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vertus (2)

12273101296?profile=originalIl s'agit d'un essai publié en 1949 par le philosophe et écrivain français Vladimir Jankélévitch (1903 - 1985). L'impératif inconditionnel, en tant qu'il est le commandement d' aimer l'Autre, se révèle à Jankélévitch comme la synthèse du Quod et du Quid, de la forme vide de matière et du contenu informe.

Faire son devoir est une vertu, et la manière est déjà une matière, à la fois la matière hypothétique et cette matérialité quoddative qu'on appellerait plutôt formelle: à la fois la forme de l'effectivité catégorique et cette forme générique des relations quiddatives qu'on dirait plutôt matérielle.

Au commencement de tout est le courage, vertu du commencement, de même que la fidélité est la vertu de la continuation et le sacrifice celle de la fin. Tendue entre les deux instants tranchants du sacrifice et du courage, l'un qui se dénoue, l'autre qui débute, la durable fidélité s'étale dans l'intervalle chronique et continu des crises. Fidèle jusqu'à la mort, qui est conclusion de tout, la vertu de continuation s'approche à un choix initial que le courage assume. Il faut du courage pour rester fidèle; ce qui veut dire qu'à toute minute, pour persister dans la continuation, la fidélité exige de petits recommencements de courage; parmi les caprices du changement, les tentations de l'oubli et de l'ingratitude, les épreuves de la souffrance, la fidélité est le courage continué ou la continuation du commencement.

Puis, selon Jankélévitch, vient la sincérité toujours belle, toujours exigible et absolument bonne: vertu majeure, elle ne dépend plus des classes moyennant lesquelles elle deviendrait vertueuse, mais au contraire c'est elle qui donne de la valeur à une conduite elle-même sans valeur. L'humanité et la modestie sont déjà contenues dans la sincérité, en tant que celle-ci est l'exacte et scrupuleuse connaissance par le mot de ses limites propres. Les théologiens s'accordent à dire que l'humilité est le fondement de toutes les vertus: fondement sans doute, mais Jankélévitch constate que son lieu naturel n'est pas le haut, mais un bas qui est haut. Si l' humilié est support ou base de toute excellence, la charité en doit être le couronnement. Dans cette sublime vertu, toutes les autres sont impliquées: c'est à elle que correspond le seul impératif inconditionnel, suffisant et catégorique, qui est l'impératif d' amour.

Au rebord extrême de la charité, avec le don de soi, nous retrouvons l'article suprême de la vie morale: le sacrifice. Dans une dernière partie consacrée à l' innocence, Jankélévitch commence par étudier son envers et ses formes négatives: la méchanceté. Il nous renvoie de l' éthique de la malveillance et de la psychologie du mauvais vouloir à la métaphysique du mal. L'heureuse innocence, elle, est le commencement et le dénouement de toute vie morale. Elle est la double pureté qui, en-deçà de l'intervalle soucieux, encadre notre vie de conscience. Bien qu'elle ne soit pas elle-même une vertu, elle représente la spontanéité de l'authenticité intentionnelle de toutes les vertus. En elle se dénude cette ipséité qui est le centre vers lequel convergent tous les rayons de toutes les vertus.

 

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Le porche du mystère de la deuxième vertu

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« Le porche », quatrième cahier de la XIIIe série des "Cahiers de la Quinzaine" de Charles Péguy (1873-1914), est paru en octobre 1911. Dans le projet de l'auteur, "Le porche" devait être le second d'une suite de mystères conçus comme un vaste développement de la première "Jeannne d'Arc" de 1897. Le lien du "Porche" avec le "Mystère de la charité de Jeanne d'Arc, publié l'année précédente, est en fait des plus ténus: l'oeuvre n'est plus centrée autour de la sainte et seul le personnage (commun aux deux poèmes) de Madame Gervaise rappelle le plan primitif. La forme même du drame est abandonnée: dès le début, par le truchement de Madame Gervaise, commence un monologue de Dieu, qui durera plus de deux cents pages!

La deuxième vertu, c'est l' espérance: "La foi que j'aime le mieux, dit Dieu, c'est l' espérance!" Et Péguy de nous décrire la petite Espérance, s'avançant entre ses deux grandes soeurs (la Foi et la Charité) qui la tiennent par la main; mais "les aveugles ne voient pas au contraire -Que c'est elle qui entraîne ses grandes soeurs!" L' Espérance en effet, c'est l' enfance: le bûcheron qui travaille dans la forêt, pense sans cesse à ses enfants, qui le remplaceront un jour, et l'homme rude s'émeut: la vision sensible des enfants se transforme alors en une évocation intérieure, le rêve, si souvent repris par Péguy, de sa propre enfance perdue et de l' enfance du monde (thème qui atteindra plus tard sa plénitude dans "Eve". Les plus belles paroles de Dieu, ce sont, plantées en notre coeur "comme un clou de tendresse", les trois Paraboles de l' Espérance: celle de la brebis perdue, celle de la drachme retrouvée, celle de l' enfant égaré. Et Péguy n'en finit point de s'exalter de la merveilleuse grandeur de la créature, à qui il est donné de couronner ou de décevoir l'attente divine. Dieu fait donc à l'homme une place d'honneur: et, parmi les hommes, il réserve la meilleure place aux hommes de France.
Le dogme de l' Espérance vient ainsi, assez curieusement, nourrir la constante préoccupation de Péguy depuis 1905: un naïf et admirable nationalisme mystique. Dieu, dit Péguy, préfère la "douce France", sa "plus noble création". Peuple de "bons jardiniers... de fins jardiniers, depuis quatorze siècles qu'ils suivent les leçons de mon Fils"; mais aussi et surtout, peuple de l' Espérance: car il faut bien, dit Dieu, "qu'il se soit fait quelque accointance entre ce peuple et cette petite Espérance". Il existe en effet une manière propre d' espérer, qui est la manière française, et que Péguy avait déjà définie dans le cahier intitulé "Louis de Gonzague": avoir l' espérance, répète-t-il ici, ce n'est point s'agiter, c'est connaître le danger tout en gardant la paix intérieure, se préparer à la mort et continuer les travaux et les jeux quotidiens, c'est, la nuit, savoir prendre son repos. C'est alors que Dieu entonne un magnifique hymne à la Nuit, devenu célèbre: "O Nuit, ô ma fille la Nuit, la plus religieuse de mes filles..., résidence de l' Espérance".
Sous la transposition poétique, on reconnaît aisément dans ce poème les thèmes essentiels de la mystique catholique. Péguy leur donne une note personnelle: son naïf orgueil s'exalte à la pensée que l'homme est capable de faire attendre Dieu, et d'autre part, on peut dire que cette oeuvre marque le point culminant du nationalisme mystique français, qui remonte aux origines de la monarchie. On admirera avec quelle aisance Péguy donne, sans les altérer, aux dogmes les plus complexes du christianisme la plus familière tournure: il fait, selon l'expression de Daniel Halévy, parler Dieu comme "un vieux patriarche assis devant sa ferme": ce Dieu en effet (c'est par là d'ailleurs que la religion de Péguy peut soulever des réserves dans les milieux de stricte orthodoxie) est par-dessus tout soucieux de la terre: il semble que la France, les paroisses françaises deviennent ici l'instrument par excellence du Saint-Esprit -bien plus que l'Eglise elle-même. Par son thème, "Le porche" est un "chef-d'oeuvre unique dans la littérature de tous les temps" (Romain Rolland).

 

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