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Le goûter des généraux de Boris Vian

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Il s’agit d’une pièce en trois actes et en prose de Boris Vian (1920-1959), publiée à Paris à 201 exemplaires par le Collège de Pataphysique en mars 1962, puis dans le Théâtre de Boris Vian chez Jean-Jacques Pauvert en 1965, et créée en langue allemande au Staatstheater de Braunschweig (RFA) et à Paris au théâtre de la Gaîté-Montparnasse le 18 septembre 1965.

 

Le général James Audubon Wilson de La Pétardière-Frenouillou reçoit de Plantin, le président du Conseil, l'ordre de déclarer la guerre pour sauver l'économie française, victime de la surproduction agricole et industrielle. Le général convoque donc son état-major autour d'un goûter. Tous dénombrent les forces dont ils disposent et conviennent de la nécessité de se rallier l'Église dans la personne de Mgr Tapecul (Acte I). Mais... Audubon a omis de demander contre qui il faut se battre. Le délégué militaire de Chine lui suggère d'engager les combats contre le Maghreb et l'Afrique, à la grande satisfaction de l'Américain et du Russe (Acte II). Dans leur camp retranché, sous terre, les généraux s'efforcent de se désennuyer par des jeux stupides. Plantin vient leur annoncer que "l'économie française est enfin complètement déséquilibrée": il faut donc terminer la guerre. Pour fêter l'événement, les militaires et les délégués se tuent tous à la roulette russe (Acte III).

 

Écrit en 1951, le Goûter des généraux constitue une caricature burlesque de la guerre et des milieux militaires. L'auteur du Déserteur dénonce le caractère économique des enjeux de toute guerre: selon Vian, il est clair que seuls des impératifs financiers, et non des principes idéologiques, incitent les politiques à envoyer leurs compatriotes au combat. Ainsi, le président du Conseil explique-t-il au général Audubon la nécessité de maintenir l'économie française dans un constant déséquilibre afin que les bénéfices industriels puissent pallier les crises agricoles, et inversement: "L'armée présente un intérêt capital; car c'est le consommateur qui paie l'armée, Audubon, et c'est l'armée qui consomme" (Acte I). La pièce dénonce également la collusion des pays riches contre le tiers monde. Dans le contexte de la guerre froide, Vian ne s'engage pas en faveur d'une grande puissance contre une autre: elles sont toutes coupables par définition. Ainsi, les puissants se réunissent et conviennent d'un ennemi commun, les pauvres et les Noirs. Le délégué militaire américain encourage Audubon: "Toute l'Afrique... et ça résout automatiquement le problème racial" (Acte II). La référence aux guerres coloniales semble évidente. Des massacres prévisibles, il n'est fait nulle mention: l'ensemble de l'intrigue se déroule, en effet, dans un climat abstrait, ludique, qui élimine tout élément tragique et plonge le spectateur dans une atmosphère fortement teintée d'humour noir. Vian met en scène des militaires irresponsables, infantiles et affligés de noms ridicules: à cinquante-cinq ans, Audubon agit comme un petit garçon dominé par sa mère, une maîtresse femme qui lui interdit l'alcool et surveille la tenue de ses "petits camarades". Foncièrement pusillanime, il résiste d'abord au président du Conseil pour s'effacer, ensuite, devant la nécessité d'obéir aux "ordres". L'Église, qui cautionne les massacres, n'échappe pas à la satire. Le ton très familier des dialogues témoigne de l'irrespect total de Vian à l'encontre des militaires, des politiques, des ecclésiastiques, ces bouchers dérisoires mais dangereux - selon lui - et qui ignorent tout de l'humain.

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