Sans davantage vouloir crâner, je ne suis pas devenu ékraventuphile, juste fan, le sujet mérite d’être déployé...
Venderosas de rosquillas en un rincon de Sevilla, 1881.
Manuel Wssel de Guimbarda (1833-1907)
Musée Carmen Thyssen, Malaga.
« Manœuvrer un éventail… Les Espagnoles y excellent ;
l’éventail s’ouvre, se ferme, se retourne dans leurs doigts si vivement,
si légèrement, qu’un prestidigitateur ne ferait pas mieux. »
Théophile Gautier (Voyage en Espagne, 1843)
Recién casados, 1905
Ricardo Lopez Cabrera (1864-1950)
Musée Carmen Thyssen, Malaga.
« L’éventail les suit partout, même à l’église où vous rencontrez des groupes de femmes de tous âges, agenouillées ou accroupies sur leurs talons,
qui prient et s’éventent avec ferveur. »
Théophile Gautier (1811-1872)
L’éventail permet à la belle Andalouse comme à l’hirondelle des faubourgs parisiens de se rafraîchir, quoi de plus anodin, dans les chaleurs de l’été, au bal ou aux terrasses des cafés. Mais aussi d’échapper au carcan imposé du chaperon ou de la duègne. En toute discrétion, de solliciter la conversation ou de répondre au larron ainsi émoustillé.
Femme à l’éventail (Après le bal, 1908)
Pablo Picasso
Musée de l'Ermitage, Saint-Péterbourg.
« Nous les Espagnols, c’est la messe le matin, la corrida l’après-midi, le bordel le soir. Dans quoi ça se mélange ? Dans la tristesse. »
Pablo Picasso (1881-1973)
Sans chichi, sans flafla, ni lourd flabellum. Juste un léger, tout petit-petit triangle de tissu avec lequel on joue, qu’on plie et replie, qui déferle et papillonne dans un froufrou de dentelle devant le fringant fripon frissonnant.
Ainsi on pourra, dans le langage tel que codifié au XIXe siècle dont j’extrais ces cinq ou six conseils à la frétillante frivole :
Appeler à se montrer prudent,
en faisant tournoyer l’éventail dans sa main gauche :
Nous sommes épiés
Puis, le mettant devant son visage de la main gauche :
Si nous avions une conversation privée…
Alors, peut-être, l’éventail passant à main droite :
Suivez-moi !
Que déjà elle le porte à ses lèvres !
Embrasse-moi idiot !
Puis, le plaçant sur la joue droite…
Oui !…
Se pâme-t-elle aussitôt, emportée par le vent des soupirs…
… ?
Trop tard ! L’objet des désirs tournant dans la main droite :
J’aime un autre que vous !
Mon Dieu, quelle girouette, direz-vous ! Comme la plume au vent…
Mais que la coquette prenne garde, dans son courroux, de s’en battre l’œil !
Avec pour tout langage
Rien qu’un battement aux cieux*
... Sans ambages, Maupassant, qui connaissait les vertus et ne s’en laissait pas conter par la première bécasse venue, se pavanant, se prenant pour Vénus, inscrivit :
Sur un éventail
… Je n’écrirai rien que mon nom ;
Pour qu’en vous éventant la face,
Votre œil le voie et qu’il vous fasse
Sous le souffle frais et léger,
Penser à moi sans y songer.
Guy de Maupassant (1850-1893)
* Nota : les deux premiers vers sont empruntés à Stéphane Mallarmé (1842-1898)
A la parade, peut-être aurait-il été mieux inspiré s’il avait pensé à un de ses devanciers :
Cinq ou six soupirs, cinq ou six fleurettes,
Cinq ou six : Hélas, je meurs d'amour...
Jean François Sarasin (1615-1654)
Bah, « Dans la douleur, les sentiments se déploient comme un éventail. Ce que l’on vit est terrible, mais décuple aussi les sentiments. »
Marie Deroubaix (1953-2011)
Car « Si les plaisir du corps sont si vifs, quels sont ceux de l’âme ! Je parle de cette tendresse pure, de ces goûts exquis qui semblent faire distiller la volupté goutte à goutte au fond de nos âmes. »
Julien Offroy de La Mettrie (1709-1751)
Passant sur cette page, si cela vous a plu, déposez donc ici un petit mot.
Et retrouvez là mon premier billet à cet accessoire dédié :
Michel Lansardière (teste et photos)
Commentaires
Voilà bien l'image du monde actuel . efficacité et productivité. Qu'on prenne garde et moi aussi d'ailleurs de ne pas se perdre dans le travail performant au point d'en oublier de vivre dans les rires et l'amour des siens.
Cela fait vraiment plaisir Jacqueline.
Je ne me suis jamais pris cependant pour Maupassant, un de mes auteurs favoris pourtant, mais une anecdote qui me revient. Je prenais des cours par correspondance pour préparer un concours et sur une de mes copies de français un prof bien intentionné et fort inspiré m'a écrit "On ne vous demande pas de vous prendre pour Maupassant" (il me selble que c'était lui, mais je peux confondre, peu importe). J'ai trouvé cette remarque stupide et peu encourageante. Dévalorissante aussi, en gestion on vous demande donc d'être et seulement d'être efficace et productif. Pas de place pour la poésie, la littérature quand il faut être rentable. J'ai donc arrêté lesdits cours.
Bonnes fêtes à vous Jacqueline.
Toujours appréciés les billets chaleureux et quand on relit G.de Maupassant on ne peut que penser à vous avec et sans brise. Merci Michel pour cet éternel élan jamais déplumé. Bonnes fêtes et bonne année.
Merci Sandra d'être passée là.
Merci Albertine d'être ici repassée.
Merci Hervé pour votre commentaire (si vous avez aimé, passez sur le premier billet, tout aussi léger).
Merci également à Michel, fidèle et discret.
Ce mélange d'humour et de culture me plait. Je me suis laissé bercer au doux courant d'air de l'éventail.
Merci Suzanne d'avoir aimé mes fantaisies.
Une mise en exclusivité qui me ravit. Merci à vous.
La suite arrive illico !
Je reprends mes activités et reviens bientôt sur Arts et Lettres pour de nouveaux billets, dont la suite de cet article. Aussi c'est avec grand plaisir que j'acceuille ce gentil commentaire Antonia.