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12272723689?profile=originalLes « Lettres philosophiques » de Voltaire sont un essai publié sous trois titres différents. Deux versions en 24 lettres sont publiées à Londres, l'une en anglais, Letters concerning the English Nation (1733), l'autre en français, Lettres écrites de Londres sur les Anglais et autres sujets par M.D.V. (1734). Une 25e lettre sur Pascal a été ajoutée aux Lettres philosophiques publiées à Rouen chez Jore en 1734.

 

Exilé en Angleterre à la suite d'une algarade avec le chevalier de Rohan, suivie d'une bastonnade et d'une incarcération à la Bastille, Voltaire, qui s'efforce de "devenir anglais", promet à son ami Thiriot le 26 octobre 1726 de l'entretenir de cette "nation de philosophes". Ce projet se précise en décembre 1727. Dans un "Advertisement", en tête de deux essais en anglais, Voltaire envisage de donner une relation de son voyage d'où il écarte la satire et le pittoresque descriptif. Il se propose d'instruire ses compatriotes en leur faisant connaître les choses utiles et les grands hommes du pays dans lequel il vit. A-t-il déjà jeté sur le papier une partie de l'ébauche que les éditeurs de Kehl publieront? Cette Lettre à M. met l'accent sur les difficultés de l'entreprise, raconte l'arrivée à Londres du narrateur d'abord enthousiasmé, puis décontenancé par le caractère changeant des Anglais. Ce texte est abandonné au bout de quelques pages, et Voltaire se remet au travail dans un tout autre esprit. Il rédige en anglais quelques lettres. Les Letters concerning the English Nation, pour la moitié d'entre elles, ne sont pas des traductions. De retour en France en 1728, il se désintéresse de ces esquisses en anglais et sans doute en français. En 1730, révolté par le sort ignominieux réservé au cadavre de Mlle Lecouvreur, la célèbre actrice, il proteste contre l' excommunication des comédiens, thème repris dans la 23e lettre. Il s'est remis à ses "lettres anglaises" en 1731, y travaille en 1732, complète sa documentation sur Newton, rédige une première version de la lettre "sur M. Locke", ajoute la lettre "sur l'insertion de la petite vérole". En 1733, alors que le livre s'édite à Londres et à Rouen, il envoie au libraire Jore, avec lequel il a conclu un contrat à compte d'auteur, "quelques petites réflexions détachées sur les Pensées de Pascal". En avril 1734, l'ouvrage fait scandale en France. Jore est embastillé, une lettre de cachet est lancée le 3 mai contre Voltaire; le 10 juin, un arrêt du Parlement condamne ce livre "propre à inspirer le libertinage le plus dangereux pour la religion et pour l'ordre de la société civile". Le même jour, un exemplaire est brûlé. Une dizaine d'éditions se succèdent en dix ans. Après 1739, le livre est morcelé entre plusieurs sections des Mélanges, la sentence restant exécutoire; les Lettres seront regroupées en 1818 dans l'édition Beuchot.

 

Sous une forme condensée, les Lettres philosophiques jettent les bases du programme des Lumières. Sept lettres évoquent la situation religieuse outre-Manche. L'enquête sur les quakers est la plus développée: discussions sur leur doctrine, description ironique d'un office, biographie du fondateur de la secte, Georges Fox, historique de l'établissement d'un Eldorado quaker, la Pennsylvanie, qui doit son nom à W. Penn (quatre lettres). La religion anglicane, pourtant dominante, n'a droit qu'à une lettre qui insiste sur la suprématie du pouvoir civil. La suivante, "Sur les presbytériens", loue le pluralisme religieux comme gage de paix civile. Les remarques "Sur les sociniens, ariens ou antitrinitaires" militent pour un déisme indifférent aux dogmes.

 

Quatre lettres traitent de questions politiques. Au terme de longues luttes, la nation a "réglé le pouvoir des rois" qui, "tout-puissants pour faire le bien, ont les mains liées pour faire le mal"; elle a réparti les pouvoirs (lettres VIII et IX). L'essor économique s'appuie sur le grand commerce que la noblesse ne dédaigne pas (X). Ouverte au progrès, l'Angleterre a adopté une politique médicale audacieuse (XI).

Les lettres suivantes montrent ce que peut la pensée dégagée des préjugés et des censures. Consacrées aux grands hommes, elles se donnent pour tâche de vulgariser les conquêtes scientifiques: Bacon, "père de la philosophie expérimentale", le sage Locke qui remplace le "roman de l' âme" qu'a écrit Descartes par son "histoire", Newton surtout qui a découvert le système de l'attraction universelle et a fait avancer la connaissance sur la chronologie de la Terre, sur les propriétés de la lumière.

 

Le quatrième groupe de lettres (XVIII à XXIV) est relatif à la littérature, au théâtre et à la poésie, et porte "Sur la considération qu'on doit aux gens de lettres", "Sur les académies". L'étroitesse du goût ne doit pas masquer l'enjeu: Voltaire réfléchit sur les rapports entre l'État et la culture. Tolérance religieuse, liberté politique, prospérité, appui accordé aux forces vives de la nation, l'exemple anglais met en évidence les carences françaises. Aussi ces lettres sont-elles couronnées par la lettre XXV, "Sur les Pensées de Pascal", qui leur donne leurs assises profondes. Refus de l'angoisse existentielle, pari pour un relatif bonheur terrestre à condition d'aménager la vie sociale, réhabilitation du "divertissement", Voltaire prend le "parti de l'humanité" contre le "misanthrope sublime" et, dans la même foulée, celui des sociétés ouvertes contre les sociétés bloquées.

 

Diffusion européenne pour ce modeste ouvrage lancé conjointement en France et en Angleterre. Ces "lettres philosophiques, politiques, critiques, hérétiques et diaboliques" veulent provoquer un changement de mentalités. Voltaire est ainsi devenu ce "merchant of a nobler kind" évoqué dans l'"Advertisement" de 1727, qui se propose d'éclairer en favorisant échanges et comparaisons. Présente par des parallèles explicites ou implicites, la société française est le point de mire de ces Lettres qui s'appuient sur l'exemple anglais. D'où l'importance des techniques de communication mises en oeuvre: journaliste, le narrateur des Lettres philosophiques enquête, interviewe un bon quaker, Congreve ou la nièce de Newton, Mrs Conduit. Selon un renversement de perspectives, cette Angleterre où "communément, on pense" confère de l'étrangeté à un royaume de France engoncé dans ses archaïsmes politiques et religieux. D'où l'accent polémique de cette brochure animée par l'impatience d'un homme de progrès.

 

Pari sur les valeurs terrestres, les Lettres philosophiques s'efforcent de susciter un processus de laïcisation. Aux angoisses pascaliennes sur la place de l'homme dans l'univers, sur la malédiction du péché originel, Voltaire répond par de tranquilles acceptations: l'homme est "ce qu'il doit être" selon l'ordre du monde, à sa place dans l'échelle des êtres. A l'obsession du salut se substitue une légitime recherche du bonheur; au mépris des activités humaines, une glorification de l'action. Point d'interrogation métaphysique, point d'interférence divine dans la vie terrestre, point de sacré. Ayant fait place nette, Voltaire met l'accent sur le bon fonctionnement de la vie sociale. Les croyances sont reléguées dans la sphère du privé, d'où l'exemple provocant de la Bourse de Londres qui ignore les clivages religieux. Les sectes, nombreuses, se neutralisent mutuellement. L' État doit garder la haute main sur des ecclésiastiques toujours prêts à s'entre-déchirer. L'organisation des institutions garantissant la liberté, une politique scientifique et culturelle hardie: voilà le devenir des civilisations humaines. Alors s'ouvre le champ excitant des conquêtes de la pensée, celui du progrès de l'humanité. Tonique et percutant, n'ignorant rien des misères de l'homme, mais bien décidé à lutter contre elles autant que faire se peut, l'ouvrage a valeur de manifeste optimiste. Profession de foi d'un homme des Lumières, les Lettres philosophiques, qui transforment l'Angleterre des années 1730 en mythe, ouvrent ainsi à la pensée du siècle des horizons nouveaux.

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“L’âne culotte » est un roman d'Henri Bosco (1888-1976), publié en 1937.

Constantin Gloriot, le narrateur, raconte l'aventure qui lui est arrivée lorsqu'il avait douze ans. A cette époque, dans le village de Provence où il vit avec ses grands-parents, un âne mystérieux, surnommé l'âne Culotte par les enfants parce qu'il porte des braies en hiver, intrigue les habitants. On sait qu'il vient d'une ferme de la montagne, et sert un certain M. Cyprien dont les villageois ne parlent qu'avec crainte et méfiance. Un jour, Constantin, malgré l'interdiction de sa grand-mère, décide de suivre l'âne, qui le mène jusqu'à son maître. Il découvre alors un véritable "paradis", un verger poussé en pleine montagne, où les animaux charmés vivent sans crainte. M. Cyprien le charge de porter une branche d'amandier en fleurs au curé du village, l'abbé Chichambre. Mais, menacé par une petite fille du village, Anne-Madeleine, Constantin se voit obligé d'aller couper une seconde branche d'amandier. Il est surpris par M. Cyprien, qui lui apprend qu'il ne faut pas toucher au paradis. Dès lors, les événements se précipitent. Par Hyacinthe, la petite servante de ses grands-parents, qui connaît aussi le "paradis", Constantin découvre que, depuis sa faute, M. Cyprien a disparu, jusqu'au jour où celui-ci revient en secret et emmène avec lui Hyacinthe, qu'on ne reverra plus. Le journal de M. Cyprien, découvert et annoté par l'abbé Chichambre, et lu beaucoup plus tard par le narrateur, vient compléter l'histoire: M. Cyprien, ancien navigateur et magicien, a voulu recréer le paradis sur terre qu'il avait connu dans une île. Il devait léguer son pouvoir sur les animaux et les plantes à Constantin. Mais la faute de celui-ci l'a convaincu de l'omniprésence du mal, et l'a poussé à repartir, pour créer un nouveau paradis en compagnie d'Hyacinthe à qui il transmettra son savoir.

 

On a souvent classé Henri Bosco parmi les écrivains "régionalistes". Cette désignation hâtive rend bien peu compte de l'atmosphère de conte étrange qui est celle de l'âne Culotte. Certes, c'est toute la Provence, avec ses moeurs surannées - comme la messe dite à l'occasion des premières neiges -, ses animaux et ses plantes aux noms oubliés, qui est la véritable héroïne du roman. Mais on aurait du mal à y retrouver l'image simple et bon enfant qui en est souvent présentée dans la littérature française. Cette Provence est une  terre surnaturelle, où se fondent l'héritage folklorique et païen, et les légendes chrétiennes, comme en témoignent les dictons prononcés par la Péguinotte, la vieille servante des grands-parents de Constantin, mêlant conseils sur les récoltes et antiques superstitions. L'histoire de l'âne Culotte et de son maître M. Cyprien rappelle à la fois l'âne d'or d'Apulée, puisque l'animal est manifestement décrit en termes anthropomorphiques, et la Confession de saint Cyprien de Lucien, qui décrit le repentir du magicien qui croyait s'adonner à des pratiques divines alors qu'il servait le diable. On peut penser aussi à toutes les légendes proches du mythe d'Orphée, comme celle du "Charmeur de rats", puisque c'est au moyen d'une flûte magique, la Syrinx, que Cyprien exerce son étrange pouvoir sur les animaux. Cependant, à cela s'ajoute la dimension chrétienne de l'aventure: c'est le dimanche des Rameaux que l'âne Culotte emmène chez son maître M. Cyprien le jeune Constantin juché sur son dos à l'instar du Christ entrant dans Jérusalem. Mais l'enfant, loin d'annoncer un nouveau règne du paradis, est celui-là même qui, en cédant aux menaces d'Anne-Madeleine, et à un obscur besoin de violer la loi, introduit le désordre dans le domaine préservé de M. Cyprien.

 

Du reste, ce paradis n'était-il pas déjà vicié, condamné d'avance? De façon miraculeuse, l'enchanteur d'animaux avait réussi à attirer et à apprivoiser le serpent lui-même, qui vivait dans son verger. Un seul animal, comme nous l'apprend le journal de M. Cyprien, résistait à son pouvoir magique, et continuait à tuer: le renard. Dès lors le pari de M. Cyprien se heurtait à l'éternelle interrogation sur le mal: devait-il tuer le renard pour protéger les autres animaux? Constantin, en trahissant M. Cyprien, déchaîne les forces maléfiques, et celui-ci ne peut résister au désir d'égorger le renard. Il n'était qu'un pauvre magicien, et non un envoyé du Ciel.

 

Ainsi le roman apparaît-il clairement comme un roman d'initiation, fondé sur une quête du bonheur. Comme l'affirme Constantin, commentant le journal de M. Cyprien: "Nous voulons tous le paradis sur terre, et l'homme se croit né pour le bonheur." Sans doute est-ce une faute que de vouloir créer un Éden humain que nul Dieu ne garde. Mais si les promesses du Ciel sont les plus belles, elles sont annoncées par les dons de la Terre, célébrés en termes lyriques tout au long du roman comme les signes mêmes de la présence divine.

 

« Je les connais tous, les sites humains d'où sont partis les hommes, l'abri du charbonnier, la cuve à vin creusée dans la paroi du roc, le poste à feu oublié du chasseur et, quelque part en un lieu hanté de moi seul, perdu dans la broussaille, cette aire immense avec des talus et quatre grands fossés mangés par l'herbe. Un vieux peuple, rude et sensé, au cours d'une migration énergique, avait sans doute établi là, jadis, son camp à l'ombre de la Terre. »

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Le chantre du Luberon désira reposer dans le cimetière de Lourmarin. Il fit part de ses dernières volontés dans un texte publié par ses amis d'Alpes de Lumières :

« Enfin on chantera tes bêtes : renards, martres, fouines, blaireaux, nocturnes et le sanglier qui est peut-être ton dernier dieu (Mais silence, tu me comprends...)

Pour moi, si quelque jour, je dois tomber loin de ta puissance, je veux qu'on ramène mes cendres à Lourmarin, au nord du fleuve, là où vécut mon père et où, trop peu de temps, j'ai connu les conseils de l'Amitié.

Et que l'on creuse alors sur ta paroi, en plein calcaire, là-haut loin des maisons habitées par les hommes, entre le chêne noir et le laurier funèbre, un trou, ô Luberon, au fond de ton quartier le plus sauvage. J'y dormirai.

Et puisse-t-on graver, si toutefois alors quelqu'un prend souci de mon ombre, sur le roc de ma tombe, malgré ma mort, ce sanglier »


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Le goûter des généraux de Boris Vian

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Il s’agit d’une pièce en trois actes et en prose de Boris Vian (1920-1959), publiée à Paris à 201 exemplaires par le Collège de Pataphysique en mars 1962, puis dans le Théâtre de Boris Vian chez Jean-Jacques Pauvert en 1965, et créée en langue allemande au Staatstheater de Braunschweig (RFA) et à Paris au théâtre de la Gaîté-Montparnasse le 18 septembre 1965.

 

Le général James Audubon Wilson de La Pétardière-Frenouillou reçoit de Plantin, le président du Conseil, l'ordre de déclarer la guerre pour sauver l'économie française, victime de la surproduction agricole et industrielle. Le général convoque donc son état-major autour d'un goûter. Tous dénombrent les forces dont ils disposent et conviennent de la nécessité de se rallier l'Église dans la personne de Mgr Tapecul (Acte I). Mais... Audubon a omis de demander contre qui il faut se battre. Le délégué militaire de Chine lui suggère d'engager les combats contre le Maghreb et l'Afrique, à la grande satisfaction de l'Américain et du Russe (Acte II). Dans leur camp retranché, sous terre, les généraux s'efforcent de se désennuyer par des jeux stupides. Plantin vient leur annoncer que "l'économie française est enfin complètement déséquilibrée": il faut donc terminer la guerre. Pour fêter l'événement, les militaires et les délégués se tuent tous à la roulette russe (Acte III).

 

Écrit en 1951, le Goûter des généraux constitue une caricature burlesque de la guerre et des milieux militaires. L'auteur du Déserteur dénonce le caractère économique des enjeux de toute guerre: selon Vian, il est clair que seuls des impératifs financiers, et non des principes idéologiques, incitent les politiques à envoyer leurs compatriotes au combat. Ainsi, le président du Conseil explique-t-il au général Audubon la nécessité de maintenir l'économie française dans un constant déséquilibre afin que les bénéfices industriels puissent pallier les crises agricoles, et inversement: "L'armée présente un intérêt capital; car c'est le consommateur qui paie l'armée, Audubon, et c'est l'armée qui consomme" (Acte I). La pièce dénonce également la collusion des pays riches contre le tiers monde. Dans le contexte de la guerre froide, Vian ne s'engage pas en faveur d'une grande puissance contre une autre: elles sont toutes coupables par définition. Ainsi, les puissants se réunissent et conviennent d'un ennemi commun, les pauvres et les Noirs. Le délégué militaire américain encourage Audubon: "Toute l'Afrique... et ça résout automatiquement le problème racial" (Acte II). La référence aux guerres coloniales semble évidente. Des massacres prévisibles, il n'est fait nulle mention: l'ensemble de l'intrigue se déroule, en effet, dans un climat abstrait, ludique, qui élimine tout élément tragique et plonge le spectateur dans une atmosphère fortement teintée d'humour noir. Vian met en scène des militaires irresponsables, infantiles et affligés de noms ridicules: à cinquante-cinq ans, Audubon agit comme un petit garçon dominé par sa mère, une maîtresse femme qui lui interdit l'alcool et surveille la tenue de ses "petits camarades". Foncièrement pusillanime, il résiste d'abord au président du Conseil pour s'effacer, ensuite, devant la nécessité d'obéir aux "ordres". L'Église, qui cautionne les massacres, n'échappe pas à la satire. Le ton très familier des dialogues témoigne de l'irrespect total de Vian à l'encontre des militaires, des politiques, des ecclésiastiques, ces bouchers dérisoires mais dangereux - selon lui - et qui ignorent tout de l'humain.

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Histoire de la littérature belge

II. 1880-1914 : Un bref âge d’or.


1. La Belgique puissance mondiale.


Découvertes scientifiques, progrès du machinisme, développement industriel de la Wallonie à partir de 1890 entraînent un essor tel que, à la fin du siècle, la Belgique devient l’une des premières puissances économiques du monde. Sous l’impulsion de Léopold II, les Belges construisent des routes, des canaux, des installations portuaires, sans compter des chemins de fer en Chine et le métro du Caire. Il y a aussi l’exploration et la colonisation progressives du Congo. En 1885, l’Acte général de Berlin reconnaît le roi pour souverain-propriétaire du bassin congolais, promu état indépendant et neutre. S’ensuit la lutte anti-esclavagiste, l’exploitation des richesses naturelles, l’évangélisation, l’action sanitaire. C’est en 1908 que le Parlement accepte le transfert de la colonie à la Belgique.

Cependant, la prospérité masque une misère encore considérable, et la lutte des opprimés se développe. En 1885, plusieurs associations ouvrières se groupent en un Parti Ouvrier Belge, dont l’influence ira grandissante : entre 1886 et 1914, toute une législation sociale est à peu près créée, pour réglementer les conditions de travail et la protection des travailleurs. En 1893 est instauré le suffrage universel « plural ». par ailleurs, le mouvement flamand se développe. En 1898, le flamand devient langue officielle de l’Etat belge ; en 1910, une pétition circule pour la flamandisation de l’université de Gand ; et en 1912, Jules Destrée peut adresser au Roi sa célèbre lettre : « Sire, il n’y a pas de Belges »…
Il y eut cependant un "art social" bien réel avec la création de la Section d’Art du Parti Ouvrier Belge (POB) (Voir: Aperçu des thèses de Paul Aron développées dans son livre Les Écrivains belges et le socialisme (1880-1913). L’expérience de l’art social : d’Edmond Picard à Émile Verhaeren)

Enfin, devant les menaces venues de la France, mais surtout de l’Empire allemand, la militarisation du pays s’accentue : instauration du service militaire personnel en 1909, au moment où Albert Ier monte sur le trône ; en 1913, service militaire obligatoire pour tous les hommes âgés de 20 ans.

Dans le domaine artistique, c’est une période non seulement de grande activité, mais de renouvellement profond, notamment en architecture et en peinture. Certes, l’année 1883 voit s’achever le prétentieux Palais de Justice de Bruxelles (Joseph Poelaert). Mais un courant nouveau se développe à partir de 1890 : le « Style 1900 », dit aussi "Art Nouveau », représenté par des architectes audacieux comme Victor Hankar, Henry Van De Velde, et surtout Victor Horta qui construit à Bruxelles la Maison du Peuple. Notons aussi des sculpteurs de talent comme Jef Lambeaux, mais plus encore Constantin Meunier dont l’œuvre puissante glorifie le travail manuel (« Le Puddleur », 1886). Quant à la peinture, elle rompt définitivement avec les formules éculées pour se lancer avec bonheur dans des directions nouvelles :

-l’impressionnisme d’un Théo Van Rysselberghe, qui adopte une lumineuse technique pointilliste ;

-l’univers symboliste, dont le meilleur représentant reste Fernand Khnopff (« Le silence », 1890), mais où s’illustrent aussi William Degouve De Nuncques, Jean Delville, Léon Frédéric, Xavier Mellery, Constant Montald.

-l’expressionnisme, annoncé par les œuvres profondément originales d’un Léon Spilliaert ou d’un James Ensor (« Entrée du Christ à Bruxelles », 1888), et qui trouvent un accomplissement notoire dans la première « école de Laethem-Saint-Martin », avec Jacob Smits, Karel Van De Woestijne, Georges Minne, etc. Le public lui-même s’intéresse davantage à l’art, grâce entre-autres à des expositions qu’organisent des amateurs comme le « cercle des XX », fondé en 1883, et qui deviendra en 1894 « La Libre Esthétique », favorisant de nombreux échanges avec la France, et contribuant à la découverte de l’impressionnisme en Belgique.


2. Le Naturalisme

Bien qu’il ne constitue pas en Belgique un mouvement littéraire de première grandeur, le naturalisme y inspire plusieurs œuvres durables. Dès avant 1880, la misère du prolétariat et les luttes sociales intéressent les artistes. Surtout, les thèses d’Emile Zola (« L’Assommoir » paraît en 1877) et son « Ecole de Médan » apportent à l’ « art social » les assises théoriques qui lui manquaient : influence de l’hérédité et du milieu, prééminences des instincts, déterminisme des destinées humaines, exigence de vérisme dans la description.
En 1880 paraît dans « L’Europe » un feuilleton intitulé « Un Mâle » et signé Camille Lemonnier, histoire des amours libres entre le braconnier Cachaprès et une jeune fermière nommée Germaine. Le scandale qu’il déclenche réveille l’indolence coutumière du public belge en matière de littérature, tandis qu’à Paris le livre (paru en 1881) suscite l’intérêt d’Alphonse Daudet, de Joris-Karl Huysmans. C’est le début du succès –et d’une longue série de romans, parmi lesquels « L’Hystérique » (1885), « Happe-Chair » (1886), « Au cœur frais de la forêt » (1900), « Claudine Lamour » (1893).

L’œuvre abondante de Lemonnier est certes inégale, sa puissance d’évocation et l’audace de certaines scènes étant souvent affaiblies par un style ampoulé, un vocabulaire exagérément recherché. Son retentissement est pourtant considérable. En Belgique, l’écrivain est considéré comme le chef de file du renouveau littéraire, et déclaré « Maréchal des Lettres » lors d’un banquet organisé en son honneur en 1883. Il a d’ailleurs à subir les vexations de la Justice, sous prétexte d’ « outrage aux bonnes mœurs », une parti du public se montrant choquée par la crudité, sinon la violence de certaines pages.
Les autres manifestations du naturalisme en littérature ont moins d’ampleur. Il est néanmoins intéressant de noter les marques de ce courant dans les premiers recueils d’Emile Verhaeren (« Les Flamandes », 1883 ; et, dans une moindre mesure, « Les Moines », 1886), dont la sensualité et le prosaïsme lui valent à la fois le scandale et le succès.
Verhaeren est un broyeur de syntaxe, un forgeur de formules qui marquent, un cracheur de mots sonores qui disent l'écartèlement du monde, les massacres intérieurs, les paysages déchirés, les cervelles à la torture. Verhaeren de la "Trilogie noire", où s'inscrivent "Les Soirs", "La débâcle", "Les Flambeaux noirs". Verhaeren aussi des vents marins, des plaines mornes et des villages où les hommes dans leur métieur -meunier, cordier, fossoyeur, forgeron- grandissent aux dimensions du mythe.
D’autres écrivains, romanciers-conteurs, sont de stature moins imposante. On ne saurait oublier toutefois le nom de Georges Eekhoud, qui publie « Kees Doorik » en 1883, « Kermesses » en 1884, « La nouvelle Carthage » en 1888 : récits à caractère régionaliste mettant en scène des drames souvent violents, écrits avec un âpre réalisme.


3. Revues et débats d’idées.

Mars 1881 : l’avocat bruxellois Edmond Picard et son ami Octave Maus créent « L’Art Moderne », journal hebdomadaire de critique artistique (voir article: l'art moderne en Belgique"), musicale et littéraire. Militant socialiste, Picard souhaite une littérature « nationale », et engagée dans le combat politique et social. Ses thèses trouvent dans le public de nombreux échos favorables.

En décembre de la même année apparaît une autre revue, « La Jeune Belgique », dirigée par Max Waller, avec pour collaboration G. Eekhoud, J. Destrée, C. Lemonnier, Georges Rodenbach, E. Verhaeren, etc. Sa devise : « Soyons nous », c’est-à-dire oeuvrons en Belgique au développement d’une littérature originale. Quant au programme, il repose sur le principe parnassien de « l’Art pour l’Art », exclut toute préoccupation politique, se veut accueillant à l’égard de tous les genres, de toutes les écoles, y compris le naturalisme. La revue se montre surtout agressive à l’égard des Potvin et autres « retraités de la littérature »…

C’est en 1883 que débute entre les deux revues un polémique qui aura le mérite de secouer l’indifférence belge quant aux questions esthétiques. Tenant d’un « art social », Picard s’en prend à la doctrine de l’Art pour l’Art : elle a pour effet de couper les écrivains de la réalité historique contemporaine, et des les brider dans des problèmes de pure forme. Bien entendu, les « Jeune Belgique » contre-attaquent : la question d’une littérature « nationale » déclenche un débat passionné de plusieurs années.

Indifférent, lui aussi, àl’hypothèse d’un art spécifiquement belge, Albert Mockel lance en 1886 un nouveau périodique, « La Wallonie », qui sera principalement la tribune du symbolisme. C’est une voix de plus qui s’ajoute au concert, et un enjeu supplémentaire dans la polémique. En 1885, « La jeune Belgique » révèle au public belge « Les Chants de Maldoror », publie en 1887 un « Parnasse de la Jeune Belgique » où figurent plusieurs poètes de tendances symboliste, rend hommage à Verlaine en 1888… En dépit de quoi elle passe pour adversaire résolue des symbolistes, face à « L’Art Moderne » où Verhaeren, en 1887, loue la poésie de Stéphane Mallarmé.

De nombreuses autres revues surgissent à la même époque, en un foisonnement qui dénote un souffle nouveau, une volonté d’audace et d’indépendance qui auront peu d’équivalent dans l’histoire littéraire de la Belgique : « La Société Nouvelle », « Le Réveil », « La Nervie », « L’Art Jeune », « Le Coq Rouge », etc. Loin de s’enfermer dans un nationalisme étriqué, leurs collaborateurs nouent de nombreux liens avec la France. Suivant l’exemple de Max Waller, ils accueillent les textes d’écrivains français, publient eux-mêmes à Paris, se font reconnaître internationalement comme interlocuteurs et créateurs.

Par l’effervescence qu’elles suscitent, les revues littéraires de ces deux décennies instaurent en Belgique un débat peu habituel, contraignant le public et les autorités à reconnaître l’existence et l’importance de l’activité littéraire dans la vie du pays. « La Jeune Belgique » en tête, elles font naître des vocations littéraires, répandent le goût de l’art et des lettres, ébranlent les conformismes et les habitudes, attirent sur la Belgique l’attention de l’étranger. Elles contribuent donc à faire de cette période un moment privilégié de l’histoire littéraire belge, en léguant aux générations ultérieures quelques problèmes fondamentaux :

-est-il indispensable, souhaitable, impossible, nuisible de chercher à créer une littérature « nationale », douée de caractères spécifiques ?

-une donnée fondamentale de l’œuvre littéraire est sa langue. faut-il qu’elle reste parfaitement correcte, irréprochable ? Ou est-il important de se forger une langue originale, moins éloignée de la réalité locale ?

-l’art doit-il servir des causes qui lui sont extérieures ? Ou vaut-il mieux pour lui rester étranger à tout combat qui ne soit pas purement esthétique ?


4. Le Symbolisme


Dans « Les Poètes maudits » (1884), on sait que Paul Verlaine révèle entre autres Tristan Corbière et Arthur Rimbaud. C’est l’année suivante qu’apparaissent en Belgique les premiers échos de la nouvelle poésie française. De part et d’autre de la frontière, le mouvement dès lors ne fait que s’amplifier. Il faut noter toutefois que le symbolisme belge sera moins mallarméen que verlainien : la recherche de l’hermétisme (à ne pas confondre avec le sens du mystère) y tient moins de place que la musicalité du vers, la tonalité nostalgique, les thèmes du rêve et du souvenir. De plus, excepté Verhaeren, peu de ses citoyens usent d’une langue tourmentée, de néologismes ou de ruptures syntaxiques –ce qu’Albert Giraud appellera le « macaque flamboyant ».

Peut-être le premier recueil marqué par la sensibilité nouvelle est-il « Pierrot lunaire », d’Albert Giraud (1884) ; mais il reste encore fortement parnassien dans sa forme. Il faut attendre 1889 pour qu’apparaissent les premières œuvres pleinement symbolistes, dues à Maurice Maeterlinck : « Serres chaudes » d’abord, une poésie qui d’emblée donne le ton (sensibilité extrême, mélancolie, images obsédantes comme le lys, le paon, etc.).

J’entrevois d’immobiles chasses,
Sous le fouet bleu des souvenirs,
Et les chiens secrets des désirs,
Passent le long des pistes lasses.


Vient ensuite « La Princesse Maleine », drame teinté d’irréalisme de l’amour impossible entre Hjalmar et Maleine, dans une atmosphère crépusculaire où rode l’ombre de la mort. Cette pièce révèle Maeterlinck au public belge et étranger, grâce à un article très élogieux d’Octave Mirbeau dans « Le Figaro » d’août 1890 : la jeune œuvre est dite « admirable et pur chef-d’œuvre », « géniale », « supérieure en beauté à ce qu’il y a de plus beau dans Shakespeare »…
Suivent alors d’autres pièces : « L’intruse », « Les Aveugles » (1890), et surtout « Pelléas et Mélisande » (1892), sans doute l’œuvre la plus célèbre de Maeterlinck, qui sera mise en musique par Claude Debussy et par Gabriel Fauré. Reprenant le thème de « Tristan et Yseut », elle le transpose dans un climat de rêve, de fragilité, de fatalité. Elle illustre bien la conception « méditative » que Maeterlinck se fait du drame symboliste, et qu’il explicite dans « Le Trésor des Humbles » (1896) : « il m’est arrivé de croire qu’un vieillard assis dans son fauteuil, attendant simplement sous une lampe, vivait, en réalité, d’une vie plus profonde, plus humaine et plus générale que l’amant qui étrangle sa maîtresse, le capitaine qui remporte une victoire ou l’époux qui venge son honneur ». Cette vision est celle de la première période maeterlinckienne, laquelle prend fin avec le siècle et laisse place ensuite à un symbolisme moins contemplatif. « L’oiseau bleu » (1908) est l’œuvre la plus représentative de la seconde période, « féerie » selon le sous-titre, en tous cas fable poétique accessible à tous les âges.

On le constate ; l’imaginaire symboliste s’accommode mieux du théâtre et de la poésie que du roman. Une exception de taille, le célèbre roman de Georges Rodenbach « Bruges-la-Morte » (1892) : un veuf inconsolable tente de retrouver, en une jeune femme rencontrée par hasard, l’image et l’âme de la disparue. Le roman connaît à l’époque un retentissement considérable : le décor automnal de vieux quais, de mornes béguinages donne de Bruges une image mythique, celle de la ville morte qui lentement s’enfonce dans l’oubli.

La même année paraît « Dominical », premier recueil de l’Anversois Max Elskamp, qui donnera encore « Six chansons de pauvre homme » (1895), « Enluminures » (1898 », etc. Poésie touchante, faussement naïve, où se déploie une langue originale faite de tournures rares, d’ellipses, de formules insolites.

Et prime en joies, et tout béni
Gens de chez moi, voici Lundi :

Messes sonnant, cloches en tête,
Avec leurs voix qui disent fête,

Et le soleil après, et puis,
Ceux des outils tout beaux d’habits.

Dans sa vie comme dans ses livres qu’il illustrait de merveilleuses gravures naïves taillées par lui-, Elskamp se montre captivé par la tradition populaire et folklorique anversoise, la quotidienneté des artisans et des humbles, la spiritualité orientale. Tous ces éléments donnent à son œuvre une saveur reconnaissable entre toutes, douce, fraîche mais sans mièvrerie aucune. Elle lui assure dans le symbolisme belge une place unique, un peu comparable à celle de Verlaine du côté français.

Autre grand nom du symbolisme, Charles Van Lerberghe publie en 1898 « Entrevisions », poèmes en vers libres où l’influence de Maeterlinck s’avoue nettement. Puis c’est « La Chanson d’Eve » (1904), sorte re réécriture poétique de la Genèse en quatre parties (« Premières Paroles », La Tentation », La Faute », Le Crépuscule »), véritable chef-d’œuvre de la littérature symboliste : par la formulation sobre, pure de tout prosaïsme et de toute lourdeur, par les images lumineuses, la musicalité sans pompe ni maniérisme, et surtout le souffle spirituel qui traverse l’ensemble du livre. Car il ne s’agit pas d’un recueil de pièces autonomes, mais d’une sorte de légende merveilleuse faite d’une succession de petits tableaux, ce qui donne à « La Chanson d’Eve » une opportune mais discrète unité.
Bien d’autres œuvres, bien d’autres auteurs participent de près ou de loin au mouvement symboliste : « Mon cœur pleure d’autrefois » (Grégoire Le Roy, 1889), « Chantefable un peu naïve » (Albert Mockel, 1891), « La Solitude heureuse » (Fernand Severin, 1904), etc.

Quelle que soit leur valeur respective, elles témoignent toutes de l’importance de ce courant dans la Belgique de l’époque, et des mutations profondes qu’il provoque dans la définition même de la littérature, entre autres :

-rejet de la versification traditionnelle et adoption du vers libre, moins oratoire et moins pesant ;
-priorité de l’atmosphère sur l’anecdote ou la description ;
-importance du mystérieux, de l’allusif, du rêvé (qui a valu aux symbolistes le reproche de soumission aux modèles nordiques, de trahison envers la tradition classique française de la « clarté »).


5. Du symbolisme à l’expressionnisme


Une place doit être faite aux recueils d’Emile Verhaeren, difficilement classable dans l’une des rubriques précitées, et dont l’influence sera durable et forte en Belgique comme en dehors. Son premier recueil, « Les flamandes » (1883), forme une évocation exubérante qui, on l’a dit, doit être rapprochée du naturalisme notamment par la place qui y est faite aux instincts, à la recherche du plaisir physique. C’est ensuite une œuvre apparemment plus mystique, « Les Moines » (1886), où transparaît cependant le même goût des contrastes violents, des qualifications paroxystiques.
Après cette période, viennent trois recueil qui s’affranchissent définitivement de toute attache parnassienne, et qu’on a nommés quelquefois la « trilogie du désespoir » : « Les Soirs » (1887, « Les Débâcles » (1888), « Les Flambeaux noirs » (1890), œuvres marquées par l’angoisse et la folie, sans équivalent dans la poésie de l’époque. Par contre, c’est au symbolisme qu’on peut associer « Les Apparus dans mes chemins » (1891), recueil contemporain du mariage de l’auteur avec Marthe Massin, et où se déploie une confiance retrouvée dans la vie.

On regroupe fréquemment « Les Campagnes hallucinées » (1893), « Les Villages illusoires » (1895) et « Les Villes tentaculaires » (1895), comme relevant eux aussi de l’esthétique symboliste. Il faut ajouter que le premier et le deuxième de ces recueils ont également partie liée avec le régionalisme, en ce qu’ils montrent la campagne victime de la ville, alors que le troisième prend pour thème le monde ouvrier –et qu’on y trouve les germes de ce qu’on appellera plus tard l’expressionnisme. La confiance dans la modernité, la fascination de l’univers urbain s’expliciteront d’ailleurs dans des livres ultérieurs comme « Les Forces tumultueuses » (1902).

L’œuvre abondante de Verhaeren (il faudrait citer beaucoup d’autres titres) est à la fois constante et diverse. Constante par la force d’évocation, les formules percutantes, l’impression de force souvent rude qui se dégage du poème. Diverse en ce qu’elle reflète successivement, sans pour autant s’y inféoder, les principaux courants littéraires qui animent la période 1880-1914. Elle jouit, de par cette double qualité, d’un statut exceptionnel dans l’histoire de la littérature belge.


6. Essor du régionalisme


Le début du 20ème siècle est marqué, littérairement, par le développement d’un genre qui se prolongera bien au-delà de la guerre 14-18 : le récit régionaliste. Certes, celui-ci plonge ses racines dans le 19e siècle, chez les romanciers réalistes ou naturalistes, notamment dans des œuvres comme « Kermesses », de Georges Eekhoud. Mais entre 1900 et 1914, à l’heure où les autres courants s’essoufflent un tant soit peu, et où la « simplicité » défendue par Francis Jammes est relayée en Belgique par un Thomas Braun, la nostalgie du terroir devient un thème majeur. Il est certain que le développement industriel, avec la destruction progressive de paysages et de modes de vie traditionnels, a largement contribué au développement de ce courant.

Quoi qu’il en soit, c’est en 1900 que paraît « La Bruyère ardente », de Georges Virrès, suivie en 1904 par « Le pain noir » (Hubert Krains, et « Le cœur de François Remy » (Edmond Glesener). Plus tard viennent « Les Dix-Javelles » (Georges Garnir, 1910), « Le Maugré » (Maurice des Ombiaux, 1911), sans parler de Georges Rency, de Louis Delattre, etc.

En fait, aucun vrai chef-d’œuvre ne se détache de cette abondante production. La nostalgie d’un monde campagnard en voie de disparition, la peinture de mœurs frustes et de paysages ruraux, une sentimentalité souvent mièvre imposent au genre régionaliste des limites étroites, et en font une littérature qui manque singulièrement de puissance. Sans doute un public relativement important se satisfait-il de tels récits, qui le rassurent en confortant ses tendances les plus conservatrices. Ainsi le courant régionaliste révèle-t-il, en creux, l’inquiétude de toute une part de la population face à la transformation du pays, que l’industrialisation et ses séquelles accomplissent sous leurs yeux.


Histoire de la littérature belge

I. 1830-1880 : Le romantisme embourgeoisé

II. 1880-1914 : Un bref âge d’or.

III. 1914-1940 : Avant-gardes et inquiétude

IV. 1940-1960 : Une littérature sans histoire

V. 1960-1985 : Entre hier et demain

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Du 01 – 04 au 26 – 04 – 15, l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles) a le plaisir de vous présenter HAPPY ART, l’œuvre picturale de Madame MARIE-HELENE FROITIER, une jeune artiste Française qui vous plongera dans l’émerveillement originel, celui de l’Homme face à son rêve.

Qu’il s’agisse de toiles à grand, moyen ou petit format, MARIE-HELENE FROITIER appréhende l’espace avec le même bonheur.

Ce qui, au premier regard, ne manquera pas de frapper le visiteur, ce sont les myriades de détails emplissant l’espace. Il n’y a pas un atome de vide dans les œuvres de cette artiste. Mais il n’y a pas non plus que les seuls détails qui constellent l’espace scénique. Il y a aussi la présence matérielle de la couleur, consubstantielle à la forme. Car le dénominateur commun à son œuvre c’est l’amour de la couleur manifesté dans un chromatisme luxuriant. Néanmoins, ces seules composantes discursives ne suffisent pas à définir l’identité profonde de MARIE-HELENE FROITIER. Un onirisme candide plonge le visiteur dans un monde de fables et d’enfance élémentaire. Le rêve primordial se réveille au fil des rencontres avec chaque tableau. Il y a de l’Orient dans ses toiles. Il y a la mer et le soleil, déclinés dans un fauvisme « tendre », en ce sens qu’une harmonie délicate unit les couleurs et ne les oppose pas. La joie de créer explose le long des rythmes alternant dans chaque espace.

Avec ses scansions rythmiques obtenues par cette succession de petites coupoles de hauteurs différentes, COLORADO (50 x 50 cm – acrylique sur toile)

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enivre la composition d’une folie sensuelle.

Un autre univers, à la fois parallèle tout en étant intrinsèque à l’onirisme scénique propre à l’artiste est celui du « théâtre ». Des personnages féminins posant au centre d’une scène, créée par le cadre de dimensions réduites (40 x 30 cm), sont campés dans l’instant de la pose. Le cadre est scéniquement conçu de façon identique aux autres : un monde fabuleux parsemé de fleurs où chaque recoin de l’espace est rempli par la couleur.

SWEET SPRING (40 x 30 cm – acrylique sur toile)

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est exemplatif de ce discours. Deux personnages féminins évoluent à l’intérieur d’un cadre à la fois renaissant et festif. La nature, du moins la vision sublimée de celle-ci, subjugue la totalité de la composition. Elle transparait jusque sur les vêtements des personnages.

La jupe de la femme, à l’avant-plan, devient par les motifs floraux déployés sur celle-ci, autre chose qu’un vêtement. Elle se mue en « allégorie », à proprement parler, du Printemps. Une sorte de papillon flottant dans les notes chromatiques. Un trait propre à l’artiste réside dans la fine stylisation de ses personnages. Cela permet leur évolution, carrément aérienne, à l’intérieur du cadre spatial. (MISS BOB SINCLAR – 40 x 30 cm – acrylique sur toile).

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Le dessin est placé au centre de la toile donnant à celle-ci une mise en perspective à l’intérieur d’un cadre dont la couleur entre en harmonie avec la scène représentée, créant ainsi un contraste souple. Toutes ces représentations de la Femme ne sont pas innocentes, en ce sens qu’elles s’inscrivent dans la vitrine de prédilection à l’élégie de la féminité, à savoir l’univers de la Mode. Selon l’artiste, seule l’image de la Femme symbolise l’élégance par excellence. Influencée par le légendaire René Gruau, qui pendant des années mit son immense talent, notamment, au service de la Maison Dior, une grande sophistication se retrouve dans le geste, témoin d’une mise en scène, traduisant une mise en « signe » dans l’espace scénique. Observons, à titre d’exemple, LA REVEUSE (40 x 30 cm – acrylique sur toile).

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L’évolution que le personnage occupe dans l’espace se structure en deux zones chromatiques bien distinctes : mauve : zone droite/rougeorangeblanche : zone gauche. A part la bouche, conçue comme une tache rouge-vif, le visage est privé d’attributs. Les deux zones chromatiques définissent, en fait, deux moments de la scansion du geste : à droite, (zone mauve) le bras et la main sont portés vers le haut. A gauche, (zone rouge – orange – blanc), le bras et la main reposent sur la hanche. La grande influence qu’a le dessin sur l’artiste se fait surtout sentir au contact des œuvres de petites dimensions. Il est à noter qu’elles représentent toutes des femmes filiformes. Il s’agit avant tout d’un hommage plastique, dans le sens le plus total du terme, rendu à la Femme.  

Même si le style demeure personnel, force est de constater qu’à l’analyse, MARIE-HELENE FROITIER se trouve à la croisée de deux écritures distinctes.

Dans l’une de ses toiles exposées, résident les fantômes d’un genre qui a donné énormément de fil à retordre aux historiens de l’Art depuis la fin du 19ème s, à savoir l’art dit « naïf ».

Cela se constate dans le traitement graphique qu’elle apporte à la faune et à la flore de LA CABANE PERCHEE – 1,16 x 89 cm – acrylique sur toile).

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Il s’agit, en l’occurrence, d’une « naïveté » sans malice, en ce sens que cette dimension « naïve » ne sous-entend que ce qu’elle veut bien montrer. Et rien d’autre. Aucune sorte de discours sous-jacent ne transparait de cette écriture. Les cygnes, évoluant dans la fontaine, sont deux points d’interrogation étirés de couleur blanche parmi les nénuphars. Le cheval, à l’arrière-plan, conçu de façon ramassée est proche de l’esthétique « naïve ». La végétation, soutenant et entourant la cabane perchée, assure une entité esthétique. La cabane se fond dans la branche de l’arbre qui la soutient et l’unit, tant dans la forme que dans le chromatisme, avec l’ensemble de la composition dans une haute note d’enfance cachée que l’on pourrait, alors et seulement alors, qualifier génériquement de « naïve ».  

Néanmoins, même si cette œuvre embaume la « naïveté », elle n’y entre jamais de plein pied. Car elle est trop personnelle pour se laisser accaparer par un discours trop rhétorique.

Mais quel contraste avec LANDSCAPE (1 m x 80 cm – acrylique sur toile)

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dont les arbres, si « naïfs » dans l’œuvre précédente, semblent cette fois remplis d’une si grande « nécessité » réaliste ! Quelle volonté géométrique dans la conception de ce mur surplombant la mer, lequel n’est en dernière analyse, qu’une succession de carrés agencés, laissant percevoir quelque velléité cubiste. Sans doute faut-il voir dans cette œuvre (laquelle n’est autre que sa dernière création), l’amorce d’une écriture nouvelle, à la fois plus incisive (le trait définissant la matérialité des arbres est conçu à la pointe du couteau), tout en gardant certains éléments constitutifs de son style. Dans ce cas-ci, une homogénéité chromatique divise le tableau en zones : le vert pour les arbres, le bleu et le blanc pour la mer, le rouge et le rose pour le ciel.  

Rien de commun avec les symphonies de couleurs explosant dans les autres toiles ne se retrouve associé à son écriture actuelle. Bien sûr, certains éléments demeurent, tels que les petites coupoles formant un mouvement rythmique, en haut vers la gauche du tableau. Et c’est là, la seule réminiscence échappée des autres toiles.

Car LANDSCAPE sanctionne, à coup sûr, une phase nouvelle dans le processus créatif de l’artiste. Formée à l’Académie des Arts Plastiques d’Epinal, MARIE-HELENE FROITIER, originaire des Vosges, peint depuis « longtemps », comme elle se plait à dire. Issue d’une famille d’artistes (son père est sculpteur), elle a commencé à peindre lorsqu’elle était encore au collège. Très vite, elle s’est intéressée à la mode (comme le prouvent ces tableaux de petites dimensions, axés sur l’image de la Femme). A Paris, elle a parfait sa connaissance sur le sujet. Mais ne se plaisant pas dans cette ville, l’envie de retourner dans les Vosges l’a prise. Dès lors, tout en n’abandonnant pas son intérêt vital pour la peinture, elle a décidé de suivre des études d’infirmière. Et sa passion pour la mode et le paysage n’a fait que s’accroitre. En 1997, elle a participé à sa première exposition, organisée par la Maison de la Jeunesse et de la Culture de Nancy. Si, jusqu’à présent, le dessin fut le moteur préalable à toute initiative créatrice, il ne l’est plus aujourd’hui. En effet, l’artiste ne passe plus par cette phase. Désormais, par un jeu de construction, elle peint directement sur la toile, sans le préambule du croquis. Au fur et à mesure des ajouts de couleurs, l’œuvre se précise dans sa matérialité. En tant que paysagiste, ses scènes de prédilection se situent dans les Vosges. Mais il s’agit, plus que tout, d’une interprétation personnelle du décor vosgien. La douceur qu’elle y apporte exprime la nécessité de réaliser une œuvre intime. Sa matière de prédilection est assurément l’acrylique. Mais elle utilise également la dorure ainsi que des liants mâtinés pour apporter au sujet un maximum de relief. L’artiste unit dans le même amour sa mission d’artiste à sa profession d’infirmière en réalisant des fresques dans les hôpitaux.  

HAPPY ART ! Une vision du bonheur constellée de couleurs étincelantes. L’œuvre d’une artiste qui a fait de la folie de l’instant créateur le fondement d’un credo qu’elle partage, généreusement, avec le visiteur dans une vision féérique de l’indicible.

 

François L. Speranza.

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Une publication
Arts
 
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Lettres

N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul, éditeur responsable

 

A voir: 

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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Marie-Hélène Froitier et François Speranza: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles 

(1er avril 2015  -  Photo Robert Paul)

12273089256?profile=original    (Photo Espace Art Gallery)

Accompagnement musical: Richard Clayderman

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12273002868?profile=originalIl s'agit d'un roman de  Jean Giono (1895-1970), publié à Paris chez Grasset en 1935.

Écrit entre le 2 février 1934 et le 19 janvier 1935, Que ma joie demeure renoue avec l'inspiration panthéistique de la trilogie inaugurée par Colline. Il revêt toutefois une ampleur, tant par son volume que par les multiples réseaux symboliques et mythiques qu'il esquisse, qui le distingue des
premiers romans, beaucoup plus brefs et resserrés. Il fait en outre pendant au roman suivant, Batailles dans la montagne: «On m'a accusé de pessimisme pour Que ma joie demeure. Peut-être, car c'est le livre de la bataille des esprits; Batailles est le livre de la bataille des corps» (Journal, 4 février 1936).

Jourdan, un cultivateur d'une cinquantaine d'années qui vit sur le plateau de Grémone, en Haute-Provence, rencontre un homme d'environ trente ans, Bobi, dont les paroles aussitôt l'envoûtent (chap. 1). Jourdan et sa femme Marthe accueillent Bobi chez eux, à la Jourdane; ce dernier est acrobate et leur montre ses tours (2). Jourdan présente Bobi dans les diverses fermes du plateau: celles de Carle, de Randoulet, de Jacquou et de Madame Hélène, une riche veuve qui vit seule avec sa fille Aurore (3). Bobi invite ensuite Jourdan à répandre son blé sur l'aire, et le spectacle des oiseaux affamés par l'hiver et venus s'assembler devant la ferme émerveille ses habitants et les emplit d'une joie jusqu'alors inconnue (4). Jourdan, qui a planté cette année-là des fleurs sur les terres jadis réservées aux cultures, donne ses économies à Bobi qui revient, au printemps, avec un cerf qu'il a acheté pour eux. Les paysans, ayant aperçu avec émotion l'animal laissé en liberté sur le plateau, se rendent tous à la Jourdane où ils partagent un joyeux repas, ce qui n'était jusque-là jamais arrivé (5-7). Aurore, adolescente ombrageuse, et Joséphine, jeune femme sensuelle mariée avec Honoré, sont fascinées par Bobi. D'un commun accord, les convives décident d'aller chercher des biches pour le cerf et, peu après, les hommes quittent ensemble le plateau et reviennent avec des biches qu'ils lâchent sur le plateau de Grémone (8-11). L'automne passe et Bobi rencontre un jour Aurore dans la campagne; elle se montre très agressive et il ne semble pas comprendre qu'elle l'aime. Carle donne la liberté à son étalon et Jacquou à ses juments car c'est la période des amours.
Quant à Randoulet, il a acheté un immense troupeau de moutons qu'il laisse pâturer librement sur le plateau (12-15). Sa fille Zulma, une innocente transfigurée par sa mission de bergère et devenue la «reine des moutons», vit avec eux dans la grande prairie. La découverte de la liberté apporte bonheur et rêves à tous, mais Madame Hélène et Aurore souffrent de leur solitude. Bobi pense à la jeune fille mais c'est Joséphine qui devient sa maîtresse. Un magnifique métier à tisser, construit pour Marthe à la Jourdane, est l'occasion d'un nouveau repas collectif durant lequel tous décident de récolter leur blé ensemble et de le mettre en commun (16-20). Aurore se désespère et, durant la récolte du blé, qui prend des allures de fête, elle se suicide. Bobi, accablé de tristesse, quitte le plateau et meurt peu après, foudroyé dans la campagne. Chacun rentre chez soi; c'est la fin de l'oeuvre collective (21-25).

Giono explique en ces termes le titre du roman: «J'ai pris pour titre de mon livre le titre d'un choral de Bach: Jésus, que ma joie demeure. Mais j'ai supprimé le premier mot, le plus important de tout l'appel, le nom de celui qu'on appelle, le seul qui, jusqu'à présent, ait compté pour la recherche de
la joie; je l'ai supprimé parce qu'il est un renoncement. Il ne faut renoncer à rien. Il est facile d'acquérir une joie intérieure en se privant de son corps. Je crois plus honnête de chercher une joie totale [...]» (les Vraies Richesses, 1936, Préface). Puisant son inspiration et ses symboles aux sources du paganisme aussi bien que du christianisme, Giono mêle les allusions à des croyances et à des mythes multiples, créant ainsi un univers romanesque singulier, où cependant, la référence chrétienne demeure: car le personnage de Bobi s'apparente au Messie. Il est attendu avec ferveur par Jourdan qui a le pressentiment de sa venue: «Depuis longtemps il attendait la venue d'un homme. Il ne savait pas qui. Il ne savait pas d'où il viendrait» (chap. 1). Ce qu'attend Jourdan, comme tous les habitants du plateau, c'est que Bobi le guérisse de ses maux, lui donne une raison de vivre: Bobi apparaît donc comme le Sauveur, comme celui qui vient proposer aux hommes une issue à leur misère et à leur désespoir. Sa parole a le pouvoir de captiver d'emblée ceux quil'écoutent, et il utilise d'ailleurs parfois des tournures qui rappellent le ton prophétique des Évangiles: «Vous croyez que c'est ce que vous gardez qui vous fait riche. On vous l'a dit. Moi, je vous dis que c'est ce que vous donnez qui vous fait riche» (9). Ainsi, bien des aspects du roman justifient cette remarque de Bobi à propos de sa dimension messianique: «Ils m'ont reçu comme le Bon Dieu» (12).

Toutefois, Bobi est fort loin de prôner l'ascèse chrétienne. Le corps, dans le roman, est lesté de son poids de désirs dont se nourrissent la vie et la joie. Grâce au nouveau venu, les habitants du plateau retrouvent cette ardeur du corps qui va de pair avec celle de l'esprit. Bobi lui-même est acrobate, c'est-à-dire une sorte de magicien du corps, et cède à l'empire de la sensualité dans sa relation avec Joséphine. Dépourvu de toute référence religieuse, son message propose à l'homme une vie en harmonie avec les forces naturelles. La libération et le bonheur procèdent de cet accord et l'on a pu voir, dans Que ma joie demeure, la présence d'une inspiration dionysiaque, à travers notamment la figure du cerf, qui amorce l'initiation, ou les épisodes des festins. En fait, si la quête que le roman met en scène a bien une teneur mystique, cette dernière revêt une portée universelle qui dépasse la singularité des systèmes religieux. De plus, le bonheur à trouver se situe dans l'immanence: c'est à l'homme qu'il incombe de créer sa propre joie. Bobi n'apporte aucune doctrine aux habitants du plateau; il leur apprend simplement l'acceptation d'eux-mêmes: «La vie c'est la joie. [...] Elle est basée sur la simplicité, sur la pureté, sur l'ordinaire du monde!» (12). Il leur révèle les richesses qui sont en eux et dans la nature qui les environne mais qu'ils ne savaient plus voir, aveuglés par la routine, aliénés par la recherche du profit plutôt que par celle du bonheur.

Cependant, le dénouement du roman est pessimiste. Bobi échoue puisque c'est vraisemblablement à cause de lui qu'Aurore se tue et puisque, après ce triste épisode, tous recommencent à vivre comme ils le faisaient avant sa venue. Bobi lui-même est anéanti et, quoique sa mort prenne la dimension d'une apothéose - «La foudre lui planta un arbre d'or dans les épaules» (24) -, le dialogue intérieur qui la précède montre le déchirement du personnage en proie à un doute qui ne sera pas résolu. Quant à l'avenir sur lequel ouvre la fin du roman, il est des plus ambigus. «Il reviendra [...], j'en suis sûre» (25), se répète un des personnages à propos de Bobi. L'espérance, cette valeur si chère à Giono, voisine ici dangereusement avec le leurre.

La seule qui parvient à édifier un «paradis terrestre» (16), c'est la bergère Zulma, une jeune innocente. Elle demeure toutefois solitaire, incapable de communiquer vraiment avec les autres hommes et reine d'un paradis peuplé seulement d'animaux. Conformément à la tournure du titre, qui formule un voeu plutôt qu'il ne pose une certitude, le roman présente la joie comme une
aspiration plutôt que comme un acquis. Fragile et précaire, elle est à la portée de l'homme, mais celui-ci est-il capable de la saisir et de la retenir? Énigmatique, le dénouement laisse la question en suspens.

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La marche à l’étoile de Vercors

C’est une nouvelle de Vercors publiée en 1943. "Qui fut coupable envers Thomas?". Le mensonge, répond Vercors, une atroce méprise.

Première marche à l' étoile, sous la bannière de la foi et de la lumière. Thomas Muritz naît en 1866 d'une famille de parpaillots vosgiens émigrée à Presbourg, famille d' armateurs cossus, installée. Mais Thomas est amoureux de la France; il lit, pêle-mêle, Hugo, Dumas, Balzac, Sue; amoureux de la France, de la Liberté, de la Justice. Le suicide de son cousin Latzi, fils d'une juive, précipite son destin. Thomas sacrifie bonheur et repos, la chaleur d'un foyer, un avenir facile et sûr. L' enfance est terriblement sérieuse. L'aube vit Thomas sur la route, par-delà le Danube, qui mène à Vienne, qui mène à Paris. Il y parvint; il passa la frontière à Delle, le jour de la Saint-Jean. A l'aubergiste qui l'interroge: "Tu as fichu le camp", il répond "La France est un pays libre, citoyen". Et l'aubergiste, le "brave petit rouquin", ému, lui ouvre les portes de la France: "Tu es l'un des nôtres."

Seconde marche à l'étoile, mais cette fois-ci sous le règne des avares. Thomas, français, doit aller jusqu'au bout de son destin. André son fils, le plus jeune officier de France en 1914 ne tarde pas à devenir son plus jeune mort. Mais Thomas n'oublie pas le visage de son aubergiste roux: "les rouquins m'ont toujours porté bonheur", la France les lui déléguait en ambassadeurs. Le temps passe, une autre guerre. C'est l' armistice. L'étoile n'est plus au bout de la route, mais sur la poitrine de Thomas qui ne renie pas une mère juive. La France délègue son dernier ambassadeur, un dernier petit rouquin, gendarme cette fois-ci, qui le mène vers le peloton d'exécution. "Il regardait le gendarme, le rouquin, avec des yeux dilatés, et il bredouillait sans fin: non, non." Toute la détresse, le désespoir, l'horreur, l' agonie de l' amour assassiné. Vercors clôt sa nouvelle sur le regard de Thomas, ce bref regard posé sur le visage du mensonge, ce visage que nous portons tous en nous.

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Les amours jaunes

12272815093?profile=original"Les amours jaunes" est un recueil poétique de Tristan Corbière, pseudonyme d'Édouard Joachim Corbière(1845-1875), publié à Paris chez Glady frères en 1873.

 

Les poèmes des Amours jaunes, oeuvre unique de Tristan Corbière, ont été vraisemblablement composés à partir de 1862 et jusqu'en 1873. Le poète fit éditer le recueil à ses frais et le livre passa inaperçu. Il fallut attendre le premier article des Poètes maudits de Verlaine, en 1881, consacré à Corbière, et A rebours de Huysmans, en 1884, dont le héros, Des Esseintes, range les Amours jaunes parmi ses ouvrages favoris, pour que l'oeuvre de Corbière sorte de l'ombre.

 

Le recueil contient quatre-vingt-quatorze poèmes répartis en sept sections: «Ça», «les Amours jaunes», «Sérénade des sérénades», «Raccrocs», «Armor», «Gens de mer» et «Rondels pour après». Cette disposition est le fruit d'un travail de composition et ne reflète pas l'ordre chronologique de rédaction des poèmes. Bien que les renseignements sur ce sujet soient peu nombreux - les indications de date ou de lieu qui accompagnent souvent les textes sont fictives -, on peut avancer que les sections «Armor» et «Gens de mer», qui chantent la Bretagne natale du poète, ont été écrites à Roscoff, entre 1862 et 1871. La rencontre, en 1871, d'une jeune femme, nommée Marcelle dans la dédicace versifiée qui ouvre le recueil, engendre une rupture tant dans la vie que dans la poésie de Corbière qui effectue de nombreux séjours à Paris, entre 1872 et 1874, pour retrouver Marcelle. Les poèmes des «Amours jaunes», de «Sérénade des sérénades» et de «Raccrocs», composés sans doute entre 1871 et 1873 et caractérisés par une thématique amoureuse et un cadre urbain, sont d'une inspiration différente de celle des sections consacrées à la Bretagne.

 

L'organisation des Amours jaunes est donc le fruit d'une architecture concertée. Après une première partie, «Ça», consacrée à une présentation, ironique et dramatique à la fois, du livre et du poète, Corbière choisit de placer en tête du recueil les pièces parisiennes où s'expriment la détresse sentimentale et la distance douloureuse et hostile qui sépare l'homme de la femme («les Amours jaunes», «Sérénade des sérénades», «Raccrocs»). Ce ton pathétique et grinçant trouve une sorte d'apaisement dans les sections suivantes («Armor», «Gens de mer»), la terre natale apparaissant comme un refuge salvateur. La dernière section, «Rondels pour après», contient des poèmes en forme de berceuses qui font de la mort l'ultime havre libérateur.

 

Le titre du recueil est énigmatique et crée d'emblée, par les termes qu'il associe, une dissonance, élément clé pour l'ensemble de l'ouvrage. Le mot «amours», en effet, semble placer l'oeuvre dans la continuité d'une tradition poétique lyrique et sentimentale (on pense aux Amours de Ronsard) mais l'adjectif «jaunes» perturbe les repères et fait vaciller le premier signifiant. L'amour jaune serait-il une analogie du rire jaune, rire sans vraie gaieté, c'est-à-dire faux et douloureux? Ce rire jaune apparaît, explicitement lié à l'amour, dans "A l'Etna" («Raccrocs»): «- Tu ris jaune et tousses: sans doute, / Crachant un vieil amour malsain.» Le jaune est aussi la couleur symbolique de la tromperie («couleur de Judas», dit le Littré) et de la dégradation (par opposition à la pureté idéale du blanc). Le syntagme nominal «amours jaunes» place le recueil sous les auspices de la disharmonie.

 

La femme, objet d'un impossible amour, est toujours cruelle. Elle dit par exemple dans "Pauvre Garçon": «J'ai fait des ricochets sur son coeur en tempête. [...] / Serait-il mort de chic, de boire, ou de phtisie, / Ou peut-être, après tout: de rien [...] / ou bien de Moi.» Le poème "Bonne fortune et Fortune" est une sorte de fable symbolique qui conte l'échec de l'union amoureuse: la passante désirée par le poète prend celui-ci pour un mendiant et lui donne «deux sous». Lorsque le sentiment amoureux est miraculeusement partagé, un écart infranchissable persiste entre la femme et l'homme: «Lui - cet être faussé, mal aimé, mal souffert, / Mal haï - mauvais livre... et pire: il m'intéresse. - / [...] / Cet homme est laid... - Et moi, ne suis-je donc pas belle, / Et belle encore pour nous deux! - / En suis-je donc enfin aux rêves de pucelle?... / - Je suis reine: Qu'il soit lépreux!» ("Femme"). C'est seulement avec la mort que semble pouvoir advenir une fusion apaisée, à la fois érotique et idéale: «Sentir sur ma lèvre appauvrie / Ton dernier baiser se gercer, / La mort dans tes bras me bercer... / Me déshabiller de la vie!...» ("Un jeune qui s'en va").

 

Le manque d'harmonie ne concerne pas seulement la relation amoureuse. Il est inhérent au poète lui-même. Corbière endosse volontiers, dans ses poèmes, les masques de la laideur, de la misère et de l'infirmité. Ainsi, le poème "le Crapaud", sorte d'écho grinçant, car dépouillé de tout idéalisme, de "l'Albatros" baudelairien, s'achève par ces mots: «Ce crapaud-là c'est moi.» Ailleurs, le poète apparaît sous les traits du «lépreux» ("Femme", "le Poète contumace"), du «paria» ("Paria"), du «sourd» ("Rapsodie du sourd"), du «borgne» ou de l'«aveugle» ("Cris d'aveugle", "la Rapsodie foraine et le Pardon de sainte Anne"). Ces avatars d'un moi estropié et souffrant disent la difficulté d'être qui ne cesse de tenailler Corbière: «- Manque de savoir-vivre extrême - il survivait - / Et - manque de savoir-mourir - il écrivait» ("le Poète contumace"). D'autres périphrases délivrent pourtant une image lumineuse du poète: «beau décrocheur d'étoiles» ("Sonnet posthume"), «voleur d'étincelles» ("Rondel"), «peigneur de comètes» ("Petit mort pour rire"). Mais ces visions radieuses appartiennent toutes à l'ultime section du recueil «Rondels pour après», c'est-à-dire à l'univers de la mort réparatrice.

 

Ici et maintenant, la plénitude et l'harmonie sont refusées. Les multiples antithèses qui apparaissent dans les poèmes traduisent une identité douloureuse, écartelée toujours entre des postulations contradictoires: «Oiseau rare - et de pacotille; / Très mâle... et quelquefois très fille; / Capable de tout, - bon à rien; Gâchant bien le mal, mal le bien. Prodigue comme était l'enfant / Du Testament, - sans testament» ("Épitaphe"). Cette infernale lucidité dans l'analyse de soi donne le vertige et paralyse: «Trop Soi pour se pouvoir souffrir, / L'esprit à sec et la tête ivre, / Fini, mais ne sachant finir, / Il mourut en s'attendant vivre / Et vécut, s'attendant mourir. / Ci-gît, - coeur sans coeur, mal planté, / Trop réussi, - comme raté» ("Épitaphe"). L'effort de définition de soi tord le langage pour lui faire exprimer le paradoxe d'une existence déchirée par l'impossibilité de vivre: «Lui, ce viveur vécu, revenant égaré» ("le Poète contumace").

 

Le malheur et la souffrance sont donc au coeur de cette poésie. Toutefois, celle-ci mêle constamment, toujours selon le principe de l'éternelle réversibilité de toute chose, le rire au désespoir: «Viens pleurer, si mes vers ont pu te faire rire; / Viens rire, s'ils t'ont fait pleurer.../ Ce sera drôle... Viens jouer à la misère» ("le Poète contumace"). Cette constante présence de l'humour éloigne radicalement la poésie de Corbière de l'effusion romantique.

Cet humour frappe la poésie elle-même: des titres de sections tels que «Ça» ou «Raccrocs» témoignent d'une volonté de déjouer le sérieux et le formalisme de l'entreprise poétique. Ainsi, le premier poème du recueil, "Ça?", après de vaines tentatives pour définir la poésie des Amours jaunes, conclut: «C'est, ou ce n'est pas ça: rien ou quelque chose... Un chef-d'Oeuvre? - Il se peut: je n'en ai jamais fait. / [...] / C'est un coup de raccroc, juste ou faux, par hasard... / L'Art ne me connaît pas. Je ne connais pas l'Art.» Radicale et dévastatrice, l'ironie s'enracine dans le déchirement intérieur du poète. Le langage lui-même est frappé de suspicion car il peut sans cesse mentir. C'est pour cela que Corbière ne cesse de raturer, de retourner les énoncés.

 

Sa poésie puise sa force dans une sorte d'élan cahotique qui la caractérise. Une abondante ponctuation, à grand renfort de tirets et de points de suspension, bouscule le rythme et crée une respiration singulière. Images, idées ou mots paraissent s'enchaîner au fil de libres associations, si bien que les surréalistes ont cru déceler dans la "Litanie du sommeil" les prémices de l'écriture automatique. Or les témoignages de contemporains ou l'examen des brouillons et manuscrits de Corbière révèlent que cet apparent désordre est au contraire le fruit d'un minutieux travail. Jules Laforgue, dans «Une étude sur Corbière» (Mélanges posthumes, 1903), prétend qu'il est impossible d'extraire un seul beau vers des Amours jaunes. La remarque est peut-être excessive mais elle est fondée: Corbière travaille à désarticuler le vers. Sa poésie refuse les harmonies trop faciles et ne cède pas aux charmes de l'esthétisme: «Ce fut un vrai poète: il n'avait pas de chant» ("Décourageux").

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administrateur théâtres

12272976692?profile=original12272977453?profile=original12272979888?profile=original12272980084?profile=originalLe  nouveau Musée de Bruxelles :  le « Musée Le Fin-de-Siècle Museum »

Après l'inauguration en 2009 du « Musée Magritte»,  dont les recettes témoignent de l’excellente santé touristique, voici  enfin inauguré depuis le 6 décembre 213, le « Musée Le Fin-de-Siècle Museum ».

Il fait partie des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (MRBAB).   Il a pris ses quartiers dans les salles de l'ancien Musée d'Art moderne qui n'avaient plus été rénové depuis 1989 et fut  fermé depuis février 2011. De nombreuses plaintes se sont succédées, estimant que Bruxelles, capitale de l’Europe, se devait de  posséder un musée d’Art moderne digne de ce nom.

12272978275?profile=originalCONSTANT MONTALD, Nymphes dansant, v. 1898, huile et détrempe sur toile.

 Enfin !  Plus de 400 œuvres allant de 1865 (date de la fondation du  cercle artistique la Société libre des Beaux-Arts) à 1914  sont désormais exposées sur quatre niveaux et  un espace de 4.500 mètres carrés. Nous  ne possédons pas comme en France  la verrière lumineuse  d’une  gare d’Orsay pour accueillir les merveilles de nos années 1900 mais vous viendrez  néanmoins admirer des  artistes comme Maurice Maeterlinck, Emile Verhaeren, James Ensor, Fernand Khnopff et son célèbre tableau énigmatique « Les caresses », Léon Spilliaert, Victor Horta, Octave Maus, Henri Van de Velde, Maurice Kufferath, Guillaume Lekeu... Vous découvrirez les instants fugitifs et grandioses des marines de Louis Artan.  De belles  confluences se retrouvent avec des œuvres d’artistes étrangers tels que  Paul Gauguin, Auguste Rodin, Georges Seurat ou Pierre Bonnard.

12272980893?profile=originalPierre Bonnard : « Nu à contre-jour », ca. 1908

Cette  nouvelle institution culturelle belge met en évidence une  Belgique des plus rayonnantes sur le plan culturel à cette brillante époque et se veut très éclectique. Une des  salles est aussi  prévue pour des expositions  temporaires. Cette salle accueille dès aujourd’hui la dernière (26e) exposition à ouvrir ses portes  dans le cadre d’Europalia. Une exposition consacrée à  des photographes d’époque qui ont rapporté vers l’Occident les premières photos du Taj Mahal et de la vie quotidienne en Inde  en 1900.

Une section entière de cette entité muséale est consacrée à 230 œuvres Art-déco issues de la collection cédée par la famille Gillion Crowet  qui seront exposées en permanence dans ce nouveau musée : vaisselle, mobilier, vases d’une incomparable beauté. Cet ancien ensemble privé regroupe plus de 100 verreries (Gallé, Decorchemont, Daum, Val Saint-Lambert), des pièces d’orfèvreries (Wolfers), de mobilier (Majorelle, Gallé et Horta) et de nombreux tableaux (Khnopff, Mellery, Carlos Schwabe, Mossa et Delville). Un don d'un million d'euros a permis de dessiner l'architecture de la salle et la collection est estimée à 20 millions d'euros. Une salle entière est consacrée à James Ensor. Une autre à Spilliaert.

 Le caractère pluridisciplinaire est évident. C’est ce qui attire  en particulier le visiteur étranger.  La Monnaie a prêté des enregistrements et des maquettes sur l’opéra de l’époque. Le musée du Cinquantenaire prête une partie de sa collection de photographies anciennes. La Bibliothèque Royale expose de précieux documents littéraires. La Cinematek projette de petits films du début du 20e siècle. Des écrans tactiles permettent d’explorer des édifices Art-Nouveau caractéristiques de la Fin-de-Siècle dont la bourgeoisie florissante de l’époque s’enorgueillit et se passionne.

12272977488?profile=originalEugène LAERMANS (1864 - 1940), Les émigrants, 1894, Huile sur toile, 150 x 211

De l’impressionnisme au  réalisme social de Constantin Meunier et d’Eugène Laermans ou de Léon Frédéric, au post-impressionnisme, partout souffle l’esprit d’avant-garde de l’époque. Tandis que l’onirisme des  nymphes gracieuses du peintre symboliste  Constant Montald  fait rêver et songer à ce que peut être un âge d’or. « Age éblouissant mêlant décadence et espoir, splendeur et mélancolie, l’art «fin-de-siècle» rassemble un grand nombre de chefs-d'œuvre de la création belge et européenne entre 1880 et 1914, dans les différentes disciplines artistiques (la peinture, l’architecture, la photographie, les arts décoratifs, la littérature, l’opéra et la musique). » L’objectif  a été  de redéployer les collections fédérales en unités muséales précise Michel Draguet, directeur général des Musées Royaux des Beaux-Arts et de présenter Bruxelles au visiteur  comme le carrefour  de l’effervescence créative  de l’Europe. Le salon des XX (1883-1894) et La Libre esthétique (1894-1914) des courants particulièrement ouverts sur les artistes étrangers.

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Fernand KHNOPFF (1858 - 1921), Des caresses, 1896, Huile sur toile, 50.5 x151

La réorganisation des collections publiques se poursuivra avec l'inauguration en 2016 d'un nouveau musée consacré aux œuvres postérieures à 1914, a assuré Michel Draguet. Cela étant, de nombreuses instances culturelles continuent à  déplorer le manque de moyens financiers et humains  mis à la disposition des musées pour entretenir les trésors inestimables  que recèlent leurs caves, où la conservation même des œuvres devient un sérieux problème. Les infrastructures ouvertes au public sont elles aussi menacées par la vétusté  … ou les  infiltrations d’eau. On est encore sous le coup de la fermeture de la splendide exposition L'HERITAGE de Rogier van der Weyden  qu’il a fallu fermer précipitamment  après quelques semaines à peine  d’ouverture,  pour cause d’insalubrité pour les œuvres exposées.  L'œuvre d'une vie de deux chercheuses émérites, le Dr Véronique Bücken et le Dr Griet Steyaert.   Hélas, on ne peut imputer ces situations dramatiques  qu’à  à la  complexité  du système de gestion mais surtout à  un manque chronique d’intérêt de la part des instances politiques.  

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Paul Gauguin, Le calvaire breton, Le Christ vert, 1889

Huile sur toile, 92 x 73,5 cm © MRBAB, SABAM 2011, [Photo d'art Speltdoorn & Fils]

 

http://www.fine-arts-museum.be/fr/les-musees/musee-fin-de-siecle-museum

Musée Fin-de-Siècle Museum

rue de la Régence, 3
1000 Bruxelles
+32 (0)2 508 32 11
http://www.fin-de-siecle-museum.be
info@fine-arts-museum.be
Itinéraire

http://visitbrussels.be/bitc/static/front/img/db/ContentArticle_408/img_6882.pdf

 

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                      JACQUELINE KIRSCH OU LES DIALOGUES DE L’AME

 

Du 11-03 au 29-03-15, l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles) a le plaisir de vous présenter l’œuvre du peintre Belge JACQUELINE KIRSCH, dans une exposition intitulée MIROIR DE L’AME 2015, dont l’univers onirique ne manquera pas d’interroger chaque recoin de votre imaginaire.

JACQUELINE KIRSCH déploie l’étendue de sa palette dans un florilège d’éléments qui caractérisent sa signature.

Premièrement, son langage se dessine dans une forme d’intemporalité exprimée par les sujets représentés, baignant dans différents stades physiques et psychologiques de la vie mais enrobés d’une couche d’ « enfance » figée dans l’instant, comme un bonbon est enrobé d’une strate de caramel luisant.  

Ensuite, intervient l’amorce du regard qui fixe (sans doute devrait-on dire « fige ») le visiteur dans un contact carrément magique, en ce sens qu’il « immobilise » l’attention portée à l’œuvre dans un rapport épiphanique. Les yeux écarquillés, presque démesurés, divisant le visage latéralement, expriment la vérité d’une fenêtre ouverte sur le Monde dans une extase innocente.

Troisièmement, le jeu des mains structurant le mouvement dans une symétrie parfaite. Ces mains sont conçues d’une façon qui tranche, en quelque sorte, avec le sujet représenté, à savoir une vision de l’enfance et de l’adolescence. En effet, leur apparence noduleuse, affilée (voire squelettique à certains moments) se pose en contraste avec cet univers d’innocence et de pureté. (CONSOLATION – 80 x 60 cm – huile sur toile)

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- (AU CAMP – 80 x 60 cm – huile sur toile)

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– (L’ADOLESCENT – 80 x 60 cm – huile sur toile).

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Enfin, une savante alchimie dans le traitement chromatique nous propose une utilisation des couleurs, généralement tendres, telles que le vert-clair, le jaune, le rose, le bleu-ciel et le blanc. 

Le visiteur ne manquera pas d’être saisi par l’excellente organisation de l’espace. On plus exactement, de l’ « espace-temps », en ce sens qu’un rapport s’installe entre le sujet représenté à l’avant-plan et la conception spatiale, pensée en perspective en arrière-plan, laquelle est dominée par le sujet dont le volume écrase en hauteur l’ensemble de la composition sur les ¾ de la toile. (CONSOLATION et L’ADOLESCENT – cités plus haut).

Ces visages (en fait, le visage répété – légèrement modifié à chaque reprise), surmontés d’une chevelure blonde ainsi qu’une bouche également répétée à l’identique, de même un nez prenant sa source à partir des sourcils et un menton en pointe terminant le visage, sont pour le regardant la signature immédiatement repérable de leur auteure.

Comme nous l’avons spécifié plus haut, l’exposition s’intitule MIROIR DE L’AME. La notion du « miroir », en ce qui concerne l’Histoire de l’Art, est spécialement circonscrite dans l’autoportrait. Mais avec cette artiste, la dimension réflexive par laquelle se dévoile la psyché, se retrouve dans cette série de visages mélangeant enfants (CONSOLATIONAU CAMP – cités plus haut), adolescents (L’ADOLESCENT – cité plus haut) et adultes (LA BALLERINE 100 x 80 cm – huile sur toile – LE MIROIR 80 x 60 cm – huile sur toile).

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Tous baignant dans une même intemporalité….sucrée !

Mais à ce stade, un autre élément vient, en quelque sorte, contrebalancer cette douceur : le traitement des mains. Elles traduisent une technique héritée de l’Expressionniste allemand. Il est d’ailleurs extrêmement intéressant de constater la relation intrinsèque existant entre les titres des tableaux et leurs sujets. Là où apparaissent les mains noduleuses et torsadées s’insinue un rapport de tendresse : CONSOLATIONTENDRESSE (op. cit.).

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TENDRESSE offre d’ailleurs l’occasion de constater l’immense technique de l’artiste. Le traitement de la main soutenant le visage de la petite fille par sa grande sœur, laissant apparaître le tranchant volumineux, nous en dit long sur la maîtrise de l’artiste à reproduire le volume. L’expressionnisme des mains traduit un effet enveloppant et de soutien. Elle assure une atmosphère par un geste rassurant.

Nous avons souligné plus haut la douce harmonie des couleurs. Cette harmonie se détache à partir de zones spatiales déployées sur la toile. Observons la façon par laquelle le chromatisme se développe dans CONSOLATION. Cette toile se présente comme une série d’éléments « imbriqués », si l’on peut dire, l’un dans l’autre : la base du cou des personnages prend naissance à partir du pull, établissant une nette démarcation à la fois spatiale et chromatique.  La main du personnage de droite, posée sur le pull rouge de celui de gauche, offre à l’artiste l’opportunité de placer une haute note blanche sur la zone rouge du pull, mettant en exergue la blancheur du visage du personnage. Le jeu des mains accentue l’équilibre  de la composition.

LE MIROIR (80 x 60 cm – huile sur toile),

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est également un très bel exemple de sa virtuosité technique.

Il confère à l’exposition tout son sens car le miroir physique représenté sur la toile est, en réalité, celui de l’âme. Le discours explicité par l’artiste n’est autre que celui d’un dédoublement : le sujet réfléchi dont nous ne voyons que le dos, à l’avant-plan et son reflet dans le miroir, conçu comme espace d’arrière-plan. A ce stade, posons-nous une question : quel (et non « qui ») est le véritable sujet de cette œuvre ? Est-ce le dos du personnage féminin, amputé de son visage formant un volume dont la présence occupe l’avant-plan de l’espace scénique ? Est-ce alors le reflet de ce même personnage qui, dans la lumière du miroir, nous dévoile son visage ? Où donc se trouve l’identité du sujet ?  S’agissant d’un dédoublement, le personnage est présenté de biais face à son double. Son reflet est campé dans une excellente exposition du buste tourné de profil par rapport au visage, conçu en plan. Celui-ci est compris à l’intérieur de la coiffure divisée par la frange. Tout part des sourcils pour aboutir aux pommettes dessinées en triangle se terminant dans le bas. On a le sentiment d’être en face d’un masque. Qu’y a-t-il derrière celui-ci ? Le traitement de la couleur signifiant la lumière est tout aussi excellent : il décline un contraste entre la blondeur « or » de la chevelure du personnage et l’univers irradiant du miroir exhalant une lumière dorée tirant sur le vert. Intéressante est aussi la conception de la lumière enveloppante émanant du miroir que l’on retrouve également en dehors de la source réfléchissante, soit à l’extrême droite de la toile, détachée du cadre, lui-même conçu en jaune-or.

L’univers de JACQUELINE KIRSCH est, comme nous l’avons vu, bercé par l’image de l’enfance. Certaines de ses œuvres picturales représentant des enfants ont pour origine des photographies. Il y a manifestement dans sa peinture non pas une volonté de portraiturer au sens propre, historique du terme mais bien d’assurer une volonté de portrait dans son sens le plus symbolique.

Et ce symbolisme compris comme « idée », « image » se retrouve dans l’expressionnisme des mains entendu comme un désir d’amour, d’appel à la tendresse. Les mains semblent être d’ailleurs l’un des thèmes de prédilection de l’artiste dans la palette de ses expressions. Des peintures ne figurant pas dans l’exposition représentent un rendu extrêmement poignant de mains qu’elle a peintes dans le passé. Elles traduisent l’âme humaine d’une façon tout aussi criante que celles actuellement exposées dans ses toiles. Si l’on va au tréfonds des choses, l’on s’aperçoit qu’en dernière analyse, les mains sont aussi « parlantes » que le visage. Parce qu’elles portent en elles un vécu, à la fois humain et social.  Et cette contraposition des mains et des visages est un thème central de l’Histoire de l’Art.

L’artiste, qui peint depuis trente-deux ans, a une formation classique. Elle a fréquenté l’Académie de Braine-l’Alleud et fut l’élève des Professeurs Daniel Pelletti et Jean-Marie Mathot. Elle travaille à l’huile sur toile de lin. Dans un premier temps, elle aborde la toile nue en appliquant une première couche dans laquelle la térébenthine prime sur l’huile. Ensuite, elle applique une deuxième couche où les deux produits sont à égalité dans leur quantité.

Lorsque tout est sec, elle ajoute les glacis pour augmenter le volume des visages ainsi que des vêtements et des mains. Ses influences sont notamment les peintres expressionnistes Allemands (tels que Otto Dix – sans son côté sulfureux), mais aussi Dürer et Cranach.

JACQUELINE KIRSCH nous livre son âme émergeant, lumineuse, de l’eau du miroir. C’est une très belle âme ! On y retrouve l’inquiétude exprimée dans les mains torturées mais aussi la douceur et le désir absolu de tendresse dans la gaieté d’un chromatisme à la fois onirique et joyeux. Elle nous révèle la beauté d’un âge doré qui se dévoile, doucement, dans une lente intemporalité.

 

François L. Speranza.

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Une publication
Arts
 
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Lettres

N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul, éditeur responsable

 

A voir: 

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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Jacqueline Kirsch et François Speranza: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles 

(11 mars 2015  -  Photo Robert Paul)

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Photo Espace Art Gallery

                                                                                                                                                                                                   

     Accompagnement musical: concerto de Vivaldi pour mandoline

Jacqueline KIRSCH  ( °1949 )

 

MEDAILLEE  ARTS SCIENCES LETTRES , Paris

 

1980 - 1981   Cours de dessins à l'académie de Boitsfort à Bruxelles ,

                     sous la direction de Roger Somville

                               Mention 1er prix

1982 - 1990   Cours de peinture à l'huile à l'académie de Braine l'Alleud ( B )

                      Professeurs : Daniel  Pelletti, Jean - Marie Mathot. 

                      Arts plastiques et appliqués.

 

Expositions de Groupes

 

A partir de 1986 en Allemagne, la Belgique,

la France (p.e.Cannes 2005 + 2007 , Carrousel du Louvre 2006+2007+2008, Nancy,Dijon, Lunéville) le Grand Duché de Luxembourg

 

Expositions personnelles

  

   Galerie Zinzen, Bruxelles (B)                                                     1992

   Family's Gallery, Waregem (B)                                                  1993

   CGER, La Hulpe et Rixensart   (B)                                             1993

   Cense du Seigneur, Jodoigne   (B)                                             1994

   Galerie Myriel, Gent (B)                                                              1995

   Espace culturel de la Pommerage, Genval (B)                           1999

   RWE, Bruxelles (B)                                                                     1999

   Galerie Ransbeck, Ohain (B)                                                      2000

   Château d'Argenteuil ,Waterloo (B)                                            2000

   La Petite Galerie ,Bruxelles (B)                                                  2000 + 2003

   Galerie Le Carré d'Or, Paris (F)                                                 2001

   Galerie d'Art du Château Mottin ,Hannut (B)                              2002

    Le Val de Seille , Marly (F)                                                        2003

   Musée de Gorze , Gorze (F)                                                      2004

   9ème Salon d'Homécourt,(F) Invitée d'honneur                      2004

   Espace Culturel  E.Leclerc,  Hauconcourt (F)                            2004  

   Galerie  ART PRESENT, Paris (F)                                             2004

   Galerie Gausling, Marienfeld (D)                                                2004

   Galerie Municipale , Saint - Avold ( F )                                       2005

   Galerie Municipale , Woippy ( F )                                                2005

   Le Musée de l'œuvre de Jaumont , Malancourt la Montagne (F) 2005

   Galerie Mona Lisa , Paris (F)                                                        2005

   Galerie Doutreloux , Chénée ( B )                                                 2006

   Commerc'Art, Ville de Metz , Metz (F ) Maison Neumann            2006

   L'Abbaye des Prémontrés ,  

               Pont - à - Mousson ( F ) RETROSPECTIVE                     2006

  Galleria leukos , Bastogne (B )                                                       2007 

 13éme Salon d'Homecourt (F )

Présidente du Jury et Invitée d'honneur         2008

  Arts Libres ,Marly (F)                                                                      2008

                     Présidente du Jury et Invitée d'honneur

  6 éme Exposition Pouilly ( F) 'Arts &Culture' Membre du Jury      2008

  19éme Salon Peinture-Sculpture Dieuze (F)

                    Présidente du Jury et Invitée d'honneur                   2009

  3 ème Edition « L'art en lèche Vitrine «, Ville de Neufchateau

                    Membre du Jury                                                          2009 

 Art'Yllen , Morhange ,Présidente  du Jury                                     2010

« Les Contes d'Art'Mu » Montigny-lès-Metz   Membre du Jury      2010

8 éme Exposition Pouilly ( F) 'Arts &Culture' Membre du Jury       2010  

Summer Art Encounter Larochette ,Lu 2011 – Galleria leukos        2011

Galerie d'Art  ' arstudio '  Knokke -Le Zoute (B )                              2012

Galerie Artrays G/L 16. Shanghai Art Fair                                       2012  

Galerie Kalina , Regen (D )                                                              2013

Espace Art Gallery ,Bruxelles (B)                                                 2015

Le Centre culturel de Braine-l'Alleud / CHIREC                          2015

 

 

Articles

Trends "Une expo à croquer" Virginie de Potter, 10/1995

Je vais construire n°216 "Un certain regard" Désiré Roegiest 1/1999

Art Antiques Auctions n° 305 "Jacqueline Kirsch : peintures" Wim Toebosch 10/1999

                                                                                                                            

La Dernière Heure "Des enfants aux yeux d'adultes" Jean-Philippe de Vogelaere   10/1999

De Belgische Beeldende Kunstenaars uit de 19de en 20ste eeuw, Paul Piron 10/1999

Ideart n°64, France "Jacqueline Kirsch" Anita Nardon 12/1999

The art of healthcare, Baxter Calendrier 2000

Artprofil, Deutschland 1/2000

Art Antiques Auctions n° 310 "Galerie Ransbeck, Jacqueline Kirsch" Wim Toebosch                     4/2000                                                                                                                                                                                              

Artistes et Galeries,10/2000

JT ( Baxter ) ,RTBF 2 , 28.11.2000                                                                 

 Arts Antiques Auctions n° 317 , 12/2000                                                     

Femmes d'Aujourd'hui n° 50"Les enfants désemparés de Jacqueline Kirsch"

                Sophie   Godin 12/2000

Rencontres Bruxelloises 2001

Ne peins que des enfants , Jacques Henrard , Vers l'avenir 5/2002

L'appel des enfants, Anita Nardon 4/2003

Le Républicain Lorrain , Metz  F , 5/2004+ 6/2004+10/2004+12/2004 + 4/2005

                                                 5/2005 + 5/2006 + 8/2006 + 9/2006 + 12/2006                                                   3/2007+ 4/2007+10/2007+11/2008+11/2009 

                                                     11/2010+12/2010

UNIVERS DES ARTS No : 8+ 9 +11+ 88+-97+106 H +115 +143+ 147

DICTIONNAIRE DES ARTISTES PLASTICIENS DE BELGIQUE DES

                            XIXe ET XXe SIECLES, VOLUME III , 2005

Carte de Noël 2005 de l'ABBAYE DES PREMONTRES , Pont- à - Mousson

La Gazette de Liège 4/2006

La Semaine ,Longeville -lès- Metz No 77 du 31.8.2006 + No 242 du 5.11.2009+12/2010

L'Est Républicain ,Edition de Pont – à - Mousson, 31.8.+ 11.9.2006

                                   + 22.9.2006+11.11.2006 +

Spectacles , Nancy No 229 Sept. 2006 +No 230 Oct.2006 + No 231 Nov. 2006+

                              No 232 Dec.2006./Jan.2007

                              Metz   No 183 Sept. 2006+ No184 Oct.2006 + No 185 Nov. 2006                                + No186 Dec.2006/Jan.2007+ No 215 Nov.2009

feuilles de menthe,Metz No 5 Sept./Oct.2006

L'écho de Jean XXIII , Metz No 16 , 12/2006

EURO NEWS 15.3.2007 Expo Galleria leukos

Archiv.WOXX.Lu 2007

ArdenneWeb.eu 2007

L'Echo de la Bourse ,Belgique, 23.3.2007 , Colette Bertot

France 3 Sud , JT 2.11.2007

Agenda 2008 , L'Abbaye des Prémontrés , Pont - à – Mousson

L'EST REPUBLICAIN, Vittel 25.7.2008

L'écho de Marly , Automne 2008 ,No 60

www.marly 57.fr/artiste – du – mois – de – mai - 2009.php

ARCAL Programm Troisième trimestre 2009 Expo à Dieuze

Journaux du Midi  7.2009

Vivre l'animation au «Val de Seille» Marly

Ville de DIEUZE Site Internet Officiel   Oct. 2009

myLorraine.fr/exposition  Nov. 2009

Les Zaubettes  Nov. 2009

PLURIO Nov. 2009

Univers des Arts Dec/Jan 2009/2010  No 147

Les Echos de Morhange No 91  2/2010

l'ami hebdo 6/ 2010

L'Arcalien de Metz 3éme Trimestre 2010

Weissach im Tal ( D ) Mittteilungsblatt Nr. 41 , 14.10.2010

Backnanger Kreiszeitung ( D ) Oct. 2010

Agenda24.Lu   28.4.2011

RTL.Lu Konsdref  18.4.2011

Luxemburger Wort 15.6.2011

artplatform  (NL ) 8/2012

Ring TV Overijse den blank 5/2013

Artexpo 'Exibitions in your city ' No 93   2+3/2015

 

 

Monographies et préfaces

Anita Nardon, AICA

Helmut Orpel, Docteur en Philosophie

Professeur Marcel Van Jole,Vice Président AICA. 

Professeur Daniel Pelletti  

Jean-Yves LE DEAUT,Président de l'Abbaye des Prémontrés ,Pont à Mousson

Frederico Dovesi

Jean-Louis Avril

François L.Speranza , Jacqueline Kirsch ou les dialogues de l'ame

 

Œuvres

 

I.P.P.J., B - Wauthier-Braine, Baxter S..A. B - Bruxelles, l'Abbaye des Prémontrés, Pont à Mousson ,Collections privées en Allemagne, Belgique, Etats-Unis, France.

 

  

Récompenses

 

MERITE ET DEVOUEMENT FRANÇAIS , Paris , 10/2000

COMITE DE RECOMPENSES - MERITE PHILANTRHROPIQUE, Lille, 12/2001

ARTS SCIENCES LETTRES , Paris 4/2002

Grand Prix d'Arts Plastiques du Crapaud - 2ème Prix Contemporain 10/2002

8ème Salon d'Homécourt - Prix d'Encouragement  5/2003

MERITE ET DEVOUEMENT FRANÇAIS , Paris , 6/2003

6ème biennale d'Arts Plastiques - ArtMonty - 1er Prix Figuratif 10/2003

Grand Prix d'Arts Plastiques du Crapaud -Châtel St.- Germain ,

                         1er Prix Contemporain 10/2003                     

Prix Stanislas au nom de la ville de NANCY , 5/2004

DELEGUEE "ARTS-SCIENCES-LETTRES" , Paris 10/2004 – 12/ 2010

ARTS-INTER  à Chambéry, Médaille d'Argent, 12/2004

Le Monde de la Culture et des Arts , Expo Internat .Cannes Azur

                       Grande Médaille d ' Or 4/2005

ARTS-INTER à Evian les bains, Médaille d'Argent nominé Vermeil , 5/2005

ARTS-INTER à Verdun , Médaille de Vermeil  , 9/2005                                                                        

 Le Monde de la Culture et des Arts, Expo Internat.Cannes Azur

                     Grande Médaille d'Or  4/ 2007  

« Médaille d'Honneur de la Ville de Dieuze » Nov. 2009                    

ARTS  SCIENCES  LETTRES, Paris, Diplôme de  Médaille de Vermeil 6/2010         

                                                                                                                4 / 2015

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  QUAND LE MYTHE S’INCARNE DANS L’ART : L’ŒUVRE D’ODILE BLANCHET

Du 20-10 au 06-11-16, s’est tenue à l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles), une exposition consacrée à l’œuvre de l’artiste française, Madame ODILE BLANCHET, intitulée INTERSTELLAIRE.

L’expression picturale de cette artiste repose non pas sur une tradition mythologique que le ressassement par l’esprit a rendu « classique » mais bien par l’envol créateur que la profondeur de son approche personnelle suscite. Cet envol créateur est, notamment, provoqué par l’élasticité des figures mythologiques étirées par la tension plastique à l’origine du mouvement.

MORGANEZ (80 x 120 cm- acrylique sur toile)

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nous offre un décorum céleste, campé en son milieu, par un personnage féminin dont nous ne voyons que le buste, lequel étire ses bras de telle façon que ceux-ci se confondent dans un chromatisme à dominante dorée (en dégradés), lui conférant ainsi l’envol d’un génie ailé. Techniquement parlant, cette figure féminine s’inscrit dans un réseau de raccourcis, lesquels, dans un premier temps, figent le personnage au niveau du buste et de la tête, pour le libérer dans un geste ascensionnel par l’étirement des bras, tendus vers le haut, formant ainsi des ailes culminant avec le soleil. Ces raccourcis se perçoivent à hauteur du buste dans une ligne qui le comprime, mettant en relief les seins du personnage, tout en alternant le mouvement du torse entre le profil et le trois quart. Du cou, inexistant, surgit un visage conçu de profil dont les attributs sont absents. L’absence, volontaire, du cou permet au visage de reposer sur un fin trait duquel prend naissance son bras gauche. La chevelure, tirée vers le haut, offre au bras droit, à peine perceptible, une assise lui assurant son envol vers un chromatisme extrêmement travaillé, évoquant le déploiement de l’aile, typique de la Niké grèque. Une constante régit l’œuvre de l’artiste : la présence physique d’une matière largement travaillée. L’univers mythologique de l’œuvre est agrémenté d’une paire de masques sur la droite de la toile, vers le bas, personnifiant des Gorgones,

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reconnaissables à cette matière, à la fois compacte et filandreuse, évoquant des serpents. Bien que les personnages appartiennent au monde gréco-romain, leur conception plastique pourrait, esthétiquement, être considérée comme un clin d’œil à la Commedia dell’Arte, par conséquent à la Renaissance italienne. Une autre figure, « mythologique » au sens qu’elle est issue de la mythologie personnelle de l’artiste (vers le haut à gauche de la toile), fait irruption sous la forme d’un profil pouvant évoquer le museau de cheval, symbolisant l’image du « Naissant », dont le graphisme est proche de l’esthétique d’un Chagall.

Cela se perçoit essentiellement par la finesse d’exécution du museau, longiforme, tout en délicatesse. Il s’agit d’un cheval descendant en droite ligne de l’imaginaire de l’artiste, lequel n’a rien de commun avec un graphisme qui s’efforcerait de respecter ses proportions morphologiques originales.

Il est intéressant de noter que les seuls personnages à avoir des traits faciaux sont les masques et le cheval. Comme nous l’avons mentionné plus haut, la femme, elle, en est privée. Les masques, même conçus comme tels, évoquent par leur traitement graphique, des visages anatomiquement humains : le nez, la bouche et les joues sont délimités par un réseau de traits au fusain, finement ciselés et fortement appuyés, mettant en exergue le grand talent de dessinatrice de l’artiste. Notons, néanmoins, cette constante, à savoir qu’à toutes les époques, de l’Antiquité classique à nos jours, les traits du visage de la Gorgone ont toujours été extrêmement prononcés et précis.

Une vaste note brune (en dégradés) s’étale sur le museau du cheval, lui laissant au niveau des yeux et des narines, traités en noir très vif deux zones, restituant la réalité morphologique qui lui sied. MORGANEZ est une œuvre « bouillonnante ». Le mouvement qu’elle dégage est le résultat du mariage rythmique entre la forme et la couleur. Le jaune, à outrance, se mêle au bleu, au vert et au rouge vif, formant ainsi l’image mythologique du ciel en convulsions, vers lequel tend l’ensemble de la composition.

PSYCHE (100 x 80 cm-acrylique sur toile)

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Avec cette œuvre, l’artiste réinterprète une thématique qui fit fureur pendant toute l’Histoire de l’Art, depuis l’Antiquité classique en passant par Raphaël jusqu’à Canova, pour trouver son heure de gloire dans l’Angleterre des préraphaélites (19ème siècle) avec, notamment, les œuvres de Waterhouse ou de Burne-Jones. A la période romantique (18ème siècle), des artistes tels que le sculpteur italien Canova, ont immortalisé l’étreinte amoureuse entre Amour et Psyché dans une posture délicieusement charnelle. En matière de peinture, Amour s’est souvent manifesté sous les traits d’un « putto », un ange-enfant se blottissant contre Psyché.

Ici, l’artiste revient aux origines mythiques de la nymphe sur son rocher mais dans une écriture contemporaine, en lui conférant une angoisse existentielle exprimée dans une vision du souvenir à jamais perdu.

Ce souvenir, est pour ainsi dire, guidé par les yeux de la femme-Psyché, à demi-nue, tournés vers la gauche.

En fait, elle n’existe que par le regard, les autres attributs du visage étant absents. Elle regarde. Mais que regarde-t-elle, en réalité ? Elle regarde un reflet qui se profile derrière elle rendu silhouette. 

De plus, voilà qu’au détour d’un coin, vers le haut à gauche, apparaît un deuxième reflet qui se dérobe au regard. Dans cette œuvre, deux éléments créent le rythme, à savoir le contraste saisissant entre la couleur chaude partant du bas de la toile inondant la femme et les teintes ternes, attribuées aux reflets. Les teintes chaudes centrées sur le jaune et le bleu sont fortement marquées par la présence de la matière incrustée, par rapport à la pâleur presque cadavérique des reflets, constitués de vert et de bleu, à peine émoussés au chiffon, pour rendre la forme évanescente. Ensuite, le rythme s’affirme par le traitement du buste de la femme, plongé dans la chaleur chromatique des teintes chaudes. Il y a une compression rythmique à partir du buste du personnage, produisant le sentiment d’une légère surélévation entre l’épaule gauche (droite pour le visiteur) et celle de droite (gauche pour le visiteur). Cela constitue un véritable tour de force, car en réalité, il n’en est rien. Tout en conservant les épaules au même niveau, son bras droit, légèrement avancé par rapport au gauche, amorce une cassure rythmique, à l’origine d’un mouvement donnant au buste une légère rotation de trois quarts. Le tout étant appuyé par la posture directionnelle du regard de la femme ainsi que par son visage, légèrement tourné vers sa gauche. Quel discours véhicule cette œuvre ? Les reflets, derrière la femme, évoquent les souvenirs d’un amour perdu. Le troisième personnage (celui qui s’apprête à  fuir au regard), est en réalité l’être aimé, personnifié en une créature hybride, se perdant dans la brume de la mémoire. Consciemment ou non, l’artiste renoue avec le mythe original, en ce sens qu’une fois emportée de son rocher vers un palais merveilleux, Psyché rencontre un être mystérieux qui lui promet un amour éternel, à condition qu’elle ne cherche pas à voir son visage. De fait, le visiteur ne l’aperçoit pas non plus.

Dans le mythe, le personnage mystérieux est hideux, sur la toile il est hybride, ou pour mieux dire, hermaphrodite, car son dos masculin est couvert d’une longue chevelure féminine. Il n’y a plus d’approche charnelle entre Psyché et Amour mais bien un rapport basé sur la mémoire, elle-même à la base de toute construction mythologique. Le personnage de Psyché, tout en demeurant mythique, échappe au récit classique en s’auto psychanalysant : elle se retourne sur un passé qui fut le sien et ne cesse de fuir. D’où sa participation à la tragédie contemporaine. Dans le bas à droite, un détail se laisse percevoir : la présence d’une page d’un livre. Ce détail est un rappel à la mémoire active qui raconte le mythe de Psyché sur son rocher.  L’artiste a voulu, en partant du bas, effectuer un passage allant de la matière symbolisant la terre (la solidité, la stabilité), pour rejoindre, vers le haut, le domaine du lisse, de la douceur du souvenir à jamais enfoui. Cette quête de la douceur révèle, néanmoins, une tentative d’espoir dans le traitement plastique du récit, ce qui nous renvoie à l’interprétation néo-platonicienne du mythe, à savoir un message d’espérance.

L’HEURE BLEUE (97 x 130 cm-acrylique sur toile)

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. Il y a comme une transition stylistique dans l’œuvre de l’artiste, en ce sens qu’à partir d’un même style, émerge une deuxième écriture.

Une écriture faite de réminiscences rappelant les « collages » des années ’20. En effet, des extensions en papiers apportent à la composition une esthétique qui déroute le visiteur.

L’HEURE BLEUE comporte sur sa droite (en haut et en bas), des fragments de plans de villes, associés à des zones chromatiques réalisées par collages, conçues de couleurs différentes. La philosophie des couleurs demeure la même : des teintes vives, proches du fauvisme, avec dans cette œuvre une dominante bleue enveloppant les autres teintes, traitées de façon à ce que celles-ci soient subordonnées à la couleur dominante. Aucune d’entre elles ne dépasse en intensité la teinte enveloppante. Dès lors, quelle surprise de voir, sur la gauche de la toile une série de constructions cubiques conçues en des proportions différentes.

Bien qu’elles soient parfaitement alignées, elles distillent un goût d’inachevé. Cela est dû au fait que chacune appartenant à cette série est encadrée à l’intérieur d’une zone particulière.

Centrée au cœur d’un univers froid, dominé par le gris, une construction géométrique, basée sur le module du rectangle, nous dévoile la façade d’un immeuble comportant dix fenêtres qui scandent le rythme d’un mur blafard. En bas, une deuxième zone oppose une série de maisonnettes dont trois d’entre elles sont surmontées d’une toiture de couleur noire, rappelant l’atmosphère d’un hameau. Malgré l’absence de voiles ou de vagues, cette composition exhale un parfum de mer.

Cela s’explique à la fois par la puissance que le bleu a sur notre imaginaire mais aussi parce que la scène se déroule dans un paysage breton. Une fois encore, la mythologie personnelle de l’artiste l’emporte sur le reste. La présence de fragments de plans de villes provient d’un souvenir pénible, celui d’un tremblement de terre que l’artiste vécut au Guatemala avec son mari, il y a des années. Ces fragments cartographiques sont à la fois, les résidus que le phénomène tellurique a laissés de la ville qu’il a ravagée, mais aussi des peurs non assouvies ressenties par l’artiste. D’autre part, le titre de l’œuvre (L’HEURE BLEUE) définit en réalité, l’heure du matin, plongée dans l’incertitude de ce que sera le jour : fera-t-il beau ou pleuvra-t-il ? La série des éléments architecturaux cubiques traduisent, à la fois l’amour de l’artiste pour le cubisme mais aussi ce qui est ressenti par elle comme une particularité bretonne, à savoir une uniformité presque maladive d’une certaine forme d’habitat local. Ce qui traduit dans son discours la présence d’une menace.

Cette même écriture se retrouve dans la réalisation de TOHU BOHU (80 x 80 cm-acrylique sur toile)

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où nous constatons cette association de peinture et de collages, à l’intérieur d’un univers au désordre extrêmement maîtrisé. Des fragments de plans de villes évoluent avec des zones aux couleurs incandescentes, alternant avec des teintes plus douces, particulièrement au bas de la toile.

Il y a dans l’œuvre d’ODILE BLANCHET une tentation de la forme révélée par une abondance de couleurs insufflée dans la plasticité de la matière.

La dimension mythologique, l’artiste la traduit de façon « biblique », selon son expression, voulant insister par là sur le côté « cosmologique » du créé. Sa peinture traduit les temps du « commencement ».

Et comme pour tous débuts, elle se questionne sur l’origine mytho-physiques de ces débuts, que l’on retrouve dans la personne de la Femme, la matrice de laquelle est issu le créé. MORGANEZ (cité plus haut), est une expression bretonne signifiant : « Née de la mer ». Elle distille une douceur maternelle, signifiée par cette image du « Naissant » exprimée dans les traits du profil d’équin. Tandis que la douceur maternelle confine avec la lumière céleste.

L’artiste qui s’exprime à l’acrylique, a suivi trois années d’études aux Beaux Arts de Clermont-Ferrand, sans pour autant porter son cursus à terme, pour éviter le professorat. Après un intervalle de dix ans, elle a renoué avec la peinture en repartant de zéro. Son talent de dessinatrice (révélé dans le traitement du visage des Gorgones de MORGANEZ – cité plus haut), s’est affirmé après avoir suivi un atelier de dessin pendant sept ans. Par conséquent, elle possède une formation académique, à la base, tout en poursuivant son parcours en tant qu’autodidacte. Ses influences sont multiples, de Chagall en passant par de Chirico, tout en vouant une véritable admiration à Picasso pour sa liberté créatrice.

Le titre de son exposition : INTERSTELLAIRE n’aurait pu mieux convenir, car il résume parfaitement la conception, à la fois cosmique et créatrice de la peinture : à l’instar de l’étoile, la peinture est un concentré de matière en perpétuelle errance, à la recherche constante de sa propre vérité.

François L. Speranza.

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Une publication
Arts
 
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Lettres

N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul, éditeur responsable

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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Odile Blanchet et François Speranza  interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles

(6 novembre 2016 photo Robert Paul)

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Signature d'Odile Blanchet

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Exposition Odile Blanchet à l'Espace Art Gallery en octobre-novembre 2016 - Photo Espace Art Gallery

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Pour ma part, je suis bruxellois depuis 72 ans et compte le rester encore (une fois) jusqu'à 107 ans

R. P.

J'ajoute ici le texte que Béatrice Joly   nous a envoyé

Je souhaite présenter toutes mes condoléances et sentiments de fraternité aux familles victimes et au peuple Belge de votre drame et être avec vous en ces jours de douleur comme vous l'avez été en amis de la France. Nos deux pays si liés depuis des siècles par notre histoire commune fait de nous une amitié indissoluble que rien ne pourra dissoudre. Je suis avec vous de tout cœur et en mes âme et esprit me fait le chemin de votre douleur pour que cesse un jour cette rage contre l'homme au non d'idéologies mal pensées et ô combien destructrices ! Puissiez-vous trouver apaisement dans la colère qui nous saisit tous à cet acte de terreur renouvelé et dire que leur volonté de nous terrifier par les armes de feu et de métal ne sera jamais cette terreur espérée de leur part. Chers amis de Belgique, je pleure très sincèrement avec vous et avec vous suis touchée en plein cœur de cette volonté d'imposer ces horreurs qui n'ont de nom et d'appartenance qu'en la monstruosité sans jamais acter dans l'amour. C'est un drame que de passer son temps à haïr et détruire l'Homme comme ils le font sans trouver raison, ni sagesse et croire que leur seul point de vue est le monde ! Oui, avec vous de tout coeur car le coeur est notre patrie et notre appartenance, notre philosophie et notre destinée, notre chemin et notre volonté !

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Inspiré des peintures de Watteau et de Fragonard, l'univers des Fêtes galantes (1869) de Verlaine rappelle, tant par ses personnages que par ses décors, celui d'un XVIIIe siècle sensuel, spirituel, libertin, ironique, élégant, désinvolte. La nature est domestiquée en parcs - pourvus d'avenues, de boulingrins, de bassins, de grottes, de pavillons et de statues - dans lesquels évoluent des figures dont les noms conventionnels évoquent les jeux de la Préciosité, par exemple Clitandre dans "Pantomime", Clymène dans "Dans la grotte" et "A Clymène", Atys, Églé et Chloris dans "En bateau", ou Tircis et Aminte dans "Mandoline".

Le corps est mis en représentation, paré avec artifice, grâce à des masques ("Clair de lune") ou à une mouche qui "ravive l'éclat [...] de l'oeil" ("l'Allée"). Vêtements et parures sont somptueux, destinés à solliciter les regards et à aiguiser les désirs: "Les hauts talons luttaient avec les longues jupes, / En sorte que, selon le terrain et le vent, / Parfois luisaient des bas de jambes, trop souvent / Interceptés! - Et nous aimons ce jeu de dupes" ("les Ingénus"). Raffiné, tant dans ce qu'il met en scène que dans sa facture poétique, l'art verlainien se plaît, l'exemple précédent en témoigne, à de subtils rejets qui soulignent le sens, non sans humour, et confèrent au vers une musicalité particulière. Fréquemment évoquée dans le recueil car elle fait partie de l'environnement coutumier des personnages, la musique fonde aussi le charme et l'originalité de la poésie des Fêtes galantes. Ainsi "Sur l'herbe", faisant fi de toute logique, voire du langage lui-même, mime l'euphorie d'un chant suscité par l'ivresse: "- Ma flamme... - Do, mi, sol, la, si./ [...] - Messieurs, eh bien? / - Do, mi, sol. - Hé! bonsoir, la Lune!" Ailleurs, ce sont la variété, le caractère inhabituel et la brièveté des mètres, cette dernière entraînant un retour rapide de la rime et de nombreux rejets, qui engendrent une mélodie inédite et typiquement verlainienne: "Arlequin aussi / Cet aigrefin si / Fantasque / Aux costumes fous, / Ses yeux luisant sous / Son masque" ("Colombin"). L'utilisation fréquente de l'assonance et de l'allitération contribue également à la musicalité, souvent ludique, du vers: "Et filons! - et bientôt Fanchon / Nous fleurira - quoi qu'on caquette!" ("En patinant").

Le comportement des personnages qui peuplent les Fêtes galantes est codé et étudié ("Avec mille façons et mille afféteries", "l'Allée"). Le paraître est savamment orchestré et appelle un décryptage sur ce théâtre - nombreuses sont d'ailleurs les références aux personnages de la commedia dell'arte - du badinage érotique: "On est puni par un regard très sec, / Lequel contraste, au demeurant, avec / La moue assez clémente de la bouche" ("A la promenade"). Toujours teinté d'un léger humour - ainsi, "un baiser sur l'extrême phalange / Du petit doigt" est une chose "immensément excessive et farouche" dans "A la promenade" -, le marivaudage se fait parfois plus audacieux, sinon parodique, par exemple lorsqu'une belle, "gantée avec art" et drapée dans sa "lourde robe" attire l'"insolent suffrage", c'est-à-dire attise le brûlant et sauvage désir de ses compagnons familiers, un singe et un négrillon. Dans "les Coquillages", le jeu de la métaphore précieuse, qui associe les coquillages d'une grotte à diverses parties du corps de l'amante, se termine par une chute où se mêlent humour, galanterie et érotisme: "Mais un, entre autres, me troubla."

La fantaisie du recueil, son aspect badin, voire anodin, ne sauraient masquer la présence d'une tristesse qui y imprime comme un voile permanent. Ainsi, le premier poème invite déjà à repérer un décalage ou une discordance au sein de la voix qui chante, à percevoir une détresse exprimée en sourdine derrière l'apparence: "Tout en chantant sur le mode mineur / L'amour vainqueur et la vie opportune, / Ils n'ont pas l'air de croire à leur bonheur / Et leur chanson se mêle au clair de lune" ("Clair de lune"). Certes, l'amour et le bonheur sont offerts mais leur appropriation ne s'effectue pas pleinement. Toujours balancée au rythme d'un "souffle berceur" ("En sourdine"), soumise à des principes contradictoires et traduite volontiers par des images oxymoriques, l'expérience verlainienne ressemble à ces jets d'eau que l'on voit "sangloter d'extase" dès le poème initial.

Le plaisir est inséparable d'une mélancolie inspirée sans doute par la conscience du caractère provisoire et périssable de toute chose. Ainsi le décor même des Fêtes galantes paraît parfois fragile, menacé. Dans "A la promenade", par exemple, les adjectifs confèrent avec insistance au décor une inquiétante précarité - "Le ciel si pâle et les arbres si grêles" - qui le porte au bord de l'évanescence. Les derniers poèmes des Fêtes galantes confirment et aggravent cette impression d'angoisse, sensible dès "Clair de lune" et perceptible dans divers autres textes. L'"exquise mort", qui consisterait, pour les amants, à mourir d'amour ensemble, est traitée, dans "les Indolents", sur un mode franchement comique; elle ne s'accomplit pas puisque les protagonistes "Eurent l'inexpiable tort / D'ajourner une exquise mort. / Hi! hi! hi! les amants bizarres." Ce poème, iconoclaste en ce qu'il désacralise le sentiment, semble préfigurer "l'Amour par terre" qui dit peu après, sur un mode grave, la destruction de l'Amour dont "le vent de l'autre nuit a jeté bas" la statue: l'exclamation "Oh! c'est triste!" vient à deux reprises souligner le caractère douloureux du spectacle. Cette fois, le rire n'est plus de mise et tout se passe comme si l'univers des Fêtes galantes, un moment surgi du néant, des temps anciens et de l'imagination du poète, s'abolissait à tout jamais. Dans le dernier poème, "Colloque sentimental", le parc est désormais "solitaire et glacé". Les personnages ne sont plus que "deux formes" fantomatiques, "deux spectres": "Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles, / Et l'on entend à peine leurs paroles." Le recueil choisit de se clore sur cette parole qui s'anéantit et sur une note désespérée: "L'espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir." La magie et les mirages des Fêtes galantes ne sauraient masquer, dans la poésie de Verlaine, la "voix [du] désespoir" ("En sourdine").

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administrateur théâtres

                           Bruxelles  Pharaonique

         Plus de 1.000 objets sur 4.000 m² au Heysel ... et aussi au Musée du Cinquantenaire

 

                                      « TOUTANKHAMON, SON TOMBEAU ET SES TRÉSORS »

 

Du 20 avril au 6 novembre 2011 à Brussels Expo au Heysel,  le visiteur et invité  à revivre, comme s’il y était, le moment magique de la découverte, le 26 novembre 1922, de la tombe de Toutânkhamon dans la Vallée des Rois, par l'archéologue Howard Carter. La mise en espace de cette exposition est grandiose.

 

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 Quatre chambres se présentent à lui, certaines remplies jusqu’au plafond d’objets funéraires plus précieux les uns que les autres, destinés à accompagner le défunt roi dans son voyage dans l’au-delà : bijoux, objets religieux, amulettes, coffrets, sièges, armes, instruments de musique et attributs de pouvoir.

 

Quelques chiffres et dates :

 

Toutankhamon régna comme roi (pharaon) de la 18e dynastie (Nouvel Empire) en Égypte ancienne de 13333 à 1323 avant notre ère.  Son tombeau resta caché durant 3 300 ans.

• Au début du 20e siècle, certains scientifiques pensaient qu’il ne restait rien à découvrir dans la Vallée des Rois.

• Howard Carter (né le 9 mai 1874 à Kensington, Londres ; décédé le 2 mars 1939 à Londres) était un archéologue et égyptologue britannique.

• Lord Carnarvon était un égyptologue amateur passionné qui commença à financer en 1907 les fouilles de Howard Carter dans la Vallée des Rois près de Thèbes.

• Howard Carter découvre le tombeau de Toutankhamon le 4 novembre 1922, après sept années d’inlassables recherches.

• Le 23 novembre, Lord Carnarvon et Lady Evelyn arrivent à Louxor.

• Le 24 novembre, une volée entière de 16 marches menant à l’entrée du tombeau est mise au jour.

• Le jour suivant, les sceaux imprimés sont copiés et enlevés. Les hommes se frayent un chemin dans les couloirs descendant au tombeau.

• Le 26 novembre allait devenir le jour J pour Carter. Après avoir déblayé le couloir et pratiqué une petite ouverture dans la seconde porte scellée, Carter et son équipe utilisent une bougie pour regarder à l’intérieur et apercevoir des choses merveilleuses.

• Le 29 novembre, le tombeau est officiellement ouvert en présence de Pierre Lacau, directeur général du Service des Antiquités, de Mohamed Bey Fahmi, gouverneur de la province, et d’Arthur Merton, correspondant du Times de Londres, qui envoya ensuite

un télégramme annonçant la stupéfiante nouvelle à Londres.

• Le 30 novembre 1922, le Times annonce la découverte la plus spectaculaire du siècle à Louxor.

• Le 3 décembre, le tombeau fut scellé provisoirement et comblé avec des décombres.

• Lord Carnarvon décéda peu après, probablement d’une bactériémie à la suite d’une morsure de mouche.

Après la mort de Lord Carnarvon, des journaux évoquèrent une prétendue malédiction associée à la chambre funéraire.

• Howard Carter décède 17 ans plus tard.

• Ce qui rendait unique la tombe de Toutankhamon, c’est qu’elle était la seule dans la Vallée des Rois à n’avoir jamais été pillée.

 

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 Pour l’exposition Toutankhamon, le tombeau et ses trois chambres ont été recréés avec soin et constituent une réplique à l’identique des originaux.

Nulle part ailleurs, pas même en Égypte, il n’est possible de voir le tombeau et les chambres du trésor, ni la mise en scène de la découverte comme cette exposition les montre.Plus de 1.000 répliques des principaux objets découverts sont exposées.

Même le masque mondialement célèbre peut être admiré sous la forme d’une  reproduction parfaite, dont l’original a fait le tour du monde dans les années 1980.

 

 

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 Grâce à la technologie moderne, l’ancienne civilisation du Nil retrouve sa splendeur d’antan, plus authentique et plus captivante  que jamais. Cette exposition montre combien il peut être fascinant de reproduire, avec l’aide de répliques elles-mêmes fabriquées avec le plus grand soin, l’impression dégagée par quelque chose dont, jusqu’à maintenant, on ne pouvait faire l’expérience que par l’intermédiaire de photographies ou de peintures.

 

 

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Les artisans égyptiens qui ont réalisé les répliques n’ont rien à envier à leurs ancêtres, de sorte que chaque objet peut être examiné de très près. Les inscriptions couvrent toute la surface des pièces et les détails sont soit sculptés, soit incrustés de pierres semi-précieuses, de verre coloré d’ivoire et d’ébène.
Un des objets les plus émouvants de l’exposition – et dont la symbolique n’est pas toujours évidente à la lecture des livres et illustrations consacrés à Toutânkhamon – est un petit siège incrusté d’ébène et d’ivoire. Fabriqué pour un garçon de neuf ans, il rappelle que Toutânkhamon n’était encore qu’un enfant quand il a accédé au trône. Du jour au lendemain, il est devenu l’un des personnages les plus puissants de l’Antiquité. Le contraste entre cette puissance et la petitesse du siège est poignant.

 

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« Toutânkhamon, son Tombeau et ses Trésors » est une exposition hors du commun. Les répliques exposées sont d’une facture exceptionnelle, à tel point que j’ai découvert sur certaines d’entre elles des détails que je n’avais jamais remarqués sur les objets d’origine (pourtant observés à de multiples occasions). Cette exposition, avec sa profusion d’informations et sa mise en scène visuellement époustouflante, est la plus fidèle reconstitution des conditions réelles dans lesquelles Howard Carter et Lord Carnavon ont découvert le fabuleux tombeau de Toutânkhamon. Ne la manquez sous aucun prétexte ! » Bob Partridge, égyptologue

Bob Partridge est l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés à l’Égypte ancienne. Il est aussi l’éditeur du magazine britannique Ancient Egypt. www.ancientegyptmagazine.com

 

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 Plus d'infos sur : www.kingtutbrussels.be

 

Et en parallèle : TOUTANKHAMON, AUSSI AU MUSEE DU CINQUANTENAIRE

 

En tant que plus grand musée d’art égyptien de Belgique, le Musée du Cinquantenaire fait écho à l’exposition « Toutankhamon, son Tombeau et ses Trésors » coproduite par VisitBrussels et Semmel Concerts. Il organise une EXPOSITION TEMPORAIRE jusqu’au 6 novembre 2011.

En Belgique, la plus grande collection d’art égyptien se trouve au Musée du Cinquantenaire de Bruxelles. Elle compte environ 11.000 pièces d’antiquité. Profitant de l’occasion fournie par l’exposition « Toutankhamon, son Tombeau et ses Trésors », qui se déroule actuellement à Brussels Expo, le musée a procédé à un certain nombre d’ajouts et de réaménagements sur ce thème dans sa section égyptienne. Plusieurs objets ont été sortis des réserves. Les deux têtes en pierre de Toutankhamon ainsi que les trois objets qui proviennent de son tombeau ont été mis en évidence. Il s’agit d’offrandes funéraires - deux houes miniatures en cuivre et un fragment de textile – jadis offertes au roi Albert Ier par le découvreur du tombeau, Howard Carter, et par le mécène de la campagne de fouilles, Lord Carnarvon.

 

On peut aussi admirer une collection méconnue de moulages de sculptures originales et de reliefs datant de la période amarnienne, l’époque où régnait le père de Toutankhamon, Akhenaton. Dans cette collection, on trouve notamment une copie de la fameuse Néfertiti du Musée de Berlin.

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 Les copies, qui ont été réalisées sur base des originaux conservés dans ce musée ainsi qu’au Louvre et au Musée du Caire, ont été acquises par le Musée du Cinquantenaire en 1933 mais n’ont été que très brièvement exposées à des fins éducatives. Elles sont aujourd’hui de nouveau montrées au public mais possèdent également un intérêt pour les chercheurs. Ainsi, la copie d’un relief provenant d’une tombe d’Amarna offre une alternative à l’œuvre originale, qui a souffert de dégradations irréversibles. Il en va de même pour les deux têtes des demi-sœurs de Toutankhamon. Les originaux ont été dérobés au Musée du Caire lors des récentes émeutes et sont depuis lors introuvables. Heureusement, il en existe des copies au Musée du Cinquantenaire…

Les modèles réduits des catafalques dans lesquels furent retrouvés le sarcophage, les cercueils et la momie du jeune pharaon défunt font directement référence à l’exposition présentée à Brussels Expo. Enfin, dans deux salles spécialement aménagées, le visiteur peut prendre connaissance de l’enfance de Toutankhamon, de sa famille, de son gouvernement et de son apparence.

 

Dates et lieu de l’exposition temporaire Jusqu’au 6 novembre 2011 Musée du Cinquantenaire, Parc du Cinquantenaire 10, 1000 Bruxelles Infos pour les visiteurs : www.mrah.be   02 741 72 11    info@mrah.be

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« La métamorphose des Dieux » est un essai d'André Malraux (1901-1976), publié à Paris chez Gallimard en 1957 (tome I, paru sous ce titre, puis réédité sous le titre le Surnaturel en 1977), en 1974 (tome II, l'Irréel) et en 1976 (tome III, l'Intemporel).

 

L'art se situe au centre des préoccupations de Malraux, voire de ses aventures: témoin son expédition au temple de Banteay-Srei au Cambodge, en 1923. Pas un de ses romans dont les personnages ne s'interrogent sur la signification de l'art, que l'écrivain questionne, aussi en son nom propre, dans des catalogues d'expositions (Fautrier, 1945; les Trésors de l'Inde, 1960), dans de nombreux articles (revues Commune, Verve), lesquels, rassemblés, donnent naissance à des oeuvres plus vastes, telle la Psychologie de l'art, incluant le Musée imaginaire (1947), la Création artistique (1948), la Monnaie de l'absolu (1949). Servi par une mémoire visuelle exceptionnelle, entretenue dès sa jeunesse par la fréquentation des musées (le musée Guimet, notamment) et par ses voyages, Malraux met sa culture au service d'une doctrine métaphysique de l'art explicitée dans les Voix du silence (1951) qui reprennent les thèmes de la Psychologie avant le testament de la Métamorphose des dieux. La rédaction de cette ultime trilogie est interrompue par les fonctions politiques de Malraux, ministre de l'Information puis des Affaires culturelles du général de Gaulle (1958-1969). Le dernier tome sortira l'année même de sa mort.

 

Le Surnaturel. "Introduction". La reproduction photographique permet de réunir les chefs-d'oeuvre mondiaux de toutes époques en un même "monde de l'art" où éclate la diversité des styles ("le Musée imaginaire"). "Métamorphosés" en objets d'art, ces chefs-d'oeuvre possèdent le commun pouvoir d'échapper à leur temps et d'appartenir aussi au nôtre. Pourquoi les hommes ont-ils voulu, partout et depuis toujours, créer cette pluralité infinie de formes?.

Première partie. "Le Divin". En Orient et dans la Grèce antique, les artistes élaborent des formes qui évoquent le "surmonde" du sacré (hiératisme égyptien, sumérien et crétois) ou du divin (Grèce). Les arts hellénistique et romain marquent un déclin.

 

Seconde partie. "La Foi". Sous l'Empire romain, cependant, les mosaïques byzantines continuent à suggérer le surnaturel. A l'époque carolingienne, la foi s'exprime dans l'intimité du psautier (enluminures) avant d'être annoncée aux portails et aux tympans des églises romanes qui réalisent l'unité entre le sacré et l'humain. La discontinuité de la création artistique éclate dans le jaillissement du gothique: les cathédrales célèbrent la Création sanctifiée, tandis que le sentiment esthétique émerge dans la chrétienté avec la sculpture ornementale, comme celle de la Sainte-Chapelle. Une foi moins englobante, l'ingérence de l'argent engendrent la privatisation des objets de piété (ivoires, livres d'heures) et de la mystique (ermitages, couvents, béguinages). La foi s'humanise (piété mariale) essentiellement médiatisée par la peinture, qui en Giotto, trouve le maître florentin de la prédication franciscaine. En Flandre, Van Eyck inaugure la peinture de chevalet, convoquant le surnaturel par la présence de figures d'éternité dans l'espace et le temps humains (l'Agneau mystique, la Vierge d'Autun). Le portrait profane s'épanouit: l'artiste découvre son pouvoir de créer un monde rival de la Création divine.

 

 

L'Irréel. Ni histoire de l'art ni traité d'esthétique, l'Irréel montrera ce qui sépare une oeuvre d'art du monde sensible et la relie à toutes les autres (Préface). A Florence fleurit une civilisation de l'esprit: le héros succède au saint et au prophète (1. "La Métamorphose du Christ"). S'écartant de l'austère Masaccio, de l'impassible Piero della Francesca (2. "Le Style sévère chrétien"), Donatello idéalise ses modèles et cherche à susciter l'admiration pour une irréelle beauté (3. "Donatello"). Les bronzes commandités prolifèrent, exaltant l'image du héros (le Colleoni de Verrocchio) auquel répond la figure féminine de la Vénus de Botticelli (4. "Florence"). Avec l'exhumation des antiquités romaines, Michel-Ange, Raphaël, héritiers du grand style classique, voient "l'immortalité sortir de terre", résurrection qui promet l'avenir à l'art du Vatican. Avec la Renaissance naît le rêve profane de la créature libérée de sa dépendance (5. "Rome"). A Fontainebleau fleurit le romanesque mythologique: le maniérisme d'un Rosso accrédite le droit à un style individuel, l'art seul légitimant le choix des procédés techniques (6. "Le Maniérisme"). A Venise triomphe la peinture: les riches palettes de Giorgione, du Titien, contrastant avec l'achromatisme de Léonard de Vinci, créent un univers où éclate la magie de la couleur (7. "Venise"). L'art de "l'Irréel" sonne le triomphe de l'homme; Rembrandt enrichit la fiction picturale par le questionnement métaphysique (autoportraits) et la quête du surnaturel avec la lumière décomposée des Trois Croix (8. "Rembrandt").

 

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L'Intemporel. Le musée napoléonien propose une vision concrète du "monde de l'art" (chap. 1). Rompant avec le monde idéalisant de l'irréel (Manet), l'artiste décide lucidement qu'un tableau sera "la vérité picturale tout court" (2). D'où la querelle entre "Officiels" du musée du Luxembourg défendant l'académisme et "Indépendants" se proclamant créateurs et posant le "fait pictural" en tant que tel (3-4). Degas (les Danseuses vertes) utilise sciemment le pouvoir démiurgique de l'artiste (5). Cézanne, son contemporain, compare ses tableaux non à la Nature mais à ceux de ses grands prédécesseurs, avec l'intention exclusive d'insérer son oeuvre dans le monde de la "création artistique" (6). L'essor de la reproduction photographique ouvre les portes du "musée imaginaire" à l'Extrême-Orient (7), dont l'art "délivre du temps ce qu'il figure, et l'entraîne dans l' éternité" (8). Le "musée imaginaire" accueille arts nègres et océaniens (9), art abstrait et contestataire, produits aléatoires de la nature (bois flottés, tranches de calcédoine), etc. En définitive, c'est le regard qui "invente" l'objet d'art (10). Le dialogue entre oeuvres d'art se développe à l'échelle mondiale grâce à l'audiovisuel (11): l'ubiquité de ce moyen de communication fait reculer les limites du "musée imaginaire", apportant aux arts plastiques leur "alphabétisation". Sa technique, par le biais du montage, peut à son tour, comme le cinéma, devenir créatrice. Entre tous les arts "métamorphosés" éclate un système de corrélations qui, en dépit de la pluralité des styles et des oeuvres, dégage jusqu'à l'évidence la fonction démiurgique de la création artistique (12-13).

 

Lors d'un voyage en Égypte (voir Antimémoires, I, 2), Malraux reçoit devant le Sphinx la révélation d'un double langage: celui de l'apparence, "voix" de l' éphémère, et celui de la vérité, "voix" du sacré et de l' éternel. A la lumière de cette intuition du temps, il recompose et enrichit une partie des Voix du silence, "les Métamorphoses d'Apollon", qui devient la Métamorphose des dieux. L'écrivain avait d'abord choisi "l'Inaccessible" comme titre de la nouvelle trilogie dont le dessein métaphysique est annoncé dès la Préface: montrer que toute production humaine "métamorphosée" en objet d'art doit "sa part d' éternité" à un pouvoir immanent de faire entendre la "voix" d'une vérité transcendante exprimant la valeur suprême d'une civilisation. Dans cette perspective, l'auteur brosse une large fresque, somptueusement illustrée, où défilent, depuis l'antiquité égyptienne et sumérienne jusqu'à Picasso, styles et oeuvres individuelles. Non pour les rapprocher plastiquement comme pourraient le suggérer certains voisinages iconographiques: la Métamorphose des dieux n'est pas un traité d'esthétique comparée. La corrélation est ailleurs: Malraux la situe parmi ces éléments très divers qui, dans les oeuvres de toute provenance, accusent l'écart entre la représentation de l'apparence et l'expression de l'"inaccessible". Tout au long de l'ouvrage, l'écrivain s'appliquera à isoler dans une mosaïque, une statue, un tableau, ce par quoi ceux-ci diffèrent d'une "image" ou d'une "copie". Ainsi, scrutant la mosaïque byzantine de Ravenne (le Surnaturel, II), l'auteur note que "les raies grenat qui limitent [les] paupières" de l'impératrice Théodora "sont de toute évidence étrangères au témoignage de nos sens", que "le chromatisme n'est pas moins arbitraire" et que cette "désincarnation" a pour effet de suggérer le "surmonde" du sacré. Au surnaturel (sacré, divin, foi), succéderont d'autres "surmondes". L'artiste visera l'"irréel" de la beauté, la sublimation profane des valeurs humanistes, voire l'immortalité. Mais - selon la doctrine malrucienne - il n'y parviendra qu'à condition d'altérer les formes naturelles, de jouer avec la couleur (les "nus mauves" du Rosso, l'Irréel, 6), de décomposer la lumière (Rembrandt), bref de récuser les données de la perception. L'écriture de Malraux s'accorde avec cet effort pour rester au plus près des oeuvres: le rythme syncopé, presque haletant, de certaines séquences semble accompagner le regard de l'écrivain inspectant avec une curiosité méticuleuse une sculpture, une toile: "Grand rouleau étroit: 1 m 60 [...]. Une falaise verticale, de face. Des cassures plates de rochers plats, sur des arbres plats. Au centre, une autre roche plate barre la cascade, à côté d'un pin vert sombre. Une crête, un astre confus, le minimum de ciel. De haut en bas du tableau vert et brun, la cascade blanche tombe en s'élargissant, glaive d'une civilisation inconnue" (la Cascade de Nachi, peinture japonaise: l'Intemporel, 8). La répétition systématique souligne le désarroi du regard devant un "spectacle" dénaturé et la métaphore finale, celui du langage devant un "inaccessible" qui ne se livre pas. En dépit de cette approche concrète, la rhétorique de Malraux ne cherche qu'à persuader: en art, on ne saurait prouver; en revanche, on peut gagner l'assentiment par la précision des analyses, l'imposante érudition, le lyrisme incantatoire (voir les pages sur Venise, sur Rembrandt dans l'Irréel), la redite inlassable d'une seule et même idée car l'auteur jalonne son discours de formules qui martèlent la thèse principale dans le cerveau du lecteur: "Toute grande oeuvre figurative se réfère à ce qu'elle figure, et devient oeuvre d'art par ce qui l'en sépare" (l'Irréel, 6). Thèse dont Malraux propose des vérifications - passablement subjectives: qu'un style tombe dans ce qu'il nomme l'"illusionnisme", l'oeuvre produite n'est plus qu'un "tableau vivant" rivé à un spectacle éphémère (telle la statuaire "décorative" romaine) et chassée, comme plagiaire, du paradis de l'art. "Horriblement ressemblant...", disait Cézanne des "Officiels" du musée du Luxembourg (l'Intemporel, 3).

 

Malraux se défend d'écrire une histoire de l' art. Mais l'Histoire intervient cependant dans le plaidoyer de la Métamorphose: fruit de la conquête et du pillage, le musée napoléonien fait surgir le "monde de l'art" dans sa réalité concrète, seul "monde de vérité" auquel entendent désormais se référer les "Indépendants" du XIXe siècle. Ainsi s'accomplit le processus entamé depuis que l'homme s'était mis à peindre les murs des cavernes: non content de constater son immémorial pouvoir démiurgique, l'artiste l'assume en toute conscience. Il se pose en créateur d'un univers de liberté proprement humain, rival de celui où éclate notre contingence et contre lequel l'action, voire la révolution, étaient restées impuissantes (voir les Voix du silence: "L' Art est un antidestin"). C'est donc sous la poussée d'un événement historique que s'accélère le dénouement dans le temps d'une évolution que récupère la Métamorphose, mais pour donner à celle-ci une signification hors du temps. L'art ne promet pas l'immortalité au sens où Michel-Ange, assistant à l'exhumation des antiques, l'espérait auprès des générations futures (l'Irréel, 5), il "métamorphose" immédiatement notre condition en nous projetant dans le monde autonome de l'inconditionné.

 

Sans doute est-ce à cette vision que l'on doit le ton quasi jubilatoire de l'Intemporel. Par pans entiers, de nouvelles "formes", collectées notamment par l'audiovisuel, sortent de l'ombre et tombent dans le champ du "musée imaginaire", cet espace du "monde de l'art" dont les limites ne cessent de reculer. Le regard de Malraux, comme celui de Picasso sur l'art nègre, "invente" partout de la liberté - dans les arts dits "primitifs", chez les "naïfs" (voir les pages sur Haïti, l'Intemporel, 11) jusque dans les merveilles aléatoires de la nature ("Le dieu des agates a presque autant de talent que Kandinsky...", ibid., 9). Chaque fois que surgit le "fait artistique", derechef se trouve proclamée - ne serait-ce que par le regard de l'amateur - la liberté de l'homme. D'où le cas limite du "sèche-bouteille" de Marcel Duchamp: cet objet "ready-made" devient oeuvre d'art si nous le rencontrons, écrit Malraux, "dans ce livre, dans une exposition de sculptures", non "dans l'arrière-salle d'un café" (ibid., 10). Comment mieux célébrer - jusqu'au paradoxe - le pouvoir créateur de l'artiste? Par un décret lucide et souverain, il peut, en instillant une signification transcendante dans l'instrument le plus trivial, transfigurer celui-ci en un emblème de sa liberté. Liberté, valeur suprême de notre civilisation.

 

La Métamorphose des dieux séduit par l'obstination de l'auteur à suivre dans l'histoire de la création artistique, dont il ne cherche pas à supprimer l'"éparpillement temporel" (M. Foucault), le fil ininterrompu de la transcendance. Mais à ce plaisir s'ajoute celui d'un lecteur convié à regarder les oeuvres d'art comme les voyait un guide inspiré. Le discours métaphysique se métamorphose alors en un des hymnes les plus éloquents à la gloire de l'art mondial jamais écrit en langue française.

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administrateur théâtres

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KANDINSKY & RUSSIA, Du 8 mars au 30 juin 2013 aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique.

 

Scène russe, Dimanche (Vieille Russie), 1903 - 1904 Tempera sur carton, 23 x 54,7 cm Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris Legs Nina Kandinsky, 1981© Adagp, Paris

 

C’est la première fois que cette collection de 150 œuvres sera montrée en Belgique. Elle témoigne de la complexité d’un artiste habité à la fois par le courant symboliste russe, la culture grecque, la métaphysique allemande, la spiritualité orthodoxe et l’ésotérisme.

De double ascendance mongole et slave, Kandinsky  est né à Moscou en 1866 et passe son enfance au sein d’une  une famille aisée à Odessa. Il suit des cours de musique, d’allemand, achète ses premières couleurs…voyage.  En 1886 il choisit  des études de droit et d’économie politique. En  1889, il participe à un voyage d’étude dans la province de Vologda, à 500 Km de Moscou, pour étudier les coutumes relatives au droit paysan. C’est là qu’il a  son premier éblouissement  artistique en visitant une isba

 

« Jamais dans ma mémoire je n’oublierai les grandes isbas de bois à deux étages avec leur samovar brillant à la fenêtre… »

Kandinsky évoquera ce voyage plus tard dans ses Rückblicke (Regards sur le passé): « Je n’oublierai jamais les grandes maisons de bois couvertes de sculptures. […] Elles m’apprirent à me mouvoir au sein même du tableau, à vivre dans le tableau. Je me souviens encore qu’entrant pour la première fois dans la salle, je restais figé sur place devant un tableau aussi inattendu. La table, les coffres, le grand poêle, qui tiennent une place importante dans la maison du paysan russe, les armoires, chaque objet, étaient peints d’ornements bariolés étalés à grands traits. Sur les murs, des images populaires, les représentations symboliques d’un héros, une bataille, l’illustration d’un chant populaire. […] Lorsqu’enfin j’entrai dans la pièce, je me sentis environné de tous côtés par la peinture dans laquelle j’avais pénétré. […] C’est à travers ces impressions vraisemblablement, et non autrement, que prit corps en moi ce que je souhaitais, le but que je fixai pour mon art personnel. »

Il a  pu contempler en face le miracle de la spiritualité qui émerge de la vision qu’il a eue. Le coin rouge  dont le nom signifie  en russe « bel angle rouge » était rempli d' icônes, d’images accrochées peintes ou imprimées. Une petite lampe rouge brillant fidèlement pour le recueillement.  Il décide alors que ses tableaux devront recréer la même impression magique qu’il a ressentie dans l’isba  le jour de cette visite mythique. Un vibrant appel spirituel semble fuser des icônes à fond doré qui peuplent sa vie intérieure. Il s’agit d’un regard vivant qui semble être enchâssé dans la forme.

En 1896 il refuse une chaire de droit en Russie et commence  des études de peinture à l’âge de 30 ans à Munich où il étudie à l’Académie des Beaux-Arts.

 Pendant l'été 1911, Kandinsky a l'idée de constituer un recueil de textes sur l'art moderne avec ses amis artistes à Munich. Avec Franz Marc  il choisit le titre : Der blaue Reiter. En effet  les deux artistes adorent  le bleu. C’est la masculinité, et la spiritualité. Tous deux sont à la recherche de l’être absolu.  Marc aimait les chevaux, et lui les cavaliers. Kandinsky aimait beaucoup la figure du chevalier et en particulier celle de Saint-Georges terrassant le dragon, héritage du Saint-Empire romain germanique. Pour Wassily, le cavalier représente  l’artiste libéré du passé et du carcan des traditions. Le cheval représente le talent de l’artiste. Il porte le cavalier avec impétuosité et vitesse, mais  c’est au cavalier de guider sa monture.  L'artiste doit apprendre à connaître de mieux en mieux ses compétences et repousser ses limites  comme le cavalier le fait avec son cheval. Ces artistes voudraient imaginer un art qui ne connaîtrait « ni peuple, ni frontière, mais la seule humanité.»

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 C’est en 1911 que Kandinsky peint « Tableau avec cercle » (Bild mit Kreiss) un tableau  en provenance du Musée des Beaux-arts de Tbilissi en  Géorgie. Un cas isolé dans la production d’alors mais néanmoins la première peinture à l’huile abstraite de l’art européen.  L’œuvre porte au dos  l’inscription « première peinture non objective ». Kandinsky est mal à l’aise avec cette œuvre qui rompt avec toute forme et n’est que jaillissement de mouvements et de couleurs. L'avènement d'un nouvel âge, celui de l'esprit pur? Sorte d'apocalypse joyeuse qui transformerait l'ensemble de l'Univers.  Une expérience de l’artiste initié proche de l’expérience du shamanisme. L’objectif de l’art est d’avoir une compréhension élargie du monde où nous vivons.  

12272875298?profile=originalLa toile « Saint Georges II » (1911) s’inscrit dans les débuts de la période abstraite, au moment de la création simultanée des « Improvisations » et des « Compositions ». L’Improvisation trouve ses sources dans des souvenirs épars, des impressions de la « nature intérieure », c’est-à dire inconsciente et spontanée. L’Impression trouve son origine dans l’impression directe de la nature et la Composition est une création consciente souvent précédée de nombreuses études. L’artiste rompt totalement avec la représentation mimétique des objets. Explosions de formes, contrastes éclatants de couleurs, arcs puissants, énergie impétueuse. Dissonances presque musicales, à l'instar de celles de Schönberg.   Dans  son manifeste « Du spirituel dans l’art » Kandinsky comparait «  l’état d’âme en train de s’éveiller à  un point de lumière qu’elle entrevoit dans un immense cercle noir. »

Ci-dessous, « Improvisation 11 » 1910

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L’exposition rassemble environ cinquante « œuvres perdues », provenant du Musée d’Etat de Saint-Pétersbourg, de musées  provinciaux russes et de collections privées ainsi que du Centre Pompidou. Elle recouvre la période comprise entre les années 1901 et 1922, quand Kandinsky quitte définitivement la Russie Soviétique après avoir été un partisan dans les premières années de la révolution. L’ombre totalitaire plane sur les artistes et son rêve de fraternisation s'écroule car il appartient à une bourgeoisie en voie d'éradication. De cette époque (1918) datent quelques  ravissantes peintures sur verre,  illustrant des contes et légendes.  Des petits bijoux romantiques au charme désuet de style Biedermeier: « Nuage blanc», « Amazone dans la montagne », « Nuage doré »  sont en provenance du Musée Russe de Saint-Pétersbourg.   Il se trouve en porte à faux avec les révolutionnaires, alors qu'il est commis à la réorganisation des musées. Il accepte donc  la charge qui lui est offerte en Allemagne par Walter Gropius: enseigner au Bauhaus aux côtés de Paul Klee. A la fermeture du Bauhaus, taxé « d’art dégénéré »  par les nazis en 1933, il émigre alors en France et y vit le reste de sa vie, acquérant la nationalité française en 1939. Il s'éteint à Neuilly-sur-Seine en 1944, laissant derrière lui une œuvre fantastique.12272875476?profile=original

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L'exposition consacre une section fascinante aux racines visuelles et conceptuelles qui forment la base de l'œuvre de Kandinsky, l’univers des objets du folklore scythe, l’univers des contes (animaux mythiques, sorcières chevaliers et princesses) et de la musique russe (Rimsky Korsakov). Kandinsky est intimement attaché à la tradition culturelle russe et l’intériorise particulièrement lors de son exil définitif. L’orthodoxie de l’icône chevauche la fiction littéraire des contes et légendes de la grande Russie et constituent la fabrique de son imaginaire.   Cette section   regorge d'objets rares appartenant au shaman ou à la vie paysanne.

En conclusion, l’exposition retrace tout  le cheminement artistique de Kandinsky avec comme point de départ les peintures conçues dans l’ambiance symboliste et poursuit avec celles de la période de Murnau (Munich)… Ci- dessous deux : « Murnau, Paysage d'été » , 190912272876899?profile=original

12272876688?profile=originalavant l’explosion de l’abstraction.  Sont exposées également des œuvres de Gabriele Munter, Alex Jawlensky, Marianne Werefkin et Arnold Schönberg). Sans oublier d’autres compatriotes russes comme Mikhail Larionov, Natalia Gontcharova, Kazimir Malevitch, Nicholas Roerich, Mikhail Vroubel et Ivan Bilibine. Une mine d’or de L’ART RUSSE  et une  large main tendue vers L’EUROPE.

12272877477?profile=originalAnonyme, « Icône du Mandylion »  (Sainte Face) XVIe siècle12272878299?profile=original

« Composition sur fond blanc » 1920

Pour finir, Les Musées royaux des Beaux-Arts n’oublient pas leur public jeunesse. Les trente premiers numéros de l’audioguide sont destinés aux enfants de 6 à 12 ans (et plus, pour ceux qui ont gardé leur âme d’enfant!) afin de mieux apprécier les œuvres ...exposées à leur hauteur ! De la musique russe de l’époque de Kandinsky et des contes merveilleux y ont été intégrés avec bonheur.  On vous recommande l'histoire du Tsar Saltan. Le magnifique catalogue, très attrayant et informatif est un outil précieux à celui qui veut se plonger dans les racines de l’art abstrait en Europe.

Détails utiles : 02 508 32 11 – www.fine-arts-www.museum.be

  • lieu: 3 rue de la Régence - 1000 Bruxelles
  • dates et heures: Du 8 mars au 30 juin 2013 (fermeture  le 1er mai)
  • Du mardi au dimanche de 10h à 18h30  (dernière entrée à 17h), avec des nocturnes les mercredis de 18h30 à 20h (dernière entrée à 18h30)

et aussi

http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=DMF20130308_002  où vous pouvez trouver une  charmante vidéo faite le jour de la conférence de presse par un jeune  journaliste canadien.  

 


 

 

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12272738458?profile=original"La fable du monde" est un recueil poétique de Jules Supervielle (1884-1960), publié à Paris chez Gallimard en 1938. Élaborée dès 1935 avec la "Lettre à l'étoile", la Fable du monde regroupe des ensembles parus en 1936 et 1938, essentiellement à la Nouvelle Revue française (nos 268, 280, 287, 294), dans Mesures, dans le Mercure de France et dans Europe.

Le recueil se développe principalement autour de "la Fable du monde" publiée dans la Nouvelle Revue française n° 294 de 1938, qui en constitue la première section, suivie de neuf autres: "Prière à l'Inconnu", "Tristesse de Dieu", "O Dieu très atténué", "Nocturne en plein jour" (la plus importante avec "la Fable du monde", pour le volume et la signification), "Lettre à l'étoile", "Trois Poèmes de l'enfance", "Dans l'oubli de mon corps", "Visages des animaux", "Fables". Ainsi que dans le Forçat innocent et les Amis inconnus, Supervielle utilise tous les moyens de la versification: poèmes strophiques en vers réguliers - "Métamorphose", "Descente des géants" -, mais plus fréquemment coulées de décasyllabes (le vers épique par excellence) ou d'alexandrins non rimés ("le Chaos et la Création"), d'hexa- et heptasyllabes et, surtout, douze grands poèmes en versets (dont "Prière à l'Inconnu" et "Tristesse de Dieu").


Supervielle s'inscrit délibérément dans la tradition épique inspirée de la Genèse - de Hugo, en particulier. Mais, paradoxalement, c'est à un "inconnu" que le poète agnostique adresse sa "prière": "Voilà que je me surprends à t'adresser la parole, / Mon Dieu, moi qui ne sais encore si tu existes, / Et ne comprends pas la langue de tes églises chuchotantes [...]"
à bien des égards, ce récit épique de la création du monde - de l'humanité, du "Premier Arbre", du "Premier Chien" et des animaux, dont Supervielle dresse un tendre bestiaire -, apparaît comme une contre-épopée. Rien, en effet, du style sublime qui célèbre la puissance démiurgique du deus absconditus, bien au contraire: ce Dieu "très atténué / Des bouts de bois et des brindilles" est en proie au doute et à l'incertitude; il s'interroge sur la Création, qui lui échappe, et c'est un Dieu très humain, bienveillant et mélancolique, que peint la section "Tristesse de Dieu": "Hommes, mes bien-aimés, je ne puis rien dans vos malheurs." Autant dire que, selon les termes de Supervielle, Dieu est "un dieu de poète", "symbole de la Création, de l'oeuvre, grande ou petite". C'est la portée allégorique de la Genèse qui intéresse Supervielle, pour une méditation en abyme sur la "nuit" de la poésie, vécue dans les affres de la création: "Je ne sais maintenant ce que je porte en moi, / Mes yeux font de l'obscur et je cherche à mieux voir / [...] Parfois je ne sais rien de ce qui va venir."

L'angoisse qui sous-tend le recueil est assurément liée à la montée des périls dans l'Europe d'avant-guerre, ainsi que l'indiquent certaines allusions de la " Prière à l'Inconnu", datée de 1937: "Chaque matin ils se demandent si la tuerie va commencer...", et la correspondance entretenue alors avec Étiemble.
Le recueil est rythmé par un mouvement alternatif d'expansion et de concentration, de diastole et de systole: à la représentation du macrocosme - de l'homme perdu dans l'immensité interstellaire ("Lettre à l'étoile") -, répond la vision du microcosme intérieur et des abîmes du corps, en particulier dans la section "Nocturne intérieur". Supervielle est alors proche de l'"espace du dedans" et du "lointain intérieur" de son ami Henri Michaux lorsqu'il décrit les conestésies - flux du sang, battements du coeur, vibrations des nerfs - dans la grande tradition d'une poésie du corps: "C'est le monde où l'espace est fait de notre sang. / Des oiseaux teints de rouge et toujours renaissants / Ont du mal à voler près du coeur qui les mène."

Mais en vertu des correspondances de la pensée analogique, les "nuits" se confondent, en un échange incessant entre l'intérieur et l'extérieur: "Nuit en moi, nuit au-dehors, / Elles risquent leurs étoiles, / Les mêlant sans le savoir."
Si bien que "les étoiles délicates avancent de leurs pas célestes / Dans l'obscurité qui fait loi dès que la peau est franchie". Du plus profond du "nocturne en plein jour" surgit la question de l'identité, déjà posée par Gravitations et par le Forçat innocent: la Fable du monde poursuit la méditation douloureuse sur la place de l'homme dans le cosmos et sur l'unité d'un moi menacé par les "monstres de la nuit".

Par là, le recueil n'est pas sans évoquer la Préface, également liée aux circonstances politiques, dont Pierre-Jean Jouve a assorti Sueur de sang en mars 1933, sous le titre "Inconscient, Spiritualité et Catastrophe", où il dévoile le "monstre de Désir" tapi dans l'homme "en veston ou en uniforme".
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administrateur partenariats

De froides couleurs

réchauffent en nous

les désirs inassouvis.

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Une sélection d'oeuvres

des artistes Arts et lettres.

Serge Lesens, Bellefroid Danielle, Husson Jean-François, Rebecca Terniak, Pol Ledent, 

Demars Philippe, Guy Chevereau, Michel Maréchal, Arcofarc, Jacqueline De RO, Zoé Valy,

Vigreux Marie-Françoise, Louis Van cappellen, Lansardière Michel, Claude Carretta,

Anne Marie Remongin, Bovy Bernadette, Roland Ezquerra, Zeimet Nicole.

Un autre monde"Un autre monde"

Danielle Bellefroid 

Une Jolité

" Une jolité "

Serge Lesens

Brouillard

" Brouillard "

Bellefroid Danielle

ocean (800x651)

" ocean "

husson jean francois

Tranchées bleues

Le ciel est en pleurs 
il pleut au fond de moi
averses d’étincelles
cascade de verres brisés
pluie de cendres
poignards par milliers
Des regrets me rongent
des araignées se traînent
dans mon cerveau
aux ressorts fatigués
Je ne vaux rien je ne suis rien
j’aurais dû
je m’ennuie
qui se soucie de moi

Et puis soudain
au raz de l’horizon une tranchée 
Lumineuse
une clarté creusée dans les nuages
une pensée jaillie du fond de l’être
échappée de lumière
brèche ouverte dans la tristesse 
je me rassemble m’y accroche
la tranchée bleue s’élargit
l’espoir prend toute la place

Parfois il suffit de le vouloir
chasser les idées noires
traquer les lueurs s’inviter ailleurs
débarquer de soi
regarder au-delà

Martine Rouhart

Poème primé au Prix Nothomb

Enfant et chenille

" Enfant et chenille "

Extrait du livre de Rébecca Terniak
Divers poésies et chants
Aquarelles de Michèle Pouilly

still life 675130 - Brindilles de Chantilly

"Brindilles de Chantilly"

ledent 

Moutons

" Moutons "

Demars Philippe

terre d'asile

" Terre d'asile "

Guy Chevereau 

In my life

" In my life"

Michel Marechal 

winter is coming

" Winter is coming"

 Arcofarc

soirée football

"Dispersion" 

Jacqueline  De Ro  

Repoduction Les fleurs d'Eglantiers Van Gogh

Les fleurs d'Eglantiers ( d'après Van Gogh)

Zoé Valy 

Matin bleuté
je m'en vais 
sous les grands arbres
cueillir
sur les roses
les dernières larmes 
de la nuit

Martine Rouhart

rêve bleu

"Rêve bleu"

vigreux marie-françoise

Le Bois de Hal

Le Bois de Hal

Louis Van Cappellen

Un clin d'oeil du pouillot

"Un clin d'oeil du pouillot"

Lansardière Michel 

Bassin à flot 2

"Bassin à flot"

Claude Carretta

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"Belles au crépuscule"

 Anne Marie Remongin

"PUISQUE TU PARS"

"Puisque tu pars"

BOVY Bernadette

Frimas -

"Frimas"

 Zeimet Nicole

Blue mood

"Blue mood"

Roland Ezquerra

paysage imaginaire 1

"Paysage imaginaire"

vigreux marie-françoise

LES LAURIERS DU LAC

"Les lauriers du lac"

Alain FAURE

Un partenariat

Arts 12272797098?profile=originalLettres

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L'art du roman selon Milan Kundera

12272756878?profile=originalLe romancier Milan Kundera a regroupé dans "L'art du roman" (1986) sept textes qui développent la "vision implicite de l'histoire du roman" contenue dans sa propre oeuvre romanesque. A travers les auteurs qui l'ont le plus marqué, de Cervantès à Kafka, il dégage l'esprit de la tradition dans laquelle il s'inscrit. "Esprit de complexité", parce que le romancier explore les possibilités de l'existence dans un monde divers, ambigu, où tout n'est que doute, relativité et interrogation. "Esprit de continuité", parce que "chaque oeuvre contient toute expérience antérieure du roman".

Esprit menacé dans notre monde actuel, où le "prêt-à-penser" conditionne l'essentiel de la production livresque. C'est pourquoi l'art du roman actuel doit se penser à contre-courant de notre modernité.

 

Une histoire du roman européen.


L'essai de Kundera se fonde sur la notion de "roman européen", ce qui implique une continuité historique du genre à l'échelle "européenne" (étendue aux Amériques).

Cette histoire du roman européen porte en elle l'esprit des aventures européennes depuis l'avènement des Temps modernes. Cervantès, avec "Don Quichotte", inaugure cette "sagesse de l' incertitude". Une fois envolées les valeurs de la Chevalerie européenne, s'ouvrent les grands espaces fictionnels de l' errance et du doute qu'explore le roman picaresque avec les oeuvres de Rabelais ou "Jacques le fataliste" de Diderot. Au XIXe siècle, l'espace romanesque se borne à la reproduction du réel et le héros balzacien inscrit son aventure dans l'Histoire. Avec Flaubert, le champ se réduit à la quotidienneté: seul subsiste "l'infini de l'âme", du rêve individuel, ou des profondeurs psychologiques proustiennes. Ce dernier espace se trouve anéanti avec le héros de Kafka, dépossédé de sa vie privée, englué dans la matérialité inextricable et dérisoire de sa situation.

Du point de vue de Kundera, l'histoire du roman européen se déploie dans l'histoire de l'Europe, qu'elle interroge. De la crise des valeurs des Temps modernes (Cervantes) à la négation de l'espace privé qui caractérise le totalitarisme (Kafka), le roman a exploré, via ses personnages, les possibilités de la conscience européenne.

Aujourd'hui, cette conscience pourrait bien se trouver engluée dans les "paradoxes terminaux" qu'ont mis en lumière les romanciers d'Europe centrale de la première moitié du XXe siècle (Kafka, Broch, Musil, Gombrowicz): crise du sens de l'histoire, de la conscience morale, de la notion d'individu social. Ces "paradoxes terminaux" constituent l'arrière-plan de l'univers romanesque de Kundera. Constituent-ils l'horizon indépassable du roman?

 

L'avenir du roman?


En fait, d'autres voies romanesques que celle de l'exploration sociale ont depuis longtemps été ouvertes: voie "ludique", par le jeu avec le lecteur, façon Sterne ou Diderot; voie "onirique", dans la transfiguration épique du réel comme chez Kafka; voie "gnoséologique", tentative d'un roman comme "suprême synthèse intellectuelle" avec Broch et Musil; voie historienne, roman de la mémoire collective, chez Aragon et Fuentes.

"La femme du roman est liberté quasi illimitée. Le roman durant son histoire n'en a pas profité. Il a manqué cette liberté. Il a laissé beaucoup de possibilités formelles inexploitées."

L'histoire du roman les exploitera peut-être.

En fait, les deux dangers que rencontre aujourd'hui le roman sont liés à deux formes de la modernité: le totalitarisme et le "kitsch". Totalitarisme politique, bien sûr, qui détruit effectivement les romans "subversifs" (Kafka a été censuré dans tous les pays totalitaires). Mais aussi intellectuel: celui d'une critique qui réduit les oeuvres d'art à leur interprétation et qui décrète que le roman est mort.

L'autre danger se nomme le "kitsch", cette attitude du public définie comme "le besoin de se regarder dans le miroir du mensonge embellissant et de s'y reconnaître avec une satisfaction émue". Les écrivains avides de renom (les "graphomanes" entretiennent l'attitude "kitsch" en présentant aux lecteurs un monde dépourvu de complexité, qui flatte un imaginaire "romantique" relayé par les médias.

 

L'esprit du roman.


"L'esprit du roman est l'esprit de complexité. Chaque roman dit au lecteur: "Les choses sont plus compliquées que tu ne le penses." Cette définition a de multiples implications.

D'abord, le monde du roman est fondamentalement ambigu, multiple, paradoxal. Le romancier ne cherche pas à imiter la "réalité", mais à explorer "l'existence", définie comme "le champ des possibilités humaines, tout ce que l'homme peut devenir, tout ce dont il est capable". Il n'est donc pas sociologue, ni historien.

Ni philosophe: car le philosophe propose une pensée cohérente, là où le romancier fait seulement parler des personnages, dont les discours, les attitudes le dépassent. Dépassé par la complexité des choses humaines, il ne peut que "porter l'écho du rire de Dieu" devant les vains efforts de l'homme pour les comprendre, pour se comprendre.

Cette "sagesse du roman" possède de ce fait une portée plus globale que les productions intellectuelles héritées de la "division du travail" (philosophiques, sociologiques, historiques): "Le roman connaît l' inconscient avant Freud, la lutte des classes avant Marx", et il est en même temps "un des derniers postes où l'homme peut encore garder des rapports avec la vie dans son ensemble." C'est cette autonomie souveraine par rapport au réel et aux systèmes de pensée qui lui donne souvent, comme chez Kafka, sa force prophétique.

Toutes ces considérations amènent Kundera à formuler un "art du roman", qui est une théorisation de sa pratique propre, mais dont plusieurs aspects peuvent éclairer le roman moderne en général.

Ainsi, la composition romanesque est présentée comme une orchestration de "mots-thèmes", dont l'oeuvre s'évertue à donner la "définition fuyante" (par exemple, chez Kundera lui-même: "Destin, Frontière, Jeunesse, Légèreté, Lyrisme, Trahir"). Les personnages y sont conçus non pas comme des êtres réalistes, mais comme des "egos expérimentaux", des consciences possibles qui parlent et agissent. L'intrigue est "vaudevillesque", en ce sens qu'elle échappe à la vraisemblance pour mieux servir le projet exploratoire de l'oeuvre. Cet art se double d'une éthique. L'auteur doit s'effacer derrière son oeuvre et ne laisser à la postérité que ses oeuvres achevées: ni brouillons, ni esquisses, ni rien qui serve à l'établissement d'éditions critiques. Tel se présente l'idéal du romancier pour Kundera. Car "les grands romans sont toujours un peu plus intelligents que leurs auteurs. Les romanciers qui sont plus intelligents que leurs oeuvres devrient changer de métier".

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"Jadis et Naguère" de Verlaine

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« Jadis e Naguère » est un recueil poétique de Paul Verlaine (1844-1896), publié à Paris chez Léon Vanier en 1884. Toutes les pièces du recueil, à l'exception de "Sonnet boiteux", "les Uns et les Autres", "le Poète et la Muse" et "Don Juan pipé", avaient déjà été données dans diverses revues entre 1867 et 1884.

 

Jadis et Naguère est un recueil hâtivement constitué, à une époque où Verlaine se trouve dans la nécessité de vivre de sa plume et où il commence à jouir d'une certaine notoriété grâce à la parution dans Paris moderne, en 1882, du poème "l'Art poétique" (écrit en 1874 et recueilli dans Jadis et Naguère) et à la publication en revue, à partir de 1883, des études des Poètes maudits (Léon Vanier, 1884). En outre, le roman de Huysmans, A rebours, révèle au public, en 1884, les "vagues et délicieuses confidences" de l'art de Verlaine, bientôt considéré comme le chef de file du décadisme.

 

La plupart des poèmes rassemblés dans Jadis et Naguère ont été écrits longtemps avant la publication du volume. Certains ont notamment été composés durant le séjour effectué par Verlaine en prison entre juillet 1873 et janvier 1875, et le poète avait alors songé à les regrouper en un volume intitulé Cellulairement; mais, conscient de leur disparité, il en retint finalement quelques-uns pour Sagesse et dispersa les autres dans Jadis et Naguère et Parallèlement.

 

Le recueil est divisé en deux parties intitulées "Jadis" et "Naguère". La première, bien plus longue que la seconde, comprend un Prologue, suivi de trois sections: "Sonnets et autres vers", "Vers jeunes" et "A la manière de plusieurs". "Naguère" comporte un Prologue et cinq poèmes,"Crimen amoris", "la Grâce", "l'Impénitence finale", "Don Juan pipé" et "Amoureuse du diable", sortes de contes diaboliques qui renouent avec un type de poésie narrative et romanesque pratiquée par les romantiques, Musset et Gautier notamment. Des pièces réalistes - "le Clown", "l'Auberge", "l'Angélus du matin", etc. - écrites entre 1867 et 1870 côtoient une fête galante dialoguée de forme théâtrale datée de 1871 ("les Uns et les Autres"). On y trouve également un long poème d'inspiration révolutionnaire, "les Vaincus", ainsi que des textes des années 1867-1869 dénonçant les injustices sociales ou dressant de la guerre des tableaux horribles et accusateurs: "le Soldat laboureur", "les Loups", "la Soupe du soir". Certains poèmes, tels par exemple "Pantoum négligé" ou "Un pouacre", adoptent un ton humoristique ou satirique. Quant à l'esthétique des contes diaboliques - "choses crépusculaires" selon le Prologue de "Naguère" -, elle est fort différente de celle d'autres pièces telles que "Kaléidoscope", "Vendanges" ou "Images d'un sou", issues pourtant elles aussi de Cellulairement, mais d'une facture bien plus originale et novatrice.

 

Le titre du recueil renvoie au contenu des poèmes, volontiers tournés vers un passé lointain - "A la louange de Laure et de Pétrarque", "la Pucelle", "la Princesse Bérénice" - ou proche - "Dizain mil huit cent trente", "le Soldat laboureur" (qui dépeint la vieillesse d'un grognard). Ce passé peut être aussi celui de Verlaine, lorsque la poésie se fait confession ou évocation repentante des souvenirs, notamment dans "Crimen amoris" qui retrace la liaison avec Rimbaud. En outre, le titre de Jadis et Naguère peut aussi faire allusion à l'étalement chronologique de la composition des textes et donc au caractère hétérogène du volume. Verlaine écrit à un critique non identifié, le 5 février 1883: "J'ai tout prêt sous le titre: Choses de jadis et de naguère, un recueil de tous les vers que je n'ai pu publier depuis 1867 jusqu'en 1874." Il est donc malaisé de porter un regard d'ensemble sur le recueil.

 

Certaines pièces - "les Loups" ou "les Vaincus" notamment - laissent deviner leur modèle, Coppée en l'occurrence, et relèvent d'une rhétorique plutôt conventionnelle. Il en va de même pour les contes diaboliques de "Naguère" qui s'inscrivent dans une veine résolument romantique, au demeurant tournée ailleurs en dérision par le poème intitulé "Dizain mil huit cent trente".

Plus attachantes sont les pièces où l'on reconnaît la voix proprement verlainienne, dont le fameux "Art poétique" dégage les principes fondamentaux: "De la musique avant toute chose, / Et pour cela préfère l'Impair", "Il faut aussi que tu n'ailles point / Choisir tes mots sans quelque méprise", "Car nous voulons la Nuance encor, / Pas la Couleur, rien que la nuance!", "Prends l'éloquence et tords-lui son cou!" Abolie la frontière entre la réalité et le songe, l'univers verlainien se déploie alors, avec ses ambiguïtés et ses nuances, ses vertiges et sa magie. Protéiforme, insaisissable et mouvant, il est comme vu en effet dans un "Kaléidoscope": "Ce sera comme quand on rêve et qu'on s'éveille! / Et que l'on se rendort et que l'on rêve encor." L'emploi du futur ici, tout comme ailleurs celui du conditionnel - "A grands plis sombres une ample tapisserie / De haute lice, avec emphase descendrait" ("Intérieur") - ou de l'irréel du passé - "J'eusse été fatal" ("Dizain mil huit cent trente") - contribuent à estomper toute limite entre le réel et la rêverie: "Toute histoire qui se mouille / De délicieuses larmes, / [...] Aussitôt chez moi s'embrouille, / Se mêle à d'autres encore, / Finalement s'évapore / En capricieuses nues" ("Images d'un sou"). Imprécis et fugace, porteur tout à la fois de souffrance et de plaisir, le paysage verlainien est toujours suspendu au bord de sa propre dissolution.

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