Assis face à la mer,
Adossé aux rochers,
Il fit des ricochets
En jetant de petites pierres.
Les pierres dansaient sur l’eau,
On dirait des ballerines
Sur une piste d’ondines
Où tournaient des cerceaux !
Il regardait rouler
Les vaguelettes saphir
Au rythme du zéphyr
Qui loin les emportait.
Et comme par magie,
Il vit devant ses yeux,
Sous la clarté du bleu,
Renaître une nouvelle vie !
Etrange mutation :
Sans baguette et sans fée,
Les gouttelettes irisées
Devinrent jade ou diamant !
Sous le soleil couché,
Le rubis rougissant
Par une monté de sang
Déclara sa fierté
D’être roi des galets ;
Pierres si rares et précieuses ;
De l’hématite heureuse
Il fit donc sa mariée.
Sur un tapis émeraude,
On célébra l'union
Du caillou vermillon
A cette perle noiraude !
Et la topaze jalouse
S’unit à l’améthyste
Et dans un chant si triste
Félicitèrent l’épouse.
Le péridot vert clair,
L’azurite mauve irisée
Calmèrent cette assemblée
Ravalant leur colère.
Notre amoureux comprit
Qu’on en voit en amour
Et de toutes les couleurs
Et qu’il faut à tout prix
Quitter ces frais rochers
Laisser ce subterfuge
Aller chercher refuge
Dans les bras de l'aimée.
Khadija, mercredi 10/11/10, à 22h20
amour (205)
Si jamais par hasard nos chemins se croisent
Comme se croiseraient dans la vie des destinées,
Et de là où tu es du coin de l’œil tu me toises,
Sois sûr que je n’ai pas ta belle âme oublié.
Dis-toi qu’au fond de moi ton goût survit encore.
Je t’ai gardé dans mon cœur une place de choix,
Mon doux, mon sage, mon prophète aux mots en or
Sertis de mes pleurs, que j’ai élu unique roi !
Que tu veuilles me parler ou tu désires te taire,
Je saurai comment faire pour dompter ton silence
Comme j’ai bien su avant gérer tes vertes colères ;
Lourds sévices engendrant ma douleur, mes souffrances.
Si tu cherches, ma foi, sans moi la tranquillité
Et la paix ; sans mes mots de pudique tendresse,
Recouvre donc comme l’air ta très chère Liberté.
Les vrais Amours n’admettent guère qu’on les mette en laisses !
Elle nous noie dans des vagues qui jouent en tourbillon
Elle nous berce et, pareils à de chétifs esquifs,
Nous traversons des miles et des miles de récifs
Et rejoignons le port, fragiles embarcations.
Sur chaque note nous dansons, du lundi au samedi,
Et même la nature accompagne nos transes
Et rythme ses saisons suivant nos pas de danse,
Conjuguant ses amours à la belle mélodie.
Musique de mon petit cœur, va, bas comme un tambour,
Fais vibrer les lilas au rythme des si la,
Si do dort et son lent timbre ne suffit pas
A faire tourner en ronde les noires, ni même les blanches,
Fais éclater si fort les tympans des cœurs sourds,
Et fais envoler haut les oiseaux sur les branches.
Khadija, Agadir, jeudi 9 décembre 2010, à 19h32
Le temps longuement m’a parlé
De ces deux êtres déchirés
Par la distance et par l’envie
Les bateaux quittent leurs quais heureux
Le leur est triste et hargneux
De trop les voir les larmes aux yeux
Incapables d’aller à bord
Pour rejoindre chacun le port
De l’autre et dans ses bras pleurer
Le temps lui aussi a pleuré
Un ouragan de sentiments
Déversé sur les bâtiments
Et sur les deux corps assoiffés
Les cimes des arbres décoiffées
Par la tempête et les remous
Jalousent les mouchoirs agités
L’amour seul se fout de ces fous
Mais ils sont là sans être las
De s’attendrir et de s’attendre.
Khadija, Agadir, mercredi 9/5/2012 à 23h51
Des fois je n’ai pas envie
Des fois je ne vis pas
Des fois mes pas sans vie
Sans foi faillent et cent fois
M’assaillent d’interrogations
Et mon cœur qui répond
Dit de la tête que non
Car le chemin est long
Je le prends et le plie
Comme un accordéon
Alors mes pas se lancent
Et suivent la cadence
De mes folles envies.
Khadija, Agadir, Mercredi 7/3/12.
Je voudrais devenir une Femme Caméléon !
Non de celles, versatiles, qui chaque jour changent de nom
Comme on change de maquillage, ou de robe, ou de gant ;
Non plus dans le genre vil, le genre vain qu’on comprend :
Incertain ou volage, lunatique ou louvoyant.
Mais plutôt quelque chose de tout à fait différent ;
Entre le chameau, l'aigle, la gazelle et le lion;
Quelque chose de rêveur, d’ambitieux, mû de passion ;
Quelque chose de subtile, pas dans le style de ces vamps
Mais d’un goût plus raffiné qui sait plus qu’avoir, donner ;
Qui sait changer avec le temps, changer en bien, changer de ton ;
Savoir quand il faut écouter, à qui accorder le pardon
Et à qui même servir de pont pour mette au clair ses beaux talents ;
Changer et faire changer le monde pour que tout ne soit que chanson
D’amour et d’amitié, de paix à diffuser aux horizons
Et n’attendre d’en récolter que l’exquis nectar en amont.
Voici donc ce que devrait être la Femme Caméléon !
KHADIJA, Agadir, dimanche 19/9/2010 à 20h30
Vingt-quatre heures de la vie d'une Femme
Hommage à Stefan ZWEIG
avec Anne-Marie CAPPELIEZ
Et au fond de l’abîme, était l’Envoûtement.
Premier cercle : Dans un hôtel de la Côte d’Azur, une femme « comme il faut » quitte mari et enfants pour soudain suivre un jeune amant, sans jeter un regard en arrière et sans espoir de retour. Scandale. . . Deuxième cercle : Une autre femme, une dame anglaise très distinguée, séjournant dans le même hôtel a aussi été envoûtée par le passé. Sa confession imminente suffira-t-elle à lui faire retrouver la sérénité et faire craquer après 24 ans l'envoûtement de souffrances toujours recommencées ? Troisième cercle : Apparition magique de ladite femme, encore jeune et si envoûtée par son mari, qu’à la mort de celui-ci, elle se trouve incapable de continuer à vivre chez elle et se lance dans une fuite en avant pour échapper au vide vertigineux de l’âme. « Aucun flot vital ne résidait plus en elle. » Quatrième cercle : Était-ce une nuit de la Saint-Jean ? Sur le tapis vert du casino de Monte-Carlo, elle rencontre des mains, puis un visage exalté, ensuite flétri: un homme au bord du désespoir. Cinquième cercle : L'inconnu est envoûté par la passion du jeu et agonise. Sixième cercle : La femme se découvre une âme salvatrice qui l’envoûte totalement. Elle est prête à commettre les actions les plus folles pour l’arracher à la destruction. Sentiment exaltant et neuf de l’utilité de son existence ! Septième cercle : Les 24 heures fatidiques. La voilà au septième ciel, elle est tombée amoureuse. « Cette nuit me parut mille ans ». Passion foudroyante. Nouvel envoûtement. Huitième cercle : Toujours envoûté par le jeu, le jeune homme rompt sa promesse et ne la reconnaît pas. Après avoir reperdu toute sa fortune, il ne résistera pas à l’attrait du suicide, envoûtement maléfique.
Neuvième et dixième cercles : c’est le spectateur et la spectatrice qui sont à leur tour envoûtés par le texte de Stefan Zweig, par le talent très puissant de la conteuse. Un élixir, une herbe magique ? Les murs du théâtre disparaissent, le décor de même, jusqu’au moindre petit pot de Saint-Paulia aux fleurs violettes qui décoraient le lobby de l’hôtel où est sensée se dérouler l’histoire. A la fin de l’histoire on découvre avec stupeur, la petite tasse à thé en porcelaine de la dame anglaise, posée délicatement sur une table basse juste devant les spectateurs. Elle semble ne jamais avoir été là avant, tant l’imagination du spectateur a fait du chemin.
Allez voir cette pièce qui fait partie d’une trilogie envoûtante de Stefan Zweig, donnée au théâtre du Grand Midi sous la direction artistique de Bernard Damien.
https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/le-theatre-du-grand-midi-rend-hommage-a-stefan-zweig
du 28 février au 17 mars à 20h30
Et voici la lauréate du prix première 2012:
Elle vient d'obtenir pour son premier roman "Léna" le prix Première de la RTBF décerné ce premier mars à la foire du livre de Bruxelles.
Virginie Deloffre est médecin à Paris... à mi temps, car elle écrit depuis un long moment et voici son premier roman. Fascinée depuis l’enfance par la Russie, elle signe un livre magnifique à l'écriture sensitive. La toile de fond est toute l’épopée soviétique depuis les années 20 jusqu’à l’effondrement de l’URSS à la fin des années 80. Une débâcle spectaculaire qui ressemble à celle du fleuve Léna lorsqu’il sort de sa rêverie hivernale et cause des conséquences catastrophiques quand craquent tous les barrages de glace.
La Léna dont la romancière retrace le parcours est une enfant rêveuse, traumatisée par la mort de ses parents disparus dans un trou de glace en Sibérie, recueillie par un vieux couple sans enfant, Dimitri, un scientifique exilé en Sibérie et Varvara une bonne vieille paysanne pragmatique au franc parler, fière de son communisme. Hélas sa chaleur humaine peine fort à dégeler l'enfant mystérieuse et secrète.
Léna les quitte pour épouser Vassili, un ardent pilote de chasse de l’Armée rouge, et se retrouve seule dans un nouvel environnement urbain. A quel malheur doit-elle se préparer ? Sa vie intérieure est marquée par la rêverie et l’attente perpétuelle des retours de mission de Vassia. Son immobilité lui suffit pour capter la permanence. Elle se complait dans l’inaction comme si bouger dans sa chrysalide allait tout faire basculer. A chaque départ et chaque retour de son mari elle écrit de longues missives nostalgiques à son oncle et sa tante restés dans le Grand Nord et se souvient : "La terre et la mer se confondent, uniformément blanches et plates l'une et l'autre, sans ligne de fracture visible. L’œil porte si loin dans cette blancheur, qu'on croit percevoir la courbure de la terre à l'horizon. A ce point d'immensité l'espace devenait une stature, imprégnant chacun des êtres qui l'habitent, une irréductible liberté intérieure qui fait les hommes bien nés, les Hommes Véritables, ainsi que ces peuples, les Nénètses, se désignent eux-mêmes." Elle se sent comme les paysages de sa tribu d’origine: sans limites, à la fois changeants et immuables, aussi désertiques.
La langue poétique dévoile peu à peu tous les replis de son âme vagabonde. Elle a aussi la distance pour décrire avec humour son nouvel environnement : "C'est la fameuse Laideur Soviétique, inimitable, minutieusement programmée par le plan, torchonnée cahin-caha dans l'ivrognerie générale, d'une tristesse inusable. Un mélange d'indifférence obstinée, de carrelages mal lavés, de façades monotones aux couleurs uniques -gris-bleu, gris-vert, gris-jaune-, témoins d'un probable oukase secret ordonnant le grisaillement égalitaire de toutes les résines destinées à la construction du socialisme avancé. Un genre de laideur qu'on ne trouve que chez nous, que l'Ouest n'égalera jamais, malgré les efforts qu'il déploie à la périphérie de ses villes. "
Soudain, rien ne sera plus jamais le même. « Elle est tombée sur moi, la menace que je sentais rôder. » Lorsque Vassia est sélectionné pour faire partie de mission de la station Mir, Lena, fille de l’immuable perd ses repères: la routine de son attente des retours-surprise du mari qui faisait tout son bonheur tranquille et solitaire explose et fait place aux incertitudes et au questionnement. Son monde solitaire est fracassé.
Elle est forcée au commerce avec autrui, confrontée par la réalité. Et de se demander ce que vont donc chercher les hommes dans l'espace. Quelle est cette force qui les lance vers l'inaccessible? Qu’ont-ils contemplé ces cosmonautes, face à face avec l'univers? Pourquoi ceux qui en reviennent ont-ils tous le même vide au fond des yeux ? « Je ne sais pas pourquoi les hommes veulent aller plus loin. Mais ils l'ont toujours fait, ils ont toujours marché droit devant eux. Ils se sont heurtés à des déserts, puis à des montagnes, et ils les ont franchis. Ils sont arrivés à la mer et cet obstacle leur a pris des siècles. Mais ils ont appris à construire des bateaux et ils sont partis sur la mer au milieu des tempêtes, droit devant vers l'inconnu. Vers l'inconnu terrifiant toujours. Chaque étape de leur progression était jonchée de cadavres et pourtant ils ont continué jusqu'à couvrir la surface de la terre, et maintenant la terre ne leur suffit plus. Ils sont ensorcelés par les lointains. C'est une force en eux, sans doute semblable à celle qui habite les oies sauvages au printemps. L'étendue les attire, elle les appelle. Et ils se mettent en marche. »
Le roman est construit avec le soin d’une lente distillation de l’art de dire, sans en dire trop, par petites touches successives, pour fabriquer des images inoubliables. Le plaisir de la lecture est total tant la langue soutient l’imaginaire, fait éclore l’émotion, et ouvre nos yeux sur la sensibilité de l’âme russe. Elle insiste sur le désir permanent de conquête de l’homme. Elle capte les différences ahurissantes entre l’homme et la femme dans les deux couples… qui malgré tout s’entendent. Le personnage de Léna est tout émotion: fine, pudique et délectable. Tous les personnages sont riches, la narration de l’histoire soviétique prend des allures de conte. Le lecteur de l’OUEST se sent transporté dans un monde inconnu et surprenant. L’écriture fluide et rythmée colle au roman, comme un vêtement mouillé car Léna au fur et à mesure fait fondre la glace qui l’étreint. Tout au long de l’histoire on assiste à une accélération dynamique de l’énergie et à une authentique mise à flots du vaisseau de la vie. Celle de Léna.
Le ravissement de l'éclosion.
Contes coquins d’Algérie, un spectacle de et par Fahem Abes au théâtre littéraire de la Clarencière
Fenêtre ouverte sur la Kabylie, Fahem Abes nous a récité hier soir avec humour un délicieux chapelet de contes érotiques venus de la tradition orale de son pays. Le point de vue est souvent masculin. Il a refusé tout décor, il y a juste un rideau noir qui drape le fond de la scène. Le conteur, en pantalon et chemise noire occidentale, joue le masque neutre et va faire éclore tout un monde imaginaire et malicieux dans une langue qui égrène un français académique et d’exquis vocables berbères aussitôt traduits.
Entre les contes à multiples tiroirs il rejoint le bord de la fenêtre de briques blanches dans le rideau et esquisse quelques notes de flûte, seul élément qui évoquera l’instrument du plaisir masculin. On voyage de royaumes en villages, en bord de mer. On rencontre poissons, crabes, lézards, serpents et herbes magiques. Un curieux instrument de taille impressionnante faisant office de ceinture, de manteau, de turban, un coffre magique empli de silence et une petite souris aussi maline qu’un chat!
Shéhérazade masculin, le conteur se saisit des mille et un contes kabyles pour nous faire apprécier sa culture algérienne. « Sortir ces contes de l'oubli, les porter à la lumière, les faire entendre, les partager était pour moi un défi, mais c'est avant tout une contribution certes modeste, mais ô combien importante aux festivités qui en 2012 célébreront les 50 ans d''indépendance de l'Algérie. Importante car à travers ces contes coquins, c'est une autre Algérie qui se découvre. Une Algérie suave, drôle, épicée, irrévérencieuse, libre de paroles, chaude, sexuelle, féministe, une Algérie amoureuse. Porter et vivre le partage de cette Algérie-là est un réel plaisir. »
L e Shéhérazade au pipeau volubile nous fait voyager au pays de la montagne de vérité vexée et vaincue par les ruses d’une femme, au pays des ogres terrassés, de l’amour qui arrive toujours à ses fins, du plaisir épicé que l’on donne, version masculine.
C’est sobre, délicat, l’air de ne pas y toucher, rien de lascif, pétillant d’humour. On le croirait en train de déclamer des contes coquins lors d’un dîner, parlant à mots poétiques et voilés de la chose. Le cadre du conte permet de décapiter les hommes qui ne satisfont pas les femmes, aux amants de berner les maris, aux hommes de n’avoir pour tout travail que l’amour.
On n’imagine pas ce spectacle autre part que chez Fabienne, à la Clarencière, charmant petit lieu bruxellois intime et vibrant. On sort de l’époque, on rentre dans un temps immémorial où le ciel brille nuit et jour. On se complait dans une vivacité de ton, une gestuelle de scène étourdissante, et un voyage dans les désirs et les phantasmes amoureux où lune et soleil se partagent le plaisir.
du 10 au 18 février 2012 http://www.laclarenciere.be/
extraits:
"De l'amour" est un essai de Stendhal, pseudonyme d'Henri Beyle (1783-1842), publié à Paris chez Mongie l'Aîné en 1822.
De l'amour a été ébauché à Milan, en décembre 1819, sous l'influence d'une passion malheureuse. Afin d'écrire par un autre biais à "Métilde" (Matilda Dembowski, née Viscontini) qui refusait de recevoir ses lettres, et pour aider à sa propre guérison, Stendhal entreprend une analyse du sentiment amoureux, bientôt augmentée de pensées ("Fragments divers"). Soupçonné d'appartenir à une société de conspirateurs, il doit regagner Paris en juin 1821. Son manuscrit, égaré pendant plusieurs mois, sera enfin publié durant l'été de 1822. Plusieurs chapitres (comme "l'Amour en Provence", inspiré de sa lecture récente de l'historien Fauriel), ont sans doute été composés à Paris. De l'amour sera ensuite grossi de "compléments" et de trois préfaces de l'auteur, écrites en 1826, 1834 et 1842. Dans cette dernière, achevée huit jours avant sa mort, Stendhal constate l'insuccès de son ouvrage et sollicite "l'indulgence du lecteur pour la forme si singulière de cette physiologie de l'amour".
Livre I. Distinction entre l'amour-passion, l'amour-goût, l'amour physique et l'amour de vanité (chap. 1). Phases de la naissance de l'amour: l'admiration; "On se dit: Quel plaisir..."; l'espérance; l'amour est né; première cristallisation; le doute; seconde cristallisation (2). Comment l'espérance fait naître l'amour. Intervalles entre les phases (3-5). Analyse de la cristallisation (6). Des différences entre la naissance de l'amour dans les deux sexes (7). Nouvelle analyse et illustrations de la cristallisation (8-12). Réflexions sur la beauté; ses rapports avec l'amour (13-20). La "première vue", l'"engouement", le "coup de foudre" (21-23). Réflexions sur les pays où l'oranger croît en pleine terre (l'Italie, l'Espagne), incompréhensibles pour les gens du Nord (24). Sur le comportement des femmes: la pudeur, l'orgueil, le courage (25-30). "Extrait du journal de Salviati" - un des pseudonymes de l'auteur (31). De quelques sentiments qui accompagnent l'amour, notamment la jalousie (32-37). "De la pique d'amour-propre", "De l'amour à querelles", "Remèdes à l'amour" (38 et 39 ter).
Livre II. "Des nations par rapport à l'amour. Des tempéraments et des gouvernements": la France, l'Italie, l'Angleterre, l'Espagne, l'Allemagne (40-48). "Une journée à Florence": le ridicule n'existe pas en Italie (49). L'amour aux États-Unis (50). L'amour en Provence au XIIe siècle (51-52). L'Arabie (53). Sur l'éducation des femmes et le mariage (54-58). "Werther et Don Juan", plaidoirie en faveur de la sincérité et de la passion; l'"amour à la Werther" est à l'évidence celui que Stendhal vouait à Métilde, et qu'elle a repoussé.
Fragments divers. Suite d'aphorismes, de citations, de brèves anecdotes; réflexions sur l'amour antique, ou encore sur les arts et les moeurs.
Appendix. "Des cours d'amour", telles qu'elles existaient en France au XIIe siècle avec les trente et un articles du "Code d'amour" alors en vigueur.
Compléments. L'un d'eux, "Des fiasco", écrit avant 1822, avait été retranché de la première édition. Les autres lui sont postérieurs, notamment "Ernestine", courte nouvelle où, à partir d'un personnage posé comme sujet d'expérience, Stendhal étudie la naissance de l'amour dans le coeur d'une jeune fille qui vit à l'écart du monde, et "le Rameau de Salzbourg", anecdote qui éclaire l'analyse de la cristallisation.
Avant de le présenter comme une "physiologie", Stendhal avait appelé son essai un "livre d'idéologie" (I, 3), en s'excusant auprès des philosophes de l'impropriété du terme: "Je ne connais pas de mot pour dire, en grec, discours sur les sentiments." C'était avouer sa dette envers Destutt de Tracy, auteur des Éléments d'idéologie (1801), dont De l'amour reprend certaines idées audacieuses sur l'éducation des femmes et le mariage. Ouvrage composite, De l'amour illustre pourtant à merveille le conflit, présent dans toute l'oeuvre de Stendhal, entre "connaissance et tendresse", selon les termes utilisés par Jean-Pierre Richard, conflit exprimé par cette belle formule: "Je tremble toujours de n'avoir écrit qu'un soupir, quand je crois avoir noté une vérité" (I, 9). Tout au long du livre, parmi les froides analyses, affleurent les confidences d'un coeur blessé. Les anecdotes y ressemblent à ces illustrations dont les moralistes émaillent traditionnellement leurs maximes; mais on y devine aussi l'écho de la brouille avec Métilde.
Les pages les plus célèbres ont trait à la "cristallisation". Par ce mot, qui signifie d'abord "concrétion des cristaux", Stendhal désigne métaphoriquement "l'opération de l'esprit, qui tire de tout ce qui se présente la découverte que l'objet aimé a de nouvelles perfections" (I, 2). "La beauté n'est que la promesse du bonheur", précise-t-il dans une note (I, 17); du moment où l'amour est né, la laideur elle-même devient beauté aux yeux de l'amant et accroît son sentiment.
On peut juger désuètes, dans leur rigidité, les classifications par nations: elles reflètent les modes d'approche de l'époque (Mme de Staël, de même, distingue dans Corinne les aspects de l'amour suivant les pays), mais aussi les partis-pris de Stendhal: toute occasion lui est bonne de chanter la passion "à l'italienne", qui se moque de l'âge et du ridicule, et de s'en prendre à la vanité des Français. Avec une belle assurance, il codifie du reste sur l'amour en Andalousie (alors qu'il n'a pas visité l'Espagne au-delà de Barcelone) ou aux États-Unis (jugés sur leur réputation de pays uniforme et ennuyeux). Son sujet devient parfois prétexte à des analyses de tempéraments ou de gouvernements qui font écho à celles de Rome, Naples et Florence en 1817. Mais ses réflexions sur l'éducation des femmes, que la société du XIXe siècle prive de leur naturel, permettent de le ranger parmi nos rares auteurs masculins et féministes. Sa défense du naturel ne va pourtant pas sans tensions: ainsi la femme doit-elle se rendre à l'homme dès que celui-ci conçoit de l'espérance "pour le plus grand plaisir physique possible" (I, 2), mais si elle est raisonnable elle doit ne "tout accorder à son amant que quand elle ne peut plus se défendre" (I, 12). Les contradictions qui opposent ses exigences et ses goûts s'aperçoivent aussi dans son analyse de la pudeur: celle-ci donne des plaisirs à l'amant en lui faisant sentir les lois que l'on transgresse pour lui, mais elle est soeur du mensonge. Attiré à la fois par les grâces de la spontanéité et par les raffinements de la civilisation, Stendhal trouve de la douceur à fréquenter ces salons parisiens qu'il raille si cruellement.
Il a composé De l'amour avant ses romans, mais on s'égarerait à chercher dans ceux-ci de strictes applications de l'essai. Si ses personnages de fiction donnent l'illusion de la vie, c'est que les nuances imprévisibles de leurs sentiments échappent aux règles. On trouvera des manifestations de l'"amour physique", de manière inattendue, quand Octave est ému par le bras d'Armance; ou des formes de la cristallisation dans la naissance de l'amour de Lucien Leuwen pour Mme de Chasteller. Mais les parties de l'oeuvre romanesque qui héritent le plus directement des théories de l'essai sont peut-être l'amour-pique de Fabrice pour la Fausta (la Chartreuse de Parme, I, 13) ou la correspondance que Julien envoie à la maréchale de Fervaques pour exciter la jalousie de Mathilde de La Mole (le Rouge et le Noir, II, 26-30); ce ne sont pas les meilleures. Mais on aime que Lamiel illustre cette liberté que Stendhal rêve de voir consentie aux jeunes filles. Plutôt que comme un traité, c'est comme une suite d'aveux qu'il faut lire De l'amour, et aussi comme un recueil d'intrigues à peine amorcées, que le génie du romancier prolongera ensuite.
Bien là, dans le vertige de la peinture. Tes cheveux sont racines en plein ciel
Plus de sud, plus de nord.
Mes mains de géant, ivres du souvenir trouveront un par un tes cheveux . Englués de plaisir
Flo paysage 150x120
gegout©adagp2011
Sur le chemin qui mène quelque part, eux ne savent ou exactement et ils s'en foutent .. Par un une belle soirée orageuse ils se rencontrent, parlent peu de la pluie qui pour une fois tombe, et du beau temps qui devrait suivre.
Parlent peu, se rencontrent, la bave fera le reste, brave bave qui toute la nuit les relie.
Bave au matin.. chagrin !
Sur le chemin, l'escargot qui remonte épuisé après une nuit d'amour ne sait pas le destin tragique de son partenaire écrasé par un 4x4 de marque Land rover. Il ne sait pas, lui qui est encore vivant cheminant sur les traces de pneus.. ne sait pas qu'il a survécu..
Moralité: Les escargots devraient eux aussi porter des gilets fluo
"L'amour et l'occident" est un essai de Denis de Rougemont (Suisse, 1906-1985), publié à Paris chez Plon en 1939.
Lu et commenté par des générations d'étudiants, discuté souvent avec passion, parfois critiqué âprement dans certaines de ses conclusions, mais toujours fertile de questionnements, l'Amour et l'Occident s'est imposé dès sa publication comme un maître ouvrage de la pensée humaniste européenne, alors que le règne de barbarie s'étendait au même moment sur presque tout le continent. On ne saurait en effet séparer l'engagement personnaliste et fédéraliste, auquel est resté fidèle jusqu'à sa mort Denis de Rougemont, de cette tentative subtile et perspicace d'explicitation - à partir du mythe de Tristan - d'une conception de l'amour-passion propre à la civilisation occidentale et dont les métamorphoses au cours des siècles n'ont pas fini de produire leurs effets.
Le livre premier expose "le contenu caché de la légende ou du mythe de Tristan": l'amour-passion s'y oppose tant au mariage qu'à la satisfaction amoureuse - de même que la chevalerie courtoise brave la société féodale - et magnifie "l'amour de l'amour" et "l'amour de la mort". Pour Denis de Rougemont, en effet, "la passion et le besoin sont des aspects de notre mode occidental de connaissance": s'ils ne sauraient se passer de la souffrance, c'est qu'ils participent d'un désir de pureté et de rachat, et rejoignent de ce fait une quête mystique.
Le livre II remonte jusqu'aux "origines religieuses du mythe" pour avancer comme thèse minimale que "le lyrisme courtois fut au moins inspiré par l'atmosphère religieuse du catharisme" et considérer que l'amour-passion, tel que le glorifie le XIIe siècle, fut "une RELIGION dans toute la force de ce terme", et spécialement "UNE HÉRÉSIE CHRÉTIENNE HISTORIQUEMENT DÉTERMINÉE".
Dans le livre III se voient étudiées les relations complexes entre "passion et mysticisme" au cours desquelles l'hérésie des "parfaits", d'abord vulgarisée par la métaphorisation poétique et rendue profane par le passage d'Éros à Vénus, se trouve réinvestie par la mystique chrétienne qui l'utilise comme habit "pour en revêtir l'Agapê".
Le livre IV étudie, à travers la littérature occidentale, "l'histoire de la déchéance du mythe courtois dans la vie "profanée"", dont le "désir romantique", en son conflit avec le "désir bourgeois", marque une étape primordiale, cependant que "Wagner vient restituer le sens perdu de la légende" et, ainsi, "l'achever".
Le livre V se penche sur "le parallélisme des formes" entre l'amour et la guerre, de même qu'entre la passion et la politique, dont la rupture au XXe siècle libère "le "contenu" mortel du mythe" et semble ne trouver comme réponse à l'instinct de mort que l'État totalitaire.
Le livre VI analyse "la crise moderne du mariage" comme résultante de la dégradation du mythe de Tristan. Son horizon mystique s'étant perdu depuis longtemps, la passion n'a plus pour fin une quelconque transcendance: "au lieu de mener à la mort, elle se dénoue en infidélité" et aboutit à un appauvrissement de l'être "qui ne sait plus posséder, ni plus aimer ce qu'il a dans le réel".
Soulignant la nécessité d'un parti pris, Denis de Rougemont propose alors, dans le livre VII, le choix d'Agapê contre celui d'Éros: il engage à un mariage conçu comme "décision", fidélité qui "fonde la personne", "engagement pris pour ce monde", et non pour un autre fantasmatique.
Révisé avec soin en 1954 de manière à préciser et à nuancer un propos qui, certes, pouvait souvent apparaître provocateur, l'Amour et l'Occident ne manqua pas de susciter dès sa parution de nombreuses critiques, tant de la part des théologiens que des historiens. Les premiers lui reprochèrent une séparation trop tranchée entre un Éros qui "veut l'union, c'est-à-dire la fusion essentielle de l'individu dans le dieu" et qui, ainsi, glorifie et idéalise l'instinct de mort, et une Agapê [plaisir] qui, refusant de chercher "l'union qui s'opérerait au-delà de la vie", est "l'origine d'une vie nouvelle, dont l'acte créateur s'appelle la communion", et le ciment, la fidélité.
Les historiens, quant à eux, contestèrent vivement la collusion entre troubadours et cathares qui est le pivot de la démonstration de Denis de Rougemont, mais ne paraît s'appuyer sur aucun document décisif. "Il faut dire plus, l'idéal courtois s'oppose intrinsèquement à la théologie dualiste des néomanichéens: quoi de commun entre leur idéal ascétique, leur condamnation radicale de la matière, de la chair, et nos troubadours éperdus d'enthousiasme devant la beauté physique de la femme, médiatrice d'absolu?", écrit ainsi Henri-Irénée Marrou dans les Troubadours. Au-delà, c'est la conjonction non seulement du manichéisme et de la courtoisie occitane mais aussi des légendes celtiques de la "matière de Bretagne", voire de la mystique arabe, en une "fureur dialectique", qui se voit mise en question par le même auteur, lequel regrette profondément l'abus "d'une assimilation entre l'amour courtois des troubadours et une définition de la "passion" issue tout entière à travers le Tristan de Wagner [...]".
Quelles que puissent être l'influence sur Denis de Rougemont d'une érudition germanique nourrie tout autant de Novalis et de Nietzsche, et la valeur de rapprochements qui tendent à démontrer que "l'esprit catastrophique de l'Occident n'est pas chrétien" et que "la passion serait la tentation orientale de l'Occident", on ne saurait ignorer la perspicacité de l'auteur à chercher dans une ébauche d'histoire des mentalités les origines d'une crise de la culture européenne. Du tragique de celle-ci, de la remise en question qu'elle induit de l'optimisme béat du rationalisme et du positivisme, bien d'autres auteurs discourront par la suite, après la catastrophe que fort peu ont vu se profiler. L'auteur de l'Amour et l'Occident écrit, lui, face au danger - dont il saisit toute l'ampleur -, dénonce tout autant l'État totalitaire communiste que la religiosité nazie et avance, face aux forces obscures, le sens d'un engagement.
Temps de vie
Le temps merveilleux amant
d’une jeunesse apprentie,
ne réserve ses tourments
qu’à tous ses anciens printemps.
A chair tendre, peau rosée
le prince d’éternité
accordera la beauté
au paradis dérobée…
Sera doux et languissant
aux baisers adolescents,
découvrant l’étreinte floue
de deux corps devenus fous.
A midi de notre vie,
le temps merveilleux amant,
soudain n’est plus notre ami,
nous faisant don d’un grand vent.
« Laissons rêves et envies,
pensons aux jours à venir.
Demain nous serons flétries,
l’Automne fait réfléchir ».
Le froid de l’hiver est là
sans bruit frôlant notre peau,
de la vie sonnant le glas,
alors il nous tourne le dos.
Douce nuit d’éternité,
le temps n’est plus le maître
de nos vies, de nos années.
Il nous fera renaître.
Lunessences
16/11/2006
Chercher des mots derrière les mots pour faire vibrer toute la dérive. Une chance de voir tous les sens… ceux qui chantent encore le chant d’une vie… d’une simple victoire… d’un grand retard celui qui accable tous les espoirs…
Oh ! Les mots ces êtres si fragiles, mais qui ont la force de tous les lions, de toutes les tornades, et de toutes les mers…le "de-vaguement" est toujours une guerre…tandis que le repli faits penser aux dégâts… de tous les airs et de tous les "hiers"…
Les matins sombres changent de visage pour rendre l’amour à son vrai âge…celui des petites fleurs…celui des grandes douleurs…une fois de plus pour garder figée toute une vie et tout un rêve…
Que faut-il dire encore pour que les choses entrent dans l’ordre..?! Un ordre qui jaillit de ces profondeurs, là où l’instant perd son équilibre, là où les mots quittent leurs nids, et là où l’oubli fait naître tout un espoir…
Ah ! L’espoir ce grand mystère..! Seul avec ses pas change les couleurs… du sombre au vrai clair, et du froid à la vraie chaleur… !
L’être cherche refuge dans tous les mots… et dans tous les lieux… pour donner l’envie à toute une vie… à toutes les choses… celles qui gardent encore la vraie couleur… la vraie valeur..!
Ah ! Les mots… qui cherchent refuge, derrière les flaires… et derrière les reflets… des miroirs des yeux…et même ceux de toutes les âmes..!
A. Sbibi
Le 05-02-2011
À un pays que j’aime vraiment : La Grande Belgique
Hermétique vraiment
cette grande douleur..!
Oh ! Cette soif qui étouffe
tous ces espoirs…
Et tout ce bavardage
dans ces passages oubliés..!
Comment faire revivre
toutes les consciences des âmes ?!
Comment rendre le vrai éclair
à sa vraie flamme ?!
Comment faire renaître le sourire
pour faire revivre
toutes les roses..?!
Et comment pousser le cœur
à respirer vraiment
tous les battements de la vie..?!
De la joie..?! Et de bonheur..?!
Une vie si noble..! Et si sincère..!
L’amour et le sacrifice…n’ont
aucune langue..!
L’amour et le sacrifice…n’ont
aucune couleur..!
A. Sbibi
Le 31 Janvier 2011
Les « Fragments » sont un essai de Roland Barthes (1915-1980), publié en 1977.
Déplorant l'"atroce réduction que le langage (et la science psychanalytique) impose à nos affects", l'auteur se propose de rendre au discours amoureux ses lettres de noblesse. Ce protocole d'écriture est organisé à partir de "figures": débats ou illustrations émaillés de citations et d'extraits de conversation avec des amis, ces figures sont celles éprouvées au cours d'une liaison. De la plénitude ("Adorable!", "Fête", "Je-t-aime") à l'accablement ("Catastrophe", "Langueur", "Suicide"), le lecteur est invité à parcourir tout le champ des sentiments amoureux.
Situées dans un temps indéterminé, tant il est vrai qu'au cours du drame de l'"énamoration" ("Drame") le monde extérieur semble irréel ("le Monde sidéré"), ces figures sont également énoncées dans un espace théâtral au sein duquel l'amoureux est toujours ramené à lui-même: "Ce que je lis dans ce malheur, c'est qu'il a lieu sans moi." Le rêve d'union totale avec l'autre n'est qu'une utopie ("Image, imitation: je fais le plus de choses possible comme l'autre", "Habit bleu et Gilet jaune"); l'amour, qui fait perdre le sens des proportions, s'éprouve essentiellement sur le mode souffrant ("Écorché") ou sadique: "Il n'y a aucune bienveillance dans l'écriture: je veux à tout prix te donner ce qui t'étouffe" ("Dédicace"). Cette accumulation de points de vue, qui s'attache à des gestes furtifs ("Une façon d'étendre les doigts en fumant", "le Corps de l'autre"), à des objets partiels ("La coupe d'un ongle, une dent un peu cassée en biseau", "Adorable") et réhabilite en même temps la valeur du code romantique ("Pleurer"), s'en remet finalement à un dur constat: "Vouloir écrire l'amour, c'est affronter le gâchis du langage" ("Inexprimable amour").
L'interrogation des « Fragments d'un discours amoureux » porte essentiellement sur la forme. La force du fragment selon Barthes est de se prêter à la fois à la "variation" et à l'"agencement". Antilinéaires, ces Fragments évitent, par leur forme simple et flexible, le diktat de l'unité et de la cohérence, et s'en remettent toujours au caractère des intermittences du coeur et des humeurs du désir. Le présent de l'indicatif se substitue au passé simple qui, lui, supposerait un monde achevé, stable et débarrassé de l'épaisseur complexe du réel. La substance de ces Fragments est toute romanesque en effet, et cette mise en écriture de figures amoureuses aurait pu faire le tissu d'un roman: les deux acteurs du "drame" - le sujet amoureux et l'"objet d'amour" - sont pris dans un discours à peine couvert par la référence littéraire (Werther, la Gradiva, Parsifal). Ce discours est toujours monologue: le "parler amoureux", fondé sur l'expression de la "loquèle" ("forme emphatique du parler amoureux", voir "Loquèle"), n'est jamais un dialogue véritable. Ce discours est bien plutôt l'histoire du sujet lui-même, toujours aux prises avec l'instabilité de ses jugements qui peut le conduire jusqu'à la folie, et irrémédiablement soumis au rythme capricieux des mutations de son écriture. De qui s'agit-il au travers de l'"amoureux"? Si toute "figure" de son discours est précédée d'une solide affirmation, d'un "argument" qui est instrument de distanciation - manière astucieuse de rappeler que le "je" qui écrit se tient toujours à distance respectueuse du "je" amoureux -, un savant brouillage chronologique et biographique décrit sa situation d'écriture comme celle d'un romancier. Cette ruse d'énonciation permet à l'auteur de ne jamais divulguer l'identité de cette énigmatique première personne du singulier. Ce livre du "moi" apparaît dès lors comme un espace de simulation. Le "je" n'est-il pas, comme le confie l'auteur, "l'organe suprême de la méconnaissance"? Car il s'agit avant tout, pour cet amoureux qui s'avance masqué, de déjouer tous les pièges de l'interprétation: "Je ne croirai plus à l'interprétation" devient son credo. L'amoureux n'est plus qu'un "empire de signes" ("Rien que des signes, une activité éperdue de paroles"), mais l'"objet d'amour" sort libéré de cette emprise du sens. Car c'est aux inflexions de la voix que l'amoureux s'intéresse désormais, marquant ainsi la nature proprement musicale et théâtrale de ce que Barthes nomme la "scène amoureuse".
Ces fragments lyriques d'inspiration plus grave (à la manière des stances du XVIe siècle) apparentent en effet le drame intime à un spectacle, la pratique intellectuelle n'en sera que mieux assimilée à une pratique érotique: "C'est comme si j'avais des mots en guise de doigts." L'écriture, dans cette perspective ludique, est célébrée comme une activité gratuite, dans la tradition de Gide ou de Montaigne. Ce refus du tragique entraîne le lecteur sur le terrain de la complicité: l'Adresse au lecteur autorise à considérer ces Fragments comme une structure d'accueil où chacun peut aller et venir, dont chacun peut disposer à son gré, selon le mode de lecture qui lui convient (attitude qui correspond très exactement à la définition que Barthes donne du "discours" ou discursus: "action de courir çà et là, allées et venues, démarches, intrigues"). Comme dans les dialogues de Platon, le penseur, l'écrivain, le lecteur, le professeur et l'amant se rejoignent ici en une sorte de livre idéal.
Les femmes qui aiment sont dangereuses
Aux Editions Flammarion
Par Laure Adler, Elisa Lecosse
De la Vénus de Willendorf, image d'un idéal féminin tout-puissant, à la Mariée de Niki de Saint-Phalle, offrant le regard de la femme artiste sur sa propre destinée, la quête de l'éternel féminin jalonne l'histoire de l'art depuis les temps les plus anciens.
Cet ouvrage consacré au thème de l'amante fatale propose un choix de peintures, dessins et photographies du Moyen Age à l'époque contemporaine.
Figures mythiques et tutélaires, les héroïnes amoureuses, d'Eve à Rita Hayworth et de Bethsabée à Camille Claudel, se révèlent brutales ou tendres, ambitieuses parfois, mais toujours ensorceleuses : dangereuses pour les autres et pour elles-mêmes.
Parcourant cette galerie des amantes fatales, Laure Adler et Elisa Lécosse proposent un décryptage passionnant d'une histoire trop longtemps laissée aux seuls mains et regards des hommes. Explorant les archétypes, les codes de l'histoire de l'art et leur détournement au fil des époques, elles analysent le lent basculement des femmes vers l'autonomie amoureuse et la reconnaissance du corps et du désir.
Seul,
le cœur dans les bras
Sur une terre faite
de grands désirs
Alors qu’un mince rêve
délire encore
car l’affection est pleine
de brûlures
Que peut faire vraiment
un simple navire
dans une soif
pleine de sables
dans une infatigable
tragédie
celle qui balance encore
et dans son lointain détour
tous les sens…
Et tout l’amour..?!
Comment nourrir alors
tous les espoirs..?!
Comment rendre l’horizon
à sa vraie terre..?!
Pour qu’un jour
l’arc-en-ciel puisse remonter
son magique reflet
Et pour que les saisons
libèrent enfin…
le printemps..!
Et quand l’aube frôlera-t-elle vraiment
toute la nuit ?!
Et quand l’imagination prendra-t-elle
son envol ?!
Et quand les pas raconteront-ils
toute l’histoire ?!
Celle des femmes…
Et celle des hommes…
Et quand naîtra-t-il vraiment
le vrai jour ?!
Telle une joie
pleine d’appétences..!
Tel un éveil
plein de sourires..!
Abdeslem Sbibi
le 22-12-2010