Statistiques google analytics du réseau arts et lettres: 8 403 746 pages vues depuis Le 10 octobre 2009

peinture (239)

12273263870?profile=originalLes poissonniers
Vincenzo Campi
Musée de La Roche-sur-Yon

      On me dira que ce ne sont point-là de « grands peintres ». Point de mystères, de langage sophistiqué ou secret, de symboles qui nous sont parfois si difficiles à déchiffrer et qui, de là, nous transportent. Leur langue est verte, truculente voire triviale, leurs gestes un peu frustes. Mais c’est peut-être en cela qu’ils nous sont finalement si proches.
Grâce leur soit donc rendue, « Dieu aide toujours aux fous, aux amoureux et aux ivrognes. » (Marguerite de Navarre*, 1492-1549).
Cela ne manque ni de verve ni de sèvre et, de plus, c’est roboratif !


« Il n’est point tant de barques à Venise,

Ni de pardons à Rome un jour de fête,
Ni d’usuriers en toute la Lombardie,

Que vous avez de lunes en toute la tête. »
                                                                           Mellin de Saint-Gelais (1491-1558)


Et puis, parfois, « Le bon choix, de loin, c’est de préférer un peu de saveur à beaucoup d’insipidité. », Boccace (1313-1375). La cuisine italienne doit d’ailleurs beaucoup de son renom à deux maître-queux, Bartolomeo Scapi (ca 1500-1577) et Cristoforo di Messisbugo (ca 1490-1548), véritable MC, maître de cérémonies, banchetti i divertimenti.
Les peintres de la Renaissance développeront une autre rhétorique, inventio et dispositio, varietas et copia (abondance, ce qui ne saurait nuire).

12273264093?profile=original Mangeurs de fèves (détail)
Vincenzo Campi
Musée Calvet, Avignon
A table ! Faisons bombance !

      Je poursuis donc cette nouvelle série de billets sur les plaisirs de la table, la satire et le rire, citant des auteurs essentiellement François, je suis gaulois quoi qu’il en soit. Qu’il me soit donc permis ici de mettre mes pas dans ceux de maître François en illustrant Des pois au lard cum commento. De l’art et des mots.


12273265089?profile=original Grangousier à table
(gravure sur bois, 1542)
« L’appétit vient en mangeant… la soif s’en va en buvant. »,
                                                                                                                      Rabelais


Et ce en toute occasion.


« Ho ! mon petit fils, mon couillon, mon peton, que tu es joli !
Et tant je suis tenu à Dieu de ce qu’il m’a donné un si beau fils, tant joyeux, tant riant, tant joli. Ho, ho, ho, ho ! Que je suis aise ! Buvons.
Ho ! Laissons toute mélancolie ; apporte du meilleur, rince les verres, boute la nappe, chasse ces chiens, souffle ce feu, allume la chandelle, ferme cette porte, taille ces soupes, envoie ces pauvres, baille-leur ce qu’ils demandent, tiens ma robe que je me mette en pourpoint pour mieux festoyer les commères. »
                                                                              François Rabelais (1494 ?-1553)


12273265668?profile=originalLes poissonniers (Pescivendoli, détail)
Vincenzo Campi
Musée de La Roche-sur-Yon

      Voilà goûteux propos dans cette langue propre à vous guérir les goutteux. Pour peu que les mets soient accompagnés d’un frais clairet.

12273266277?profile=original Mangeurs de fèves
Vincenzo Campi
Musée Calvet, Avignon
« Verse en mon verre du vin
Pour étrangler la mémoire
De mes soucis après boire. »
                                                                                 Pierre de Ronsard (1524-1585)

12273267056?profile=originalLe mangeur de fèves
Annibal Carrache (1560-1609)
Ce grand peintre classique fut formé notamment par Bartolomeo Passerotti,
sujet de mon prochain article (photo captée sur le net).

      Comédie de masques, reflet d’une société démasquée, avec ses vieux libidineux, vecchi, son soudard furibard, le Capitan, ses amants galants, innamorati, la servante pétulante, servetta, les zanni, ces fripons factotons. Ces négatifs qui se développeront avec les personnages d’Arlequin, de Colombine, de Pantalon… multipliant les lazzis.

12273267279?profile=original Les poissonniers (détail)
Vincenzo Campi
Musée de La Roche-sur-Yon

Tentons ici quelques apparentements terribles avec :


12273267865?profile=originalLa pourvoyeuse de légumes (détail)
Joachim Beuckelaer (1533-1573)
(Musée des Beaux-Arts, Valenciennes)

12273267687?profile=original Le grand marché (détail)
Pieter Aertsen (Galerie nationale de Capodimonte, Naples)
Pieter Aertsen, que les Italiens appellent Pietro Longo (de son surnom Lange Pier dans sa langue maternelle), était l’oncle de Joachim Beuckelaer.

      Tout cela est propre et figuré, en mode mineur, à la fin du Cinquecento et au début du Seicento italiens (avec ce senso dell’umorismo, très baroque’n’roll-mops), et à la peinture de genre anversoise du XVIe siècle. Pourtant, au siècle suivant, même le raffiné Jordaens (1593-1678) n’hésitera pas à introduire une touche de vulgarité assumée dans certains de ses tableaux.


12273268469?profile=originalLe roi boit (détail)
… en attendant la galette. Bah ! le peuple trinque.
Jacob Jordaens (Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg)

De même pour le Français Carle Van Loo (1705-1765) dans…


12273268294?profile=originalL’ivresse de Silène (détail)
Silène, compagnon de Dionysos, et grand buveur devant l’éternel.
Carle Van Loo (musée des Beaux-Arts, Nancy)

Et le tendre Vermeer de Delft (1632-1675) parait lui aussi s’être souvenu de cette période.


12273268886?profile=original L’entremetteuse (détail)
Johannes Vermeer (Galerie de peinture, Dresde)

Fin de la 1ère partie.


Avant de reprendre quelques coquillages et crustacés, servis sur un plateau, les antipastis sont ici :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/frangipane-et-autres-menus-plaisirs-antipastis?xg_source=activity

Michel Lansardière (texte et photos, sauf mention contraire)

* Marguerite de Navarre (ou d’Angoulême, ou d’Alençon), reine de Navarre, sœur et conseillère de François 1er, grand-mère d’Henri IV, femme de lettres, protectrice de Rabelais et de Lefèvre D’Etaples, des humanistes en général, diplomate, elle sauva ainsi la mise aussi bien à Clément Marot qu’à son frère François fait prisonnier à Pavie. On lui doit notamment l’Heptaméron, le pendant, en français, du Décaméron de Boccace.

Lire la suite...

Frangipane et autres menus plaisirs (antipastis)

12273262485?profile=originalScène bachique (détail)
Niccolò Frangipane (Musée Saint-Léger, Soissons)

      Suivant l’exemple d’Enea Silvio Piccolomini (1405-1464), plus connu sous le nom de Pie II, pape et poète, je vais, provisoirement, « quitter Vénus pour Bacchus », formule qu’il prononça lorsqu’il entra dans les ordres, les prêtres étant réputés aimer le vin de messe.
       L’occasion m’en est offerte par une « petite » exposition, intitulée « La grande bouffe. Peintures comiques dans l’Italie de la Renaissance », qui a excité ma curiosité et suscité mon étonnement.
Petite, car elle ne comporte que neuf toiles. Et pas forcément ce qu’on appelle des chefs-d’œuvre, mais qui vous captent et intriguent.
Etonnante donc, car si l’on m’avait présenté une de ces œuvres, j’aurais juré, mais un peu tard, qu’il s’agissait d’un travail dû à un peintre du Nord, non de l’Italie, mais des Flandres. On m’y reprendra bien et je vous encourage à aller la découvrir au musée de l’abbaye Saint-Léger de Soissons. Elle s’anime grâce à deux ressorts narratifs, la bonne chère et le rire, ce dernier fort rare en peinture. Cette représentation se tient jusqu’au 11 mars 2018. Mes amis, la Belgique n’étant pas bien loin de l’Aisne, c’est une sortie que vous ne regretterez pas, d’autant que le musée attenant présente un département peinture fort intéressant (j’y reviendrai certainement) ainsi qu’une passionnante section réservée à l’archéologie, sans compter les lumineux bâtiments conventuels.
En attendant, j’entends les trois coups…
Entrée des artistes.
       Les peintres que je vais vous présenter, au premier rang desquels Niccolò Frangipane (ca 1545-1600), Vincenzo Campi (1536-1591) et Bartolomeo Passerotti, (1529-1592), nous viennent d’Italie du Nord, de Vénétie et de Lombardie plus précisément.
Mais, s’ils ont titré les leçons des maîtres italiens, Vinci, Giorgione, principalement (si j’en crois du moins les auteurs du catalogue, livret livré sans la moindre once de légèreté sur un sujet qui s’y prêtait), c’est chez les Flamands qu’ils ont, me semble-t-il, puisé l’essentiel de leur inspiration.
Bien sûr on trouve Breughel l’Ancien (1525-1569) au premier rang de ces inspirateurs (avec La noce villageoise, par exemple), ou ses contemporains et successeurs Pieter Balten (1527-1584), Gillis Mostaert (ca 1534-1598), sans oublier Breughel le Jeune (1564-1638). Mais c’est surtout chez les suiveurs de ces derniers qu’il faut chercher les plus confondantes analogies, notamment chez les peintres de genre et plus exactement encore chez les artistes de ce courant qu’on a parfois appelé le réalisme anversois. Sans omettre les italianisants Jan Massys (ca 1510-1575), Frans Floris de Vriendt (1519-1570) ou, plus maniériste, Carel van Mander (1548-1606).

12273262884?profile=originalScène bachique (détail)
Niccolò Frangipane (Musée Saint-Léger, Soissons)

12273263263?profile=originalL’enfant prodigue (détail)
Jan Van Hemessen (MRBA, Bruxelles)

      Je me permettrai donc quelques parallèles avec ce courant du XVIe siècle, mais aussi de petites incursions chez des maîtres du siècle suivant.

12273263288?profile=originalKermesse flamande (détail)
Gillis Mostaert le Vieux
Musée Saint-Léger, Soissons
Tel le laboureur pour ses enfants rêver ces Souhaits du monde de
« Vivre cent ans sans voir dominer guerre,
Et être en paix toujours dans ma maison
Mangeant mes pois auprès d’un gros tison. »,
                                                                                              Anonyme (XVIe siècle)


12273264068?profile=originalMangeurs de fèves (détail)
Vincenzo Campi
Musée Calvet, Avignon

      Du réalisme, oui, mais surtout beaucoup de fantaisie, de la bouffonnerie. Et un goût tout méridional pour la comédie. Comédie, comédie ! Commedia Dell’ Arte !
       On peut faire remonter le théâtre populaire aux farces et soties du Moyen-Âge. Farces souvent largement improvisées, où le public participait, comme en Italie, où la commedia all’improviso s’organisera, devenant la commedia dell’arte, et qui nous reviendra en France sous la forme de la « comédie italienne ».
       De même les échanges étaient fort nombreux entre les Flandres et l’Italie du Nord et s’il fallait chercher un peintre italien célèbre, fort atypique au demeurant et hors courants, c’est plutôt à Giuseppe Arcimboldo (ca 1527-1593), comme Léonard peintre et savant, musicien et grand organisateur de fêtes princières, que je penserais. Car, si je vois peu de rapport entre « La bataille de Carnaval et de Carême » (Breughel) et « L’Ecole d’Athènes » (Raphael), le rapprochement avec Arcimboldo me parait plus pertinent. Voilà qui est plus bouffe, n’est-il-pas ?

« Ce peintre* pétrit la pâte
Avec beaucoup d’habileté
Si j’en juge par le pâté
Il doit avoir la main légère
Quel doux repas nous allons faire ! »
12273264863?profile=originalLe cuisinier
Giuseppe Arcimboldo (Stockholm)
Tel que le tableau fût présenté à Ferdinand II de Habsbourg…
T’as voulu voir l’envers…
« Certes l’eau vient à la bouche
En regardant ce pâté-là !
Je vais le mettre dans un plat ! »


* J’ai remplacé ici le mot « pâtissier » par « peintre », que l’on me pardonne cette licence.


Le pâté et la tarte (« Farce nouvelle », anonyme, XVe siècle)
… puis, une fois retourné.

12273265461?profile=originalLe cuisinier 


C’est assez farce, non ?


       Je mêlerai donc ce réalisme de rhétorique macaronique, liant et émaillant le tout de quelques citations de nos auteurs du temps, essentiellement, et d’autres plus récents, à commencer par Michel de Montaigne (1533-1592), car…


« S’il est mauvais de vivre en nécessité,
au moins de vivre en nécessité il n’est aucune nécessité. »

Entrez ! Entrez ! Bonnes gens, le rideau est levé ! Que la fête commence…

12273265685?profile=originalScène bachique
Niccolò Frangipane
Musée Saint-Léger, Soissons
Ces joyeux drilles, « Prêchant la vendange », si on en croyait Mathurin Régnier (1573-1613), « assureraient en leur trogne qu’un jeune médecin vit moins qu’un vieil ivrogne. »


Ou ce pochetron de Ponchon, poète bachique qui atteint un âge canonique :


« Si j’étais roi de quelque endroit,
Tout mon peuple serait ivrogne,
Et je punirais sans vergogne
Tous ceux qui marcheraient trop droit. »
                                                                                      Raoul Ponchon (1848-1937)
« Quand je danse, je danse ; quand je dors, je dors. »
« Nature a maternellement observé cela… Et nous y convie,
non seulement par la raison, mais aussi par l’appétit. »
                                                                                              Montaigne (1533-1592)

Remarquez ce personnage au luth, dans le coin gauche du tableau, qui enjoint l’auditoire de se rallier au banquet. Il a tout d’un Brighella, musicien, fourbe et bouffon, ou des Scapin, Crispin, Mascarilla, tous ces valets enjôleurs et farceurs, ces suppôts de prétoire, ces zanni de comédie.


12273266489?profile=originalScapin (détail)

Impertinent !
Jacques Callot (musée des Beaux-Arts, Nancy)


       Oh, bien sûr, cette peinture est souvent maladroite, rustique, naïve, roturière, elle fait genre. Remarquez par exemple les bouches, avides, elles ne sont ornées que d’incisives dans des faces rubicondes ! On doit bien en compter cinquante ! Etonnez-vous après ça que j’aie l’âme canine. Ce qui ne nous empêchera pas de la dévorer à belles dents.
       L’esprit de Carnaval habite ces scènes, et Mardigras, « premier fondateur et original de toute race andouillique », en est le vice-roi. Les cérémonies sont ordonnées dans un joyeux désordre par Messer Gaster, l’Estomac, « premier maître ès arts de ce monde », avec pour seul précepte :


« Et tout pour la tripe » !


Ecoute ce que profère, écrit et signe Maître Alcofrybas Nasier, l’anagramme de Françoys Rabelais.
Mande donc « Que tout allât par écuelles » et…


« Pour récompense il fait ce bien au monde, qu’il lui invente tous les arts ]…[ Les corbeaux, les geais, les papegais, les étourneaux, il rend poètes ;
les pies il fait poétrides et leur apprend langage humain
proférer, parler, chanter.
Et tout pour la tripe. »

12273267064?profile=originalMangeurs de poulpes
Anonyme du premier quart du XVIIe siècle
(cercle de Frangipane, une copie peut-être, si on en juge par une facture plus rigide)
Musée de Tessé, Le Mans


« Corydon*, marche devant ;
Sache où le bon vin se vend.
Fais rafraîchir la bouteille,
Cherche une feuilleuse treille
Et des fleurs pour me coucher.
Ne m’achète point de chair,
Car, tant soit-elle friande,
L’été je hais la viande. »


* Nom d’un valet emprunté à Virgile
                                                                                 Pierre de Ronsard (1524-1585)


« Quand mon verre est vide
Je le plains.
Quand mon verre est plein
Je le vide. »
                                                                                                          Raoul Ponchon


Sa nature ayant horreur du vide. Dès lors, en compagnie, chantons…


« Laquais, qu’on me donne à boire.
Je veux m’enivrer aujourd’hui,
Je veux que ce vin ait la gloire
D’avoir étouffé mon ennui. »
                                                                Charles de Vion d’Alibray (ca 1590-1652)

Voilà pour les amuse-gueules et hors-d’œuvre, en attendant la suite, je vous convie à prendre un premier trou normand accompagné de quelques canapés.

                                                                       Michel Lansardière (texte et photos)

Lire la suite...

12273263476?profile=originalLe destin des crevettes
Charles De Wit

      Reprenons, et revenons à cette pitture ridicole, qui ne se pousse pas du col, pas de la peinture de cour, rien de divin, non. Juste une peinture de corps et d’esprit-de-vin. Une option viticole, élevant son cru plus ou moins au vitriol sans se la péter, qui fait la part belle à la gaudriole. Une satire du bourgeois, du nobliau, destinée au bourgeois, au hobereau, qu’affectionne le bourgeois. Peu importe que l’on raille et ferraille, tant qu’on se rallie et ripaille. Et pourvu que l’on parle de soi.
      Dans les anciens Pays-Bas, un sous-genre est apparu du côté d’Anvers au XVIe siècle, les bordeelijes, ou « scènes de débauche », prisées des amateurs de représentations légères réservées à leur cabinet privé.

12273263690?profile=originalLa tentation du désir charnel
Charles De Wit
Le Baron : Prêtez-moi une de vos nonnes pour passer la nuit.
L’abbesse : Monseigneur !...
Le Baron : Une maigre : c’est vendredi.
                                                                                            Victor Hugo (1802-1885)

      Au XVIIe siècle un courant proche vit le jour. Mais l’axe n’en était plus Anvers ou ses faubourgs, ni Venise ou Padoue, mais plutôt Utrecht et Rome. Ce mouvement s’est cristallisé autour de la figure du peintre Pieter van Laer (1599-1652), dit Il Bambocchio. Bamboche, le « pantin », la « poupée », était contrefait, aimait les excès, ressemblant de fait à Pulcinella, Polichinelle. Les artistes réunis, étaient pour la plupart Néerlandais comme les frères Jan et Andries Both, et Italiens, notamment Michelangelo Cerquozzi. Leur thème de prédilection était la représentation de scènes du quotidien tournant souvent autour de la table ou du jeu, les bambochades.


« Mais Rome d’aujourd’hui, séjour charmant et beau,
Où l’on suit un train plus nouveau.
Le plaisir est la seule affaire
Dont se piquent ses habitants.
Qui n’aurait que vingt ou trente ans,
Ce serait voyage à faire. »

                                                                                        Jean de La Fontaine, 1674


       Un groupe apparenté – Pieter van Laer, Bamboche, faisait partie des deux confréries – était les Bentvueghels, une sacrée « bande d’oiseaux », ou Schildersbent, une sacrée « bande de peintres » en rupture de ban avec les canons imposés par l’Accademia di San Luca, saint patron des peintres. Le capitaine de ces poètes disparus était Bacchus, leur rite d’initiation consistant essentiellement à écluser force canons. Après les libations, le nouvel adepte recevait un surnom de baptême évocateur, le Bouc, le Satyre… Ils étaient originaires du nord de la Belgique ou des Provinces-Unies, voire d’Allemagne. Un Cercle de Bourgogne en somme plus qu’une guilde de bonne conduite. Parmi eux on comptait deux descendants de Breughel l’Ancien, Abraham (1631-1697), dit le Rhingrave ou, plus tard, le Napolitain, et son cadet Jan Baptist (1647-1719), dit Méléagre, tous deux fils de Jan Breughel II le Jeune. Ou un certain Franciscus de Wit, dit Phébus... Tout se tient par la barbichette.

12273264486?profile=original Aert (ou Arent) de Gelder (1645-1727) ?
Le rieur
Musée d’art et d’histoire de Genève
L’homme et le pantin ou la vie comme une pantomime.
Tout rieur vit aux dépens de celui qu’il dépeint. Quoi que…
De Gelder, qui fut l’élève de Rembrandt, est connu pour son Autoportrait en Zeuxis.

Zeuxis (464-398 av. J.-C.), avec sa gueule de peintre grec et ses cheveux aux quatre vents, serait mort de rire en portraiturant une vieille femme, trop laide pour être fixée sur la toile. Nous ne conservons donc d’eux aucuns traits (sinon d’humour).

      A la fin du Seicento et au début du Settecento, quelques Italiens s’inscrivirent, peu ou prou là itou, dans cette veine, tels Giuseppe Maria Crespi (1665-1747), dit Lo Spagnolo de par sa mise, Alessandro Magnasco (1667-1749), Il Lissandrino, ou Giacomo Ceruti (1698-1767), le Pitocchetto.

12273264877?profile=originalGiacomo Ceruti
Garçon avec un panier de poissons (photo captée sur le net)

      Enfin, parmi les modernes on peut penser à James Ensor (1860-1949), lui qui « cherch(ait) refuge vers les masques, afin de ]se[ libérer de toutes les peurs, les gêneurs. » Et un de nos meilleurs peintres contemporains, bien connu de notre réseau, j’ai nommé Charles De Wit, a bien compris cette tradition, si vivace dans le Nord et en Belgique depuis Bosch et les Breughel jusqu’à Ensor justement, cette dérision, ce carnaval qu’est la vie. Il m’a autorisé à reproduire ici trois de ses toiles.

12273265094?profile=original Les poissonniers
Charles De Wit
Une peinture haute en couleur de scènes du quotidien, dans un style qui lui est propre, alliant modernité et tradition, aux tons souvent acides.
Homme d'esprit, ses toiles donnent à penser. Nous pousserons donc cette réflexion dans le billet consacré à Bartolomeo Passerotti.

12273265873?profile=originalLa boutique de marée (détail)
Frans Snyders (Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg)


Ainsi Anciens et Modernes se répondent et s’enrichissent. Leurs palettes se mélangent avec un peu d’imagination et de fantaisie, pour notre distraction.


« J’ay des couleurs blanches et vermeillettes ;
D’inventions j’ay plaines corbeillettes ;
J’ay ce que j’ay, j’ay plus qu’il ne me fault,
Si n’ay point peur d’avoir aucun deffault. »
« J’ai du pot-au-feu, une langue fine
Un peu de poitrine, un filet mignon
J’ai ma femme aussi mais elle me chagrine
Avec ses clins d’œil au garçon. »

                                                                       Jean Lemaire de Belges (1473-1525)
                                                          et André Raimbourg (dit Bourvil, 1917-1970)

Fin de cette seconde partie, pour vos commentaires merci…


« En riant je compose, en riant je veux lire,
Et voilà tout le fruit que je reçois d’écrire. »

                                                                                 Pierre de Ronsard (1524-1585)

12273266274?profile=original Quatre personnages riant avec un chat
Anonyme, ca 1545
Musée des Beaux-Arts, Angers
Une pochade, de la bouillie pour les chats ou presque, d’après Bartolomeo Veneto (ca 1470-1531). Ces Quatre personnages en quête d’hauteur sont néanmoins typiques du répertoire lombard du Quattrocento.

Mais laissons plutôt le latin aux chat-fourrés, levons nos verres et trinquons :


« Vivez, si m’en croyez, n’attendez pas à demain :
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie. »

                                                                                 Pierre de Ronsard (1524-1585)


Quoi qu’il en soit…


« Fais ce que voudras. »

En attendant la ronde des fromages et la farandole de desserts…
Les antipastis sont ici (Niccolò Frangipane) :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/frangipane-et-autres-...

Et la marée est servie là (Vincenzo Campi, 1/2) :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/campi-l-italienne-1-re-partie-la-mar-e-est-servie?xg_source=activity

Michel Lansardière,
avec la complicité de Charles De Wit que je remercie chaleureusement.

12273263870?profile=original(Photo L.M.)

Les poissonniers

Vincenzo Campi (1536-1591)

Lire la suite...

Vénus ou l'écume de nos nuits (Aphrodite, 6/7)

12273259456?profile=original Aphrodite

Pensive, elle est lascive, en décolleté de marbre.

(musée archéologique de Rhodes)

 

« Vénus… Ô Déesse…

Tant épris de ton charme, chacun brûle de te suivre où tu veux l’entraîner. »,

Lucrèce (ca 94-54 av. J.-C.)

 

12273259496?profile=originalAphrodite de la Mer

Sans bras, mais pas sans appas.

(IIIe siècle av. J.-C., 1,94m, marbre, musée archéologique de Rhodes)

Polie par le temps et par la vague. Née deux fois de l’écume*1, la pélagienne a en effet été retrouvée par un pécheur au large du port de Rhodes, en 1929, à la hauteur du quartier de Nichorion.

Du type aidoumene, pudique, cachant sa poitrine de son bras droit, tandis que du gauche elle essaie, en vain, de retenir sa si fluide tunique.

 Aguicheuse comme une effeuilleuse ou une publicité fallacieuse, elle semble dire :

« Demain j’enlève le bas »

C’est probablement cette statue cultuelle qui ornait le temple d’Aphrodite.

12273259887?profile=originalTemple d’Aphrodite à Rhodes

(IIIe siècle av. J.-C.)

 

Que fit la polis de Rhodes ? La cité chargea la poliade, divinité protectrice, de veiller sur la ville, Aphrodite sur le port, Apollon au point culminant, l’Acropolis*2. Adieu.

 

12273259675?profile=originalAphrodite sandalizomene (ôtant sa sandale)

(copie romaine d’un original grec du IIe s. av. J.-C. ;

palais des Grands Maîtres de Rhodes)

On connait le groupe Aphrodite, Pan et Eros du musée national d’Athènes,

 où la déesse brandit sa sandale, plus provocante que menaçante,

 face au dieu des campagnes, mi-homme, mi-bouc, qui peut bien lui jouer de la flûte tandis qu’Eros taquine la badine et le bandit bandant,

qui aimait tant semer la panique et faire l’amour comme un odieux.

Plus gracieuse ici, elle s’attire dieux et hommes, mi-ange, mi-démon, semailles et moissons, moins prompte au scandale. 

Le petit personnage qui l’accompagne est ici son fils Priape,

 dieu de la fertilité, représenté en nain. Et jamais un coup de pompe !

 

12273260290?profile=original Vénus

« La pudeur ajoute encore à la beauté. », Ovide (Les Amours)

Collection Borghèse

(marbre, IIe/IIIe s. ap. J.-C. ; musée du Louvre, Paris)

Quoique « La véritable pudeur doit se cacher elle-même avec autant de soins que le reste. La main qui ramène un pli de la robe fait plus rêver à ce qu'elle veut cacher, qu'à la honte vertueuse qui le lui fait cacher. »

« Douce pudeur, suprême volupté de l'amour, que de charmes perd une femme au moment qu'elle renonce à toi ! Combien, si elle connaissait ton empire, elle mettrait de soin à te conserver, sinon par honnêteté,

du moins par coquetterie ! »*3

 

 

      Une fille perdue de notre déesse pourrait aussi nous troubler. D’Adonis en effet, Aphrodite aurait eu une fille Béroé*4. Béroé, l’Accomplie, dont Dionysos (Bacchus) s’éprit, ainsi aiguillonné par Eros, son roué coursier, à qui  Nonnos*5 prête ces paroles :

« Bacchus met le trouble chez les humains,

Ma flamme sait troubler Bacchus lui-même. »

      J’espère que cette série vous a plu. Il me reste malgré tout un regret, celui de ne pas entièrement posséder mon sujet. Mais j’ai encore un ou deux numéros inscrits sur mon mémento pour, sur un quiproquo, conclure. Pour peu qu’au clair de la lune mon ami Ovide me prête sa plume pour écrire un dernier mot.

 

12273259700?profile=originalOvide reçoit de notre muse favorite une plume

 qu’elle vient d’arracher d’une des ailes de l’Amour.

(gravure Noël Le Mire, d’après Charles Eisen)

 

D’ici là, vous pouvez retrouver ici les précédents numéros :

1.     A Paphos, l’effrontée Aphrodite fût :

  https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/a-paphos-l-effront-e-a...

2.    A la poursuite d’Aphrodite la dorée :

 https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/a-la-poursuite-d-aphro...

3.    Toujours fondu d’Aphrodite ?

 https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/toujours-fondu-d-aphro...

4.     Dans le miroir de Vénus :

 https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/dans-le-miroir-de-v-nu...

5.     Rhodos, Salmacis et Hermaphrodite :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/recherche-aphrodite-perdument-aphrodite-5-7?xg_source=activity

 

A suivre…

 

Michel Lansardière (texte et photos)

 

*1 L’ « écume de mer », un silicate de magnésium hydraté, est un minéral tendre, blanc et léger. Elle flotte sur l’eau de mer et on la croyait faite d’écume pétrifiée. Son nom scientifique est sépiolite, du grec sêpion, ‘os de seiche’, à rapprocher du latin sepia, que les artistes connaissent bien. Cette précieuse matière réfractaire sert à fabriquer des têtes de pipes. Vienne en était, pour la qualité artistique de ses fourneaux sculptés, le centre le plus réputé. On trouve cette pierre essentiellement à Eskisehir en Anatolie (Turquie). En France (Gard), elle est la « terre de Sommières », aux vertus dégraissantes et détachantes. Au Maroc, c’est le « savon de Fez », qui servait à la toilette de Vénus. Un minéral trouvé à Långbanshyttan (Vårmland, Suède), très proche chimiquement, est localement nommé… Aphrodite.

Nom d’une pipe !

12273260682?profile=original Aphrodite de Rhodes

Na ! Na !

*2 Charès de Lindos (IVe s. av. J.-C.), disciple de Lysippe, y érigea le célèbre Colosse incarnant Hélios. Sur l’acropole (mont Smith) Zeus, maître du Ciel, et Athéna, protectrice des Arts et Lettres, étaient également vénérés. On y trouvait aussi un sanctuaire dédié aux Nymphes. Je suis bien sûr allé siffler là-haut sur la colline… Athéna, Minerve, Aphrodite… je vénère en vain. Nul et non à Vénus.

*3 Citations d’Alphonse Karr (1808-1890) et de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), respectivement et respectueusement.

*4 C’est aussi le nom d’une des trois mille Océanides, filles d’Océan et de Téthys.

*5 Nonnos, né à Panopolis (cité de Pan, aujourd’hui Akhmîn, en Egypte), est un poète grec du Ve siècle, à qui on doit les Dionysiaques. C’est le seul auteur sur lequel je sois tombé qui mentionne cette fille d’Aphrodite. Je vous en laisse les vers à ronger et en extraire la substantifique moelle.

12273261263?profile=originalUn halo de mystère l’enveloppe encore,
qu’il faudra bien dissiper…

Lire la suite...

Les Calanques de Marseille

Une aquarelle 

d'Adyne Gohy

12273256673?profile=original

a inspiré

Les Calanques Marseillaises

Haïkus 

de Raymond Martin

 

Calanques ohé

Marins  Phocéens  amis

Thalatta mistral

 

Souquez  matelots

Lacydon  havre de paix

Allauch Gyptis  Ligure

 

Sormiou à l’eau claire

Genévriers  odorants

Kermès  épineux.

 

Oule inconnue

Falaises  crayeuses

Puffins voletants

 

Côtes élancées

Clapotis  d’éboulis

Vagues  frisantes

 

Chahut du vent

Débris d’écume remous

Houle fougueuse

 

Calanques  ohé

Mystérieuses  côtières

Grecques  latines.

 

 

Raymond  Martin

Décembre 2016

Lire la suite...

Dans le miroir de Vénus (Aphrodite, 4/7)

12273249659?profile=originalVénus Pudique

Quoique, méfiez-vous, elle sort tout juste de sa réserve…

(marbre ; musée du Louvre, Paris)

« Ha que plût aux Dieux que je fusse !

Ton miroir, à la fin que je pusse,

Te mirant dedans moi, te voir. »,

Anacréon (ca - 560, - 478 av. J.-C.) *1

 

      Archétype de la beauté, mythe absolu, déification de l’éternel féminin, finalement elle réconcilie les Anciens et les Modernes.

      Déjà, dans le monde gréco-romain, en Egypte et en Syrie, on a trouvé des figures de la déesse aux multiples attributs polythéistes (le gouvernail de la Fortune et la corne d’abondance, le casque de Minerve ceint du diadème de Cybèle, l’emblème d’Isis). C’est l’Aphrodite Panthée, protectrice de l’épousée, dans la lignée d’Isis-Hathor-Astarté, unies-vers-elle la panthéiste.

Produite en série (on la retrouve au Louvre, à Vienne… A Myrina, en Asie mineure, par exemple, on déclinait beaucoup de Vénus accroupie en terre cuite dans l’Antiquité), elle a continué de ravir et d’inspirer nombre d’artistes de la Renaissance aux plus contemporains. Rodin, Maillol, Bourdelle, Redon…

« Exquise vérité des formes, en sorte qu’on aurait pu les croire moulées sur nature,

si la nature produisait d’aussi parfaits modèles. »

Prosper Mérimée (La Vénus d’Ille)

 

12273250063?profile=original Vénus de Vienne

Sainte-Colombe à sa toilette.

(Ier-IIe s. ; marbre de Paros ; musée du Louvre, Paris)

Rappelons ici que Prosper Mérimée (1803-1870) fut inspecteur général des Monuments historiques. En tant que tel, il visita en 1835 le « Palais du Miroir » à coté de Vienne en Isère. Ce qui amena la découverte, deux ans plus tard, de la Vénus de Vienne dans le frigidarium des thermes de Saint-Romain-en-Gal. Une copie romaine de l’Aphrodite accroupie de Doidalsas de Bithynie, « une Vénus nue, supérieure encore à celle de Praxitèle » pour Pline l’Ancien.

 

      Rodin, ou avant lui Michel-Ange, rejoignaient Lysippe qui, tel que Pline le rapporte, « déclarait volontiers que les Anciens représentaient les hommes tels qu’ils les voyaient, et lui, tels qu’ils lui donnaient l’impression d’être. »

Ce sculpteur grec du IVe siècle avant notre ère dont « on dit qu’il contribua largement au progrès de la statuaire par le rendu minutieux de la chevelure et la modification des proportions du corps : les têtes étant plus petites, les corps plus minces et nerveux, la taille des statues semblait plus élancée. »

… Dali, Arp, Zadkine, Arman ou Andy Warhol…

Un thème universel qui défie le temps.

      Attractive, elle séduit toujours et fait vendre des produits en tout genre, les marchands se saisissant de  cette image qui capte immédiatement le regard du chaland. Un visuel parfait au fort pouvoir vendeur. Je me souviens que l’on avait même tenté de commercialiser les œufs d’escargot au prix exorbitant d’un « caviar blanc » sous l’alléchante appellation de « Perles d’Aphrodite » !

Oh je sais que d’Hermès, Aphrodite conçut Hermaphrodite, mais ce n’est que de son union avec Salmacis qu’il devint tel un petit hélix.

Et qu’Hésiode a traité Aphrodite - ah ! c’est pas joli… ah ! c’est pas gentil… c’est même retors - d’hélicoblépharos, la « paupière en vrille » !

 

12273250485?profile=originalEn flânant, serein, devant les devantures de magasins,

une Aphrodite Mélaenis, Noire, maîtresse de la nuit, nous retient.

(copie d’une céramique dans le style attique à figures noires)

 

Je ne vais pas vous faire l’article… En boutique, on la vante extra vierge ! Organic (biologique) ! Magnétique !!! C’est la mercatique qui veut cela…

 

Et elle ne ferait plus recette ? c’est pourtant une huile !

12273250679?profile=originalA écouter les sirènes de la publicité, la consommation serait l’alpha et l’oméga 3 de l’existence !

 

Et ici, notre « Aphrodite de la Mer » rhabillée en magnet !

12273251467?profile=original (je vous livrerai la vraie, bien plus aimante et dans son plus simple appareil, dans le prochain numéro)

 

Quelle enseigne tout de même !

 

12273251490?profile=originalDans un jardin de Rhodes

Même mille fois déclinée avec tant de produits dérivés,

Jamais quelconque dans sa conque.

 

Surtout elle stimule la créativité des artisans qui perpétuent la tradition de la céramique, dans la copie ou son interprétation.

 

12273251289?profile=originalCéramique de Faros (Rhodes)

Enjôleuse et vendeuse, non ?

 

Aphrodite nous dicte toujours sa loi, elle qui bohème n’en connut guère. Car elle en impose encore notre déesse.

 

      12273252088?profile=originalVénus au miroir

Elle aimait le reflet de sa beauté, coquette au sortir du bain

ou conquérante dans le bouclier de Mars, fatale toujours.

(Copenhague, glyptothèque Carlsberg)

 

      Mais les attributs de la vénusté seraient-ils soumis aujourd’hui à un coefficient de vétusté ? 

La taille… plus fine ! Les jambes… plus longues ! Les seins… en obus de canon !!! Ainsi, par les vertus d’un traitement numérique, ou pis, par la chirurgie esthétique, notre almée à l’envoûtant déhanchement en serait-elle réduite à se conformer aux nouveaux diktats de la mode pour défiler sur les podiums ? Mincir pour entrer dans les normes, quel paradoxe ce paradigme !

« Son ventre splendide, large comme la mer. »,

Auguste Rodin, à propos de la Vénus de Milo

Quels que soient les commandements de la modernité, je ne cesserai de tourner autour de ces rondes-bosses…

 

12273252264?profile=original Vénus accroupie ou Vénus à la toilette

« Une fleur de vie, forme qui me réjouit. »,

Auguste Rodin

D’après un original de Doidalsas de Bithynie

(musée national, Rome)

 

… autant que de la contempler  accrochée aux cimaises me remplit d’aise.

 

12273251888?profile=originalLa toilette de Vénus (ou l’Air)

L’Albane  (Francesco Albani, dit ; 1578-1660)

(musée du Louvre, Paris)

 

Et se livrer avec Aphrodite aux délices de Capoue*2

 

12273252287?profile=original Toutes veulent être Vénus...

Cette belle romaine arbore une coiffure en vogue au 1er siècle

(Marcia Furnilla, seconde épouse de l’empereur Titus ?)

(Copenhague, glyptothèque Carlsberg)

 

Pas sûr toutefois que toutes puissent soutenir…

 

12273253471?profile=originalLa comparaison

Jean-Frédéric Schall (1752-1825)

« Jouissez amants, la fleur de jeunesse vous rit au visage. »,

Gioachino Rossini (1792-1868)

(musée du Louvre, Paris)

 

« Il avait à Syracuse un couple surnommé Belles Fesses. », raconte Cercidas de Megalopolis deux siècles avant notre ère. Voici l’histoire…

Deux sœurs s’interrogeaient, et la question était grave. A savoir laquelle avait le plus joli postérieur. Il fallait bien trancher, bien que le partage fût déjà très équitable. Un joli cœur s’en vint par là. « Il est bon de savoir qui de nous a le plus beau. » Bien qu’il y eût à hésiter, il devait en juger, il opta pour l’ainée. Et, bon gars, pour ne pas peiner la cadette, manda de ce pas son frère afin qu’il puisse plaider aussi son cas. Ce dernier lui trouva de sérieux atouts et, ma foi, fort à son goût. Tous se marièrent et firent ériger une statue à Aphrodite, callipyge comme il se doit pour rendre hommage à tant de grâces. On comprend mieux maintenant le motif*3 de ce tableautin libertin et pourquoi tant de messieurs aimeraient tant voir Syracuse avant que leur jeunesse s’use.

 

« Des jeunes cœurs c’est le suprême bien :

Aimez, aimez ; tout le reste n’est rien. »,

La Fontaine

 

Les anciens Grecs déjà prisaient fort les jeux de hasard. Aux dés la combinaison gagnante était le « coup d’Aphrodite » (3 fois 6). Victoire assurée… Sinon un « coup de chien » (3 fois 1), sinon l’apocalypse cette bête, était mauvais signe néanmoins. Heureux au jeu… Le perdant pouvait se consoler en se disant qu’aux jeux de l’amour il avait peut-être évité un « coup de pied d’Aphrodite », maladie vénérienne de ceux qui sacrifient trop à Vénus au hasard de rencontres douteuses. « Amour, Amour, quand tu nous tiens

On peut bien dire : « Adieu prudence. », La Fontaine (Le lion amoureux), autant :

« J’aime le jeu, l’amour, les livres, la musique,

La ville et la campagne, enfin tout ; il n’est rien

Qui me soit souverain bien,

Jusqu’au sombre plaisir d’un cœur mélancolique. »,

Id., Les Amours de Psyché et de Cupidon

 

      Par-delà la légende, Chypre, l’île d’Aphrodite, toujours très sismique, est née de la mer au crétacé, il y a environ 90 millions d’années, d’une surrection du plancher océanique, un choc titanesque entre les plaques anatolienne et africaine. Puis l’île s’est surélevée au pléistocène, il y a environ 1,8 millions d’années, pour dominer à 1952m dans le massif du Troodos au mont Olympe (qu’il ne faut pas confondre avec son homonyme, siège des dieux de la mythologie grecque).

 

12273253854?profile=originalAu printemps de quoi rêvais-tu Sandro ?

A la naissance de Vénus ?

(musées capitolins, Rome)

Tête dite d’Amazone blessée du type Capitole-Sôsiclès. Copie romaine d’un original grec du Ve s. av. J.-C. La statue aurait été créée par Crésilas pour un concours l’opposant ainsi à Polyclète, Phidias, Phradmon et Cydon. Elle était destinée au temple d’Artémis à Ephèse et serait arrivée en troisième position après celles de Polyclète et Phidias, devançant celles de Cydon et Phradon.

N’est-elle pas confondante cette beauté canonique ? Eternelle korê (jeune fille) qui semble bien avoir inspiré Botticelli pour sa Naissance de Vénus*4, en tout cas cela m’a frappé lorsque je l’ai photographiée. Ou, plus sûrement encore, un dessin à la mine de plomb de Gustave Moreau.

 

A suivre…

Car l’amour renait sans cesse.

Vous aurez peut-être plaisir à retrouver ici les trois premiers épisodes de ce feuilleton avant son épilogue prochain :

1.  A Paphos, l’effrontée Aphrodite fût :

 https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/a-paphos-l-effront-e-aphrodite-f-t-aphrodite-1-5

2.  

1.    A la poursuite d’Aphrodite la dorée :


 https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/a-la-poursuite-d-aphrodite-la-dor-e-aphrodite-2-5

1.  Toujours fondu d’Aphrodite ?

 https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/toujours-fondu-d-aphrodite-aphrodite-3-6

 

Michel Lansardière (texte et photos)

 

*1 Anacréon, poète lyrique grec, adapté pour l’occasion par Rémi Belleau (1528-1577). Sous la plume de Pierre de Ronsard (1524-1585) les vers d’Anacréon deviendront :

« Mais je voudrais être miroir

Afin que toujours tu me visses. »

Un autre de leur contemporain, Olivier de Magny (1529-1561), donna :

« Je voudrais être le miroir

Où vous vous ébattez à voir

Les beautés de votre visage. »

Au XVIIIe siècle, par le truchement de Louis Poinsinet de Sivry (1733-1804), on obtint :

« Que n’est-il en mon pouvoir

D’être cette glace heureuse,

Où vous aimez à vous voir ? »

Enfin, de la réflexion de Charles-Marie Lecomte de Lisle (1818-1894) :

« Pour moi, que ne suis-je, ô chère maîtresse,

Le miroir heureux de te contempler. »

Quant à la statue, exposée depuis peu au public et ici donnée en illustration, elle est du type genitrix (mère ; Vénus, déesse de la fécondité ; cf. A la poursuite d’Aphrodite, 2/7).

A remarquer également, l’hydrie (aiguière), rappelant le bain lustral. L’eau-mère associée à sa naissance, à l’abondance qu’elle génère.

*2 Les « délices de Capoue » font référence à Hannibal et son armée qui prirent Capoue (Santa Maria Capua Vetere de nos jours) aux Romains en – 215. Au lieu de repartir en campagne, ils y firent relâche, attendant des renforts, et cédèrent à la tentation. Après la débauche, les Romains n’eurent plus qu’à faire main basse sur la ville, en – 211, et rafler la mise. Hannibal était défait. Anachronisme, me direz-vous. Pas tant que ça, je fais ici allusion à l’Aphrodite de Capoue du musée archéologique de Naples, attribuée à Lysippe ou à Scopas selon les auteurs, et comparable à la Vénus de Milo. De même l’Aphrodite Landolina du musée de Syracuse avec son drapé qui s’ouvre telle une conque pour révéler les jambes splendides de la déesse.

Un peu plus loin encore (aux jeux de l’amour et du hasard) les époques se carambolent (si le « coup d’Aphrodite » est bien une expression grecque, les autres termes sont nettement postérieurs), autres temps ne signifiant pas nécessairement autres mœurs. Aussi me suis-je accordé quelque licence… littéraire.

*3 Complétons la légende. Sous la Régence, il y avait aussi une « fraternité des Aphrodites ». Ses membres, qui se faisaient aussi appeler Morosophes, aimaient se réunir du côté de Montmorency, au nord de Paris, pour de petites sauteries entre amis amateurs d’académies. Cet « ordre » fut dissout en 1791. Et Schall, qui vivait à Paris, aimait les sujets légers.

*4 Même si on dit souvent que c’est Simonetta Vespucci, « la sans pareille », qui, bien que morte depuis plusieurs années, lui aurait prêté ses traits. Ou, plus osé encore, Alessandra Lippi, sa filleule et fille de son maître Fra Filippo Lippi. Mon hypothèse après tout n’est guère plus risquée et, au moins, l’Amazone de Crésilas de la Vénus de Botticelli a la lippe. Une vraie renaissance de l’idéal antique.

Lire la suite...

12273242698?profile=originalAphrodite de Rhodes (parfois attribuée à Doidalsas de Bithynie)

Sous le ciseau du sculpteur elle s’humanise.

Plus de 2000 ans et pas une ride,

pour 49 cm de grâce absolue.

(III? ou Ier siècle av. J.-C., marbre de Paros, musée archéologique de Rhodes)

« A l’eau de la claire fontaine,

Elle se baignait toute nue. »,

 Georges Brassens

Cette petite est comme l'eau vive... je cours suivre son fil.

 

      Il pourrait tout aussi bien s’agir d’une Nymphe. Une Naïade, fille d’Océan, veillant sur une source sacrée, un fleuve ou une rivière. La tradition orale a en effet ici mémoire fort longue (et ce billet est mis en ligne un vendredi, jour de Vénus). Je n’en donnerais que quelques exemples.

      Rhodos*1, fille de Poséidon et d’Aphrodite, eût de sa passion avec Hélios (le dieu Soleil, dieu tutélaire de Rhodes) de nombreux fils. Trois d’entre eux laissèrent leurs noms aux trois premières cités de l’île de Rhodes, Ialysos, Camiros et Lindos. Si les deux premières sont en ruines, le village de Lindos est toujours prospère notamment grâce aux  touristes qui s’y rendent tant pour la beauté du site, ses maisons blanches que pour son acropole.

Et la rivière Nymphi alimente toujours en eau vive la ville de Rhodes, qui fut créée par les habitants des villes précédemment citées.

 

12273243071?profile=originalAphrodite ou Nymphe (selon le cartouche du

musée archéologique de Rhodes ; fin IIIe s./début IIe s. av. J.-C.)

Aphrodite Nymphia, toi qui facilitais les fiançailles et accordais ta bénédiction nuptiale, pourquoi ne pouvais-tu protéger l’union de ton fils et de Salmacis ?

Et mettre ainsi tout le monde d’accord…

 

      Soyons plus encore précis, ce pourrait même être la Nymphe Salmacis*2. Hardi petit, étayons cette hypothèse, après tout j’ai été nourri au lait de Genesis.

Je m’appuierai sur Ovide, je ne saurai mieux dire.

      Hermaphrodite, jeune pâtre, encore « un enfant, né des amours d’Hermès et d’Aphrodite (il était facile à reconnaître, à ses traits, les auteurs de ses jours, qui lui donnèrent son nom), se plut à errer dans des lieux inconnus. Il trouva un lac dont le cristal laissait voir la terre au fond de ses eaux. »

 

12273243696?profile=originalHermaphrodite endormi

(marbre, IIe s., musée national, Rome)

Près d’un lac, il s’était endormi. Quand soudain, venant de nulle part, surgit…

 

Salmacis qui « tantôt baigne dans l’onde pure ses membres gracieux, tantôt, avec le buis de Cytore, démêle ses cheveux et consulte le miroir des eaux sur ses atours. »

« En le voyant, elle désira le posséder. Avant de s’approcher de lui, malgré toute son impatience, elle dispose avec art sa parure, en examine l’arrangement d’un regard attentif et compose les traits de son visage : enfin elle peut paraître belle. Alors elle s’écrie : ’’Enfant, tu mérites d’être pris pour un dieu.’’ »

Et ajoute : « Heureuse celle qui est ta compagne, ou pour qui tu allumeras le feu de l’hyménée. Si tu la choisis, accorde-moi pourtant un bonheur furtif ; si ton choix n’est pas fait, puissé-je le fixer et partager ta couche ! »

« Une rougeur pudique couvre les traits du jeune berger, qui ne connaît pas encore l’amour ; des grâces nouvelles naissent de cette rougeur. »

La Nymphe n’y tient plus ! « Déjà ses mains allaient saisir le cou d’albâtre d’Hermaphrodite :

’’ Cesses ou je fuis, dit-il, et je te laisse seule en ces lieux.’’ 

Elle jette de nouveau ses regards vers lui, se cache au fond des broussailles, fléchit le genou et s’arrête. »

« L’enfant, avec toute l’agilité de son âge, persuadé qu’aucun œil ne l’observe en ces lieux solitaires, va et revient, plonge dans l’eau transparente la plante de ses pieds et les baigne jusqu’au talon. Bientôt séduit par la douce chaleur de l’onde, il dépouille le fin tissu qui enveloppe ses membres délicats. Salmacis tombe en extase. » « Elle veut être dans ses bras ; déjà elle ne maîtrise plus son délire. Hermaphrodite de ses mains frappe légèrement ses membres et se précipite au sein des flots. »

« Je triomphe ; il est à moi », s’écrie la Naïade.

 

12273245068?profile=original Salmacis et Hermaphrodite

« L’amour est fait d’une seule âme habitant deux corps. »,

Aristote (384-322 av. J.-C.)

Fontaine, boirais-je pour cela de ton eau ?

Jean-François de Troy (1679-1752)

(musée Bossuet, Meaux)

 

« Elle se jette au milieu des flots, saisit Hermaphrodite qui résiste, et, malgré ses efforts lui ravit des baisers : ses mains jouent autour de sa poitrine qu’il cherche en vain à lui dérober, elle l’enchaîne dans ses bras. Il a beau lutter pour se soustraire à ses embrassements, elle l’enlace comme le serpent. »

Mais il se cabre le bel enfant lorsqu’une ronde lui revient aux oreilles…

« Y’en a des belles à regarder

Y’en a qui sont à éviter. »*3

… et « refuse à la Nymphe le bonheur qu’elle attend. »

Hélas, là est l’os, il était sans malice.

Alors, «  Elle le presse de tous ses membres ; et, dans la plus vive étreinte, à son cou suspendue, elle s’écrie :

’’Tu résistes en vain, cruel, tu ne m’échapperas pas.

Dieux, ordonnez que jamais rien ne puis le séparer de moi,

ni me séparer de lui.’’

Cette prière est exaucée : leurs corps s’unissent et se confondent. »

(j’abonde et m’embrase, j’adore les histoires d’O.)

« Hermaphrodite et la Nymphe, étroitement unis par leurs embrassements, ne sont plus deux corps distincts ; ils ont une double forme, mais on ne peut les ranger ni parmi les femmes ni parmi les hommes : sans être d’aucun sexe, ils semblent les avoir tous les deux. »

(qui trop l’embrasse… mâle éteint)

Alors, une dernière fois ; Hermaphrodite clame d’une voix qui n’est déjà plus virile :

« Accordez une grâce à votre fils, qui tire son nom de vous deux,

ô mon père ! ô ma mère !

Que tout homme, après s’être baigné dans ces eaux, n’ait,

quand il en sortira, que la moitié de son sexe :

puissent-t-elles en le touchant, lui ravir soudain sa vigueur ! »

Les auteurs de ses jours furent sensibles à ce vœu et donnèrent à cette fontaine une vertu mystérieuse.

Une explication qui semblerait couler de source.

Admettez que la description que fait Ovide de notre Naïade est souvent confondante de ressemblance.

 

12273246063?profile=original « C’est des profondeurs de la mer que jaillit Rhodos,

enfant d’Aphrodite, déesse de l’Amour,

afin qu’elle devint l’épouse d’Hélios. »,

Pindare (518-438 av. J.-C.)

 

      Cela étant, Aphrodite élit résidence à Rhodes tandis qu’Arès partait pour la Thrace. Et il suffisait qu’une déesse se baignât là pour qu’on y bâtisse un édifice cultuel. Si la divinité y agréait, on délimitait alors un espace sacré, le téménos, pour les célébrations rituelles. Le temple était alors agrandi pour abriter statues et ex-voto, rien n’était trop beau.

A suivre...

Voici, pour patienter, les liens permettant de retrouver les précédents épisodes de cette série consacrée à l’égérie :

1.     A Paphos, l’effrontée Aphrodite fût :

  https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/a-paphos-l-effront-e-a...

2.    

A lA la poursuite d’Aphrodite la dorée :

 https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/a-la-poursuite-d-aphro...

3.     Toujours fondu d’Aphrodite ?

 https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/toujours-fondu-d-aphro...

4.     Dans le miroir de Vénus :

 https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/dans-le-miroir-de-v-nus-aphrodite-4-7-1

A suivre…

 

Michel Lansardière (texte et photos)

 

*1 Aphrodite la dorée, Rhodos la rose. Une racine que l’on retrouve, en minéralogie, dans la rhodonite, un silicate de manganèse, ou la rhodochrosite, un carbonate de manganèse, de couleur rose. La ville de Rhodes, placée sous le haut patronage du soleil (Hélios), a pour emblème la rose. Par contre, si j’ai une inclination pour les roses et les minéraux, j’aime pas les rhododendrons ! Ce serait par contre pécher de ne pas goûter aux tétons de Vénus, cette délicieuse variété de pêche (c'est aussi le nom d'une tomate et d'un mont du Cantal).

*2 Salmacis donna son nom à une source. Cette source se situerait en Carie (région d’Halicarnasse, aujourd’hui Bodrum, en Turquie, que seul un isthme sépare de Rhodes). Détestée, on lui prêtait la faculté d’amollir et de rendre efféminés ceux qui s’y baignaient ou en buvaient. Cytore était une montagne de Paphlagonie (région de Turquie bordant la Mer Noire) abondante en buis selon Virgile. Hermaphrodite aurait été berger sur le mont Ida en Phrygie (actuel Kaz Dag, en Turquie toujours) avant de se rendre en Lycie et en Carie, où il rencontra Salmacis pour son malheur. Le groupe Genesis a tiré de cette histoire un magnifique titre : « The fountain of Salmacis », en 1971. Lien ci-après :

 https://artsrtlettres.ning.com/video/genesis-fountain-of-salmacis-nursery-cryme-1971

12273246275?profile=original

Aphrodite ou Nymphe, toujours selon le cartouche (et je suis très à cheval sur l’étiquette) du musée archéologique de Rhodes.

Ces deux statues, un peu figées, stéréotypées, sont de la même période que celle présentée plus haut.

12273247266?profile=original

*3 Les Frères Jacques, « Les fesses. ». Allez voir la vidéo séance tenante, ce séant devrait vous seoir.

Lire la suite...

Toujours fondu d'Aphrodite ? (Aphrodite, 3/7)

Continuons d’éclairer notre lanterne en examinant au plus près notre sujet...

12273231675?profile=original Deux jeunes gens étudiant une statue de Vénus

 à la lueur d’une lampe

Godfried Schalcken (1643-1706)

(huile sur toile ; collection Leiden, New York)

En matière de clair-obscur, Aphrodite est un oxymore à elle seule comme nous allons le voir. Contradiction toute féminine ?

Il faut cependant remarquer que si Aphrodite était libre, la société athénienne n’était guère égalitaire. Les femmes passaient leur vie au gynécée où elles tissaient et filaient doux. Hors les processions rituelles point de sorties. A Sparte, si elles pratiquaient l’éducation physique et se montraient au palestre, pour l’éducation intellectuelle elles pouvaient repasser !

 

12273232465?profile=originalQuand l’ordinaire se réduisait aux tâches ménagères.

Comment dès lors ne pas idéaliser pour les unes,

 fantasmer pour les autres ?

A Tamassos, d’où provient cette statuette, Aphrodite eût bien sûr son temple.

(terre cuite, VIe s. av. J.-C. ; musée archéologique de Nicosie, Chypre)

       Tous les ans à Chypre, ses fidèles, couverts de myrte, affluaient dans son sanctuaire à Palaia Paphos (l’ancienne Paphos, aujourd’hui Kouklia) où, ne songeant plus qu’aux douces joies des hyménées et à leurs mystères après avoir reçu un phallus et du sel (j’en ai un grain aussi), ils se livraient à des fêtes orgiaques.

« Viens, Cypris, offre-nous tes couronnes,

Et dans les coupes d’or, gracieusement,

Verse comme un vin ton nectar

Mêlé de joies. »,

Sappho, qui pour l’Aphrodite a dédaigné l’Eros.

      Sans verser dans les excès, ne cédons pas aux divagations de Pierre-Joseph Proudhon qui en la matière pousse un peu loin le bouchon lorsqu’il écrit « Le culte multiplié d’Astarté, Aphrodite ou Vénus ; les fêtes orgiaques, dionysiaques ou bacchanales ; les lamentations sur la mort d’Adonis, les jeux floraux, les prostitutions sacrées, le priapisme universel, les poésies érotiques, l’amour vulgivague, omnigame en sont les monuments. Ajoutons encore les théâtres, les danses, le vin, la bonne chère. Ainsi tout se tient : le raffinement des arts amène la corruption. » Ne pas se courber certes, mais voir dans l’art la racine de toutes les dépravations, il y a là un pas que je ne franchirai pas. Des spartiates il n’est dans ce domaine effectivement rien resté, plus laconique il faut parfois demeurer.

 

12273233260?profile=originalOffrandes à Aphrodite-Astarté

Figurines de terre cuite (VIe s. av. J.-C.), aèdes, chanteurs et musiciens.

Petits présents faits à Aphrodite, rustiques mais touchants,

lors des processions et célébrations données en son honneur

 au temple de Kition (Larnaca).

Que la fête commence !

(musée archéologique de Nicosie, Chypre)

Chœur des Bacchantes :

« Chypre ! C’est l’île d’Aphrodite

Où nichent les Amours ensorceleurs

Ils font venir une âme aux mortels… »

Euripide (480-406 av. J.-C.)

Evohé !

 

       A Rhodes, le temple d’Aphrodite était situé à l’entrée de la ville antique, au niveau de l’ancien port de Mandraki, mais de là à penser qu’elle n’est qu’une hétaïre, voire pire une vile femme à marins ! Une poule à facettes pour nightclubbers en goguette !

Toujours est-il qu’avec le prompt renfort de croisiéristes, nous nous vîmes trois mille en arrivant au port. Et que sous la canicule nous constatâmes que Vénus est bien la plus chaude*1 du système solaire !

 

12273233674?profile=original Ruines du temple d’Aphrodite à Rhodes

(IIIe siècle av. J.-C.)

 

      A mélanger ainsi les genres et si on remonte plus loin dans le temps, avec « la déesse aux serpents » minoenne, Astarté, la « reine de lumière » babylonienne et Ishtar, la « donneuse de lumière » cananéenne, déesses du croissant fertile, Inanna pour les Sumériens, ou encore Hathor l’Egyptienne, que l’on peut toutes à raison assimiler à Aphrodite ; ou que l’on porte le regard tout au nord avec la Freyja scandinave par exemple, partout on retrouve des déesses de l’Amour et de la Fécondité, à la sexualité certes débridée.

D’accord, à Babylone, Ishtar ou, à Sumer, Inanna avaient leurs praticiennes, grandes prêtresses de l’amour sensuel. Certes, comme le chantait Ferré, avec

« La ‘the nana’, c’est comme un ange qu’aurait pas d’ailes.

La ‘the nana’, au septième ciel tu fais tes malles. »

Vrai toujours que Vénus libentina avait la libido exaltée. Voluptueuse et légère comme susurrait Farmer « petite bulle d’écume, poussée par le vent. » Qu’Aphrodite Porné était invoquée par les courtisanes en tant que divinité de l’amour vénal. Que plus d’un mâle a succombé sous leurs charmes, au point que notre déité était surnommée Androphonos, la tueuse d’hommes ! Et Vénus Libitina, par une malencontreuse euphonie*2,  veillait aux cérémonies funèbres…

Eros et Thanatos.

« Mourir sans mourir est cette frénésie qui se nomme amour. »,

Métastase*3

Souvent libertine, parfois même catin vouée aux enfers.

      Mais faire d’Aphrodite ou de ses avatars la mère de tous les vices et de l’art son vecteur le plus propice ! Dans cette conation camarade Pierre-Joseph, je te le dis tout net, tu attiges !

« Les bains, le vin et Vénus usent nos corps.

Mais les bains, le vin et Vénus font la vie. »,

Proverbe latin.

Toutefois rappelons-nous cette maxime de Cléobule de Lindos, un des Sept sages de l’Antiquité,

« La modération est le plus grand bien »,

conservons un calme olympien, et reprenons. 

 

12273233885?profile=originalFreyja ou Frigg ?

Vendredi pour Vénus, friday pour Freyja !

Chaudron de Gundestrup (détail)

(âge du fer celtique, ca 500 av. J.-C., argent. Musée national, Copenhague)

 

Quoi qu’il en soit, des temples un peu partout, en Grèce, en Crète, en Asie mineure surtout, révèrent Aphrodite.

 

12273234480?profile=originalFigure d’Aphrodite dans le style de l’Aphrodite de Cnide de Praxitèle.

Quelle femme d’épithètes !

Des yeux comme mouillés qui arracheraient des larmes à un cœur de pierre.

(fin de la période hellénistique ; palais des Grands Maîtres de Rhodes)

 

        J’en rêve encore… Car elle mérite tous les qualificatifs, est dotée de bien des attributs, et suscite toujours l’admiration.

 

12273234674?profile=originalVénus du Belvédère

(musées du Vatican)

« Rien de plus suave, de plus voluptueux que ses contours. »

Quoique « Dédain, ironie, cruauté,

se lisaient sur ce visage d’une incroyable beauté cependant.

… Sentiment pénible qu’une si merveilleuse beauté

pût s’allier à l’absence de toute sensibilité. »,

Prosper Mérimée

 

12273235292?profile=originalStatue d’Aphrodite dite Vénus de l’Esquilin

Marbre d’après l’Aphrodite de Cnide de Praxitèle.

Serait-elle devenue pudique ?

On disait déjà qu’au sortir de l’eau-mère à Paphos elle se cacha derrière un buisson de myrte, plante qui depuis symbolise charme et jeunesse.

Elle semble dire et médire, à la manière de Musset :

« Le marbre me va mieux que l’impure Phryné

Chez qui les affamés vont chercher leur pâture,

Qui fait passer la rue au milieu de son lit,

Et qui n’a que le temps de nouer sa ceinture

Entre l’amant du jour et celui de la nuit. »

(marbre, 1er siècle apr. J.-C., musées capitolins, Rome)

 

Praxitèle avait il est vrai, en la personne de sa maîtresse, Phryné, un modèle parfait. Quoique hétaïre, à ce que l’on disait une pouliche d'Aphrodite, il était difficile de la haïr tant sa beauté resplendissait. Et bien qu’on l’appelât « le Crible », passant tout petit ami au sas de ses envies, ôtant ses dessous le laissant sans le sou.

 

« Elle mérite l’admiration sous toutes ses faces.

On raconte qu’un homme en tomba amoureux et que, s’étant caché une nuit, il fit l’amour avec la statue :

 Des taches sur le marbre gardent, dit-on, la trace de sa concupiscence. »,

Pline l’Ancien, à propos de Praxitèle et de sa Vénus de Cnide.

 

12273235890?profile=originalAphrodite de Menophantos

Ménauphantos, sculpteur grec du 1er s. av. J.-C. (?)

(musée national, Rome)

 

      Si Praxitèle créa le prototype du nu féminin avec l’Aphrodite de Cnide, souvent décliné, on doit à un autre sculpteur grec de génie, Doidalsas de Bithynie, le modèle de l’Aphrodite accroupie. Il faut aussi citer Scopas de Paros, proche de Praxitèle, pour sa Vénus pudique ou alors, plus explicite, chevauchant un bouc, Epitragia, l’Aphrodite Pandemos. Phidias pour sa céleste Aphrodite Ourania, Callimaque et son Aphrodite Genetrix, Alcamène, Agoracrite…

 

12273236268?profile=originalVénus Cesi

Une plastique parfaite à vous faire perdre la tête.

C’est l’effet que fit Phryné, née à Thespies, où on vouait un culte à Eros.

Copie romaine du Ier ou IIe s. d’après l’Aphrodite de Thespies de Praxitèle.

(musée du Louvre, Paris)

12273237258?profile=originalVénus de Praxitèle

Collection Richelieu

 (marbre, IIe s., restaurée au XVIIe ; musée du Louvre, Paris)

A noter que si une gravure sur la plinthe l’attribue à Praxitèle celui-ci vécut au IVe s. av. J.-C. A ce propos, je relève cette remarque de Phèdre, l’affranchi d’Auguste : « Certains ouvriers de ce siècle ]… Le fabuliste vécut de - 14 à + 50 ap. J.-C. environ[ augmentent de beaucoup l’estime et le prix de leurs ouvrage en gravant sur une nouvelle statue de marbre le nom de Praxitèle ]…[ : car l’envie, qui cherche toujours à mordre, est beaucoup plus favorable au mérite des anciens, qu’aux gens de bien qui vivent aujourd’hui. »

 

Ou le peintre Apelle de Cos pour sa Vénus Anadyomène.

Selon Pline l’Ancien, « Certains pensent qu’elle (Pancaspé, la maîtresse préférée d’Alexandre, qui en fit « don » à l’artiste touché par charis, la grâce) posa pour la Vénus Anadyomène. »

 

12273237289?profile=original Aphrodite anadyomene

Au bain et sans grand frais de toilette.

(Ier ou IIIe s. av. J.-C. ; palais des Grands Maîtres de Rhodes)

 

 Un tableau*4 si saisissant que plus tard « le divin Auguste dédia dans le sanctuaire de son père adoptif César. » Par malheur l’œuvre rapidement se détériora et « Apelle avait commencé une seconde Vénus de Cos, où il se proposait de surpasser en beauté la première. Mais la mort lui refusa le temps nécessaire à la finir. » Un Apelle entendu à la Renaissance par Botticelli, Giorgione, Bellini, Titien, Véronèse, Tintoret, puis, avec leurs Vénus plus baroques et opulentes, par Bronzino, Giordano, Carrache, Le Guerchin, Rubens, Vélasquez… Quelle cohorte de prétendants.

 

12273237872?profile=originalAphrodite accroupie de Doidalsas de Bithynie

Copie romaine en marbre de l’époque d’Hadrien

d’un original en bronze du IIIe s. av. J.-C.

(musée national, Rome)

 

A suivre…

 

Si vous avez raté les deux précédents numéros de la série, vous trouverez là une session de rattrapage :

1.     A Paphos, l’effrontée Aphrodite fût :

 https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/a-paphos-l-effront-e-aphrodite-f-t-aphrodite-1-5

2.     A la poursuite d’Aphrodite la dorée :

 https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/a-la-poursuite-d-aphrodite-la-dor-e-aphrodite-2-5

 

Michel Lansardière (texte et photos)

 

*1 Mercure, la planète la plus proche du soleil, est à une température moyenne de 420°C, alors que Vénus, à l’atmosphère chargée en soufre provoquant un violent effet de serre, est à 460°C. Brûlante ! mais, gare, elle sent le soufre.

*2 Malheureux glissement sémantique qui va de libentina à libitina car c’est Perséphone, Proserpine à Rome, qui était la reine en titre des Enfers.

*3 Authentique ! Pierre Métastase (Pietro Trapassi dit Metastasio, 1698-1782), poète et librettiste, notamment pour Pergolèse ou Mozart (La clémence de Titus).

*4 Pinax. Pinakès que les Grecs disposent dans des pinacothèques.

Lire la suite...

12273230275?profile=originalAphrodite Niképhoros de la villa de Thésée,
Nea Paphos, marbre, 2e/3e s. av. J.-C.
(musée de Chypre, Nicosie)

 

      Et là sur cette plage d’Achni qui vit émerger Aphrodite, au Rocher du Grec, les Achéens s’en revinrent de Troie et débarquèrent. La boucle était bouclée.

Ou presque… Permettez encore que je file la métaphore tant la légende est belle.

 

12273229880?profile=originalAphrodite

(marbre du 1er siècle découvert à Soli, musée de Chypre, Nicosie)

Aphrodite la dorée, qui fait naitre l’amour

Et met en émoi la création entière.

Dorée comme un Titien, une certaine morgue aux lèvres.

Son galbe est parfait, mais ne lui dites pas qu’elle est la plus belle hellène, irascible, elle pourrait se méprendre et vous poursuivre de sa vindicte.

 

      A Chypre toujours, un jeune sculpteur pétri de talent, Pygmalion,  se prit à créer une statue qu’il voulut divine. Chaque jour il passait et repassait son ciseau jusqu’à atteindre la forme suprême de l’art, l’art vivant qui fait oublier le geste, qui fait oublier le reste. Tant et si bien qu’il s’éprit de sa création, d’un amour sans retour.

Aphrodite s’en émut. Et la statue ne demeura pas de marbre, ou d’ivoire, ni sans défense.

« De son sein il approche une amoureuse main…  Pygmalion sent des veines tressaillir… Alors, transporté d’allégresse, il rend grâces » à la déesse*1. 

Il appelle l’œuvre de chair Galatée, qu’il étreint aussitôt.  

N’y voyant pas offense,

« La vierge sent ses baisers et rougit, elle ouvre à la lumière un œil craintif, et voit à la fois le ciel et son amant. »

12273230896?profile=originalPygmalion et Galatée, 1819

Anne-Louis Girodet de Roucy-Trioson (1767-1824)

« Elle rougit parfois, parfois baisse la vue ;

Rougit, autant que peut rougir une statue. »,

La Fontaine

(musée du Louvre, Paris)

Là, la voyez-vous frémir ?

Mais je dois à la décence ne pas en dire plus.

Toutefois « quand la lune eut vu neuf fois son croissant se remplir, Paphos naquit », qui donna son nom à la cité qui chaque année célèbre Aphrodite.

      Cypris est d’ailleurs le nom souvent donné à Aphrodite par les Cypriotes.

A Chypre où, comme à Rhodes ou Cythère (Cythérée), elle comptait ses plus fervents adeptes.

Cypris voyant Cypris à Cnide s’écria

Hélas, hélas ! Où Praxitèle m’a-t-il vue nue ?

Epigramme de l’Anthologie grecque

       Consacrés à Aphrodite, les poissons rouges (le cyprin doré) étaient élevés en son honneur à Athènes. Quant aux disciples d’Hippocrate, drôles de carabins, ils ont donné à une sécrétion, manifestation du désir sexuel, le nom de cyprine. J’en rougis comme cuivre, mais tout de même, tout ce que l’on apprend sans jamais oser le demander*2 ! Comme aurait dit Freud, je prends sur moi, « Ҫa laisse sans bras ! » 

 

12273231298?profile=originalCyprin doré dans un bassin du musée archéologique de Rhodes

12273231901?profile=originalVénus en armes

Collection Borghèse

(marbre, IIe siècle, complétée au XVIe ; musée du Louvre, Paris)

 

      Ah, elle en fit tomber des chefs notre Aphrodite Niképhoros, « porteuse de victoires », la Vénus Victrix des Romains ! Car même si d’Arès (Mars) elle accoucha d’Harmonie, je crois que jusqu’à Vercingétorix on en paya le prix, que toujours, n’en déplaise à Brennus, Vénus commande aux choses de la chair que malignement elle mêle à l’esprit.

 12273232486?profile=originalVénus d’Arles

Découverte en 1651 à Arles, copie romaine d’après Praxitèle,

 restaurée par Girardon.

Elle tient la pomme de Pâris, tout en réfléchissant face à sa psyché.

L’entendez-vous fredonner cette lointaine mélopée :

« Au-delà des mers, là-bas sous le ciel clair… mon pays et Pâris

… pour eux toujours mon cœur est ravi… »

(musée du Louvre, Paris)

 

Jules César lui-même, par l’entremise de sa tante Julia, qui eût Anchise comme aïeul, se prétendit parent d’Aphrodite.

Aphrodite, en effet, d’Anchise, jeune et beau berger apparenté à la famille royale de Troie, enfanta Enée*3. Enée, fuyant Troie saccagée par les Grecs, revenu des Enfers, finit par s’installer dans le Latium, devenant l’ancêtre de Romulus et Remus, fondateurs de Rome. Enée, dont descendent les Julii, la gens Julia. C’est ainsi que se bâtissent les empires. Et qu’Aphrodite est au fondement de notre civilisation.

12273234057?profile=originalTous enfants d’Aphrodite !

La Mère de l’eau (Vandmoderen)

Kai Nielsen (1882-1924)

(Copenhague, glyptothèque Carlsberg)

 

Quelle lignée tout de même que celle de notre Vénus Genetrix !

Une mère figurée dans un drapé moulant et suggestif. Tentatrice, elle nous apostrophe.

M’imagine-t-on en nourrice ? au gynécée…

En effet on ne la voit guère au foyer, vaquant aux tâches ménagères, la marmaille sur les bras. Portant un enfant, c’est pourtant ainsi que se présente l’Aphrodite courotrophe.

Rare et sage image d’une déesse-mère, car ce n’était pas l’instinct maternel qui prédominait chez elle, trop mariolle pour s’encombrer d’une progéniture certes pléthorique. Famille nombreuse, famille heureuse, peut-être, mais seul son petit Eros préféré savait lui procurer toute la félicité.

Bien plus que deux amours, elle avait cependant deux vertus. Celle que l’on prêtait à Aphrodite Apostrophia de faire oublier les amours contrariés. De changer les cœurs et de vous purifier, un don d’Aphrodite Verticordia que l’on invoquait.

« Dis à ta déesse qui tu veux que sa force plie à ton amour. »,

Sappho (ca 630-580 av. J.-C.)

 

12273234270?profile=original Vénus Genitrix

Copie romaine d’après un bronze de Callimaque.

Callimaque était surnommé le catatexitechnos, le « trop minutieux ». 

 Mais comment lui reprocher, et ne pas frémir devant ce drapé « mouillé », être tenté par cette pomme à croquer ?

(marbre de Paros ; musée du Louvre, Paris)

 

Nous suivrons encore la versatile, les poètes ne me contrediront pas, la matière est fertile.

 12273234660?profile=originalAphrodite du type du Capitole

avec Eros monté sur un dauphin.

(copie romaine d’après Praxitèle ; marbre ; musée du Louvre, Paris)

 

Et nous accompagnerons encore, par parenthèses, sa parentèle.

 

12273235485?profile=original Eros (Cupidon)

« Celui qui est touché par l’Amour ne marche jamais dans l’ombre. »,

Platon (ca - 427/- 348)

Attention toutefois au fripon Cupidon car « son jeu est cruel.

Son cœur est méchant mais sa langue est de miel. 

Ne touche pas aux traîtres dons du plus beau des dieux immortels.

Son trait est petit, mais il atteint le ciel. »

(IIe s. ap. J.-C., marbre, musée du Louvre, Paris)

 

12273235071?profile=originalTorse d’Aphrodite du type de la Vénus d’Arles

(Ecole de Praxitèle ; musée archéologique de Rhodes)

 

A suivre…

En attendant, vous aimerez peut-être retrouver ici la première partie de ce billet :

 https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/a-paphos-l-effront-e-aphrodite-f-t-aphrodite-1-5?xg_source=activity

 

Michel Lansardière (texte et photos)

 

*1 Que le poète latin Ovide, à qui l’on doit ces citations, nomme bien sûr Vénus.

*2 Cyprine… En conchyliologie, c’est aussi le nom donné à un coquillage, du genre vénus évidemment ; en minéralogie à une variété cuprifère de vésuvianite (ou idocrase) utilisée comme pierre fine. Quant aux « cheveux de Vénus », ce sont des cristaux aciculaires de dioxyde de titane, une forme de rutile donc, que l’on trouve en inclusions dans le quartz. Cette dernière appellation est aussi donnée, en botanique, à la nigelle de Damas.Sabot de Vénus étant une petite orchidée poussant dans nos Alpes.

*3 Curieuse analogie, Enée, Æneas en latin, signifiant de cuivre (ou d’airain, bronze). Chypre tient également son nom du cuivre natif, cyprium, dont elle détenait de fabuleux gisements, que l’on trouve mentionnés dans des inscriptions mésopotamiennes du IIe millénaire évoquant le cuivre d’Alasia (aujourd’hui Enkomi, ou Tuzla pour les Turcs). Par contre, pas de marbre à Paphos comme sur le reste de l’île, il venait donc de Paros. Et Cypris est un autre nom d’Aphrodite, j’y reviendrai…

Lire la suite...

12273226268?profile=originalNaissance de Vénus, 1863
Alexandre Cabanel (1823-1889)
(musée d’Orsay, Paris)

       Au commencement, si l’on en croit la Théogonie d’Hésiode, furent d’abord créés Chaos, Gæa (le Terre) et Eros (l’Amour, force primitive)…

Gæa engendra le Ciel, Ouranos, les montagnes, Ori, et la mer, Pontos.

Puis, avec un sens de la famille qui force le respect, Gæa s’unit à Ouranos et ils donnèrent ainsi naissance aux Titans, aux Cyclopes et aux Géants. Sacrée filiation.

      Ouranos était un dieu fort sourcilleux. Il craignait que ses enfants ne lui ravissent le pouvoir, aussi, afin de contrer leurs noirs desseins, les enferma-t-il dans le ventre de Gæa, devenue son épouse. Elle en prit ombrage et ourdit un plan avec son fils Cronos, le plus jeunes des Titans…

Alors qu’Ouranos gagnait sa couche, toujours prêt à honorer sa moitié, Cronos, s’approchant en tapinois, trancha net les parties viriles de son père dépité.

 

12273226862?profile=originalOuranos dépité, la lippe pendante...

Mais... c'est une fille... bah, appelons-la Aphrodite Ourania

(falaise proche de Pétra to Romiou, Paphos, Chypre)

 

Et le sang*1 s’épandit dans la mer…

 

12273227253?profile=originalVénus anadyomène

Jean Auguste Dominique Ingres (1780-1867)

(musée Condé, Chantilly)

 

De l’écume (aphros) se forma, d’où surgit Aphrodite Anadyomène (« sortie de la mer »). A Cythère précisément, une île grecque entre la Crète et le Péloponnèse, et, de là, portée par le doux Zéphyre, gagna Chypre, l’île d’Aphrodite.

 

12273226679?profile=originalPétra tou Romiou

« Le souffle du vent d’ouest l’a portée

De l’écume jaillissante et par-dessus la mer profonde

Jusqu’à Chypre, son île, aux rivages frangés de vagues. »,

Homère (VIIIe s. av. J.-C.)

 

Là, exactement, sur la plage d’Achni, à Pétra tou Romiou, le rocher d’Aphrodite, près de Paphos. Elle prit ainsi le nom de Kyprogéneia, « née à Chypre » (il est vrai qu’à Cythère, de mauvais esprits sans doute, la disent Kythéreia, née là-bas !).

« Tous furent émerveillés à la vue de Cythérée

Aux cheveux ceints de violettes. », id.

Dont elle n’avait ni la discrétion ni la pudeur, nous le verrons.

Et l’onde de choc se propagea…

 

12273227471?profile=originalVénus à Paphos (ca 1852)

Jean Auguste Dominique Ingres (1780-1867)

(musée d’Orsay, Paris)

 

Dire qu’elle était parfaite…

Que la colombe était son emblème.

 

12273227095?profile=originalAphrodite, « radieuse déesse dorée »,

ointe qu’elle fut d’huile immortelle à sa sortie de l’onde par les Charités.

Elle reprend ici le modèle créé par Praxitèle à Cnide,

qui vaut mieux que les vertus aphrodisiaques prêtées à la cantharide.

(marbre, 1er siècle av. J.-C., musée de Chypre, Nicosie)

Blanche comme l’écume, dure comme le marbre, aux proportions idéales, telle le nombre d’or. Un canon vous dis-je, la callipyge. Et ardente avec ça, voire impertinente, l’innocente !

 

12273228088?profile=originalAphrodite callipyge (« aux belles fesses »)

(marbre, début XIXe, d’après l’antique.  

Parc du château de Chantilly.

Original conservé au musée archéologique de Naples)

 

Dessous le nom de Vénus belle-fesse ;
Je ne sais pas à quelle intention ;

Mais c’eût été le temple de la Grèce

Pour qui j’eusse eu le plus de dévotion.

Que jamais l’art abstrait qui sévit maintenant

N’enlève à vos attraits ce volume étonnant.

(La Fontaine, pour les quatre premiers vers, Brassens pour les deux suivants. Nos deux poètes auraient, n’en doutons pas, apprécié ce partage)

 

Qui vous embarque pour ses fêtes galantes.

Laissez-vous donc emporter par ce tourbillon…

      Aphrodite, déesse de l’Amour, préside au bonheur et à la fidélité des couples… Pourtant, de son temps, la déesse de la Volupté, mit plus que de raison le feu au panthéon, multipliant les accrocs, déclenchant les passions.

      Elle se maria à Héphaïstos, maître du feu, patron des forgerons, difforme il est vrai, mais qui ne portait alors de cornes !

 12273227868?profile=originalNaissance de Vénus, 1879

William Bougereau (1825-1905)

(musée d’Orsay, Paris)

 

A Chypre même, elle recueillit Adonis bébé, qu’elle confia à Perséphone, reine des Enfers. Toutes deux s’enamourèrent du bel adolescent qu’il était devenu. Zeus intervint avant que l’orage ne gronde et ne devint tempête. Il demanda à sa fille Calliope, une des Muses inspiratrices des Arts et Lettres, de trancher le différend. La messagère partagea équitablement le temps entre les deux rivales, tout en laissant quatre mois l’an à la guise d’Adonis.

      D’une liaison avec Arès, dieu de la guerre et son propre beau-frère, Aphrodite eut quatre enfants, dont un petit Eros, enfant charmant certes, ailé et joufflu, mais archer maladroit ou facétieux, c’est selon. Et qu’il ne faut pas confondre avec le dieu primitif de l’Amour. Car il pouvait taper sur la mandoline, bambino !

       Ce qui n’empêchait pas Aphrodite d’être toujours éprise d’Adonis qui, pour se distraire, partit à la chasse. Arès, éternel tempérament orageux, de l’éphèbe envieux, se changea en sanglier et chargea mortellement l’impudent imprudent qui saigna abondamment. A tire-d’aile la déesse en détresse « sur son char traîné par des cygnes, s’élance dans les plaines éthérées. », Ovide. Elle « ne touchait pas encore au rivage de Chypre, mais elle reconnait de loin les gémissements d’Adonis mourant. » D’une flaque répandue elle fit éclore l’anémone, d’une goutte naquit l’adonide goutte-de-sang. Une épine au pied piqua la déesse et que croyez-vous qu’il advint ? une rose blanche pour la jolie maman se mua en rose rouge. Si ce n’est pas du charme, je rends les armes!

12273228289?profile=original

Vénus conduite par l’Amour auprès d’Adonis mort

Bertoja (Jacopo Zanguidi, dit ; 1544-1573)

(musée du Louvre, Paris)

Funeste destin et gros chagrin pour notre héroïne après ce coup de boutoir. Elle obtint de Perséphone qu’il revint la moitié de l’année au Royaume des vivants.

 

12273228856?profile=originalVénus et l’Amour

(Ecole française, XVIe s ; musée Condé, Chantilly)

 

De Poséidon (Neptune), qui préside aux profondeurs marines, et sacré « ébranleur de la terre », deux enfants naquirent, dont une fille, Rhodos, dont l’île de Rhodes tient son nom.

De Dionysos, né de la cuisse de Jupiter (Zeus), dieu de l’ivresse et de la transe - enfin elle le prétendit, il était en voyage… mais Adonis passait par là – elle accoucha de Priape, dieu de la fécondité, pas vraiment attirant mais au naturel si érectile…

Tandis que d’Hermès (Mercure), un dieu très leste et remuant, elle aurait eu Hermaphrodite, au caractère ambivalent hérité de ses parents.

      Et lorsqu’elle ne séduisait pas le tout Olympe, elle semait la zizanie dans les couples les plus unis !

Belle d’entre les belles. Les têtes tournaient, la jalousie rongeait les cœurs les plus endurcis…

 

12273228879?profile=originalAphrodite et Eros, dite Vénus Felix

Alors, heureuse ?

Epoque romaine impériale,

d’après l’Aphrodite de Cnide de Praxitèle

(musée Pio Clemento, Vatican)

 

      Au mariage de Pelée, roi d’Egine, et de Thétis, la splendide Néréide, Eris, la déesse de la discorde ne fut pas de la noce. Lors du repas, elle lança « à la plus belle » une pomme d’or cueillie au jardin des Hespérides. Héra, Athéna, Aphrodite se reconnurent dans l’invective. Chacune voulut donc, à juste titre, gouter à cette golden et la défendre de la convoitise des deux autres.

12273228676?profile=originalLe jugement de Pâris, 1562

Léonard Limosin (ca 1505-1576)

Email de Limoges ; d’après une gravure de Marc-Antoine Raimondi

exécutée d’après un tableau perdu de Raphaël.

(Musée national de la Renaissance, Ecouen)

Pâris, le petit berger, simple mortel, quoique fils de Priam, roi de Troie, à la demande de Zeus, dut trancher le différend. Aphrodite lui promit alors la Belle Hélène et, Pâris ainsi tenté élit Aphrodite évidemment. Pomme de discorde qui déclencha la guerre de Troie… Le ver était dans le fruit.

 

12273227695?profile=originalMars et Vénus

Paolo Caliari, dit Véronèse (1528-1588)

Taquin, Cupidon (Eros) badine avec un chien, symbole de fidélité, tandis que Mars (Arès) se désarme devant Vénus (Aphrodite) qui s’amuse d’une girouette. Au moulin elle batifole, au four Vulcain (Héphaïstos) forge sa vengeance.

(musée Condé, Chantilly)

      Couchée dans le foin, le Soleil fut témoin, selon Ovide, « du commerce adultère de Vénus et de Mars » et celui-ci livra « au fils de Junon (Vulcain-Héphaïstos) les infidélités et l’asile qui en est le théâtre. » Alerté, Vulcain les surprend « réunis dans la même couche ]…[ et les enchaîne au milieu de leurs embrasements. » Il fit alors entrer les dieux de l’Olympe ; à la vue de ce spectacle « les Immortels éclatèrent de rire, et cette aventure servit longtemps d’entretien à la céleste cour. »

Vulcain, à la demande expresse de Neptune, libère pourtant les amants de leurs liens. Ce qui ne suffit pas à calmer l’ire de la déesse.

« La déesse de Cythère tire de cette révélation une mémorable vengeance ; elle veut qu’à son tour celui qui a trahi ses mystérieux amours soit trahi dans des amours semblables. Que peuvent, ô fils d’Hypérion (le Soleil, que les Romains assimilèrent à Apollon), ta beauté, ta chaleur, et l’éclat de tes rayons ? » Elle frappe le Soleil d’un désir ardent pour Leucothoé, un feu irréfléchi. N’ayant plus d’yeux que pour cette vierge, il délaisse ses amours passés, Rhodos, Clyméné et Clytie.

Pour la séduire et l’abuser, il prend la forme de sa mère, Eurynome. Clytie, folle de jalousie, dénonce le subterfuge au père, Orchamus. Scandale dans la famille, ce dernier, implacable, fait enterrer sa fille vivante. Le Soleil, n’y pouvant mais, répand sur le corps de Leucothoé un nectar odorant. Et la Nymphe, trempée de l’essence divine, devint encens (boswellia).

Eplorée, Clytie se tourna vers le Soleil, changée en héliotrope (ou en tournesol*2 dans une version courante de la légende). Depuis elle suit éternellement sa course.

 

 

12273229253?profile=original

La métamorphose de Clytie en tournesol

Un… De… Troy… Soleil !

Jean-François de Troy (1679-1752)

(musée Bossuet, Meaux)

 

Honteuse malgré tout des conséquences de son effroyable courroux, Vénus partit se rafraîchir les idées dans sa retraite de Paphos, tandis que Mars battait la campagne en Thrace.

Ah l’Amour !

Et vous, sacrifierez-vous à son culte ?

A suivre…

 

Michel Lansardière (texte et photos)

*1 De ce sang primordial et de la divine semence naîtront également des Géants et les Erinyes (Furies), dont la charmante Mégère. Quelle engeance !

*2 Le tournesol, ou girasol ou soleil, de nos campagnes aurait été introduit en Europe par les conquistadors au XVIe siècle… alors que l’héliotrope d’Europe était répandu dans tout le bassin méditerranéen. L’héliotrope, ou jaspe sanguin, est aussi une variété de calcédoine verte mouchetée de rouge évoquant des taches de sang. Taches que l’on observera plus aisément en mouillant la pierre et en la tournant vers le soleil avant de la sculpter (« pierre des martyrs ») et de la polir. Tandis qu’en peinture l’héliotrope est une nuance de violet. Le girasol également est une variété d’opale ou de quartz chatoyants qui accrochent les rayons du soleil.

Lire la suite...

Vous le trouverez ici, directement sur le blog de mon site principal qui fonctionne en synergie avec celui-ci (si vous ne voulez rien rater des prochaines publications de ce nouveau blog abonnez-vous-y).

Mais ne ratez surtout pas cet article : il vaut bien un petit "clic' de souris et même davantage, car vous y trouverez quelques-unes des aquarelles de "démo" réalisées ici et là pour permettre aux participants de comprendre comment aborder les techniques d'aquarelle simplifiée que j'ai pu mettre au point pour mes carnets de voyage, et comment les appliquer rapidement et avec un succès quasi certain presque à tous les coups !

Je reviendrai bientôt (dans un prochain article de mon site principal) avec une vidéo, sur plusieurs variantes de sujets réalisés selon ces procédés d'aquarelle simplifiée, en reprenant quelques séquences tournées lors de ce même stage d'aquarelle en Provence, puis nous continuerons l'aventure du Grand Barrenc dont la vidéo également en cours de montage résume à elle seule combien mes expériences de travail en état de flow et de créativité augmentée s'avèrent payantes pour la réalisations de jolies aquarelles de voyage simples mais vivantes et colorées.

Alors, à tout de suite, sur le blog de mon site principal, et si vous voulez vous aussi apprendre les techniques de l'aquarelle simplifiée, inscrivez-vous sans tarder aux prochains stages d'été en Jura Oriental !

12273227678?profile=original

 

Lire la suite...
administrateur théâtres

Exposition d’illustrations contemporaines chinoises, entre mythes et modernité

66bf858e119401396053e04633d95637-1493967438.png

Du 5 au 23 mai 2017, le Centre Culturel de Chine à Bruxelles accueille une exposition inédite :

plus d’une soixantaine de dessins et de peintures illustrant les origines de la civilisation chinoise ainsi que les aventures de ses héros mythiques sont mis en lumière à Bruxelles sous le nom « Where the dream begins : Creating the World » (« Là où le rêve commence : la création du monde »).

Quatre des artistes exposés ainsi que des représentants de la Shanghai Chinese Painting Academy – maître d’œuvre de l’exposition –  se sont rendus  tout spécialement à Bruxelles pour  le vernissage de l'exposition. 

Une diversité des styles et des techniques

Au total, pas moins de 68 illustrations classées en 17 collections composent l’exposition. Chacune de ces collections mettra en image des styles chinois très distincts grâce à l’identité artistique marquée de chacun des artistes exposés.

Le visiteur est confronté avec une grande diversité des styles et des techniques utilisées : encre de Chine, peinture à l’huile, peintures traditionnelles chinoise, pastels et même images digitales figurent au programme.

Un nouveau souffle pour l’illustration et la bande dessinée chinoise

Cette exposition se veut moderne et contemporaine, toutes les œuvres exposées ayant été réalisées en 2016. Elle s’attache surtout à faire connaître l’Histoire de la civilisation chinoise au travers de sa thématique. La richesse culturelle de la Chine s’y ressent également : les artistes exposés sont de tous âges et proviennent des quatre coins de la Chine. Spécialistes de l’illustration et de la bande dessinée chinoise, ceux-ci partagent le même souhait : en prenant part au projet, ils espèrent apporter un nouveau souffle à la créativité chinoise et offrir des œuvres inédites au grand public. Ce  large projet de la Ville de Shanghai, berceau de la bande dessinée,  vise à illustrer l'histoire de la civilisation chinoise par le biais de réalisations d'artistes contemporains et "représente le fruit d'un travail récent de recherche sur les mythologies chinoises, très populaires en Chine, qui se transmettent tant à l'oral qu'à l'écrit", explique Jianjun Tan, vice-directeur de la Shanghai Chinese Painting Academy, maître d'œuvre de l'exposition. "Nous sommes ravis de voir que cette exposition permettra d'ouvrir un dialogue entre la Chine et l'Occident".

Les bandes dessinées de poche, ou lianhuanhua, ont été publiées pour la première fois dans les années 1920 et étaient une source majeure de divertissement public. Dans les années 1950 et 1960, ils ont même été utilisés pour faire connaître les politiques gouvernementales, en particulier pour les personnes qui ne pouvaient pas lire.  Les premières bandes dessinées présentaient des légendes folkloriques et des personnages d'opéra. Des illustrateurs notés ont été rédigés pour le travail. L'apogée des bandes dessinées a pris fin pendant la «révolution culturelle» (1966-76), mais ils ont commencé à revenir à la fin des années 1970 jusqu'au milieu des années 1980.  Les bandes dessinées étaient généralement vendues dans des kiosques à Shanghai, mais l'ère numérique rapide a détourné l'attention de nombreux jeunes lecteurs du genre.  "Nous espérons que cette série de plus de 30 œuvres basée sur des mythes chinois va relancer les bandes dessinées dans un cadre contemporain"

 

020170428201508.bmp“Pangu Creates the New World” by Feng Yuan part of the project “Creating the World — Literary and Artistic Works on Chinese Creation Myths.”

Axing Xi est un peintre au style unique adepte de l’art folklorique chinois, travaillant tout en nuances et avec une  inclination marquée pour le  mystère. Une des légendes contées en image est  celle de la création des humains par Fuxi et Nuwa.* 

Les deux divinités mythiques Fuxi et Nuwa  quittent en volant  les montagnes de Kunlun  pour aller vers l'ouest,  région désolée et désertique  à l’époque. Nuwa pense que ce serait merveilleux s'il y avait des humains  à son image  dans ce monde. Elle  ramasse alors  de la boue  de ses mains fait une copie d'elle-même,  d’après son reflet dans un ruisseau. Miraculeusement, une  figure de d’argile  apparaît. Nuwa  prend alors  une branche de rotin vert, la plonge dans la boue et agite la branche. Des milliers de gouttes de boue  sont projetées  dans toutes les directions à travers les airs. Nuwa tenant  le bras de Fuxi  vole dans le ciel. Comme l'air dans leur sillage est tombé sur les gouttes de boue, chacune est  immédiatement transformée en être humain. Tous les humains descendent alors au sol et se dispersent dans toutes les directions pour constituer  les premiers ancêtres de différentes tribus  humaines.

 Ici la légende de la princesse Leizu qui enseigna le tissage de la soie.

Image associée Xiaofang Ding peintre créatif s’attache lui à apporter une touche de modernité à la peinture traditionnelle chinoise.

 du 5 au 23 mai, être visitée en famille

12273225667?profile=original

 

ils ont intérêt à amener leur carnet de dessin car ils peuvent sûrement  y puiser de l'inspiration pour leurs  propres œuvres picturales! 

12273225100?profile=original

https://matricien.org/patriarcat/mythologie/nuwa/

China Cultural Center in Brussels

Adresse : Rue Philippe Le Bon 2, 1000 Bruxelles
Lire la suite...

12273216272?profile=originalFaites entrer les lauréats… (affiche)

      La ville de Paphos, un petit port tranquille de la côte sud-ouest de Chypre, a été choisie comme capitale européenne de la culture 2017 (avec Aarhus au Danemark).
Aussi ai-je décidé tout au long de cette année de vous présenter quelques aspects de la culture chypriote, riche de tant de siècles passés, variée de tant de cultures brassées.
Et comme le thème général retenu « Lier les continents, créer des ponts entre les cultures » me semblait fort à propos pour un site comme le nôtre…
       Dans cette introduction je vais m’attacher à mettre en avant quelques peintres et sculpteurs chypriotes.

12273216872?profile=originalYiota Ioannidou
Sol Alter
(bronze, 2016)

Ouvrons notre horizon…


Avec cette sélection forcément suggestive, et ce à plusieurs titres.
D’abord, seulement huit artistes contemporains ont été retenus par un jury dont je ne faisais évidemment pas partie.
Ensuite par le thème imposé pour cette exposition inaugurant l’année culturelle « Au départ les mythologies. »
Enfin, une seule œuvre par artiste était choisie.
Un choix restreint donc, mais qui a le mérite d’être celui des Chypriotes eux-mêmes.
       Cette exposition montre toute la vigueur de l’art chypriote. Chypre, un pays meurtri certes, toujours envahi, mais qui sans cesse se relève et avance. Chypre creuset de tant de cultures. Chypre d’aujourd’hui et de toujours.
Voici donc les artistes et les œuvres honorés pour commencer la saison culturelle...


Christos Foukaras (né en 1944). Après s’être formé à l’architecture à Nicosie, il poursuit ses études à Moscou, se spécialisant dans l’art décoratif (fresques, mosaïque, peinture murale, vitrail…) avant de s’installer quelque temps à Athènes puis de retourner à Chypre comme professeur d’art plastique, pour enfin pouvoir se consacrer à plein temps à son art.

12273217297?profile=originalLes aïeux
Tradition et modernité. Des demoiselles d’honneur qui ne sont pas sans rappeler les Ménines telles qu’interprétées par Picasso.
(huile sur toile, 1996)

Christos Christou (né à Paphos en 1950). Diplômé des Beaux-Arts de Paris, son cœur maintenant balance entre notre capitale et l’amour de son pays. Il mêle avec bonheur influences byzantine, Renaissance et modernisme.

12273217674?profile=originalLa naissance d’un ange
(acrylique et feuille d’or, 2010)


George Kotsonis (né en 1950). Peintre de la grâce et du bonheur, il a étudié à Londres puis en Chine et à Prague avant de retourner vivre et travailler à Paphos.

12273217890?profile=originalLéda et le cygne
(acrylique, 2014)

Léda, un thème éternel, ici revisité avec élégance et sensualité.


       Léda, épouse du roi de Sparte Tyndare, se baignait toute nue dans le fleuve Eurotas, quand un cygne s’approcha. Tonnerre ! C’était Zeus en personne ainsi métamorphosé qui déjà s’échauffait. Zeus, tout feu, tout flamme, qui faisait flèche de tout bois en ce temps-là, ne tarda pas à s’unir à Léda. Un œuf elle trouva, d’où éclot la Belle Hélène. Et d’un même élan conçut les Dioscures (« fils de Zeus »), les jumeaux Castor et Pollux.

Andras Charalambides (né en 1939). Après s’être orienté vers une carrière sportive dans une école de gymnastique d’Athènes, il bifurque et entre à l’Académie des Beaux-Arts de la ville. Il s’installe à Paphos où il adopte un style abstrait jusqu’à l’invasion turque de 1974. Il complète alors sa formation à Redding en Angleterre avant de retrouver la mythologie grecque et l’art byzantin comme sources d’inspiration et vivre paisiblement le reste de sa vie.

12273218489?profile=originalLe secret de l’Oracle
(acrylique et feuille d’or, 2005)

Andy Hadjiadamos, dit « Adamos » (1936-1960). Peintre, sculpteur, graveur et auteur né à Paphos. Il étudie en Afrique du Sud avant de retrouver son pays fin 1972 pour le quitter pendant les évènements tragiques de 1974. Il revient en 1980 s’installer dans sa ville natale. Si sa sculpture est imprégnée du travail de Henry Moore, sa peinture de l’art brut d’un Dubuffet, on sent ici l’influence prépondérante d’un Gauguin ouvrant ses bras au monde, ou d’un Munch.

12273218673?profile=originalL’homme jaune
Pacifique et rédempteur
Ecoutez son cri contre la Ligne Verte
(peinture sur bois, 1999)

Costas Economou, né en 1925. Il s’est formé à Morfou (aujourd’hui Güzelyurt dans Chypre occupé) puis à Londres avant d’enseigner à Nicosie. C’est un artiste réputé qui privilégie l’aquarelle sans pour cela dédaigner l’huile.

12273219294?profile=originalLe royaume des oiseaux
A la manière de Chagall, un rêve en couleurs.
(huile sur toile, 1999)

Stass Paraskos (1933-2014). Formé à Leeds. Influencé aussi bien par l’art byzantin que par celui d’un Matisse ou d’un Gauguin, qui décidément laissa son empreinte sur les îles.

12273219886?profile=originalPrintemps païen
(huile sur toile, 1968)

A ces sept peintres d’aujourd’hui s’ajoute la présentation d’une sculpture fort symbolique de Kypros Perdios.

12273219481?profile=originalPhoenix, oiseau mythique (albâtre gypseux, 1983)

Né d’un volcan, toujours occupé, humilié, écartelé, brûlé, Chypre à chaque fois renait de ses cendres et se régénère. Même si, comme l’écrivait Albert Camus*, devait revenir « l’heure des martyrs, aussi inlassables que l’oppression, et qui finissent par imposer à un monde indifférent la revendication d’un peuple oublié de tous, sauf de lui-même. »


       Hors les murs, deux œuvres de Yiota Ioannidou récemment installées ont été immédiatement adoptées par la population locale. La première, Sol Alter, accueillie comme étant « La Dame qui veille sur le port de Paphos. » Au pied de la seconde, j’y ai vu des messages de paix et de fraternité déposés par les passants.

12273220658?profile=originalLe petit pêcheur
(bronze, 2016)

Yiota Ioannidou (née en 1971) est une jeune artiste formée à Athènes et habitant Paphos. Un talent multiforme à l’étonnante maturité.

      Puisse cet article vous donner l’envie de découvrir ce pays, et Chypre retrouver, avec cette génération d’artistes, son Âge d’or.
Un des thèmes annexes pour 2017 est « Mythes et religion » (avec « Voyageurs du monde » et « Scènes du futur »), voilà donc un axe que je me propose d’emprunter tout au long de cette année. Nous aurons donc d’autres rendez-vous sur l’île d’Aphrodite…

12273220879?profile=originalA bientôt...

Michel Lansardière (texte et photos)

* Chypre était alors possession britannique. Camus réclama en vain la grâce de Michalis Karaolis dans un article pour L’Express du 6 décembre 1955, « L’enfant grec », qui fut pendu le 10 mai 1956. Il avait 23 ans. Devenue République indépendante en 1960, et malgré son intégration à l’Union européenne depuis le 1er mai 2004, Chypre reste amputé de 37% de son territoire, comme anglaisé d’une partie vive occupée par les Turcs depuis 1974. Sa capitale, Nicosie, est toujours coupée en deux…

Nota : le journal Beach News de Paphos m’a été bien utile pour la rédaction de plusieurs des courtes biographies données ici.

Lire la suite...

Un petit "bonjour" et de nombreuses nouvelles

Je ne vous oublie pas, mes chères et chers amis (es) d'Arts et Lettres, mais de très nombreux déplacements, des activités intenses, ne me laissent pas une minute, et si je veux garder toute sa place à une bonne santé physique pour me permettre tout cela, il m'est encore plus difficile de dégager du temps pour publier sur les réseaux sociaux et venir vous voir souvent (même si je passe régulièrement).

Cependant, je vous donne quelques nouvelles (entre deux voyages, et parmi 1000 autres choses) résumant un peu ce premier trimestre 2017 qui est passé à un vitesse folle :

- La naissance de mon nouveau site Web (et du blog qui l'accompagne) :

- Un stage d'aquarelle dans un univers hivernal :

- Une vidéo (et un article expliquant cette démarche sur mon nouveau blog) pour fêter le printemps :

Lire la suite...
administrateur théâtres

Sur une page blanche

Trop petite
Pour tout retranscrire...

Sur une page blanche
Trop fade
Pour la couleur de l'Amour...
 

Sur une page blanche
Trop épurée
Pour refléter la réalité...
 

Sur une page blanche
Trop alignée
Pour le sens l'en souligner...
 

Sur une page blanche
Les pensées vagabondent
Pour s'y perdre...
 

Sur une page blanche
Les mots abondent
Pour la remplir...
 

Marianne Leitao
Ecrit le 8 février 2017

 ...Quelle belle occasion, à la lecture de ce poème délicat de Marianne Leitao, de "penser page blanche " et revoir comment nous utilisons cette page Facebook très désertée  qui se nomme:    "Les oeuvres et les membres en vedette sur le réseau ARTS ET LETTRES"

 La voici!   https://www.facebook.com/groups/364779173602534/ Allez la consulter! 

Liliane Magotte et moi-même en avons  alors discuté avec Robert Paul, le noble fondateur de ce magnifique réseau. Et Liliane a procédé bravement à un grand nettoyage de printemps, remontant jusqu'en 2012,  pour que la nouvelle page blanche soit  prête à recevoir toutes vos couleurs, vos sentiments et  vos créations et vos coups de cœur.

Pour que cette nouvelle page témoigne de vos envies de mettre à l'honneur notre beau  Réseau en utilisant  l'outil Facebook pour ce qu'il est. Pour ce faire, Robert Paul nous a d'ailleurs nommée 'administratrice's pour que nous fassions revivre ce bras mort... Et Bruges... revécut! 

280px-Brugge-CanalRozenhoedkaai.JPG

Les quais de Bruges…

    « Ces quais de Bruges, combien, dans ma pensive jeunesse je les ai suivis, confessés, aimés, – avec des coins que j’étais seul à connaître, à consoler, avec des maisons dont les vitres mortes me regardaient !
     Et, dans la prison des quais de pierre, l’eau stagnante des canaux où ne passent plus de navires, ni de barques, où rien ne se reflète que l’immobilité des pignons dont les arches décalquées ont l’air d’escaliers de crêpe qui conduisent jusqu’au fond. Et sur les eaux inanimées, des balcons en surplomb, des rampes de bois, des grilles de jardins incultes, des portes mystérieuses, toute une enfilade de choses confuses et déjetées qui sont accroupies au bord de l’eau, avec des airs de mendier, sous des haillons de feuillage et de lierre qui s’effilochent… »    –     Georges Rodenbach.

Ainsi dormait cette page Facebook longtemps oubliée...

Depuis une semaine nous sommes passés d'une trentaine de membres à plus de 110! Nous vous y attendons pour que vos nombreuses œuvres propulsées par notre beau réseau soient une vitrine de la vitalité de nos échanges. Visibilité augmentée, profitable à tous!

C'est donc ici! https://www.facebook.com/groups/364779173602534/


Prairial-40x100.jpgMais...  l'idée ne serait pas venue sans doute, sans cette soudaine décision d'organiser une  exposition de printemps avec Liliane Magotte! Elle exposera d'ici peu avec  les auteurs Joëlle Diehl-Lagae et Sandra Dulier dans les locaux de la très belle église, autrefois norvégienne, de All Saints à Waterloo, dont le vernissage aura lieu le samedi premier avril prochain... premier jour des vacances de Pâques 2017. Et ce n'est pas une blague!

Les cartons magnifiques de Liliane sont prêts. L'invitation se trouve ici:  

https://artsrtlettres.ning.com/events/spirals

En conclusion,

nous vous proposons rien moins qu'une RENCONTRE printanière entre les membres le jour du vernissage! Ce premier avril 2017 est donc une date à retenir   pour que  tous ceux  qui sont en Belgique. Qu'ils viennent boire le verre de l'amitié autour des œuvres de ... Liliane, Joëlle et Sandra.

 

Avec toute notre amitié, Liliane et Dominique-Hélène (dite Deashelle)

 

Lire la suite...

12273200479?profile=originalFresques de l’ancienne église patriarcale de Veliko Tarnovo (détail, 1981)

      S’il est des mystères que l’on ne saurait percer, continuons néanmoins à livrer quelques clefs.
Bien qu’animé par le sens de la narration historique, Sokerov n’est pas un peintre d’Histoire à proprement parler. Mais nécessité de la commande fut ici sa loi, sa profession de foi.
Mais ici, la Matière, œuvre du Démon, aurait-elle transgressée l’Esprit, l’œuvre de Dieu ?
L’iconostase, qui sépare la Terre du Ciel, le fervent de l’officiant, doit-elle pour autant nous priver de l’extase ?!

12273200857?profile=originalDamnation éternelle, le Ciel n’est jamais loin de l’Enfer
Prédelle (et de Toi mon Dieu) de la fresque « Célébration de la Ste Vierge Marie »
Entrée centrale de l’église principale du monastère de Rila.

Et faut-il pour cela brûler Sokerov ? le soumettre à l’ordalie ?


       Afin d’illustrer mon propos, je me contenterai de vous en conter un épisode oublié et spécifiquement bulgare. C’est l’histoire édifiante, triste et sanglante de l’hérésie bogomile…

12273201466?profile=original

      En 864, l’Etat bulgare, fondé en 681, fut converti au christianisme orthodoxe sous le règne de Boris 1er, khan puis tsar de 852 à 889, qui la déclara religion officielle*1.

12273201058?profile=original

Le pays prospère et connait son « siècle d’or » avec Siméon 1er le Grand, qui régna de 893 à 927, abandonne la capitale païenne de Pliska, prenant pour capitale chrétienne Veliki Presla.

12273201098?profile=originalSiméon 1er (864-927)
« Beach’art » au bord de la Mer Noire
(digue de Primorsko ; artiste non identifié)

Mais en 1018 la Bulgarie est conquise dans le sang par Byzance. Et connait des conflits internes autour d’une nouvelle hérésie, le bogomilisme…
       Les Bogomiles doivent leur nom au pope Bogomil, l’ami de Dieu, aux idées si bien arrêtées que, forcément, il ne pouvait rester en odeur de sainteté. Pour lui et ses disciples, pas de nuances, il y a le Bien (Dieu) et le Mal (Satan), point final, et le monde matériel tout entier est l’œuvre de Satan, point de salut. Plus dualiste tu meurs.
Ils prescrivaient l’ascèse totale et rejetaient la hiérarchie ecclésiastique officielle et son rituel. Ils connurent un certain écho. Voilà même que ces idées se répandirent comme oint béni sur un bas clergé prêchant contre l’autorité, les riches et les puissants. Et c’est là que le bât blessait. Mauvais Bougres (du bas latin Bulgarus, Bulgares !) pour l’autorité civile, sectaires et hérétiques pour l’autorité religieuse. Tant et si bien qu’en 1118, le prédicateur Vasili finit sur le bûcher, les traités du culte détruits, les derniers adeptes expulsés après le concile de Tarnovo en 1211.

12273202856?profile=original

Ils essaimèrent. On les retrouva en Bosnie, où ils adoptèrent la religion musulmane, en Italie, avec les Patarins, dans le sud de la France, chez les Albigeois, autour de Bugarach, sur le sentier cathare… Ils s’y fondirent, subirent de nouvelles persécutions, mis au ban, puis disparurent.
Et on les oublia.

Trêve de vaine casuistique, de querelles byzantines !
Le souffle de l’Histoire ne s’accorde pas toujours bien avec le rigorisme religieux. Si des mystères demeurent, point de sacrements*2.

12273203077?profile=original

      L’œuvre de Sokerov n’est pas un brûlot (et j’en connais de ces « brûlots », brandis par certains clowns, qui ne sont pas même des escarbilles), la controverse purement théologique, et ne requière pas la restauration d’un tribunal de la Sainte Inquisition. Elle est profondément ancrée dans l’histoire tourmentée de son pays, éclairante et tournée vers son avenir européen.

Une Europe que l’on souhaite libre, fraternelle et pacifiée. L’art, quel qu’il soit, devant y contribuer et animer la réflexion historique, ouvrant la voie du progrès. Et ces fresques sont un peu pour Sokerov et la Bulgarie ce que fut La liberté guidant le peuple pour Delacroix et la patrie, une allégorie.

" L’homme porte dans son âme des sentiments innés qui ne seront jamais satisfaits par les objets réels, et c’est à de tels sentiments que l’imagination du poète et du peintre donnera forme et vie."
                                                                                 Eugène Delacroix (1798-1863)

Une égérie dépoitraillée que l’on jugea de mauvais goût, pire, subversive, devenue une icône, un manifeste, un drapeau national sur les tours de Notre-Dame.
Osons, et poussons le parallèle un peu plus loin.
      Pour sa Liberté, avec « Cette tête sans caractère, ce corps à demi nu, ce sein déformé, dont les carnations sont flétries, ]qui[ ne répondent certainement ni à la pensée du peintre ni à l’idée que nous avons de la liberté noble et généreuse qui a triomphée le 28 juillet » selon le Moniteur universel après son accrochage au salon de 1830, Delacroix s’est inspiré du modèle grec. La Grèce libérée de l’occupant turc la même année. Il faut dire que l’émotion suscitée en Europe fut forte après le massacre de Chios de 1822 (cf. un autre tableau célèbre, Les massacres de Scio de 1824, du peintre). Et grande la soif d’indépendance. Ainsi la Bulgarie sera délivrée du joug ottoman en 1878.

« Au sein de l’Europe renaissait un peuple fameux. »
                                                                                        Guerrier de Dumast, 1822

Il suffit parfois d’artistes de cette détrempe-là ! Des artistes capables d’une vision, pas de produire de simples vues ou de fumeuses installations et autres performances, de fulminer une bulle !

« La peinture n’est pas faite pour décorer les appartements.
C’est un instrument de guerre offensive et défensive contre l’ennemi. »
                                                                                       Pablo Picasso (1881-1973)

Porteuse de lumière, gardienne de la démocratie.
      Toutefois, à la fin des années soixante-dix, la République populaire de Bulgarie est toujours tenue d’une main de fer par le vieux président Todor Živkov. Mais sa fille Ludmila, indépendante, ouverte, mystique et peu appréciée du grand frère soviétique, lève un vent de libéralisation dans le monde culturel dont elle devint la grande prêtresse. Elle meurt, assez mystérieusement, à trente-neuf ans. Le parapluie s’est refermé.


« L’étymologie même de la notion de culture est un hommage à la lumière, ]…[ qui fait avancer la nature et l’homme vers les marches de l’évolution. »,
                                                                                   Ludmila Živkova (1942-1981)


      Dans ce contexte, on remarquera dans la peinture de Sokerov, cette ambiguïté et ce savant mélange, réalisme socialiste, douceur et tradition des icônes, modulations plastiques, traitement en grisaille et larges aplats pour les épisodes dramatiques… Son chromatisme s’accorde aux méandres de l’Histoire. Il adopte tous les styles pour mieux les interpréter, tout en gardant sa personnalité, son modernisme. Sa palette semble embrasser tous les styles et toutes les époques pour mieux les traverser, les transcender.

12273203487?profile=originalSortir du cadre, voir au-delà…
(Sculpture érigée en hommage à Tsanko Lavrenov, peintre bulgare, Plovdiv)

Le poète a toujours raison
Qui voit plus haut que l’horizon
Et le futur est son royaume.
                                                                                            Jean Ferrat (1930-2010)

12273204269?profile=original

      Quant à Sokerov, sans angélisme ni iconoclastie, sans même un repentir, il poursuit, en quête d’équilibre, rythme et beauté.

« Un ordre est harmonieux qui ne laisse rien au hasard »
                                                                                   Thomas d’Aquin (1225-1274)

Mais si on pense le mettre à l’Index, on se fourre le doigt dans l’œil.
      D’un coup, j’y songe… Peut-être eût-il fallu, pour trancher ce nœud gordien qui nous préoccupe depuis le début, un nouveau Daniele Ricciarelli da Volterra …?

En l’an 1564, quelques vingt ans après sa réalisation et à la veille du décès du divin Buonarroti, cet ancien collaborateur de Michel-Ange - et quand on sait qu’il fut l’élève de Sodoma - jeta, à la demande de la congrégation du concile de Trente, un voile pudique sur les parties honteuses du Jugement dernier de la Chapelle Sixtine. Pour sa peine et ses repeints il y gagna le sobriquet d’Il Braghettone, « le Culottier » ! Convenez que pour sa renommée, les trompettes sont depuis bien mal embouchées.

Alors, profane, Teofan n’en a cure.


« Oh sort inique, si le temps doit corrompre et détruire aussi ceci ! »
                                     Le Titien (ca 1490-1576), à propos du Jugement dernier.

      Pourtant, je vous le dis, Le chemin assuré de paradis passe par la renonciation de la volonté à regarder les femmes, comme l’écrivait en 1627 le capucin Alexis de Salo avec l’approbation de son supérieur Vincent de Caravage. Car, précise-t-il dans son chapitre, « L’appétit du plaisir qui est en la chair (dit le grand Saint Basile) sort comme d’une source, se dilate par tous les sens et touche les yeux comme avec certaines mains incorporelles tout ce qui est à son gré ; et ce qu’il ne peut des mains, il l’embrasse des yeux. »
Concomitamment, Jean Polman, chanoine théologal de Cambrai, on est plus à une bêtise près, surenchérit dans Le chancre ou le couvre-sein féminin, dont j’extraie ce dantesque et haletant morceau d’anthologie :
« Les mondains, les charnels, les enfants de Babylone dardent des regards lascifs vers le blanc de cette poitrine ouverte ; ils lancent des pensées charnelles entre ces deux mottes de chair ; ils logent des désirs vilains dans le creux de ce sein nu ; ils attachent leur convoitise à ces tertres bessons ; ils font reposer leur concupiscence dans ce lit et repaire des mamelles et y commettent des paillardises intérieures. »


Quelle peinture de mœurs ! Frères, serait-on dans le vestibule de l’enfer ?
Par Sainte Agathe*3, dire que je n’invente rien !

Pauvres prêcheurs… Charité, vertu théologale d’amour, figurée dans l’art par toutes les Maria Lactans et autres Galaktotrophousa*4, ne passera pas par ces prélats-là.

D’ailleurs, afin de mieux expier, je laisse le mot de la fin à l’inénarrable abbé Jacques Boileau (1635-1716) qui nous purge en égrenant son chapelet :
« Les femmes ]…[ par la nudité honteuse de leur gorge, de leurs bras, de leurs épaules ]…[ font ainsi triompher le démon dans les lieux mêmes destinés au triomphe de Jésus-Christ. », De l’abus des nudités de gorge.
Ironie de l’histoire, la Vierge pourrait bien corriger ces trois faux témoins de moralité à confesse. Un épilogue qui ferait bien rire Breton, Eluard et Ernst*5.

Bon, la peinture de Sokerov leur a pas plu, n’en parlons plus.
Enfin, moi, sous la torture, pour ne pas être cloué au pilori, ne pas être déclaré laps et relaps, j’avouerai que cette œuvre c’est quand même païen.


Quant à vous, vous pouvez retrouver mes deux premiers billets dédiés à cet artiste avant de vous prononcer :


Un monstre de la peinture moderne :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/teofan-sokerov-un-monstre-de-la-peinture-moderne-1-3

Une histoire contemporaine :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/sokerov-une-histoire-contemporaine-un-monstre-de-la-peinture

Michel Lansardière (texte et photos)

*1 Ce qui posa quand même un problème, auquel se dévouèrent les frères apôtres du verbe bulgare Cyrille et Méthode. En effet, la messe est alors dite en grec. Or, le peuple ne parle pas cette langue. Nos deux moines savants mirent donc au point un système de transcription en slavon, l’alphabet glagolitique, qui, simplifié, donna l’alphabet cyrillique, leur valant la vénération des fidèles et qui connaîtra une large diffusion puisqu’il fut adopté jusqu’en Mongolie, en 1941. « Progrès faciles grâce à la méthode à Cyrille. »
*2 Mystères et sacrements ont la même origine, les chrétiens ayant d’abord employé le mot « mystère », mysterium, puis le mot sacrement, sacramentum, « serment ». Même rapprochement pour bougres et Bulgares, qui ont la même étymologie, comme nous l’avons déjà vu. Si les sacrements sont administrés par l’église chrétienne, apostolique et romaine, pour les plus orthodoxes les mystères demeurent. Quant à boule de gomme

*3 Agathe de Catane, vierge et martyre, se vit sur le chevalet arracher les seins pour s’être refusée au puissant proconsul Quintien. Depuis les femmes outragées s’en recommandent. Elle est abondamment représentée en peinture, notamment par Zurbarán, Bellegambe, della Francesca, del Piombo, Tiepolo… et vénérée aussi bien par les Eglises orthodoxe que romaine.

*4 Vierge allaitante que l’on trouve aussi bien dans l’iconographie chrétienne d’Occident (Van Eyck, Van der Weyden, Rembrandt, Campin, Mabuse, Michel-Ange, Crivelli, Fouquet, Baldung, Le Greco…) que d’Orient (icônes grecques, turques, russes, chypriotes…). Charité que l’on retrouve dans l’Allégorie du bon gouvernement, telle une figure de proue torse au vent dominant l’effigie centrale, cette fresque de Lorenzetti du Palazzo Publico de Sienne. Tandis que dans les Effets du mauvais gouvernement règnent vices et Division. Sienne, Commune Saenorum Civitatis Virginis, ville de la Vierge.

« Ô glorieuse Dame

Assise plus haut que les étoiles

Tu donnas à ton Créateur

Le lait de ta sainte mamelle. »,

Venance Fortunat (530-607).

Subséquemment, ces directeurs de conscience, comme le caporal casse-pompon, cagots et militaires, aussi bien que punaises de sacristie, peuvent aller se faire lanlaire !

*5 Ce dernier réussit à être excommunié par l’Eglise catholique pour sa toile de 1926 La Vierge corrigeant l’enfant Jésus devant trois témoins, cités à comparaître, et exclu du groupe surréaliste en 1954 par le pape Breton ! Messieurs les censeurs, il est libre Max !


Nota : la documentation sur Teofan Sokerov étant quasi-inexistante, son interview par Zheni Vesilinova pour Europost en 2013 m’a servi de fil rouge. Mais, prêt à en découdre, je l’ai souvent perdu ! Alors, quoique méthodique, j’ai brodé (au point de croix).

Lire la suite...

12273197474?profile=originalFresques de l’ancienne église patriarcale de la Résurrection du Christ,
Veliko Tarnovo, Bulgarie (détail, 1981)

      Les artistes bulgares contemporains les plus célèbres dans le monde occidental sont incontestablement les emballants Christo (Christo Javacheff et Jeanne-Claude Denat de Guillebon, nés en 1935), papes du land art, et Andrey Lekarski (né en 1940, franco-bulgare), peintre et sculpteur qui verse dans l’hyperréalisme fantastique. Mais tels ne sont pas mes sujets.


       Pour autant, Sokerov n’est pas un inconnu, il ne souffre donc pas d’un déficit de reconnaissance. L’acteur américain Morgan Freeman s’est pris de passion pour son œuvre et a acquis une série de ses toiles. Et le tout Hollywood n’est pas en reste. On aperçoit d’ailleurs ses tableaux dans un épisode du feuilleton à succès Amour, gloire et beauté.
De son côté, l’écrivain russe Dimitri Bikov, à qui on doit le roman La justification et une biographie de Boris Pasternak, le considère tout bonnement comme le plus grand peintre européen vivant. C’est dire qu’il n’attend pas après mon billet pour se bâtir une petite réputation !
D’ailleurs, il a reçu pour sa peinture le prix Dimitrov, la plus haute récompense du pays, du nom de ce peintre, Vladimir Dimitrov (1882-1960), considéré comme le Maître de la peinture bulgare du XXe siècle, plus ou moins rattaché aux fauves davantage qu’aux expressionnistes.
Le monsieur ne manque donc pas de distinctions.


       Quant à son style il est avant tout unique. Alors, bien sûr, lorsqu’on voit cette fresque, on pense assez spontanément à Picasso et à son Guernica. C’est dire le choc devant un tel ensemble, sur lequel planent des réminiscences du Greco ou de Goya. On pense aussi à Georges Rouault, pour la ferveur et l’intériorité. Mais un Rouault que n’effraierait pas la démesure. Bernard Buffet peut-être, si ce dernier ne s’était pas perdu dans son reflet, quand bien même son travail mérite d’être revisité. Ernst Ludwig Kirchner parfois, qui vit son art déclaré dégénéré
D’autres artistes bulgares ont probablement exercé leur influence sur lui. Citons notamment Ivan Milev (1897-1927), chef de file de la Sécession bulgare ; le peintre expressionniste américain d’origine bulgare Julius Mordecai Pincas, dit Jules Pascin (1885-1930) ; le surréaliste Georges Papazoff (1894-1972) ; Tsanko Lavrenov (1896-1978), le chantre du Réveil national, enfin.

12273197659?profile=original

Balayant les siècles, il a insufflé à ses fresques tout le sens de l’Histoire. Un peu à la manière d’un Diego Rivera (1886-1957) relatant l’Epopée du peuple mexicain d’aujourd’hui à demain, ou d’autres muralistes, tels José Clemente Orozco et David Alfaro Siqueiros. A la suite d'un Ernest Pignon-Ernest, par exemple, certains artistes urbains actuels se réclament de cette démarche syncrétique dans leurs compositions.

12273197299?profile=original

Et pour ce qui est de ses toiles plus personnelles, elles peuvent se rapporter à celles de Salvador Dali, à qui il se confronta, le maître aimait jouer, et qui sera son ami. Dans son pays, il se lie avec Zlatyu Boyadzhiev (1903-1976), portraitiste et paysagiste au style néoclassique, qu’il assista après que celui-ci eût perdu l’usage de sa main droite.

12273197095?profile=originalSalvador Dali, L’Annonciation (dit aussi La Trinité, 1960)
Etude pour Le concile œcuménique
Collection d’Art contemporain du Vatican

      Mais Sokerov est avant tout un peintre bulgare qui a su digérer la riche culture de son pays et la transcender dans une rayonnante modernité. Il est exposé à la Galerie d’Art de Sofia, la plus belle collection d’art bulgare du pays, ou au Musée Ludwig d’art contemporain de Budapest.

12273197889?profile=originalUne Madone pleine de grâce.
Comme un soleil descendu du ciel
Sokerov est Sokerov

Un art moderne habité, à la croisée des chemins et des époques, imprégné de références culturelles autochtones.

12273198873?profile=originalTelle une Vierge Eléousa
Oui, où est-elle, se demande-t-on parfois, cette Vierge de la Tendresse,
pleine de compassion, d’amour pour l’humanité ?

Je pense aux icônes bien sûr, partout présentes, et à la peinture byzantine, dont il a su assimiler et réinterpréter la tradition, comme aux fresques du XIIIe siècle de l’église de Boyana, à la lisière de Sofia, qui annonçaient déjà la révolution de Giotto. Plus loin encore à ces « Mère de Dieu », Théotokos, de l’art de l’Empire byzantin sous la dynastie des Comnène des XI et XIIe siècles.

12273199089?profile=originalSainte icône
Cathédrale patriarcale Alexandre Nevski de Sofia

« Je me refuse à voir un Dieu formé dans le sein d’une femme ! »
                                                 Nestorius, patriarche de Constantinople au Ve s.

Il est parfois difficile de répondre au canon.


« Tonton Nestor vous eûtes tort, je vous le dis tout net,
vous avez mis la zizanie » (Brassens), tout rigoriste que vous êtes,
chez les Pères de l’Eglise.

Car l’hérésie nestorienne, qui fit suite à l’arianisme et autres hétérodoxies plus ou moins manichéennes, déjà agitèrent les esprits en Bulgarie, avant même les Bogomiles (dont je parlerai plus tard) ! Et il fallut bien des tentatives d’arbitrages, offices et conciles pour les apaiser, les saints frères Cyrille et Méthode pour normaliser la liturgie slavonne, les frères Pétâr (faut qu’j’arrête de fumer, moi) et Assen pour restaurer le royaume !

12273156683?profile=original Marie Théotokos, « qui porte Dieu »
Tokali Kilise (Eglise à la Boucle, Göreme, Capadocce, fresque du début du XIe s.)

      Au nombre des influences, on ne peut omettre non plus de citer Vladimir Dimitrov (1882-1960), dit le Maître, ni Zachary Zograph (1810-1853) et ses fresques de la chapelle Saint-Nicolas du monastère de Rila, fondé au Xe siècle par Saint Jean de Rila l’anachorète (Ivan Rilski, ca 876-946) ou, plus certainement, par ses disciples. Les bâtiments originels furent anéantis par le sultan Murad II (1404-1451), qui s’en repentit et, faisant amende honorable, facilita la reconstruction du monastère dans sa configuration actuelle par le protosébaste*1 Dragovol Hrelyo. Puis on fit revenir les saintes reliques en 1469. La construction est à nouveau détruite par un incendie en 1833 et restaurée entre 1834 et 1862 en plein Renouveau bulgare.

12273199276?profile=original « St Archange Michel et le riche » (XIXe siècle)
Narthex de l’église principale du monastère de Rila

Les fresques de Rila sont en fait une œuvre collégiale*2, mais Zachary Zograph est le seul avoir laissé son autographe – quel manque d’humilité ! – ce qui fait que l’Histoire, aveuglée, a retenu son nom.

12273199693?profile=originalFresque de la « Célébration de la Vierge Marie » (XIXe siècle)
Narthex de l’église principale du monastère « Nativité de la Vierge » de Rila

A suivre…


En attendant, retrouvez ici mon précédent billet :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/teofan-sokerov-un-monstre-de-la-peinture-moderne-1-3

Michel Lansardière (texte et photos)

*1 Dignitaire byzantin.
*2 Les meilleurs peintres de leurs temps ont été mobilisés. Zachary et Dimitar Zograph, Ioan Obrazopisov, Kostadine Valiov et Stanislas Dospevki de l’école iconographique de Samokov, dans le haut Rila, qui produit les meilleurs fresquistes au XIXe siècle. Dimitar et Simeon Molorovi de l’école d’art de Bansko, dans les monts Pirin, fondée par Toma Visanov (1750-1819). En 2010, on a retrouvé une dédicace lors d’une restauration : « 1840, Dimitri et Kostadine de Samokov, nous peignîmes cette chapelle. » Le monastère de Rila est classé au patrimoine mondial de l’Unesco.

Lire la suite...

Nous voici déjà sur la route convoitée...

Cette fois c'est bon, on y est presque !

12273196870?profile=original

Plus que par des images, c’est par des atmosphères, des sons, et des ambiances particulières que je vous invite à la découverte exotique de ce voyage en faisant suivre ici le dernier billet intégral de mon journal personnel.

-  Les aquarelles, les croquis ?

Je vous en reparlerai plus tard. Tout juste aujourd'hui, une simple aquarelle, témoignage d’un rivage battu par l’écume avec le paysage qui se fond dans une brume chaude et humide, et un petit montage que j'avais déjà publié ici…

C’est un premier contact essentiellement sensitif que je partage : celui qui m’a plongé dans l’univers très particulier de ce carnet de voyage. Une rencontre avec la force des symboles, la puissance de la vie, et le mystère des transmutations.

Aussi, c’est par une approche différente de l’image que je vous propose cette découverte : auditive avec ce billet, tant pis pour ceux qui ne prendront pas le temps d’écouter !

D'ailleurs, Internet ne pourrait-il être autre chose qu’une consommation effrénée d’images et de pseudo messages qui défilent à toute vitesse sans qu’on ait le temps de fermer les yeux et de s’immerger dans un rêve qui soit l’espace d’un instant la réalité transcendée, une réalité qui arrête le temps ? - Peut-il aussi être outil de rêve et de sublimation, pourvu qu’on s’en donne la peine ?

Faites une attentive parenthèse dans votre vie de seulement une minute dix secondes, là, maintenant, pour vous en tendant l’oreille et en écoutant, pour moi en vous proposant un enregistrement que je me suis donné la peine d’aller chercher là-bas, et dont je vous explique l’auditive perception.

Car les enregistrements et dessins que j’ai réalisés sur place, je voulais qu’ils soient plus forts que des images, qu’ils nous touchent autrement, avec la puissance de l’intériorité, du rêve et de l’imagination.

Je vous explique : d’abord, on entend au loin, mélangé au bruit de l’océan, des hommes qui halent des filets sur la plage. Les premiers sont dans l’eau presque jusqu’à la taille, ils se donnent du courage en scandant à la voix leur halage. On entend régulièrement un bruit de tambour. Ensuite, je me tourne vers le large : de gigantesques vagues viennent s’écraser sur le sable dans des nuages d’écume. On ne voit pas bien net, car une épaisse brume de chaleur, lourde et humide, donne à toute chose un aspect magique et irréel, tandis que de grandes pirogues monoxyles franchissent les rouleaux en s’éloignant vers le large. Enfin, je me tourne vers l’autre côté de la plage où l’on devine des paillotes sous de hauts palmiers qui se balancent dans le vent. Avec des cris d’enfants qui jouent, qui nous parviennent parfois distinctement…

Allez, fermez les yeux et écoutez, vous verrez, ce n’est pas évident, mais quand « on y entre », c’est envoûtant :

Maintenant, je vous dis où nous sommes : dans le Golfe de Guinée sur les rivages du peuple Fanti au Ghana. C’est une autre Afrique, différente de celle que nous connaissons, autre que celle des savanes, des grandes forêts, des animaux sauvages, loin des drames que nous savons, qui sont pourtant si proches à quelques dizaines de minutes d’avion.

Avant, nous sommes passés par Accra, ses rues animées et ses incroyables marchés. Nous avons pris la route. Une route qui va nous réserver d’étonnantes surprises, mais nous ne le savons pas encore. Pour l’instant, nous découvrons le rivage mythique de la Côte de l’or, comme si nous entrions dans les pages surannées du Tour du monde de Monsieur Édouard Charton…

Voici à présent d’autres sonorités qui traduisent bien l'impression que vous donne la population d'ici, sa jovialité, son enthousiasme, sa spontanéité : là, j'ai pour vous, une pépite musicale !

Il s'agit d'un morceau joué par la troupe "Maa Amanua And Suku" dans les années 70 (musique toujours d'actualité que l’on entend de-ci, de-là, sur les routes, dans les villages, sur les marchés).

Elle illustre parfaitement la musique populaire dite "Ga Cultural Highlife", des airs et sonorités influencés par la musique Ga (région d'Accra), s'inscrivant dans la droite ligne de la musique traditionnelle de la côte ghanéenne. Chants de marins, de travail, repris dans la musique populaire et à placer dans la tradition musicale Akan. Si elle est aussi unique et  fascinante c'est parce que le rythme highlife nous emporte directement dans son univers tout en nous paraissant familier, même si nous n'en comprenons ni les mots ni le sens.

L'atmosphère très joyeuse créée par le mélange des différents instruments est assez universelle. Le rythme est natif parce qu'il est profondément enraciné dans la culture musicale ghanéenne faite de joyeuse spontanéité.

À l'exception d'une guitare amplifiée, jouée dans le style "finger fingering" de cette région d'Afrique, les instruments sont indigènes, avec des flûtes en bambou "atenteben" et beaucoup de percussions locales traditionnelles incluant les tambours géants "gombe" dont j'ai dessiné un exemplaire page 38 de mon carnet de voyage, c'est eux qui fournissent une percussion ronde et profonde.

Je ne sais si comme moi vous tomberez sous le charme de ces sonorités, mais je les trouve tout simplement merveilleuses, parce qu'elle sont l'expression même de la vie.

Dans le prochain billet, je vous emmènerai au cinéma voir un magnifique film de Jean Rouch qui vous plongera dans la vie quotidienne des pêcheurs du peuple fanti comme si vous étiez venus avec moi, car depuis Jean Rouch, presque rien ici, n’a changé…

Lire la suite...

12273193865?profile=originalVierge à l’Enfant

     Une œuvre m’a frappé par sa monumentalité, mais aussi par sa cohésion, son expressivité, sa sensibilité. Elle est le résultat colossal de Teofan Sokerov, un artiste bulgare inconnu chez nous. Et pourtant… Aussi ai-je voulu en savoir davantage. Mais je dois avouer que l’écriture cyrillique m’échappe complétement et que l’information en français manque cruellement. Qu’il me soit pardonné…
      Teofan Sokerov est né en 1943 à Lovech, une ville tranquille du massif du Balkan qui traverse la Bulgarie. Il a étudié à HXA Université de Sofia et à la National Academy of Art, où il enseigna par la suite. Formation classique, qui pourrait donc le qualifier de peintre issu du sérail, officiel presque, ce qui aux yeux des beaux esprits d’aujourd’hui n’est pas la meilleure carte de visite pour ceux qui prétendent bousculer l’art de leurs concepts ravageurs.
D’ailleurs son œuvre majeure vient d’une commande qui devait lui assurer gloire et notoriété. Une œuvre qui, d’une certaine façon, fut conspuée comme nous le verrons, mais pas suffisamment scandaleuse pour attirer l’œil et le soutien de la critique, le feu des projecteurs.
Il vit aujourd’hui paisiblement au pied des monts du Vitocha, paradis des randonneurs, à un jet de pierre de la capitale. Randonnons donc et poursuivons notre enquête.
      Ces fresques magistrales, puisqu’il s’agit de cela, se trouvent à Veliko Tarnovo, Tarnovgrad, capitale du Second Royaume bulgare de 1185 à 1393, rivale à l’époque de Constantinople sur le plan politique ou de Rome. Plus exactement dans l’enceinte de la forteresse de Carevec, dans l’église patriarcale située au sommet de cette butte qui domine la ville et la rivière Jantra. Le tsarevets, « le lieu des rois », abritait la cour, les boyards et le patriarche, jusqu’à sa prise par les troupes ottomanes en 1393.

12273194069?profile=originalLa citadelle de Carevec
et l’ancienne église patriarcale de la Résurrection du Christ

     L’ensemble patriarcal, avec l’Eglise de la Résurrection, de Carevec fut rénové en 1981, pour le mille-trois-centième anniversaire du Premier Royaume bulgare (681 ==> 1018), qui fut reconnu par le traité signé par le khan Asparux avec l’empereur byzantin Constantin IV Pogonat, le Barbu, s’affranchissant ainsi de la tutelle de Constantinople. Pliska en devint alors la capitale.
Les fresques modernes sont confiées au pinceau de Sokenov afin qu’il déploie l’histoire politique et culturelle de la Bulgarie médiévale. Et cela tombe bien car cet artiste considère que la peinture doit raconter une histoire que le peintre traduit par le cœur et par l’esprit. Mais l’histoire de la Bulgarie est complexe, l’histoire d’un peuple que rien n’a pu plier mais qui s’est souvent perdu et retrouvé. Aussi ne vous en raconterai-je que quelques épisodes, afin d’illustrer mon propos de faits marquants aussi bien que d’anecdotes.
      La commande est importante et brillamment honorée, mais l’église ne sera pas consacrée. En effet l’église orthodoxe considère que l’œuvre est par trop impie. La Vierge est fardée et arbore un décolleté provocateur. Avec un modelé… Une perspective que le patriarcat a toujours récusée, s’en tenant à la stricte planéité de l’icône.
Par ailleurs, les motifs païens y abonderaient, comme ce soleil thrace que l’on ne saurait voir ou cette croix discoïdale de l’hérésie bogomile…


« Par de pareils objets, les âmes sont blessées,
Et cela fait venir de coupables pensées. »,

                                                                                                                       Molière

Quoi qu’il en soit, par une sorte d’accord sous seing privé, l’église désaffectée est devenue un musée peu fréquenté, mais gardé par une dame qui s’est mise à chanter en ma présence d’une voix céleste, habitée. Il y a vraiment des moments de grâce.

12273194691?profile=originalVierge à l’Enfant, détail
Choquante ? cette nudité qui lui va comme à Gand
dans une soyeuse peau de Florence…

     Qu’en est-il des vierges allaitantes, des vierges souriantes, des vierges au sensuel déhanché, au subtil modelé comme la Vierge en majesté ou Adam et Eve du retable de L’Agneau mystique de Van Eyck (ca 1395-1441) par exemple ? Et que dire de Masacchio (1401-ca 1428) et d’Adam et Eve chassés du Paradis de la chapelle Brancacci de l’Eglise Santa Maria del Carmine de Florence, ou du même thème héroïquement traité par Michel-Ange (1475-1564) pour la chapelle Sixtine, le saint des saints de l’Eglise romaine ?
Savonarole, l’imprécateur fou de Dieu, accusa Botticelli de peindre la Vierge comme une prostituée. S’en suivi le bûcher des vanités.
Van Eyck qui à Gand, pour la peinture de l’Europe septentrionale, et Masacchio, à Florence pour l’Europe méridionale, ont su rompre avec le style byzantin hiératique et millénaire, préparant l’entrée dans la Renaissance, installant la modernité.
Pourtant la Bulgarie est le berceau de la civilisation européenne, mais n’a peut-être pas encore su élever l’homme dans sa maturité, y compris dans la représentation de sa pure nudité.

12273195467?profile=original

« Qu’est-ce que la sainteté ?
Rien d’autre que la résurrection dans l’homme pêcheur de
l’état d’innocence du premier homme »,
                                                                                         Récits d’un pèlerin russe

12273195500?profile=originalMichel-Ange, Adam et Eve
Chapelle Sixtine, Rome

     Bref, je vous en laisse juger. Quoi qu’il en soit il reçut pour cela les félicitations du pape Jean Paul II. Mais le pape de Rome n’est pas le patriarche de l’Eglise orthodoxe bulgare. Et s’il n’est pas prophète en son pays, Sokerov considère que l’artiste développe un sixième sens. Un visionnaire comme le fut un Breughel l’Ancien et son laboureur continuant à creuser son sillon, quand bien même ce dernier reste indifférent à la chute d’Icare.

12273195097?profile=originalNus d’anges déchus ?
ou nues d’anges de la terre dont
« La chasteté rend aptes à agir en toute chose
comme s’ils n’avaient point de corps,
comme si le Ciel leur était échu »,
                                                                                                   Jean Chrysostome 

                                                                                                               (Saint Jean Bouche d'or)

Il ne m’est pas donné de distinguer le sacré du profane, de ramener la brebis égarée dans de droits dessins. Il suffirait toutefois que Sophia*, la Sagesse divine, l’« éternel féminin », la « transfiguration de la matière » pour Soloviev (1853-1900), permette un rapprochement des différentes écoles spirituelles pour tendre vers la réunification universelle. Sophia, emblème d’Athéna, déesse grecque de la Sagesse, protectrice des Arts et Lettres, d’où dérive le nom actuel de la capitale, et celui de la basilique Sofija, qui fut le siège de l’Eglise orthodoxe bulgare jusqu’à la construction de la cathédrale Alexandre Nevski.

12273196072?profile=original

L’art peut-il « éclairer et transfigurer le monde »
comme le concevait Soloviev ?

A suivre…

Michel Lansardière (texte et photos)

* Le hibou est aussi le symbole de la mort qu’il annonce, du triomphe de la nuit sur le jour. Superstition ! Ce n’est pas mon option. La mienne est plus chouette, non ? (De fait, le peintre a représenté un hibou, reconnaissable à son aigrette, et non la chevêche d’Athéna qui en est dépourvue. « La chouette de Minerve ne prend son envol qu’au crépuscule », Hegel, et protège la cité qui connut tant de temps troublés).

Lire la suite...

12273190675?profile=originalBel exemplaire d’éventail chinois

     Outre Paris, la Normandie, le Beauvaisis, la Chine, autres maîtres incontestés qui excellent dans un travail de patience infinie (sur des éventails en fils d’ivoire par exemple), on trouve aussi une production de qualité chez les éventaillistes allemands, les ateliers d’ivoiriers d’Erbach (Hesse) s’en étant fait une spécialité, ou autrichiens, avec Vienne. Et leurs articles sont prisés dans le monde entier, particulièrement, comme on le sait, en Italie, en Espagne ou au Japon.
Japon, pays de longue tradition, les plus raffinées aimaient en arborer, comme la courtisane et poétesse Ono no Komachi, du moins ainsi la représenta-t-on (c’était ma contribution au geishavoir, « Car mon bonheur est moqueur ! », Nietzsche).

12273191294?profile=original Courtisane sous la neige, 1831
Estampe sur éventail, Uchiwa-eban, Utagawa Kunisada

Geisha


La rieuse geisha, coquette Japonaise,
Agite son ombrelle et son éventail blancs,
Se pâme au clair de lune avec des frissons d’aise,
Et pare son peignoir aux larges plis flottants,
De chrysanthèmes blancs ; coquette Japonaise.
                                                                         Fernand Prévost de Belvaux, 1903

12273191696?profile=originalPortrait réalisé au XVIIe d’Ono no Komachi (825-900)
Musée d’art oriental Edoardo Chiossone (Gênes)

     Au XXe siècle, la vogue pour l’éventail a décliné, remplacé par le vulgaire ventilateur, « un bel aérateur, pour bouffer les odeurs » (Vian), relégué au rang de vil support publicitaire. Avant de reprendre sa place dans les défilés, avec ses strass et ses paillettes, comme dans la rue, des créateurs contemporains lui apportant un nouveau souffle. Eternel recommencement, il revient dans l’air du temps...


Plus léger qu’Eole ;
Il naît et s’envole,
Renaît et s’enfuit.
                                                                  Julien Offroy de La Mettrie (1709-1751)

12273192479?profile=originalStreet art à Montmartre
Strass et paillettes font se pâmer les grisettes

« Dans la jungle de la solitude,
un beau geste d’éventail peut faire croire à un paradis. »
                                                                                        André Breton (1896-1966)

12273193483?profile=originalChérubins pourvoyeurs de doux alizés.
Un bruissement d’aile pour un dernier froufrou…

Avant que le vent mauvais de l’automne ne souffle, si vous voulez bien déposer quelques mots avant que ces feuilles ne s’envolent.

12273193673?profile=original

Avec ces cinq Fantaisies j’espère avoir montré que l’objet était porteur d’art et de poésie, maintenant autant en emporte l’évent…

12273194066?profile=originalUn atelier de tabletier (Méru, Oise)
Boutons, dominos, éventails, tabletterie
Bonbons, caramels, esquimaux, chocolat

12273194866?profile=originalBoutons et petits articles (coffrets, peignes, damiers…) de la mode parisienne assuraient l’ordinaire du tabletier, occupaient les moins talentueux.

Nacre, écaille, os, bois d'ébène, corne, ivoire…

 

Formica, inox, compressé, linoléum, bakélite…

Mécanisation, standardisation, délocalisation, consommation…

Besogneux, ouvriers, gagne-petit, traîne-misère… qui se sont révoltés en 1909 à Méru et dans ses environs.  Une guerre des boutons qui durera trois mois, durement matée par la troupe.

Complainte du progrès, les arts ménagers auraient-ils chassé les arts décoratifs ?

Les espèces protégées pour un océan de plastiques…

Industrie du luxe contre production de masse ?

Lansardière Michel (texte et photos)

P. S. : si vous voulez retrouver rapidement mes quatre premiers articles consacrés à l’éventail, avec au total 40 photos originales, avec des modèles qui vont de l’Antiquité à nos jours :

La surprise de l'été :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/la-surprise-de-l-t-art...

Je sème à tout vent :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/je-s-me-tout-vent-fant...

L'art, la matière et le savoir-faire :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/l-art-la-mati-re-et-le...

Vingt fois sur le métier :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/vingt-fois-sur-le-m-tier-fantaisies-autour-d-un-ventail-4-4

Faites-en ainsi déferler - ouvrir lentement degré par degré en parlant d’un éventail - les cinq volets. Au contraire, lassés par ce billet long comme un paravent, vous pourrez préférer décharger, les ouvrir brusquement en les faisant claquer comme pour un éventail.

Lire la suite...

Sujets de blog par étiquettes

  • de (143)

Archives mensuelles