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"Jadis et Naguère" de Verlaine

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« Jadis e Naguère » est un recueil poétique de Paul Verlaine (1844-1896), publié à Paris chez Léon Vanier en 1884. Toutes les pièces du recueil, à l'exception de "Sonnet boiteux", "les Uns et les Autres", "le Poète et la Muse" et "Don Juan pipé", avaient déjà été données dans diverses revues entre 1867 et 1884.

 

Jadis et Naguère est un recueil hâtivement constitué, à une époque où Verlaine se trouve dans la nécessité de vivre de sa plume et où il commence à jouir d'une certaine notoriété grâce à la parution dans Paris moderne, en 1882, du poème "l'Art poétique" (écrit en 1874 et recueilli dans Jadis et Naguère) et à la publication en revue, à partir de 1883, des études des Poètes maudits (Léon Vanier, 1884). En outre, le roman de Huysmans, A rebours, révèle au public, en 1884, les "vagues et délicieuses confidences" de l'art de Verlaine, bientôt considéré comme le chef de file du décadisme.

 

La plupart des poèmes rassemblés dans Jadis et Naguère ont été écrits longtemps avant la publication du volume. Certains ont notamment été composés durant le séjour effectué par Verlaine en prison entre juillet 1873 et janvier 1875, et le poète avait alors songé à les regrouper en un volume intitulé Cellulairement; mais, conscient de leur disparité, il en retint finalement quelques-uns pour Sagesse et dispersa les autres dans Jadis et Naguère et Parallèlement.

 

Le recueil est divisé en deux parties intitulées "Jadis" et "Naguère". La première, bien plus longue que la seconde, comprend un Prologue, suivi de trois sections: "Sonnets et autres vers", "Vers jeunes" et "A la manière de plusieurs". "Naguère" comporte un Prologue et cinq poèmes,"Crimen amoris", "la Grâce", "l'Impénitence finale", "Don Juan pipé" et "Amoureuse du diable", sortes de contes diaboliques qui renouent avec un type de poésie narrative et romanesque pratiquée par les romantiques, Musset et Gautier notamment. Des pièces réalistes - "le Clown", "l'Auberge", "l'Angélus du matin", etc. - écrites entre 1867 et 1870 côtoient une fête galante dialoguée de forme théâtrale datée de 1871 ("les Uns et les Autres"). On y trouve également un long poème d'inspiration révolutionnaire, "les Vaincus", ainsi que des textes des années 1867-1869 dénonçant les injustices sociales ou dressant de la guerre des tableaux horribles et accusateurs: "le Soldat laboureur", "les Loups", "la Soupe du soir". Certains poèmes, tels par exemple "Pantoum négligé" ou "Un pouacre", adoptent un ton humoristique ou satirique. Quant à l'esthétique des contes diaboliques - "choses crépusculaires" selon le Prologue de "Naguère" -, elle est fort différente de celle d'autres pièces telles que "Kaléidoscope", "Vendanges" ou "Images d'un sou", issues pourtant elles aussi de Cellulairement, mais d'une facture bien plus originale et novatrice.

 

Le titre du recueil renvoie au contenu des poèmes, volontiers tournés vers un passé lointain - "A la louange de Laure et de Pétrarque", "la Pucelle", "la Princesse Bérénice" - ou proche - "Dizain mil huit cent trente", "le Soldat laboureur" (qui dépeint la vieillesse d'un grognard). Ce passé peut être aussi celui de Verlaine, lorsque la poésie se fait confession ou évocation repentante des souvenirs, notamment dans "Crimen amoris" qui retrace la liaison avec Rimbaud. En outre, le titre de Jadis et Naguère peut aussi faire allusion à l'étalement chronologique de la composition des textes et donc au caractère hétérogène du volume. Verlaine écrit à un critique non identifié, le 5 février 1883: "J'ai tout prêt sous le titre: Choses de jadis et de naguère, un recueil de tous les vers que je n'ai pu publier depuis 1867 jusqu'en 1874." Il est donc malaisé de porter un regard d'ensemble sur le recueil.

 

Certaines pièces - "les Loups" ou "les Vaincus" notamment - laissent deviner leur modèle, Coppée en l'occurrence, et relèvent d'une rhétorique plutôt conventionnelle. Il en va de même pour les contes diaboliques de "Naguère" qui s'inscrivent dans une veine résolument romantique, au demeurant tournée ailleurs en dérision par le poème intitulé "Dizain mil huit cent trente".

Plus attachantes sont les pièces où l'on reconnaît la voix proprement verlainienne, dont le fameux "Art poétique" dégage les principes fondamentaux: "De la musique avant toute chose, / Et pour cela préfère l'Impair", "Il faut aussi que tu n'ailles point / Choisir tes mots sans quelque méprise", "Car nous voulons la Nuance encor, / Pas la Couleur, rien que la nuance!", "Prends l'éloquence et tords-lui son cou!" Abolie la frontière entre la réalité et le songe, l'univers verlainien se déploie alors, avec ses ambiguïtés et ses nuances, ses vertiges et sa magie. Protéiforme, insaisissable et mouvant, il est comme vu en effet dans un "Kaléidoscope": "Ce sera comme quand on rêve et qu'on s'éveille! / Et que l'on se rendort et que l'on rêve encor." L'emploi du futur ici, tout comme ailleurs celui du conditionnel - "A grands plis sombres une ample tapisserie / De haute lice, avec emphase descendrait" ("Intérieur") - ou de l'irréel du passé - "J'eusse été fatal" ("Dizain mil huit cent trente") - contribuent à estomper toute limite entre le réel et la rêverie: "Toute histoire qui se mouille / De délicieuses larmes, / [...] Aussitôt chez moi s'embrouille, / Se mêle à d'autres encore, / Finalement s'évapore / En capricieuses nues" ("Images d'un sou"). Imprécis et fugace, porteur tout à la fois de souffrance et de plaisir, le paysage verlainien est toujours suspendu au bord de sa propre dissolution.

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