Le directeur du magnifique théâtre Tristan Bernard à Paris avait  décidé de présenter le spectacle de Thierry Debroux, Notre Dame de Paris d’après Victor Hugo,  du 7 mars au 30 juin  2020. Ils ont pu  jouer trois petits soirs, et puis … l’épidémie de Covid a  foudroyé toute  la  beauté de ce magnifique travail de transmission !

Enfin,  voici que  le 13 janvier 2022, après une longue errance à travers  les aléas du drame sanitaire mondial,  le spectacle revient sur les planches du théâtre Royal  du Parc à Bruxelles  et c’est un véritable triomphe. Musical, visuel et théâtral. 


Le texte, Notre D(r)ame, publié  aux éditions Lansman,  est  inspiré par la terrible catastrophe de l’incendie de Notre Dame du  16 avril 2019.  L’hubris démesuré de l’homme moderne fut incapable d’empêcher la  toiture, la charpente et la flèche conçue par Violet Leduc de se transformer en  brasier. Restaient seulement le désespoir des pierres,  les voix effarées des gargouilles et des chimères de la cathédrale  dont  Thierry Debroux  semble avoir pu surprendre les  mystérieuses conversations et les craintes d’une reconstruction hâtive.

 L’univers  imaginaire inventé par l’auteur est magique: les époques conversent ensemble comme si elles étaient au paradis. Le temps est  dilué, l’immortalité de l’œuvre de Victor Hugo et  de la Cathédrale, se confondent avec une histoire d’amour  contemporaine d’une jeune danseuse hip hop en mal d’amour, prête au suicide et qui n’a jamais entendu parler de la Belle Esmeralda. L’œuvre de Victor Hugo bondit  sous les yeux de la  vivante cathédrale qui trône au centre du plateau : on se gorge d’émotions à chaque tour de la cathédrale sur elle -même, entendez, chaque fois que  l’une de ses façades égrène heures et jours différents.  Non sans rappeler les façons de Monet, le  grand maître des lumières impressionnistes. Ah quelle superbe rosace !

Peut être une image de 7 personnes, personnes debout et intérieur

  

Dans une harmonie à tomber, les comédiens jouent dans la joie, avec une énergie décuplée par les privations subies depuis deux ans. On assiste à une espèce de renaissance sur ce plateau où ils se montrent franchement éblouissants.

Comme si, l’espace d’un spectacle, on pouvait jusqu’à oublier la pandémie.

Les changements de scène se font sans le moindre bruit, ils sont d’une fluidité remarquable et de même pour les passages entre le jeu et le narratif. On se trouve au cœur de l’art vivant.  Prenez le mouvement imprimé à la corde qui meut la cathédrale, ne fait-il pas  fait penser à des gestes de batelier ? Ne  sommes nous pas, à Paris ou à Venise,  tous sur une nef des fous?  A moins que l’on soit plus d’humeur à y voir le mythe de Sisyphe.

Un art consommé de la concision et de la polysémie  anime le créateur.  L’œuvre fleuve de Victor Hugo  se retrouve exposée en 1H25 SANS ENTRACTE. Tout y  est.  Oui, on est  gratifié d’un authentique  élixir de magie théâtrale.

  D’un côté, il y a le peuple de pierres séculaires, les chimères de Violet Leduc, avec  le dénommé  stryge, le « démon pensif », sous l’apparence d’un buste de femme oiseau aux yeux en escarboucles, et de l’autre les antiques gargouilles du Moyen-âge gothique. Ces impressionnantes marionnettes se font la conversation avec les voix des personnages principaux. Didier Colfs papillonne entre le détestable  prêtre lubrique Claude Frollo, le Stryge, un rat de la cour des miracles, un juge répugnant, et … un quidam de la foule des manants.  C’est un bouleversant Stéphane Fenocchi qui s’empare du personnage monstrueusement attachant de Quasimodo, il  fait la gargouille 23, se mue en corbeau maléfique avant de  rejoindre lui aussi  lui aussi la foule. Le vaniteux Phoebus, sous les traits de Mickey Bicar, se transforme en gargouille 52 , ramasse les oripeaux de Clopin Trouillefou et fait un innommable avocat de la défense qui ne trouve rien à dire.   Enfin, Marc Laurent,  le Poète Gringoire en grand échalas égaré dans la cour des miracles se glisse dans la gargouille 37 – allô mademoiselle 36-37, votre prénom c’est bien Juliette –  avant de tomber pour la très radieuse, l’incomparable Marie Phan qui  a accepté de jouer le rôle stupéfiant d’Esméralda, avec son adorable chèvre, ton sur ton avec ses jupes de bohémienne. L’énergie de ce spectacle est au zénith,  vous fait un bien fou et vous raccommode avec toute la tristesse du monde.


Dominique-Hélène Lemaire pour Arts et Lettres , le 878e billet culturel depuis la création du blog

Du 13 janvier au 12 février 2022

Théâtre Royal du Parc
Rue de la Loi, 3 1000 Bruxelles

thttp://www.theatreduparc.be
info@theatreduparc.be
+32 2 505 30 30