Irvin Yalom (°1931), professeur américain émérite de psychanalyse, a écrit une œuvre importante sur la psychothérapie existentialiste, et voici un de ses romans de fiction historique qui évoque les débuts de la thérapie psychanalytique. Les personnages historiques (1880) sont réels : le médecin viennois Josef Breuer, précurseur de la psychanalyse et ses déboires conjugaux avec son épouse Mathilde, le philosophe Friedrich Nietzsche et ses douloureuses souffrances sentimentales et le jeune Sigmund Freud et ses théories novatrices.
Michel Wright, le metteur en scène belge, a fait de la rencontre imaginaire entre Breuer et Nietzsche une adaptation théâtrale percutante. Ce spectacle fort possède une intrigue saisissante, très bien construite et extrêmement vivante. L’écriture très enlevée et particulièrement alerte pour le sujet, fourmille de réflexions intéressantes empruntées au "Gai Savoir" dont la principale est peut-être que nous sommes souvent incapables de voir dans l'autre, même dans ceux dont nous nous soucions profondément.
A travers le chantier de dialogues spirituels et passionnés, on recueille un bon nombre de perles Nietzschéennes qui ne peuvent que susciter au moment du spectacle et dans les jours qui suivent, des interrogations persistantes. La phrase la plus interpelante est sans doute « Deviens qui tu es ! » Quant à la création artistique, elle ne peut, on en a la preuve sur scène, qu’exister dans un espace de liberté.
Voici donc, tous affects dehors, un cocktail d'intelligence et de profondeur, joué avec une sincérité et une justesse effarantes. Art des nuances et de la tension dramatique poussé dans les sommets, une mise en scène éblouissante et un quatuor de comédiens sublimes! Comment font-ils pour retomber dans la vraie vie après une telle performance? La belle voix chaude et raffinée de Jean-Claude Frison et sa maîtrise théâtrale irréprochable, la présence sauvage d’Yves Classens au top du gymkana intellectuel, la présence élégante, féminine et passionnée à la fois de Rosalia Cuevas et l’étincelante complicité …admirative des plus grands, du jeune comédien Benjamin Thomas contribuent à faire de cette soirée, un brasier théâtral de toute grande envergure.
Progressivement et de plus en plus intensément, on se laisse happer par les exercices de psychothérapie en live, source de multiples rebondissements. On n’a plus qu’à se laisser porter et savourer le texte qui n’en finit pas de toucher juste, au cœur de l’humain. On rit beaucoup et souvent, alors que des plages d’émotion et d’intimité dévoilées se dessinent de façon de plus en plus dramatique. Vers la fin, on est cloué par un moment de tension impressionnant. À tout le moins, vous vous trouverez à réfléchir à de nombreuses questions philosophiques pendant que vous observez le déroulement de duels verbaux et d'expériences fascinantes d’introspection, de projection et d’aide thérapeutique où on se demande un moment qui soigne l’autre et pour quel profit. Avec à la clé, la conclusion Nietzschéenne que la véritable amitié se trouve dans la recherche commune de vérités supérieures. Et que le théâtre est un lieu révélateur de vérité.
http://www.comedievolter.be/saison-2014-2015/les-larmes-de-nietzsche/
Du 25 février au 8 mars
du Mardi au Samedi à 20h15, le Dimanche à 16h
Comédie Claude Volter 98 avenue des frères Legrain
1150 Woluwé St Pierre 02/762 09 63