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opéra (91)

administrateur théâtres

Aida - Verdi à la Monnaie

L’image contient peut-être : 1 personne, nuit et plein airDirection musicale : Alain Altinoglu / Samuel Jean (les 30, 31 mai et 2 juin)

Mise en scène : Stathis Livathinos

Aida ou le rêve d’un ailleurs, Radamès ou le rêve du devoir et de l’amour réunis, Ramfis, ou le rêve de  la justice divine, Amnéris ou le rêve de la jalousie surmontée, Amonastro ou le rêve du royaume retrouvé, Verdi ou le rêve de l’amour transcendé… Une île au large du désespoir!

Faisant fi de l’esthétique monumentale – disparus : éléphants,  pyramides, toute l’Egyptomanie ruisselante de fastes pharaoniques –  nous voici sur un vulgaire caillou, récif hostile et déserté par la vie, quelque part en Méditerranée.  Un « Paradise lost » pour Aida, la belle esclave éthiopienne au service de la fille du pharaon, Amnéris, par malheur  également amoureuse de Radamès le vaillant héros. Aida, partagée entre l’amour et les devoirs qu’elle doit à son père, ennemi du pharaon et son amour pour le vaillant  Radamès.  Radamès, partagé entre son amour inaltérable pour Aida et son amour et devoirs pour la patrie.  

Mais il ne s’agit pas de simples rivalités amoureuses ou de fresque pseudo-historique, la  mise en scène de  Stathis Livathinos  (dont c’est la première mise en scène d’opéra), est digne d’une tragédie grecque. Importent au premier chef, l’intemporalité et la lutte existentielle  perdue d’avance entre les trois tenants du triangle amoureux  que le Destin se charge d'écraser. La souffrance humaine est au centre, le couple est maudit. Radamès emmuré dans la tombe, n’est-il pas l’incarnation masculine d’une Antigone injustement  privée de  cette lumière qu’elle adorait plus que tout?  « La pierre fatale s’est refermée sur moi, Voici ma tombe, je ne reverrai plus la lumière du jour… »

Nous sommes déjà  dès le début avec un pied dans  la tombe, la machine infernale, telle le pendulum d’Edgar Poe est prête à faire son œuvre. Vents, rafales, nuées hostiles  étranglent le décor dès l’ouverture du rideau. Le ciel est comme un couvercle… mais l’imaginaire a gagné ! L’œuvre se recentre sur la musique, et quelle musique!  Un concert de sentiments à vif et d’introspection, d’atmosphères orientales et de désirs intenses dirigé tout en finesse par Alain Altinoglu. Le lyrisme orchestral est omniprésent. Le rêve de gloire de Radamès exulte dans la richesse des sonorités  des cuivres et trompettes. La harpe et la douceur irisée des bois et des cordes souligne les moments de tendresse, lorsque par exemple  Aida endormie dans le rocher fait une apparition divine, « Céleste Aida ».   L’impitoyable duo d’Aida et d’Amnéris  à qui elle a involontairement avoué son amour pour Radamès, est trempé de larmes musicales. Le trio « Mes larmes sont celles d’un amour impossible » chanté par les trois infortunés  se termine par des accords déchirants.  Les évocations de drame intime diffusent des vibrations profondes et sincères  au sein d’une très grande variété d’expressions.   A chaque étape, un silence lourd comme un tomber de rideau étreint l’assistance totalement prise par l’émotion,  avant que la tragédie ne poursuive son  cours inexorable. Dans cette chanson de geste tragique, chaque nouveau rebondissement ajoute une recrudescence de désolation répercutée par l'orchestre.  Alain Altinoglu relance inlassablement l’intérêt et joue à merveille tous les registres, de l’intime au spectaculaire:  les cris de vengeance et de puissance, les fanfares guerrières, les  terribles déclarations de guerre,  les  implorations  sacrées des prêtresses, les  jugements iniques des  grands prêtres,  les  foules aveugles en liesse, les plaintes des esclaves et des prisonniers,  les  éléments en furie et le silence du ciel!  Sa musique est enveloppante comme le chœur  d'une tragédie grecque! 

 

On ne pouvait pas élire meilleure interprète du rôle d’Aida que la sublime Adina Aaron, jeune  soprano lyrique  américaine,  bien connue dans le rôle d’Aïda depuis sa prestation à Busseto (Italie)  pour la commémoration du  centenaire de la mort de Verdi en 2001, dans la mise en scène de Franco Zeffirelli. Une voix extraordinaire qui dispose d'une maîtrise technique parfaite. Les affres éprouvées dans son rôle d’esclave alors qu’elle est fille de roi, sont pleinement convaincantes. Elle joue sans fards, avec une émotion, une  intelligence et une sincérité remarquables.  « Dois-je oublier l’amour qui a illuminé mon esclavage? Puis-je souhaiter la mort de Radamès, moi qui l’aime plus que tout ? »  Est-ce son espoir éperdu de fuite avec Radamès  évoquant  le sort des milliers de réfugiés qui parcourent la Méditerranée aujourd’hui, qui nous émeut jusqu’aux larmes? Dans l’« air du Nil », la jeune esclave exprime toute la nostalgie et son attachement au pays natal. Comment ne pas voir à travers cette prestation  que l’espoir intime des milliers de réfugiés est justement d’oublier les persécutions, la guerre. « Fuyons les chaleurs inhospitalières de ces terres nues, une nouvelle patrie s’ouvre à notre amour ! Là nous oublierons le monde dans un bonheur divin… »   Sa prestation vocale charnelle et généreuse rejoint la plainte d’une Antigone, victime expiatoire de la superbe et de l’intransigeance des puissants. Le duo final du couple dans la tombe  les mène d’ailleurs au bonheur divin : « Déjà je vois le ciel s’ouvrir - et il s’ouvre vraiment scéniquement - là cessent tous les tourments, là commence l’extase d’un amour immortel! »  Ce duo  rappelle les premières notes impalpables du prélude de l’œuvre. De crépusculaire,  celui-ci devient lumineux.

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Enrico Iori (Il Re) ; Mika Kares (Ramfis) © Forster

Dans les rôles masculins il y a a le ténor, Andrea Carè, au début, héros assez conventionnel,  mais qui  se développe en un personnage de plus en plus  dramatique et convainquant. On retient cette image inoubliable où, laissés seuls à la fin de l'acte II,  il lâche  avec dégoût et de manière définitive  la main d’Amnéris. Le héros déshonoré aura trahi pour Aida et sa patrie et son honneur... Il se taira devant ses juges. Mais il  ne trahira pas  l’amour!  Quelle posture magnifique! La basse qui interprète le chef des prêtres (dans un magnifique costume) c'est un excellent Giacomo Prestia et le baryton Dimitris Tiliakos qui incarne le père d'Aida, est un Amonasro  d'une  ascendance tout à fait  impressionnante.   

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© Forster 

A l’opposé de tant de finesse et de nuances chez Aida, il y a évidemment la méchante, interprétée  le jour de la première par Nora Gubisch. La grotesque Amnéris  a transformé son amour inassouvi en colère abyssale. Elle est aveuglée par la colère – une grande faute de goût chez les Grecs. Elle ne se rend compte qu’à la fin, que c’est sa jalousie pure  qui a causé la perte de tout le monde et que la clémence aurait été préférable. Contrairement à Aida, son jeu scénique n’est pas très développé, elle brutalise son esclave, s’arrache les cheveux et lacère se vêtements… On constate que  ses interventions collent au caractère glauque qu’elle incarne, et sa perruque, si perruque il y a,  parodie la coiffure de la très puissante Reine Elisabeth I,  aux pieds de laquelle se prosternaient des dizaines d’amants éconduits… Mais Verdi lui accorde une rédemption puisque Amnéris, la voix étouffé par les pleurs et se prosternant sur la dalle de la tombe implore enfin la paix au tout-Puissant Ptah!   

 

Et qu’est-ce que les mouvements de masse nous donnent-ils à voir ?   Encore le désespoir des déplacés et le cri de l’injustice. Les hommes transformés en chiens et en faucons. Une outrecuidante soldatesque qui appelle à la guerre  et des éclopés de  guerre agités de mouvements frénétiques.  Le mystère d’Isis dissimulé derrière le voile brodé du temple qui cache le saint des saints. La superbe des nantis qui exploitent la valetaille. La foule couleur sable, qui s’enivre de plaisirs ou de mortelles sentences. Cheveux cachés ou poudrés,  leur cœur bat au bruit des drapeaux qui claquent  tels des  nuées d’oiseaux d’Hitchcok, ils symbolisent un peuple muselé, ignare sans doute, manipulé et sans voix… Une sacrée performance pour  un  chœur! Il est  parfois proche, parfois lointain, comme dans le magnifique hymne à Ptah, où leurs harmonies et leur dialogue avec l'orchestre  sont  sublimes! Que de tableaux de  vaine poussière, face à l’héroïsme vivant du couple que l’amour rend éternel!


Distribution : 

Aida ADINA AARON
MONICA ZANETTIN (17, 20, 26, 31/5 & 4/6)
Radamès ANDREA CARÈ
GASTON RIVERO* (17, 20, 26, 31/5 & 4/6)
Amneris NORA GUBISCH
KSENIA DUDNIKOVA (17, 20, 26, 31/5 & 4/6)
Amonasro DIMITRIS TILIAKOS
GIOVANNI MEONI (17, 20, 26, 31/5 & 4/6)
Ramfis GIACOMO PRESTIA
MIKA KARES (17, 20, 23, 26, 31/5 & 4/6)
Il Re ENRICO IORI
Una sacerdotessa TAMARA BANJESEVIC
Un messaggero JULIAN HUBBARD

 

https://www.lamonnaie.be/fr/program/219-aida

http://concert.arte.tv/fr/aida-de-verdi-au-theatre-de-la-monnaie

http://opera.stanford.edu/Verdi/Aida/libretto_f.html

interviews/ extraits:   

http://www.bruzz.be/nl/video/de-munt-speelt-aida-voor-het-laatst-op-thurn-taxis

L’image contient peut-être : une personne ou plus, nuage, ciel, plein air et natureMonica Zanettin (Aida) © Forster

Monica Zanettin (Aida) ; Ksenia Dudnikova (Amneris) © ForsterL’image contient peut-être : 1 personne, nuit

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administrateur théâtres

Didon et Enée, une production poétique, stupéfiante de grâce et de beauté dont on ressort émerveillés, et si reconnaissants…

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Avant le début de la représentation de Didon et Enée, on écoutera à rideau fermé, la Suite d’Abdelazer or the Moor’s revenge d’Henry Purcell (1695), pièce orchestrale en 9 mouvements, question de se familiariser l'oreille aux instruments anciens et à une musique baroque rarement jouée dans ce temple de l'opéra italien... 

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Didon et Enée

C’est une romance apocalyptique, mais quelle savoureuse féerie baroque! Voici la Méditerranée, la grande bleue de notre tendre enfance, pavée d’enfer et lieu absolu du chaos des destinée! Imaginaire anglais :  les flots  d’azur renferment d’affreuses sorcières ricanantes et des  esprits maléfiques dont le but unique est de répandre le mal.

 Image clé de cette nouvelle production de l’Opéra de Liège, il faut pour le lecteur, se situer face à un rivage désert de mer du sud au crépuscule,  devant des vagues qui déferlent voluptueusement  au balancement  de la musique. Mais en même temps, on se croit plus au nord,  côté Manche,  avec les noirs  Idle Rocks des Cornouailles qui évoquent  la ville de Carthage, ville nouvellement  créée par des réfugiés de Tyr. Comme dans les féeries de Shakespeare, voici un libre cocktail élisabéthain d’époques et de lieux,  fait pour  enchanter l’imaginaire. Le public sera pris d’un bout à l’autre du récit par la virtuosité exceptionnelle de la mise en scène et des chorégraphies qui évoquent le monde sous-marin et ses monstres, les  métaphores du Mal. Les douces ondulations des flots bleus peuvent se transformer en terribles tempêtes, bruitage Purcellien à l’appui ! Cet unique opéra d'Henry Purcell, dont aucune partition originale n’a été conservée, a été composé pour les jeunes filles d’un pensionnat aristocratique,  sur un livret de Nahum Tate, d'après le livre IV de l'Énéide. Il  est fait d’un prologue et de trois actes.

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   D'après l'Enéide de Virgile, la vaillante veuve Elissa originaire de Tyr, qui porte le nom latin de Didon, reine de Carthage,  accueillit Enée  et en tomba amoureuse. Au cours d'une partie de chasse alors qu'un violent orage les a réunis dans une grotte, ils deviennent amants. Mais Virgile veut donner des origines mythiques à Rome et faire du héros troyen et de son fils Ascagne, les fondateurs de  la ville. Virgile  se sert des dieux  pour empêcher l’union  de Didon et Enée. Poussé par ceux-ci, Enée  décide de répondre à son destin et reprendre la mer pour fonder la nouvelle Troie. La magicienne et ses sorcières se réjouissent de la détresse de la reine car pour elles,  seul importe que Didon soit privée de gloire, d’amour et de paix.  Didon ordonne de construire un bûcher afin qu’Enée voie de son navire  qu’elle s’est suicidée.  Elle se poignarde de dépit,  ayant  renvoyé Enée (le bariton Benoit Arnould) alors  que celui-ci était finalement prêt à braver les dieux et à leur désobéir pour elle.   

Recitatif
Thy hand, Belinda, darkness shades me,
On thy bosom let me rest,
More I would, but Death invades me;
Death is now a welcome guest.

Aria
When I am laid, am laid in earth, May my wrongs create
No trouble, no trouble in thy breast ;
Remember me, remember me, but ah! Forget my fate.
Remember me, but ah! Forget my fate.

Roberta Invernizzi joue ici une Didon parfaitement tragique et émouvante. Son lamento final quelle adresse à sa sœur Belinda (Katherine Crompton) est inoubliable pour les yeux, comme pour les oreilles et a contraint le public à un silence absolu tant la conjonction de l’orchestre et des chœurs  semblant rendre les derniers soupirs,  la chorégraphie de  son ensevelissement maritime et le chant de la soliste qui n’en finit pas de mourir d’amour, avaient atteint des sommets de  beauté.

 Dido and Aeneas op het netvlies gebrand en in het oor geknoopt

Ne jouant pas vraiment de rôle actif dans l’histoire mais plutôt un rôle de commentateur comme dans la tragédie grecque, Le Choeur de Chambre de Namur est debout dans la fosse avec l’ensemble orchestral Les Agrémens. Musiciens et choristes sont tous debout pendant la prestation, pour mieux projeter l’énergie musicale de chaque artiste, nous confie, Guy Van Waas le chef d’orchestre, qui de son côté, accomplira un vivant travail de joaillerie dans l’interprétation de ce chef d’œuvre de musique baroque, balançant adroitement entre humour et larmes, et serrant au plus près l’esprit de la musique baroque, y compris dans les postures. Le fait que toute la production de l’Opéra de Liège est en ce moment à Oman avec « Les Pêcheurs de perles », laissait en effet le champ libre pour accueillir pour une fois  un spectacle de musique baroque. Quelle magnifique occasion de pouvoir écouter Guy Van Waas et Les Agrémens jouant sur instruments d’époque : violons I et violons II, altos, violoncelle, viole de gambe et un théorbe. Guy Van Waas, lui-même au clavecin, dirige chœurs et orchestre! On ne peut que saluer leur travail musical exemplaire avec les chœurs de Namur, qui, pendant un long moment semblent s’être carrément dédoublés en deux chœurs distincts, l’un proche et l’autre distant et pourtant les mêmes!

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Très parlante et mystérieuse surtout, cette mise en scène inventive sur fond de Bleu Chagall de Cécile Roussat et Julien Lubek. Elle est à la fois aquatique et aérienne, utilisant des costumes symboliques féeriques comme pour les deux sorcières-ondines Jenny Daviet et Caroline Meng, des antres et des rochers qui rappellent la  caverne de Polyphème, des acrobates musicaux qui flottent en rythme dans les airs, un coquillage alla Botticelli où naît l’amour, des marins qui se transforment en monstres et cette ahurissante sorcière-poulpe (Carlo Allemano), mi-homme mi-femme qu’Homère aurait bien ajoutée dans son Odyssée…!

De peur de casser la bulle réunissant tant d’imaginaires, il y eut, au tomber du rideau, un grand silence avant le tonnerre d’applaudissements et les salves de bravi!

Du mardi, 09/05/2017 au dimanche, 14/05/2017

http://www.operaliege.be/fr/activites/dido-and-aeneas

 crédit photos: © Lorraine Wauters – Opéra Royal de Wallonie

 

 

 

 

 

 

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Jérusalem, fresque épique qui retrace les chemins de l’amour sur fond de première croisade, est une refonte en français  par Verdi en 1847 d'I Lombardi alla prima crocciata, pour l’Opéra Français : musique de circonstance,  grandes scènes dramatiques, incontournable ballet réclamés par le genre, et de nombreux airs à cabalette… Durée 3heures 30! Mais pas une seconde d’ennui dans la  rare et magistrale exécution entendue à l'Opéra Royal de Wallonie.

 

 La mise en scène de Stefano Mazzonis Di Pralafera, les décors à la fois sobres et  captivants de Jean-Guy Lecat, les costumes tantôt rutilants, tantôt manteaux de déserts de Fernand Ruiz et les  éclairages recherchés de Franco Marri auront tout  fait  pour séduire l’imaginaire dans cette fresque guerrière qui sert de toile de fond à l’amour face au destin, à la  vengeance des clans, à la guerre des religions, à la justice et à la réconciliation. C’est grandiose et dépouillé à la fois. Pour exemple: cette réponse  muette du ciel à la prière de l’héroïne, magnifique morceau d’interprétation orchestrale sous la baguette de la fougueuse Speranza Scappucci, semble parvenir d’une immense flaque  de ciel bleu au centre des palais lombards vide de toute âme… Le contraste entre les foules et la solitude des personnages est admirablement rendu, que l’on soit en Lombardie, dans le désert ou dans la ville sainte où Godefroid de Bouillon reconquiert le Saint-Sepulcre.  La direction musicale de Speranza Scappucci  serre la partition au plus près  et conduit l'orchestre dans des accents prémonitoires, des envolées tragiques, des sonorités raffinées et de puissants effets symboliques aux larges phrasés, très inspirés. Les  nombreuses interventions des choeurs dirigés par Pierre Iodice ne sont pas sans rappeler les choeurs de Nabucco et la scansion du texte français particulièrement harmonieux est  chaque fois un  réel plaisir  pour l’oreille. Ajoutons à cela des solistes de tout premier rang : Eliane Alvarez,  Natacha Kowalski, Isaure,  la gracieuse confidente d'Hélène,  Marc Laho, Roberto Scandiuzzi et Ivan Thirion flanqué de son fidèle écuyer (le charmant ténor Pietro Picone) qui font de cette œuvre une complète réussite !

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Solaire dans les aigus acrobatiques, la prononciation  de la diva dans le rôle d’Hélène est parfois déconcertante. La puissance d’Eliane Alvarez, donne parfois l’impression d’une certaine lourdeur, surtout dans ses chagrins, où elle fait un usage intensif de sombres vibratos particulièrement dans les solos. En revanche,  les mouvements d’ensemble où elle règne en maître  sont absolument majestueux et on finit  même par aimer Roger (Roberto SCANDIUZZI ), cet oncle maléfique et incestueux, tant sa voix est belle, sculptée, épanouie et profonde. Marc LAHO, très lyrique  dans le rôle de  Gaston, Vicomte de Béarn, séduit par la largeur de sa voix,  sa noblesse, la hauteur de ses sentiments, aussi bien dans l’amour qu’il éprouve pour Hélène que  dans sa ferme volonté de réconciliation des deux familles ennemies et sa soif désespérée de justice. Il est un vibrant appel à la compassion car il est le jouet de l’injustice, accusé à tort de meurtre parricide. Il est victime de cet oncle  coupable, qui s’est lui-même exilé vers la ville sainte, dans l’espoir de faire pénitence et  d’obtenir sa rédemption pour un crime fratricide qu’il pense avoir commis.

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Le comte de Toulouse, le père d’Hélène, qui n’est -contre toute attente- finalement pas mort, est  interprété par  le vibrant baryton Ivan THIRION.  Sa  très belle stature de  redoutable pater omnipotens est fort intéressante, partagé entre l’amour pour sa fille et  l’idée qu’il  se fait  de la justice : celle de venger par le sang la tentative de meurtre.   La scène de la désacralisation des armes du chevalier et de sa terrible dégradation lors le jugement inique, est, pour le noble chevalier Gaston, pire supplice que l’imminence de sa mise à mort physique. « Barons et chevaliers, je proteste… » ll y a aussi cette  poignante marche funèbre…  Patrick DELCOUR interprète le  légat du pape Urbain VII, Adhémar de Monteil. Il est brillant  et net comme un joyau, mélange de rubis  dans un ciboire précieux. On frissonne avec le souvenir des larmes du Christ dans le jardin des oliviers chanté par les chœurs. L'émir de Ramla (Alexei GORBATCHEV) est captivant par  son étrange sagesse, sa grandeur et sa sérénité. C’est lui qui fait appel à l’ermite pour absoudre le « coupable »… « Pour te bénir, je suis hélas trop coupable ! »  se lamente Roger devant l’ironie du destin! Personne que lui, ne sait mieux l’innocence du valeureux Gaston!   

Une belle surprise attend le spectateur à la fin de l’opéra, où l’œuvre de rédemption et de pardon prend toutes sa signification grâce à un  subtil et fabuleux  jeu d’écharpes, tandis que s’élève le chant des pèlerins à la gloire de Dieu…

Et on ne se lasse pas des  innombrables retours sur scène de cette très glorieuse distribution qui irradie la joie et la victoire. On ne se lasse pas d’apprécier en pleine lumière les somptueux costumes de la foule de figurants et des solistes.

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Gaston: Marc LAHO
Hélène: Elaine ALVAREZ
Roger: Roberto SCANDIUZZI *
Comte de Toulouse: Ivan THIRION
Raymond, l’écuyer de Gaston: Pietro PICONE
Isaure: Natacha KOWALSKI
Adémar de Montheil, légat papal: Patrick DELCOUR
Un Soldat: Victor COUSU
Un Héraut: Benoît DELVAUX
Émir de Ramla: Alexei GORBATCHEV
Un officier: Xavier PETITHAN

Nouvelle coproduction : Opéra Royal de Wallonie / Fondazione Teatro Regio de Turin
Avec la collaboration de l’Institut Supérieur de Musique et de Pédagogie de Namur (IMEP)

Dates: 

Du vendredi, 17/03/2017 au samedi, 25/03/2017

http://www.operaliege.be/fr/activites/jerusalem

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administrateur théâtres

C’est une légende dramatique en quatre tableaux à propos d’un personnage qui a réellement existé. Mais nul ne peut dire avec certitude ce que son âme est devenue! Encore moins si Berlioz, le compositeur torturé par les échecs de la vie, le poète maudit, l’artiste romantique a souffert des mêmes affres que le célèbre médecin astrologue du XVe siècle. Nul ne peut dire si,  malgré l’aspect positif de l’appétit de Faust insatiable de connaissances et de jouissance, Berlioz ne le condamne pas au feu éternel, par pur dépit.

Premier tableau. Le ténor Paul Groves embrasse avec ardeur et immense talent le rôle de Faust dans une superbe diction. L’hiver a fait place au printemps…Faust est perdu dans la contemplation d’un paysage de campagne, jouissant pleinement de sa solitude, il assiste au lever du soleil sur les champs. Il se laisse envahir par les chants d’oiseaux que prolongent des chansons joyeuses de paysans. « De leurs plaisirs, ma misère et jalouse ! »  Une armée passe, au son d’une marche hongroise devenue très célèbre  grâce à  l’art cinématographique français. Se déploie une fresque d’images du feu et des atrocités de  la guerre. « Son cœur reste froid, insensible à la gloire ! »   

Deuxième tableau « Sans regrets, j’ai quitté les riantes campagnes où m’a suivi l’ennui ! »  Faust est  seul dans son cabinet de travail et donne  libre cours à sa souffrance  profonde. « La nuit sans étoiles ajoute encore à ses sombres douleurs. » Dans sa sensibilité exacerbée, il est envahi de désirs inassouvis et sombres et le  spleen du poète maudit l’incite à vouloir boire une coupe de poison. Il perçoit, venant d’une église voisine, un  chant de Pâques entonné par le chœur des fidèles. Il se sent touché par une foi ancienne. C’est le moment que choisit Méphisto, « l’esprit qui console »,  pour l’inviter à le suivre vers d’autres plaisirs. Le baryton-basse italien Ildebrabdo D’arcangelo  incarnera tous ses maléfices. Première station dans un cabaret de Leipzig où un groupe de buveurs entonne l’éloge du vin. L’un d’entre eux, Brander, complètement bituré, raconte l’histoire  délirante d’un rat brûlé par l’amour. C’est notre délicieux Laurent Kubla.

Requiescat in pace, Méphisto raille l’Amen parodique chanté par les buveurs et se pique d’une histoire de puce. Faust est peu enthousiaste devant les scènes de beuverie et se retrouve emmené sur les rives de l’Elbe et ses flots d’argent. Il sombre dans un sommeil envahi par les gnomes et les sylphes. Ceux-ci lui font apparaître en songe Marguerite, image parfaite de l’amour. A son réveil, Faust n’a plus qu’une pensée : la retrouver. Il entre dans la ville en même temps que des étudiants et une bruyante soldatesque. Il est au pied d’une demeure entourée d’hortensias.

Troisième tableau. « Merci, doux crépuscule, c’est l’amour que j’espère ! » Faust, seul, découvre la chambre de Marguerite et  sent naître son bonheur. « Seigneur, après ce long martyre, que de bonheur ! » Méphisto le poste en observation,  derrière un rideau. Amoureuse de l’amour, Marguerite est songeuse et envahie par les images d’un rêve où  lui apparaît son futur amant. Pendant qu’elle tresse ses cheveux, elle chante, mélancolique, une chanson gothique, celle  d’un roi, Theulé, qui,  sentant sa mort prochaine,  distribua toutes ses richesses,  sauf une coupe lui rappelant sa défunte femme. Cette coupe se brise. C’est la voix magnifique  de la divine soprano géorgienne Nino Surguladze qui symbolise toutes les langueurs, les attentes et les élans de l’amour.

« Mes follets et moi allons lui chanter un bel épithalame ! »  Méphisto va  souffler son plan d’action à l’oreille de la belle alanguie. Pour mieux l’étourdir, la sérénade ensorcelante est accompagnée du chœur et des danses des follets. Mais voilà que Marguerite aperçoit Faust, l’amant de son rêve. Faust lui avoue sa passion, les deux amants s’étreignent sur l’amoncellement de coussins apportés par les follets et le regard voyeur du maître du jeu. Soudain, Méphisto interrompt leurs ébats et ébruite que les voisins sont en train de prévenir la mère de Marguerite qu’un homme est chez  sa fille. Les deux amants se séparent, espérant se retrouver le lendemain. Méphisto tient maintenant en son pouvoir l’âme de sa victime.

Quatrième  tableau. Marguerite se lamente, possédée par l’amour de celui qui n’est jamais revenu. Elle entend des bribes de  chants de soldats et d’étudiants qui lui rappellent cette première nuit si courte et si fragile. Seul aussi, face à une nature avec laquelle il souhaiterait  se fondre, Faust ne pense plus qu’à Marguerite. Il erre, prisonnier de sa tour d’enfer. Méphisto surgit et  lui apprend que Marguerite est condamnée à mort pour  matricide, car chaque nuit où elle attendait son amant, elle l’endormait avec un  poison qui a finalement eu raison  de sa santé. Ainsi l’heure fatidique du pacte est arrivée : Méphisto est prêt à sauver Marguerite si Faust s’engage à le servir « à l’avenir ». Le parchemin est signé par-dessus le vide. Sancta Maria ora pro nobis ! Sancta Marguerita… Sur deux chevaux noirs, Faust et Méphisto s’engagent dans une cavalcade infernale vers ce  que Faust  croit être la  maison de Marguerite. Rythmée par le chœur des paysans et les angoisses de Faust, la course à l’abîme, s’achève en enfer. Le Prince des ténèbres se vante de sa victoire. Faust, sans jamais perdre sa prestance,  est  enfin précipité dans les flammes sous  les hurlements infernaux du chœur des damné(e)s, des démons et des macabres squelettes. Puis, le calme revenu sur terre, c’est une véritable apothéose: le chœur des esprits célestes appelle la vertueuse Marguerite - sauvée par l’amour inconditionnel de son amant - à monter au ciel.

Quel écho peut donc avoir une telle œuvre  avec notre perception moderne?  L’histoire nous touche-t-elle vraiment? Sombrera-t-on avec ce Faust désespéré  dans l’inanité de l’existence de l’esprit positif ? Ou simplement, nous laisserons nous emporter par le vertige de la découverte de l’œuvre de Berlioz ?  Allons-nous nous laisser devenir  captifs de l’esprit insatiable qu’il symbolise ?  Serons-nous séduits par le génie d’un compositeur qui osa faire tabula rasa  de toutes les tendances de son époque et des précédentes? Certes, la magie musicale opère grâce à la qualité et la perfection d’interprétation musicale du chef d’orchestre,  Patrick Davin. Véritable maître du jeu, il s’emploie avec passion à  ressusciter une œuvre totalement innovante. Il déclenche notre admiration pour une partition  constituée d’immenses pages orchestrales d’une richesse inouïe,   dont on se demande parfois si on ne préférerait pas les écouter les yeux fermés pour en retirer toute  leur saveur. On sait  que dans sa nouvelle création, en 1846, Berlioz ne prend  même pas la peine de composer une ouverture, qu’il juge inutile, car il démontre que la musique peut tout exprimer et sait jouer le parfait mimétisme, fond/ forme! Ainsi, à quoi d’ailleurs pourraient bien servir des décors? Même les plus précieux, comme ceux élaborés par Eugène Frey (1860-1930), ces fameux tableaux transparents avec rétroprojection dont s’est inspiré le metteur en scène de cette production,  Ruggero Raimondi. Derrière les voiles reproduisant les tableaux successifs, a-t-il conçu  la carcasse  de fer comme une  sorte de tour de Babel  qui rappellerait celle de Breughel ? Ou pensait-il à la tour d’ivoire du poète? Une vision de  gazomètre en déshérence ?  Cette structure évoque une prison de fer et d’enfer pour la condition humaine dont l’homme ne peut s’échapper que par le ciel ou la géhenne.

L’enfermement est donc omniprésent : même lorsque les voiles sont supposés cacher cette tour,  ou du moins en partie, elle reste perceptible à tout moment. Le regard, lui-même est prisonnier. Au travers de lumières soit  trop tamisées soit trop distrayantes,  on perce  parfois difficilement les visages. La texture et les formes des costumes du peuple  infernal sont  très originales pourtant, et les évolutions ou les chants des nombreux figurants gagneraient à être mieux mis en lumière. L’enfermement circulaire, fait d’échafaudages est certainement très pratique pour une mise en scène verticale des protagonistes, mais tout le monde ne sera pas sensible à cette vision esthétique plutôt accablante pour ceux qui ne rêvent que de liberté !

Du mercredi, 25/01/2017 au dimanche, 05/02/2017

DIRECTION MUSICALE : Patrick Davin MISE EN SCÈNE : Ruggero Raimondi CHEF DES CHŒURS : Pierre Iodice ARTISTES : Paul GrovesNino SurguladzeIldebrando D’ArcangeloLaurent Kubla 

https://www.operaliege.be/en/shows/season/2016-2017/

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administrateur théâtres

Tragédie du choc des cultures Est-Ouest. Le choc de l’amour vrai et de l’éphémère, de l’orgueil et de l’humilité. Le choc du rêve et de la réalité. Et une sérieuse critique de la façon outrecuidante dont l’Occident traite l’Orient.

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Une toiture de pagode est posée sur le vide.  A Nagasaki, au Japon, Benjamin Franklin Pinkerton (Leonardo Caimi), jeune lieutenant de la marine  américain a recours à l’entremetteur Goro (Riccardo Botta) pour se procurer les services d’une jeune geisha de 15 ans Cio-Cio-San, alias Butterfly en anglais. Il a acheté une maison locale sur une colline. « Ce petit papillon voltige et se pose avec une telle grâce silencieuse, qu'une fureur de le poursuivre m'assaille, dussé-je lui briser les ailes ».  Son ami, le consul américain Sharpless (Aris Argiris)  l'avertit que le mariage sera pris au  très sérieux par la  jeune-fille et déplore  sa désinvoture. « Ce serait grand péché que de lui arracher les ailes et de désespérer peut-être, son cœur confiant ».   Mais l’insouciant et arrogant  Pinkerton porte déjà un toast à son vrai mariage, quand il épousera une  américaine. Les lois japonaises l'autorisent à signer un acte de mariage pour 999 ans mais  il peut le rompre chaque mois, s'il le souhaite. Dès le début, on sait que l’histoire tournera au drame.

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Arrive la jeune Cio-Cio-San,  annoncée par un chœur de joyeux gazouillis de jeunes- filles. Elle est  heureuse et amoureuse de son fiancé, entourée de parents et d'amis, soulagée de pouvoir quitter son état de geisha. Impressionnée par l’étranger, elle charme  Pinketon, qui reste cependant  insensible devant le déballage de ses innocents trésors :   de menus objets féminins et les ottokés, des statuettes symbolisant l'âme de ses ancêtres  ainsi que  le précieux  poignard avec lequel son très honorable père s'est suicidé en se faisant hara-kiri. Soumise, elle  va jusqu’à promettre d’oublier les dieux de sa famille et d’aller prier le Jésus américain. Après un simulacre de cérémonie vite expédiée, la  fête de famille est interrompue par  le terrifiant oncle Bonze (Mikhail Kolelishvili)  que l’on n’a pas invité et qui la maudit  pour avoir renié la religion de ses ancêtres.

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Pinkerton  chasse les intrus avec hauteur et enfin seuls, les deux époux chantent leur l'amour mutuel. Sombre prémonition de Cio-Cio-San:  « On m'a dit qu'au-delà des mers, s'il tombe entre les mains de l'homme, le papillon sera percé d'une épingle et fixé sur une planche ! » Fin de l’acte I.

Trois ans plus tard, Madame Butterfly, reniée par sa famille  est seule et abandonnée. La  fidèle Suzuki (Qiu Lin Zhang) prie les dieux  pour sa maîtresse qui survit grâce à une illusion : « Ô Butterfly, petite épouse, je reviendrai avec les roses à la belle saison quand le rouge-gorge fait son nid. »  Suzuki  essaie de lui ouvrit les yeux mais  elle est  persuadée que Pinkerton reviendra comme il l'a promis « Un bel di vedremo ». L’entremetteur Goro se présente avec un  riche prétendant, le prince Yamadori, aux allures de magnifique paon blanc paradant sous les lumières, mais  elle  lui répond qu'elle est déjà mariée. Le consul Sharpless, dont le rôle développe de plus en plus d’humanité,  arrive pour tenter de  lui lire lettre de rupture de Pinkerton, à laquelle dans son aveuglement, elle  refuse catégoriquement de croire. La très belle voix de baryton riche et sonore se fait de plus en plus resplendissante. Elle  lui oppose qu'elle se tuera si son mari ne revient pas tout en dévoilant qu'un enfant est né de leur union. Un formidable  coup de canon annonce l'arrivée du navire de Pinkerton. Folle de joie elle décore la maison de fleurs et revêt son habit de noces pour l’accueillir.  Suzuki et l'enfant s'endorment avec le « Coro A Bocca Chiusa ».  Elle n’a pas  fermé l’œil. A l'aube,  Suzuki la convainc de prendre du repos. C'est alors que Kate, l'épouse américaine de Pinkerton apparaît et demande à Suzuki de convaincre  sa maîtresse de lui confier cet enfant dont ils ont appris l’existence et à qui ils assureront un avenir. Suzuki est  suffoquée. Sharpless rappelle à Pinkerton ses mises en garde, mais celui-ci, ne supporte pas d’être confronté, avoue sa lâcheté et s’enfuit.  Lorsque Cio-Cio-San comprend la vérité, elle accepte, par  ultime obéissance à son « mari », de confier son enfant au couple, à condition que Pinkerton vienne le chercher lui-même ! Mais une fois seule,  ayant éloigné l’enfant, elle  se donne la mort avec le  couteau de son père.

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Voilà une histoire qui ne manque pas de nous faire réfléchir sur les relations de pouvoir entre occupant et occupé, entre prédateur et victime, entre  âge mûr et jeunesse,   entre pauvres et riches, capables de tout se procurer, quels que soient les enjeux humains. Voilà une femme abandonnée qui n’a plus de subsistance.  Voilà une fille-mère aux abois qui, plutôt que voir son enfant la regretter ou la rechercher  un jour, préfère se donner la mort! C’est d’une violence glaçante. Une histoire écrite en 1898 par un anglais, John Luther Long.  Une histoire qui n’a, en outre, pas fini d’exister deux siècles plus tard, époque où nous sommes prêts à tout vendre et à brader.

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C’est néanmoins dans l’histoire du  théâtre japonais traditionnel et les rythmes de la cérémonie du thé que la metteuse en scène danoise Kirsten Dehlholm (Hotel Pro Forma)  a choisi de nous plonger. Elle veut gommer  par ses installations scéniques toute notion de réalisme ou d’anecdote. Elle choisit d’utiliser l’histoire au profit de l’innovation d’une forme  créative  de portée universelle.  Saisissant l’occasion  que les suicidés japonais continuent à hanter la terre sous forme de fantômes condamnés à raconter sans relâche leur histoire, elle poste donc en bord de scène  une Butterfly méconnaissable sous sa perruque grise – les fantômes vieillisent-ils donc ? – mais oh combien retentissantes d’émotions depuis la naissance de l’amour, à ses élans,  jusqu’à la douleur qui conduit à la mort. Le 3 février, c’était Amanda Echalaz qui assurait ce rôle d’une  rare exigence et d’une rare beauté.  En parallèle, Kirsten Dehlholm  fait jouer  sur scène une admirable poupée de porcelaine réalisée par des artistes japonais (Ulrike Quade Company) guidée par un trio de marionnettistes d’une souplesse fabuleuse. La ressemblance est telle avec ce que l’on imagine de la jeune geisha, qu’à plusieurs reprises on la voit vivante!  Cette technique ne peut que  renforcer bien sûr le propos de Pinkerton qui  considère la jeune épousée comme un pur jouet éphémère de ses désirs. Ainsi le double portait de Butterfly volette : prisonnier de son dédoublement, prisonnier de la tradition,  prisonnier de son destin fatal, prisonnier du silence de la poupée aux gestes  parlants, prisonnier d’une douleur  rendue muette par la mort. On pense à Liu de Turandot. Le public est contraint de mélanger sans cesse les deux propositions, visuelle et auditive,  dans un effort d’accommodation comme pour mieux souligner l’absurdité  de la douleur… sauf à se laisser entièrement emporter par  la qualité extraordinaire de l’orchestration sous la baguette de Roberto Rizzi-Brignou. Et c’est ce qui arrive.

 Par son  lyrisme,  ses nuances,  la musicalité de ses timbres,  le déferlement romantique, la dramaturgie musicale est  bouleversante.   On sent poindre les harmonies chatoyantes de Debussy, on sent virevolter le papillon et les humeurs changeantes, les espoirs et les inquiétudes.  Au sein du foisonnement de couleurs orchestrales, la tension dramatique s’amplifie  jusqu'au bout, jusqu’à atteindre le cœur de la douleur.  Au cours de l’ivresse  du voyage musical, on reconnait des thèmes populaires japonais  alternés avec le début de la mélodie de l’hymne américain, le Star Spangled Banner,  de quoi  soulager un peu  de la tension des sentiments exacerbés! 

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Mais ce sont surtout les tableaux de la nature des sentiments  qui sont saisissants de beauté ou … glaçants d’effroi comme les thèmes de la malédiction, du désespoir, de la mort et du suicide. Côté décor, s’embrasent de fabuleux jeux de lumières sur les créations en origami rendues vivantes. Jamais on n’oubliera les barreaux de dentelle de la cage qui se referme sur la jeune fille.  Les personnages déambulent à petits pas, tous les gestes se fondent dans la proposition  théâtrale délibérée de lenteur extrême orientale. L’air du cerisier est suivi d’un fabuleux cortège de  fleurs d’hibiscus multicolores et lumineuses, assoiffées d’amour, une  dernière parade amoureuse extraordinaire, hélas solitaire et inutile.

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Toutefois d’autres choix de la mise en scène sont beaucoup moins enchanteurs, à chaque fois que l’esprit parodique s’en mêle. Comme de remplacer la frégate guerrière par un  bâtiment de croisière  géant, à faire frémir tout Venise.  Comme cette nuée de rouges-gorges morts dans l’explosion des canons du navire de guerre qui marque la fin des illusions de Cio-Cio-San. Comme cet enfant-roi  hypertrophié en matière plastique gonflable qui surgit, comme une aberration dans le dernier tableau. Il semble alors que la mise-en scène ait pleinement réussi  son pari d’accentuer la  grossièreté  occidentale face à la beauté d’une héroïne victime de son innocence, de sa fragilité, de sa sensibilité et de ses traditions.

Agenda:  

http://www.lamonnaie.be/fr/program/17-madama-butterfly

Direction musicale : ROBERTO RIZZI BRIGNOLI
BASSEM AKIKI (10, 12 & 14/2)

Mise en scène : KIRSTEN DEHLHOLM (HOTEL PRO FORMA)
Co-mise en scène :  JON R. SKULBERG
Collaboratrice à la mise en scène :  MARIE LAMBERT
Décors :  MAJA ZISKA
Costumes :  HENRIK VIBSKOV
Éclairages JESPER KONGSHAUG
Dramaturgie :  KRYSTIAN LADA
Collaboration à la chorégraphieKENZO KUSUDA
Collaboration pour la marionnette : ULRIKE QUADE
Chef des chœurs : MARTINO FAGGIANI

Distribution

Cio-Cio-San : ALEXIA VOULGARIDOU
AMANDA ECHALAZ (1, 3, 7, 9, 12/2)
Suzuki : NING LIANG
QIULIN ZHANG (1, 3, 7, 9, 12/2)

Kate Pinkerton : MARTA BERETTA
F. B. Pinkerton : MARCELO PUENTE
LEONARDO CAIMI (1, 3, 7, 9, 12/2)
SharplessARIS ARGIRIS
Goro : RICCARDO BOTTA
Il Principe Yamadori : ALDO HEO
Lo zio Bonzo : MIKHAIL KOLELISHVILI
Il commisario / L’ufficiale : WIARD WITHOLT
Yakuside : RENÉ LARYEA
Madre di Cio-Cio-San : BIRGITTE BØNDING
Zia di Cio-Cio-San : ROSA BRANDAO
Cugina di Cio-Cio-San : ADRIENNE VISSER
Marionnettistes : TIM HAMMER, JORIS DE JONG, RUBEN MARDULIER, SUZE VAN MILTENBURG

Orchestre symphonique et chœurs de la Monnaie

PRODUCTION : La Monnaie / De Munt
COPRODUCTION : Ulrike Quade Company

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administrateur théâtres

Songe ou mensonge ? Complicité de deux géants russes…Pouchkine et Rimsky Korsakov.  Que nous réserve l’aube nouvelle ?

Quelque part dans un empire
Plus lointain qu'on ne peut dire,
Vivait le grand roi Dadon,
Qui dès l'enfance eut le don
D'infliger par son courage
À ses voisins force outrages.
Or ce roi, quand il vieillit,
Voulant loin des chamaillis
Connaître des jours paisibles,
A son tour devint la cible
De ses voisins qui dès lors

Lui causaient beaucoup de tort… 

Ainsi commence le conte russe écrit par Pouchkine (1799-1837) en 1834. Jugé irrévérencieux, par ses remarques caustiques sur le Tsar Nicolas I,  celui-ci fut déjà censuré.

 La satire  gagne encore en puissance avec le librettiste, Vladimir Belsky et la musique de  Rimsky Korsakov (1844-1908). Il fut à son l’époque plus difficile de  faire sautiller Le Coq d’or de sur la scène russe que de faire passer un chameau par le  trou d’une aiguille…raconte à l'époque, le critique musical, Joel Yuliy Engel (1868-1927).  Quoi de plus subversif d’ailleurs qu’un conte, pour critiquer  ce régime tsariste pourri  qui ne recule pas devant le crime et ne tient pas  ses promesses? En 1905, le compositeur   fut destitué, puis réintégré dans ses fonctions au Conservatoire pour avoir apporté son soutien public à des étudiants rebelles. La création du dernier opéra de Rimski-Korsakov eut finalement lieu le 24 octobre 1909 à Moscou dans un théâtre privé, après sa mort.

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  "Il a le rang et les vêtements du Tsar. Mais son corps et son âme sont ceux d'un esclave. À quoi ressemble-t-il? Les courbes impaires de son personnage rappellent celle d'un chameau, Et ses grimaces et caprices sont celles d'un singe ..." La musique transparente de cet opéra alerte et malicieux, composé près de  10 ans  avant la révolution de 1917, regorge d’allusions parodiques au pouvoir en place, critiquant ouvertement ce roi malhabile, son régime autoritaire et arbitraire et l’asservissement de son peuple, pourtant libéré officiellement du servage en 1861.

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Cet extraordinaire Coq d’or hélas rarement joué, est un  vrai  cadeau de décembre avec la très  intelligente  mise en scène du français Laurent Pelly et surtout sous la baguette d’Alain Altinoglu qui  dirige, avec quelle force théâtrale,  son premier opéra depuis sa prise de fonction  comme chef attitré de La Monnaie! Alain Altinoglu préside à son orchestre comme un chef d’atelier de tapisserie musicale, assemblant les 1001 mélodies orientales de la composition en une immense fresque débordante de vie, qui met en scène une myriade de sonorités instrumentales bien adaptées à la voix des solistes.

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En prime, cadeau dans un cadeau, entre le 2e  et le 3e acte, Alain Altinoglu dépose la baguette, quitte l’orchestre, ouvre un piano et joue en interlude musicale les suites tirées de l'opéra avec la violoniste Saténik Khourdoïan … qui  plane avec son archet, les yeux fermés. Pur bonheur, moment de grâce,  d’extase peut-être, un saisissant contraste après la ridicule scène entre la sublime  et séduisante reine Chemakhane (Venera Gimadieva/ Nina Miasyan) et le balourd roi Dido (Pavlo Hunka/ Alexey Tikhomirov), qui se comporte, à peu de choses près, aussi stupidement et vulgairement que  certains touristes sexuels des contrées lointaines.

 

 Cette nouvelle production de La Monnaie tend un miroir à la bêtise humaine et à tous les tyrans du monde.  Le travail de la mise en scène où le peuple et le tas de charbon se confondent  capte à contre-jour le jeu de foules versatiles. Souvenirs de tableaux expressionnistes ? Les magnifiques costumes de fourrure de renard argenté de la cour impériale  se chargent  au fur et à mesure la poussière noir charbon. Celle-ci finit par  devenir de plus en plus  envahissante,  jusqu’à atteindre même le  splendide costume de la reine Chemakhane, une truite d’argent enchanteresse si suggestive dans son torride solo érotique,  devant un roi  béat d’admiration! Le décor de ce deuxième acte n'est pas une immense corne d'abondance mais une immense nasse illuminée de désir dont le piège se refermera sur le roi incompétent. Les lumières (Joël Adam), elles aussi, comme les tonalités musicales, ne font que s’assombrir, et  annoncer l’inéluctable déclin et la mort du monarque absolu. Le somptueux lit d’argent  où paresse le roi est une pièce d’orfèvrerie qui une fois montée sur un tank dévastateur, dit tout de l’horreur de la guerre. Les figures déshumanisées  qui accompagnent la Circé orientale font frémir.

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Mais l’émerveillement est  entier à chaque apparition du Coq d’or, un être mythique dont les postures sont plus vraies que nature. Le poitrail doré se gonfle de chants mystérieux chantés par la voix de Sheva Tehoval, tandis que la danseuse, Sarah Demarthe, accomplit le miracle mimétique sue scène par une danse d’une incomparable  grâce animale. Les tressaillements de l’immense queue faite de plumes de paradisier, ou du moins on l’imagine, les sabots d’or qui chaussent les pattes délicates qui cherchent à éviter de se salir, et le refuge sur un radiateur pendant le sommeil injuste du tsar sont autant de secondes de beauté: tout chez cette figure fabuleuse,  est matière d'espoir, matière  à rire et à plaisir, comme échappée des Contes du Chat Perché!         

 

 La féerie subversive est  bourré d’humour : « Tout conte est mensonge mais n’en contient pas moins quelque allusion. Puisse-t-il servir de leçon à maints braves jeunes gens. » dit Pouchkine et le facécieux Astrologue (Alexander Kravets)  de conclure : «  Seule la tsarine et moi-même y étions bien vivants ! Les autres, chimères, élucubrations, fantômes blafards, vacuité… » Notre société semble être accablée des même maux de décadence et de désarroi… Quel coq d’or risque subrepticement de s’animer et de pourfendre  son crâne ?  

© LA MONNAIE/BAUS

http://www.lamonnaie.be/fr/program/10-le-coq-d-or

liens utiles:

https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandre_Pouchkine

https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Coq_d'or_(op%C3%A9ra)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandre_II_(empereur_de_Russie)

 « Le Coq d'or » a séduit la presse ! – 


– Opéra magazine 14.12.2016
Le Coq d'or, (...) est admirablement servi par la Monnaie de Bruxelles depuis hier soir. Lecture orchestrale enivrante d’Alain Altinoglu, (...) et mise en scène de Laurent Pelly réussissant le juste dosage entre onirisme, fantasmagorie et satire dans une œuvre hésitant entre différents genres. 
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–  La Libre Belgique, 14.12.2016
Un Coq d’or noir, étincelant et poétique. Après un « Capriccio » de grande classe, voici un « Coq d'or » qui pourrait marquer les mémoires.
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– Le Soir, 15.12.2016
Une féerie somptueusement maligne.
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– L'Echo, 15.12.2016
Une mise en scène savoureuse de Laurent Pelly : un régal d’insolence douce, absurde et taquine (…) 
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– FAZ.NET, 15.12.2016
«Der goldene Hahn» is eine Prachtpartitur.

 

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administrateur théâtres

Du bucolique au diabolique

Image may contain: 2 people, night and indoorVoici Orphée (Papuna Tchuradze) en violoneux, mari  cavaleur et  peu argenté,  Eurydice (l'étincelante Jodie Devos)  en concierge coquine qui s’ennuie devant sa table à repasser, qui  déteste la musique et s’entiche d’un Pluton (Thomas Morris) travesti en berger vendeur de miel; voici une tonitruante opinion publique (Alexise Yerna) bon chic bon genre qui fait la morale, voici une palanquée de dieux et déesses endormis dans les tribunes d’azur du petit monde de  l’Olympe…  La  tragique histoire d’amour d’Orphée et Eurydice a décidément un sérieux coup dans l’aile. La paix des ménages et l’antiquité  sont  mangées aux mites, bonjour les mouches et autres créatures diaboliques! Quelqu’un doit avoir trop bu ! Serait-ce le dieu Bacchus en personne, in vino veritas, qui seul, pourrait prendre la relève ?  Le seul qui fasse toujours rêver, c’est Cupidon (Natacha Kowalski), et Mercure (André Gass), pareil à lui-même, filou, inventif et commercial!

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 L’air étouffe, l’atmosphère devient pesante et viciée, le matérialisme sans grandeur menace et entrave  la bonne gouvernance. A travers les dialogues  bourrés de franc-parler ou d'hexamètres enflés de ses librettistes Henri Crémieux et Ludovic Halévy, Jacques Offenbach se gausse des travers de son temps et du nôtre, par extension anachronique. Il condamne cette société bourgeoise  narcissique qui n’a qu’un but : sauver les apparences. La censure s’attaque à Flaubert et à Madame Bovary.   N’empêche,   le compositeur n’hésite pas à fustiger le pouvoir impérial de Napoléon III dans le personnage de Jupiter (Pierre Doyen), vulgairement nommé Jupin. C’est toute la mythologie antique qui dégringole : Mars (Marc Tissons), Vénus (Julie Bailly), Junon (Laura Tissons), Diane (Sarah Defrise) en bottes, cravache et sa meute de dobermans, Minerve, Cérès...  Avec son Orphée aux Enfers, créé en 1858, Jacques Offenbach connaît son premier vrai triomphe.

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                                La partition est une riposte irrévérencieuse au succès de la grande musique classique et à celui des chansons populaires des faubourgs, mais elle dresse surtout un  portrait caustique de la société de son temps tout à ses plaisirs et son autosatisfaction.

                                La mise en scène bouillante de dynamisme et de  dérision délirante de Claire Servais ( recyclée pour plus de saveur, au cœur notre époque télé-réalité) nous livre  un  foisonnement d’anachronismes joyeux et subversifs propres à  la satire.

                                Les citations affectueuses de grands airs,  comme le clin d’œil à Orfeo ed Euridice de Gluck (1774), arrivent comme des  mets de choix, comme une référence aux délices d’un âge d’or, avec des voix d’or. De  savantes allusions, pastiches de la musique du XVIII° siècle, plongent tour à tour dans la joie bucolique ou le rite sacré virtuose. Le spectateur se retrouve à plusieurs reprises, balancé dans l’émotion alors qu’il s’apprêtait rire de plus belle et à pouffer devant l’amas de bouffonneries. Mais à chaque détour de la cavalcade entre terre, ciel et enfers, il y a l’irrésistible naissance du galop, ce French cancan endiablé, ce « style Offenbach » qui est dans tous les esprits,  qui pétille et surprend comme bulles de champagne  ravageuses.

                                Émile Zola lui-même ne supporta pas cette atteinte à un patrimoine quasi-sacré. Il est offusqué par le style et profite des Rougon-Macquart pour pamphlétiser  avec Nana, déguisée en Vénus  :

« Ce Carnaval des dieux, l’Olympe traîné dans la boue,

 toute une religion, toute une poésie bafouée, semblèrent un régal exquis.

 La fièvre de l’irrévérence gagnait le monde  lettré des premières représentations ;

 on piétinait sur la légende, on cassait les antiques images. Jupiter avait une bonne tête, Mars était tapé. La royauté devenait une farce, et l’armée, une rigolade. Quand Jupiter, tout d’un coup amoureux d’une petite blanchisseuse, se mit à pincer un cancan échevelé, 

Simonne, qui jouait la blanchisseuse, lança le pied au nez du maître des dieux, 

en l’appelant si drôlement : « Mon gros père ! » qu’un rire fou secoua la salle. Pendant qu’on dansait, Phébus payait des saladiers de vin chaud à Minerve, et Neptune trônait au milieu de sept ou huit femmes, qui le régalaient de gâteaux.        On saisissait les allusions, on ajoutait des obscénités, les mots inoffensifs étaient détournés de leur sens par les exclamations de l’orchestre. Depuis longtemps,

 au théâtre,

 le public ne  s’était vautré dans de la bêtise plus irrespectueuse. Cela le reposait. » 

Image may contain: 5 people, people standingMais nous, à la veille de 2017, nous ne pouvons que nous amuser de cette relecture époustouflante et sulfureuse de l’œuvre phare de Jacques Offenbach, remaniée 20 ans après sa création, en féerie de 4 actes, 12 tableaux, 42 rôles et pléthore de danseurs et figurants.

                                 Dans cette version 'entre deux', il y a des relents du théâtre subversif d’Aristophane, des tableaux démoniaques  au  parfum de Jerôme Bosch  et des bacchanales aux couleurs de Jordaens. Il y a cet extraordinaire gardien des enfers qui se shoote à l’eau du Léthé,  John Styx (Frédéric Longbois),  à mi-chemin entre Charlot et  militant écossais anti-Brexit et  tout ce peuple de touristes de l’Olympe qui a embarqué pour faire la fête dans la chaleur de l’enfer!

                                 Un vent de fronde et un rêve de changement souffle à travers les flammes brûlantes de  cette gigantesque pantomime iconoclaste, comme à l’aube de toute décadence d’empire.

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                                 La richesse de la  distribution, les décors somptueux, les interprétations vocales méticuleuses et foisonnantes sans la moindre faiblesse et  surtout un orchestre conduit avec finesse et intelligence mutine par un vrai complice de la galéjade,  Cyril Englebert, sont là pour nous ravir et nous faire passer le cap de l’année, dans un galop d’enfer.

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Photos © Lorraine Wauters-Opéra Royal de Wallonie

Du mardi, 20/12/2016 au samedi, 31/12/2016 à Liège

Cyril Englebert MISE EN SCÈNE : Claire Servais CHEF DES CHŒURS : Pierre Iodice ARTISTES : Papuna TchuradzeJodie Devos Alexise YernaPierre DoyenThomas MorrisNatacha KowalskiJulie BaillySarah DefriseFrédéric LongboisAndré GassLaura BalidemajAlexia SafferyYvette WérisSylviane BinaméChantal GlaudePalmina GrottolaMarc Tissons NOMBRE DE REPRÉSENTATIONS : 7

 http://www.operaliege.be/fr/activites/orphee-aux-enfers

Le 7 janvier à Charleroi. 

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administrateur théâtres
La fin de l’année, n’est-ce pas ce temps plein de fantaisie qui excite notre imagination, un temps  qui pousse à de conviviales festivités et retrouvailles ? Voilà pourquoi la Monnaie a décidé de réunir à nouveau toutes ses différentes familles de public à venir assister à une représentation du Coq d’or de Rimski-Korsakov – dirigée par notre directeur musical Alain Altinoglu et dans une mise en scène de Laurent Pelly (International Opera Award du Meilleur metteur en scène 2016)
Le mardi 20 décembre à 14h00 au Palais de la Monnaie à Tour & Taxis.
Le Coq d'or est un opéra en trois actes de Nikolai Rimski-Korsakov. Vladimir I. Bielski en a composé le livret intégral, d'après le conte en vers de Pouchkine . Wikipédia
DISTRIBUTION
 
Direction musicale - ALAIN ALTINOGLU
Mise en scène et costumes – LAURENT PELLY
Décors – BARBARA DE LIMBURG
Éclairages – JOËL ADAM
Chorégraphie – LIONEL HOCHE
Collaboration costumes – JEAN-JACQUES DELMOTTE
Chef des chœurs – MARTINO FAGGIANI
 
Tzar Dodon - PAVLO HUNKAALEXEY TIKHOMIROV°
Tzarevich Guidon - ALEXEY DOLGOV
Tzarevich Afron - KONSTANTIN SHUSHAKOV
General Polkan - ALEXANDER VASSILIEV
Amelfa - AGNES ZWIERKO
Astrologer - ALEXANDER KRAVETS
Tzaritza of Shemakha - VENERA GIMADIEVANINA MINASYAN°
Little Golden Cockerel - SHEVA TEHOVAL
 
ORCHESTRE SYMPHONIQUE  & CHŒURS DE LA MONNAIE
ACADEMIE DE CHŒUR DE LA MONNAIE s.l.d. de BENOÎT GIAUX
 
 
En tant que maison d’opéra de Bruxelles, une ville à la très grande diversité culturelle, nous souhaitons réellement donner l’occasion à tous de connaître l’art lyrique.

Le choix d’un après-midi de semaine a été pensé dans l’optique de faciliter l’accès à l’opéra aux personnes qui ont parfois des difficultés pour se rendre à la Monnaie. Aux côtés de spectateurs qui paient plein tarif, un tarif exceptionnel – 10, 15 ou 25 euros pour des places qui coûtent en général 129 ou 99 euros -  est proposé aux:
  • groupes fragilisés (associations et institutions du secteur social et les personnes bénéficiant d’une allocation sociale)
  • élèves (introduction à l’école inclue) 
  • étudiants– 30 ansartistes et professionnels du spectacle
La Monnaie défend énergiquement l’accès à la culture pour tous et lutte contre le préjugé selon lequel le monde lyrique serait uniquement réservé à une élite. L’organisation de cet après-midi à l’opéra est une affirmation de notre mission d’institution de service public et illustre les valeurs humanistes que nous tentons de pratiquer au travers de nos différents programmes pour les écoles, les jeunes, les familles et les groupes précarisés, développés depuis les années 90.
Ce n’est pas le premier Building Bridges de la Monnaie : la saison dernière, nous avions accueilli plus de 1500 spectateurs pour une représentation de L’Elisir d’amore au cours d’une exceptionnelle après-midi d’opéra au Cirque Royal.

Une expérience incroyable pour tous ceux qui l’ont vécue, comme en témoigne ce récit :
« Il est 13 heures, ce jeudi. La foule s’accumule aux portes du Cirque Royal. Ce 17 septembre, L’Elisir d’amore de Gaetano Donizetti est prévu en matinée. Un horaire inhabituel pour un public qui ne l’est pas moins. Résidents de homes bruxellois, bénéficiaires du CPAS, patients de maisons médicales, participants de centres de jour, de maisons de quartier ou d’alphabétisation, nombreux élèves du primaire et du secondaire, artistes et professionnels du monde du spectacle, étudiants aussi … Pour une majorité d’entre eux, venir à l’opéra constitue une première. Fien et Daphné, en 6e secondaire, ont fait la route depuis Ostende, avec leur classe de latin de l’école Onze-Lieve-Vrouw. « Notre prof est fan d’opéra, mais pour nous c’est tout nouveau », confient-elles. « Nous en avions une image un peu « old fashion », mais les films et les photos que nous avons vus ont changé notre vision des choses. » En tailleur et costume, Hélène et Pierre se sont mis sur leur 31 pour l’occasion. « Une chanteuse de la Monnaie, accompagnée d’un musicien au violoncelle sont venus à la Résidence Arcadia, à Molenbeek, il y a quelques semaines, juste pour nous ! », sourit Pierre, qui semble déjà à son aise. Un peu plus loin, ce sont onze résidents de la maison de repos Notre-Dame de Stockel qui reçoivent leur ticket d’entrée. « Mais pourquoi ne peut-on pas déjà aller s’asseoir, puisqu’on a nos places ? », relève Lucie, impatiente. « Ne t’inquiète pas, elles sont numérotées », tente de la rassurer Georges. Georges, 94 ans, était un habitué de l’Opéra de Verviers étant plus jeune. « Mon premier opéra, je m’en souviens, c’était Faust », raconte-t-il, « mais ce que je préfère, ce sont les opérettes ! Je viens d’une famille de musiciens, et la musique a toujours accompagné ma vie. La culture, c’est essentiel pour moi. Nous sommes allés à plusieurs reprises assister aux répétitions de l’Orchestre de la Monnaie. C’est une occasion de sortir un peu du home. »

 
Depuis les années 90, la Monnaie a développé toute une série de programmes avec les écoles, les jeunes, les familles et les groupes précarisés. Une vocation sociale dans laquelle s’inscrit le programme « Un pont entre deux mondes » qui propose dix-sept ateliers de chant hebdomadaires dans les maisons de repos des CPAS, à la Monnaie et dans quatreprisons, mais aussi chaque saison, quelque 5.000 places de spectacles gratuites aux institutions du secteur social. Avec une quinzaine de récitals et de concerts de musique de chambre au sein même des structures des CPAS et des établissements pénitentiaires, grâce au soutien financier de mécènes publics et privés.
 
http://www.lamonnaie.be/fr/static-pages/114-un-pont-entre-deux-mondes
INFORMATION GENERALE
REPRESENTATION
20 décembre - 14h00
 
PALAIS DE LA MONNAIE 
Chapiteau Tour & Taxis
86c Avenue du Port, 1000 Bruxelles
 
PRODUCTION De Munt / La Monnaie
COPRODUCTION Teatro Real de Madrid 2017, Opéra national de Lorraine (Nancy) 2017
 
INTRODUCTION 
Une demi-heure avant la représentation

INFO & BILLETS
+ 32 2 229 12 11
MM Tickets, 14 rue des Princes, 1000 Bruxelles www.lamonnaie.be - tickets@lamonnaie.be 

PRIX
Groupes fragilisés 
Via le secteur social: 10 € (Cat. I–II)
unpontentredeuxmondes@lamonnaie.be
+32 2 229 12 50
 
Groupes scolaires
Enseignement primaire 3e degré (workshop 1 jour à l’école inclus)
& Enseignement secondaire et supérieur (introduction à l’école incluse): 15 € (Cat I–IV) s.briard@lamonnaie.be
 
Tickets individuels 
Bénéficiaires d’une allocation sociale (CPAS, demandeurs d’emploi,…): 10 € (Cat. I–II)
-30 ans, artistes et professionnels du spectacle: 25 € (Cat. I–IV)
Tarif plein: 129 € – 10 € (Cat. I–VI)12273200273?profile=originalhttp://www.lamonnaie.be/fr/program/10-le-coq-d-or
 
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administrateur théâtres

UN SECOND HYMNE NATIONAL

... symbole de l'unité italienne. Nabucco raconte l'histoire biblique de l'exil juif à Babylone. Le souverain cruel Nabucco devient impliqué dans une lutte de pouvoir avec sa fille Abigaille, dans laquelle il sera finalement vaincu et les Juifs  pourront retrouver leur liberté. 

Le génie de Giuseppe Verdi réside dans la formidable tension dramatique qui tend ses opéras et l’irrésistible beauté de ses mélodies. Nabucco, narrant un célèbre épisode biblique, contient en son sein les revendications d’indépendance du peuple italien soumis depuis trop longtemps à la domination étrangère. Parmi les passions humaines exprimées par les superbes airs, se trouve un chœur sublime. Le peuple juif y chante la nostalgie de son pays. Va pensiero, mélodie simple et pure par excellence devient, dès la création, un symbole de l’unité du peuple italien. Aujourd'hui, ce second hymne national a franchi les frontières et exprime la douleur de toutes les oppressions.

Pour ce chef-d’œuvre qui déclencha une véritable ferveur à La Scala de Milan lors de sa création en 1841 et qui fera de Verdi le musicien le plus célèbre d’Italie, une double et prestigieuse distribution s’impose. Nous retrouverons le grand Leo Nucci qui partagera le rôle-titre avec Ionut Pascu. Abigaille sera incarnée par les deux sopranos Virginia Tola et Tatiana Melnychenko. A la direction musicale, nous retrouvons Paolo Arrivabeni pour qui ce spectacle revêtira une signification particulière puisque c’est le premier ouvrage qu’il ait dirigé à Liège.

 Nabucco est de retour dans une mise en scène de Stefano Mazzonis di Pralafera pour une nouvelle coproduction de l’Israeli Opera de Tel Aviv et de l'Opéra Royal de Wallonie-Liège.
 

Le destin  a frappé Verdi encore une fois, le 18 juin 1840: ce jour-là, sa tendre et douce Margherita est emportée par une encéphalite, à 26 ans, huit mois après le petit Icilio, deux ans après la jolie Virginia, leurs deux enfants.

Verdi est effondré, seul, au bord du suicide En panne d'inspiration, écrasé par les coups du destin - ses deux enfants puis sa femme meurent à quelques mois d'intervalle -, le compositeur est au bord du gouffre lorsqu'on lui confie le livret de ce qui va devenir... Nabucco.

C'est dans cet état d'abattement qu'il doit achever la composition de son opéra bouffe: on imagine aisément combien la verve comique est éloignée de son esprit. Il vient pourtant à bout de la partition, en homme scrupuleux envers ses engagements. Et, le 5 septembre 1840, la Scala crée cette deuxième œuvre de Verdi, Un giorno di regno, en présence du compositeur, tout de noir vêtu, le cœur brisé, l'esprit martyrisé. C'est un échec complet. L'opéra ne sera représenté qu'une seule fois, comme si son titre, Un giorno di regno, avait été prémonitoire.

L'hiver vient. Un soir de décembre, Verdi traverse comme un somnambule la grande place du Duomo de Milan. Machinalement, il essuie de la main sa courte barbe noire où le brouillard se fige en gouttes au goût de larmes. Soudain, il manque se heurter à un homme. C'est Merelli, le directeur de la Scala. Ecoutons leur dialogue.

Merelli  - Ah! Ça alors! Verdi!

Verdi  - Bonsoir, monsieur Merelli.

Merelli  - Comment allez-vous, mon cher Verdi?

Verdi  - Mal...

Merelli  - Mais non, mais non, il ne faut pas vous laisser abattre. Il faut réagir, il faut rebondir. Tous les compositeurs connaissent des fours, vous savez! C'est bien malheureux pour nous mais c'est comme ça. Mais (il sort de sa poche une liasse de feuillets) tenez, cet imbécile de Nicolaï vient de me refuser ce livret, un livret superbe pourtant...

Verdi  - Je ne composerai plus jamais!

Merelli  - Allons, ne dites pas cela! Lisez-moi ce manuscrit...

Verdi  - Non, vous dis-je, plus une note, plus jamais, rien.

Merelli  - Ne soyez pas borné, que diable! et lisez-le au moins, cela ne peut pas vous faire de mal!

Verdi  - C'est inutile, je ne veux plus composer. Plus jamais.

Merelli  - Eh bien, lisez-le au moins pour me donner votre avis sur ce livret.

Avec un geste de lassitude, Verdi fourre la liasse de feuillets dans sa poche et s'éloigne lentement.

De retour dans sa chambre grisâtre, Giuseppe jette le manuscrit sur la table et ses yeux tombent sur quelques vers au milieu des pages éparpillées: «Va, pensiero, sull'ali dorate...». Il a relu récemment ce passage de la Bible narrant les malheurs du peuple juif jeté dans l'esclavage et l'exil. Dans la froidure de la nuit, le sommeil ne vient pas. «Va, pensiero...» Il se relève, rallume sa bougie et lit, relit et relit encore le manuscrit... Au petit matin, il pose quelques notes sous un vers, en griffonne d'autres durant la journée ; un autre jour, il trace une phrase mélodique pour un chœur... et, un an plus tard, l'opéra est composé. Les épaules encore voûtées par le malheur, Verdi se fait recevoir à la Scala par Merelli, qui lit son opéra, s'enflamme, s'exclame, appelle sa chère Strepponi, à laquelle il décide de confier le rôle féminin principal. Car il va le créer, cet opéra, et au plus vite, au moment du Carnaval.

Durant les répétitions, tout le personnel de la Scala est comme électrisé, chacun perçoit que c'est un tournant de l'histoire de l'opéra qui se dessine. Seul Verdi demeure sombre, comme si l'intérieur de son corps était vidé. C'est tout de noir vêtu qu'il se rend, le 9 mars 1842, à la Scala. Et la soirée n'est qu'un long triomphe: Nabucco fait renaître Verdi, qui pleure de joie - de désespoir, aussi, en songeant à celle qui n'est plus là, la belle Margherita, à ses enfants qu'il a portés en terre. Et pourtant les bravos ne cessent pas. Il doit venir saluer sur scène et le fait gauchement. Mais ces acclamations sans fin commencent lentement à lui réchauffer le cœur.

Ce sera le même triomphe à la deuxième représentation. Puis aux suivantes. Prévu pour huit représentations, Nabucco en atteindra 57 en trois mois: record absolu, et inégalé, pour la Scala ! un événement unique dans l’histoire du théâtre milanais et franchit ensuite les Alpes : Vienne, Lisbonne, Berlin, Stuttgart, Paris, Londres et même Barcelone. «Ma carrière a vraiment commencé avec Nabucco», dira-t-il quelques années plus tard. Après le terrible fiasco d'Un jour de règne près de deux ans plus tôt, c'est un règne de près de soixante ans, jusqu'à sa mort en 1901, qui débute pour Verdi.

Le 9 mars 1842, Nabucco, le troisième opéra de Verdi, est présenté à la Scala de Milan, après seulement douze jours de répétitions. Donizetti est dans la salle. Malgré la période du carnaval – Verdi s’était montré intransigeant sur le choix de la date, voulant absolument éviter la période du carême vu le sujet –, la représentation rencontre un énorme succès. Et ce malgré les conditions vocales difficiles de Giuseppina Strepponi – elle deviendra sa deuxième femme dix-sept ans après cette malheureuse représentation – qui incarnait alors le rôle ardu d’Abigaille aux côtés du baryton donizettien Giorgio Ronconi dans le rôle du roi babylonien.

 

Aujourd’hui, Nabucco a presque la saveur d’une lutte épique entre la providence qui lui a donné à voir la page la plus célèbre de l’opéra et Verdi lui-même qui, lecteur de la Bible, mais également agnostique tourmenté, s’est retrouvé envahi par une espèce de « fureur sacrée ». C’est d’ailleurs précisément sur cette image du chant des esclaves qu’il a libéré toute sa puissance créative. Ce chœur solennel, triste, puis lumineux, Va Pensiero, est le onzième numéro de l’opéra et anticipe la prophétie de Zaccaria, avec laquelle se clôture le troisième acte. Non seulement un adieu à la liberté, mais également un adieu à la vie. Adieu à la liberté et à la vie qu’il faudrait toujours débarrasser de la rhétorique et de tout lien à des faits politiques italiens passés et contemporains – également au niveau des arrangements scéniques – et ramener à la saveur biblique, plus dense, universelle et grandiose, associée au début de la captivité de Babylone, une prière entonnée par tout le peuple, comme l’a très justement fait remarqué Rossini, qui l’a définie comme « une grande aria pour sopranos, contraltos, ténors et basses ». Qu’a donc vu cet artiste – jeune (il n’avait que vingt-huit ans à l’époque), mais déjà plein de charisme et d’une « simplicité fascinante » – dans ce peuple enchaîné chantant à la « patria belle e perduta » (belle patrie perdue) et priant pour que cette « patire » (souffrance) se transforme en « virtù » (vertu) ?

Le psaume 137 est le seul des 150 psaumes à évoquer l'exil à Babylone qui a suivi la prise de Jérusalem par le roi de Babylone Nabuchodonosor en 586 av. J.-C. Selon la tradition rabbinique, il a été écrit par le prophète Jérémie. En latin: Super flumina Babylonis.

DIRECTION MUSICALE : Paolo Arrivabeni 

 MISE EN SCÈNE : Stefano Mazzonis di Pralafera 

CHEF DES CHŒURS : Pierre Iodice 

ARTISTES : Leo NucciIonut PascuVirginia TolaTatiana Melnychenko,Orlin AnastassovEnrico IoriGiulio PelligraCristian MogosanNa’ama GoldmanRoger JoakimAnne Renouprez,Papuna Tchuradze 

9 DATES : Du mardi, 18/10/2016 au samedi, 29/10/2016 

http://www.operaliege.be/fr/activites/nabucco

Va, pensiero, sull’ali dorate;
Va, ti posa sui clivi, sui colli,
Ove olezzano tepide e molli
L'aure dolci del suolo natal!

Del Giordano le rive saluta,
Di Sionne le torri atterrate...
Oh mia patria sì bella e perduta!
Oh membranza sì cara e fatal!

Arpa d'or dei fatidici vati,
Perché muta dal salice pendi?
Le memorie nel petto raccendi,
Ci favella del tempo che fu!

O simile di Solima ai fati
Traggi un suono di crudo lamento,
O t'ispiri il Signore un concento
Che ne infonda al patire virtù!

Va, pensée, sur tes ailes dorées ;
Va, pose-toi sur les pentes, sur les collines,
Où embaument, tièdes et suaves,
Les douces brises du sol natal !

Salue les rives du Jourdain,
Les tours abattues de Sion ...
Oh ma patrie si belle et perdue !
Ô souvenir si cher et funeste !

Harpe d'or des devins fatidiques,
Pourquoi, muette, pends-tu au saule ?
Rallume les souvenirs dans le cœur,
Parle-nous du temps passé !

Semblable au destin de Solime
Joue le son d'une cruelle lamentation
Ou bien que le Seigneur t'inspire une harmonie
Qui nous donne le courage de supporter nos souffrances !

Sources

-(Extraits choisis de l’article de Luca Pellegrini dans le numéro spécial du magazine « L’Opéra » consacré, en septembre 2016, à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège)

-Alain Duault

https://fr.wikipedia.org/wiki/Nabucco

https://www.opera-online.com/items/works/nabucco-solera-verdi-1842

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administrateur théâtres
Une brume d'or dans un temps de feu…
 
Entamée avec Enoch Arden, la Monnaie
poursuit son exploration de la musique de Richard Strauss avec Capriccio, opéra en un acte et son dernier, créé en 1942 à Munich.
Légère et vive, cette « conversation musicale » est un hommage crépusculaire et nostalgique à un monde disparu, et dont Stefan Zweig qui insuffla l’idée à Strauss dès 1934 est le représentant perdu. On ne peut s’empêcher de s’interroger sur ce vieux compositeur âgé de 80 ans, retranché dans sa villa de Garmisch, fermant les yeux sur un monde à feu et à sang, tourné désespérément vers une époque depuis longtemps disparue ; et, cependant, écrivant encore et encore une musique d’où surgissent les plus belles et les plus bouleversantes émotions.

L’œuvre n’avait plus été jouée à la Monnaie depuis 1983. Son retour a été confié au chef d’orchestre allemand Lothar Koenigs à la tête de l’Orchestre symphonique de la Monnaie, et au metteur en scène David Marton. 

Le livret ne se limite pas à une mascarade amoureuse. Quel sera le genre du spectacle donné pour l'anniversaire de la Comtesse ? Un opera seria, avec des chanteurs italiens spécialisés dans le bel canto, comme le voudrait La Roche ? Un spectacle faisant la part belle à la poésie et mettant en valeur le jeu théâtral de mademoiselle Clairon, une actrice célèbre, ainsi que le voudrait Le Comte, frère de Madeleine ? « Prima la musica – dopo le parole ! », clame-t-on d'un côté. « Prima le parole – dopo la musica ! », réplique l'autre partie.

Le débat est illustré par une déclamation de sonnet par Olivier, une improvisation au clavecin de Flamand, un intermède dansé, un duo des chanteurs italiens. Le Comte met fin au débat en suggérant que soient relatées dans un opéra les aventures de la journée. La proposition est acceptée. Il est tard, les invités prennent congé. Un spectacle n'est qu'illusion, sur la scène règne l'éphémère et le rêve ne tient qu'à peu de choses. M. Taupe, le souffleur, qui s'était endormi et qu'on a oublié, le rappelle au Majordome, qui propose de le faire raccompagner à Paris. La comtesse est restée au château. Un rendez-vous a été pris avec Olivier, le lendemain à onze heures, à la bibliothèque. Le Majordome lui rappelle que Flamand l'attendra au même endroit et à la même heure. Que faire ? Lequel des deux choisir ? Doit-on d'ailleurs choisir entre la poésie et la musique ? La Comtesse se met à la harpe et s'accompagne en chantant le sonnet d'Olivier. Musique et poésie se fondent l'un dans l'autre. Madeleine est interrompue dans sa rêverie par le Majordome, qui l'invite à passer à table.


Pour David Marton, hongrois et berlinois d’adoption, les discussions menées dans la “Konversationsstück für Musik” de Strauss sont à prendre très au sérieux. Mais il constate que cette question séculaire à l’opéra de la primauté du mot ou de la musique est insoluble – du moins aussi longtemps qu’elle reste traitée en termes abstraits. En la replaçant dans le tangible d’une mise en scène particulière qui impose d’établir concrètement des priorités, le débat retrouve toute son actualité. Cette mise en scène à l’intérieur de la mise en scène place les frénétiques conversations des différents bretteurs sous un éclairage étonnant et parfois très drôle. Marton ne va jamais à l’encontre de l’esprit de l’œuvre grâce à sa manière pleine de vie d’aborder l’émotion, à une direction d’acteur tout en finesse et une utilisation intelligente du double espace théâtral.
 
La distribution rassemble une pléthore d’excellents chanteurs, à commencer par Sally Matthews qui interprétera pour la première fois le rôle de la Gräfin Madeleine. La soprano anglaise n’est plus à découvrir sur la scène belge où elle se produit régulièrement. Après avoir interprété le rôle-titre de Jenůfa, elle était une bouleversante Daphne dans l’opéra éponyme de Strauss.

Le frère, Der Graf, sera joué par le baryton allemand Dietrich Henschel. Présent à la Monnaie depuis le début du mandat de Peter de Caluwe, il y a incarné de multiples rôles, Wozzeck, Nick Shadow, Golaud et Œdipe, avant d’être un formidable Doktor Schön dans notre dernière Lulu et d’endosser le personnage de Peter dans Hänsel und Gretel (Humperdinck) en décembre 2015.

Le ténor lituanien Edgaras Montvidas incarnera le compositeur Flamand. Depuis ses débuts à la Monnaie dans le Requiem de Bruneau en 2012, il s’est produit à Glyndebourne, Berlin, Munich comme à l’Opéra Royal de Versailles.
C’était un autre habitué de la scène de la Monnaie qui devait chanter le poète Olivier mais le baryton français Stéphane Degout a malheureusement dû déclarer forfait. Son rôle est repris par le baryton estonien Lauri Vasar qui l’interprétait récemment encore à l’Opéra de Lyon. Il a interprété le personnage du Minotaure pour la création de Phaedra (Henze) en 2007, et Schaunard (La Bohème).  Il  accepté cette reprise au pied levé. 

Kristinn Sigmundsson fait ses débuts à la Monnaie dans le rôle de La Roche (Theaterdirektor). C’est un interprète très sollicité pour les grands rôles de basse, ceux de Wagner et Verdi notamment.

Charlotte Hellekant chantera Clairon (Schauspielerin). La mezzo-soprano s’est produite notamment dans deux des dernières créations de la Monnaie, Matsukaze (Murasame) qu’elle reprendra également cette saison et Au monde (la fille aînée).
Ce seront les quatre jeunes interprètes de l’Opéra de Lyon, coproducteur avec la Monnaie, qui viendront interpréter les rôles du souffleur, des chanteurs italiens et du majordome : le ténor suisse François Piolino (Monsieur Taupe) ; la soprano russe Elena Galitskaya(Italienische Sängerin) 3e Prix et Prix du public du Concours Reine Elisabeth 2011 et son compatriote le ténor Dmitry Ivanchey (Italienischer Sänger) qui font tous deux font leurs débuts à la Monnaie ; le jeune baryton Christian Oldenburg (Haushofmeister).
Parmi les huit serviteurs, nous pourrons entendre deux membres de  la MMAcademy, Pierre Derhet (MMAcademy Laureate) et Maxime Melnik (MMAcademy soloist), ainsi que Artur Rozek membre de l’International Opera Academy, aux côtés de Zeno Popescu, Nabil Suliman, Vincent Lesage, Bertrand Duby et Kris Belligh.
Agenda

03.11.2016 – 16.11.2016

Lieu

Palais de la Monnaie, Tour & Taxis

Tarifs

cat 1 - 129 € / cat 2 - 99 € 
cat 3 - 84 € / cat 4 - 59 € 
cat 5 - 34 € / cat 6 - 10 €

Présentation

Introductions une demi-heure avant les spectacles par Antonio Cuenca Ruiz (en français) & Reinder Pols (en néerlandais)

Langue

Chanté en allemand
Surtitré en français et en néerlandais

Durée

ca 2h 45’
(1h - entracte - 1h 25')

Streaming

live sur ArteConcert
10.11.2016
streaming sur lamonnaie.be
24.11 > 15.12.2016
sur Klara
03.12.2016
sur Musiq’3
03.12.2016

 

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administrateur théâtres

14695587_1445099122186137_2258976398414716966_n.jpg?oh=5598aace944035af312da142c2c70f1a&oe=58A97712Viva Nabucco ! « Sur les ruines de Sion, le roi Assyrien ne s’installera pas. Et Baal, dieu mensonger disparaîtra » 

Vole ma pensée, sur des ailes dorées;

Va, pose-toi sur les pentes, sur les collines,

Où embaument, tièdes et suaves,

Les douces brises du sol natal !

 

Salue les rives du Jourdain,

Les tours abattues de Sion ...

Oh ma patrie si belle et perdue !

Ô souvenir si cher et funeste ! 

PRETENDRE que « Va, pensiero », le chant des esclaves hébreux dans Nabucco, a catapulté Giuseppe Verdi   vers les sommets de  la   renommée  universelle est loin d’être exagéré. Il reste l'un des plus grands moments de  l'opéra, et les Chœurs d'Opéra de Liège sous la direction de  Pierre Iodice  ont  exécuté ce moment tant attendu de façon remarquable  le soir de la première. Le public en était tout chaviré.  Un chant qui commence à l'unisson, devient un bouleversant gonflement nostalgique, pour s'amplifier à pleine voix et mourir dans des soupirs d’espérance. Le temps de méditer sur tout ce qui nous enchaîne ou pourrait nous asservir.  La mise en scène de Stefano Mazzonis Di Palafera de Nabucco est d’une simplicité  confondante pour un opéra de cette envergure!  La plèbe des Babyloniens et des Hébreux, dont se détachent les personnages bibliques, se meut dans de lentes  mobilités  menaçantes et font penser aux arrière-plans de grands tableaux du 17 siècle.

 

 LE DECOR lui-même est un chef-d'œuvre d’abstraction moderne, avec ce rideau d’étoiles de David censé véhiculer la Jérusalem antique - avant, pendant et après sa destruction. Au deuxième acte, la maquette aérienne couleur lapis lazzuli des jardins suspendus de Babylone faits d’escaliers, de colonnades et balcons  est  un travail d’artiste. La texture est   une dentelle d’octogones imbriqués qui symbolisent les palais splendides de la cité et le regard  des femmes à travers les moucharabiehs. Au troisième acte, les pieds des esclaves fouleront les flots du Jourdain, lieu de baptême et  de rédemption en live. L’eau lumineuse qui coule depuis  l’arrière-plan fait d’un rideau de joncs dorés par  le soleil levant, a noyé la splendeur envolée des palais babyloniens. Des décors d’une simplicité parfaite soulignés par de savants jeux de lumière plongent le spectateur dans  une rêverie intemporelle.

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LA DISTRIBUTION est bien sûr éblouissante, à la mesure de l’oeuvre avec en tête, Leo Nucci dans le rôle-titre. Le chanteur vibre d’une puissance prophétique sous ses 74 printemps. Il fait une entrée remarquée sur un fabuleux cheval de bois dont le pelage arbore des couleurs de fleurs rien moins que Chagalliennes, assorties au bleu munificent des palais. Il commettra l’irréparable péché d’orgueil qui le foudroie : « Moi qui suis Dieu, adorez-moi ! » Il deviendra dément, mais il se repentira avec ferveur et regagnera la grâce divine. Une fresque épique à lui seul. Son Dio di Giuda! arrache des clameurs à la salle!


   

 

 

 LA SOPRANO argentine Virginia Tola en tant que Abigaille, campe du haut du  majestueux cheval psychédélique, la violence, la soif de pouvoir qui s’est emparée d’elle et la destruction. Elle joue du dynamisme vocal et théâtral. Sa  voix est l’instrument  achevé de tout  pouvoir insatiable : brillante et tranchante. Mais elle est aussi capable de lamentations en présence de l’homme qu’elle désire. Elle criera « Mort aux Hébreux ! Rends-moi cette couronne ! Plutôt mourir ! »  Sa superbe s’achève après s’être discrètement empoisonnée. Un très émouvant sursaut d’humilité et de dignité survient, elle implore, vaincue,  le  pardon du Tout Puissant, trempant la main dans le fleuve Jourdain.

 

 L’EXQUISE  Nahama Goldman, pour la première fois sur la scène de l’Opéra Royal de Wallonieincarne la douce Fenena, l’otage assyrienne du grand-prêtre. Elle apparaît comme   la   noble  fleur des chants justes, souples et tristes alors qu’à tout instant, vivant symbole d’empathie ou de compassion,  elle voit sur elle le glaive de  la mort. A côté d’elle, Giulio Pelligra brille d’une belle puissance et  intensité dans le rôle d’Ismaele.

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ORLIN ANASTASSOV, superbe basse lyrique dans le rôle du grand prêtre juif Zaccaria, est une révélation. Un très magistral Vieni, o Levita! ... Il santo Codice reca! rallie l’adhésion de la salle entière après sa belle introduction aux violoncelles que l’on aurait cru plus profonde. La sagesse, l’humilité et le courage qu’il insuffle de sa voix puissante et magnifiquement posée, ont de quoi ébranler. La voix appelle à une alliance éternelle avec le Tout Puissant, loin des fausses idoles renversées.  

 

Mais bien sûr, il n’y a pas que la qualité des chanteurs ou des  40 choristes dirigés par Pierre Iodice, il y a aussi la tenue de l’orchestre par  Paolo Arrivabeni qui savoure la partition avec nuances, finesse et énergie, loin de tout fracas  prétentieux.

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NOTES:

DIRECTION MUSICALE : Paolo Arrivabeni  MISE EN SCÈNE : Stefano Mazzonis di Pralafera  CHEF DES CHŒURS : Pierre Iodice  ARTISTES : Leo NucciIonut PascuVirginia TolaTatiana MelnychenkoOrlin AnastassovEnrico IoriGiulio PelligraCristian MogosanNa’ama GoldmanRoger JoakimAnne RenouprezPapuna Tchuradze  

 9 DATES : Du mardi, 18/10/2016 au samedi, 29/10/2016

(Saison 2016-2017) : | Opéra Royal de Wallonie

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La complexité de la trame originale du Nabucco de Verdi a été ici revisitée pour en garder l'essentiel: l'amour, la quête d'indépendance, la justice et le pardon.

Le lien http://fr.allreadable.com/cb36EP9 vous permet de retrouver le texte du livret en français

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administrateur théâtres

Après avoir dépeint le Japon dans Madame Butterfly, Giacomo Puccini met le cap sur la Chine, son dernier voyage, car il  mourra à Bruxelles,  laissant  son dernier opéra inachevé. Le compositeur parvenu au terme de sa vie déclare « Toute la musique que j’ai écrite jusqu’à présent me semble une plaisanterie en comparaison de la musique que j’écris en ce moment » Turandot a été composé entre 1921 et 1924. Toscanini en dirigea la première, en avril 1926.

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 Cet opéra est  l'un des plus  vibrants  exemples d’exotisme musical. Résolument moderne et stupéfiante, l’architecture orchestrale est particulièrement efficace  et souligne une judicieuse alternance entre l’atmosphère de conte et le drame insoutenable,  cette  marche  inexorable vers un destin fatal. Une ultime expression de souffrances  longuement tues.  Une débauche d’instruments à percussions,  une débauche de couleurs, une débauche de tableaux sonores.  Voilà ce qui nous est offert par  Paolo Arrivabeni dans la fosse  à la tête de   l’Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie. Les chœurs dirigés par Pierre Iodice,  sont composés de soixante chanteurs majestueusement costumés (Fernand Ruiz). Ils  sont placés de part et d’autre, dans les galeries mystérieuses qui entourent le palais de la Cité Interdite. Le luxe d’éclairages miroitants module à la perfection les mouvements sur le plateau et aux fenêtres du palais ainsi que  la débauche de sentiments exacerbés.   

  A Pékin, une princesse hautaine et cruelle, nommée Turandot,  promet d’épouser un prince qui résoudra trois énigmes. Les prétendants sont décapités s’ils échouent.

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Calaf, prince en exil rêve de reconstituer son pouvoir perdu. "Tu m’as pris mon royaume, tu nous as mis en cage mon père et moi, tu tues mon peuple, donc me voici pour te frapper en retour."  Mais il est fasciné par la princesse jusqu’au délire et veut tenter sa chance. En première partie, on la voit apparaître dans une tenue - large tunique et pantalon - d’une blancheur étincelante et glaciale. Elle est porteuse d’un sceptre qui ressemble à une faux. Comme la personnification de la mort. La mort blanche même, aussi  implacable et dévastatrice que la cocaïne ou l’héroïne. Le prince est halluciné. "Pour la dernière fois, vaincs cette fascination" supplie son père! Et les trois magnifiques mages...

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L’histoire de la femme de glace remonte à plusieurs générations. Une transmission toxique a eu lieu. Il y a des milliers d’années son aïeule a été trahie par un conquérant tartare. Après avoir mis la ville à sac, il l’emmena dans son lointain royaume  où elle mourut de chagrin. C’est pour venger cette infamie, que la princesse Turandot a imaginé l’épreuve. Elle porte avec elle le lourd fardeau d’un trauma transgénérationnel que pour rien au monde elle ne voudrait lâcher car il la protège de la capitulation face à l’homme. Et plus que tout, elle  rêve d’indépendance et craint l’amour charnel avec tout ce qu’il représente. Elle utilise le viol mythique de son aïeule pour haïr  tous les hommes…C’est un  être féroce mû par la vengeance « Je venge sur vous, cette pureté, ce cri et cette mort ! » Ironiquement,  la princesse a sauvagement  besoin de  victimes  expiatoires   pour parvenir à accepter la part féminine  d’elle-même qu’elle renie. L’interprète de Turandot est Tiziana Caruso, un rôle qu’elle maîtrise totalement.

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Le metteur en scène José Cura, incarne avec flamboyance le prince sans nom. José Cura est passé maitre à la fois dans le chant, la direction d’orchestre, la mise en scène et la scénographie.  Calaf, dont personne ne connaît l’identité, résoudra les trois énigmes mais ne veut pas forcer la glaciale beauté à qui il lance lui aussi un défi : il s’avouera vaincu et acceptera la mort si Turandot  réussit à découvrir son nom, ce dont elle ne doute nullement: elle possède toutes les armes de torture pour faire avouer le moindre de ses sujets.  Lui - péché d’orgueil ? -  ne veut recevoir la princesse que par amour. Il est sûr de sa victoire et bouillant d’impatience.  

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Une  seule personne connaît ce nom : l’esclave Liù, amoureuse de Calaf «Parce qu’un jour, dans le palais, tu m’as souri ! ».Elle est fragilité, innocence et  sincérité.  Elle se trouve dans la foule, avec son maître, un vieillard,  le roi détrôné Timur (Luca Dall’Amico), père de Calaf. Une foule bruissante comme en Chine,  qui commente, admire et  se repaît d’imprécations, comme dans la tragédie grecque.  Le  fameux air de Calaf Nessun Dorma  atteste que personne à Pékin n’est autorisé à dormir, sous peine de mort tant que le nom du prince  ne sera révélé. La tension est au maximum. Liù, la jeune esclave se sacrifie pour l’homme qu’elle aime. C’est  l’exquise Heather Engebretson,  jeune soprano américaine, diplômée de la célèbre Julliard School qui l’incarne. Liù est symbole de pureté, de bonté et de beauté morale. Archétype du sacrifice par amour. Celle par qui la malédiction familiale peut être vaincue.

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 Les magnifiques éclairages d’Olivier Wery font vivre cette cité impériale légendaire,  plantée en bord de scène,  d’enfants de notre siècle -  une quarantaine d'enfants de la Maîtrise de l'opéra-  qui construisent des maquettes, dessinent, peignent, dorment et chantent … sous le regard attendri d’un professeur-mandarin (Roger Joachim). Une façon élégante et astucieuse  de relier deux époques, de montrer que les enfants gardent cette capacité de voyager dans l’imaginaire, de  souligner  que tout ceci est un conte  mais que les contes ont toujours une morale!  La morale, c’est la jeune et bouleversante  Liù qui la détient : « Liù, bonté, pardonne et oublie ! »  Et Timur,  en habits noirs la suit dans le couloir de la mort « pour attendre à ses côtés, la nuit sans le matin. »

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"La Traviata" de Verdi à L'OPERA DE LIEGE

 Dans l’immense jardin de Dieu, Violetta, la courtisane au grand cœur, devenue ange, priera pour le  destin de son aimé qu’elle supplie d’être heureux et d’épouser une  jeune élue au cœur pur! Un rôle interprété par l’exquise soprano roumaine, Mirela Gradinaru. Dernière étape étonnante d’une vie peu à peu tournée vers l’altérité, dans le plus profond oubli de soi, voilà le destin de la dame aux Camélias, Marguerite Gautier, alias Violetta chez Verdi. Le plateau étouffe sous les cœurs de roses rouges qui tapissent le décor kitsch des lieux de perdition parisiens. Elle appartient depuis le plus jeune âge au monde de la noce, du jeu, de la danse, de la musique légère et des plaisirs du palais. Libre et prisonnière à la fois.  Son univers : l’immense lit rococo peuplé de poupées où se déroulent des bacchanales, puis un lit double,  blanc comme un nuage où son amant  a rencontré le ciel « Vivo quasi in ciel », puis hélas, ce lit étroit sous une lumière de vase verte où elle est  consumée par l’immonde phtisie,  antichambre de cette grotte lumineuse de la mort prête à l’engloutir.

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Face à cette âme généreuse qui instinctivement ne vit que par l’Amour, il y a l’orgueilleux Giorgio Germont,  interprété par  Mario Cassi. C’est le père omnipotent de son amant, qui représente  l’égoïsme bourgeois et les apparences d’une société totalement irrespectueuse des vrais sentiments, moralisante à l’excès, hypocrite en diable, osant même  prendre à témoin le Dieu du jardin des âmes bienheureuses quand cela l’arrange. Ce drame de Verdi est une critique fervente de la bigoterie, du « moralisme », ancêtre du « politically correct »? « Through the keyhole », les regards épient, trahissent, accusent et condamnent. Le trou de serrure à travers lequel se joue l’action est symbolique du voyeurisme qui imprègne  la société. Si le chœur en habits noir  du 19e est parfois fort statique, coincé dans des fauteuils comme au spectacle, c’est qu’il doit remplir son rôle de voyeurs avides et malsains et nous tendre le miroir pour dénoncer le phénomène. De tous côtés, la brûlante Violetta est cernée par les regards, et sa voix, tour à tour, tendre, dramatique et héroïque ne peut que susciter des vraies larmes. La passion de la jeune Violetta est plus que douloureuse, elle est injuste et cruelle. Dès le deuxième acte elle s’est convertie à la Vie, renonçant à ses plaisirs futiles, elle est ce personnage qui a failli et qui, seule contre tous, trouve en elle la force de la rédemption! La dévoyée, la Traviata a l’envergure d’une martyre dans la forteresse de sa foi en l’amour ! Tout comme la véracité de ses sentiments, Violetta impressionne par la véracité de son jeu et souplesse de sa voix après l’échauffement du premier acte.

 La mise en scène expréssément bourgeoise de Stefano Mazzonis Di Pralafera  autorise quelques distractions, car Verdi s’amuse avec des rythmes  populaires de valses, polka, galops, une danse de gitanes, une danse de matador, et une séguedille qui allègent un peu la tension dramatique. Les costumes sont griffés Kate Tilley et son équipe. L’orchestre sous la baguette de Francesco Cilluffo épouse magistralement le drame sans sombrer dans le pathos ou l’exhibitionnisme : juste ce qu’il faut d’émotion, de  suspensions silencieuses,  de souffre et d’élégance. Le timbre irrésistible de Mario Cassi  souligne finement l’habileté manipulatoire de Giorgio Germont au deuxième acte (« Pura siccome un angelo ») et sa  belle prestance vole enfin en éclats quand  il se décide à dévoiler la promesse odieuse arrachée à Violetta.  L’amant, Alfredo, un peu effacé par rapport au père,  réjouit par son charme juvénile et sa voix solaire. Javier Tomé Fernàndes, qui se produit pour la première fois sur la scène de l’Opéra de Liège,  recueillera à la fin de la représentation  de réelles ovations aux côtés de Mario Cassi  et de Mirela Gradinaru.  Le jouvenceau est tout simplement craquant de spontanéité, même si l’autorité paternelle  fait de lui une seconde victime. Les rôles secondaires accompagnent lestement le trio principal avec une belle mention pour Anina, la femme de chambre de Violetta interprété par Laura Balidemau. Et qui d'autre pour incarner le protecteur jaloux de Violetta, sombre sire,  si ce n'est la belle voix  de Roger Joakim, un incontournable de la scène liégeoise...13260016_10209037828196731_1203132000821984079_n.jpg?oh=855d6dc2bdf987915ce05622c9e42df1&oe=579CABD4  

https://www.operaliege.be/fr/activites/la-traviata

Saison : 2015-2016 Durée : 2:50  Langue : Italien  Direction musicale : Francesco Cilluffo Mise en scène : Stefano Mazzonis di Pralafera Chef des Chœurs : Pierre Iodice Artistes : Mirela Gradinaru, Maria Teresa Leva, Javier Tomé Fernández, Davide Giusti, Mario Cassi, Ionut Pascu, Alexise Yerna, Papuna Tchuradze, Roger Joakim, Patrick Delcour, Alexei Gorbatchev, Laura Balidemaj         

9 Dates :

 Du vendredi, 13/05/2016 au dimanche, 22/05/2016

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administrateur théâtres

«Mitridate, cérémonie politico-musicale »

13221336_10153632774056297_8540514091759340485_o.jpgNotre présent  ne se mire-t-il pas inévitablement  dans le miroir du passé, ou est-ce le passé qui n’en finit pas de nous hanter?  Nous voici en 2016, real time,  invités dans le Nymphea Building niché dans  un immense chapiteau de 40 m de haut,  sis en bordure  de Tour et Taxis, loin du Quartier européen. Première prise de conscience : sur les  murs de la salle de concert en gradins, flottent  à contre-coeur 28 drapeaux européens: ils rêveraient d’être mieux connus du public! L’accès  en esplanade au chapiteau a  quelques ressemblances avec les bâtiments du Rond-point Schuman. Mais au pied de l’escalier, voilà  des messages,  la plupart en anglais,  des bougies des gerbes de fleurs, en témoignage de deuil. « Le roi Mithridate est mort! » Aussitôt se superposent  les images de deuil  des victimes des attaques terroristes qui nous ont tous frappés, en France comme en Belgique, et aussi celles des rassemblements de l’espoir, place de la République ou place de la Bourse. Et partout le slogan : «Save Pontus, Change Europe». Une Europe, oui, mais pas celle de l’impérialisme romain! Une Europe, oui, mais pas celle d’une dictature de droite. C’est là que se glisse une malencontreuse erreur de couleurs… car  l’impact visuel du drapeau du royaume du Pont n’est pas  sans rappeler les bannières nazies de la deuxième guerre!

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Mithridate VI, roi et despote est en guerre avec la Rome antique qui veut annexer ses territoires. Il est aussi en lutte avec ses propres démons: l’orgueil du pouvoir, l’amour déçu, la jalousie et l’absence de miséricorde. Néanmoins, effet d’admiration pour le ténor, Michael Spyres, ou de compassion pour l’imperfection humaine, ce personnage est  rendu  très attachant, car il s’oppose à une  Rome impérialiste. « Ne cédons pas face au Capitole, résistons à cet orgueil qui ne connait pas la mesure, répondons toujours par la guerre, jamais par la paix au génie altier qui prétend ravir la liberté au monde entier! » chante le chœur final (Acte 3, Scène 25) après son abdication  et non sa mort.

13221278_10153632774046297_2474660340207964144_o.jpg La belle grecque Aspasia est son épouse promise. Une très royale Lenneke Ruiten.   Elle est déjà déclarée reine mais elle est amoureuse du fils cadet de Mitridate Re di Ponto, Sifare (Myrto Papatanasiu, qui recevra des tonners d’applaudissements pour sa prestation d’une sensibilité remarquable). Il partage avec  son père  la même soif d’indépendance  politique. Son frère aîné Fernace (David Hansen), est politiquement opposé à son père et, ne jurant que par Rome, complote avec Marzio, le tribun romain. Bien sûr, lui aussi est amoureux d’Aspasia. Double conflit entre frères dont  le langage corporel et vocal est particulièrement éloquent. Son style de chant est sur le fil de la parodie, versant parfois carrément dans une voix de fausset! On doit aussi souligner la très belle prestation d’Ismène (Simona Saturova) qui personnifie la raison et la tolérance. Le parallèle entre rivalité politique et amoureuse est habilement mis en valeur par Christophe Rousset et l’Orchestre de la Monnaie. L’emploi brillant des cors en dialogue avec les voix (élément neuf apporté par Mozart par rapport à l’opéra italien) donne une réelle  résonance à l’œuvre. L’interprétation chatoyante de Christophe Rousset souligne avec fougue juvénile toutes les charges émotionnelles de la partition.

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L’aspect novateur de cette production  est de rendre le spectateur partie intégrante du jeu. A lui de repérer activement la superposition voulue entre  les codes de l’opéra et ceux de la scène politique moderne.

On finit par oublier complètement que le livret est basé sur la pièce de Racine :  il y a une  nouvelle crise au sommet suite à l’annonce de la mort de Mitridate. Sur scène, on assiste aux débats d’une réunion d’urgence round the clock  qui oppose ‘The Roman Union’ et ‘The Pontus Kingdom’. Ceux-ci veulent évidemment le Brexit, tant qu’à pousser l’actualisation jusqu’à à son breaking point!

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Au public de savourer le « feel real » d’une mise en scène à l’américaine hyper détaillée. Les moindres détails y sont: les breaking news et les live de la CNN,  les journalistes qui mitraillent, qui se bousculent, brandissant leurs micros à l’arrivée des grands pontes, les intervenants filmés en close up pendant les débats autour de la table ovale où ils siègent, chacun avec sa bouteille d’eau. La mise en scène de  Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil (« le lab ») expose toute une grammaire de la mise en scène politique : les poignées de mains assassines, les sourires toutes griffes dehors, la théâtralisation intense de la chose politique.  Rien n’a finalement vraiment changé depuis le cher William: "All the world's a stage". Hopper version 21eme siècle a-t-il encore frappé ? Chaque tableau est un éclat du miroir de notre époque.

A la recherche d’une nouvelle plate-forme citoyenne européenne, Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil ne cessent d’ironiser sur la Res Publica. Leur but avoué est d’éveiller la conscience de citoyen européen du spectateur, lui rappeler peut-être que c’est chacun de nous  qui détenons le vrai pouvoir. Susciter notre réflexion, quitte à aller jusqu’à  nous redonner le goût de l’action politique, en proposant une parodie chantante et musicale de ce que ne devrait pas être le pouvoir! Dans le miroir qu’ils nous tendent, Jean-Philippe Clarac et Olivier Deloeuil nous soufflent : « l’Europe est complexe parce que nous, les Européens, sommes complexes ! » La recherche d’harmonie passe par la polyphonie!

  

Mozart, qui écrit ce premier opera seria à l'âge de quatorze ans en 1770, témoigne d'une maturité exceptionnelle, à la fois musicale et psychologique pour exprimer les sentiments qui animent le père et ses fils et pour explorer leurs relations «compliquées».  Mozart universel, Mozart intemporel, Mozart indispensable  nous aura une fois de plus illuminés par son inventivité inépuisable, sa grâce musicale et la clarté de son propos humaniste. Le thème de « l’oubli de la vengeance » que l’on retrouvera  plus tard dans la Clémence de Titus est déjà omniprésent. Et le compositeur a à peine 14 ans…   

DATES DE REPRÉSENTATIONS

05 mai 2016 19:00:00

08 mai 2016 15:00:00

10 mai 2016 19:00:00

12 mai 2016 19:00:00

15 mai 2016 15:00:00

17 mai 2016 19:00:00

19 mai 2016 19:00:00

DISTRIBUTION
Direction musicale : Christophe Rousset
Mise en scène et costumes : Jean-Philippe Clarac & Olivier Deloeuil
Scénographie et lumières : Rick Martin
Vidéo : Julien Roques & Jean-Baptiste Beis
Collaboration artistique : Lodie Kardouss
Michael Spyres (Mitridate), Lenneke Ruiten (Aspasia), Myrto Papatanasiu (Sifare), David Hansen (Farnace), Simona Saturova (Ismene), Sergei Romanovski (Marzio), Yves Saelens (Arbate)
Orchestre symphonique de La Monnaie

Crédit photos: ©BUhlig

PRODUCTION
La Monnaie-De Munt, avec la participation de Clarac-Deloeuil > le lab

http://www.lamonnaie.be/fr/opera/578/Mitridate-Re-di-Ponto

 

Palais de la Monnaie, Tour et Taxis, du 5 au 19 mai à 19 h. A 15 h les dimanches 8 et 15 mai.

En savoir plus sur la mise en scène: L'article de Serge Martin: http://www.lesoir.be/1200985/article/culture/musiques/2016-05-04/nous-jouons-avec-codes-du-monde-politique

 

 Enregistrement Arte: http://concert.arte.tv/fr/mitridate-re-di-ponto-de-wolfgang-amadeus-mozart-au-theatre-de-la-monnaie

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administrateur théâtres

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« Tout ce qui ne me transporte pas me tue. Tout ce qui n’est pas l’amour se passe pour moi dans un autre monde, le monde des fantômes. Tout ce qui n’est pas l’amour se passe pour moi en rêve, et dans un rêve hideux. Entre une heure d’amour, et une autre heure d’amour, je fais celui qui vit, je m’avance comme un spectre, si on ne me soutenait pas je tomberais. Je ne redeviens homme que lorsque des bras me serrent ; lorsqu’ils se desserrent je me fais spectre à nouveau. »

La Mort qui fait le trottoir (Don Juan), Acte II, scène 4

Henry de Montherlant


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Un concert dans un auditoire ? Mais oui, cela nous parle et nous rajeunit!  Le concert « A Musical Feast » à l’auditoire des sciences de Louvain-La -Neuve est sold out, une assistance impatiente attend  que la fête musico-nomique  commence. Les papilles d’écoute se pourlèchent déjà même si les sièges sont un peu durs et les tablettes sans syllabus. Le programme conçu par Daniel Lipnik est une entreprise audacieuse. Il nous présente dans son splendide florilège, un périple  à travers les  correspondances : tout, pourvu que l’étreinte de la musique et de la poésie nous fasse oublier notre statut de mortels.  Ce programme regorge de poésie, d’humanité et de feu prométhéen. Les jeux de lumière pendant le concert et les applaudissements de  salle comblée en témoignent.

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 Des rubans de choristes  se placent sur le plateau exigu déjà occupé par les musiciens, enfin le chef d’orchestre, Daniel Lipnik, le sourire musical aux lèvres salue brièvement avant de lever sa baguette pour entraîner l’effectif très imposant du chœur, de l’orchestre et des solistes! Les premier rangs sont dans la proximité immédiate de la Res Musica, comme on ne l’a jamais été, les derniers rangs jouissent d’une vue de théâtre antique. Chaque pupitre est bien visible, les bois sont vifs et charmeurs, les violons enjoués et plein de bravoure dans une salle dont l’acoustique musicale n’est pas la raison première,  l’orchestration très contrastée, cohérente, ferme et joliment expressive. Les choristes déploient toute leur noblesse vocale dans leur voyage de l'ombre à la lumière.

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La pente des gradins est forte et le regard que l’on a sur les musiciens et les choristes donne déjà un certain vertige. Il y a aussi le vertige inhérent au programme qui promène l’auditeur de Virgile à Mozart, en passant par Purcell, Haendel, Gluck, Montherlant, Rimbaud : « Ma vie était un festin où s’ouvraient tous les cœurs, où tous les vins coulaient… »  . L’antiquité et ses mythes tissent des liens indestructibles avec les grandes figures de la musique classique. Quatre solistes  de tout premier plan ont lié leur art musical avec ceux-ci - une histoire d’amour, finalement.

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 Daniel Lipnik, qui dirige depuis  plus de trente ans  La Badinerie, le chœur mixte de 90 choristes à Louvain-la-Neuve, s’est adjoint  le très beau timbre et la  voix  vertigineuse et fraîche  d’Aurélie Moreels, soprano. Remarquable dans la Reine de la Nuit! Elève de Marcel Vanaud, nous l’avions applaudie en jolie veuve de 20 ans dans  l’Amant jaloux de Grétry en 2013.  Elle chante sous la direction de Guy van Waas, Parick Davin et dans des salles prestigieuses : au palais des Beaux-Arts de Bruxelles, au théâtre  des Champs-Elysées, à l’Opéra Royal de Wallonie…

 La prestation de la  mezzo-soprano Anaïs Brullez a elle aussi, été remarquable et largement applaudie. C’est elle, le courageux Orphée et son lumineux désespoir,  dans  « Che faro senza Euridice ? » Elle se produit avec l’Opéra Royal de Wallonie, De Munt, le Chœur de Chambre de Namur, le Grand-Théâtre de Verviers, la Chapelle des Minimes, Le Petit Sablon Consort, le Festival de Wallonie, le Grand-Théâtre du Luxembourg…

L’humour s’est invité en force, avec le Baryton, Kris Belligh flanqué par un ténor malicieux, Michiel Haspeslagh. Son expérience en récital et oratorio comprend les Passions et la Messe en si de Bach, Le Messie, les Requiems de Mozart, Fauré et Brahms, le Stabat Mater et la Petite Messe Solennelle de Rossini, La Création de Haydn, Italienisches Liederbuch et Winterreise. Lors de cette soirée  à Louvain-La-Neuve, c’est sans doute son interprétation du Génie du froid dans le « King Arthur » de Purcell et son duo avec Aurélie Moreels « Al fin siam liberti, la ci darem la mano » du « Don Giovani » de Mozart qui auront été les plus acclamées. 

La Badinerie a enfin démontré ses grandes qualités musicales dans  son interprétation du « Dixit Dominus » de Haendel. Dans le « Kyrie » extrait du « Requiem » de Mozart, même les instrumentistes, pris par le vertige de la prestation et la profondeur de l’intériorité, et en particulier, Bernard Guiot au clavier,  accompagnaient de leur voix  dans un même élan de ferveur solidaire.

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Liens utiles:

http://www.labadinerie.be/

http://gdegives.wix.com/eclecticsingers#!mezzo-sopranes/cknc

  

     

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administrateur théâtres

Une des oeuvres majeures de la musique sacrée française du XIXème

Oratorio commandé à Théodore Dubois (1837-1924), maître de chapelle à l'Église Sainte-Clotilde à Paris pour le vendredi saint, « Les sept paroles du Christ » ont connu un vif succès à la fin du XIXe et au début du XXe siècle et sont  toujours chantées, aux États-Unis et au Canada aujourd'hui, spécialement pendant la Semaine sainte. Plutôt délaissé au XXe siècle, ce compositeur est l’auteur de plus de 500 œuvres de musique romantique française. Cet oratorio était dédié à l'abbé Jean-Gaspard Deguerry, curé de la Madeleine, fusillé en 1871 par les Fédérés à la prison de la Roquette. Théodore Dubois a assuré la direction du Conservatoire de Paris , de 1896 à 1905, succédant à Ambroise Thomas et précédant Gabriel Fauré.


Avec la permission de la famille, Anthony Vigneron, maître de chapelle à l’abbaye de la Cambre, a reconstitué suite à un long travail de 4 ans la version orchestrale originale de l’œuvre qu’il a présentée ce 10 mars 2016 à L’Abbaye de la Cambre, avec l’ensemble vocal de l’Abbaye de la Cambre et l’ORCW. La partition originale ayant disparu il a fallu reconstituer l’œuvre prévue pour « un quintette à cordes, une flûte, un hautbois, une clarinette, un basson, un cor, trois trombones, une harpe, une paire de timbales et l’orgue.»

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Une émotion palpable circule  dans l’église remplie d’un bout à l’autre, jusqu’au chœur. Dans l’assistance, les descendants du compositeur. Pour la première fois un petit fils écoute la musique réorchestrée de son arrière-grand-père: Francis et Pénélope sont venus exprès de Montpellier. Le concert s’ouvre sur les frémissements bienveillants du  "Pie Jesu" de Théodore Dubois pour chœur a cappella qui subjuguent l’assemblée et la plongent dans un climat de spiritualité intense. C’est alors qu’a lieu une dramatisation fracassante de l’oratorio en français sur le mode de la tragédie antique. Sombre et dramatique. Paroles cueillies aux quatre coins des Evangiles elles disent la trahison, la souffrance, l’infamie de la passion du Christ, l’injustice insupportable de ce que l’humain peut subir de pire. Le père Jacques t’Serstevens soulignera qu’à l’instar de la tradition orthodoxe, cette œuvre souligne que le Christ est aussi « Souverain de la miséricorde jusqu’à pardonner à ses bourreaux, ouvrir les portes du Paradis au larron, confier sa mère à son disciple, pardonner aux cœurs fermés par l’ignorance, traverser dans une espérance confiante le silence même de Dieu. »


Tout est consommé avant même les premières mesures de l’Oratorio, on est prêt pour l’écoute du texte latin enlacé à une orchestration riche, élégante et passionnée. Une entrée dans le Paradis. Les lignes mélodiques sont bien dessinées, la richesse des sonorités se déploient avec exaltation et grande générosité. Les divers instruments sont bien équilibrés, la harpe est divine, les cuivres ont des sonorités éclatantes et les effets des percussions sont cinématographiques. Lumineux et dramatique. Les cordes décrivent la lumière rayonnante. La soprane, Julie Calbète met toute sa nature spontanée au service de l’œuvre. Si elle articule sa douleur profonde devant la passion de Jésus, elle apparaît comme transfigurée par une joie intérieure, enchantée et vibrante de lumière. Aucun artifice, aucune vanité, elle a dénudé son âme dans ses phrasés naturels et fait briller l’espérance. Le chœur, composé de choristes professionnels, est immobile au fond du plateau et crie vengeance. Il fait œuvre de brutalité organisée. Sa haine et sa soif de sang sont tranchantes. Il exprime  la joie mauvaise de la puissance justicière, l'exultation vengeresse devant le bouc émissaire. Face au chœur, Marcel Vannaud, le baryton apparaît, comme le porte-voix du Seigneur Dieu, dans toute sa solidité et sa fragilité à la fois. Impressionnant de présence, de sérénité communicative, il est d’une justesse parfaite dans tous les registres de la compassion, il renvoie en continu une image apaisante de l’amour et de douceur infinie. Ce qu’il chante, c’est le projet et l’avènement d’un autre homme, capable de surmonter la haine.

L’assistance est exaltée par l’urgence d’une telle musique, traversée par l’énergie bouillonnante du chef d’orchestre qui fait œuvre de transmission dans tous les sens du terme. Anthony Vigneron se donne tout entier, non seulement à l’orchestre dans sa globalité mais à chacun en particulier, à chaque instrumentiste et à chaque chanteur. Chacun, dans l’assistance, reçoit personnellement un cadeau humain et spirituel inestimable. La toile musicale est en effet la plus infinie qu’il soit. On peut y lire l’indicible. La foule a changé de côté et de cap, elle applaudit à tout rompre et « Le cantique de Jean Racine » de Fauré donné en bis achève le programme sur le sourire intérieur dans le cœur de chaque participant à cette inoubliable soirée.

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440px-Bmr_41_theodore_dubois_musica.jpg?width=220Orchestre Royal de Chambre de Wallonie,
Ensemble Vocal de l’Abbaye de la Cambre
Anthony Vigneron, direction musicale
Julie Calbète, soprano
Ivan Goossens, ténor
Marcel Vanaud, baryton
Mathias Lecomte, Orgue

Concert organisé par l’A.S.B.L. « Les Grandes Heures de la Cambre »

Liens utiles :

http://www.theodoredubois.com/biographie

http://www.lesgrandesheures.be/

http://www.orcw.be/events/les-grandes-heures-de-la-cambre/

interview: http://www.rtbf.be/musiq3/emissions/detail_l-odyssee/accueil/article_anthony-vigneron-les-grandes-heures-de-la-cambre?id=9234635&programId=8774

Enregistrement par le Grand Chœur de Montréal: http://www.allmusic.com/album/th%c3%a9odore-dubois-les-sept-paroles-du-christ-mw0001847550

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administrateur théâtres

L’émotion est déjà sur le qui-vive quand  l’orchestre dirigé par Cyril Englebert, salue respectueusement le public avant de se mettre à jouer. Délicate attention ou respect ressenti pour l’auteur du personnage de Manon, la délicieuse grisette condamnée par la société, qui eut le malheur de savoir se donner?

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Entre opéra-comique et drame sentimental, la « Manon Lescaut » (1856)  de Daniel-François-Esprit Auber, celui qui écrivit aussi La Muette de Portici, est une œuvre rarement jouée de nos jours. C’est la dernière  production et la seule œuvre du compositeur se terminant  de façon tragique. Le livret se base sur la très profane œuvre de l’abbé Prévost, jugée scandaleuse à l’époque : l'Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut qui fait partie Mémoires et Aventures d’un homme de qualité qui s’est retiré du monde (7 volumes, rédigés de 1728 à 1731). Ce joyau romantique aux immenses qualités humaines  emporte l’imaginaire et  a créé une légende intemporelle de la condition humaine qui inspirera encore Jules Massenet (1884) et Puccini (1893).

manon_lescaut_site_lorraine_wauters_-_opera_royal_de_wallonie-15.jpg?itok=rvYXcg2CEn 1830 apparaît un ballet-pantomime en trois actes de Jean-Pierre Aumer,  sur une musique composée par Jacques-Fromental Halévy. Cette œuvre insiste fortement  sur la légèreté et la frivolité de la dame. Le livret  d’Eugène Scribe utilisé par Daniel Auber gommera ces aspects et ajoutera un couple modèle de la bonne société bourgeoise de l’époque : Marguerite et Gervais qui représentent des valeurs morales édifiantes. Ils gagnent leur vie honnêtement et souscrivent aux valeurs familiales du 19e siècle. «Il faut, prudente et sage, devenir une femme de ménage » ! « Le ciel récompense la sagesse, le travail et l’amour ! »  Un rôle en or pour le beau timbre de l’excellente Sabine Conzen, toute en finesse, en fraîcheur et en spontanéité. Le ténor Enrico Casari interprète un Des Grieux  très juvénile.

 

A la fois grave et légère, l’écriture orchestrale est  très équilibrée et dirigée de façon très  souple et pétillante par le jeune chef Cyril Englebert. Il est même des moments où les yeux, quittant les protagonistes,  se portent vers la fosse de l’orchestre et la baguette du maître tant la musique souligne avec charme les sentiments qui se jouent sur scène. Le jeu des différents pupitres est précis et élégant …. Complètement dix-huitième!   Le travail des bois est admirable, la harpe émerge avec grâce pour célébrer l’union mystique dans le désert, la contrebasse inquiète cerne les dernières pulsations avant la mort de la belle.  

 Dans le rôle-titre, comme il  se doit, une voix de soprano colorature,  mais moins épanouie, moins charnue que ce que l’on pourrait rêver, sans doute à cause de la difficulté de la  diction française pour une jeune asiatique. Si la sentimentalité est quelque peu retenue par le masque poli du sourire, la technique des vocalises volatiles est superlative dans les cinq solos qui se  fondent en  chants d’oiseaux en délire: de la grive à la fauvette des jardins, en passant par les  timbres ludiques  du rossignol. La Manon interprétée par la coréenne Sumi Jo est peu passionnée ou voluptueuse, mais accroche par une technique d’acier trempé! Très malicieuse dans l’air des éclats de rires.  La dernière scène où Manon, changeant d’hémisphère, est  sauvée d’un tigre sauvage par Des Grieux, est splendidement interprétée. Elle est anéantie par le ciel en feu et meurt de soif dans un désert en Louisiane. Elle implore Dieu pour qu’il jette sur le couple un regard favorable «  Tu fis du repentir la vertu favorable, pardonne-nous! »  Vêtue  de la robe de mariée  de Marguerite, elle attendra son compagnon d’éternité au ciel, « Comme un doux rêve, ce jour s’achève… » murmure-t-elle sans pathos, toute à la volupté de l’amour et à l’art de la chanson.  Elle a cessé de vivre ici-bas, c’est ce que semble nous dire l’image de son corps épanché comme une larme sur la gravure d’une carte de la Louisiane en page de garde d’un immense livre ouvert vers le ciel. Un tableau inoubliable.

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Quelques frustrations cependant pour les textes parlés : la distribution pèche un peu par la disparité des  accents sauf bien sûr celui de Roger Joachim qui installe un  fieffé Lescaut, cousin de Manon,   joueur et profiteur, très fier en jambes et en voix. Le deuxième solo, lourd d’émotion,  du Marquis D’Harpigny (Wiard Witholt) est bien sombre et menaçant, enfermant la pauvrette dans un chantage crapuleux et machiste. La gargotière, haute en coiffure, Madame Bancelin, est interprétée avec superbe par Laura Balidemaj et pose le décor social. Très beau réalisme des costumes signés Giovanna Fiorentini. Les Chœurs de l’Opéra royal de Wallonie  sont dirigés par Pierre Iodice. Ils mettent bien en valeur la hargne des foules avides de boucs émissaire, alors que le marquis, succombant aux blessures infligées par Des Grieux, a pardonné aux amants.

La mise en scène très habile de Paul-Emile Fourny et les décors de Benoit Dugardyn  réussissent à capter l’éternité de la légende de Manon, car le point de départ  est une superbe bibliothèque 19 ème   sous des arcades de style Eiffel, fréquentée par des collégiens 20 ème   en uniformes que l’on dirait anglais, penchés sur  quelques portables 21 ème dans la salle de lecture antique, tandis que d’autres fouillent les rayons à la recherche d’un livre 18ème . Quelques meubles vont et viennent, l’action se trame, la Louisiane apparaît et l’histoire se clôt sur la vision de cette jeune  étudiante éternelle qui remet délicatement dans les rayons le livre de l’abbé Prévost.

Au retour, résisterez-vous à l’envie de  fouiller votre propre bibliothèque et d’exhumer l’édition de vos années d’adolescence en format poche N°460 présenté par Pierre Mac Orlan?

DIRECTION MUSICALE : Cyril EnglebertMISE EN SCÈNE : Paul-Emile FournyCHEF DES CHŒURS : Pierre IodiceARTISTES : Sumi JoWiard WitholtEnrico CasariRoger Joakim,Sabine ConzenLaura BalidemajDenzil DelaerePatrick Delcour

NOMBRE DE REPRÉSENTATIONS : 5 DATES : Du mardi, 12/04/2016 au mardi, 19/04/2016

 http://www.operaliege.be/fr/activites/operas/manon-lescaut

Et  le live, dès le 15 avril sur Culturebox : http://culturebox.francetvinfo.fr/festivals/opera-royal-de-wallonie-liege/manon-lescaut-d-auber-opera-royal-de-wallonie-237369

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administrateur théâtres

LA SCALA DI SETA, rythmique endiablée pour intrigue amusante à L’Opéra de Liège

Gioachino Rossini

 : 

La scala di seta
("L'échelle de soie")

 


12273151294?profile=originalAprès le succès de
« La Cambiale di matrimonio », en 1810 - le jeune Gioachino Rossini avait à peine 18 ans, Antonio Cera – directeur du Teatro San Moisè de Venise, décida de faire à nouveau appel  à Rossini pour la réalisation de quatre farces supplémentaires: « L’inganno felice », « La Scala di seta », « L’occasione fa il ladro » (1812) et « Il Signor Bruschino » (1813). Le public vénitien qui a assisté au succès de LA SCALA DI SETA du compositeur le 9 mai 1812 n’a pas manqué de remarquer que le sujet de l’œuvre était fort similaire à celui de « Il Matrimonio segreto » (Domenico Cimarosa) dont le succès à Vienne en 1792   avait été  immédiat et retentissant.  Du modèle théâtral français, le livret en conserve les caractéristiques d’une dramaturgie construite autour de l’intrigue dans laquelle sont impliqués les personnages, sans développer outre mesure leur portrait individuel. Par contre, pour les situations comiques, c’est le principe de la farce à l’italienne qui s’applique s’attelant à faire jaillir des personnages l’aspect giocoso, à travers le contraste social qui s’exprime dans les différences linguistiques et dialectales. Ici, le thème du mariage clandestin sert de toile de fond. Elle est composée d’imbroglio sentimentaux, et de rebondissements souriants. Rossini et le librettiste, Giuseppe Marie Foppa, ont construit un mécanisme théâtral parfait où la musique, dont le rythme soutenu invite à la joie, cède parfois le pas, par jeu uniquement, à la langueur sentimentale d’une aria, qui permet à la voix de se déployer dans toutes ses nuances, élégiaques et acrobatiques. Pour le reste, le dynamisme prend le dessus dès la très célèbre symphonie d’ouverture, pétillante et d’une fraîcheur mélodique séduisante. 

 

Christopher Franklin assurera la direction musicale. Ce sera l'occasion de découvrir, pour la première fois à Liège, Damiano Michieletto, metteur en scène de renommée internationale. Une belle équipe (avec Julie Bailly et Laurent Kubla)  qui donnera toute son envolée comique à cette œuvre, garantissant au public un moment joyeux dont on espère, tout comme lors de la création, qu'il fera naître dans la salle des sourires, voire des éclats de rire. Vous avez dit : opera buffa ?

 

L'histoire: 

Opéra en un acte: 
On se trouve dans les appartements de Giulia la pupille de Dormont. Elle voudrait se débarrasser de la  surveillance jalouse  de Germano, le serviteur de son tuteur, domestique bouffe qui est amoureux d'elle. La jeune fille, en dépit de l'opposition de Dormont, a secrètement épousé Dorvil et chaque nuit, elle le reçoit en secret  grâce à une échelle de soie. Il faut qu'elle permettre au jeune marié, caché dans l'une des armoires adjacentes, de quitter la chambre. Germano est sur le point de sortir, quand Lucilla, sa cousine se présente.

Enfin seul avec Julia, Dorvil avoue être préoccupé par l'arrivée de son ami Blansac jeune prétendant que le tuteur lui veut pour mari. D'abord inquiet puis rassuré par ses serments d'amour, Dorvil saute du balcon juste à temps pour éviter d'être vu par le tuteur. Les événements se précipitent et Giulia doit concevoir un plan pour se débarrasser du prétendant qu'on voudrait lui imposer. Le mieux serait qu'il tombe amoureux de Lucilla. Dorvil brûle néanmoins de jalousie. Lucilla et Blansac tombent amoureux l'un de l'autre, mais Germano continue de semer le trouble dans les couples et fait presque échouer les plans de Giulia... À minuit, la fuite de Giulia et Dorvil est interrompue par l'arrivée  inattendue  de Blansac et de Germano. Dormont se réveille, et les deux amants n'ont plus qu'à lui révéler la vérité. Dormont leur pardonnera voyant que Blansac est amoureux de Lucilla. Il donne son consentement aux épousailles. 

Dates: 

Du vendredi, 11/03/2016 au samedi, 19/03/2016

Distribution

Chef d'orchestre  

Christopher Franklin

Metteur en scène  

Damiano Michieletto

Décors, Costumes  

Paolo Fantin

Lumières  

Alessandro Carletti

 

~

Giulia   

Mariangela Sicilia

Dorvil   

Ioan Hotea

Germano   

Filippo Fontana

Dormont   

Federico Buttazzo

Blansac   

Laurent Kubla

Lucilla   

Julie Bailly

 

Orchestre: Opéra Royal de Wallonie/ Production: Rossini Opera Festival

http://www.operaliege.be/fr/activites/operas/la-scala-di-seta

 

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administrateur théâtres

12273150671?profile=original17 et 21 février ’16 — 20:00

ADRIANA LECOUVREUR

Le sujet est puisé dans la rivalité, historiquement authentique, qui opposa la Princesse de Bouillon et la fameuse actrice Adrienne Lecouvreur, célébrée par Voltaire. Opéra en quatre actes, musique de Francesco Cilea, livret de Arturo Colautti, d'après la pièce Adrienne Lecouvreur (1849) d'Eugène Scribe,  l'un des auteurs dramatiques les plus joués du XIXe siècle, en France et dans le monde.  Créé à Milan, au Teatro Lirico, le 6 novembre 1902. Eugène Scribe est aussi l’auteur du livret de « La Muette de Portici ». Suite à une représentation en août 1830 de cet opéra à Bruxelles, des troubles éclatèrent qui allaient, quelques semaines plus tard, conduire à notre Révolution belge.

Un personnage réel

Fille d'une blanchisseuse et d'un ouvrier chapelier (Robert Couvreur, homme violent et alcoolique), elle vient à Paris, son père s'établissant dans le voisinage de la Comédie Française. Après être confiée aux filles de l'instruction chrétienne, Adrienne Couvreur intègre une petite troupe de comédiens. Elle séduit un officier de la garnison, Philippe Le Roy, avec qui elle a une petite fille, Élisabeth-Adrienne, baptisée le 3 septembre 1710. Adrienne se fait remarquer lors de ses débuts dans la cour de l'hôtel de Sourdéac. Le doyen de la Comédie Française Le Grand s'entiche d'elle, lui donne des cours de diction et ajoute un article à son patronyme qui devient Lecouvreur. Elle entre dans la troupe de la Comédie-Française et y joue pour la première fois dans Mithridate de Jean Racine le 14 mars 1717. Elle veut jouer Célimène dans Le Misanthrope, mais doit y renoncer, le public refusant de la voir dans un rôle de comédie tant elle excelle dans la tragédie. Elle innove en renonçant à la diction chantante traditionnelle dans la tragédie et adopte une déclamation « simple, noble et naturelle ».Elle collectionne les amants : elle a en 1720 une liaison amoureuse avec Maurice de Saxe, ce qui lui vaut la haine fatale de sa rivale, Louise Henriette Françoise de Lorraine, duchesse de Bouillon, femme d'Emmanuel-Théodose de La Tour d'Auvergne, et avec Voltaire dont elle interprète plusieurs tragédies. En 1730, sa santé se délabre ; elle s'évanouit pendant une représentation. Elle fait encore l'effort d'interpréter Jocaste dans l'Œdipe de Voltaire, mais meurt peu après. Le bruit court qu'elle a été empoisonnée à l'instigation de la duchesse de Bouillon. Voltaire demande une autopsie, dont les résultats ne sont pas concluants. Les comédiens étant frappés  d’excommunication, l'Église lui refuse un enterrement chrétien. Elle est donc enterrée à la sauvette par des amis du maréchal de Saxe et de Voltaire, dans le marais de la Grenouillère (actuel Champ de Mars). Voltaire, scandalisé, exprime son indignation dans le poème La Mort de Mlle Lecouvreur :

Et dans un champ profane on jette à l'aventure
De ce corps si chéri les restes immortels !

Dieux ! Pourquoi mon pays n'est-il plus la patrie
Et de la gloire et des talents ?
 

Paris, 1730. Adrienne Lecouvreur, célèbre actrice de la Comédie-Française, affronte une forte concurrence sur scène et en amour. Sa vie mouvementée se termine prématurément, dans des circonstances suspectes – une fois de plus, le monde impitoyable de l’art a détruit une âme pure. Cette histoire réelle a inspiré à Scribe et Legouvé une pièce de théâtre à succès qui, un demi-siècle plus tard, devient Adriana Lecouvreur, le chef-d’oeuvre de Francesco Cilea. Sa partition vériste offre un mélange entre la spontanéité mélodique de l’école napolitaine et l’écriture harmonique et orchestrale raffinée de facture française. « En art, l’italianità a toujours été la norme pour moi : certes modernisée, mais jamais étouffée ni déformée », tel est le credo artistique de Cilea. L’italianità est entre de bonnes mains avec le chef Evelino Pidò, fougueux défenseur de ce répertoire.

12273150689?profile=originalCOMPOSITEUR ET ŒUVRE 

En 1717, une jeune comédienne du nom d’Adrienne Lecouvreur entrait à la Comédie-Française et devenait une des meilleures tragédiennes de la troupe. Elle devenait également la maitresse du Maréchal de France Maurice de Saxe, ce qui devait lui vouer la haine implacable de sa rivale, la duchesse de Bouillon. Sa fin prématurée incita Voltaire à réclamer une autopsie sans résultat probant. De ce fait divers authentique, Eugène Scribe et Ernest Legouvé devaient tirer des décennies plus tard, en 1849, une pièce de théâtre qui inspira au compositeur italien Francesco Cilea (1866-1950), touché par la « variété de l’action et le mélange du comique et du dramatique ainsi que par l’amour passionné des protagonistes », son quatrième opéra Adriana Lecouvreur. Au contraire de nombreux contemporains, Francesco Cilea n’est pas un auteur prolifique. S’il fait preuve d’un talent précoce pour la musique qui le fait admettre au Conservatoire de Naples dès l’âge de 15 ans, il compose peu pour le genre lyrique et bien qu’il ait vécu jusqu’à l’âge de 90 ans, il cesse définitivement après 1907. Ses biographes attribuent la mélancolie qui habite souvent ses compositions au choc profond ressenti à la mort prématurée de ses parents. Il mène en parallèle sa carrière de compositeur et de professeur et directeur de conservatoire, et meurt en solitaire à Varazze où il s’est retiré.

Ecrite en 1899, Adriana Lecouvreur est une version romancée de la vie de la tragédienne, un imbroglio d’épisodes et de drames amoureux qui se clôt sur un dénouement fatal. Amoureuse de Maurice qu’elle croit être officier du comte de Saxe, Adriana est aimée sans espoir par son directeur Michonnet. Le prince de Bouillon est l’amant d’une autre actrice, la Duclos, elle-même servant d’entremetteuse entre le comte et la princesse de Bouillon ! Le drame va se nouer au cours d’une fête organisée par le prince et, de nombreuses péripéties plus tard, la rivalité entre les deux femmes touchera à son comble quand la princesse, par dépit, enverra des fleurs empoisonnées à Adriana qui s’éteindra dans les bras de son amant.

L’opéra est créé à Milan, au Teatro Lirico, le 6 novembre 1902 avec le grand Caruso dans le rôle du comte de Saxe, et Angelica Pandolfini dans celui d'Adriana. Mais c’est Magda Olivero, grande soprano éteinte récemment à l’âge de 104 ans, que le compositeur considérera comme l’interprète définitive de son personnage, au point de lui demander en 1951, alors qu’elle s’est retirée de la scène depuis 10 ans, de reprendre le rôle. 

Bien que le livret soit parfois confus, de nombreuses péripéties secondaires venant perturber l’intrigue principale, il n’en reste pas moins que Cilea a écrit là un puissant mélodrame conjuguant habilement romantisme et vérisme. Son style mélodique très napolitain se teinte d’influence française. L’orchestration est limpide et l’écriture vocale très nuancée, de la légèreté brillante de l’opera buffa à l’expression la plus profonde du drame. Cilea utilise des motifs récurrents qui viennent caractériser chaque personnage, une cantilène passionnée et juvénile pour Maurizio, et, opposé au motif sombre et rythmé de la princesse de Bouillon, le thème tendre, mélancolique et emprunt de spiritualité d’Adriana. De l’air d’entrée au final, les arias de l’héroïne transmettent une émotion qui bouleverse toujours.

Texte D’Isabelle Pouget 

ORCHESTRE SYMPHONIQUE et CHŒURS DE LA MONNAIE

Evelino Pido direction – Martino Faggiani chef de chœur – Lianna Haroutounian Adriana Lecouvreur – Leonardo Caimi Maurizio – Daniela Barcellona La Principessa di Bouillon – Carlo Cigni Il Principe di Bouillon – Raúl Giménez L'Abate di Chazeuil – Roberto Frontali Michonnet – Maria Celeng Madamigella Jouvenot – Maria Fiselier Madamigella Dangeville – Alessandro Spina Quinault – Carlos Cardoso Poisson – Bernard Giovani Un Maggiordomo

http://www.lamonnaie.be/fr/opera/574/Adriana-Lecouvreur-in-concert

                                                                              REPRÉSENTATIONS

17 Février 2016  20:00

21 Février 2016  16:00

 

PALAIS DES BEAUX-ARTS

 

PRODUCTION La Monnaie / De Munt, CO-PRÉSENTATION Bozar Music

 

INFO & BILLETS | + 32 2 229 12 11 - MMTickets, 14 rue des Princes, 1000 Bruxelles - www.lamonnaie.be - tickets@lamonnaie.be

REPRESENTATIONS : PALAIS DES BEAUX-ARTS | + 32 2 507 82 00 - 23, rue Ravenstein, 1000 Bruxelles - www.bozar.be

 

INTRODUCTION | Une demi-heure avant les spectacles

 

DIFFUSION RADIO | Musiq’3 (date à préciser) et Klara (samedi 26 mars 2016) 

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administrateur théâtres

Une soirée et deux opéras en un acte. Couleurs, beauté et endurance!  Deux époques de styles farouchement différents mais  qui  exploitent  avec exaltation le thème  de la femme délaissée de tous temps. Deux destinées, deux actes de solitude.

Dans la première œuvre, « Il Segreto di Susanna » d’Ermanno Wolf-Ferrari,  l’homme (un fougueux Vittorio Prato) , vaque à ses occupations diurnes et nocturnes mais il est miné par  une  jalousie …risible. Dans la seconde, « La Voix humaine » de Poulenc,  l’homme est carrément absent, il a  fui celle qui l’aime à en mourir, pour vivre sa vie.  Les deux femmes vivent confortablement dans des intérieurs élégants intemporels,  mais comme elles se morfondent!

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 L’une  se découvre une passion qui enfin l’arrache  à l’ennui et l’affaire ne se termine pas trop mal  dès le moment où elle réussira à partager ses divagations avec l’homme qu’elle aime. Pathétique quand même,  la force de l’addiction,  qu’il s’agisse de cigarettes ou de drogues dures!  

L’autre, ivre de solitude et de désespoir, souffre de dépendance psychologique  pour l’homme qui l’a abandonnée. Une addiction non moins néfaste.  « Elle » est à deux doigts de se donner la mort pour cesser de souffrir. Elles sont toutes deux meurtries profondément par l’abandon, y en aurait-il une plus heureuse que l’autre?  

Et les voilà rassemblées  en une seule  et magnifique interprète : Anna Caterina Antonacci, une chanteuse lyrique  au palmarès exceptionnel  qui  réussit à sculpter les deux situations avec une immense sensibilité. Elle possède une virtuosité et une expressivité vigoureuse pour affronter ce grand défi pour toutes les grandes chanteuses que cette création lyrique  de « La voix humaine » de Francis Poulenc. Un mélange palpitant de voix parlée et chantée, entre violence des sentiments et  soumission. Le jeu scénique est d’une mobilité extraordinaire. De nombreuses séquences a capella font penser à une lente mise à nu de la victime.

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 Impressionnant travail de mise en scène et de lumières de Ludovic Lagarde et de Sébastien Michaud. Le décor épuré est de la main d'Antoine Vasseur.  Le passage d’un  opéra à l’autre est très subtil. De la bonbonnière vibrante de lumières pastel,  finement époussetée par un  fidèle domestique (qui rappelle quand même le salon bourgeois 19e), on passe à un moulin moderne aseptisé. La solitude éblouissante se déploie comme un sablier sur une scène tournante. Le logement d’origine  a été  démultiplié en trois pièces rutilantes de blancheur : hall, chambre et salle de bain couv’de mag’. Le progrès  et le  confort sont visibles.  Mais dans ce paradis artificiel, pulse partout   un  regard féminin affolé dont on peut lire  l’évolution des émotions  intérieures   sur le visage de  la femme en close-up projeté sur des écrans années 2000. Le souffle d’ Hitchcock semble souffler quelque part et  l’héroïne désenchantée promène son mal-être de pièces en pièces, attachée au fil sans cesse brisé de sa conversation!  L’utilisation d’un téléphone avec standardiste a quelque chose  de surréaliste dans tant de modernité. On est hanté par une image plus probable dans ce décor, celle d’un téléphone portable, addiction des temps modernes et modèle même de notre solitude à nous qui voulons à tout prix « rester connectés ».

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La standardiste est rendue vivante par  les instruments de l’orchestre sous l’élégante direction  de Patrick Davin. Le harcèlement  du piano lui rappelle la douleur de l’homme absent. Et ce sont des petites morts chaque fois que la ligne se coupe. Un enchaînement de ruptures et de brisures.  Le talent  de la  chanteuse réveille dans notre imaginaire un fondu enchaîné  de mille et une femmes éplorées, bafouées, totalement dépendantes. Dans ses poses, ses postures, son jeu tragique  elle  nous rappelle les souffrances et la tendresse excessive de grandes figures de l’histoire du cinéma  telles qu’Ingrid Bergman, Marilyn Monroe, Romy Schneider…

Si on rit de bon cœur dans le premier opéra « Il Segreto di Susanna », œuvre cocasse et divertissante - l’intermezzo fut  joué pour la première fois à Munich  en décembre 1909 -  il en est tout autrement dans le deuxième opéra où l’on assiste à une descente vertigineuse en enfer.

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 L’enfer c’est les Autres, l’absent, l’homme en fuite qui n’a laissé derrière lui qu’une femme épuisée, vidée de toute substance.  Cette  vaillante voix humaine  féminine  brave pendant 40 minutes,  et seule, l’orchestre omnipotent  dans ce  jeu de massacre conjugal. C’est moderne et réaliste.    Son combat  tragique bouleverse. Sauf si, reprenant soudain pied dans notre  réalité, on se prend à soupeser les avancées du combat féministe. La déchirante héroïne  ne serait-elle pas  d’une autre ère, espère-t-on avec soulagement, question de créer  un peu de distance avec l’intensité presque insoutenable du  spectacle.

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Mais on ne peut s’empêcher de se dire avec anxiété qu’il n’y a que dans les couches aisées et éduquées de la population occidentale que  les femmes peuvent se targuer d’être enfin libérées. Partout autre part, elle reste  un objet de plaisir, une valeur d’échange, un signe de richesse, une  simple procréatrice,  un  sujet de convoitise que l’homme traite à sa guise. Le malaise reste entier, si on pense à cette  autre moitié du monde, niée, foulée aux pieds, séquestrée, emprisonnée dans des codes immondes, lapidée dans certaines parties du monde. Et donc un regain d’amertume s’ajoute au fiel démoniaque dont est cousue cette oeuvre méconnue de Francis Poulenc créée en 1959 pour son égérie Denise Duval, à qui on vient de rendre hommage tout récemment, à l’occasion de sa disparition.

 

secret_de_suzanne_voix_humaine_-_site_opera_royal_de_wallonie_-_lorraine_wauters-18.jpg?itok=96KRXE2D&width=452Direction musicale : Patrick DAVIN

Mise en scène : Ludovic LAGARDE

 Décors : Antoine VASSEUR

Costumes : Fanny BROUSTE

 Lumières : Sébastien MICHAUD

Vidéo : Lidwine PROLONGE

Production Opéra Comique Coproduction Opéra Royal de Wallonie-Liège / Les Théâtres de la Ville de Luxembourg Partenaire associé Palazzetto Bru Zane – Centre de musique romantique française

Contessa Susanna / Elle: Anna Caterina ANTONACCI

Conte Gil : Vittorio PRATO

 Le Serviteur: Bruno DANJOUX

Et Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège

http://www.operaliege.be/fr

Crédit photos: L'opéra de Liège

http://www.operaliege.be/fr/activites/operas/il-segreto-di-susanna-la-voix-humaine

 

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