La Valette (Malte) a été choisie comme « Capitale européenne de la culture 2018. » A cette occasion une exposition, « The Flesh and the Spirit » (« La chair et l’esprit ») au Palais des Grands Maîtres, a particulièrement retenu mon attention.
Elle présente 140 œuvres de Pablo Picasso (1881-1973) et de Joan Mirό (1893-1983), à savoir 100 eaux-fortes réalisées par Picasso entre 1930 et 1937, dites « Suite Vollard », et 40 toiles de Miró.
Elle se terminera le 30 juin 2018, aussi ce sera peut-être pour vous aussi la possibilité de la visiter. A défaut, ce petit compte-rendu vous donnera une idée d’un aspect moins connu de l’œuvre de Picasso, car c’est aux gravures sur cuivre de Picasso que je vais ici consacrer quelques lignes.
En 1927 Picasso rencontre Marie-Thérèse Walter, de trente ans sa cadette, qui devient son modèle et… sa maîtresse. Marie-Thérèse « toujours câline et si douce aux lèvres. » Il est toujours marié à Olga. Olga Koklova, qui était danseuse dans le corps des Ballets russes de Diaghilev lorsqu’il l’a rencontré et qu’il a épousé en 1918. Une situation embarrassante qui l’irrite et le déchire…
D’autant qu’en 1934 Marie-Thérèse est enceinte et qu’Olga refuse de divorcer. Et Pablo ma foi guère pressé de céder la moitié de ses œuvres. Malgré Malgré tout la séparation, en 1935, est inévitable.
Pendant ce temps, outre Maya née en septembre 1934, Picasso peint et grave. Marie-Thérèse est sa lumière, son inspiratrice, son guide.
C’est alors qu’Ambroise Vollard (1866-1939), marchand d’art et éditeur, lui commande cent gravures, ou plutôt les lui troque contre deux tableaux, un Renoir et un Cézanne.
Ce sont ces cent gravures, où se retrouvent sa nouvelle muse et le thème du peintre dans son atelier, qui constitueront la « Suite Vollard ».
Des dessins à la pointe sèche, sans repentir possible, où la forte charge érotique le dispute à la volupté du corps féminin.
Une période qui fut propice à un retour à un trait plus classique et à la réflexion. Soi et les autres. Picasso, sa muse…
Picasso est la force brute et vitale, le monstre, le Minotaure. Marie-Thérèse la sensualité, la sérénité, la matrice de l’œuvre.
Le noir et le blanc contrastent et se marient… sur le papier du moins, car Picasso a un nouvel ami, Paul Eluard, qui lui présente, fin 1935, une certaine Dora Maar, « diablement séduisante. » La blonde et la brune. L’eau et le feu. L’homme, l’animal. De la confrontation nait certainement l’émulation, et l’introspection, l’artiste étant après tout « un réceptacle d’émotions. »
Finalement « il y a d’excellents taureaux et d’autres moins bons. » Et Picasso signe en 1937 une de ses plus célèbre toiles « La femme qui pleure » (Dora Maar). A nouveau tout se déconstruit, puis se recompose selon la volonté du maître.
A noter qu’en juin 1933, Albert Skira (1904-1973), qui avait déjà publié Les Métamorphoses d’Ovide illustrées par Picasso, lance sa revue Le Minotaure, dont le premier numéro sera consacré à… Picasso.
En 1937 les deux peintres espagnols, Picasso et Miró, s’assemblèrent pour lutter contre le franquisme et, réagissant au massacre du village basque de Guernica en avril 1937, ouvriront un « pavillon antifranquiste » lors de l’exposition universelle de Paris des « Arts et des Techniques appliqués à la Vie moderne ». Face à cette résistance qui s’amorçait, le Pavillon allemand présentait un art nazi se voyant déjà triomphant pour « mille ans ». Un art forcément colossal et conventionnel. Parallèlement, le pouvoir fasciste lançait un manifeste contre l’« Art dégénéré ». De son côté, le Pavillon soviétique montrait le « réalisme socialiste » sous un jour qu’on promettait radieux, un art déclaré « officiel » par Staline et tout aussi académique.
Et le monde plongeait dans l’horreur…
Michel Lansardière (texte et photos)