2

Du 15 novembre au 3 décembre 2017
Les mercredi à 19h, les jeudi, vendredi et samedi à 20h et les dimanche à 16h

Réservations : reservation@theatrepoeme.be // 02 538 63 58

liens utiles: 

http://palimpsestes.fr/textes_philo/yourcenar/ormesson.html

https://perso.univ-lyon2.fr/~mollon/Feux/doc/PleinsFeux-MarieMadeleine.pdf

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administrateur théâtres

Une des oeuvres majeures de la musique sacrée française du XIXème

Oratorio commandé à Théodore Dubois (1837-1924), maître de chapelle à l'Église Sainte-Clotilde à Paris pour le vendredi saint, « Les sept paroles du Christ » ont connu un vif succès à la fin du XIXe et au début du XXe siècle et sont  toujours chantées, aux États-Unis et au Canada aujourd'hui, spécialement pendant la Semaine sainte. Plutôt délaissé au XXe siècle, ce compositeur est l’auteur de plus de 500 œuvres de musique romantique française. Cet oratorio était dédié à l'abbé Jean-Gaspard Deguerry, curé de la Madeleine, fusillé en 1871 par les Fédérés à la prison de la Roquette. Théodore Dubois a assuré la direction du Conservatoire de Paris , de 1896 à 1905, succédant à Ambroise Thomas et précédant Gabriel Fauré.


Avec la permission de la famille, Anthony Vigneron, maître de chapelle à l’abbaye de la Cambre, a reconstitué suite à un long travail de 4 ans la version orchestrale originale de l’œuvre qu’il a présentée ce 10 mars 2016 à L’Abbaye de la Cambre, avec l’ensemble vocal de l’Abbaye de la Cambre et l’ORCW. La partition originale ayant disparu il a fallu reconstituer l’œuvre prévue pour « un quintette à cordes, une flûte, un hautbois, une clarinette, un basson, un cor, trois trombones, une harpe, une paire de timbales et l’orgue.»

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Une émotion palpable circule  dans l’église remplie d’un bout à l’autre, jusqu’au chœur. Dans l’assistance, les descendants du compositeur. Pour la première fois un petit fils écoute la musique réorchestrée de son arrière-grand-père: Francis et Pénélope sont venus exprès de Montpellier. Le concert s’ouvre sur les frémissements bienveillants du  "Pie Jesu" de Théodore Dubois pour chœur a cappella qui subjuguent l’assemblée et la plongent dans un climat de spiritualité intense. C’est alors qu’a lieu une dramatisation fracassante de l’oratorio en français sur le mode de la tragédie antique. Sombre et dramatique. Paroles cueillies aux quatre coins des Evangiles elles disent la trahison, la souffrance, l’infamie de la passion du Christ, l’injustice insupportable de ce que l’humain peut subir de pire. Le père Jacques t’Serstevens soulignera qu’à l’instar de la tradition orthodoxe, cette œuvre souligne que le Christ est aussi « Souverain de la miséricorde jusqu’à pardonner à ses bourreaux, ouvrir les portes du Paradis au larron, confier sa mère à son disciple, pardonner aux cœurs fermés par l’ignorance, traverser dans une espérance confiante le silence même de Dieu. »


Tout est consommé avant même les premières mesures de l’Oratorio, on est prêt pour l’écoute du texte latin enlacé à une orchestration riche, élégante et passionnée. Une entrée dans le Paradis. Les lignes mélodiques sont bien dessinées, la richesse des sonorités se déploient avec exaltation et grande générosité. Les divers instruments sont bien équilibrés, la harpe est divine, les cuivres ont des sonorités éclatantes et les effets des percussions sont cinématographiques. Lumineux et dramatique. Les cordes décrivent la lumière rayonnante. La soprane, Julie Calbète met toute sa nature spontanée au service de l’œuvre. Si elle articule sa douleur profonde devant la passion de Jésus, elle apparaît comme transfigurée par une joie intérieure, enchantée et vibrante de lumière. Aucun artifice, aucune vanité, elle a dénudé son âme dans ses phrasés naturels et fait briller l’espérance. Le chœur, composé de choristes professionnels, est immobile au fond du plateau et crie vengeance. Il fait œuvre de brutalité organisée. Sa haine et sa soif de sang sont tranchantes. Il exprime  la joie mauvaise de la puissance justicière, l'exultation vengeresse devant le bouc émissaire. Face au chœur, Marcel Vannaud, le baryton apparaît, comme le porte-voix du Seigneur Dieu, dans toute sa solidité et sa fragilité à la fois. Impressionnant de présence, de sérénité communicative, il est d’une justesse parfaite dans tous les registres de la compassion, il renvoie en continu une image apaisante de l’amour et de douceur infinie. Ce qu’il chante, c’est le projet et l’avènement d’un autre homme, capable de surmonter la haine.

L’assistance est exaltée par l’urgence d’une telle musique, traversée par l’énergie bouillonnante du chef d’orchestre qui fait œuvre de transmission dans tous les sens du terme. Anthony Vigneron se donne tout entier, non seulement à l’orchestre dans sa globalité mais à chacun en particulier, à chaque instrumentiste et à chaque chanteur. Chacun, dans l’assistance, reçoit personnellement un cadeau humain et spirituel inestimable. La toile musicale est en effet la plus infinie qu’il soit. On peut y lire l’indicible. La foule a changé de côté et de cap, elle applaudit à tout rompre et « Le cantique de Jean Racine » de Fauré donné en bis achève le programme sur le sourire intérieur dans le cœur de chaque participant à cette inoubliable soirée.

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440px-Bmr_41_theodore_dubois_musica.jpg?width=220Orchestre Royal de Chambre de Wallonie,
Ensemble Vocal de l’Abbaye de la Cambre
Anthony Vigneron, direction musicale
Julie Calbète, soprano
Ivan Goossens, ténor
Marcel Vanaud, baryton
Mathias Lecomte, Orgue

Concert organisé par l’A.S.B.L. « Les Grandes Heures de la Cambre »

Liens utiles :

http://www.theodoredubois.com/biographie

http://www.lesgrandesheures.be/

http://www.orcw.be/events/les-grandes-heures-de-la-cambre/

interview: http://www.rtbf.be/musiq3/emissions/detail_l-odyssee/accueil/article_anthony-vigneron-les-grandes-heures-de-la-cambre?id=9234635&programId=8774

Enregistrement par le Grand Chœur de Montréal: http://www.allmusic.com/album/th%c3%a9odore-dubois-les-sept-paroles-du-christ-mw0001847550

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administrateur théâtres

12272995464?profile=originalMercredi 29.01.2014 > Dimanche 25.05.2014

Le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles vient d’ouvrir ses portes à un génie du siècle d’or espagnol surnommé « le Caravage espagnol ». L’exposition durera quatre mois. C’est la première fois en Belgique que l’on consacre une monographie à Zurbaran. A part une toile présentée lors de Europalia 1985 consacrée à l’Espagne, on ne possède aucune œuvre de ce grand maître sur notre territoire.

Zurbaran est né en 1598 dans le village de Fuente de Cantos en Estrémadure, une région située entre Madrid et Lisbonne. Son père est marchand de tissus, boutiquier aisé d’origine basque. Très jeune il s’installe à Séville, capitale andalouse où il forge sa carrière et son style. Il reçoit de nombreuses commandes des ordres monastiques.

C’est l’artiste qui a le mieux représenté la religiosité de la Contre-Réforme de l’église espagnole du 17ème siècle, suite au concile de Trente. Elle est imprégnée de l’esprit des écrits mystiques de sainte Thérèse d’Avila et de saint Jean de la Croix. En effet, l’œuvre du peintre qui comme Velázquez et Murillo représente l’âge d’or de la peinture espagnole est un outil spirituel, un moyen de rechercher la grâce divine, de transcender le réel et d’accéder à la sérénité. L’acte pictural est un moment privilégié de création et rencontre une émotion de type divin. La création artistique est un instrument de connaissance et d’émotivité qui relie le peintre au Créateur. Le dépouillement est la caractéristique principale de ces œuvres. Tout le décorum et la mise en scène médiévale ont été gommés, on revient à l’essentiel dans le plus pur esprit du renouveau religieux. Cela passe par la simplicité, le naturalisme et la création de formes transcendées et pures comme si elles étaient dictées par la révélation d’un art poétique pictural. L’écrivain néerlandais Cees Nooteboom (Zurbarán. œuvres choisies 1625-1664) décrit l’œuvre de Zurbarán comme « un essai sur les rapports entre la lumière, la couleur et la matière comme on n’en reverra plus avant Cézanne » (Le Labyrinthe du pèlerin. Mes chemins de Compostelle).

L’approche coloriste de l’artiste est très innovante. Elle est faite de contrastes délicats, d’éclairages subtils, de cadrages précis, et de grande sobriété qui range cette production artistique auprès de nos peintres modernes. Le rendu des textures et des tissus, lins, draps brocards, drapés, peaux de mouton, chevelures ont une plastique presque tactile mais divine aussi car c’est Dieu qui semble s’immiscer dans la matière. Une des marques de son originalité est son intérêt pour la vie quotidienne et des objets qui semblent posséder une âme. En effet dans ses tableaux on retrouve souvent des petits ensembles de natures mortes qui ont une puissance symbolique évidente. La tasse remplie d’eau pure qui s’imprègne de lumière, l’assiette d’étain – une image de la planète qui reflète la lumière, encore vue comme un plateau dans l’univers ? – la rose qui renvoie à la virginité de la vierge et à la nativité, des fruits et des flacons…isolés ou regroupés pour suggérer le dénuement humain, l’humilité et la ferveur. Le tout, loin des canons de l’époque qui célèbrent la munificence, la richesse et l’esprit de conquêtes.

Les tableaux de cet artiste mettent en lumière la vie des saints, de martyrs et de moines qu’églises et convents lui ont commandés. Contemporain de Rubens, il ne montre aucun intérêt pour les portraits mondains ou les nus voluptueux inspirés de la mythologie.

12272994271?profile=originalLe spectateur moderne est touché par la modernité de l’approche et son intemporalité. La frontière entre le sacré et le profane est mince et la lumière joue un rôle crucial dans le dialogue entre les deux dimensions. L’homme est à l’image de Dieu ou dieu fait à l’image de l’homme par le regard humain semble nous dire la toile du « Christ en croix contemplé par saint Luc, ca 1655, Madrid Museo Nacional del Prado ». Il semble que c’est le peintre lui-même qui s’est glissé dans le vêtement intemporel du saint. Le visage du saint en extase est inondé de lumière, une lumière intérieure faite du miracle de sa spiritualité intense, sa palette et ses pinceaux offerts en hommage. L’espace est vide et découpe la forme sculpturale du Christ dont le visage humain est presque plongé dans les ténèbres alors que son corps semble illuminé par une lumière venue d’ailleurs. Le fond neutre du Golgotha souligne la solitude de l’homme et le caractère austère et humble du dialogue.

12272994090?profile=originalL’exposition est divisée en 12 sections, chacune consacrée à un contexte spécifique suivant un cheminement à la fois chronologique et thématique. Dans la première salle, on peut admirer Saint Grégoire, vêtu richement certes car il est pape, mais bombardé sur un fond neutre. Il tient dans ses mains gantées le livre sacré dont la tranche est du même rouge presque fluorescent que les gants, un message explicite dont on ne peut détourner le regard. Au bas de son étole, on retrouve Saint Pierre, en hommage à la filiation avec le fondateur de l’Eglise catholique romaine. Le visage naturaliste du lecteur est illuminé par l’intensité de la rencontre spirituelle. Dans la même salle on est tout de suite confronté à l’extrême vitalité et au caractère humain très dynamique des personnages. Supplément d’âme ou supplément de vie ? Les deux. Le rendu des mouvements est extraordinaire, que ce soit pour « La guérison miraculeuse du bienheureux Réginald d’Orléans » guéri par la Vierge grâce à l’intervention de saint Dominique ou pour le « Saint Dominique à Soriano », une peinture illustrant le moment où la Vierge accompagnée de deux saintes apparaît à un moine pour lui remettre une image de saint Dominique. Un miracle très particulier dans lequel une peinture participe même à l’acte fondateur d’un ordre religieux. La légende raconte qu’en 1510, inspiré par saint Dominique, le frère Vicente de Cantazano arriva à Soriano pour y fonder un couvent. Dans la nuit du 15 septembre Frère Lorenzo da Grotteria, le sacristain reçut l’apparition de la Vierge accompagnée de Marie-Madeleine et Catherine et reçut d’elle une toile montrant l’image de saint Dominique qu’il fut chargé d’accrocher au-dessus de l’autel pour remplacer l’image fruste peinte au mur. Cette salle est en effet consacrée aux nombreuses commandes des Dominicains, cet ordre de prédicateurs hélas liés à l’Inquisition.

Dans la deuxième salle les commandes émanent de l’ordre des Mercédaires (couvent de la Merci Chaussée) où l’artiste et tout son atelier se sont installés pendant la réalisation de leurs commandes. Ces œuvres illustrent des scènes de vie de saint Pierre Nolasque, fondateur de l’ordre. La composition soignée des œuvres, en formes triangulaires ou pyramidales, visent toujours à l’essentiel. Elles sont de véritables mises en scène où le céleste et le terrestre se retrouvent côte à côte dans un souci de proximité du religieux pour l’homme. La maîtrise picturale des tissus est à nouveau très subtile, particulièrement les vêtements blancs et contribue à donner l’impression d’illumination divine.

La salle 3 présente « Saint François » (ca 1635), une œuvre de grand format prêtée par le Milwaukee Art Museum. Le saint apparaît en pied, se détachant sur un fond indéfini plongé dans la pénombre. La lumière sur l’habit franciscain produit un effet sculptural comme si la figure était une projection tridimensionnelle impressionnante. Le visage bistré, barbu, plongé dans l’ombre de la cagoule franciscaine, contraste avec les mains et les pieds nus fortement éclairés. Le message mystique est évident. Le poids et la texture du vêtement de bure brunâtre et le crâne tenu dans les mains engagent à une méditation sur la mort. La vie contemplative, la solitude monastique, l’austérité, le mysticisme et l’importance de la prière sont présentes dans ce tableau et justifient le succès du peintre auprès des ordres monastiques.

12272994072?profile=originalDans la salle 4 on rencontre les natures mortes. Mais le sont-elles vraiment ? Fortes et expressives, ces œuvres sont des objets de méditation pour mettre le spectateur en relation avec Dieu. On est au cœur de l’intime et des questions métaphysiques. Les « bodegones » désignent les scènes de genre et les natures mortes des maîtres espagnols. Deux œuvres du maître illustrent la simplicité, l’ascétisme et la rigueur sans pour autant y mettre de la sévérité. On retrouve la tasse remplie d’eau, l’assiette d’étain, la rose … Deux autres natures mortes, moins dépouillées sont attribuées à son fils, Juan, peintre également.

12272994081?profile=originalLa salle 5 est centrée sur la passion et la mort du Christ. Un « Agnus Dei » est représenté, isolé sur fond sombre et neutre, pattes entravées, symbole d’innocence, d’humilité et de compassion. Au-dessus de sa tête prête à être immolée, flotte une délicate auréole. Ce symbolisme qui préfigure la passion du Christ est annoncé dans Isaïe (Is 53,7).

12272994868?profile=originalSalle 6. Année 1634 : grand tournant : Zubaran est appelé à la cour pour une campagne de décoration du salon des royaumes au palais Buen Retiro à Madrid, siège du pouvoir royal de Philippe IV. Il est appelé à peindre des scènes des travaux d’Hercule, le héros de la mythologie considéré comme fondateur mythique de la monarchie espagnole. On retient deux œuvres très fortes, (visionnaires?), celle d’Hercule affrontant le lion de Némée et celle de La mort d’Hercule, le corps prisonnier d’un manteau de flammes.

12272994881?profile=originalLa salle 7 rassemble des scènes de la vie quotidienne de l’Enfant Jésus très touchantes et pleines de symboles prémonitoires de la passion du Christ. Le quotidien de la vie commune à tous les hommes et les femmes de toute époque se voit ici sacralisé dans les scènes de l’enfant à Nazareth. Marie, grande figure pyramidale, est représentée comme l’image même de la mélancolie : elle a interrompu son ouvrage de broderie et, main appuyée sur sa joue avec une larme qui coule, elle semble plongée dans une rêverie accablée : son fils de dix ans vient de se piquer le doigt à une épine. La Vierge enfant endormie (ca 1655-1660) est tout aussi émouvante. Le visage est inondé de lyrisme mystique, et invite à la réflexion intellectuelle. Le livre que la jeune enfant endormie sur sa chaise tient dans la main et le tiroir de la table entr’ouvert rappellent que l’histoire est en marche et que la vérité est écrite dans le livre.

On retrouve des images de La Vierge dans les salles 8 et 9 qui célèbrent le culte marial et l’Immaculée Conception. Zurbaran cultive la représentation d’une vierge très jeune, sans tache, animée de pureté et de candeur enfantine. On retrouve ici principalement une construction verticale, des vues de la ville de Séville, des fonds dorés comme dans les icônes, le bleu céleste, des allusions au Cantique des cantiques… le cyprès, le palmier, le puits, le jardin, etc. s’observent aisément dans les premières versions et se confondent plus tard avec le fond, avant de disparaître entièrement.

12272994853?profile=originalLa salle 10 emmène le spectateur vers le nouveau monde. Les commandes de monastères se sont taries et le peintre cible une clientèle plus lointaine. Il va exporter vers l’Amérique mais sera rarement payé pour sa peine car les pirates affluent et les œuvres atteindront rarement les commanditaires du Pérou ou de l’Argentine. C’est dans cette salle également que l’on peut admirer « Sainte Casilde » (ca 1635) une sainte vénérée pour avoir été rebelle à son père et avoir nourri secrètement des prisonniers. Ainsi ses doigts innocents transformèrent en fleurs  les pains qu’elle transportait. C’est la toile qui fait l’affiche de l’exposition et la couverture de son splendide catalogue. Le tissu de la robe d’une rare beauté et les bijoux resplendissants symbolisent l’élection divine.

La salle 11 présente des œuvres baignées de lumière, aux tonalités douces. Zubaran s’est installé définitivement à Madrid – la peste de Séville de 1649 a emporté son fils Juan – et il peint dans ses dernières années  en majorité des œuvres mettant en scène la Sainte famille (La Vierge à l’Enfant et le petit saint Jean ca 1658), saint Jean-Baptiste… et un fameux Saint François en extase (ca 1658-1660).

La salle 12 est dominée par ce splendide Christ en croix contemplé par Saint Luc (ca 1655) une œuvre de dévotion privée, qui nous vient du Prado et qui met en scène tout le mystère de la Création dans une réelle virtuosité de lumières et de palette. Un testament artistique et spirituel absolument poignant.


 Sous le Haut Patronage de Sa Majesté la Reine Paola

Commissaire: Ignacio Cano
Conseillé: Gabriele Finaldi

https://www.bozar.be/activity.php?id=13203

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administrateur théâtres

L’Héritage de Rogier van der Weyden. La peinture à Bruxelles de 1450 à 1520  (12.10.2013 > 26.01.2014)

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Atelier de Rogier van der Weyden : « La Déploration devant le tombeau ouvert ». Firenze, Gallerie degli Uffizi

Deux  commissaires  très complices,  le Dr Véronique Bücken ( chef de la section Peinture ancienne aux musées des Beaux-Arts de Bruxelles)  et  le Dr Griet Steyaert (collaborateur scientifique) se sont épaulées avec grand enthousiasme pour faire partager au public leur impressionnant travail de recherche,  débuté il y a quatre ans  à propos des « Petits maîtres bruxellois » du dernier quart du XVIe siècle bourguignon.

Griet Steyaert est docteur en histoire de l’art, spécialiste des « suiveurs » de Rogier van der Weyden, et auteur d’une thèse consacrée au Maître de la légende de sainte Catherine. Egalement restauratrice, elle est particulièrement qualifiée pour l’étude technique des peintures. Elle vient d’achever la restauration du Triptyque des sept sacrements de Rogier van der Weyden, conservé au Musée royal des beaux-arts d'Anvers. Véronique Bücken signe quant à elle, le  somptueux catalogue de l’exposition qui s’est ouverte récemment aux musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles.  Magnifiquement illustré, il réunit à la fois  la beauté, l’exigence des qualités scientifiques et l’art de la  transmission de  notre patrimoine artistique.

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Maître de l'Adoration du Prado : « La Présentation au Temple ». Washington, National Gallery of Art

 Rogier van der Weyden est né à Tournai, commune autonome dépendant du roi de France vers 1399/1400 sous le nom de Roger de la Pasture. Son père, Henri de la Pasture, est coutelier. Il fit partie de ce que l'on a appelé l'«école des primitifs flamands» une appellation née au XIXème siècle pour désigner les peintres flamands qui se spécialisèrent dans les scènes religieuses et les portraits de bourgeois du XVème siècle. Ces peintres innovaient des techniques de  peinture à l'huile offrant une  grande richesse de tons et des effets de lumière et de transparence. La technique complexe des glacis mêle des huiles aux pigments et vise à la conservation d’un objet peint. Après une sous-couche opaque, on pose sur le tableau la peinture en couches successives très fines et translucides, du plus clair au plus foncé,  qui permettent de fondre subtilement les tons entre eux et de leur conférer une luminosité et un éclat particulier. Le tableau en vient à rayonner de l’intérieur. Ce qui est justement  le propos des peintres de cette époque et de cette région : créer à la faveur de l’œuvre, un climat de dialogue avec la lumière divine. Roger de la Pasture fut vraisemblablement élève du Maître de Flémalle et ses premières œuvres montrent l'influence de Jan van Eyck.

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 Rogier van der Weyden, Portrait d'Antoine de Bourgogne 1430 – 1504, Huile sur chêne, 38,4 x 28 x 0,4 cm @ MRBAB/ KMSKB  

 Il fut nommé peintre officiel de la ville de Bruxelles, ville natale de sa femme où il s’installa avec ses enfants et prit le nom de Rogier van der Weyden (ce nom figure dans un acte notarié). A cette époque, Bruxelles était en plein essor. Les ducs de Bourgogne, grands protecteurs des arts, avaient choisi le palais du Coudenberg comme résidence favorite. Celle-ci était entourée des hôtels des hauts dignitaires de la cour et des familles nobles comme les Nassau ou les Ravenstein. Affilié à la guilde bruxelloise des peintres, Rogier van der Weyden connaît vite une grande réussite. Son atelier était une véritable entreprise  située dans le quartier des orfèvres (le site actuel de la Bibliothèque Royale)  et il acquiert une réputation internationale. Il reçoit d’importantes commandes d’Espagne et d’Italie, sans dédaigner pour autant les travaux de polychromie ou mise en couleur de divers objets ou pièces de menuiserie.  En dehors de tableaux et retables, nombre de modèles pour des ateliers de sculpture, de vitraux ou de tapisseries étaient aussi fabriqués dans l’atelier. Le maître mène une vie bourgeoise très active. Il est réputé pour son altruisme et son intégrité : c’est lui que l’on choisissait comme arbitre quand un conflit s’élevait entre un peintre et un de ses clients. Son atelier est riche de nombreux collaborateurs anonymes. En effet les peintres ne signaient pas leurs œuvres et leur nom changeait souvent en fonction de leur lieu de résidence, à l’instar de leur maître.  

L’exposition met en scène une douzaine de peintres très productifs ou d’ateliers actifs à Bruxelles, les« suiveurs » de Rogier van der Weyden mort en 1464. L'historien d'art M. J. Friedländer, (Die Altniederländische Malerei, t. II : Rogier Van der Weyden und der Meister von Flémalle, Berlin, 1924)  considérait ces artistes comme mineurs et tributaires de l’art de van der Weyden, et ne recherchait pas  quels étaient  leurs apports et en quoi ils étaient novateurs. A l’époque, ces tableaux anonymes furent  classés et regroupés par affinités stylistiques. Chaque groupe fut attribué à un « Maître », nommé conventionnellement d’après un des tableaux du groupe (Maître de la Légende de sainte Catherine, Maître de la Légende de sainte Barbe, Maître de la Légende de la Madeleine), d’après une série de tableaux (Maître de la Vie de Joseph) ou une caractéristique esthétique  (Maître au Feuillage brodé, Maître à la vue de Sainte-Gudule).

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Maître de l'Adoration du Prado : « Nativité ». Birmingham Museums & Art Gallery

 

La recherche : grâce aux techniques modernes d’investigation, par exemple l’étude au microscope ou en réflectographie infrarouge, on peut distinguer plusieurs intervenants ou « mains » au sein de chaque groupe. L’observation  minutieuse des  œuvres permet d’authentifier le label « Made in Brussels » par la présence d’édifices tels que la cathédrale Saints Michel et Gudule, la cathédrale du Sablon,  la Porte de Hal…  L’étude des cadres d’origine des menuisiers bruxellois et de leurs estampilles aide à l’identification, ainsi que la présence d’une inscription au bas d’un manteau, ou  l’identité des commanditaires.

Les Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique  possèdent un important groupe de tableaux et certaines œuvres clés pour cette période. L’exposition rassemble en outre des prêts de différents musées d’Europe et des Etats Unis ainsi que de collections privées. Il faut souligner la générosité du Musée de Melbourne qui a envoyé  le Triptyque des Miracles du Christ, une œuvre majeure pour le XVe siècle bruxellois. Le transport a nécessité de grandes précautions vu la fragilité extrême des œuvres.   Ci-dessous : Rogier van der Weyden : Pièta

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Ci-dessus : le triptyque de Melbourne (entre 1491 et 1495, trois maîtres différents)

En se promenant dans l’exposition on est d’abord touché par une scénographie  à la fois  paisible et luxueuse : les murs sont dans les tons bleus du manteau de la Vierge. Chaque peinture a une histoire à raconter à propos de la vie quotidienne des gens du 15e siècle.  Les peintres de cette époque épiaient la vie sous tous ses aspects. Ils se plaisaient à représenter l’homme dans son milieu, dans les champs, dans les rues, dans son intérieur bourgeois. Pris par une frénésie de l’observation du réel, le peintre se passionne pour la précision et la finesse des  paysages, le rendu des  costumes, des étoffes des dentelles et des brocarts,  l’éclat des bijoux, le luxe de la vaisselle et du mobilier,  qu’ils s’évertuent à rendre en couleurs éblouissantes. Des rouges profonds, des verts olive lumineux, des coloris chauds et radieux qui donnent aux matières précieuses, pierres ou métaux, l’illusion du réel. L’art du peintre est issu d’un art de vivre d’une société florissante dont les peintres sont possédés par la passion de recréer sous leur pinceau un monde aimé et admiré. Un monde où la spiritualité occupe une dimension importante. Les tableaux sont souvent instruments de prière et médium pour la communion avec le divin. Les visages, si expressifs qu’ils soient, reflètent la piété tendre pour le divin Créateur et la compassion pour les souffrances du Christ. Un Christ infiniment proche de l’humain.

http://www.fine-arts-museum.be/fr/expositions/l-heritage-de-rogier-van-der-weyden

NB. Pour les enfants, Educateam propose un feuillet didactique et créatif qui emmènera petits et grands sur la piste des personnages légendaires et réels. Vive l’aventure au Moyen-Âge! www.extra-edu.be

http://www.expo-vanderweyden.be/fr/lexposition

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administrateur théâtres

12272947898?profile=originalC’est d’abord une musique improvisée au violoncelle qui vous enlace dans le noir complet. Ensuite la lumière se fait sur une femme, grande et longiligne, habillée des pieds à la tête d’une robe de religieuse intemporelle faite de lin blanc. Un linceul, avant l’âge ? Elle s’est assise sur une dure  chaise de bois  faite d’espaces vides, l'encadrement du vide cosmique? Le visage a les yeux baissés, ourlés de cils de poupée. La peau est lumineuse, les pommettes hautes, le teint nacré, le sourire entre sagesse et gourmandise, les cheveux jais: une garçonne ondulée sans le moindre apparat. La vision est celle d’une tragédienne du théâtre grec. Pendant toute sa confession intime, jamais le corps de cette femme ne bouge, qu’elle soit assise ou qu’elle se tienne debout. Toute la passion passe par le visage d’une mobilité extrême, le lieu où l’âme du texte se transfigure…. C’est à dire que le texte lui-même semble s'être épris de la comédienne, éclairant la moindre parcelle de son visage, faisant briller son regard ou perler des larmes silencieuses, faisant frémir  son expression au rythme harmonieux  des mots. Le verbe se confie, soupire, se rebelle, tempête et entre en fusion dans cette bouche généreuse, pulpeuse et sensuelle, découvrant les dents parfaites d’une merveilleuse jeunesse.

12272949065?profile=originalCette femme, la comédienne Christelle Willemez, a réellement  rencontré une autre femme : Christiane Singer qui est l'auteur du texte 'Entre ciel et chair', l’histoire vraie des amants mythiques Héloïse et Abélard. Elle en est devenue le ménestrel. « "Jamais, Abélard, et je te le jure devant le ciel et la terre, je n’ai été plus près de Dieu que dans nos embrassements. Et personne, aucun des Pères de l’Eglise, m’entends-tu, aucun Pontife, et tu connais ma foi, ne m’en dissuadera : la voie du divin a passé pour moi par les entrailles." Par sa voix et l’émotion intense qu’elle verse comme un philtre magique dans le texte, Christelle Willemez nous emmène sur le chemin d’une filiation de femmes passionnées, généreuses capables de l’oubli de soi pour atteindre l'extase, l'illumination, la béatitude? Un chemin qui remonte aux sources de l’amour courtois, Tristan et Yseult...

La voix de Christelle Willemez imprègne le texte d’émotion et de richesse rythmique et ses  silences se transforment en musique. Si Héloïse se sent « être la caisse de résonnance d’Abélard », sa voix  suspendue se prolonge en échos mystérieux sous le très sensible archet de Michel Thouseau  qui l’accompagne au violoncelle. Des vibrations profondes, puissantes et bien timbrées, des thèmes improvisés évoquant le moyen âge et des pizzicati  lumineux égrènent le chapelet de cette histoire tragique et merveilleuse à la fois.  Aussi les chants d’oiseau, les saisons, la poussière des chemins lors de  la fuite  des amants vers la Bretagne, la perte de l’enfant et l’enfermement dans le cloître du Périclet. La passion intense,  parcours initiatique douloureux  mène Héloïse à l'émerveillement. « Il y eut dans ma vie deux transformations radicales de tout mon être. La première c’est la passion qui l’opéra. La deuxième fut l’acceptation de notre destin. Pendant longtemps la souffrance n’a pas cessé de me chauffer à blanc sans que rien ne soit modifié dans mon existence. Et soudain, un changement radical s’opéra : l’aptitude à souffrir me fut ôtée. »  Quand survient le pardon… Laissons Héloïse le dire : « Tout se passa comme si, après une longue cécité, je recouvrais la vue. Chaque nœud de bois me surprenait, les aspérités du mur, la trace du ciseau des tailleurs de pierre aux liteaux, la fine ciselure des feuilles d’aneth, la couleur jaune… Je m’aperçus que jusqu’alors je n’avais rien vu de ce qui m’entourait. Un émerveillement commença dès lors qui n’a plus cessé depuis. »

 

 

12272748692?profile=originalDepuis sa création au Festival Off d’Avignon 2004, « Entre ciel et chair » a été à l’affiche de nombreux théâtres parisiens (Petit Gymnase (2006-2007), L'Aire Falguière (2010) et au Théâtre du Lucernaire (2011). Ce spectacle, en tournée depuis bientôt 10 ans,  fêtera bientôt  sa  180ème représentation et ses 8000 spectateurs.  C’est Clara Ballatore qui a dirigé la mise en scène totalement épurée où se conjuguent harmonieusement la sensualité et  la spiritualité. Le créateur de lumières, Franck Vidal  a joué des miroitements, des plongées dans la passion -éblouissement et torture - avec immense talent. C’est un bonheur qu’une autre femme, Fabienne Govaerts, ait pu accueillir ce spectacle intense et beau en Belgique en son  théâtre de la Clarencière.

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Les jeudi 3, vendredi 4, samedi 5 octobre 2013 avec Michel Thouseau
Les jeudi 10, vendredi 11, samedi 12 octobre 2013 à 20h30 avec  Birgit Yew

http://www.laclarenciere.be/

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administrateur théâtres

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KANDINSKY & RUSSIA, Du 8 mars au 30 juin 2013 aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique.

 

Scène russe, Dimanche (Vieille Russie), 1903 - 1904 Tempera sur carton, 23 x 54,7 cm Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris Legs Nina Kandinsky, 1981© Adagp, Paris

 

C’est la première fois que cette collection de 150 œuvres sera montrée en Belgique. Elle témoigne de la complexité d’un artiste habité à la fois par le courant symboliste russe, la culture grecque, la métaphysique allemande, la spiritualité orthodoxe et l’ésotérisme.

De double ascendance mongole et slave, Kandinsky  est né à Moscou en 1866 et passe son enfance au sein d’une  une famille aisée à Odessa. Il suit des cours de musique, d’allemand, achète ses premières couleurs…voyage.  En 1886 il choisit  des études de droit et d’économie politique. En  1889, il participe à un voyage d’étude dans la province de Vologda, à 500 Km de Moscou, pour étudier les coutumes relatives au droit paysan. C’est là qu’il a  son premier éblouissement  artistique en visitant une isba

 

« Jamais dans ma mémoire je n’oublierai les grandes isbas de bois à deux étages avec leur samovar brillant à la fenêtre… »

Kandinsky évoquera ce voyage plus tard dans ses Rückblicke (Regards sur le passé): « Je n’oublierai jamais les grandes maisons de bois couvertes de sculptures. […] Elles m’apprirent à me mouvoir au sein même du tableau, à vivre dans le tableau. Je me souviens encore qu’entrant pour la première fois dans la salle, je restais figé sur place devant un tableau aussi inattendu. La table, les coffres, le grand poêle, qui tiennent une place importante dans la maison du paysan russe, les armoires, chaque objet, étaient peints d’ornements bariolés étalés à grands traits. Sur les murs, des images populaires, les représentations symboliques d’un héros, une bataille, l’illustration d’un chant populaire. […] Lorsqu’enfin j’entrai dans la pièce, je me sentis environné de tous côtés par la peinture dans laquelle j’avais pénétré. […] C’est à travers ces impressions vraisemblablement, et non autrement, que prit corps en moi ce que je souhaitais, le but que je fixai pour mon art personnel. »

Il a  pu contempler en face le miracle de la spiritualité qui émerge de la vision qu’il a eue. Le coin rouge  dont le nom signifie  en russe « bel angle rouge » était rempli d' icônes, d’images accrochées peintes ou imprimées. Une petite lampe rouge brillant fidèlement pour le recueillement.  Il décide alors que ses tableaux devront recréer la même impression magique qu’il a ressentie dans l’isba  le jour de cette visite mythique. Un vibrant appel spirituel semble fuser des icônes à fond doré qui peuplent sa vie intérieure. Il s’agit d’un regard vivant qui semble être enchâssé dans la forme.

En 1896 il refuse une chaire de droit en Russie et commence  des études de peinture à l’âge de 30 ans à Munich où il étudie à l’Académie des Beaux-Arts.

 Pendant l'été 1911, Kandinsky a l'idée de constituer un recueil de textes sur l'art moderne avec ses amis artistes à Munich. Avec Franz Marc  il choisit le titre : Der blaue Reiter. En effet  les deux artistes adorent  le bleu. C’est la masculinité, et la spiritualité. Tous deux sont à la recherche de l’être absolu.  Marc aimait les chevaux, et lui les cavaliers. Kandinsky aimait beaucoup la figure du chevalier et en particulier celle de Saint-Georges terrassant le dragon, héritage du Saint-Empire romain germanique. Pour Wassily, le cavalier représente  l’artiste libéré du passé et du carcan des traditions. Le cheval représente le talent de l’artiste. Il porte le cavalier avec impétuosité et vitesse, mais  c’est au cavalier de guider sa monture.  L'artiste doit apprendre à connaître de mieux en mieux ses compétences et repousser ses limites  comme le cavalier le fait avec son cheval. Ces artistes voudraient imaginer un art qui ne connaîtrait « ni peuple, ni frontière, mais la seule humanité.»

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 C’est en 1911 que Kandinsky peint « Tableau avec cercle » (Bild mit Kreiss) un tableau  en provenance du Musée des Beaux-arts de Tbilissi en  Géorgie. Un cas isolé dans la production d’alors mais néanmoins la première peinture à l’huile abstraite de l’art européen.  L’œuvre porte au dos  l’inscription « première peinture non objective ». Kandinsky est mal à l’aise avec cette œuvre qui rompt avec toute forme et n’est que jaillissement de mouvements et de couleurs. L'avènement d'un nouvel âge, celui de l'esprit pur? Sorte d'apocalypse joyeuse qui transformerait l'ensemble de l'Univers.  Une expérience de l’artiste initié proche de l’expérience du shamanisme. L’objectif de l’art est d’avoir une compréhension élargie du monde où nous vivons.  

12272875298?profile=originalLa toile « Saint Georges II » (1911) s’inscrit dans les débuts de la période abstraite, au moment de la création simultanée des « Improvisations » et des « Compositions ». L’Improvisation trouve ses sources dans des souvenirs épars, des impressions de la « nature intérieure », c’est-à dire inconsciente et spontanée. L’Impression trouve son origine dans l’impression directe de la nature et la Composition est une création consciente souvent précédée de nombreuses études. L’artiste rompt totalement avec la représentation mimétique des objets. Explosions de formes, contrastes éclatants de couleurs, arcs puissants, énergie impétueuse. Dissonances presque musicales, à l'instar de celles de Schönberg.   Dans  son manifeste « Du spirituel dans l’art » Kandinsky comparait «  l’état d’âme en train de s’éveiller à  un point de lumière qu’elle entrevoit dans un immense cercle noir. »

Ci-dessous, « Improvisation 11 » 1910

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L’exposition rassemble environ cinquante « œuvres perdues », provenant du Musée d’Etat de Saint-Pétersbourg, de musées  provinciaux russes et de collections privées ainsi que du Centre Pompidou. Elle recouvre la période comprise entre les années 1901 et 1922, quand Kandinsky quitte définitivement la Russie Soviétique après avoir été un partisan dans les premières années de la révolution. L’ombre totalitaire plane sur les artistes et son rêve de fraternisation s'écroule car il appartient à une bourgeoisie en voie d'éradication. De cette époque (1918) datent quelques  ravissantes peintures sur verre,  illustrant des contes et légendes.  Des petits bijoux romantiques au charme désuet de style Biedermeier: « Nuage blanc», « Amazone dans la montagne », « Nuage doré »  sont en provenance du Musée Russe de Saint-Pétersbourg.   Il se trouve en porte à faux avec les révolutionnaires, alors qu'il est commis à la réorganisation des musées. Il accepte donc  la charge qui lui est offerte en Allemagne par Walter Gropius: enseigner au Bauhaus aux côtés de Paul Klee. A la fermeture du Bauhaus, taxé « d’art dégénéré »  par les nazis en 1933, il émigre alors en France et y vit le reste de sa vie, acquérant la nationalité française en 1939. Il s'éteint à Neuilly-sur-Seine en 1944, laissant derrière lui une œuvre fantastique.12272875476?profile=original

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L'exposition consacre une section fascinante aux racines visuelles et conceptuelles qui forment la base de l'œuvre de Kandinsky, l’univers des objets du folklore scythe, l’univers des contes (animaux mythiques, sorcières chevaliers et princesses) et de la musique russe (Rimsky Korsakov). Kandinsky est intimement attaché à la tradition culturelle russe et l’intériorise particulièrement lors de son exil définitif. L’orthodoxie de l’icône chevauche la fiction littéraire des contes et légendes de la grande Russie et constituent la fabrique de son imaginaire.   Cette section   regorge d'objets rares appartenant au shaman ou à la vie paysanne.

En conclusion, l’exposition retrace tout  le cheminement artistique de Kandinsky avec comme point de départ les peintures conçues dans l’ambiance symboliste et poursuit avec celles de la période de Murnau (Munich)… Ci- dessous deux : « Murnau, Paysage d'été » , 190912272876899?profile=original

12272876688?profile=originalavant l’explosion de l’abstraction.  Sont exposées également des œuvres de Gabriele Munter, Alex Jawlensky, Marianne Werefkin et Arnold Schönberg). Sans oublier d’autres compatriotes russes comme Mikhail Larionov, Natalia Gontcharova, Kazimir Malevitch, Nicholas Roerich, Mikhail Vroubel et Ivan Bilibine. Une mine d’or de L’ART RUSSE  et une  large main tendue vers L’EUROPE.

12272877477?profile=originalAnonyme, « Icône du Mandylion »  (Sainte Face) XVIe siècle12272878299?profile=original

« Composition sur fond blanc » 1920

Pour finir, Les Musées royaux des Beaux-Arts n’oublient pas leur public jeunesse. Les trente premiers numéros de l’audioguide sont destinés aux enfants de 6 à 12 ans (et plus, pour ceux qui ont gardé leur âme d’enfant!) afin de mieux apprécier les œuvres ...exposées à leur hauteur ! De la musique russe de l’époque de Kandinsky et des contes merveilleux y ont été intégrés avec bonheur.  On vous recommande l'histoire du Tsar Saltan. Le magnifique catalogue, très attrayant et informatif est un outil précieux à celui qui veut se plonger dans les racines de l’art abstrait en Europe.

Détails utiles : 02 508 32 11 – www.fine-arts-www.museum.be

  • lieu: 3 rue de la Régence - 1000 Bruxelles
  • dates et heures: Du 8 mars au 30 juin 2013 (fermeture  le 1er mai)
  • Du mardi au dimanche de 10h à 18h30  (dernière entrée à 17h), avec des nocturnes les mercredis de 18h30 à 20h (dernière entrée à 18h30)

et aussi

http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=DMF20130308_002  où vous pouvez trouver une  charmante vidéo faite le jour de la conférence de presse par un jeune  journaliste canadien.  

 


 

 

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