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SEULE

J'ai le cœur adolescent et le corps plein de rêves,

orphelin de caresses, des baisers de vos mains, de la

voix de vos gestes.

J'ai du feu plein la tête et du ciel dans les yeux, ma bouche

est rose pourpre, à jamais éternelle, car promise à la vôtre !

J'ai de l'ombre dans les mains lorsque je n'écris plus, que

l'or de mes pensées s’éteint trop loin de vous, que ma

plume vagabonde devienne plomb et mes mots alourdis,

plus jamais ne respirent !

Puissent les livres et leurs voix salvatrices, me consoler

un peu !

NINA

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administrateur théâtres

SPECTACLES

Un fracassant « tramway nommé Désir » à l'Atelier Jean Vilar


Ah! Les beaux jours? …Par Tennessee Williams.

Presque un spectacle fleuve que le metteur en scène, Salvatore Calcagno, transpose au cœur d’un été torride en Sicile. Le spectateur est pris dans un filet de résonances étonnantes qui ne cessent de se croiser. Salvatore Calcagno conçoit la scène contemporaine comme une rencontre quasi sensuelle de différents langages artistiques : musical d’abord, ah! L’extraordinaire pianiste, le jeune Meraviglioso Lorenzo Bagnati qui crée un mystérieux   dialogue harmonique avec Blanche et son Gaspar de la nuit! Plastique, ah!  Bastien Poncelet, ce danseur éphèbe  énigmatique et  fascinant. Cinématographique: des clips on ne peut plus chauds signés Zeno Graton. Enfin chorégraphique, l’Afrique du Nord ou l’Asie Mineure au rendez-vous avec la voluptueuse Rehab Mehal? Ajoutez à cela les jeux de lumière d’Amélie Géhin  et les maquillages très élaborés d’Edwina Calgagno… Ce qui est sûr c’est que le  metteur en scène décidément très créatif  serre  néanmoins au plus près le contexte américain qui a finalement très peu changé, où l’origine socio-économique ou géographique peut conditionner le destin de façon déterminante.

Résidence symbolique, parée de hautes colonnes, “Belle Reve” est le nom de l’ancienne plantation où Stella (Marie Bos) et Blanche (Sophia Leboutte) ont grandi dans la splendeur fanée après la guerre de Sécession. Un « bon temps » destructeur qui empêche Blanche d’affronter toute réalité. L’alcool, le sexe et la fumée lui servent d’écran. Les mensonges aussi.


À la fin poignante d’ « Un tramway nommé Désir » Blanche, telle une star omniprésente et intense,  n’est plus la femme coquette qui a tout perdu et s’est vue forcée de se jeter dans la promiscuité pour rassasier sa quête désespérée d’amour et d’argent. Pathétique et plus démunie que tout, elle brandit désespérément  son dernier  rêve puéril de rejoindre un hypothétique “beau” qui refera d’elle une princesse. Hélas, le superbe porteur de fleurs androgyne (Bastien Poncelet) annoncera la victoire de la Mort sur l’emblème de sa Vie, le tramway fracassant du Désir.


Ironiquement, l’appartement minable de Stanley et Stella où accoste Blanche à La Nouvelle Orléans, se compose d’une cuisine, d’une chambre et d’une salle de bains. Des fausses perles comme cloisons. C’est tout sauf un paradis, un lieu où, une à une, toutes les illusions  de Blanche fondront dans une atmosphère suffocante malgré le nom prestigieux et symbolique de l’adresse : “Elysium Fields”.

À la fin, Stella ne sera  plus la jeune femme amoureuse de son mari “parfait”. Stanley. Lucas Meister, très physique, est un beau gosse qui bouge comme un mannequin. Craquant physiquement, mais entier et immuable dans ses jugements. On peut dire qu’il reste le même jeune prolétaire arrogant et buté qu’il était au début. D’un bout à l’autre, il reste bloqué, humilié et  outré par la discrimination et le mépris que lui impose Blanche. Exaspérée par son machisme et son manque d’éducation, elle le traite de Pollack, terme  hautement dénigrant. Campant sur ses positions, il est incapable d’identifier ses propres lacunes et à les changer pour sa femme et son enfant. Sa nature statique et phallocratique est mise en lumière par les jeux de poker bien arrosés avec ses amis qui soulignent  par contraste l’évolution psychologique et dramatique de Stella et de Blanche. On retrouve  Tibo Vandeborre dans le rôle ténébreux de Mitch.

Stella qui au début avait accueilli sa sœur dans son foyer avec la plus grande bienveillance ne peut pas croire que Stanley ait finalement abusé de Blanche et laisse les médecins emporter sa sœur ravagée par l’alcool et les désillusions vers l’hôpital psychiatrique. Ceci nous ramène à une image du profond malaise et de l’isolement dont souffrait Tennessee Williams, vivant difficilement son homosexualité dans le contexte d’exclusion toxique de l’époque.

Dominique-Hélène Lemaire  

Un tramway nommé Désir

Tennessee Williams

Traduction inédite Isabelle Famchon
Direction artistique et mise en scène Salvatore Calcagno
Avec Lorenzo Bagnati, Marie Bos, Salvatore Calcagno, Sophia Leboutte, Réhab Mehal, Lucas Meister, Pablo-Antoine Neufmars, Bastien Poncelet, Tibo Vandenborre

Créé au Théâtre de Liège

Lieux et dates :

Du 28 Janvier au 1er Février Jean Vilar à Louvain-la-Neuve
11 au 13 Mars à Mons
15 Février Marche-en-Famenne
21 au 30 Avril Théâtre Varia à Bruxelles
5 au 9 Mai Théâtre de Namur

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ENCORE UN JOUR...

Encore un jour qui s'achève

Vide de sens, vide de toi.

Un jour trop lent qui tremble…

De ne plus éprouver de joie!

Un jour entier à faire seulement…

Des gestes vains du quotidien soulant!

Absent de désirs et de rêves…

Où les sentiments semblent en grève!

La nuit se répand…

Avec aussi le vent…

La pluie qui bat sur la fenêtre

Et le constat de mon mal-être!

Et pourtant…

Les mots s'alignent machinalement

Et à mon grand étonnement

Défilent les images

Du plus beau de nos âges!

Des images claires de printemps

Et de la tiédeur du temps

Et de la caresse des brises…

Embaumées de senteurs exquises!

Alors je souris tendrement…

A notre image dans le temps.

J.G.

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administrateur théâtres

"Les émotifs anonymes" au théâtre le Public

SPECTACLES

Comédie caramel beurre salé! "Les émotifs anonymes"

Surmonter la timidité paralysante, combattre la solitude, voilà le défi des hyperémotifs. Aux rendez-vous des angoissés, Angélique, chocolatière talentueuse, est morte de trac. Tout lui fait peur, elle s’est inscrite aux émotifs anonymes, un groupe de parole, pour faire fondre son malaise. Jean-René, patron d’une chocolaterie en faillite, a des phobies sociales et voit un psy. Le portier d’hôtel a bien raison « Etre seul, il n’y a rien de pire ! ». C’est le chocolat et son désir qui les conduira aux plaisirs de l’amour salvateur. A un train d’escargots… faut-il le dire, et c’est très bien !


Nos deux émotifs sont animés par la même passion : le chocolat. – ©Frédéric Sablon

Une comédie caramel beurre salé, faite pour les 14 février, fébrile, touchante, captivante. La fable drôle et tendre issue du film éponyme, est de Jean-Pierre Améris et Philippe Blasband, l’auteur de « Tuyauterie », jouée sur la même scène où se distinguait déjà le couple mythique : Charlie (Dupont) et Tania (Garbaski), un duo sur scène et à la ville. Arthur Jugnot signe une mise en scène en proximité, car la salle des voûtes du théâtre le Public, s’y prête merveilleusement. Au bout d’un moment, ce que l’on a failli prendre pour des poubelles sélectives, s’avère être l’intérieur d’un coffret de chocolats, design pralines Marcolini, et se transforme en salle de réunion, table de restaurant, lit double dans une chambre d’hôtel, salon, canapé de psy, hall d’accueil de la chocolaterie qui retombe sur ses pattes !… Et vive le langage des fleurs et du chocolat !

Car malgré leur timidité compulsive, les deux émotifs tombent amoureux l’un de l’autre, ce qui génère nombre de quiproquos, malentendus et situations cocasses. Ils font tout pour se défiler, puis se culpabilisent, jusqu’à ce que les cloches victorieuses de l’église annoncent enfin la marche nuptiale. Les deux protagonistes sont adroitement épaulés de deux comédiens agiles mais parfois un fifrelin envahissants : Ayline Yay et Nicolas Buysse qui interprètent les six autres personnages.


Allons, du courage, chers anonymes fragiles ! « Qui craint de souffrir, souffre déjà de ce qu’il craint », disait l’admirable Montaigne. Et vous, qu’est-ce qui vous paralyse ?

Dominique-Hélène Lemaire ( pour Arts et Lettres)

LES ÉMOTIFS ANONYMES


07/01 > 22/02/20 1H15 CRÉATION SALLE DES VOÛTES À VOIR EN FAMILLE DÈS 10 ANS au théâtre le Public

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administrateur théâtres

SPECTACLES

Les Atrides saison 2019-2020 au théâtre du Parc

Quel luxe, face à la vulgarité qui nous entoure!

Un spectacle  grandiose, de par ses références à la culture grecque ancienne, pilier fondateur de notre culture européenne, et pour  sa  charge émotionnelle surprenante de modernité, son envergure d’humanité profonde et son intelligence extrême. Un travail d’adaptation ultra moderne des oeuvres d’ Eschyle, Sophocle, Euripide et Sénèque sur fond de musique pop-rock et un plateau de lumière éblouissante. Une banquise prête à fondre à cause de la folie humaine?


Un spectacle qui puise sa lumière autant dans les doigts roses de l’aube nouvelle, que dans l’amour de la lumière dans l’Attique baignée du sang des Atrides. Les champs de coquelicots sous le ciel bleu et les ruines de la Grèce antique n’en témoignent-ils pas?   Faut-il d’ailleurs dans le cas présent  dire Atrides ou Astrides? Car la formidable équipe artistique choisie par Georges Lini, Directeur artistique de la Compagnie Belle de Nuit,  n’est rien moins qu’étincelante et forme une constellation dramatique d’une force lumineuse incroyable autour de la tragique  légende antique.

L’image contient peut-être : 2 personnes, personnes debout

LE CYCLE DE LA HAINE
COMME PIÈGE ÉTERNEL
DE L’HUMANITÉ.

Georges Lini et son équipe pose sa fabuleuse production sur les planches de l’un des plus beaux théâtres que nous connaissions: le théâtre du Parc. Mais bien sûr, l’écrin de choix s’envole aux premières paroles, et le texte qui se déploie nous renvoie aux images de la Grèce éternelle et aux questions essentielles de l’homme en quête existentielle.

L’image contient peut-être : 9 personnes, dont Inès Dubuisson, texte qui dit ’Daphné d'Heur Clytemnestre Itsik Itsik Elbaz Agamemnon Inès Inès Dubuisson Electre Félix Félix Vannoorenberghe Oreste Wendy Piette Iphigénie Stéphane Fenocchi Léopold Terlinden Egisthe Pylade François Sauveur /musicien Pierre Constant /musicien’

Tous les comédiens présentent un corps à corps charnel avec l’histoire antique, révélant avec poésie, tout le tissu des émotions intimes de chacun des membres de cette famille frappée de malédiction divine et dont Euripide,  en particulier,   contait l’aventure humaine avec tant de compassion. Inès DUBUISSON dans le rôle d’Electre et  Félix VANNOORENBERGHE, son frère Oreste. Le formidable  Itsik ELBAZ qui, sur les mêmes planches avait incarné Hamlet et Macbeth, se glisse cette fois dans la peau d’Agamemnon. Face à lui, Daphné D’HEUR, sensuelle, juste jusqu’au bout des cheveux,  est cette Clytemnestre blessée et révoltée qui n’accepte pas la décision de de sacrifier leur fille pour s’attirer les vents favorables afin de reconquérir l’Hélène  de Ménélas. En fin de compte une situation terriblement banale… Vaut-elle une guerre impitoyable qui dura dix ans ?  La folie du monde a de tout temps été universelle.  Elle se décline avec les mots d’orgueil, de violence et de vengeance. La banalité du mal.


Faire du neuf avec ce qui ne l’est pas

C’est la force du texte remanié par Georges Lini conjuguée avec celle de l’interprétation, qui engage le spectateur dans une intensité d’affects et  une recherche  incessante  de sens car, à la manière de l’illustre Pasolini, dont les paroles ouvrent et referment le texte,  il s’emploie à la découverte méthodique  des zones cachées de l’histoire en sa version officielle. Georges Lini décape la tradition pour faire ressortir des questions que l’on ne se posait pas. Va-t-il réussir à réhabiliter une Clytemnestre pétrie d’humanité? Pari tenu, grâce à son adaptation moderne des textes antiques et grâce à la personnalité généreuse de la comédienne artiste qui incarne avec volupté la mère protectrice d’Iphigénie (exquise Wendy PIETTE) , l’épouse abandonnée d’Agamemnon, l’amante désillusionnée  d’Egyste (un extraordinaire Stéphane FENOCCHI) , la gouvernante du palais en l’absence du maître. Et l’incomparable Itsik ELBAZ.

L’image contient peut-être : 2 personnes, personnes qui dansent, personnes sur scène et personnes debout

La femme serait-elle la mesure de toute chose, l’antidote de l’absurdité de la guerre, de l’orgueil démesuré, des passions dévastatrices? Le grain de vie? La petite sœur d’Electre, Chrysothémis en témoigne. Son  absolu désir de vivre nous vrille le cœur ! Aussi convainquante qu’Ismène, sœur d’Antigone chez Jean  Anouilh. Jouée aussi par Wendy PIETTE.   Choose life !  Inutile de dire que ce spectacle est un haut lieu de réflexion, d’émotion et de beauté de mise en scène. A classer  parmi  les incomparables!

Dominique-Hélène Lemaire

« Les Atrides » au Théâtre Royal du Parc à Bruxelles du 16 janvier au 15 février 2020.

Avec Pierre CONSTANT, Daphné D’HEUR, Inès DUBUISSON, Itsik ELBAZ, Stéphane FENOCCHI, Wendy PIETTE, François SAUVEUR, Léopold TERLINDEN et Félix VANNOORENBERGHE

Mise en scène et adaptation Georges LINI

Assistanat Xavier Mailleux

Scénographie et costumes Thibaut DE COSTER et Charly KLEINERMANN

Lumières Jérôme DEJEAN

Musique Pierre CONSTANT et François SAUVEUR

Vidéo Sébastien FERNANDEZ / Copyright photos: Sébastien Fernandez

Photos :  Jérôme DEJEAN

20:15
15:00 LES DIMANCHES
15:00 LE SAMEDI 15 FÉVRIER 2020
RELÂCHE LES LUNDIS

DURÉE : 1h45 (pas d’entracte)

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administrateur théâtres

SPECTACLES

Une force virulente? « Angels in America »

La pièce a été écrite en 1991. Il y a près de trente ans déjà que la pièce-fleuve de l’américain Tony Kushner recevait le prestigieux prix Pulizer. L’ épopée intime et politique est ramassée ici sur deux heures trente. « Angels in America » confronte deux mondes qui se cognent : l’immobilisme, le rejet de l’Autre versus l’ouverture et le progrès de l’humanité au sein d’un universalisme de bon aloi. Elle met en scène l’histoire parallèle et turbulente de deux couples en difficulté, un homosexuel et un hétéro : Louis Ironson et son amant Prior Walter, et l’avocat mormon Joe Pitt et son épouse Harper. Après les funérailles de la grand-mère de Louis, Prior lui apprend qu’il a contracté le syndrome de Kaposi, autrement dit, le Sida et Louis panique. Le début d’une apocalypse ?

L’image contient peut-être : nuit et plein air

Joe Pitt, mormon bon teint, qui doit négocier avec sa femme ses tendances homosexuelles, travaille pour Roy Cohn, personnage réel ancien avocat de Trump au service de Reagan qui se découvre atteint par le sida également. Coup d’éclairage sur quelques turpitudes. Valse des téléphones, présence obsédante de l’univers médical, de lits en bataille, les couples se désagrègent, le chaos du millénium approche, ce sera la fin du monde, prédit l’aigle ou l’ange rétrograde et vengeur ! Tandis qu’à Salt Lake City, la vie continue. Le monde se remplit d’hallucinations, symboles tangibles des craintes les plus irrationnelles. Nous voilà même en bord de banquise en déroute. C’est glaçant ! Mais après le cataclysme, dans la deuxième partie de la pièce, de nouveaux liens se créent, la compassion et le pardon prennent presque imperceptiblement le dessus, la vie renaît. Une rédemption. Le principal fléau à combattre n’est-il pas tout d’abord, celui de la peur de l’autre ? 

Philippe Saire 
souligne dans sa note d’intention que même si le Sida se soigne aujourd’hui, que s’il est devenu « moins grave » qu’auparavant, et que l’homosexualité commence à être chose acquise et banalisée… le vivre ensemble reste une question cruciale qui nous sauvera ou nous condamnera sans appel. Il n’y a qu’à voir combien ce qui nous est étranger continue à créer des réactions de rejet, dans tous les domaines. Le choix de telle ou telle société se pose aujourd’hui intensément, au niveau planétaire. Voulons-nous voir nos enfants et nos petits-enfants vivre dans un monde de cauchemar ? Le risque c’est de voir disparaître tout ce qui donne un sens à notre aventure humaine. Le risque c’est le repli sur soi et la férocité destructrice du suprématisme. Par aveuglement et irresponsabilité. Nous sommes ici au cœur d’une actualité virulente qui décidera ou non du naufrage de notre civilisation qu’aucune main magique ne viendra sauver, si ce n’est la nôtre.

Voilà donc pour les thèmes et les idées. Mais la manière dont cette vibrante épopée est chantée, vaut une note artistique 10/10. Philippe Saire est tout d’abord un chorégraphe d’une remarquable limpidité et fluidité lorsqu’il nous emmène dans la réflexion par le mouvement des corps. Il a dans sa fabuleuse équipe trois de ses élèves de l’école de Lausanne, et un belge, gentil comme un ange, Jonathan Axel Gomiz ! Le metteur en scène nous explique que la genèse de sa création a commencé par l’interprétation purement physique des histoires qui se chevauchent, se croisent et se complètent. A la façon d’une « bande dansée ? » le texte semble superposé par la suite à la vérité des corps et des tableaux vivants, ce qui rend le verbe d’autant plus percutant. Le spectateur est happé par les mouvements et se sent danser sur scène, cependant que l’esprit est à l’écoute intense du texte et analyse. Le jeu des voix se permet l’utilisation artistique de l’amplification et la fresque n’en est que plus fascinante. Le liant entre texte et corps c’est l’humour, tantôt bienveillant, tantôt sarcastique, tout comme dans les fabliaux d’antan, une sorte d’état de grâce qui permet à l’homme de ne pas tomber au fond de la disgrâce moderne. On constate donc que ce spectacle est monté avec un soin immense, sans la moindre faute de goût. Tout est beau à regarder, à la façon d’une ode humaniste généreuse qui se doit de nous donner la force d’âme, à chacun selon ses moyens, de redresser le cap d’une civilisation en dérive.

Du 06 au 14 décembre 2019 … seulement !

Dominique-Hélène Lemaire

 INFOS & RÉSERVATIONS
02 223 32 08 – http://theatre-martyrs.be/

 Philippe Weissbrodt

Les mardis et samedis à 19h00, les mercredis, jeudis et vendredis à 20h15, le dimanche 08.12 à 15h00. Bord de scène mardi 10.12.

GÉNÉRIQUE DU SPECTACLE :

JEU Adrien Barazzone, Valeria Bertolotto, Pierre-Antoine Dubey, Joelle Fontannaz, Roland Gervet, Jonathan Axel Gomis, Baptiste Morisod CHORÉGRAPHIE & MISE EN SCÈNE Philippe Saire ASSISTANAT À LA MISE EN SCÈNE Chady Abu-Nijmeh DRAMATURGIE Carine Corajoud LUMIÈRES Eric Soyer CRÉATION SONORE Jérémy Conne SCÉNOGRAPHIE Claire Peverelli COSTUMES Isa Boucharlat PRODUCTION Compagnie Philippe Saire COPRODUCTION Arsenic (Lausanne), Comédie de Genève, Théâtre des Martyrs.

La Compagnie est au bénéfice d’une convention de soutien conjoint avec la Ville de Lausanne, le Canton de Vaud et Pro Helvetia, Fondation suisse pour la culture. Le spectacle est lauréat du concours Label + romand – arts de la scène, et soutenu par la Loterie Romande et de Sandoz – Fondation de famille. La Cie Philippe Saire est compagnie résidente au Théâtre Sévelin 36, Lausanne.

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administrateur théâtres

SPECTACLES

Au théâtre des Martyrs: "L’histoire approximative mais néanmoins touchante et non écourtée de Boby Lapointe"

Salade russe, avec ou sans Mayo ?

Debout les crabes, la marée monte ! Bobby Lapointe l’alliterophile absolu de la chanson française, le prince de l’imagination, se réveille ce soir, sous le jeu vivant et bon enfant de trois mauvaises herbes poussant d’ordinaire leur spectacle de par les rues ensoleillées du royaume de Belgique. Mais c’est bientôt l’hiver, et les manteaux, écharpes et parapluies ont envahi les rues, les gens se pressent pour échapper aux morsures de la froidure, et les baladins cherchent des murs…La bise venue, rien ne valait donc mieux pour les artistes batteurs de pavés, que l’accueillante fourmilière du Théâtre des Martyrs. Un lieu sûr pour ces saltimbanques chercheurs d’abri côtiers, rêveurs d’été, enchanteurs de plages, capteurs de sirènes et de pirates en goguette, et enfileurs de tableaux historiques à l’envers.

Ils sont 5 vaillants bricoleurs, unis comme les doigts de la main, mais on n’en voit que trois. Leur mission est de promouvoir notre belle langue française, affirment-ils, sans toutefois vouloir brandir haut et fort le flambeau du lexique ni celui de l’ami Grévisse. L’orthographe – on le sent, on le redoute – ils la traitent …par dessus la jambe. Comme dans Boby!

Mais qu’importe, s’il ne s’agit que réveiller les voix des géants endormis de notre chanson française ! Ceux qui ont tissé l’enfance des Boomers de tout poil. Georges Brassens, et sa moustache bien peignée, la pipe en coing (pour l’asseng) , une guitare ou une femme sur les genoux…et son parent pauvre : Sieur Bobby Lapointe. les artistes en culottes courtes veulent nous faire rire à coups répétés d’anti-héros chansonniers, ou de chansonniers anti héros. …Ce n’est pas la même chose, figurez-vous ! Mais pas mal de coups d’épée dans l’eau. Toute monde ne s’improvise pas Don Quichotte.

Mais soyez sans crainte : les reprises des tubes de Bobby se font à la bonne franquette, même si la mise en œuvre musicale est un peu légère. On avait adoré à la Samaritaine, Dieu ait son « æme », le trio féminin Tibidi , qui interprétait Boby Lapointe. Elles étaient absolument craquantes dans le genre : charme fou, diction parfaite, harmonie des voix, chorégraphie…


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Ces messieurs s’adonnent aux plaisirs des rimes et des clowns sur scène, mais la mayo prend-elle pour autant ? Pour que le rire joyeux fuse, il ne suffit pas de malmener la chronologie, jouer l’absurdie, Merci Lydie, ou de contrepéter à tire l’harigot, il faut que le grain de folie intoxique… On leur souhaite donc un peu plus d’arsenic ou de digitaline ou quelques graines d’hellébore, pour que le feu ne reste pas celui d’un déjeuner de soleil ou celui de quelques brindilles en fumeroles … Debout les fourmis ! Ou les cigales, c’est comme vous l’entendrez !

Au gré de leurs moultes prestations en places publiques, les artistes ont rassemblé assez d’éléments épars de la vie du bonhomme Lapointe que quitta sa Katy pour l’éternité, pour en faire un spectacle grand format, sous chapiteau permadur et qui tienne la route en hiver. Keep trying !

Dominique-Hélène Lemaire 

 THEATRE DES MARTYRS

 Petite salle - 27.11 > 14.12.19 - 1h15 - sans entracte

Les mardis et samedis à 19h00, les mercredis, jeudis et vendredis à 20h15, les dimanches 01 & 08.12 à 15h00.
Bord de scène vendredi 06.12 animé par Michael Delaunoy.

JEU Valentin Demarcin, Benoit Janssens, Virgile Magniette
LUMIÈRES Renaud Ceulemans
REGARD EXTÉRIEUR & RÉGIE Axel Cornil & Allan Bertin
CRÉATION COLLEXTIVE Les compagnons pointent
PRODUCTION Les compagnons pointent

RÉSERVATIONS
par téléphone +32 2 223 32 08 ou via le site http://theatre-martyrs.be/

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administrateur théâtres

Art digital: Monet, Monet!

20 mille lieues sous la peinture…

L’image contient peut-être : plein air

Quand on parle d’héritage culturel, on pense transmission, éducation artistique, racines et révolutions… Mais aussi plaisir.  

L’événement artistique proposé par « Monet, the immersive experience  » plonge dans le plaisir visuel grand format et haute définition, et vous enveloppe comme un manteau miroitant de bienveillance. Les ancêtres des pixels sont à la fête! Ce sont les innombrables coups de pinceau du maître de l’impressionnisme, Claude Monet (Paris, 1840 – Giverny, 1926) qui sont en cause. Ce peintre emblématique  a su observer et représenter la réalité de manière révolutionnaire après l’apparition de la photographie. Lors de cette expérience immersive, vous pénétrez dans le mystère d’une luminothèque extraordinaire, prêt à voyager de tableau en tableau avec l’impression d’y pénétrer corps et âme. Façon Alice au pays des merveilles, en vrai, tout en poursuivant le parcours anecdotique très intéressant de la longue vie de l’artiste. Dans un environnement aussi mystérieux qu’un kaléidoscope mais sans son aspect un peu figé, ici tout semble prendre vie dans une magie visuelle et récréative. Tour à tour, les champs de coquelicots, la pie dans la neige, les falaises d’Etretat, la cathédrale de Rouen, les meules de foin, les bords de la Tamise, vous captent sous leur charme enchanteur.

L’art et la paix, ou la paix de l’art? C’est l’occasion de réfléchir. Les nymphéas de Monet n’étaient-ils pas une commande de son ami Clemenceau pour rendre honneur à la paix après les déflagrations de la grande guerre? La paix, ce bonheur insigne que nous avons la chance de connaître en Europe depuis de nombreuses décennies et dont nous ne mesurons pas toujours la chance. Et oui, vous rencontrerez une carpe multicolore aux couleurs de paradis frétillant entre les nénuphars…
Oui,vous serez à la Gare Montparnasse, tapant du pied pour vous réchauffer, en plein cœur des années de la révolution industrielle, dans le bruit fracassant d’une locomotive à vapeur! Rêves d’antan et femmes en crinolines…

L’image contient peut-être : une personne ou plus

Ainsi donc, si les amusement Parks ont la côte et attirent des millions de visiteurs, grands et petits, on passe ici à l’amusement gallery, et l’éducation y trouve son compte. C’est peut-être pour certains un premier pas posé vers l’univers culturel si riche de notre vieille Europe, vers laquelle tant de regards étrangers se tournent, avec passion jalouse parfois.

Sous les projecteurs anciens et modernes, voici donc Monet, la tête de file des peintres impressionnistes qui fait partie de ce capital culturel intangible qui nous a formés depuis l’école et a éduqué notre curiosité artistique, notre sens du beau, du bon, du vrai.

L’image contient peut-être : salon et intérieur

Bien sûr il y a une différence intrinsèque et fondamentalement entre les inestimables œuvres originales que l’on retrouve dans les musées, les collections privées et les livres d’art et leurs clones audio-visuels composés avec soin au cœur de studios d’images de synthèse. Mais cette approche ludique de l’art vaut aussi le détour… Il y a de beaux précédents, avec d’autres peintres comme van Gogh ou Breughel qui ont attiré des foules de visiteurs. Cet événement a rencontré déjà un vif succès à Barcelone.

Les plus jeunes générations qui sont bombardées d’ « edutainment« , entendez de l’éducation par l’amusement, à l’école comme à la maison, adorent ces nouveaux styles d’apprentissage ludique via écrans, jeux vidéos et autres interactivités immersives. Ils seront ravis de découvrir à travers les oeuvres pixellisées, les œuvres de l’artiste en format géant, ses voyages successifs de la Normandie à Venise en passant par Londres et la Norvège, sa vie passionnante et rebelle en pleine révolution photographique, les amours de sa vie… et Gyverny, sa dernière halte. Le balayage de presque un siècle, sous forme d’ « entercation »! A chacun ses néologismes!

Aucune description de photo disponible.

C’est donc l’occasion rêvée de plonger dans les pigments si bien juxtaposés par l’artiste, qu’ils vous donnent l’impression nager dans un univers de relief, de mouvement et de profondeur, un monde transcrit sur la toile en vibrations lumineuses. Ne manquerait-il que les parfums puisque même les sons vous rejoignent…? C’est l’occasion unique de s’attarder sur des détails célébrant la Nature et la lumière si bien mises en scène par l’artiste, la beauté, transformée en idée, merci Platon. C’est un moment précieux où l’on apprécie l’urgence que Monet avait de peindre l‘éphémère que l’on voit se démultiplier tout autour de soi… Et l’on se recueille, plein de gratitude, devant l’énergie sublime des coups de pinceau du grand maître.

Dominique-Hélène Lemaire

Dès le 30 novembre 2019, et jusque fin avril 2020 à Bruxelles.

*Une réalisation d’ Exihibition Hub, PME bruxelloise, qui allie technologie et sens artistique

*A 200 m de la Grand place, au pied de l’hôtel Novotel, dans une galerie privatisée pour l’occasion, la galerie Horta  moins connue que sa petite soeur marchande, la galerie Agora, mais que vous serez sûrement ravis de découvrir!

Adresse: Rue du Marché Aux Herbes 116, 1000 Bruxelles

Horaire

Lundi : de 10h à 18h
Mardi : fermé
Mercredi : de 10h à 18h
Jeudi : de 10h à 23h
Vendredi : de 10h à 18h
Samedi : de 10h à 18h
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SPECTACLES

« River » Dreams On ! Au théâtre des Martyrs

River

De quoi sont faits nos souvenirs ? Traces du passé ? Traces rêvées ? Et dans ces parties lointaines de notre mémoire quels secrets y avons nous enfoui ? Et nos amours perdues ? Aussi entêtantes que la mélodie d’une chanson ? Qu’en reste-t-il en nous ? La blessure est-elle devenue superficielle ? Et les enfants qui partent loin de notre nid ? Que faire quand l’oubli efface tout et qu’on ne reconnaît plus l’autre…

Et les au revoir quand on s’accroche à un hypothétique espoir.
Et les adieux, quand il ne nous restera plus que le souvenir, peut-être une caresse ou une odeur, quand on parlera à l’absente ou à l’absent.

À partir des champs de l’intime et des deuils qu’il nous faut faire, la chorégraphe Michèle-Anne De Mey bâtit une fiction dansée. Elle rassemble huit personnages, danseurs, acteurs, musiciens, circassiens et un chien, qui raconteront, à travers gestes et paroles, ce qu’on abandonne et ce qui nous suit quand on quitte une maison : les souvenirs communs et les souvenirs secrets. De la chambre, du salon, du jardin, et de la rivière.

Distribution

Un spectacle de Michèle Anne De Mey créé pour et en collaboration avec Charlotte Avias, Didier De Neck, Gaspard Pauwels, Fatou Traoré, Alexandre Trocki, Violette Wanty, Nino Wassmer, Zaza le chien • chorégraphie Michele Anne De Mey assistée de Fatou Traoré • textes Thomas Gunzig en collaboration avec Didier De Neck et Alexandre Trocki Du 12 au 23 novembre. Grande salle

Au gré de vos …harmonies


Un bouquet d’harmonies… et quelques clefs

« RIVER » vous offre un extrait du concerto pour piano No. 1 de Tchaikovsky, de nombreux extraits de Franz Schubert, les parfums de George Gershwin, l’Andante sostenuto de Franz Schubert, extrait de la 21e Sonate pour piano en si bémol majeur, D. 960, son ultime sonate , achevée le 26 septembre 1828, plusieurs arrangements pittoresques de « Die Moldau » de Smetana, le rêve en liberté, de sublimes « Summertime » chantés et dansés, et l’évidence même dans ce programme : « La jeune fille et la mort », exaltante et hypnotique. La dernière clef c’est « Memories of the Silver Screen » de Laurel & Hardy… Entrez et laissez vous emmener ! Au gré de vos propres harmonies.

Interactif

Et le spectateur, touché par la musique et le jeu sur le plateau, les ronds dans l’eau, de rebondir sur le champ et de partir lui-même à la recherche de ses harmonies. Viennent à l’esprit les premiers vers de « Correspondances » de Baudelaire,

«  La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers. »

Mais La première chose qui m’ait envahi le coeur est la musique de “The River of no return” la seconde, un inexplicable souvenir de :”Madison Bridge”, la troisième plongeait dans le fleuve Léthé celui de l’oubli où les âmes deviennent bienheureuses. Le bonheur retrouvé des études classiques, les rives où Orphée perd Eurydice.

Sur le plateau

Car par devant soi il y a des jeux de transparence et de lumière, comme pour visiter l’âme, les voiles de la mort, une armoire magique à double fond tapissée avec la robe d’une des femmes, des danseuses par trois, comme celles qui vous imposent un impossible choix et un vieil homme assis dans un fauteuil qui fait tourner une boîte à musique avec sa danseuse hypnotique. Un chien, ce meilleur ami. Bien bien vivant, celui-là ! Ou non, c’est selon. Demandez à la rivière.

 Les souvenirs de l’homme eux sont exposés, radiographiés, photographiés, filmés, pris sur le vif, agrandis… joués, mimés, symbolisés, dans des tableaux qui ne cessent de s’évanouir et de se renouveler. Cependant que l’homme est en proie à la litanie des choses de sa vie. Il tient les rênes, il ne lâche pas un fil. Tout y passe, de la moindre fourchette à poisson, au sécateur grippé ou la housse de couette à fleurs rapiécée. Une mémoire qui frise l’obsession. « Ma tante part en voyage avec… « 

Cherchez l’intrus ! Il n’y en a pas. Sauf l’infinie solitude, la nostalgie, le temps en marche égrené par des musiques sublimes. Et la proche séparation d’avec sa maison qui a tout vu, tout en tendu, tout vécu. « Summertime », bonheur opiniâtre, pour réveiller l’été de l’âme, pour d’ultimes étreintes et se souvenir.

Aux pinceaux

La fresque poétique de l’A Dieu régie par Michèle Anne De Mey (Kiss and Cry) s’appuie sur ses huit piliers : les artistes qui fonctionnent comme un seul être, un organisme vivant qui résiste au temps et refuse de mourir. Les armes de la mise en scène : la présence, le verbe dépouillé, le corps et le mouvement exaltés. Notre espoir contre la perte et le noir complet. Une harmonie retrouvée ? Signée Charlotte Avias, Didier De Neck, Gaspard Pauwels, Fatou Traoré, Alexandre Trocki, Violette Wanty, Nino Wassmer, et Zaza le chien Boris Cekevda, au mixage sons…


Echo

Et voici celle que j’aime, l’harmonie qui répond pour moi au spectacle, en écho lumineux :

« J’ai essayé, dit-il, de me faire une compagnie avec toutes les choses qui ne comptent pas d’habitude. Je vais vous paraître un peu fou et je dois être un peu fou. Je me suis fait doucement compagnie de tout ce qui accepte amitié. Je n’ai jamais rien demandé à personne parce que j’ai toujours peur qu’on accepte pas, et parce que je crains les affronts. Je ne suis rien, vous comprenez ?
Mais j’ai beaucoup demandé à des choses auxquelles on ne pense pas d’habitude, auxquelles on pense, demoiselle, quand vraiment on est tout seul. Je veux dire aux étoiles, par exemple, aux arbres, aux petites bêtes, à de toutes petites bêtes, si petites qu’elles peuvent se promener pendant des heures sur la pointe de mon doigt. Vous voyez ?
A des fleurs, à des pays avec tout ce qu’il y a dessus.
Enfin à tout, sauf aux autres hommes, parce qu’à la longue, quand on prend cette habitude de parler au reste du monde, on a une voix un tout petit peu incompréhensible. »

Jean Giono, Que ma joie demeure.

Dominique-Hélène Lemaire

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administrateur théâtres

Bizet à Liège en Novembre 2019, des perles fabuleuses!

Une perle d’opéra!


« Les Pêcheurs de perles » à l’Opéra  de Liège

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Nous attendions beaucoup des « Les Pêcheurs de perles » à l’Opéra  de Liège puisque, c’est la deuxième fois que nous assistons à cette production,  dans la mise en scène sobre et poétique du nippon Yoshi Oïda et les décors de Tom Schenk.   La mise en scène  de 2015  n’a pas pris une ride, car elle touche l’universel.   Il s’agit du premier opéra que Bizet composa à 24 ans. Il était  pour l’époque, d’un exotisme délirant dans la partition et le livret, la référence à la mer et  aux pêcheurs de la  côte étant omniprésente. L’opéra se déroulait dans l’île de Ceylan,  ce qui est maintenant devenu le Sri Lanka depuis 1972.  Mais le metteur en scène, Yoshi Oïda,  désireux de nous transporter dans un ailleurs mythique et imaginaire, semble s’être inspiré soit de la culture  matriarcale des plongeuses  japonaises « ama »,  une coutume  vieille de  quatre mille ans en ce qui concerne le culte de la mer,  ou de celle de « noros », ces femmes  chamanes de l’ancien royaume du royaume des Ryûkyû, Okinawa, un archipel  japonais en forme de Dragon, aux portes de Taiwan, un centre du monde habité par les dieux.  Vestales japonaises, ces femmes  sont toujours là à entretenir une communication sacrée avec les forces divines de la nature, et à un degré supérieur, celles de l’univers. La crainte qu’inspirent  les dangers des  flots marins, engageait naturellement  sur les chemins du sacré. Le sensuel et le spirituel se rejoignant.

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 Et voici une nouvelle  distribution, très solide, combinée à une très belle performance musicale sous la direction de  Michel Plasson, 86 ans,   qui connaît  si intimement  cette œuvre  de Bizet. Les costumes dessinés par Richard Hudson sont  des variations du bleu ardoise  de  « Ce toit tranquille, où marchent les colombes », déclinés en turbans, écharpes, chemises frustes, et vêtements de travailleurs de la mer, bleu de Gênes. Un contraste saisissant avec les voiles éclatants de blancheur de la déesse vierge.   Lumières subtiles et ouvragées de Fabrice Kebour qui fait coïncider le soleil levant meurtrier  avec les cuivres orchestraux des premiers rayons d’une aube incandescente.   Pierre Iodice,  fidèle commandeur  des chœurs de la maison liégeoise,  assurait aux choristes  une fluidité de flots marins, ménageant des moments de frissons poétiques et célestes!   Ainsi,  au tomber du rideau, la salle comble  a   offert  une nouvelle fois – à juste titre – une ovation debout, pleine d’enthousiasme associée à un tonnerre d’applaudissements pour cette œuvre dont le foisonnement des joyaux mélodiques regorge  de morceaux pleins de feux et d’un riche coloris selon  les dires de Berlioz. 

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Le livret se déroule comme un long  flashback nostalgique et tragique de solitude héroïque bercée par le roulis de la vague marine.  Zurga et Nadir, deux hommes tombés amoureux de Leïla dans leur jeunesse ne veulent pas risquer leur amitié et  font le serment de  ne pas répondre à leurs sentiments pour elle. Mais plusieurs années plus tard, il semble que l’amour pour  cette femme idéalisée ne  se soit   jamais éteint. « À aucun autre moment le sensuel n’est aussi chargé d’âme et la part d’âme aussi sensuelle que dans la rencontre. Tout est alors possible, tout est en mouvement, tout est dissous. Il y a là une attirance réciproque, vierge encore de convoitise, mélange naïf de confiance et de crainte. Il y a là quelque chose de la biche, de l’oiseau, … pureté angélique, présence du divin… Ce quelque part, cet incertain pourtant animé par la force du désir… La rencontre promet davantage que ne peut tenir l’étreinte. On dirait, si je peux m’exprimer ainsi, qu’elle ressortit à un ordre supérieur des choses, cet ordre qui fait se mouvoir les étoiles et féconde les pensées… »
Hugo von Hofmannsthal, Chemins et rencontres.

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Et bien que la jeune et fougueuse Leïla ait juré  à Zurga  devenu roi, et au reste du village de  rester  la très chaste et pure gardienne du  rocher qui surplombe la mer, et dont la tâche est de repousser les mauvais esprits qui emportent les pêcheurs dans les abysses,   son désir la porte  toujours vers Nadir, le coureur des bois. Cyrille Dubois chante un héros élégiaque, plein  de charme, au timbre galbé et chaleureux et charismatique, porté par un souffle puissant.   Annick Massis développe habilement le rôle féminin de cet opéra, commençant par celui d’une femme  innocente et docile et concluant celui-ci dans  une apogée  d’amour passionné, cueillant à chaque pas de fulgurantes vocalises.  Elle  a promis par trois fois de « vivre sans ami, sans amour, sans amant ! » Malheur à elle si elle succombe !    Le lien qui l’unit  mystérieusement à Zurga est de l’avoir sauvé dans sa jeunesse, lorsqu’il était un pêcheur rescapé, accueilli sous le toit familial. Elle a gardé de lui, un collier de perles.    Intense, impulsive, très passionnée, elle forme avec Nadir  un duo  pris par l’élixir de  la musique et qui chante l’ élévation  vertigineuse es sentiments . Tous deux  atteignent les profondeurs du cœur. C’est ce qui bouleverse le public.  Bien sûr, la chute est imminente. Et lui, flotte dans le ravissement ! « Oui, c‘est elle! C‘est la déesse. Plus charmante et plus belle. Oui, c‘est elle. C‘est la déesse qui descend parmi nous. Son voile se soulève et la foule est à genoux. »  Passent les pêcheurs et leurs nasses d’osier «Je crois entendre encore, Caché sous les palmiers, Sa voix tendre et sonore Comme un chant de ramiers. Ô, nuit enchanteresse, Divin ravissement, Ô, souvenir charmant, Folle ivresse, doux rêve! Aux clartés des étoiles, Je crois encore la voir Entrouvrir ses longs voiles Aux vents tièdes du soir. Ô, nuit enchanteresse, Divin ravissement, Ô, souvenir charmant, Folle ivresse, doux rêve » ponctués par des violoncelles en voix  presqu’humaines.

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L’orchestre construira l’angoisse et le silence, les présages de mort et d’épouvante et leurs chasubles blanches, leurs torches hostiles,  les barques agitées par les flots. Le chœur est rempli d’effroi «  Un  étranger s’est introduit parmi nous ! »Tout est dit ! La vindicte de la foule se lève comme une effroyable tempête. Le quatuor d’interprètes a été complété par le brutal et revêche  Nourabad de Patrick Delcour. Brutalité et cruauté sont les maîtres mots qui enclenchent tout de même le remords chez Zurga. Les erreurs humaines sont sources de larmes, Leila  dans des accents qui font penser à  Norma, agile et palpitante, victime de sa fonction de prêtresse, plaide la cause de Nadir, il est innocent : «  Accorde-moi sa vie, pour m’aider à mourir » : c’est alors que déferle la rage de la jalousie qui rend le roi  Zurga aveugle, barbare et cruel.  Ce rôle est tenu par le baryton belge  Pierre Doyen, au timbre brillant,  qui  retrouve,  après avoir sombré dans la sauvagerie de la jalousie,  une ligne de chant ferme, noble et élégante.   Au bord du trépas romantique, les amants se  fondent  déjà dans l’amplitude de l’éternité lumineuse, dans une ivresse mystique, auprès d’un dieu salvateur.  Mais ils ne mourront pas car Zurga, ayant reconnu le collier donné à la jeune-fille d’antan,  leur ouvre les chemins de  l’exil,  après avoir mis le feu au camp pour brouiller les pistes. Est-ce à dire, que jamais les liens entre  les personnes ne se rompent, ni ici, ni ailleurs? Le couteau est inutile et vain.

Dominique-Hélène Lemaire

«  Les Pêcheurs de perles » à l’Opéra  de Liège      

Du 08 au 16 novembre 2019

Photos © Opéra Royal Wallonie-Liège

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