La mode est dictée à Paris. C’est à Paris que sont installées les boutiques de luxe. Mais c’est à Dieppe (ivoiriers), et plus généralement en Normandie, ou à Sainte-Geneviève, Andeville, Méru (tabletiers), dans l’Oise, que se font les montures.
Rien que pour celles-ci, de nombreux ouvriers et artistes s’emploient pour obtenir une pièce unique. Débiteurs, Monsieur, pour le gros œuvre, puis façonneurs, polisseurs, découpeurs, graveurs, sculpteurs, ces derniers se trouvant bien évidemment au sommet de la hiérarchie, s’activent. Un teinturier, un doreur, un vernisseur, un joaillier peuvent s’y joindre pour les finitions. De l’ouvrier au maître, la division artistique du travail joue à plein.
Enfin, des peintres, et des plus fameux, interviendront pour embellir la feuille, rehausser le dessin de délicates touches de gouache.
Parmi les peintres spécialisés dans ce délicat travail citons, pour l’exemple, Gustave François Lasellaz (1848-1910) ou Maurice Lenoir (1853-1940).
Mais tous ou presque, de la petite main au grand créateur, longtemps resteront dans l’ombre.
« Je décorais des éventails. »,
Pierre-Auguste Renoir (1841-1919)
Et Gauguin se languissait. Alors lui aussi en orna, et ne devint célèbre qu’après les Marquises.
De leur côté Katsushika Hokusai (1760-1849) ou Utagawa Kunisada (1786-1864) les faisaient rimer en de précieux poèmes visuels en réalisant des estampes sur éventail, uchiwa-eban, pendant les années de disette.
Deux carpes, ca 1833
Dans leur sillage, Monet, Van Gogh, Klimt…
Uchiwa-eban, Katsushika Hokusai (musée Guimet)
Ô temps suspend ton vol, laissez-nous savourer les rapides délices.
Dessin de Félix Anthyme Aubert - ? - (1866-1940),
artiste membre du mouvement nommé, fort à propos, L’Art dans Tout
Ainsi Anthyme sera un peu moins anonyme
Et cependant réunis pour qu’élégantes, starlettes comme midinettes, se sentent transportées d’aise.
On les retrouve aujourd’hui sur les étals de tous les pays.
Ici des modèles venus d’Asie, vus sur… les bords de la Mer Noire, en Bulgarie
Sur un Eventail de Mademoiselle Mallarmé, le poète développant un art épigraphique écrivit :
Vertige ! voici que frissonne
L’espace comme un grand baiser
Qui, fou de naître pour personne,
Ne peut jaillir ni apaiser.
Stéphane Mallarmé (1842-1898)
Le temps et les mots passant :
S’ouvre l’éventail enfoui.
Etais las, restant à t’attendre,
Le temps rongé par le malin.
Des échos se faisaient entendre.
Ensemble ont pris le dernier train.
Suzanne Walther-Siksou,
extrait de Pastiche de Eventail de Madame Mallarmé
A sa manière, Emile Gallé reprit cet art épigraphique sur ses verreries parlantes, affirmant par son savoir-faire porté au plus haut degré que « La matière pour nous est matière à poésie. »
Le vent clair
qu’est-ce donc ?
Quelque chose à aimer
sans lui donner de nom
Bienvenue au vent qui va de l’avant
Je lève ma coupe de vin à sa caresse
Je bois à la santé du vent qui va…
Su Dongpo (1036-1101)
Chiné… à Lyon.
A la santé du vent qui va, donc…
A suivre…
Michel Lansardière (texte et photos)
Retrouvez ici mes trois premiers articles de fantaisies :
La surprise de l'été :
Je sème à tout vent :
L'art, la matière et le savoir-faire :
Merci Suzanne, à qui j’ai emprunté quelques vers. Qu’elle me pardonne d’avoir écorné son poème, Stéphane lui m’a déjà absout pour avoir interverti deux de ses vers dans mon précédent billet.
Commentaires
Merci çà Corinne, Alexis et Michel pour votre soutien. Il m'aide à produire et à toujours chercher de nouvelles formes d'expression artistique.
L'éventail, un art en soi et en soie. Merci, Michel, pour cette belle collection d'éventails qui s'agrandit au fil du temps.
Klimt m'a mené à Hokusai, et je vous le dois !
Merci Christiane
Oui, le ventilateur, la clim'... mais les arts ménagers ne remplaceront pas les arts décoratifs !
Ah; "La complainte du progrès" !
Merci jacqueline.
Séduisant et raffiné l'éventail était aussi fort utile...l'ancêtre du ventilateur...
Merci à nouveau pour ces partages aussi ludiques qu'intéressants.
Amitiés
Jacqueline
Merci M. Robert Paul pour la mise en exposition de ce billet.
Je n'oublie pas Corinne, Deashelle, Lisette, Michel, Chantal, et vous remercie pour votre soutien. Je vais proposer une version enrichie de cet article, si vous voulez bien suivre ce "nouveau" billet...
L'éventail n'est qu'un prétexte, une invitation au voyage. Dans ce volet j'ai tout particulièrement voulu rendre hommage aux artistes, au travail des artisans. Montrer comme cet accessoire a inspiré peintres et poètes. Et mêler le tout un un grand poème visuel. Si j'ai réussi j'en suis comblé (néanmoins, jamais satisfait, je vais essayer de l'embellir avec de nouvelles photos et quelques lignes supplémentaires).
Merci Béatrice.
Des mots qui me font particulièrement plaisir Nicole.