L'ORCHESTRE NATIONAL DE BELGIQUE
DIMANCHE 20.10.2013 15: 00
Franz Liszt, Concerto pour piano et orchestre n° 2, S. 125
L’Orchestre National de Belgique sous la baguette lyrique d’Andrey Boreyko va nous faire découvrir ce soir le monde mystérieux de la musique d’ALEXANDRE TANSMAN avec Stèle IN MEMORIAM IGOR STRAVINSKY, une musique composée à l’annonce de la disparition de son fidèle ami. On se sent particulièrement plongés dans la tristesse et le recueillement lors des deux mouvements lents qui encadrent la séquence rapide Studio ritmico. On croirait même entendre flotter dans la mémoire des lignes mélodiques qui ressemblent au Sacre du Printemps dans l’Elégie et le Lamento final. Après des gémissements plaintifs et le hoquet très perceptible à travers des larmes difficilement contenues du premier mouvement, la stèle centrale très rythmée par une armée de percussions semble traduire la révolte devant la mort. C’est un déchaînement de colère, l’émergence d’un piccolo guerrier, l’angoisse d’une chute sans fin au fond d’un gouffre désastreux et le Silence. Le Lamento met en lumière des cuivres pacifiés, une flûte traversière sur fond de pizzicati, les perles sonores du celesta et les longs bercements sur une mesure invariable de tutti. Apaisement ou résignation? Un très bel A Dieu.
Et voici le très attendu Mateusz Borowiak, le troisième lauréat du Concours Reine Elisabeth qui nous a tant séduits par sa maîtrise, son élégance, sa finesse d’interprétation et sa créativité. Il va jouer le CONCERTO POUR PIANO ET ORCHESTRE N°2 DE LISZT. Les sons fruités des bois sont repris immédiatement avec grand respect par le pianiste, l’âme au bout des doigts. Rupture de rythme, et le voilà qui plonge dans le plaisir pianistique. C’est ce qu’on aime : ce transfert impalpable d’enthousiasme. Andrei Boreyko le suit dans sa manière d’embrocher le drame lourdement scandé par les contrebasses. L’orchestre reflète une angoisse paroxystique ? Le pianiste en rajoute puis se confond en extrême délicatesse. Des bruits d’eau, l’orchestre répond en vagues. S’en suit un dialogue émouvant avec le violoncelle qui flirte avec l’angélisme. La cadence rassemble tout ce qui peut traduire les douleurs de la condition humaine. Mais une victoire sur les angoisses semble poindre à grand renfort de trompettes lumineuses. Le piano : un orchestre dans l’orchestre ? A nouveau il est la proie de frayeurs imaginaires très communicatives. Il revient sur le thème chargé de l’imperfection humaine, livre une ritournelle de détresse qui se noie dans le chant des cordes. Mais la fin, neverending story, est la victoire sur l’obscur. L’éclatement des maillets, des archets, des cuivres et du clavier frénétique en témoignent. Acclamé, il offre un bis empreint d’élégance. (On le savait !) Ludique et changeant comme un ciel d’avril. C’est une valse de Chopin, his homeland.
« Au plus fort de l'orage, il y a toujours un oiseau pour nous rassurer C'est l'oiseau inconnu. Il chante avant de s'envoler » (René Char) Cet « oiseau libre aux ailes légères et bienveillantes » est celui de la poésie. On le retrouve en dernière partie du concert avec LA SUITE DE 1945 DE L’OISEAU DE FEU d’ IGOR STRAVINSKY. Andrei Boreyko nous gratifie ici d’une lecture très lumineuse de l’œuvre et d’une direction fluide et précise. Sa mobilité et la précision de sa gestique sont fascinantes, il est totalement maître de l’instantané et du fantastique qui semble ruisseler de toutes parts. Chaque pupitre se détache avec précision : le cor (le prince Ivan Tsarévitch), la flûte traversière, la harpe, le violon sont une féerie ininterrompue de dynamiques très contrastées. Le mouvement évoque la danse et ses voiles de princesses. Le pas de deux, un bijou étincelant d’harmonie magique. L’influence de Rimsky Korsakov et de son folklore russe sur le compositeur est bien savoureuse à goûter. Le maléfique et le lumineux s’opposent dans les chromatismes. Le chef d’orchestre dégage une netteté de haute définition et une force redoutable dans la danse infernale du roi Kachteï. C’est incisif, irrégulier et fracassant. Puis le chant du basson émeut profondément ainsi que les longs frémissements de la harpe, du hautbois et de l'alto: on baigne dans une atmosphère lyrique qui a pour but d’endormir les monstres qui voulaient détruire Ivan Tsarévitch. Mission accomplie, l’hymne final chante les fiançailles des amoureux réunis, de l’amour et de l’allégresse d’une Russie joyeuse.
" Et dans mes rêves je me vois chevauchant un loup
Le long d'un sentier dans une forêt,
Parti combattre un tsar sorcier
Dans ce pays où une princesse captive
Se lamente derrière des murs épais.
Au milieu d'un jardin merveilleux s'élève un palais de verre,
Et un oiseau de feu y chante toute la nuit
Becquetant sur un arbre des fruits dorés". Iakov Polonski (1819-1898)
http://www.bozar.be/activity.php?id=13149&selectiondate=2013-10-20
http://www.artrusse.ca/contes/l'oiseau-de-feu.htm
Le texte de Laure Delcampe est lui aussi très compréhensible. Sa voix très naturelle et d’une belle fraîcheur véhicule la jeunesse et le plaisir. Elle restitue à merveille la beauté des climats. Tous deux apportent du plaisir d’écoute et de l’émotion esthétique qui se logent avec bonheur dans un orchestre d’instruments anciens très chantants. Particulièrement émouvant, c’est ce duo d’Orphée issu d’une partition de Gluck.
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