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                                  LA VISION COSMIQUE, ENTRE PEINTURE ET POÉSIE, DE SALVATORE GUCCIARDO           

Du 04-11 au 28-11-21, l’ESPACE ART GALLERY a le plaisir de vous présenter une exposition consacrée à l’artiste belge, Monsieur SALVATORE GUCCIARDO, intitulée : LYRISME CÉLESTE.    

A’ l’instar de sa poésie, son œuvre picturale est un voyage initiatique basé sur une mythologie personnelle dont les origines, souvent sorties de leur contexte, se rattachent aux mythes de l’Antiquité proche-orientale, européenne du Moyen Age et biblique. Nous retrouvons des constantes telles que la sphère, le culte de la lumière celui de la montagne-pyramide, scellant l’union mystique entre la terre et le ciel ainsi que le culte de la Femme, à la fois spiritualisée et érotisée. Chacune de ces images, intervenant dans des contextes narratifs particuliers, est au service d’une vision cosmique dont le point central est l’Homme (l’Anthropos grec), luttant désespérément pour sortir de sa caverne, infestée d’ombres et de limites. Sa vision cosmique picturale n’est pas dominée par le noir sidéral, comme l’on s’attendrait à la rencontrer lorsqu’il s’agit d’espace mais bien par la couleur et la lumière, figurant par là, la conception d’un univers féerique, se déclinant sur le bleu, le rouge et le jaune. Cette triade chromatique traduit trois états d’âme majeurs de l’artiste : le bleu étant synonyme d’espoir, le rouge symbolisant la passion et le jaune exprimant un état de plénitude absolue. Remarquons, à propos du jaune, que contrairement aux deux expressions chromatiques précédentes, ce dernier ne fait jamais office de couleur dominante. Il se pose à l’apex de la composition, en ce sens qu’il la termine, comme l’on achève un récit mythologique. La vision cosmique devient, au contact de l’œuvre, une longue étendue mobile, aux accents terrestres, flottant à l’intérieur d’une mer céleste dans laquelle l’humanité gravit la pente conduisant vers la lumière. Belge d’origine sicilienne, l’artiste exprime sur la toile les couleurs chaudes, douces et savantes des cultures méditerranéennes. 

L’UNIVERS VERSION BLEU              

HARMONIE HUMAINE (122 x 104/acrylique sur toile)

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Se dégageant sur un fond bleu, l’ensemble résultant de la mixis humaine, entre à la façon d’un Michel-Ange à l’intérieur d’une sphère ouverte trouvant son origine dans le langage poétique de l’artiste. Si nous évoquons Michel-Ange, c’est à cause de l’agglutinement des corps, à la fois nus et musclés, rappelant les « Damnés » de la Sixtine.

Sauf qu’ici, on peut parler de « Bienheureux », tellement l’harmonie spirituelle et corporelle, est manifeste. Cette œuvre, aux accents dantesques, est construite à l’intérieur d’une demi-sphère dans laquelle le genre humain évolue, adoptant une posture en demi-lune, épousant ses limites sphériques. Un socle massif soutient la demi-sphère. L’humanité est amorcée par deux nus sur chaque côté : un homme (à gauche), une femme (à droite). Ils tendent un bras vers le bas, assurant à l’ensemble la verticalité requise. Chaque sommet de cette montagne humaine est terminé par un corps, debout, dont nous ignorons le genre. Au centre de la mixis humaine, se trouve un personnage masculin tendant son bras vers la droite et pointant son doigt vers cette direction. Les rendus physiques sont fort différents. Le personnage central tendant le bras, possède une musculature affirmée, laquelle (bien que fort différente), n’est pas sans rappeler cette celle de Michel-Ange. Les autres typologies physiques varient selon leurs proportions dans l’espace. Chacune d’elles est soulignée par un trait, définissant son volume. Nous évoluons au cœur d’un univers sphérique. Cinq sphères s’affirment au regard : la première (à l’avant-plan) la seconde (celle englobant la scène), la troisième (au début du chemin conduisant vers les hauteurs lumineuses, la quatrième (au-dessus du point lumineux) et la cinquième (englobant l’image de la famille, celle que l’artiste exalte dans sa poésie). A’ l’intérieur de la demi-sphère, diverses petites planètes évoluent au loin. A’ partir de la dominante bleue (en dégradés), figurant l’univers ainsi que de l’ensemble rocheux entourant la route, une autre dominante apparaît, à savoir le rouge (également en dégradés) rehaussé de noir. Quelques touches blanches, à l’avant-plan, entourent l’ensemble massif. Cette montagne humaine se présente en éventail, laissant apparaître le paysage rocheux, en perspective, divisé par une route serpentine, conduisant vers un point irradié d’une lumière à la fois chaude (créée par un jaune, vif et opaque, à la Turner) et blanche, donnant à l’ensemble l’aspect d’une flamme.

L’ÉMERGENCE CÉLESTE (70 x 50 cm - acrylique sur toile)

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Cette œuvre reprend une thématique similaire avec cette différence que dans l’œuvre précédente, l’humanité était à l‘honneur.

Tandis que dans cette œuvre-ci, c’est vers le Christ en croix face à une humanité déchue que le discours se porte. Le Christ est crucifié dans le Monde, affirmant ainsi sa participation dans l’Humanité. Avec ce groupe de huit femmes nues, rampant hors de leur antre en forme de cercle (en haut, à gauche), l’œuvre dégage une atmosphère de « décadence », telle qu’on peut la concevoir dans la sphère biblique, littéraire ou picturale, par rapport à l’image de la lascivité, coïncidant avec la luxure, par conséquent avec le péché et la mort. Un oiseau mort surplombe le Christ mort. A’ partir du troisième plan du tableau, une ville dominée par une architecture à peine cubiste, apparaît. La dialectique scénique est la même que celle de l’œuvre précédente. Il s’agit de la vision dantesque laquelle guide le regard humain à partir du bas pour le guider vers les hautes sphères célestes. Le regard débute son ascension à partir de l’avant-plan pour atteindre la « flèche » dressée, indiquant le chemin lumineux (serpentin comme dans l’œuvre précédente). La position de cette « flèche » coupant, en quelque sorte, la perspective est fort intéressante. Le chromatisme général ne diverge nullement du reste.  

LA MUSE SOLAIRE (70 x 60 cm - acrylique sur toile)

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Au centre d’une structure inconnue, une femme de dos, dont le dessin du vêtement coupe le corps dans sa longueur, regarde devant elle. Nous ne voyons pas son visage. La seule trace corporelle que nous percevons d’elle c’est sa main gauche, tendue vers le bas. Il s’agit d’un être spirituel car elle est Muse, une Parque de la Poésie. 

LA MUSE ÉTOILÉE (60 x 50 cm - huile sur toile)

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De « solaire », la Muse devient « étoilée ». De « spirituelle », elle devient « érotique ». Pour la première fois dans l’œuvre du peintre, Eros s’invite à la fête. La femme exposée, dont la tête est entourée d’une auréole, se montre comprise entre deux cercles cosmiques, elle-même évoluant à l’intérieur d’une sphère de feu, offrant sa féminité érotique. Ses seins, volumineux, deviennent le point d’ancrage du buste, alors que la tête, reposant sur un long cou, penche vers l’épaule gauche (droite par rapport au visiteur). Son bassin joue le rôle mécanique dans son pivotement vers le bas. Les poils pubiens effleurent, ramassés dans un bouquet stylisé. La conception technique du corps de la femme, met en évidence l’amour que l’artiste éprouve pour Amedeo Modigliani. La cassure rythmique opérée par l’épaule gauche (droite par rapport au visiteur) du personnage féminin, permet à la tête de trouver un point d’appui.

L’expression du regard est conforme à celui de Modigliani. Particulièrement, en ce qui concerne ce que le peintre « montparnos » appelait « l’œil intérieur », plongé dans l’intériorité de l’Etre, mis en exergue par une pupille petite et vive, doucement enveloppée par une paupière soulignant le dessin de l’œil. Mais si le regard du nu féminin de Modigliani regarde souvent vers le visiteur, celui de SALVATORE GUCCIARDO couve avec une infinie douceur l’homme à la recherche de la lumière, venu se placer sous sa bienveillance, érotique et maternelle. Le cou penché vers l’épaule, permettant la cassure rythmique (évoquée plus haut) est également conforme à l’esthétique d’Amedeo Modigliani.  

L’UNIVERS VERSION ROUGE

LE MYSTÈRE DE BABEL (122 x 104 cm - acrylique sur toile)

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Cette œuvre est la traduction picturale de l’épisode vétérotestamentaire de la Tour de Babel, revu par la sensibilité de l’artiste. La couleur rouge, symbolisant la passion, est la note dominante sur laquelle s’articule la composition. L’édifice conçu par le peintre est animé non par le style, à proprement parler, mais bien par l’esprit futuriste du début du 20ème siècle. A’ l’intérieur de l’édifice (lequel ressemble à s’y méprendre à une nef intergalactique), diverses niches, semblables à des petites grottes platoniciennes, retiennent prisonnière une humanité en proie à ses peurs, incapable de distinguer leur ombre de la réalité lumineuse. L’avant-plan nous montre un personnage qui s’apprête à gravir le chemin conduisant à la lumière, présenté comme une constante dans l’œuvre de l’artiste. Tandis qu’à sa gauche, vers le bas, un ersatz d’humanité, enfermée à l’intérieur d’une niche, stagne dans ses impasses. Le sujet biblique est détourné par l’artiste, néanmoins, la Tour de Babel demeure. L’outrage de Nemrod envers Dieu, s’avère être positif, malgré la confusion des idiomes qu’il engendre, car il encourage la connaissance de l’Autre malgré l’obstacle linguistique. Il devient, de ce fait,  le tremplin vers la culture et la pensée de l’Autre. Par le détournement qu’en fait l’artiste, la Tour devient à présent, l’image d’un espoir vers la connaissance de soi et du Monde. Remarquons que par sa structure, elle adopte, dans cette excroissance métallique située vers la droite, une tête d’oiseau. 

L’ETRE ASTRAL (90 x 70 cm - acrylique sur toile)

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Voici un personnage qui parsème la poésie du peintre-poète : le Sage.

Celui vers qui le voyageur de la fin du voyage initiatique s’incline. Du Sage, nous ne percevons que la tête, les épaules et les bras, posés sur un symbole, celui du triangle.

Ce triangle, l’artiste le présente onze fois. Comme nous l’avons observé, plus haut, le triangle est le trait d’union entre le haut et le bas. Entre l’ouranien et le chtonien. Il se retrouve sous bien des images : la montagne, la pyramide, les mains jointes en prière et même dans l’image du triangle pubien que l’on retrouve, mis en évidence, sur les statues des Vénus préhistoriques. Les chairs du personnage sont d’une blancheur immaculée, évoquant sa dimension spirituelle. Cette blancheur contraste avec l’ensemble chromatique dominé par le rouge. Passion et spiritualité se mélangent donnant ainsi une consistance dramaturgique et picturale au personnage. Autour du Sage, six cercles gravitent autour de lui. Le cercle est l’union de l’Alpha et de l’Omega. La boucle unissant les deux extrémités du temps (celles du commencement et de la fin) dans leur accomplissement. Considéré déjà chez les présocratiques comme une figure logique, sa forme est associée, notamment au Monde, situé au centre de l’univers. Sa dimension sphérique est considérée comme parfaite parce que d’essence divine. Est-il donc si étonnant de voir figurer ces deux entités géométriques (le triangle et le cercle) dans l’univers de l’artiste? La position des mains est très intéressante : sa main droite (gauche par rapport au visiteur) touche à peine la gauche (droite par rapport au visiteur). A’ la question de savoir ce qui l’a motivé à adopter cette position, l’artiste répond qu’il n’a voulu qu’effleurer l’attitude physique de la prière chrétienne (les mains jointes) sans vouloir l’aborder de front, précisément pour prendre ses distances par rapport aux liturgies séculaires et garder ainsi da propre dialectique.  

SALVATORE GUCCIARDO, considère l’œuvre exposée comme un résumé de sa pensée actuelle, en ce sens qu’elle sanctionne cinquante ans de travail assidu, affirmant sa contribution à l’Humanité actuelle. Nous avons insisté, plus haut, sur le fait que l’artiste est à la fois peintre et poète. Peinture et poésie sont consubstantielles à son œuvre. Les thématiques exposées dans sa peinture se trouvent élaborées en sa poésie, aussi cosmique que son œuvre peinte. C’est par la poésie que l’artiste a commencé à s’exprimer par la lecture de Rimbaud. Autodidacte, il est entré en peinture, comme l’on entre en religion, à l’âge de dix-sept ans.

Sa révélation lui a été donnée par l’œuvre de Modigliani, chose parfaitement perceptible à l’analyse de LA MUSE ÉTOILÉE (citée plus haut). Son écriture picturale est sensuelle, musicale et harmonieuse.

Tout est structuré et pensé, autant dans la couleur que dans le dessin. Techniquement, il a adopté l’acrylique depuis une quinzaine d’années, après s’être exprimé par l’huile pendant quarante-cinq ans. Néanmoins, l’artiste insiste sur le fait qu’il arrive (et c’est absolument discernable) à obtenir la même finesse graphique tant avec l’acrylique qu’avec l’huile.

SALVATORE GUCCIARDO a toujours été à l’écoute des Maîtres de l’Histoire de l’Art. Peintre à l’écriture contemporaine, il jouit d’une grande culture classique et humaniste, résolument tournée vers un futurisme, parsemé d’intemporalité. Son œuvre parle à l’Humanité.

 

François L. Speranza.

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Collection "Belles signatures" © 2021 Robert Paul

 

N.B. : Ce billet est publié à l'initiative exclusive de ROBERT PAUL, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis. 

Robert Paul, éditeur responsable

A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste SALVATORE GUCCIARDO et François Speranza : interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles. 

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Photos de l'exposition de SALVATORE GUCCIARDO à l'ESPACE ART GALLERY

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                                      SOUS LE CHAPITEAU : LES COULEURS DU CIRQUE DE JOSE MANGANO

Du 05-11 au 28-11-21, l’ESPACE ART GALLERY (Rue de Laeken, 83, 1000 Bruxelles) a le plaisir de vous présenter l’œuvre de l’artiste italien, Monsieur JOSE MANGANO, intitulée : JE T’AIME, TU LE SAIS.

JOSE MANGANO se distingue, immanquablement, par son univers féerique, tout droit sorti d’un cirque imaginaire, avec ses saltimbanques jonglant avec les lois de l’espace. Lois privées de gravitation car ce qui caractérise la conception de ses personnages, faisant derechef la spécificité de son écriture picturale, ce sont ses silhouettes, filiformes, donnant le sentiment de flotter sur la surface de la toile, créant ainsi un agglomérat humain, en lévitation dans l’espace. Le sujet, ce sont, précisément, ces longues silhouettes allongées, remplissant l’entièreté de la toile, séparées entre elles par un espace pratiquement inexistant. A’ certains moment, le regard peut déraper sur un mirage à la Keith Haring mais la vision s’arrête aussi net. Nous sommes confrontés à un univers féerique où les personnages apparaissent d’instinct au regard, sans que celui-ci ne les recherche. Univers fabuleux qui trouve ses racines dans la Sicile natale de l’artiste.  A’ l’approche de l’œuvre, on le sentiment que celle-ci a été réalisée sur une feuille de papier millimétré, tellement les formes remplissant l’espace ne s’entrechoquent jamais. Chaque personnage illustrant cet univers comprimé est « enfermé » dans une « bulle » imperceptible. L’on se perd entre peinture et dessin, tellement la forme devient complexe dans son graphisme, ce qui influe sur le rendu spatial. Est-ce un dessin? Est-ce une peinture? Tout est question de graphisme composant avec la spatialité. Et l’artiste se répète tout au long de sa folie chaude et douce, jusqu’à vivre lui-même à l’intérieur de son propre univers.

JOSE MANGANO domine, au moins, deux écritures picturales. Celles-ci prennent leur base sur une ligne « flottante » s’étirant dans l’espace. En réalité, tout est étiré : figure humaine comme animaux, fantastiques ou non. Tout s’étire mais, par rapport à ce que nous précisions plus haut, rien ne s’entrecroise. Autant chaque personnage étire sa forme dans l’espace, autant il est autonome, à l’intérieur de sa forme : rien ne s’entrechoque. Et cette agglutination de formes allongées donne le sentiment que tout est relié à un fil conducteur invisible.

Cela est dû au fait que l’écart entre les formes n’est que de quelques millimètres. Ce qui accentue la dynamique amorcée par le foisonnement des personnages, déployés dans l’espace. Mais cela exprime aussi la manifestation d’un respect inconditionnel envers l’Autre, de la part de l’artiste, en ce sens qu’à aucun moment, nul personnage n’envahit l’espace autrui. Notons, néanmoins, qu’il existe une disposition structurée des personnages : la figure humaine est conçue de face. Le bestiaire, réel ou fantastique est pensé de profil. Le visage humain se présente isolé et souvent de profil.

      (50 x 50 cm-acrylique) (sans titre)

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  • Techniquement, le mode pratiqué par l’artiste a d’abord consisté à peindre le fond de la toile en noir et gris. Le résultat s’exprime par l’existence du personnage apparaissant, lequel est d’emblée compris dans le gris. Le noir est là pour décanter la forme, par le trait et le fond. Le doré est également usité dans le trait.

      (50 x 50 cm- acrylique) (sans titre)

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  • L’artiste a commencé par peindre le fond. Ensuite, il a dessiné avec des feutres à base de poudre composée de blanc et de doré. Cela dynamise l’aspect des personnages peints, alors qu’il s’agit, en réalité, d’un dessin sur un fond coloré.

 

Mais il arrive qu’il n’y ait plus d’espace (à proprement parler) entre les personnages. Et nous nous retrouvons face à une plage blanche dont le centre est occupé par un ensemble impressionnant de têtes humaines. La forme dans son intégralité, ne se révèle qu’à l’avant-plan, par une série de silhouettes masculines debout. Chacune adopte une posture statique particulière, dont le but est de dynamiser le mouvement par rapport au statisme de l’ensemble. Néanmoins, il y a un mouvement ondulatoire, à peine perceptible, concernant la « masse » formée par les personnages, vers le milieu de la toile.

      (54 x 45 cm-acrylique) (sans titre)
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L’artiste adopte également une deuxième écriture. Celle-ci est régie par le même code sémantique : quatre personnages aux proportions différentes de celles que nous avons rencontrées jusqu’ici, sont parsemés d’une série de cercles de formes multiples. L’arrière-plan est noir.

      (78 x 58 cm-acrylique) (sans titre)

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L’univers, ici envisagé, est celui du cirque dans sa magie. Les deux personnages, au faciès hyperbolique, dominant le centre de la toile, occupent l’essentiel de l’espace.

Les deux autres (sur la gauche de la toile), ont le rôle mineur de saltimbanques. Ils divertissent l’audience. Avec leur tête au volume disproportionné, (posée sur le cou, inexistant, en ce qui concerne le personnage de droite) et extrêmement long pour ce qui est du personnage de gauche, le visiteur éprouve le sentiment qu’il s’agit d’une fête foraine où des masques égaillent l’atmosphère nocturne. Comme pour toutes les œuvres de l’artiste, l’attention est attirée par la minutie des détails, finement travaillés.

 

Cette œuvre, composée de rouge, de bleu, de jaune, de vert et de blanc, tout en affirmant une température chromatique chaude, trouve son originalité dans l’esthétique qu’elle traduit : celle de Chagall. Cette image sortant de l’inconscient de l’artiste, exprime l’admiration qu’il éprouve pour le maître russe. Cette toile est intéressante dans ce qu’elle révèle, à savoir ce qui constitue une esthétique. Qu’est-ce qui, en ce qui concerne cette œuvre, est « chagallien »? Est-ce le faciès du personnage masculin au visage rond dans sa vive expression du regard? Pas du tout. Est-ce sa position corporelle de ¾ dans une attitude rappelant la danse hassidique? On s’y approche, surtout si l’on considère que Marc Chagall était juif, et qu’il a énormément évoqué la culture yiddish dans son œuvre. Néanmoins, cela participe de l’anecdotique. Tout se joue dans la puissance du chromatisme : couleurs vives, galvanisant l’atmosphère scénique. Les couleurs « enveloppent » le personnage, comme dans un tourbillon. Tout de blanc vêtu, il émerge de cet amalgame chromatique. Il est au centre d’une révolution sensuelle. Ses bras accueillent l’oiseau (ou pour mieux dire, les oiseaux antithétiques, disproportionnés dans la taille) terminant, en quelque sorte, la dynamique du mouvement.   

       (40 x 50 cm-acrylique) (sans titre)

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Principalement autodidacte, JOSE MANGANO a travaillé pendant quarante ans chez Oxfam. En 1995, lors d’une fête consacrée à l’Afrique, réalisée par cette organisation, il eut l’opportunité de se familiariser avec le graphisme, à partir d’une commande ferme.

Cela s’est concrétisé par la création d’une couverture sur le sujet. Depuis lors, il a travaillé comme graphiste. Après avoir travaillé la peinture à l’huile pendant dix ans, considérés comme une période de recherche, il s’est montré insatisfait par le résultat. Il a continué à dessiner et à peindre pour entrer dans une période de « (re)naissance », comme il le dit lui-même. Il a ensuite réalisé des cartes postales à destination d’Amnesty, pour les prisonniers politiques, où il a rencontré un grand succès. Il est également sculpteur. Son matériau est le papier mâché avec lequel il sculpte des masques. Tout cela traduit un amour vital pour le théâtre et son pendant populaire, le cirque. En effet, l’artiste, qui a étudié le théâtre également en autodidacte, est aussi clown depuis quinze ans ainsi que marionnettiste. Voici dix-sept ans, il a fondé une école de cirque, dont il est le président. Il est également poète et écrivain. Sa technique est l’acrylique sur base d’un dessin au graphisme avec marqueur. Cette (désormais éternelle!) période de Covid-19 lui a donné l’énergie nécessaire pour créer. Et cette énergie s’est traduite dans le rapport qu’il entretient dans ce qui définit totalement son œuvre plastique, à savoir la couleur et la ligne.

Celles-ci sont la source d’une continuité galvanisante, alimentant l’énergie intrinsèque du visiteur.

L’artiste insiste sur le fait que seul l’inconscient est le bras guidant son œuvre. Il affirme que « seule la répétition du mouvement est une prière vers les autres ». C’est par cette liturgie esthétique que son œuvre s’ouvre au Monde.  

François L. Speranza.

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Collection "Belles signatures" © 2021 Robert Paul

 

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Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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L'artiste JOSE MANGANO et François Speranza : interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles.

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Photos de l'exposition de JOSE MANGANO à l'ESPACE ART GALLERY

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BAS LES MASQUES, OUI À LA VIE, À L’ART avec Rébecca Terniak.

Elle écrit des livres d'enfants et les dédie « Aux enfants de notre temps pour que chante la beauté du monde dans leurs cœurs.»          
Pédagogue Waldorf Steiner 30 ans, elle a fondé L'Oiseau Lyre
Et nous alerte :   PAS DE CIVILISAION SANS ART NI ARTISTES


De même que nous ne pouvons vivre sans la beauté offerte de la création, nous ne pouvons vivre sans le don des arts.
Comment imaginer la vie sur terre et notre humanité sans l’apport colossal et sublime des artistes, sans leurs arts qui nourrissent nos âmes? Ils ont revêtu la surface de la terre entière de leurs oeuvres merveilleuses et apporté le ferment d’évolution des cultures. Toutes les civilisations se sont succédé en portant au sommet les arts et la culture sous toutes ses formes et dans tous les domaines. La terre entière regorge de ces merveilles artistiques et culturelles qui ennoblissent et enorgueillissent chaque pays.
Chaque culture offre aux peuples son précieux patrimoine : un nombre incalculable de lieux et œuvres artistiques à visiter. Toutes ces richesses culturelles définissent la grandeur d’une civilisation, elles constituent notre patrimoine mondial culturel et nos traditions, nos racines, notre encrage, nous donnent nos repairs avec la confiance en la culture humaine en marche.

De tous temps, ce patrimoine mondial nous a construits, inspirés. Il nous comble et réjouit au plus haut point . Par l’art et la culture, nous sommes les héritiers gâtés redevables envers les civilisations passées qui nous ont transmis ce qu’elles avaient créé de meilleur, de plus élevé. L’art est la sublimation de toutes les activités créatrices dans la civilisation. Il porte les valeurs premières transcendantes rendant l’homme toujours plus humain et civilisé.
Il y a toujours eu des artistes et ils furent toujours hautement honorés , recherchés et protégés matériellement par les puissants qui vénéraient leur mission de pousser toujours plus haut la culture et l’ennoblir. - art religieux des cathédrales, statues et tableaux, architecture, peinture, musique, théâtre et littérature, poésie, art du vêtement et broderie, poteries, créations d’espaces et jardins, art des bijoux, art culinaires….


Exprimer la beauté est une fonction universelle en tous temps et en tous lieux.
Il n’a jamais existé de civilisation sans art . Toutes ont magnifié la vie quotidienne par la créativité la plus recherchée.
L’art c’est la transcendance, c’est le moyen qu’a l’homme d’assimiler le monde et d’y ajouter le NOUVEAU, la part de l’homme. L’art prolonge et enrichit le monde offert de la création en y ajoutant sa contribution personnelle.
L’art nourrit la pensée et le sentiment et né de la volonté inspirée. Il crée du lien entre les gens. Lors des concerts et pièces de théâtres, les amis partagent et communient dans l’oeuvre du créateur. De même, pour goûter les plats de chefs des restaurants, les amis se retrouvent et partagent, communiquent, ils se réchauffent le corps et le coeur. Ce sont l’amour et l’art qui nous permettent de résister à toute épreuve et d’évoluer sur terre.


Quant une civilisation, tel que dans cette crise, se prend à juger l’art et les artistes, ainsi que le culturel comme «non essentiels et superflus», nous devons d’urgence tirer le signal d’alarme car nous entrons dans une zone d’ombre inquiétante inédite, contre nature : c’est le signe de sombrer dans la pire décadence, l’appauvrissement total de la civilisation et d’entre dans le sous-humain, la fin de l’humain.
Une telle non civilisation qui ruine le monde des artistes et le met hors la loi n’appartient plus au monde civilisé et humain de la culture et de la transcendance. Avec sa gestion purement utilitaire de lois du Marché dominant, elle ruine la vie. Il n’y aurait plus ni passé ni avenir. donc ni mémoire ni futur, ni racines. plus d’espoir ou raison d’exister. La vie perdrait tout simplement sa valeur transcendante et sa joie.
Ainsi cette gestion chaotique et incohérente de la crise sanitaire a conduit injustement à la folie pure de la ruine de milliers d’artistes et de toutes les professions du monde de la culture, des artisans, des restaurateurs, des petits commerces si méritants et précieux.


Ne laissons pas venir cet enfer robotique transhumaniste qui signerait la fin de toute civilisation humaine digne de ce nom.
Rétablissons l’art et les artistes dans leur place et leur dignité, de même que tous les petits artisans de la vie de proximité et des métiers, les restaurateurs et les petits commerces où règnent la convivialité, les échanges humains, l’humanité et la vie.

https://www.lalyredalize.org/les-livres.html    http://www.loiseaulyre.ch/

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            VARIATIONS SUR LE BESTIAIRE : L’ŒUVRE DE ROBERT KETELSLEGERS

Du 10-01 au 28-01-18, l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles) ouvre l’année nouvelle en vous proposant l’œuvre carrément époustouflante du peintre belge, Monsieur ROBERT KETELSLEGERS, qui ne manquera pas de faire chavirer vos idées sur la peinture! L’exposition s’intitule TOUTE LA VERITE, CELLE DE L’IMPOSTURE.

Parmi les thématiques qui parcourent l’Histoire de l’Art, ROBERT KETELSLEGERS renoue avec le dialogue unissant l’intimité abyssale de l’Homme avec le royaume dit « animal » que l’Occident a souvent regardé avec condescendance.

L’artiste nous convie à une interprétation contemporaine de la notion du « bestiaire ». En quoi ce bestiaire est-il « contemporain » ? Principalement par les sujets qu’il aborde, lesquels sont essentiellement historiques et politiques. Ceci dit, le bestiaire, étant une extension supplémentaire du théâtre de mœurs  dans la tradition littéraire, il ne pouvait qu’aborder des sujets « contemporains » à toutes les époques. Esope, en l’an 600 avant J.C. dénonçait les tares de son temps. Au 13ème siècle, « Le Roman de Renart » visait l’exemple moral à travers la satyre. Modernisant Esope, reprenant des récits régionaux et s’inspirant des intrigues de son temps, La Fontaine, au 17ème siècle portait au pinacle le bestiaire littéraire, laissant la voie libre à Perrault dans le développement du conte de fées, en tant que genre indépendant.

Concernant les arts plastiques, les choses deviennent explicites. L’image exprime l’hybridisme primordial associant plastiquement l’Homme à l’animal dans un même et unique concept : celui d’un mariage mystique à l’intérieur de l’arène cosmique. Depuis la Préhistoire cette fusion, d’abord concrétisée dans la chasse voyant la suprématie de l’Homme sur l’animal dans le but d’une cohésion sociale centrée à la fois sur l’économie et sur la relation magico-religieuse, s’est progressivement transformée en un rapport mystique, principalement souligné dans les sociétés polythéistes. Pensons à l’Egypte où le dieu Horus était représenté par un corps d’homme surmonté d’une tête de faucon. Pensons également à la Grèce et à ses centaures. Avec le christianisme survient la dichotomie drastique entre l’Homme (créé à l’image de Dieu) et l’animal qui lui est subordonné.

Il n’est plus question d’une quelconque fusion mystique. Du moins, en ce qui concerne les arts plastiques. Car en matière littéraire, l’Occident chrétien entretient le bestiaire mais essentiellement dans la sphère du récit fantastique avec à la clé une finalité morale. Nous avons cité, plus haut, « Le Roman de Renart ». Et cela n’a rien de gratuit, puisqu’il se termine sur une issue morale à destination du peuple.

Si nous faisons exception de l’œuvre surréaliste d’André Masson et de son bestiaire magnifique aux accents fantastiques, ce genre dans l’art contemporain se révèle plutôt timide. Il s’agit surtout d’hybridisme associant des corps d’animaux de diverses origines.

Comment définir le bestiaire de ROBERT KETELSLEGERS? Il s’agit, avant tout, d’un hybridisme, associant l’homme et la bête s’ébauchant sur le modèle de la figure filiforme de conception « aristocratique » par son attitude assez « pincée ». L’artiste aborde, notamment, des sujets qui ont parsemé l’histoire du 20ème siècle, tels que l’attitude du pape Pie XII face à la Shoah. L’avènement du nazisme. Le fascisme italien ou la conférence de Yalta.

Une codification sémantique définit le sujet : le visage (la gueule) du personnage demeure souvent impassible. Il s’agit d’un félin (le guépard) ou d’un rapace (le faucon). Parfois le personnage prend l’aspect d’un pélican. L’immobilité dans l’action en train de s’accomplir est un leitmotiv de l’artiste, en ce sens que nous nous trouvons face à une sorte de photogramme tiré d’un film. Il ne tient qu’au visiteur de pousser sur le bouton de son imaginaire pour que le film redémarre. Seul le décorum replaçant le personnage dans le temps confère l’identité historique à la scène. Le titre joue également un rôle analogue.

Qui se souvient, d’emblée, que JOSSIF DOUGACHVILI (125 x 205 cm-huile sur toile)

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était le véritable nom de Staline (l’acier, en russe) ? Et pour bien insister sur l’identité du personnage, l’artiste lui applique une série d’attributs, tels que la célèbre moustache en pointe, la pipe et l’uniforme blanc qui le distingue du groupe d’officiers qui l’entourent.

Le bras tendu vers l’avant du personnage central de AIELI, AIELO, AIELA (125 x 205 cm-huile sur toile),

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la svastika nazie ainsi que l’uniforme SS donnent le ton de cette peinture.

FIAT VOLUNTAS DEI (QUE LA VOLONTE DE DIEU SOIT FAITE) (124 x 204 cm-huile sur toile) 

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s’afficherait presque comme une parodie si l’on excepte l’issue tragique de la Shoah. Le pontife se présente avec une tête de rapace. Assis sur son trône, entouré de ses Gardes Suisses, il bénit. Tandis qu’à l’arrière-plan se profile l’entrée d’Auschwitz-Birkenau. Quel est le véritable sujet de ce tableau ? Observons que le Pape aussi bien que les Gardes Suisses détournent leur regard de la finalité de leur acte. Aucun des personnages ne s’adresse visuellement au visiteur, c'est-à-dire au regard qui personnifie leur conscience. Ceci est dû au fait que l’artiste n’aime pas trop le regard de face. Il préfère le regard en biais, bien plus chargé de mystère. De vérité cachée. Le sujet est le refus de la responsabilité historique.

YALTA (CHURCHILL, ROOSEVELT, STALINE) (104 x 154 cm-huile sur toile)

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montre trois fauves : Churchill, fumant son cigare, Roosevelt, plutôt apathique et Staline. La direction des visages est fort emblématique. Roosevelt est le seul à regarder droit devant lui. Tandis que Churchill et Staline fixent leur regard vers la droite (par rapport au visiteur). Même si l’artiste n’a jamais songé à cette éventualité politique, le fait que Churchill et Staline regardent vers la droite, pourrait symboliser géographiquement que ceux-ci regardent vers l’Est. Et nous savons tous ce qu’il adviendra de la partition des Balkans à partir de Yalta. Néanmoins, rappelons que cette pensée n’a jamais traversé l’esprit de l’artiste. Si l’humour est sa signature, une autre constante régit son œuvre, à savoir un jeu de mains savamment conçu de style expressionniste. Un symbolisme prophétique parsème cette œuvre : Roosevelt, le regard hagard, laisse pendre ses mains vers le bas : la mort est proche. Staline a les mains croisées : signe de satisfaction. Churchill pose sa main (tenant un cigare) sur son béret : signe d’égale satisfaction. Notons qu’en matière d’humour, le personnage de Churchill a été servi : fumeur invétéré, cigare au bec, il tient un deuxième cigare allumé à la main.

Outre l’humour, une autre constante régit son œuvre, à savoir un jeu des mains, savamment conçu, de style expressionniste ainsi que le jeu des regards fuyants.

Les quatre personnages entourant Staline, à l’avant-plan de JOSSIF DOUGACHVILI (cité plus haut), présentent leurs doigts en éventail.

Leurs mains sont croisées, déployant leurs doigts. Il s’agit, comme spécifié plus haut, de mains « expressionnistes », donnant vie aux personnages.

Ce jeu de mains croisées s’explique à la fois par leur position ainsi que par leur coloris. En réalité, cette œuvre représente Staline au centre d’une cohorte de généraux qu’il a fait exécuter. Les mains des généraux ont une couleur cadavérique. Leurs yeux sont clos. Seul Staline fixe le visiteur dans l’attitude photographique de la pose. L’arrière-plan est composé d’un mur blanc-cassé, presque diaphane, sur lequel sont gravés les noms de ses victimes. L’artiste en a profité pour placer sa signature à leur côté.

Tandis que le prénom et le patronyme de Staline se distinguent en lettres rouges-sang, juste en dessous de la faucille et du marteau.

Nous retrouvons ce même je de mains dans AIELI, AIELO, AIELA (cité plus haut). A partir du centre, tous les personnages provenant de la gauche de l’image écartent leurs doigts en éventail. Leurs mains sont énormes, à un point tel qu’elles semblent démesurées par rapport aux fusils qu’elles tiennent. Y a-t-il la volonté de renouer avec l’Expressionnisme, considéré comme « art dégénéré » par ces mêmes nazis que l’artiste caricature?

L’artiste répond à cette question par la négative. Il ne se considère pas comme un peintre purement « expressionniste ». Ce style fait simplement partie de son écriture sans pour autant la déterminer. Pour la première fois, le peintre montre les félins (à la gueule assez terne) grimaçant, montrant non pas des crocs de carnassiers mais bien des dents humaines. Il ne s’agit pas de félins déguisés en nazis mais bien d’hommes que la bestialité a rendus fauves. Comme pour YALTA (cité plus haut), humour et tragédie se côtoient. Au fur et à mesure que le regard s’affine, l’on remarque que la ligne d’équilibre exprimée par les jambes tendues se termine par la pointe des bottes touchant le postérieur du soldat de devant : un coup de pied aux fesses pour stimuler la marche! Le personnage central s’apprête à freiner la marche du soldat qui le précède pour lui botter les fesses à son tour. On avance à grands coups de pieds comme pour encourager la fuite en avant. Et c’est précisément ce qu’il s’est passé après 1941 (Stalingrad), lorsque le régime nazi comprit que la guerre était perdue. Pour signifier le mouvement, la parade débute par la gauche et l’on voit tendre vers l’avant la jambe d’un soldat dont nous n’apercevons pas encore la silhouette. Graphiquement parlant, la conception des soldats portant le fusil est très intéressante. D’aucuns pourraient évoquer le bande dessinée. Vrai d’un côté, faux de l’autre.

Une cassure rythmique s’amorce dans l’occultation de l’épaule droite du personnage. Partant de la paume de la main, le fusil s’élance avant d’être arrêté par la cingle reliant les deux extrémités du casque pour réapparaitre sous la forme pointue de la baïonnette, reprenant ainsi le rythme interrompu. La diagonale formée par le bras du personnage central prolongée par l’épée, s’oppose à la raideur de la droite exécutée par le bras tendu. Le tout assure un équilibre total. Rien de tout cela ne se retrouve dans la bande dessinée à proprement parler.

Par ces observations remarquons également que l’œuvre de ce peintre est avant tout celle d’un architecte! Nous l’observons encore par la conception des vêtements laquelle met en exergue un engouement affirmé pour le cubisme.

La robe du Pie XII de FIAT VOLUNTAS DEI (cité plus haut) est constituée d’une suite de triangles séparée par une file de boutons formant une ligne médiane. Le col des Gardes Suisses est constitué d’un losange coupé en son milieu. Dans YALTA, l’artiste reprend la même conception cubiste définissant les vêtements des trois personnages. Celui de Churchill est assurément le plus saillant parce que le plus travaillé, devant faire office de « fourrure » au « vieux lion » comme on le surnommait. Sa tête est d’ailleurs celle d’un lion. Deux parallélépipèdes constituent les pantalons de Roosevelt et de Churchill. Bien sûr, la bande dessinée n’est pas étrangère dans la conception des personnages mais elle n’est présente que dans l’idée.

Un jeu de mains, aussi intéressant que les précédents (mains jointes en prière), se retrouve dans LA TOUTE DERNIERE CENE (104 x 153 cm-huile sur toile).

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A l’instar de FIAT VOLUNTAS DEI, les disciples entourant le Christ évitent de regarder en direction du visiteur. Comme pour insister sur ce détail, l’artiste donne au Christ un double regard en lui conférant deux paires d’yeux. L’humour dénote le personnage de Judas, à l’avant-plan, tenant un cigare. Celui-ci rit et, une fois encore, l’artiste l’affuble de dents humaines. Tragédie et humour ne font qu’un : outre le cigare que fume Judas, le vin porte l’appellation d’origine contrôlée « Noces de Cana ». Dans les assiettes, des crabes tournent leurs pinces en direction du visiteur.

IL DUCE HA SEMPRE RAGIONE (LE DUCE A TOUJOURS RAISON) (105 x 125cm-huile sur toile)

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est en réalité un autoportrait de Benito Mussolini (à droite) affublé de son alter ego (à gauche) présenté sous les traits d’une marionnette surgie d’un recoin de l’arrière-plan. Pour la deuxième fois, concernant cette exposition, le visage (la gueule) du félin prend une expression caractéristique : celle de Mussolini haranguant la foule exprimant ses mimiques suscitant le rire. Il est intéressant de constater que l’artiste accorde deux expressions caractéristiques opposées à des personnages s’inscrivant dans une même séquence historique : des dents prêtes à mordre, signifiant la haine pour ce qui concerne le nazisme et l’expression carrément imbécile s’agissant du fascisme. Tous deux symbolisant une même finalité tragique. Et nous avons là toute la dialectique de l’artiste : la tragédie servie dans un esprit carnavalesque. 

ROBERT KETELSLEGERS qui a une formation académique, ayant fréquenté l’Institut supérieur des Beaux-Arts Saint Luc de Liège, possède une technique à l’huile remarquable dans le résultat qu’elle engendre. Le visiteur a devant lui l’espace ouvert d’une surface entièrement « lisse », en ce sens que très peu de matière est utilisée, l’artiste frottant et grattant au maximum la surface pour éliminer le moindre résidu. Néanmoins, la finesse du trait assurant la formation du volume, la matérialité du sujet transparait par delà la toile. Le résultat est saisissant!

La matière est là sans la moindre trace de couteau ou de spatule. La matière, absente dans sa consistance, apparait dans ce qu’elle suggère, sa matérialité.

En règle générale, et ce pour mieux faire ressortir la scène ainsi que l’ampleur de la tragédie, les arrière-plans sont de couleur gris-blanc.

Détail singulier : la signature de l’artiste est posée presque toujours vers le haut de la toile. Dans LA TOUTE DERNIERE CENE, elle est carrément comprise à l’intérieur de l’auréole entourant le Christ.

En dernière analyse, ces variations sur le bestiaire indiquent que la philosophie couronnant l’œuvre plastique de l’artiste demeure la même par rapport à celle du passé concernant le domaine littéraire. La forme et le fond sont invariables. Ils partagent la satyre comme dénominateur commun. Mais dans ce domaine, le peintre va plus loin.

VERITE et IMPOSTURE (la trame de l’exposition) sont deux vérités opposées parce qu’elles participent de deux réalités opposées : celles de l’engagement et de la trahison au sens le plus large. Avec, néanmoins, cette différence notable, à savoir que l’artiste dénonce. Il ne moralise pas. D’ailleurs, la conception esthétique de sa peinture empêche la moindre moralisation.

Par ce côté « carnavalesque » que nous évoquions plus haut, l’artiste se moque des bourreaux. Il dénonce l’absurdité cruelle d’un siècle laquelle, ne l’oublions jamais, peut parfaitement se répéter. 

ROBERT KETELSLEGERS est un « cynique » dans le sens grec du terme. En exagérant la sémantique d’un langage (plastique, historique et politique) en perte d’humanité, il en décrypte l’absurdité avec une totale indépendance d’esprit.  

François L. Speranza.

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Une publication
Arts
 
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Lettres

N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul, éditeur responsable


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A voir:

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza


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L'artiste et François Speranza: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles
R. P.

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CHEVALIER DE MICHAËL

- «Je veux être un chevalier, un héros fort et preux, qui fait

régner sur la terre  le bien à tout jamais.»

Voici le dixième ouvrage de La Lyre d’Alizé.org, un livre lumineux haut en couleurs. Il illustre avec éclat et joie le mythe du Chevalier de lumière inspiré par le héros du ciel, Michaël, Héros cosmique qui terrasse le dragon et insuffle force, détermination,
joie et courage aux enfants de la terre.
Livre destiné autant aux enfants qu’à leurs aînés, tant il interpelle et parle au cœur de courage pour sortir victorieux des épreuves de l’existence. L’artiste nous propose de superbes fresques inspirées rendant vivante la qualité spirituelle de la présence de l’archange, inspirateur dans les hauteurs.

Texte de Rébecca Terniak
Aquarelles de Marie-Christine Serventi
en collaboration avec Rébecca
Terniak et Dom Amat
40 pages couleur dont 24 aquarelles originales
format 240 x 240 mm
Ed. La Lyre d’Alizé,
Novoprint Octobre 2021
22 € - 30 frs ch - Pour enfants et adultes.

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REBOTA REBOTA Y EN TU CARA EXPLOTA

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« Ça rebondit, ça rebondit et ça t’éclate en pleine face »

https://www.theatrenational.be/en/activities/1956-rebota-rebota-y-en-tu-cara-explota#presentation

 

Standing ovation pour cette performance sur la violence faite aux femmes.

Agnés Mateus, seule en scène, emporte la salle dans sa rage contre les féminicides.

 

Moulée dans un pantalon pailleté, elle s’avance vers le public en déroulant un tapis comme pour un défilé sauf qu’elle porte un masque hideux de clown car ici rien de charmant, elle crache toutes les insultes faites aux femmes sur une danse au rythme techno et dans une langue espagnole (surtitrée) qui crépite comme un lance-roquettes.

« Ça rebondit, ça rebondit et ça t’éclate en pleine face », ce sont les paroles d’une comptine répandue dans les cours de récréation en Espagne qui signifie « C’est celui qui le dit qui l’est ».

 

Dénonçant les failles de l’éducation donnée aux filles comme aux garçons, elle démonte sur le même tempo les absurdités et les stéréotypes sexistes des contes de fées et des blockbusters. Avec un humour qui n’épargne rien ni personne, elle trace son plaidoyer contre l’indifférence et l’immobilisme.

 

Créé en 2017, avant Metoo, le projet visait à secouer une Espagne où la violence faite aux femmes était encore un sujet tabou en dépit de chiffres record (en moyenne deux femmes tuées chaque semaine par leur mari, leur fiancé ou leur ex-). « Nous les femmes, nous sommes complètement abandonnées par les politicien·nes" : Agnés Mateus crie l’urgence de réagir. Et si elle se démène autant sur scène, c’est dans un but d’empowerment, de transmission d’énergie commune, comme le slogan d’un refrain féministe : "Nous sommes fortes, nous sommes fières ».

Depuis le spectacle a fait son chemin, remportant plusieurs récompenses et même si le monde politique ne se réveille pas, la force spectacle suscite partout le même enthousiasme.

Agnés et son metteur en scène Quin Tarrida sont des artistes multidisciplinaires qui s’intéressent à diverses formes de violence. Leur précédente production « Hostiando a M » visait les exactions policières. Le secret de leur impact est de ne pas traiter le problème de manière explicite mais sur le mode d’une satire grotesque spectaculaire.

À couper le souffle !!!

Palmina Di Meo  

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12273213283?profile=originalConsidérée comme discipline autonome, l'apologétique est de date récente; mais l'apologie, qu'elle soit juive, catholique, orthodoxe ou protestante, est aussi ancienne que le judaïsme ou le christianisme. Bien qu'elle ait conduit souvent à la controverse, l'apologétique ne doit pas être identifiée avec elle. La controverse accuse les différences et les oppositions; elle entraîne plutôt une attitude de fermeture aux idées d'autrui. L'apologétique, au contraire, peut et doit garder une attitude d'ouverture. Ses «raisons» sont celles du dialogue, et d'un dialogue non seulement extérieur mais intérieur au croyant: elle cherche à établir les motifs qu'à chaque époque le fidèle reconnaît à sa croyance, en face de sa propre incroyance, et à les communiquer à autrui.

 

 

1. La littérature apologétique juive

 

Le judaïsme antique n'a eu une littérature apologétique qu'à partir du moment où il a été en contact avec les peuples environnants. On doit mentionner le Contre Apion de Flavius Josèphe (95apr. J.-C.), adressé aux Romains, et l'oeuvre philosophique de Philon qui, bien qu'elle n'ait jamais été reconnue par le judaïsme orthodoxe, a constitué une première tentative d'explication du judaïsme par rapport à la pensée hellénique.

C'est plus tard, au IXe siècle seulement, qu'a commencé de s'opérer dans le judaïsme la rencontre de la révélation et de la raison philosophique, lorsque les lettrés ont eu connaissance, dans des traductions arabes, des chefs-d'oeuvre de la philosophie grecque, Pythagore, Platon, Aristote, Plotin ont été alors rendus accessibles aux maîtres de la synagogue (geonim). Déjà les philosophes arabes dits motazilites avaient tenté d'exprimer en termes philosophiques les grandes données du monothéisme: unité de Dieu, création du monde, liberté humaine, justice divine, problème du bien et du mal. Leur méthode d'investigation, le kalam, avait donné naissance à la première théologie rationnelle. Mais celle-ci reposait sur le concordisme musulman entre révélation et raison. Saadia ben Joseph de Fayyoum (882-942) inaugura une recherche semblable au sein du judaïsme et appliqua aux données de la Bible la dialectique du kalam. Son ouvrage fondamental, Certitudes et Connaissances, inspiré par la pensée du Talmud, soutient qu'il y a harmonie entre la révélation, la tradition et la raison.

Il y eut bientôt une réaction. Dans le Kuzari (1140), Judah Halevi imagina un dialogue entre un chrétien, un musulman et un rabbin en présence du roi des Khazars, qui finit par se convertir au judaïsme; il fit une critique sévère de la philosophie du kalam et attacha la certitude non pas à la démarche de la raison, mais à la lettre de la Torah donnée par Dieu à Moïse.

Dans la période qui suivit, l'effort rationnel fut repris, mais l'aristotélisme prit peu à peu le pas sur le kalam et sur le néo-platonisme. Dans le Guide des égarés (1195) Moïse Maimonide prouva que la foi d'Israël et la sagesse grecque, bien que différentes dans leur origine, sont identiques dans leur essence et doivent se rejoindre pour les croyants. La spéculation rationnelle put être considérée alors comme une voie vers la connaissance mystique. D'abord rejetée par le judaïsme orthodoxe, l'oeuvre de Maimonide fut acceptée par la suite, et elle exerça une influence décisive sur la pensée chrétienne du Moyen Âge. Elle garde un grand crédit dans la pensée juive contemporaine.

 

 

2. L'apologétique chrétienne aux premiers siècles

 

L' apologétique chrétienne a commencé, au lendemain de la Pentecôte, avec les discours de Pierre (Actes des Apôtres, II et III) et d'Étienne (Actes, VII). Elle fut d'abord une défense et un témoignage des juifs chrétiens face aux responsables du peuple juif. Son affirmation majeure était la réalisation des prophéties messianiques. Elle n'impliquait pas pour autant une rupture avec le judaïsme et elle argumentait à partir de la même tradition et sur les mêmes thèmes.

Mais dans l'ensemble du Nouveau Testament (Phil., I, 7; I Tim., I, 3 et surtout Actes, XXIV, 25), l'apologie prit bientôt une extension beaucoup plus large. La défense de la foi en Jésus-Christ fut portée devant les tribunaux païens, et les premiers chrétiens virent dans cette convocation juridique devant les autorités la confirmation de l'Évangile et la manifestation de l'Esprit saint. L'apologie, qui pouvait aller ainsi jusqu'au martyre, fut adressée désormais à tous les peuples de l'Empire et aux autorités constituées. Dans la Première Lettre de Pierre (III, 5), se trouve la charte de l'apologie de la foi selon le Nouveau Testament: «Soyez prêts à rendre raison de l'espérance qui est en vous, à quiconque vous le demande avec mansuétude et respect.»

Quand ils se furent distingués des juifs, les chrétiens témoignèrent de leur foi devant les fonctionnaires païens, et avant tout devant l'empereur. D'où le nom de «Pères apologistes», qui fut donné aux premiers Pères de l'Église. Le IIe siècle fut ainsi l'âge des apologies: ApologiesI et II, de Justin (147-161); Discours aux Grecs, de Tatien (150-173); Trois Livres à Autolicus, de Théophile d' Antioche (160); Supplique pour les chrétiens, adressée par Athénagore d'Athènes à Marc Aurèle (177); Épître à Diognète, le chef-d'oeuvre du genre, dont l'auteur n'a pas été identifié.

Les ouvrages apologétiques ont été d'abord des réponses aux contestations des philosophes ou des gnostiques grecs: Octavius, de Minucius Félix (fin du IIe siècle); Apologétique, de Tertullien (197); Exhortation aux Grecs, Pédagogue, Stromates, de Clément d'Alexandrie (200-202); Contre Celse, d'Origène (244-248). Ces écrits ont préparé les traités théologiques des Pères des siècles suivants.

Cette littérature, fondée surtout sur le Nouveau Testament, s'est accompagnée malheureusement très souvent d'un oubli et d'une méconnaissance de la tradition juive. Affirmant entre les deux Testaments, entre le temps de la promesse et celui de l'accomplissement, un rapport d'antitype à type, ou d'image à réalité, les apologistes chrétiens d'origine grecque ont manifesté un penchant excessif pour l'allégorie et ont parfois détaché la typologie de l'histoire, et la théologie de l'économie et de l'histoire du salut. En retour, les rabbins tannaïm et amoraïm se sont repliés sur la tradition légale, la halakha. Ils ont laissé de côté les versions de la Bible, en particulier la version des Septante répandue jusqu'alors dans les synagogues de la diaspora, parce que les chrétiens l'utilisaient contre eux, et ils ont préféré les traductions de Théodotion, Symmaque et Aquila. Sous l'influence d'apologétiques opposées, le judaïsme et le christianisme, pourtant issus d'une même tradition, sont devenus ainsi très rapidement étrangers l'un à l'autre. Ce retournement fut consacré quand le christianisme, de religion persécutée, devint avec Constantin religion de la majorité.

Bien que l'islam ne véhicule du judaïsme et du christianisme que des éléments partiels et déformés, les relations de ces deux derniers avec l'islam ne furent au début ni d'opposition ni de défense. Les chrétiens monophysites accueillirent en général favorablement leurs nouveaux maîtres. Les apologistes chrétiens, pour la plupart des chrétiens arabisants (Jean de Damas, Abu Qurra, Nikétas le Théologien, Barthélemy d'Édesse), cherchèrent à démontrer que la doctrine de la Trinité était strictement monothéiste, mais ils usèrent peu du kalam. La discussion avec l'islam ne commencera vraiment qu'au Moyen Âge. C'est alors, en effet, que l'apologétique se constitue comme discipline cohérente et élaborée, à la faveur du renouveau aristotélicien. Elle apparaît d'abord chez deux croyants non chrétiens: l'un juif, Maimonide, l'autre musulman, Averroès (Ibn Rushd), qui ont été tous deux les maîtres à penser de saint Thomas d'Aquin.

 

 

3. Du Moyen Âge à l'époque contemporaine

 

La démarche apologétique classique du christianisme avait été formulée par saint Anselme dans son Proslogion (1078): fides quaerens intellectum. La foi recherche les motifs qui, sans prétendre démontrer ce qui demeure mystérieux pour la raison, permettent de croire, et fondent un «jugement de crédibilité». Mais les motifs de crédibilité ne sont pas la foi. Leur rapport à la foi restait à élucider. C'est ce que fit Thomas d'Aquin dans la Somme contre les gentils (1261-1264), où le principal interlocuteur visé sous le nom des «gentils» est Averroès. À la suite de saint Anselme, Thomas d'Aquin expose ce que l'on peut nommer les «préparations philosophiques» à la foi: existence de Dieu, création, Dieu fin suprême des créatures, avant de présenter la crédibilité rationnelle des dogmes proprement dits. La différence de statut est nette: si Thomas d'Aquin prétend à une démonstration des vérités naturelles, il ne prétend qu'à une défense des vérités surnaturellement révélées, dont l'exposé est du ressort de la théologie, et accessibles seulement à celui qui croit.

L'existence de vérités naturelles qui peuvent être établies rationnellement était ainsi affirmée. Il restait à se pencher sur leur contenu, et c'est ce qu'a fait l'apologétique moderne. Elle naît avec l'Apologie (1434-1435) de Raymond de Sebonde, qui a stimulé Montaigne (Essais, II, 12). Ses considérations sur l'harmonie entre le bien de l'homme et la révélation sont le signe d'un optimisme humaniste et rationaliste. À l'opposé, un Nicolas de Cues, dans De la docte ignorance (1440), fonde la croyance sur une vision mystique où viennent s'unifier les positions contraires des hommes.

Les Pensées de Pascal (1662) ont inauguré une voie nouvelle. Partant de la considération de l'homme, de ses besoins, de ses désirs, de ses échecs, des preuves «sensibles au coeur» plutôt que de celles qui convainquent l'esprit, Pascal a projeté sur la démarche de foi une vive lumière. Plutôt que de s'appuyer sur des démonstrations, il a mis en relief dans la croyance un «pari», dont on fausserait la portée si l'on y voyait un argument de premier plan dans son apologétique, mais qui est une sorte de pressentiment de l'argument de probabilité mis en relief par la pensée moderne. Pascal développe des preuves qui viennent s'ajouter au pari et qui sont d'autant plus fortes qu'elles s'appuient les unes les autres. Leur convergence même est en harmonie avec la nature de la foi: «Il y a assez de lumière pour ceux qui désirent de voir et assez d'obscurité pour ceux qui sont en disposition contraire.»

La reconnaissance des «probabilités» de la foi eut une grande place aux XVIIeet XVIIIe siècles. Elle se retrouve dans l'anglicanisme chez Joseph Butler, Analogie de la religion naturelle et révélée avec la constitution et le cours de la nature (1736), qui voit là une sorte de «philosophie de la révélation», et chez William Paley, Tableau des évidences du christianisme (1790), qui adopte un point de vue plus rationnel. Les deux ouvrages ont servi de point de départ à John Henry Newman dans ses Sermons sur la croyance (1843) et dans son Essai pour aider à une grammaire de l'assentiment (1870), analyse magistrale de la démarche de foi pour l'esprit scientifique moderne. Newman distingue l'assentiment «réel» de l'assentiment simplement notionnel, et établit les lois du «sens illatif» (ou sens de l'inférence), qui fait adhérer au réel. Passant de cette philosophie de la connaissance à l'analyse concrète et historique, Newman montre que le lieu de l'assentiment réel est la tradition dogmatique de l'Église. Au début du XXe siècle, on a dénoncé parfois dans cette démarche un certain psychologisme. En réalité, cette apologétique n'est nullement moderniste et procède du christianisme le plus traditionnel.

En même temps qu'ils ont insisté sur les fondements rationnels de la croyance, les Temps modernes ont connu un retour vers le fidéisme, la transcendance et l'argument d'autorité: cette tendance est nette chez l'homme d'État anglais Balfour, Les Bases de la croyance (1899), chez G. Fonsegrive, Le Christianisme et la vie de l'Esprit (1899), et Ferdinand Brunetière, Raisons actuelles de croire (1900). Il n'en est pas de même chez Maurice Blondel qui, dans la Lettre sur les exigences de la pensée contemporaine en matière d'apologétique (1896), fait appel conjointement à la transcendance et à ce qui est immanent à l'action humaine. Selon lui, le surnaturel, «qui demeure toujours au-delà de la capacité, du mérite et des exigences de la nature», est dans une certaine mesure appelé par les insuffisances de celle-ci, «par le besoin senti d'un surcroît» que la nature peut recevoir, étant faite pour lui, mais qu'elle ne peut ni produire ni même définir.

Depuis la fin du XIXe siècle, de nombreux auteurs ont été tentés de donner à l'apologétique un statut scientifique et de lui assigner pour tâche la réflexion sur la crédibilité de la Révélation. Mais la certitude que peut avoir de celle-ci le croyant ne se couche pas nécessairement en une démonstration de la Révélation. C'est plus qu'une opinion, il est vrai, puisque le croyant adhère et n'est pas dans le doute; mais ce n'est pas l'évidence apodictique, idéal de la science moderne. Aussi rend-on mieux compte de sa nature en parlant de «certitude morale». Le «réel» dont s'enquiert ici la raison humaine est en effet dans sa nature de caractère moral et religieux plutôt que rationnel. On laisse échapper ce réel si on le réduit à un exposé de preuves, sans tenir compte des sujets personnels à qui les preuves en question s'adressent à titre de signes religieux. Certes, la démarche de foi peut être transcrite après coup en catégories rigoureuses et objectives, être mise en forme de démonstration, mais cette démonstration ne rejoint jamais entièrement la démarche concrète du sujet. On l'accusera toujours ou de trop promettre ou de majorer ses résultats. Entre la démarche rationnelle (ou jugement de crédibilité) et l'adhésion de foi (qu'on a appelée parfois jugement de crédentité), il y a un seuil, un écart, qui tient au rapport direct du sujet avec Dieu et qui dépasse les élucidations de la raison.

Mais il faut remarquer qu'en insistant sur les signes qui touchent l'homme et qui l'appellent à une conversion, on n'entend pas dévaluer les preuves: le signe implique la preuve, car le signe doit être, par le croyant lui-même en premier lieu, critiqué et prouvé. Insister sur la signification du geste religieux n'entraîne pas qu'on soit moins exigeant sur sa vérification. Aussi la philosophie religieuse, dont l'objet est d'étudier les conditions générales de l'acte religieux, est-elle ici d'un grand secours et vient-elle contrôler le langage et la démarche de la foi.

L'apologétique ainsi comprise n'a pas à être glorieuse -pas plus que la foi n'est la gloire -ni non plus craintive -l'assurance étant le signe de la foi -mais vraie. La vérité du témoignage est en définitive le seul indice du message du salut.

 

 

4. Athènes et Jérusalem

 

Depuis la fin des années 1970, sous l'influence d'une réflexion sur les rapports entre la raison et la foi et sur le problème de l'origine de la pensée, un certain déplacement de la problématique s'est opéré - deux modes de pensée distincts, deux noms, deux cités considérés comme étant au coeur de notre héritage: Jérusalem et Athènes. Tandis que les médiévaux, qu'il s'agisse de Maimonide ou de Thomas d'Aquin, admettaient qu'une synthèse était possible, les modernes -tels Leon Chestov et Leo Strauss notamment-sont de plus en plus enclins à reconnaître une tension fondamentale, un conflit irréductible, entre ces deux «modèles» de la vie de l'esprit. Des deux grandes catégories culturelles, gréco-romaine et judéo-chrétienne, qui caractérisent la pensée de l'Occident, Michel Serres écrit: «Ces deux catégories ne sont pas des synthèses, elles ne sont que des séquences. Et peut-être des séquences sans conséquence. Preuve en est que, dans chaque couple, le prédécesseur ne se reconnaît pas dans le successeur, même quand celui-ci le revendique. Le trait d'union n'y est qu'une coupure, souvent [...]. La catégorie de chrétien romain est reconnue, quant à elle, comme une synthèse, précisément celle que la catholicité a universalisée dans tout l'Occident au cours de vingt siècles d'histoire, avec les revers et les succès que l'on sait. Mais il y a, d'autre part, une catégorie moins connue [...] qui m'apparaît jeter sur la question une vive clarté. Le modèle judéo-grec est une synthèse» (Le Modèle de l'Occident). Ainsi une double confrontation s'est inscrite au coeur de la vie de l'esprit. Le Grec a fait une découverte originale, celle du logos et de la science. Le Juif, par ses prophètes, a découvert le temps et l'histoire. Il y a là deux processus interminables, deux opérateurs sans cesse renaissants. L'Orient maintient ces courants séparés. L'Occident est leur confluent. Ces deux découvertes ont pour conséquence l'hétéronomie des langages et elles fondent la différence de la révélation d'avec la philosophie.

Nulle part l'hétéronomie n'apparaît davantage que dans l'oeuvre des penseurs qui ont repéré les conflits de l'humanité en même temps qu'ils ont fondé la modernité: Spinoza, Bayle, Freud. Le contraste est figuré par l'opposition entre deux montagnes. Au sommet de l'une, à l'orient de la Méditerranée, Abraham s'apprête à sacrifier son fils Isaac, mais son bras sera retenu. Au sommet de l'autre, à l'ouest des eaux du Bosphore, Oedipe est exposé, suspendu par les pieds; un oracle a prédit qu'il tuerait son père. Abraham, dans sa piété, ne veut pas pénétrer les desseins de Celui qui lui a parlé. Oedipe ne sait pas ce que le destin lui promet. «Nous portons dans le corps, remarque Michel Serres, ce qu'on nomme communément l'Oedipe, et nous tournons le dos à la première des montagnes. Nous ne savons plus que nous sommes en équilibre entre deux sacrifices. Peut-être l'Occident est-il cet équilibre rompu, la série interminable de tous les déséquilibres, entre un modèle grec, la culture d'Oedipe, et un modèle juif, le culte d'Abraham.»

Consciente de telles prémisses, l'apologétique contemporaine s'est déplacée, de même que l'attitude philosophique à l'égard de la révélation. De part et d'autre, on reconnaît, ce qui sans doute aurait pu être admis d'emblée comme une évidence, que la philosophie n'a jamais réfuté la révélation et ne pourra jamais y parvenir: elle reste en dehors et de sa visée et de ses prises. En outre, la théologie ne saurait couper court aux interrogations de la philosophie ni interrompre sa contestation.

Pour le philosophe, la révélation est seulement une possibilité. Quand Pascal entreprend de démontrer que la vie du philosophe est fondamentalement misérable, parce qu'elle laisse échapper le tragique, son projet présuppose la foi; il n'atteint ni ne réfute la démarche philosophique. De plus, celle-ci ne détient pas d'éthique dernière dès lors qu'elle reconnaît que la révélation existe. Elle doit donc admettre la possibilité de la révélation. Le choix du philosophe apparaît fondé lui-même sur une foi. La philosophie, dit Leon Chestov, renvoie à la non-philosophie. Et Leo Strauss, partant d'un autre point de vue, affirme, lui aussi, que la recherche d'une connaissance évidente qui dispenserait de la révélation «repose elle-même sur une prémisse qui ne l'est pas». La démarche la plus intéressante de l'apologétique contemporaine n'a pas consisté à vaincre la philosophie sur son terrain, ni à vouloir la maintenir en situation de servante; elle a consisté à reconnaître son autonomie et, en ce qui la concerne, à retrouver sa spécificité.

 

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Proverbes flamands de Pieter Brueghel

Les proverbes constituent le genre le plus paradoxal de la littérature orale. L'un des plus anciens, sans doute, mais aussi celui qui a le mieux résisté à l'érosion du temps. Difficile à cerner, investi comme il est, en amont, par les dictons, les lieux communs, les «expressions proverbiales» et les locutions populaires (savoureuses mais engagées dans les manières de dire du moment et vite vieillies) et, en aval, par les adages, les sentences, les maximes et les jeux de société de la culture savante, le proverbe populaire reste malgré tout reconnaissable. Sa brièveté, les images sidérantes qu'il impose, ses inventions stylistiques (métaphores, périphrases, antithèses, rapprochements imprévus, jeux de mots, rimes, assonances, etc.) l'impriment dans la mémoire.

À la fois évident et énigmatique, c'est une oeuvre d'art en miniature qui fait les délices du peuple et l'admiration des créateurs. Autre paradoxe: sa concision fait de lui le genre le plus souvent collecté, illustré, expliqué, développé et aussi, suivant les époques, méprisé et combattu.

Quelques repères historiques. De la Bible à Érasme

Les civilisations archaïques et préchrétiennes, aussi bien au Moyen-Orient qu'en Asie et en Europe, véhiculent toutes des proverbes dont la vétusté est encore soulignée par une référence explicite aux aïeux («les Anciens disaient») et par des archaïsmes dans l'expression. Il est tentant de les rapprocher des lois ou des textes religieux, d'autant qu'un des livres de la Bible est justement intitulé Livre des Proverbes. Toutefois le mot hébreu traduit ainsi (Meshalim) signifie plutôt poèmes et désigne en fait un exposé de morale religieuse. Rien à voir avec les proverbes populaires dont le ton apparemment péremptoire est toujours tempéré par l'humour, et dont les métaphores énigmatiques renvoient à l'ambiguïté du réel. Pareillement, dans le Nouveau Testament, certaines paraboles, à cause des images simples et fortes qu'elles contiennent (le chameau qui pourrait passer par le chas d'une aiguille, la parure des lys des champs), font penser aux proverbes, mais le contexte leur donne un sens catégorique, alors qu'un proverbe populaire reste hypothétique dans la mesure où il appartient à un ensemble qui le nuance («Tel père, tel fils»; «À père avare fils prodigue»). Plutôt que lois ou dogmes, note P. Boratav dans son exégèse des vieux proverbes turcs, les proverbes entendent transmettre une expérience ancienne, avec respect certes, mais sans s'interdire de jouer avec la polysémie d'images enracinées dans la réalité de chaque région.

La civilisation gréco-romaine met en évidence le lien des proverbes avec les autres genres de la littérature orale, particulièrement avec les contes d'animaux. Très souvent, dans les fables d'Ésope par exemple, le récit s'achève par une formule lapidaire qui résume l'histoire et propose une moralité. Cette formule peut prendre son indépendance; l'image surprenante qui fait son charme renvoie à une histoire connue de tous qu'il n'est pas nécessaire d'expliciter. À noter que le terme grec paremia qui désigne ces formules lapidaires est toujours utilisé de nos jours; les recherches sur les proverbes relèvent d'une discipline qui s'est donnée le nom de parémiologie.

Les sophistes à Athènes, les rhéteurs à Rome confirment l'intérêt de la culture savante pour les proverbes populaires. Dérive très visible chez Pline, Sénèque et Quintilien, moins apparente chez Lucrèce, Virgile ou Horace qui, par leur souci de concision et leurs recherches stylistiques, recréent ou créent des expressions proverbiales. Ainsi se constitue un trésor de proverbes, d'origine généralement populaire, mais souvent aussi réélaborés par la culture savante.

Les proverbes sont omniprésents dans la littérature du Moyen Âge. Au-delà de ce constat, une analyse plus précise révèle qu'ils reflètent les rapports de forces, les tensions et les conflits de la société féodale. «L'argent ard gens» (du verbe ardre qui signifie brûler) est un adage à la fois savant et populaire; en revanche, «Oignez vilain, il vous poindra; poignez vilain, il vous oindra» est l'exemple d'un proverbe répandu, mais d'inspiration antipopulaire. D'autres proverbes évoquent des rivalités très anciennes entre villages et régions: «Niais de Sologne qui ne se trompe qu'à son profit», ou «Quatre-vingt-dix-neuf moutons et un Champenois font cent bêtes».

Autre trait remarquable des proverbes que l'étude de cette époque met en évidence: leur malléabilité. Les clercs qui les utilisent les réélaborent sans cesse. Orientation très fréquente chez les grands créateurs des XVe et XVIe siècles qui procèdent soit par simple juxtaposition de proverbes faisant, pour ainsi dire, voler leur sens en éclats (Ballade des proverbes, de Villon), soit par accumulation qui mélange proverbes authentiques et proverbes inventés de toutes pièces (Rabelais, Gargantua, XI), soit encore par des commentaires provocateurs (Montaigne et Cervantès). Ces «détournements» ne sont ni fortuits ni innocents. La brièveté du proverbe l'oriente tout naturellement vers l'énigme; un des secrets de son efficacité, c'est son pouvoir d'interroger, d'inquiéter l'interlocuteur, de lui faire admettre que toute vérité comporte une marge d'erreur. Le caractère raffiné et énigmatique des proverbes est parfaitement perçu par les grands collecteurs de la Renaissance, en particulier par Érasme qui les définit comme d'«anciens témoins connus de tous, restes de l'ancienne philosophie [...] taillés comme des pierres précieuses, langage que le peuple partage avec les lettrés». Il publie et commente à partir de 1500 plusieurs volumes d'Adages. Étienne Pasquier (1529-1615), dans Recherches de la France, pose le problème de la transformation des proverbes en recherchant et en expliquant les adages anciens devenus incompréhensibles.

 

Mise à mort et résurrection

 

Autre caractère fondamental des proverbes: leur lien avec la paysannerie. Les soulèvements populaires du XVIIe siècle vont obliger les intellectuels, intermédiaires culturels, à prendre parti pour ou contre leur emploi. Cette option n'est pas évidente dans le Trésor de la langue française (1605), dictionnaire de Nicot qui s'ouvre sur une suite de cent vingt proverbes, ni dans La Comédie des proverbes de Monluc de Cramail (1623), mais elle est déjà très perceptible dans Les Curiosités françaises de César Oudin (1640) qui classe les proverbes ou expressions proverbiales en catégories: familières, vulgaires, basses, triviales. Les proverbes seront aussi, jusqu'à la fin du règne de Louis XIII, le support d'un jeu qui fait fureur dans les salons parisiens et les collèges: saynètes improvisées ou non, énigmes simples dont «le mot» est précisément un proverbe. Mais après la grande peur de la Fronde (1648) et la sanglante répression qui la suit, les proverbes, pourtant connus et utilisés dans toutes les couches sociales -comme en témoigne le succès des «proverbes illustrés» de Lagniet (1657)-, deviennent la cible favorite des écrivains «pensionnés» par LouisXIV. Ils sont raillés et assimilés aux quolibets. Le dictionnaire de Furetière (1690) adopte à leur égard la même attitude que celui de l'Académie (1694). Racine, dans Les Plaideurs, fait parler par proverbes les personnages bornés et ridicules. Perrault, dans L'Oublieux (1691), les pastiche méchamment en les réduisant à des truismes stupides. Attitude plus nuancée chez Molière qui a compris que le «détournement» entre dans la notion même de proverbe: Harpagon, après avoir loué la sagesse de «Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger», s'embrouille et inverse l'énoncé. La Fontaine, à contre-courant, admire les proverbes, en fait la trame de ses fables et n'hésite pas à en citer quelques-uns en langues vernaculaires comme dans «Le loup, la mère et l'enfant» (Fables, IV, 16) qui s'achève par un savoureux proverbe picard.

Paradoxalement, même après la Fronde, le jeu des proverbes et les pièces intitulées «Proverbes» restent à la mode, non seulement dans les salons de province, mais aussi à la cour et jusqu'au XVIIIe siècle (avec Collé, Carmontelle et Berquin). Mme de Maintenon en fera représenter à Saint-Cyr, mais ces saynètes s'articulent sur des maximes savantes plutôt que sur des proverbes populaires.

Le puissant éveil des nationalités et le romantisme vont remettre à la mode les contes et, à leur suite, les proverbes. Dans le sillage des collectes à visée philologique et nationaliste des frères Grimm (1812-1823) s'effectuent, en France, les premiers recensements systématiques: entre beaucoup d'autres, celui de La Mésangère (1827) et, quasi exhaustif et devenu classique, le Livre des proverbes français, en deux volumes, d'Antoine Leroux de Lincy (1840, 2e éd. augmentée 1859). Cette vogue produit plusieurs oeuvres originales où la culture populaire semble régénérer l'art salonnier: Quitte pour la peur (1833) d'Alfred de Vigny et surtout On ne badine pas avec l'amour (1834) et Comédies et proverbes (1840) d'Alfred de Musset. Ce genre sera redécouvert au XXe siècle par le cinéma; entre autres par l'auteur-réalisateur Éric Rohmer qui, entre 1981 et 1988, regroupe un ensemble de six films sous le titre général de Comédies et proverbes.

La révolution industrielle et le progrès des communications, entre le second Empire et la guerre de 1914-1918, vont menacer et en même temps protéger la littérature orale. Les contes, les chansons populaires, les proverbes, érodés et contaminés par l'imprimé, trouvent des défenseurs obstinés et prestigieux: Gérard de Nerval, Duparc, Vincent d'Indy. Les collectes sur le terrain se multiplient, quadrillant les régions les plus éloignées des grandes voies de communication: Millien en Auvergne, Arnaudin dans la Grande Lande, ou Bladé en Agenais.

Dans l'entre-deux-guerres, les collectes de proverbes sur le terrain se raréfient en France, au profit de recueils qui s'efforcent de les classer par régions ou par thèmes, dans des catalogues plus ou moins raisonnés, amorce d'une recherche sur la structure et la fonction des proverbes. Parallèlement, les collectes sur le terrain se développent dans les colonies et les pays du Tiers Monde, en liaison avec l'aspiration de nombreux peuples à l'identité nationale et à l'indépendance.

 

Les proverbes aujourd'hui

 

Après la Seconde Guerre mondiale, avec l'essor des sciences humaines et avec le progrès de l'interdisciplinarité, la «parémiologie» s'efforce de devenir une science et d'analyser, par exemple, la structure interne des proverbes ou la fonction qu'ils ont exercée ou exercent encore dans telle ou telle société. Ainsi, en partant d'une perspective morphologique proche de celle de Propp, Permiakov, en 1968, conclut que tous les proverbes collectés ne sont que les variantes d'énoncés correspondant à une centaine de situations qui peuvent être classées selon quatre «invariants» qu'il considère comme «logico-sémantiques». S'il y a A, il y a B; si A a la qualité x, il a la qualité y. Si B dépend de A et si A a la qualité x, B aura la qualité x. Si A a une qualité positive et si B ne l'a pas, A est meilleur que B. Cette classification est bien entendu précédée d'une classification linguistique (présence ou absence d'une métaphore, existence d'une opposition binaire, etc.) et complétée par une étude du registre auquel appartient l'image employée, critère de type ethnologique.

M. Kuusi, qui appartient à l'école des grands folkloristes finlandais, propose, en 1972, vingt et un schèmes sémantiques fondamentaux reposant sur l'opposition de l'un à deux, à beaucoup ou à tous. En partant de la dialectologie, C. Barras dans sa recherche sur les proverbes de la Suisse romande (1984) conclut, elle aussi, à l'existence de moules, mais souples et perméables. En France, A.J. Greimas, en 1970, à partir d'observations sur la dénotation et la connotation des énoncés, d'une confrontation systématique des métaphores, images et périphrases (loi de cooccurrence), propose d'étudier les proverbes non plus séparément mais comme des ensembles de sens, de systèmes cohérents de représentations. Autre recherche importante, au confluent de la linguistique et de l'informatique: celle de P. Richard qui essaie de traduire le langage naturel des proverbes en langage symbolique, préalable indispensable à la compréhension de cet ensemble cohérent, donc à toute typologie des proverbes.

La recherche la plus ambitieuse - et la plus réussie - de type anthropologique est celle que F. Loux - en collaboration avec P. Richard - a consacrée aux proverbes concernant le corps, la santé, la maladie, la vie et la mort. Elle les a replacés non seulement dans l'histoire de la médecine traditionnelle ou savante et des pratiques thérapeutiques, mais aussi dans l'évolution des mentalités. F. Loux insiste également sur la valeur symbolique des images et des métaphores utilisées dans les proverbes qui suggèrent un rapport essentiel entre le corps et l'univers. C'est là une utilisation féconde de la psychanalyse qui nous aide à comprendre sur quoi se fonde la cohérence interne des «sagesses du corps».

L'univers des proverbes n'est donc pas un «code gnomique» (R. Barthes) établi une fois pour toutes, clos sur lui-même et révolu. C'est aux ethnologues, aux historiens, aux sociologues de nous dire comment il s'est élaboré et transformé dans la longue durée: «Oeil pour oeil, dent pour dent» a pu représenter un progrès par rapport à un adage antérieur du genre «Oeil pour dent». Et il coexiste avec d'autres proverbes qui conseillent la compréhension et même l'indulgence: «Faute avouée est à moitié pardonnée» et «À tout péché miséricorde». Ces proverbes, qu'on pourrait croire contradictoires, explorent en fait toutes les attitudes possibles devant la déviance. Déposées en strates, elles se présentent à nous simultanément mais elles ont, selon toute vraisemblance, correspondu à des civilisations successives. Le discours proverbial, dans ses antinomies apparentes, résume sans doute l'histoire de l'humanité.

 

Les «petites phrases»

 

La révolution industrielle, l'apparition de nouveaux médias et l'explosion démographique obligent les spécialistes à vulgariser leurs découvertes. Chaque savoir cherche à se diffuser le plus possible par des formules chocs. Dans le secteur de la réflexion politique et sociale, ces formules à l'emporte-pièce deviennent vite des «slogans»; par exemple: «Liberté, égalité, fraternité», des révolutionnaires de 1789; «La propriété c'est le vol», de Proudhon; «La religion est l'opium du peuple», de Marx. La structure de ces slogans est encore améliorée et simplifiée dans les mots d'ordre des manifestations de masse, qui, comme les proverbes, se caractérisent par une certaine indépendance grammaticale: «Pas de canons, des écoles»; «Des sous, Pompon» (Pompidou). Le libéralisme propose, lui aussi, ses «petites phrases»: «Laisser faire, laisser passer (Quesnay), «Enrichissez-vous» (Guizot), etc.

Parallèlement, la société de consommation s'efforce de récupérer les techniques des proverbes, considérés comme des modèles de messages efficaces (en particulier par leur créativité stylistique, rimes internes, assonances, choc de phonèmes ou d'images, laconisme, etc.) dans le «marketing» de ses «produits», industriels ou politiques: «Dubo, Dubon, Dubonnet». «I Like Ike», «La force tranquille», orientation qu'on retrouve dans les campagnes médiatiques de prévention: «Les parents boivent, les enfants trinquent»; «Un verre ça va, trois verres, bonjour les dégâts»; «Auto macho, auto bobo». Mais il s'agit de formules inspirées en général par la recherche du profit et popularisées plutôt que véritablement populaires.

Le peuple continue pourtant à créer des proverbes, mais ils affleurent et se répandent essentiellement en période de crise, par exemple lorsqu'un groupe social ou une nation opprimée se trouvent obligés d'affirmer leur identité et leur force: «Dieu parle une langue étrangère» (Ovambo), «On ne pisse pas contre le typhon» (îles Fidji). Ce n'est sûrement pas un hasard si les plus beaux proverbes français de notre temps sont apparus sur les murs de la faculté de Nanterre en mai 1968: «Métro, boulot, dodo» (Pierre Béarn) et «Sous les pavés, la plage».

Autre caractéristique de notre époque, le détournement systématique d'expressions proverbiales et de proverbes, à la fois sur le plan phonétique et sémantique, ce qui mène à des «métaproverbes» qui ironisent sur les slogans publicitaires et sur les principes mêmes de notre société: «On a souvent besoin d'un plus petit que soi, pour lui casser la gueule» (P.Perret) ou Les Proverbes d'aujourd'hui de Guy Béart.

Ces analyses permettent une hypothèse sur l'élaboration des proverbes et sur leurs auteurs. Ceux qui les inventent, qu'ils soient ou non d'origine populaire et qu'ils restent ou non anonymes, sont des créateurs à part entière. Leurs formules, parce qu'elles expriment les contradictions de l'époque en termes brefs, neufs et drôles, font mouche et chacun se les approprie au point que le nom de l'auteur finit par se perdre. Chaque usager devient coauteur, ce qui est finalement le but et le sens de l'art véritable.

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DES CATHEDRALES DE MOTS

une bibliographie en six parties sur les poètes belges

Devoir de mémoire 1: Les poètes belges (A à C)

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Devoir de mémoire 2: Les poètes belges (D à H)

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Devoir de mémoire 3: Les poètes belges (I à L)

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Devoir de mémoire 4: Les poètes belges (M à N )

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Devoir de mémoire 5: Les poètes belges (O à R )

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Devoir de mémoire 6: Les poètes belges (S à W )

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Les Poètes maudits, les absolus, les impeccables, ceux de la royauté de l'esprit, de l'âme et du coeur humain...

"Les Poètes maudits" est un essai critique de  Verlaine, paru pour la première fois en 1883 dans la revue littéraire d'avant-garde "Lutèce" (dirigée par Léo Trézenic): publié en volume chez Vanier en 1884 et en 1888. Les "poètes maudits" de 1883 et 1884 n'étaient que trois: Tristan Corbière, Rimbaud et Mallarmé: dans l'édition de 1888, ils sont au nombre de six: les trois cités, Marceline Desbordes-Valmore (dont Verlaine devait la connaissance à Rimbaud), Villiers de l'Isle-Adam et enfin le "Pauvre Lélian", "celui qui aura eu la destinée la plus mélancolique", c'est-à-dire Verlaine lui-même. Par "poètes maudits" Verlaine entend les vrais poètes, les "poètes absolus" (c'est ainsi qu'il les appelle dans son avant-propos), inconnus de son temps. On peut, dit-il, reprocher à Corbière ses irrégularités; mais "les impeccables ce sont tels et tels. Du bois, du bois et encore du bois. Corbière était en chair et os tout bêtement. Chez Rimbaud (que, rappelle-t-il pudiquement), "nous avons eu la joie de connaître"), il exalte "l'immortelle royauté de l'Esprit, de l'Ame et du Coeur humains: la Grâce et la Force et la grande Rhétorique" niées par nos pittoresques, nos étroits naturalistes de 1883. De Mallarmé, il reprend l'éloge qu'il en avait déjà fait dans le "Voyage en France par un français" (1880) et où il disait que "préoccupé, certes!! de la beauté, il considérait la clarté comme une grâce secondaire et, pourvu que son vers fût nombreux, musical, rare, et, quand il le fallait languide ou excessif, il se moquait de tout pour plaire aux délicats, dont il était, lui, le plus difficile. L'essai de Verlaine occupe, dans l'histoire littéraire moderne, une place extrêmement importante. En 1883, si Verlaine commençait à être connu, les noms des poètes dont il parlait étaient ignorés ou oubliés. Les poèmes de Corbière, de Mallarmé et surtout de ceux de Rimbaud, dont les célèbres "Voyelles" et "Le bâteau ivre", qu'il citait à l'appui de son fervent éloge, furent une révélation pour le public. Leur célébrité date de là: elle devait être consacrée l'année suivante par la parution d' "A rebours", où Huysmans fait figurer les oeuvres de Corbière, de Mallarmé et de Verlaine parmi les préférées de son héros Des Esseintes (non Rimbaud parce que, expliquera Huysmans plus tard, il n'avait encore rien publié à cette époque). C'est ainsi que naquit ce "décadentisme" auquel le mouvement symboliste se rattache directement.

N.-B.: En souvenance du libraire-antiquaire Gérard Crucis qui m'avait initié à la collection d'éditions originales de "Poètes maudits": "d'abord les maudits"... m'avait-il soufflé...

R.P.

A lire aussi: 

La littérature symboliste

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administrateur théâtres

SPECTACLES

Voyage musical et spirituel

A Christmas Journey by la Monnaie Children’s and Youth Choirs

 22 Novembre 2021. Leur  album est  enfin dans les bacs ! Le voilà, le voici, sous le regard bienveillant de Benoît Giaux, chef de choeurs,  qui y a mis toute son âme. Sous le label Cypres qui fête ses 30 ans en cette saison 2021-2022, il se déguste comme un menu de découvertes, il se lit comme une méditation fleurie de l’esprit de Noël.  Un disque  rassembleur, sorti du cœur de Bruxelles, en hommage à L’Europe qui nous est proche. La priorité est  aux langues latines : du  wallon  au  catalan, et germaniques :  du flamand aux accents jazzy du rêve américain. Plus de 7 siècles d’histoire de la musique: du Moyen-Age à Tino Rossi.

 En 1997 nait une  collaboration entre la Monnaie et l’académie de musique d’Auderghem qui forment  les Chœurs d’enfants et de jeunes de la Monnaie : 120 jeunes de dix à dix-huit ans  désireux d’accéder à  une formation musicale   valorisante  qui leur donnera, sur base d’audition,  à  découvrir le plaisir et l’étude  de la musique chorale de haut niveau.  Originellement  divisés en deux chorales distinctes appelées La Choraline et la Maîtrise, ils forment  un seul grand groupe placé sous la direction artistique du chef de chœur Benoît Giaux.

Après des concerts  de Noël très apprécié  dans la salle du trône  palais Royal devant la famille royale belge par deux fois,  en 2016 et en 2018, l’idée est venue d’une création pour pérenniser cette extraordinaire aventure musicale. Ainsi, le compositeur et arrangeur Aldo Platteau a fait de  minutieuses recherches pour sélectionner des pièces qui composeraient sept tableaux de Noëls populaires et traditionnels à travers un voyage dans le temps. D’une façon ou d’une autre il s’agit d’un héritage culturel et religieux qu’il est essentiel de faire vivre.

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 Aldo Platteau a enseigné la composition et le chant d’ensemble à l’Académie de musique d’Auderghem, et les écritures approfondies au Conservatoire royal de Liège. Il enseigne actuellement le contrepoint et les différents styles d’écriture musicale, de la Renaissance au XXème siècle, au Conservatoire royal de Bruxelles et la composition de musiques appliquées et interactives au Conservatoire royal de Mons (Arts2).

Un très beau travail de composition soutient donc  l’œuvre à travers le large panel de de chants de Noël sélectionnés, avec des enchaînements harmoniques très élégants pour constituer le fil continu vers la lumière de la Sainte Nuit. Rejoindre l’intemporel.  Il invite à la paix et la  joie engendrées par  cette musique populaire entre toutes, celle  qui a bercé notre enfance et  a le don  de rassembler les foules dans la rue comme dans les sanctuaires. Le travail  d’écriture a d’abord ciblé les voix pour ajouter par la suite les instruments : un quatuor de cordes, une contrebasse, un piano, un accordéon et des percussions anecdotiques qui confèrent une  très savoureuse fraîcheur à l’ensemble. Cinq jours d’enregistrement à la poursuite du beau et du plaisir de l’Art ont rassemblé des jeunes de toutes origines. L’harmonie, incontestablement, est le maître mot. Le raffinement veut que s’ajoutent aux chœurs d’enfants, les très belles voix de 4 MM Soloists, des jeunes talents, triés sur le volet.  En effet, après au minimum une année passée au sein de l’Académie des chœurs, les jeunes qui démontrent un réel potentiel de soliste sont invités à devenir MM Soloists. Il s’agit des ténors Pierre Derhet et Maxime Melnik et des sopranes Margaux de Valensart et Virginie Léonard.    

Depuis leur création, les Chœurs ont donné de nombreux concerts, non seulement en Belgique mais aussi à l’étranger. Ils doivent également assurer les productions d’opéra et de concerts du Théâtre Royal de la Monnaie requérant des voix d’enfants.

En plus du travail de la technique vocale et de la lecture, ils y ont l’occasion de travailler d’autres domaines étroitement liés au chant tels que la respiration, la posture, le mouvement et l’appréhension de l’espace. Actuellement, environ 20 % de ces jeunes se dirigent ensuite vers des études artistiques supérieures et éventuellement une carrière professionnelle.

 On ne peut que conseiller de mettre l’esprit de Noël réinventé sous les sapins avec ce très précieux disque  qui sera aussi disponible à la vente après les concerts donnés  le 18 décembre dans la grande salle de  la Monnaie lors du Concert de Noël des Chœurs d’Enfants et de Jeunes et à à l’Aula Magna à Louvain-la-Neuve  le 12 décembre et le 19 décembre à l’Église Saint-François à Waterloo.

Dominique-Hélène Lemaire  Pour le réseau Arts et Lettres

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administrateur théâtres

Une grande messe à Bozar

SPECTACLES

De la musique sacrée à Bozar

Le  dimanche 14 novembre 2021 à 15h00 au palais des Beaux-Arts de Bruxelles avait lieu un concert magnifique dans la salle Henry Le Boeuf   avec l’orchestre  national de Belgique sous la direction du chef d’orchestre estonien Mihhail Gertset le  Chœur de Chambre de Namur sous la direction de Riccardo Minasi. Certes, les  meilleurs ingrédients  étaient  réunis :  un public  nombreux enfin de retour dans les fauteuils cramoisis de notre salle mythique, la conduite architecturale du chef estonien, l’enthousiasme des choristes pourtant masqués, le talent des quatre solistes, et la passion de l’écoute en live!  

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Au programme :  La messe en ut mineur K427, dite grande messe,  un chef-d’œuvre inachevé de Wolfgang Amadeus Mozart  écrite entre 1782 et 1783 pour propulser sur la scène musicale  sa nouvelle épouse adorée, Constance Weber, sœur de son ancienne bien-aimée, Aloysia. C’est dire si contrairement  au thème de  la mort, c’est le feu de l’amour qui inspira le compositeur. Seuls les Kyrie, Gloria et Benedictus étaient complets. De l’Agnus Dei et de la seconde moitié du Credo, il n’y a aucune trace. On reconnaît en outre  dans cette messe des allusions  à  la  récente  découverte par Mozart  de l’œuvre de Johann Sebastian Bach  et de  celle de Georg Friedrich Händel,  en particulier l’Hallelujah  dans le Messiah. Une musique de la joie et de la  ferveur heureuse.

Tout de suite, dans le Kyrie le chœur a su produire des ascensions lumineuses de confiance tandis que  naissent ensuite  des profondeurs des Christe Eleison poignants. C’est Jodie Devos qui ouvre avec émotion Le Gloria avec le Laudamus te. L’ensemble  est explosif pour se terminer en caresse apaisante. L’acte de foi rejoint l’émotion profonde avec les vocalises et le timbre joyeux de la soprano belge  tandis que l’orchestre se plaît à broder le bonheur musical. Mais bien sûr le drame est aussi présent, sombre, avec des violons dramatiques, un tempo de marche funèbre, le miserere nobis est fait de larmes, les cordes scandent le  triste vécu du calvaire. Le suscipe deprecationem nostram lumineux des sopranes  est constitué de vagues répétées de supplications  exaltantes tandis que le  miserere nobis flotte comme un radeau de solitude  à la dérive sur les flots des bois et des violons.

 Cela se  palpe au silence ému de la salle : les deux sopranos Jodie Devos et Olivia Vermeulen, mezzo-soprano recueillent une admiration sans conteste de la part du public. Les interventions du ténor écossais Thomas Walker  et surtout  de la basse (Le baryton norvégien Johannes Weisser)  semblent  réduites à la portion congrue, comme si  Mozart avait  délibérément amplifié les rôle des femmes. La voix en rondeur et en vibrato élégant   de Jodie Devos se marie avec bonheur avec celle très affirmée et chaleureuse  et bien colorée d 'Olivia Vermeulen….  Dans le Quoniam tu solus  la première intervention du ténor fait preuve  de beaucoup de vaillance face à ces deux femmes qui ont eu tout le loisir de chauffer leur voix.

Lorsque le chœur achève le Gloria avec le cum sancto spiritu, le plaisir choral inonde la salle comme si de partout jaillissaient des traits de lumière. Les cuivres tressent la venue d’un Amen florissant.  Dans le Credo Le Deum verum de Deo vero est majestueux. Mais sans doute le moment le plus poignant, c’est après le sourire échangé entre Jodie et le chef d’orchestre lorsqu’elle est sur le point de dévoiler avec douceur infinie son solo bouleversant de  l’incarnatus est, comme un moment d’ amitié  exquise et privilégiée avec Dieu. C’est qu’elle offre  à  un public conquis un moment d’ extase personnifié. L’orchestre s’est tu, comme on le fait dans les églises lorsque l’on entend les paroles sacrées  homo factus est,  la soliste est portée par  le très beau  trio instrumental de  flûte, hautbois et basson. C’est le retour des cors dans le Sanctus comme une armée humaine en marche qui ouvre le chemin de la majesté  étincelante de l’hosanna in excelsis final.

Et enfin,  tutti : le chœur et les quatre solistes célèbrent l’heureux homme qui vient au nom du Seigneur dans le  Benedictus, un moment de gloire pour le baryton Johannes Weisser.  

Dimanche 14 novembre 2012 at Bozar https://www.bozar.be/fr/musique-classique

Wolfgang Amadeus Mozart 1756-1791 – Grosse Messe in c-moll 

Belgian National Orchestra Chœur de Chambre de Namur

Riccardo Minasi, direction

Jodie Devos, soprano

Olivia Vermeulen, mezzo-soprano 

Thomas Walker, ténor

Johannes Weisser, baryton

✓ Kyrie

 Gloria

✓ Credo

✓ Sanctus ✓ Benedictus

 durée : ± 1h30

Dominique-Hélène Lemaire pour Arts et Lettres 

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administrateur littératures

De la bonne humeur, même du bonheur, une attention soutenue, des échanges aussi sincères que spontanés, beaucoup de sensibilité et d'émotion à l'évocation de souvenirs et autres anecdotes, c'est ce qui caractérise principalement les Rencontres Littéraires de Bruxelles qui se déroulent à l'Espace Art Gallery, 83 rue de Laeken, 1000 Bruxelles, à un bon jet de pierres de la place de Brouckère, celles-ci nous revenant prochainement plus légères dans la clarté du jour et non plus à l'aube du crépuscule...en espérant que ce (maudit virus) s'éloigne enfin de nous.

Le 21 novembre, un dimanche, une nouvelle formule de rencontres sera inaugurée toujours dans cette lumineuse galerie d'Arts qui se prête également aux Lettres, les Rencontres se déroulant entourées de tableaux de peintres et autres artistes mis en valeur durant plusieurs semaines.

A raison d'une tous les deux mois excepté en juillet et en août, ces Rencontres vitrine de nos Lettres se vivront désormais le troisième dimanche du mois de 15h30 à 18h00 environ, mettant à l'honneur chaque fois deux écrivains, leurs parcours respectifs et un (ou deux) de leurs ouvrages qu'ils présenteront  au public. Plus de thématique particulière, l'entrée libre et bienvenue à tous, jeunes et moins jeunes, intéressés ou simplement curieux de rencontres avec le meilleur de notre littérature.

Un accueil garanti convivial dès 15h30 précédera la Rencontre en elle-même qui ne dépassera point la durée d'une heure; suivront quelques annonces liées à la galerie, la séance de signatures et un drink ouvert à tous. Contacts et synergie. Ces rencontres ne seront donc pas que littéraires.

L'équipe sur le pont et à l'origine de cette heureuse initiative? Nous avons tout d'abord Robert Paul, son initiateur également fondateur du prestigieux réseau Arts et Lettres, ensuite Jerry Delfosse, coordinateur et directeur de l'Espace Art Gallery, puis Anita De Meyer, photographe professionnelle en charge de la médiatisation de l'événement, enfin Thierry-Marie Delaunois, chroniqueur des Rencontres également en charge de la gestion de l'événement. Ces personnes, chacune avec ses spécificités, se sont unies pour vous concocter une après-midi dominicale aussi inspirée qu'inspirante. Un peu de temps devant vous le 21 novembre prochain puis le 16 janvier 2022 même heure bien sûr? A vos agendas pour bloquer les dates!

Les auteurs (ou autrices) invités le 21 novembre: Jacqueline Gilbert et Martine Rouhart

Le déroulement en clair?

 - Accueil et petit quart d'heure académique

 - Présentation avec lecture publique (1h-1h10)

 - Annonces de la Galerie par Jerry Delfosse

 - Séance de signatures et drink des amitiés littéraires

A bientôt et merci de votre attention!

Thierry-Marie Delaunois

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             L’ŒUVRE DE JACQUELINE GILBERT : ENTRE MOTS ET COULEURS

Du 09 – 09 au 27 – 09 – 15, l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles) a le plaisir de vous présenter une exposition consacrée à l’œuvre de Madame JACQUELINE GILBERT, peintre et poétesse belge, intitulée LA COULEUR DES MOTS.

Que ce soit dans le grand ou le petit format, la signature de JACQUELINE GILBERT se reconnaît dans le dénominateur commun du traitement de la couleur, pensée comme une matière destinée à remplir la totalité de l’espace pictural, comme si ce dernier était la page blanche de sa vie.

Les œuvres de grand format se définissent par des touches de couleurs parfois construites comme une sorte de « micro géométrie » subtile, constituée de figures cubiques, à peine perceptibles par le regard. 

Sa peinture, évoluant au sein d’un vocabulaire abstrait, trouve son langage propre dans une dichotomie entre couleurs vives et couleurs tendres, parfois associées ou drastiquement séparées, en relation avec ses états d’âme.

Dans les œuvres « vives », tout contribue à l’éclosion de la luminescence par la couleur, culminant vers une explosion des sens : rouge vif, noir extrêmement intense, jaune soleil. (LA FUREUR DE VIVRE – 80 x 80 cm – huile sur toile).

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Les œuvres « tendres », elles, accentuent une atmosphère de calme, voire de méditation : le bleu, le vert, le jaune et le blanc, excellemment agencés, exhalent une harmonie plastique et psychique. (ALLEGRO – 70 x 100 cm – huile sur toile).

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Une troisième « phase » s’ajoute à la palette de l’artiste dans laquelle les couleurs tendres et vives, sans dominante majeure particulière, se retrouvent mariées sur des toiles de grand format (PLAISIR D’AUTOMNE – 80 x 80 cm – huile sur toile).

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Les œuvres de petit format, tout aussi abstraites, semblent parfois vouloir s’aventurer dans un monde duquel transparaît la forme. Par « forme », il faut comprendre des « silhouettes » invitant le visiteur à les interpréter par le biais de son imaginaire (FANDANGO – 30 x 30 cm

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et FLAMENCO – 30 x 30 cm – huiles sur toile).

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Ces œuvres se définissent par un chromatisme vif à dominante rouge.

En quoi les couleurs se marient-elles avec les mots ? Dans les titres que l’on donne aux œuvres ? Dans l’onirisme qui se distille dans le regard ?

Les mots sont des images. Mais ici, l’on parle de couleurs des mots. Par conséquent, de ce qui donne de l’âme aux images, en leur conférant un soleil, une dynamique. Les titres viennent appuyer les œuvres dans l’émotion qu’elles soulèvent.

Examinons attentivement une suite de trois tableaux dans le rapport qu’ils entretiennent avec les mots-couleurs dans leur symbolique.

LA FUREUR DE VIVRE (mentionné plus haut) est composé de couleurs incandescentes, telles que le rouge vif, le jaune soleil, le noir (alternant sur les côtés, soulignant la puissance des passions dans une rage vitale). L’œuvre est atténuée, en son centre, par une trouée claire, mise en relief par un blanc mélangé de rouge dilué, au point de virer au rose, apparaissant  au sein de cette « fureur » comme une bouffée d’air frais. Il s’agit d’une œuvre de vie conçue avec des couleurs de vie.

A côté de ce tableau, figure LES COLERES DU JOUR (80 x 80 cm - huile sur toileà

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dans lequel l’artiste fait s’entrechoquer des éclairs de rouge vif, de bleu le plus agressif, de blanc parsemé ça et là, au gré des humeurs et de noir le plus lugubre, particulièrement sur la partie haute, à gauche de la toile. L’on sent l’écho d’une tempête intérieure sauvagement exprimée. Chromatiquement, les notes rouges n’ont pas la même intensité entre les deux œuvres.  Ce tableau nous offre un rouge brutal, sans concessions. Tandis que LA FUREUR DE VIVRE nous donne un rouge tout en dégradés, lequel ne perd rien de sa consistance volcanique. Il s’agit de couleurs qui expriment la vie à la manière symbolique d’un Van Gogh.

Contrairement aux autres œuvres, PLAISIR D’AUTOMNE (mentionné plus haut) marie des couleurs extrêmement soignées dans leur déploiement sur la surface de la toile. Des traits appliqués à la spatule accentuent l’alignement des couleurs épousant une forme pouvant rappeler la végétation automnale.

Le chromatisme, tout en associant des notes tendres et vives, dégage une atmosphère de tranquillité, à l’instar d’une pensée tranquillement énoncée.

ALLEGRO (mentionné plus haut), nous parle de la joie, en nous offrant un univers calme à dominante bleue, au centre duquel des soupçons de jaune agrémentent, sans fards, une véritable joie de vivre.

Au regard de son œuvre, il est pertinent de se demander si, en dernière analyse, l’étendue de toute cette couleur sur la toile ne cache pas quelque velléité d’ « expressionnisme ». Non pas de l’expressionnisme « abstrait » comme le conçoit l’Histoire de l’Art mais bien une forme d‘expression hybride alliant peinture et poésie pour atteindre son but créateur. 

JACQUELINE GILBERT étant également poétesse, en quoi ses mots se retrouvent-ils dans ses couleurs ?

Déjà une réponse nous est donnée dans sa démarche : « La couleur des mots se nuance de nos pensées….passe de l’éclat au tendre, et s’envole en fumée ! ».

Concernant la note bleue, l’artiste l’associe à la matérialité du corps avec les arcanes de la psyché : « Bleus de la chair et bleus de l’âme chamboulée par ce qui désarme ! (…) Bleu des artistes, du vif au tendre dont nos yeux ne peuvent que s’éprendre. »

Le noir est défini ainsi : « Noir, comme pagaille d’idées bousillant notre vie Blanc, comme la page où s’écrit notre vie (…) Noir et blanc s’opposent et nous posent question ! »

Et que dire de la définition que l’artiste donne de la nature des couleurs ? « Alors, pinceau peut frissonner envoyer l’œil vers les mirages – De nos désirs inavoués…pourront comprendre le langage ! »

L’artiste, autodidacte, peint depuis quinze ans. Dès l’âge de seize ans, elle rencontre l’œuvre du Caravage qui la fascine au plus haut point. Depuis lors, son « Académie » a été l’Histoire de l’Art. Son credo est celui de réaliser quelque chose de fort.

Absorbée par cette idée, elle travaille très vite, à tel point qu’elle ne cadre jamais ses tableaux, considérant que le cadre « emprisonne », en quelque sorte, sa peinture. L’image se poursuit sur les bords.

Un dénominateur commun entre la peinture et les mots se retrouve dans sa philosophie de l’acte créateur.

Dès qu’elle s’aperçoit que ce qu’elle pose sur la toile ne cadre pas avec ce qu’elle veut réaliser, sans la moindre hésitation, elle l’efface, soit pour la recommencer le lendemain, soit pour la traiter non plus par la peinture mais bien par le biais de la poésie : « Au bout de la pensée où pointe la rupture – que s’éclaire la portée vient le temps des ratures…Retrouver page blanche – aux détours d’un chemin et puis laisser la chance danser dans le matin ! »

La technique par laquelle l’artiste s’exprime est l’huile. Elle se sert également de la spatule et n’hésite pas à étaler la couleur avec ses doigts pour concevoir le fond de l’arrière-plan.

L’œuvre de JACQUELINE GILBERT est une toile de mots, une page blanche remplie de couleurs humaines laquelle, comme la mer éternelle chantée par Paul Valéry, est  toujours renouvelée. 

N.B. : Les extraits de poèmes de Jacqueline Gilbert proviennent de son intitulé, à l’instar de l’exposition qui lui est consacrée, LA COULEUR DES MOTS, (LA COULEUR DES MOTS – UN MONDE EN BLEUS – NOIR ET BLANC – COULEURS – AU BOUT DE LA PENSEE) – Editions Baudelaire (2015).

 

François L. Speranza.

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Une publication
Arts
 
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Lettres

N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.

Robert Paul, éditeur responsable

 

A voir: 

Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza

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François Speranza et Jacqueline Gilbert: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles 

(9 septembre 2015  -  Photo Robert Paul)

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Exposition Jacqueline Gilbert (Photo Espace Art Gallery)              

  

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                     SWERTS : L’EAU ENTRE L’ABSTRAIT ET LA MATIERE
L’ESPACE ART GALLERY (35, Rue Lesbroussart, 1050 Bruxelles), termine l’année présente par une exposition (qui se termine le 22 - 12 -13) intitulée AU FIL DE…L’EAU, consacrée à Madame  SWERTS, une peintre Belge fascinée par les reflets multiples à la surface de l’eau.

L’eau a toujours fasciné par sa symbolique (ou pour mieux dire, ses symboliques) car, à y regarder de près, elle est à l’intersection entre la vie et la mort (l’on s’y baigne, s’y baptise mais l’on s’y noie aussi). Il existe, par contre, un univers sur lequel elle règne en maîtresse, c’est celui de l’intemporel. L’eau existe et a toujours existé tout en étant constamment différente dans la consistance de son élément : « on ne se baigne jamais dans la même eau de la rivière » (Héraclite – Panta Rei), « la mer, éternelle et toujours renouvelée » (Paul Valéry – Le Cimetière Marin). 

A la question « quelle symbolique voyez-vous dans l’eau ? », TINE SWERTS répond sans la moindre hésitation : « le mouvement insaisissable, le changement, la vie sans fin ». L’artiste obéit à une idée, une impression. Son geste débutant sur la toile ignore sa finalité, « comme si la peinture commence à se peindre d’elle-même ».

Son travail est axé à la fois sur la transparence (l’eau) et sur la forme (la plastique de cette eau). A la question : « qu’est-ce que la forme ? », elle avoue qu’au début, ce concept reprenait les termes dictés par l’académie (la conception classique), c'est-à-dire, la chose visible mais qu’au fur et à mesure, ce même concept s’est transformé en une interprétation personnelle qui couvre toutes les dimensions offertes par la perception. On peut l’interpréter dans tous les sens car il y a avant tout cette antithèse fascinante qu’est la matière de l’eau. Et cette antithèse nous conduit vers l’abstrait. La forme devient une interprétation de la nuance dans une tentative de transposition du mouvement sur la toile. La captation de ce mouvement s’exprime dans toutes les toiles exposées, en particulier dans ANNEVOIE I (11O x 170 cm – huile sur toile)

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au cours de laquelle elle se réalise à la fois par la lumière irradiant le centre de la toile, ainsi que par toute une série de segments, occupant les deux extrémités de l’espace pictural, créant des ondulations travaillées au pinceau et au couteau, pour restituer l’énergie du flux.

De même avec VENISE (120 x 95 cm – huile sur toile),

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la dynamique est restituée par les zones noire, verte et blanche, soulignant la matérialité des vagues issues du reflux créée par le vaporetto fendant l’eau.

IMPRESSION D’ISLANDE (56 x 59 cm – huile sur toile)

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s’appuie sur l’utilisation de notes blanches répétées, recouvrant la presque totalité de la toile. Elle demeure volontairement dans la transparence pour célébrer le mystère de l’eau.

L’artiste, dilettante à un moment de sa vie, a fini par fréquenter sérieusement l’académie. Elle peint depuis l’An 2000. Et cette entrée en création est selon ses propres termes « la réalisation d’un rêve ».

Lorsqu’elle commence une œuvre, elle travaille au couteau pour établir une couche de base (le gris pour ANNEVOIE I), concentrée en huile miscible pour obtenir les effets changeants de l’eau. Elle laisse ensuite sécher cette première couche pour se rendre compte du résultat puis elle en ajoute d’autres. Elle commence par aborder la note transparente pour l’amplifier par d’autres éléments. Des variations chromatiques peaufinent le travail final.

Le visiteur remarquera sans peine que sa couleur préférée est le vert. Cette tonalité recouvre la majeure partie de son œuvre exposée. Le vert est, à l’instar du noir,  une couleur excellente pour souligner l’eau capturée au moment où elle se cabre ou se déploie. Elle devient à la fois figée et élastique. Mais surtout, elle devient solide tout en conservant sa fluidité liquide qui finit par la rendre abstraite.

 SWERTS relève un terrible défi : figer l’eau dans le récipient du regard !  Marcher sur l’eau participe de l’exploit…christique mais la peindre relève de la folie de l’instant créateur. Un instant isolé dans le gouffre pulsionnel de l’Etre vivant.

 

François L. Speranza.

 

 

Une publication
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Lettres

 

N.-B.: 

Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement.

 

J'ai désigné Albertine (Tine) Swerts, peintre comme l'invitée télévision d'arts et lettres de février 2014

R. P.

 

Albertine Swerts: un document initié par arts et lettres et réalisé par Actu-TV

 

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François Speranza et Tine Swerts (Photo: Robert Paul)

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administrateur théâtres

SPECTACLES

Au Centre Culturel d’Auderghem: « J’ai envie de toi »

Mettez un masque… celui du rire !

Avec ses 2 nominations aux Molières 2020, dont celui de la Meilleure comédienne et de la Meilleure comédie pour un spectacle de théâtre privé, « J’ai envie de toi »  écrit et interprété de façon touchante par  Sébastien Castro est unauthentique diffuseur de rires ininterrompus qui fusent parmi  les parfums si  baroques de notre société 2021.

 Le pot-pourri se compose d’une  vielle mère à garder – on parlait des « croulants » à notre époque non ?  …D’une querelle immobilière bourgeoise, vieille de 50 ans, à propos de  la mainmise d’un voisin  sur  quelques   mètres carrés de placard entre deux apparts,  et surtout de jeunes trentenaires immatures, plutôt déboussolés, en mal d’amour et de bons coups, coiffés d’incontournables  quiproquos enracinés dans leurs téléphones portables.

Ça claque de partout, ça virevolte, ça délire ferme, d’un bout à l’autre  du burlesque. Ainsi l’ habitué des belles comédies de boulevard d’antan retrouve dans cette pièce saugrenue et  bouillonnante de vie,  tous les codes du genre . Ils sont balayés, il faut dire,  par les vents incertains  de notre époque surréaliste : les rencontres amoureuses sur Internet, l’omniprésence des téléphones portables, le «papy-mamy sitting», la sexualité décontractée, les différences sociales et culturelles…

Peut être une image de une personne ou plus, livre et texte

De fait, Youssouf, sans emploi, garde ponctuellement des personnes âgées chez lui dans un  apparemment totalement ringard. Ah la table et les chaises de formica ! 1958 ?   Ce soir, le temps d’un dîner d’anniversaire avec sa meilleure amie,  la pulpeuse Sabine lui dépose sa mère  (on ne dit plus Madame votre mère)  Madame Brachet donc,  80 ans, décatie en chaise roulante qui ne peut  plus communiquer que par sonnette interposée. Guillaume (Guillaume Clérice) qui  vient d’emménager dans l’appartement contigu, voit soudain Youssouf  débarquer  chez lui….par le placard qu’il a cisaillée comme une porte dans  l’œuvre de  Magritte. Ciel mon voisin !  Agacé par les insistances  de sa  copine Christelle, il s’est inscrit sur un site de rencontre et  s’apprête à recevoir une nommée Julie dont il n’a pas même la photo.  Sauf que … le message embarrassant « J’ai envie de toi » – c’est dit sans fard – est parti du téléphone mobile vers son ex. Paniqué par sa possible intrusion, il veut faite genre Ah ! l’incruste, je suis pas là ! Courageux, le mec !

Les thèmes sexuels passent par toutes les couleurs, le style vestimentaire …et textuel est résolument jeune et elliptique, sauf pour Sabine (Maud Le Génédal)  qui se la joue 100% années 60. Va-t-elle se décoincer ce soir pour son anniversaire ? Anne-Sophie Germanaz interprète l’ex Christelle qui saute sur tout ce qui bouge et joue les indécollables. Astrid Roos incarne cette Julie  qui se veut femme fatale et  a  horreur de qui  lui résiste. Alexandre Jérôme joue alors  un pachyderme colérique et jaloux qui  fait soudain irruption dans un magasin de porcelaine. Les mots lui manquent, il est  incapable de finir ses phrases, la risée de tous.    Probablement aussi sans avenir, il  sera  le futur ex de l’ex de Guillaume. Vous suivez toujours ?  C’est lui qui  illustre  le mieux le comique de situation du vaudeville classique. Du théâtre d’agrément, à la louche certes, mais franchement irrésistible. La mise en scène au cordeau est signée José Paul, nommé huit fois aux Molières, soit comme metteur en scène, soit comme comédien.  Elle est servie par six fougueux comédiens.

Spectacle dans le cadre de la série Paris-Théâtre*, une production du Centre culturel d’Auderghem.

Voir toute la saison : https://www.ccauderghem.be/la-saison/

De Sébastien Castro
Mise en scène : José Paul
Avec Sébastien Castro, Maud Le Guénédal, Guillaume Clérice, Anne-Sophie Germanaz, Astrid Roos, Alexandre Jérôme
Décors : Jean-Michel Adam
Costumes : Juliette Chanaud
Lumières : Laurent Béal
Musiques : Virgile Filaire

*Paris-Théâtre est une formule d’abonnement au théâtre français.
6 représentations, du mardi au samedi à 20h30 et le dimanche à 15h, 7 rendez-vous mensuels fixés pour une saison, d’octobre à avril !

Dominique-Hélène Lemaire, pour Arts et Lettres

Et si vous l’avez raté, rendez-vous à Huy! Le 09 novembre 20h30

Bientôt au Centre culturel de Huy : https://centrecultureldehuy.be/agenda/jai-envie-de-toi-sebastien-castro/ 

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administrateur théâtres

Centenaire de Camille Saint-Saens à L'Aula Magna

SPECTACLES

A l’ombre de Saint-Saens

10/10. Au lendemain de l’anniversaire de la  naissance de Camille Saint Saens,  c’était rien moins que l’âme de  Camille qui  voletait ce soir du 10 octobre  2021 dans l’Aula Magna,  lors d’une splendide  fantaisie musicale et poétique  présentée  par l’Atelier Jean Vilar  et le Festival Musiq3 Brabant Wallon.  C’était  la dernière étape de la tournée  du  magnifique spectacle au programme des festivals de Wallonie :

« L’OMBRE DE SAINT-SAENS » 


  Le formidable Camille Saint Saens  a rendu son dernier souffle et ne veut pas quitter la vie intense et libre qu’il  a menée.  L’octogénaire  se rhabille une dernière fois et son âme,  ivre de musique et de désir, virevolte devant nos yeux  nous dévoilant ses derniers feux et ses dernières ardeurs.

  Le compositeur est ressuscité dans une  une mise en scène  simple et pleine d’adresse.  Elle est signée Sylvie Wilson et convie sur le plateau  poésie, rêve et créativité. Avec un lustre, deux cadres de peinture de grands maîtres et un fauteuil de cuir, le tour est joué.  Nous suivons avec curiosité toute  une grammaire de théâtre   d’ombres  qui dévoile les  passages secrets entre  présent et passé. Mais  en premier lieu, question de nous replonger dans la magie de l’enfance, ce sont les ombres  chinoises  faites main Philippe Beau qui nous invitent au voyage imaginaire.

Traquant  les moindres frissons de son âme  si   bavarde, le compositeur   attrape enfin une tache de soleil sur l’écran, et  tout revit  soudainement en dizaines d’éclats lumineux. Il  danse et embrasse ses émotions,   déroulant devant nos yeux  tout  l’invisible de  sa vie passionnée. La grande salle est  plongée dans un silence respectueux et parfait.  Mais son alarme de la mort est  si glaçante  qu’elle prend à la gorge :   où est le soleil ? où sont les fleurs ? C’est la fin, le froid et l’implacable solitude. On veut essuyer les pleurs de l’homme qui nous quitte.  L’artiste qui interprète ce rôle prodigieux est Thierry Hellin. Textes de Sylvain Coher.   

  On a tous aussi  bien sûr la magie de la musique avec dans  l’oreille au moins l’un de ses  nombreux « tubes » : le célèbre Carnaval des animaux, la Danse macabre, la Troisième symphonie avec orgue, ou la Bacchanale de Samson et Dalila, et c’est  le magnifique ensemble Kheops qui peu à peu, traverse les miroirs du temps,   se révèle à nos yeux et dialogue avec le compositeur. Une merveille. De même que les costumes (Caroline Sanvoisin),  dignes de grands maîtres de la peinture qui  habillent  Marie Hallynck au violoncelle, Ayako Tanaka au violon , les deux partenaires du célèbre  Muhiddin Dürüoglu,  maitre des arrangements musicaux au piano.

Compositeur le plus joué de son vivant, Camille Saint-Saëns a composé près de 600 œuvres, il s’est illustré dans tous les genres musicaux, il est l’auteur de 13 ouvrages pour la scène lyrique dans l’ombre de Samson et Dalila, mais il a composé la première musique de film de l’histoire du cinéma.   Il a été le témoin des créations de Faust, de Carmen, de Louise, de Pelléas et Mélisande et du Sacre du Printemps,  il  a  rencontré Berlioz et Rossini, il  a survécu à  Debussy, il est là quand  Ravel ou Stravinsky arrivent sur le devant de la scène. Il est l’un des plus grands pianistes de son temps, un interprète à la virtuosité et à la mémoire inégalées dont chaque apparition sur scène est un événement. Il est aussi un organiste prodigieux – le meilleur du monde, selon Liszt. Durant près de 80 ans d’une carrière ininterrompue. Saint-Saëns  voyage de Buenos Aires au Caire donne des  milliers de concerts, dirige des orchestres, assiste aux répétitions de ses œuvres scéniques et ne cesse de composer. Il est partout, et donc on comprend sa sainte colère quand on ne semble retenir de lui  que Le carnaval des animaux. Juste fureur de celui à qui on enlève la fureur de vivre !

 Illustre  voyageur à l’esprit curieux et à l’oreille attentive, il se veut  passeur de culture entre sphère latine et germanique, entre Orient et Occident, entre musique du passé et de l’avenir . ll est libre … Max !  Et c’est le souffle de cette liberté qui enchante tout au long du spectacle.


Aucune description de photo disponible.

Dominique-Hélène Lemaire

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ADMINISTRATEUR GENERAL

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Chères amies et amis de la galerie,

Espace Art Gallery a le plaisir de vous présenter son dernier reportage photos de son vernissage d’octobre 2021.

Lien vers le reportage photos du vernissage du 07/10/2021 :

https://www.espaceartgallery.eu/la-galerie-a-le-plaisir-de-vous-presenter-son-reportage-photos-lors-de-son-vernissage-du-07-octobre-2021/

Lien vers l’exposition d’octobre et mon agenda culturel :

https://www.espaceartgallery.eu/espace-art-gallery-vous-presente-son-prochain-vernissage-du-07-10-21-et-son-agenda-culturel/

Vernissage le jeudi 07 octobre 2021 de 18h 30 à 21h 30.

Finissage les 30 & 31 octobre de 11h 30 à 18h 30.

Les artistes présents lors de cet événement sont :

Caroline DANOIS (peintures), Bénédicte NOTTEGHEM (peintures), Joël JABBOUR (photographies), Françoise BARON (sculptures), DIELLE (peintures) et « l’écurie » d'artistes de la galerie (peintures).

Il y a actuellement 118 vidéos en ligne sur ma chaîne YouTube « Espace Art Gallery ». À partager sans modération et n’oublie pas de donner des « j’aime » et commentaires sur celles que vous aimez ? Il y a actuellement +/- 25.000 vues sur l’ensemble des vidéos depuis fin juillet 2020 ! Et je compte sur vous TOUS pour faire augmenter ce nombre à l’avenir… Bon visionnage !

Pour visionner toutes les vidéos sur YouTube :

https://www.youtube.com/playlist?list=UUzA0FaoQB-FAHQR_UOUCigg

Jerry Delfosse

Galeriste

Fondateur et propriétaire de l’Espace Art Gallery,

EAG Studio’s  & Les Éditions d’Art EAG

Co-Fondateur et Président de

La Porte dorée ASBL

Rue de Laeken, 83 à 1000 Bruxelles

GSM: 00.32.497. 577.120

eag.gallery@gmail.com

https://www.espaceartgallery.eu/

https://artsrtlettres.ning.com/

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