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amour (205)

L'écume des jours

Il s’agit d’un roman Boris Vian publié en 1947. Dans un étrange pays s'ennuie un jeune homme répondant au nom charmant de Colin. Son coffre-fort contient la coquette somme de cent mille doublezons. Son cuisinier, Nicolas, n'a pas son pareil pour mettre au point, dans le secret de son laboratoire, des petits plats aussi succulents que déconcertants. Son "pianococktail" lui procure de vives satisfactions. (Ce subtil et irremplaçable instrument, qui débite à volonté des cocktails, non quand on introduit une pièce de monnaie dans la classique fente prévue à cet effet, mais quand on joue au piano un air de jazz, -lequel, remplissant la fonction d'un programme, permet à la machine de composer une boisson adaptée à la musique -unit avec un rare bonheur deux plaisirs également raffinés et particulièrement complémentaires).
Mais comment ce confort et cette liberté suffiraient-ils à faire le bonheur d'un homme de son âge? Quelle chance a eue son ami Chick de plaire à la jolie Alise! Combien lui paraît enviable le sort de ce garçon qui n'a pourtant ni doublezons ni cuisinier ni pianococktail et doit gagner son pain à la sueur de son front! Il veut aimer, lui aussi, être aimé. Cette pensée le tourmente sans répit. Quand on est à ce stade, l'occasion,
généralement, ne tarde pas à se présenter. Il rencontre Chloé. Timidité, aveu, fiançailles. Depuis que "toutes les rues mènent à Chloé", la ville et la vie lui paraissent merveilleusement gaies et légères. Il donne vingt- cinq mille doublezons à Chick pour qu'il puisse vivre tranquille avec Alise. Ainsi le bonheur régnera autour de lui et sa félicité sera sans nuage. Mais prendre femme est prendre souci. Allant en voyage de noces visiter le sud du pays, Colin, Chloé et Nicolas -qui, tel Maître Jacques a troqué sa livrée de cuisinier contre celle de chauffeur- traversent en chemin un lugubre pays minier. Le matin suivant, à cause d'un carreau malencontreusement cassé par Colin, Chloé se réveille glacée. Elle tousse. Les vacances et le soleil du Sud sont si loin de la guérir qu'elle doit s'aliter sitôt rentrée en ville. Le médecin diagnostique une maladie grave: un nénuphar pousse en elle, rongeant un de ses poumons. La seule façon de la guérir est de lui faire respirer des fleurs, des brassées de fleurs, vite fanées. Colin se ruine à les acheter. Au fur et à mesure que baisse, dans son coffre, le niveau des doublezons, son appartement subit une étonnante métamorphose. Il devient sombre et exigu. Nicolas, qui ne peut plus élaborer, dans la cuisine dépouillée de ses appareils, que de fort médiocres saucisses, vieillit de plusieurs années en quelques jours.
Tristement, il finit par obéir à Colin, qui le presse d'offrir ses services à de nouveaux maîtres. De son côté, Chick a pareillement tout dépensé, non pour Alise mais pour se procurer les éditions de luxe et les
manuscrits du très prolifique écrivain Jean-Sol Partre, les enregistrements de ses innombrables conférences, les vieilles pipes et les vêtements élimés qui, à en croire les libraires, lui ont appartenu. Colin
et lui se résignent à chercher du travail. Ayant un diplôme d'ingénieur, Chick en trouve aisément. Mais quatre ouvriers sont victimes d'un accident imprévisible et le rendement de l'atelier dont il a la charge baisse de 0,8%. Conformément aux règles en vigueur, il est congédié. Quant à Colin, sa tâche consiste à faire pousser, en les couvant, des fusils. Son obsession le trahit: au bout de ceux qu'il obtient se dresse, délicate et dérisoire, une fleur d'acier. Il ne réussit pas mieux comme veilleur de nuit parce qu'il ne marche pas assez vite pour arriver à temps aux rendez- vous fixés avec des voleurs très ponctuels. Les événements se précipitent.
Alise tue Jean-Sol Partre et met le feu aux librairies de la ville. Chick meurt pour avoir voulu s'opposer à la saisie de ses livres pour le compte du percepteur. Talonné par la nécessité, Colin se résout à occuper le
poste bien rétribué mais particulièrement déprimant d'annonceur de mauvaises nouvelles. Suivant les indications d'une liste qui lui est remise chaque matin par l'Administration, il va prévenir ceux qu'un
malheur doit frapper le lendemain. Un jour, son nom figure sur cette liste. En ce pays plus encore que d'autre, les cérémonies, suivant qu'on a de l'argent ou non, sont fastueuses ou bâclées. La fortune de Colin ayant fondu comme beurre au soleil, l'enterrement de sa Chloé est aussi sinistre que ses noces furent belles. Près de sa tombe, un étang où des nénuphars s'épanouissent attire le jeune homme. Il est toujours à les contempler, à se pencher. Depuis l'époque lointaine où il était encore célibataire, une souris grise à moustaches noires vivait avec lui. Elle s'était attachée à Chloé. Elle lui a tenu compagnie jusqu'au bout. Maintenant elle voit la détresse de Colin. Il ne résistera pas longtemps à l'appel de l'eau. Elle va trouver un chat qui, se faisant violence, consent à ce qu'elle lui propose. La laissant s'allonger entre ses dents, il déroule la queue sur le trottoir, où presque aussitôt apparaissent et s'approchent en formation compacte, incertaine et lente onze orphelines aveugles.

Emouvant et merveilleux, étrange et angoissant, spontané et pur de toute fausse note, désinvolte mais par pudeur, plein de fantaisie et profondément triste, ce livre, qui nous conte avec une rigueur et un tact parfaits une histoire extrêmement simple, est à ranger parmi les plus admirables romans d' amour jamais écrits. Il nous plonge dans un monde neuf et déroutant, un univers de science-fiction où tout serait poésie et rien lourdeur, un univers dont les lois absurdes et impitoyables parodient celles du nôtre. Au début, la vie y semble libre et facile, mais on s'inquiète de constater que la mort s'abat sans crier gare sur des multitudes d' innocents. Au fil des pages on découvre d'autres fléaux. L'amitié est parfois déçue. L'amour cause bien des tourments. La maladie invente des tortures raffinées. La pauvreté contraint à fournir un travail stupide et abrutissant, expose à la laideur, à la faim, aux humiliations. L'opiniâtreté, le courage sont inutiles, bafoués. Ailée comme un rêve, cette oeuvre tout à fait hors série est comme les rêves les plus beaux: poignante, lourde de sens, inoubliable.

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administrateur théâtres

  Applaudissements nourris dans une salle fort intime du Théâtre des Martyrs hier soir pour «  la grande Vacance », texte et interprétation de Philippe Vauchel.  Il était parmi nous dans l’escalier avant que les portes ne s’ouvrent : un monsieur tout-le-monde en pardessus gris sable, un prototype humain qui semble être le même que tout un chacun, mais non, qui arbore un sourire de gamin si différent … et fait non de la tête dans chacune de ses phrases. Un artiste vrai et  touchant, qui touche à la mort, tabou de notre siècle.  Elle est parmi nous et on la nie à qui mieux mieux, la grande faucheuse que Brassens chantait inlassablement afin que nul ne l’oublie. Il nous manque aussi, celui-là, hé non, son trou ne s’est jamais refermé dans les cœurs  sincères.  La mort et  lui, Elle est lui, Elle tue, il tue… Nous tuons… Nous la taisons. Philippe Vauchel  lui donne une voix divine, et c’est la sienne. Il s’empare avec poésie et humilité de cette phrase immortelle d’Oscar Wilde ou d’Asimov : « The only thing certain in life is death ».  Philippe Vauchel réhabilite le manque de l’autre, la peine infinie, la chanson d’amour extrême d’Elvis Presley, celle qui dit tout : Aime-moi, mon aimé (e), aime-moi, ma douceur, ne me laisse jamais aller, tu as rempli et complété  ma vie, et je t’aime tant.

  Love me tender,
Love me sweet,
Never let me go.
You have made my life complete,
And I love you so.

 Il  pourfend les jeux absurdes d’immortels. Il réhabilite les traces, les vestiges,  le cycle de l’humus erectus. Les larmes aux yeux, il exhume les recommandises. Un homme à part. A part entière. Il enterre la course à la conshommation qui remplit les paniers mais pas les vies. Cette consommation qui inhume, qui inhumanise  plus sûrement encore, et finirait même par casser le cycle. Ce spectacle touche par son intelligence, il nous relie, il nous solidarise inévitablement par petites touches qui font mouche.  La mort fait partie de la vie.  Tel un arpenteur de la démesure humaine Philippe Vauchel étalonne la vie à la mesure de la mort. Ceux qui en reviennent n’auront qu’une hâte, c’est de faire table rase de tout ce qui parasite, occulte et ment,  et de caresser enfin et inlassablement  les sens – Ciel.

Encore la voix d’Oscar dans ce subconscient si alerte de Philippe Vauchel “To live is the rarest thing in the world . Most people exist, that is all.”

Bobby Farell et Agathe von Trapp  sont morts ce matin. Et en-desssous, dans la fosse commune du temps, il y en a des milliards qui nourrissent l’humus et la Vie. Mais si le message passe…. C’est quand même gagné !

  

«Je vous remercie de venir si nombreux» - La Mort.

 

Du 15 décembre 2010 au 8 janvier 2011 au théâtre des Martyrs

le 31 décembre:

 

          "" Pour l'occasion un coupe de champagne sera offerte à tous nos spectateurs avant la représentation ""

 

   A l'issue du spectacle, un menu de fête est proposé par notre cafétaria pour 25€ ( boissons non comprises)

 

Apéritif et Mise en bouche /  

Bisque de Homard et ses croûtons aillés/

Assiette Nordique/

( son pavé de saumon, son duo de tomates cerises et ses crevettes grises, son blinis aux perles de la mer, sa pomme de terre slovaque)

Café et ses mignardises/

 

Réservation obligatoire :  02/ 223 32 08 - loc@theatredesmartyrs.be


http://www.theatredesmartyrs.be/contact.html 


 

 

 

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Le mariage du ciel et de l' enfer

William Blake: Le grand Dragon Rouge et la Femme vêtue de soleil

« Le mariage du ciel et de l' enfer » est un des "Livres prophétiques" de William Blake (1757-1827), publié en 1790. Ce texte en prose se ressent de la majesté des versets bibliques. Il veut être une contre-partie à "La sagesse des Anges" d'Emmanuel Swedenborg (1688-1772). Parmi les notes que Blake écrivit en marge de la traduction anglaise de l'oeuvre de Swedenborg (publiée en 1787), on peut trouver la trace du titre du "Mariage" dans ce commentaire: "Ici, le Bien et le Mal sont tous deux le Bien et ces deux contraires s'épousent". Ce titre rappelle aussi "Le ciel et l' enfer" du même Swedenborg.

L'argument central de ce poème est que, "sans les Contraires, il n'y a pas de Progression. L' attraction et la répulsion, la raison et l' énergie, l' amour et la haine sont nécessaires à l'existence humaine". Mais, de ce choc des contraires, ne naît pas chez Blake l' unité intermédiaire, véritable force créatrice de tout progrès réel; le poète s'enferme dans son dualisme et professe que "de ces contraires naissent ce que les hommes religieux appellent le Bien et le Mal. Le Bien, c'est l'élément passif qui obéit à la raison. Le Mal, c'est l'élément actif qui est produit par l' énergie. Le Bien, c'est le Ciel; le Mal, c'est l' enfer. Mais "l' énergie (donc: le mal) est la Joie éternelle", et c'est là qu'est tout le drame du prophète révolté.

Le poète chante la vertu créatrice du désir, qui ne doit jamais être freiné, sous peine de devenir passif et improductif. Et il ne s'agit pas en l'occurence d'un désir quelconque: ainsi que le proclame un des aphorismes de "Il n'y a pas de religion naturelle": "Le désir de l'homme étant infini, la possession est infinie et lui-même est l' infini." Le refus de Blake d'accepter la primauté de la raison humaine semble, à première vue, d'autant plus étrange que "Le mariage du Ciel et de l' enfer" fut composé à une époque où la raison était le mot-cléf de toute philosophie. En était-il venu à penser que ce "royaume de la raison" est essentiellement instable? Ou, tout simplement, s'était-il insurgé -une fois de plus- contre les opinions reçues, comme il se révoltait contre les Eglises établies, gardiennes des lois et des principes, et contre l'organisation sociale qui les sanctionne? On ne saurait rien affirmer.

Toujours est-il que les "Proverbes de l' enfer", qui forment le 5ème chapitre du "Mariage", ont été considérés par les contemporains du poète (et le sont encore de nos jours, par Daniel-Rops, par exemple) comme de véritables axiomes d' anarchie. "Damner fortifie, bénir affaiblit", ou "Les prières ne labourent pas"; ou encore "Les prisons sont bâties des pierres de la Loi; les maisons de prostitution des briques de la Religion". Il est évident que ce sont là des propositions difficiles à accepter pour quiconque reste conformiste; mais pour celui qui juge Blake sans s'arrêter à certaines phrases qui n'ont plus le même sens quand on les sépare de leur contexte, il apparaîtra que, contrairement à Rimbaud qui finit par nier toute possibilité de morale, le but de l'oeuvre de Blake restera strictement moral dans son ensemble.

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Emile Verhaeren, Les heures d'après-midi.

Asseyons-nous tous deux près du chemin

Asseyons-nous tous deux près du chemin,
Sur le vieux banc rongé de moisissures,
Et que je laisse, entre tes deuxmains sûres,
Longtemps s'abandonner ma main.

Avec ma main quilongtemps s'abandonne
A la douceur de se sentir sur tes genoux,
Moncoeur aussi, mon coeur fervent et doux
Semble se reposer, entre tesdeux mains bonnes.

Et c'est la joie intense et c'est l'amourprofond
Que nous goûtons à nous sentir si bien ensemble,
Sansqu'un seul mot trop fort sur nos lèvres ne tremble,
Ni même qu'unbaiser n'aille brûler ton front.

Et nous prolongerions l'ardeurde ce silence
Et l'immobilité de nos muets désirs,
N'était quetout à coup à les sentir frémir
Je n'étreigne, sans le vouloir, tesmains qui pensent ;

Tes mains, où mon bonheur entier reste scellé
Etqui jamais, pour rien au monde,
N'attenteraient à ces chosesprofondes
Dont nous vivons, sans en devoir parler.

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