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Exposé éclairant de Philippe Jones sur une oeuvre qui n'attire pas à première vue, et qui a besoin de décryptage. Personnellement, je trouve les "recherches" de Magritte peu sujettes aux coups de coeur et affectées d'une proposition accablante et systématique de" mystérieux" à tout bout de champ. Elles ne s'expliquent que par des textes et je ne parviens pas à ressentir une quelconque émotion en visionnant cette imagerie froide et trop bien léchée, encombrée de grelots, de ciels d'un bleu clair glacial, de constructions comme faites pour vous démontrer que vous êtes un ignorant coupable d'être ému par la bonté, la beauté, la souffrance, la déchéance maudite ou l'admiration pour le don d'enfance. Je ressens devant ces toiles l'impression que ce peintre veut imposer l'idée que l'existence consiste à être déconcerté, surpris par des couleurs nauséeuses et des slogans lapidaires aux allures de babioles qui se veulent intimidantes. Ne seriez-vous qu'un petit nuage d'inconnaissance? Le conférencier a quand même bien fait ressortir que l'art peut aussi se trouver là où on ne l'attend pas. J'aurais préféré que Magritte fut un naïf impressionniste. Ceci n'est pas une impression.
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Pour la défense de la langue

IInamovible, l’espéranced’un virage de cap décisif,incisive plantée dans la chair de la langue,incise vive entéeau pli d’une phrase branlante,bouleversement radical permanent,retournement des senset du sens de la vie,retour à l’essentiel.IILa tournure qu’ont prise les chosesdemande un détournement d’urgencede l’usage consacré de la langue,toutes papilles confondues,saveur des mots collésà la voûte céleste du palais déserté.Les dents ne doivent pas s’ériger en barrièrecontre laquelle viendrait buterla vérité celée par habitude.Les dents s’écartentsur le passage de la langue,joyeuse entrée de ta salivedans mon intime convictionque tout est bon à dire.IIIQue les sons forgés dans la gorge,conçus au berceau du palais,les cris du cœur et des phanères,les hululements de douleur,les gémissements de plaisir,les chuchotements de tendresse,les murmures de compassioncirculent à l’air libre d’une voix entendue.A langue abattue, les motscourent sur le fil du rasoirde la folie.IVLa langue veut servir celui qui la délie.
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Quelques librairies en Belgique francophone

Une liste de librairies actuellement labellisées en Belgique francophone: AUDERGHEM U.O.P.C. Avenue Gustave Demey 14-16 1160 Bruxelles Tél. : 02 648 96 89 Fax : 02 648 61 72 Courriel : administration(at)uopc.be Site Web : www.uopc.be BRUXELLES La Grande Muraille Galerie R. de Ruysbroeck 5 1000 Bruxelles Tél. : 02 512 14 56 Fax : 02 513 83 37 Courriel : grande_muraille(at)swing.be Site Web : http://users.swing.be/grande_muraille/ BRUXELLES Quartiers Latins Place des Martyrs 14 1000 Bruxelles Tél. : 02 227 34 00 Fax : 02 227 34 08 Courriel : contact(at)cfc-editions.be Site Web : www.cfc-editions.be BRUXELLES Tropismes Libraires Galerie des Princes 11 1000 Bruxelles Tél. : 02 512 18 52 Fax : 02 514 48 24 Courriel : info(at)tropismes.com Site Web : www.tropismes.com ETTERBEEK Filigranes Avenue des Arts 39-40 1040 Bruxelles Tél. : 02 511 90 15 Fax : 02 502 24 68 Courriel : info(at)filigranes.be Site web : www.filigranes.be ETTERBEEK La librairie européenne Rue de l'Orme 1 1040 BRUXELLES Tél. : 02 231 04 35 Courriel : info(at)libeurop.be Site Web : www.libeurop.be ETTERBEEK Tapage Rue Père de Deken 83 Cours Saint-Michel 1040 Bruxelles Tel. : 02 733 37 70 Fax : 02 733 40 30 Courriel : info(at)tapageweb.be Site web : www.tapageweb.be SAINT-GILLES Husson Chaussée d'Alsemberg 142 1060 Bruxelles Tél. : 02 534 33 54 Courriel : michel.husson(at)skynet.be Site web : www.husson-editeur.be SAINT-GILLES Les yeux gourmands Avenue Jean Volders 64 A 1060 Bruxelles Tél. : 02 642 97 05 Fax : 02 642 97 05 Courriel : france.verrier(at)lesyeuxgourmands.be UCCLE AM STRAM GRAM Rue Général Mc Arthur 1 1180 Bruxelles Tél. : 02 345 81 85 Fax : 02 345 81 85 Courriel : amstramgram(at)skynet.be UCCLE La licorne Chaussée d'Alsemberg 656 1180 Bruxelles Tél. : 02 344 98 32 Fax : 02 345 40 48 Courriel : info(at)librairielalicorne.be UCCLE Par quatre chemins Rue Xavier de Bue 4 1180 Bruxelles Tél. : 02 344 58 83 Fax : 02 345 06 98 Courriel : librairie(at)parquatrechemins.be Site Web : www.parquatrechemins.be WATERMAEL-BOITSFORT ABAO Librairie Rue Middelbourg 40 1170 BRUXELLES Tél. : 02 663 79 80 Courriel : info(at)abaobxl.be Site Web : www.abaobxl.be WOLUWE-SAINT-LAMBERT À livre ouvert Rue St Lambert 116 1200 Bruxelles Tél. : 02 762 98 76 Fax : 02 762 73 41 Courriel : a.livre.ouvert(at)skynet.be Site Web : www.alivreouvert.be ATH Litterath Grand Place 49 7800 Ath Tél. : 068 84 18 46 Courriel : litterath(at)skynet.be BINCHE Librairie de la Reine Grand Place, 9 7130 Binche Tél. : 064 33 06 60 Fax : 064 33 06 60 Courriel : librairie(at)librairiedelareine.be Site Web : www.librairiedelareine.be CHARLEROI Molière & Cie Boulevard Tirou 68 6000 Charleroi Tél. : 071 32 89 19 Fax : 071 32 02 20 Courriel : administration(at)moliere.be Site Web : www.moliere.be LA LOUVIERE L'écrivain public Rue de Brouckère 45 7100 La Louvière Tél. : 064 28 04 33 Fax : 064 22 98 44 Courriel : librairie-ecrivainpublic(at)skynet.be Site Web : www.librairie-ecrivainpublic.be MONS Librairie André Leto Rue d'Havré 35 7000 Mons Tél. : 065 31 53 18 MONS La ligne claire Grand'rue 66 7000 MONS Tél. : 065 33 48 38 Courriel : info(at)ligneclaire.com Site Web : www.ligneclaire.com MONS Polar & Co Rue de la Coupe 36 7000 Mons Tél. : 065 84 95 77 Courriel : info(at)librairiepolar.com MONS Scientia Passage du Centre 9-13 7000 Mons Tél. : 065 31 65 62 Fax : 065 33 96 56 Courriel : librairie.scientia(at)skynet.be Site Web : www.librairiescientia.eu MOUSCRON Melpomène Rue de la Station 85 7700 Mouscron Tél. : 056 34 81 57 Fax : 056 34 81 57 Courriel : info(at)melpomene.be TOURNAI Chantelivre Rue de la Wallonie 27 7500 Tournai Tél. : 069 84 44 13 Fax : 069 88 01 50 Courriel : chantelivre(at)busmail.net Site Web : www.chantelivre-tournai.com TOURNAI Décallonne Grand Place 18 7500 Tournai Tél. : 069 22 69 21 Fax : 069 22 84 39 Courriel : info(at)decallonne.be TOURNAI Librairie diocésaine Siloë Rue des Jésuites 28 7500 Tournai Tél : 069 36 22 14 Fax : 069 84 38 15 Courriel : librairie(at)services-diocesains-tournai.be Site Web : www.siloe-librairies.com BRAINE L'ALLEUD Le Baobab Rue des Alliés 3 1420 Braine l'Alleud Tél. : 02 384 42 21 Fax : 02 384 42 21 Courriel : livresjeunesse(at)lebaobab.be Site Web : www.lebaobab.be JODOIGNE L'ivre de papier Grand'rue 66 7000 MONS Tél. : 065 33 48 38 Courriel : info(at)ligneclaire.com Site Web : www.ligneclaire.com LA HULPE Au fil des pages Rue des Combattants 106 1310 La Hulpe Tél. : 02 653 32 67 Fax : 02 653 32 66 Courriel : info(at)aufildespages.be NIVELLES Au p'tit prince Rue de Soignies 9 1400 Nivelles Tél. : 067 22 09 52 Fax : 067 55 01 61 Courriel : info(at)auptitprince.be Site Web : www.auptitprince.be WATERLOO Graffiti Chaussée de Bruxelles 129 1410 Waterloo Tél. : 02 354 57 96 Fax : 02 354 48 81 Courriel : info(at)librairiegraffiti.be Site Web : www.librairiegraffiti.be WAVRE Calligrammes Rue Charles Sambon 7 1300 Wavre Tél. : 010 22 61 47 Fax : 010 22 42 35 Courriel : info(at)calligrammes.be Site Web : www.calligrammes.be WAVRE Le chat pitre Chaussée de Louvain 60 1300 Wavre Tél. : 010 24 22 64 Fax : 010 24 22 64 Courriel : lechatpitre(at)skynet.be Site Web : www.lechatpitre.be DINANT Dlivre Rue Grande 67 A 5500 Dinant Tél : 082 61 01 90 Fax : 082 61 16 90 Courriel : contact(at)dlivre.com Site Web : www.dlivre.com GEMBLOUX Antigone Place de l'Orneau, 17 5030 Gembloux Tél. : 081 60 03 46 Fax : 081 60 03 46 Courriel : librairieantigone(at)skynet.be NAMUR Papyrus Rue Bas de la Place 16 5000 Namur Tél. : 081 22 14 21 Fax : 081 22 14 21 Courriel : info(at)librairiepapyrus.be Site Web : www.librairie-papyrus.be NAMUR Point-virgule Rue Lelièvre 1 5000 Namur Tél. : 081 22 79 37 Fax : 081 22 79 37 Courriel : info(at)librairiepointvirgule.be Site Web : www.initiales.org AYWAILLE Librairie du centre Place Joseph Thiry 29 4920 Aywaille Tél. : 04 384 41 93 Fax : 04 384 71 34 Courriel : librairieducentre(at)hotmail.com CHÊNÉE Le long courrier Rue de l'Église 54 4032 Chênée Tél. : 04 367 63 83 Fax : 04 367 63 83 Courriel : lelongcourrier(at)gmail.com Site Web : www.long-courrier.com HUY La dérive Grand Place 10 4500 Huy Tél. : 085 21 25 14 Fax : 085 24 01 51 Courriel : info(at)laderive.com LIÈGE L'échappée belle Boulevard Saucy 9 4020 Liège Tél. : 04 343 57 62 Fax : 04 343 57 62 Courriel : info(at)echappeebelle.be Site Web : www.echappeebellecp.canalblog.com LIÈGE Livre aux trésors Rue Sébastien-Laruelle 4 4000 Liège Tél. : 04 250 38 46 Fax : 04 250 38 46 Courriel : livreauxtresors(at)skynet.be Site Web : www.initiales.org LIÈGE La parenthèse Rue des Carmes 24 4000 Liège Tél. : 04 222 42 66 Fax : 04 221 23 95 Courriel : info(at)laparenthese.be Site Web : www.laparenthese.be LIÈGE Siloë Rue des Prémontrés 40 4000 Liège Tél. : 04 223 20 55 Fax : 04 223 19 55 Courriel : cdd.liege(at)siloe-librairies.com Site Web : www.siloe-librairies.com MALMEDY Au fil d'Ariane 2 Chemin rue 14 4960 Malmedy Tél.et fax : 080 77 05 77 Courriel : malmedy(at)aufildariane.be Site Web : www.aufildariane.be SPA Pages après pages Rue Docteur Henri Schaltin 7 4900 Spa Tél. : 087 22 67 28 Fax : 087 22 67 28 Courriel : pagesaprespages(at)hotmail.com Site Web : www.pagesaprepages.be VERVIERS Au fil d'Ariane Rue Henri Huard 5 4800 Verviers Tél. : 087 33 64 39 Fax : 087 33 64 74 Courriel : aufildariane(at)skynet.be Site Web : www.aufildariane.be VERVIERS Les Augustins Pont du Chêne 1 4800 Verviers Tél. : 087 33 56 99 Courriel : lesaugustins(at)hotmail.com VISÉ L'oiseau lire Rue du Collège 10 4600 Visé Tél. : 04 379 77 91 Fax : 04 374 19 38 Courriel : librairie(at)loiseaulire.be Site Web : www.loiseaulire.be ARLON Le point-virgule Grand-Place 21 6700 Arlon Tél : 063 22 24 74 Fax : 063 23 39 74 Courriel : pointvirgule(at)honet.be ARLON Du tiers et du quart Rue de Neufchâteau 153 6700 ARLON Tél. : 063 23 66 26 Courriel : dutiersetduquart(at)skynet.be BASTOGNE Croisy Grand-Place 21 6700 Arlon Tél : 063 22 24 74 Fax : 063 23 39 74 Courriel : pointvirgule(at)honet.be LIBRAMONT Le temps de lire Rue du Serpont 13 6800 Libramont Tél. : 061 22 47 86 Fax : 061 22 47 86 Courriel : letempsdelire(at)skynet.be Sites Web : www.letempsde-lire.be www.letempsdelire-libramont.be MARCHE-EN-FAMENNE L'Odyssée Rue du Commerce 22 6900 Marche-en-Famenne Tél. : 084 32 20 03 Fax : 084 32 20 03 Courriel : odyssee.mariel(at)gmx.com NEUFCHÂTEAU Oxygène Rue Saint Roch 26 6840 Neufchâteau Tél. : 061 27 15 12 Fax : 061 27 15 13 Courriel : guy.pierrard(at)librairie-oxygene.be Site Web : www.librairie-oxygene.be
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1. Golden sixties et crise économique Comme dans les pays occidentaux en général, les années 60 constituent pour la Belgique une période de prospérité économique. Le pays entre dans l’ère de la consommation de masse, les médias (spécialement la télévision) y occupent une place d’honneur d’importance accrue, le pétrole devient la principale source d’énergie. Jusqu’à 1973, où le premier « choc pétrolier » vient remettre en cause l’édifice économique tout entier, dont la fragilité apparaît alors nettement. A vrai dire, depuis l’Exposition universelle de Bruxelles en 1958, dernière grande fête du capitalisme triomphant, les signes de mutation se multipliaient. D’abord, c’est en 1960 que le Congo devient indépendant : la perte de sa colonie vaut à la Belgique une baisse de prestige sur la scène internationale, en même temps que divers inconvénients économiques. La même année, d’importantes grèves se déclenchent en Belgique, à Charleroi et à Liège, due à la fermeture de nombreux puits charbonniers, ainsi qu’à la « loi unique » proposée par Gaston Eyskens. En 1961, une impulsion nouvelle est donnée à la tendance fédéraliste, avec la création du Mouvement Populaire Wallon (André Renard). Peut-être l’œuvre de Jacques Brel, qui triomphe à l’Olympia en 1966, est-elle à sa façon le reflet du malaise profond qui mine, sourdement, ce pays trop attaché à ses habitudes et à son bien-être. On l’a dit , c’est en 1973 que s’accélère brusquement, par la flambée du prix du pétrole, la détérioration des conditions économiques : fermetures de nombreuses entreprises et montée du chômage frappent surtout la Wallonie, pays de vieille industrialisation, et dont l’infrastructure et les mentalités sont peu préparées à la crise et à ses effets. Cette évolution s’accompagne d’une exacerbation du conflit entre les deux communautés linguistiques. En 1968, à Louvain, le slogan « Walen Buiten ! » exige le départ des étudiants francophones. En 1970, la Constitution est modifiée de manière à instaurer deux Communautés avec leurs pouvoirs propres. Profitant de sa supériorité numérique, la communauté flamande impose progressivement à la Belgique sa suprématie. Dans le domaine des mentalités, il importe de souligner le choc important provoqué par la contestation estudiantine de mai 1968. Beaucoup de jeunes gens rejettent l’autorité de leurs aînés, sont attirés par le « gauchisme », aspirent à une transformation profonde de la société. Plusieurs penseurs français sont « à la mode » : le psychanalyste Jacques Lacan, le philosophe Michel Foucault. En Belgique, les essais (Voir dossier "Survol de l'Essai en Belgique") se multiplient, signés Françoise Collin, Raoul Vaneigem, François Van Laere, Jacques Sojcher, Georges Poulet, Maurice-Jean Lefebvre, Roger Dragonetti, Luce Irigaray, Suzanne Lilar, le groupe « Mu ». 2. Au-delà du nouveau roman Dans la France des années 50, sous l’impulsion d’écrivains comme Nathalie Sarraute ou Alain Robbe-Grillet, un type nouveau de récit fait son apparition, mettant en cause les fondements mêmes du vraisemblable traditionnel : enchaînement linéaire des péripéties, dimensions psychologiques du personnage, littérature comme reflet de la réalité, etc. Ce « nouveau roman » trouve peu d’écho en Belgique : aucune œuvre de l’époque ne peut, en effet, être pleinement classée sous cette enseigne. Son influence, toutefois est perceptible chez deux ou trois écrivains qui, plus que d’autres, s’interrogent sur la technique romanesque et la notion même de récit (Hubert Juin, Jacques-Gérard Linze, Pierre Mertens). S’ils font figure d’exceptions, c’est que durant la période précédente, on a vu qu’il n’existe en Belgique aucune réflexion organisée, aucun débat d’envergure quant à la nature du fait littéraire ou artistique : les condition de l’activité intellectuelle sont telles que, de bon ou de mauvais gré, on se contente de statu quo. Chronologiquement, la première œuvre belge marquée par le nouveau roman est « La cimenterie » d’Hubert Juin (1962), qui sera intégré plus tard dans un ensemble de cinq récits intitulés « Les hameaux », le meilleur étant probablement « Le repas chez Marguerite » (1966). Juin y développe une sorte d’anti-régionalisme, évitant les cliches traditionnels liés au terroir et à la vie campagnarde, montrant que la violence sous-tend la communauté villageoise et la retourne contre elle-même. Surtout, il recourt à une chronologie morcelée, discontinue, au procédé de la remémoration difficile, à une écriture un peu sèche, ce qui donne à sa narration une allure moderne en opposition avec le réalisme qui reste dominant. A sa façon, Dominique Rolin se montre elle aussi préoccupée de renouveler l’art romanesque. Ceci apparaît dans « La maison, la forêt » (1965), où la phrase s’interrompt, se reprend, se répète, semblant vouloir creuses quelque mystère toujours hors d’atteinte. Mais l’écrivain belge chez qui se manifeste le plus clairement l’influence du nouveau roman est sans contexte Jacques Gérard Linze, qui publie « La conquête de Prague » en 1965, « La fabulation » en 1968, « Au nord d’ailleurs » en 1982. Dans chacun de ses livres, la narration semble soumise à une fragmentation systématique, comme sous l’emprise d’une force qu’interdit le rassemblement des souvenirs en une histoire cohérente. Ainsi en va-t-il pour « La conquête de Prague » : le séjour en Tchécoslovaquie de Michel Daubert, qui s’y éprend de la belle Irène, prend rétrospectivement l’allure d’un rêve où tout se dédouble, comme dans un instrument d’optique mal réglé. Mention doit être faite également, de deux romans de Pierre Mertens : « L’Inde ou l’Amérique » (1969), « La fête des anciens » (1971). Dans le premier, c’est l’enfance qui est évoquée, non avec attendrissement, mais avec un mélange de rancoeur et de lucidité, et hors de tout souci de continuité logique, ce qui donne une force supplémentaire à chacune des pièces du puzzle. Le second combine les « voix » de trois personnages, le fils, le père et le grand-père : trois existences paradoxalement étrangères l’une à l’autre, sauf pour un dimanche d’été où elles se croisent de manière à la fois fugitive et décousue. Comme celles des auteurs précédents, ces œuvres de P. Mertens ne peuvent être pleinement qualifiées de « nouveaux romans » (et l’on tendrait plutôt à s’en réjouir). Elles se contentent de renverser les contraintes les plus limitatives de la narration traditionnelle, sans supprimer l’ « histoire », mais pour lui donner au contraire un relief nouveau et une tournure moins lisse, moins artificielle. 3. La veine classique D’autres écrivains, romanciers ou poètes, n’éprouvent pas le besoin de s’attaquer aux règles de leur art : elles leur restent propices à la mise en scène de l’expérience ou de la vision qu’ils veulent transmettre, celles-ci restant pour eux l’essentiel. Et, il est vrai, plusieurs très bons romans sont là pour montrer que les formules narratives classiques n’ont pas atteint leur point d’épuisement : « Le lit » de Dominique Rolin (1960) ; « La confession anonyme », de Suzanne Lilar (1960 ); « Journal d’un crime », de Charles Bertin (1960), « La déchirure » d’Henry Bauchau (1966) ; « La Derelitta », de Vera Feyder (1977) ; « Macaire le Copte », de Frans Weyergans » (1981) ; « Le conservateur des ombres », de Thierry Haumont » (1985). Chacun à sa façon, ces récits restent centrés sur la figure du sujet aux prises avec diverses contradictions intérieures, avec le désir et le sentiment d’échec, avec la passion et la solitude. Ils se rattachent donc au courant bien connu du roman psychologique et individualiste, ne faisant aucune place aux vicissitudes de l’histoire. En un mot, ils ne sont pas facilement « datables ». La même remarque d’ailleurs peut être faite pour plusieurs recueils de poèmes, genre qui toutefois paraît s’essouffler davantage : « Le conservateur des charges », de Jean Tordeur (1964) ; « La route du sel », de Roger Bodart (1964) ; etc. 4. Un regard politique A l’inverse, quelques auteurs n’hésitent pas à prendre en charge la réalité historique, qu’elle soit nationale ou internationale. Sortant la littérature de son cocon, mais sans revendiquer nécessairement un « engagement » précis, ils veulent ainsi rendre compte des luttes qui secouent le monde depuis la guerre, et des marques qu’elles ont laissées dans l’imaginaire collectif. Tel est le cas de René Kalisky, « le plus novateur des dramaturges belges de l’après-guerre » (Marc Quaghebeur), dont « Jim le Téméraire » est publié en 1973. Hanté par le totalitarisme, l’auteur illustre la fascination ambiguë que le nazisme a exercée sur tant d’hommes, et même sur ses propres victimes ; on est très loin de la dualité simpliste entre le bon et le méchant, ce qui n’est pas sans provoquer chez le spectateur un profond malaise. Préoccupations comparables, mais atmosphère toute différente dans les romans de Pierre Mertens, « Les bons offices » (1974) et « Terre d’asile » (1978). Les événements historiques (indépendance du Congo, génocide biafrais, conflit israélo-palestinien, dictature chilienne) interfèrent avec des existences individuelles, sans qu’une « solution » rassurante soit apportée aux uns ou aux autres. Retour au théâtre avec Jean Louvet et ses pièces « Conversation en Wallonie » (1976) , « L’homme qui avait le soleil dans sa poche » (1982). Le monde ouvrier s’y révèle, avec ses comportements spécifiques, et la difficile rencontre avec un monde qui lui est à la fois proche et lointain, celui des intellectuels de gauche. Quant aux romans de Conrad Detrez, notamment « Les plumes du coq » (1975) et « L’herbe à brûler » (1978), ils sont à la fois plus autobiographiques et plus circonstanciels. L’éducation religieuse y pèse d’un grand poids, et entre en contradiction avec les découvertes de l’âge adulte, comme ce Brésil à la fois violent et immoral où la lutte révolutionnaire se heurte à une dure répression armée. 5. Le goût de l’insolite Prolongeant le courant fantastique de la période précédente, mais avec des thèmes et des formes renouvelés, plusieurs œuvres théâtrales ou narratives explorent les territoires secrets de l’imaginaire et du subconscient. Comme pour la « veine classique », on ne trouve ici ni remise en cause des formules littéraires éprouvées, ni prise en charge de la réalité historique. Il n’en reste pas moins que, à leur manière, ces textes de factures très diverses manifestent une profonde inquiétude quant au rapport de l’homme au monde : écho assourdi des déchirements qui se jouent sur la grande scène du monde contemporain. Tel est le cas pour le théâtre de Paul Willems (« Il pleut dans ma maison », 1962 : « La ville à voile », 1967). Sous l’aspect poétique et séduisant se cachent des éléments plus inquiétants, comme la cruauté et la mort, contrebalancés par une philosophie souriante de l’existence : les pièces de Willems sont plus complexes et plus paradoxales qu’il n’y paraît à première vue. Quant à Gaston Compère, ses récits nous mènent droit à une étrangeté parfois sinistre (« Portrait d’un roi dépossédé », 1978 ; « Les griffes de l’ange », 1981). S’y mêlent des éléments baroques, parodiques ou macabres, emportés dans le mouvement d’une écriture dense et forte, sans concession pour la quiétude du lecteur. Tout autre, et plus « humain », est le fantastique de Jean Muno dans « Histoires singulières » (1979). En une dizaine de nouvelles, nous sommes transportés dans un monde faussement ingénu, où l’irruption de l’étrange, bien que traité discrètement et même souvent avec humour, vient contraster de manière saisissante. Dans « Les fantômes du château de cartes » (1981), Marcel Marien nous donne une série de petits contes d’une habileté extraordinaire, qui semblent renouer avec le romanesque « à rebondissements ». Mais la malice est présente à toutes les pages, et l’on accepte bien volontiers les situations les plus incongrues, dans la certitude qu’elles trouveront à chaque fois un épilogue digne de leur cocasserie parfois grinçante. Beaucoup plus graves sont « L’homme troué », de Georges Thinès (1981), ou « L’Envers » de Guy Vaes (1983). Le premier regroupe une quarantaine de nouvelles où se mélangent le délirant et l’imperturbable ; le deuxième, bien que partant d’une donnée parfaitement invraisemblable (la résurrection de l’homme), parvient à l’intégrer avec une aisance confondante dans le monde de la vie normale. 6. A la recherche d’un ton nouveau Dans les années 70, la nécessité d’un renouvellement de la création littéraire semble de plus en plus à l’ordre du jour. Que le roman français soit en crise ne fait plus guère de doute, le « nouveau roman » n’ayant pas, comme on pouvait l’espérer, jeté les bases d’une littérature qui serait à la fois moderne et accessible au plus grand public. Sans doute un Georges Perce, une Marguerite Duras, un Michel Tournier proposent-ils des voies inédites, mais il n’est gère possible de les suivre sans les imiter. La confrontation avec les littératures étrangères (slave, américains, etc.) ne fait que souligner l’impasse. Loin de toute théorie, de tout système, divers écrivains belges –généralement jeunes- se risquent dans des voies originales. D’abord dans le domaine de la poésie, pour laquelle l’année 1978 est un millésime notable (ceci sans raison bien claire), puisqu’elle voit paraître « Clartés mitoyennes », de Fernand Verhesen ; « Marcher au charbon » de William Cliff ; « Vêtu, dévêtu, libre », de Jacques Izoard : « Le degré Zorro de l’écriture », de Jean-Pierre Verheggen. Parmi ces recueils très différents émerge la poésie de Jacques Izoard : concise et nette, rappelant un peu la rigueur d’un René Char, elle poursuit les fragments d’un réel comme pulvérisé par quelque cataclysme, et s’apparente à des comportements à la fois graves et légers comme l’errance, le ramassage, la collection. Maisons d’épingles de marins, ou huche d’épines, ou amandier. La coquille de verre protège la boule noire du sommeil. C’est l’année suivante que Werner Lambersy publie « Maîtres et maisons de thé », Claire Lejeune « L’Atelier » : deux « livres » au sens plein du terme, où se déploie un texte qui tient à la fois du poétique et du philosophique, en une suite dont la véritable structure est peut-être musicale. La même aspiration au renouveau se manifeste dans l’univers du récit, dans des directions tout aussi variables. Là où Marcel Moreau cherche le salut par la sauvagerie (« Quintes », 1962 ; « Bannière de Bave », 1965), Paul Emond se livre aux joies perverses de la mythomanie (« La danse du fumiste », (1977). Eugène Savitzkaya explore l’univers contradictoire et fragmentaire des fantasmes, des pseudo-souvenirs d’enfance (« Mentir », 1977), tandis que Francis Dannemark invente un récit réversible par des héros somnambulesques (« Le voyage à plus d’un titre », 1981). Titres auxquels il faudrait ajouter la sarcastique « Histoire exécrable d’un héros brabançon » (Jean Muno, 1982), « La pluie à Rethel » (Jean-Claude Pirotte, 1982), « Ce rien de souffle qui n’appartient qu’aux dieux seuls » (Eddy Devolder, 1985), et plusieurs autres. Ici pas plus d’ailleurs il ne s’agit d’être complet. Ce qui compte est de dégager des tendances générales, lesquelles semblent en l’occurrence se ramener à deux : -ou bien l’œuvre évoque l’environnement contemporain, par les « petits » côtés plutôt que par les grands, mais s’en tient à distance par le bais de l’humour ou de la parodie (Verheggen, Moreau, Emond, Muno) ; -ou bien elle détaille les étrangetés d’un « surréel » qui peut tenir du rêve, de l’utopie (Izoard, Savitzkaya, Dannemark). Bien qu’il soit trop tôt pour faire la synthèse de la production récente, et pour se prononcer avec sûreté sur sa valeur, il existe à coup sûr dans la Belgique francophone d’aujourd’hui une nouvelle génération d’écrivains. Et cette nouvelle génération est décidée à ne pas refaire simplement ce qui avait été fait avant elle. Histoire de la littérature belge I. 1830-1880 : Le romantisme embourgeoisé II. 1880-1914 : Un bref âge d’or. III. 1914-1940 : Avant-gardes et inquiétude IV. 1940-1960 : Une littérature sans histoire V. 1960-1985 : Entre hier et demain
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« Le Pain de Vie » Artistes : Silviane Tirez (peintures), Alain Larivière (peintures), Lou Delman (sculptures), et Carole Duffour (sculptures). Vernissage le : 25/11/2009 de 18 h 30 à 21 h 30. Exposition du 25/11 au 13/12/2009. « Signes, Matières, Formes et Couleurs » Artistes : Jean-Pierre Artin (peintures), Brigitte et Jean-Marc Millet (céramiques), Roger De Bruyn (bijoux). Vernissage le : 16/12/2009 de 18 h 30 à 21 h 30. Exposition du 16/12 au 10/01/2010. « Du Maitrisé au Maitrisable » Artistes : Le Xiao Long (encres de Chine), Laura Bazzoni (photographies), Emma Lapassouze (peintures), Baldelli (sculptures), Adèle Vergé (sculptures). Vernissage le : 13/01/2010 de 18 h 30 à 21 h 30. Exposition du 13/01 au 31/01/2010. « Alchimie et Impermanence » Artistes : Pittorex (laques, oxydations) et Martine Hirtzmann (peintures). Vernissage le : 03/02/2010 de 18 h 30 à 21 h 30. Exposition du 03/02 au 21/02/2010. « 40 ans sur les chemins de l’amitié » Artistes : Daniel Thys (peintures, dessins, encres de Chine, divers…) Vernissage le : 24/02/2010 de 18 h 30 à 21 h 30. Exposition du 24/02 au 14/03/2010.
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1. La guerre et ses lendemains Le 10 mai 1940, l’armée allemande envahit la Belgique. C’est le début de cinq années d’occupation, plus dures encore qu’en 14-18, au cours desquelles la résistance s’affirme courageusement, tandis que rexistes et nationalistes flamands du VNV se livrent à la collaboration. Après le débarquement de Normandie, l’offensive Von Rundstedt dans les Ardennes et la victoire définitive sur l’Allemagne nazie, le problème du retour de Léopold III en Belgique divise le pays : c’est la question royale, marquée par une série de graves violences principalement dans les provinces de Liège et du Hainaut, et qui se dénoue par l’intronisation de Baudouin Ier. Durant les années 50, l’évolution économique et politique du pays peut se ramener à quelques faits saillants : reconstruction et relance de l’économie avec le soutien du Plan Marshall ; association de la Belgique à de grands consortiums internationaux (ONU en 1946, Benelux en 1947, OTAN en 1949, CECA en 1954, Euratom en 1957) ; conflits croissants entre les deux communautés linguistiques du pays, mais aussi entre unitaires et fédéralistes ; nouvelle guerre scolaire, ponctuée par la loi « Collard » (1955) et le Pacte scolaire (1959), entre catholiques et socialistes. Sur le plan culturel et intellectuel, il faut noter que, durant de longues années, le choc de la guerre paraît curieusement amorti. Certes, les tendances révolutionnaires de l’entre-deux-guerres (surréalisme compris) semblent complètement oubliées, l’américanophilie s’installe : l’heure n’est plus au pro-communisme ni même à une réflexion ou à une littérature « engagées ». Mais, comme beaucoup d’autres pays, la Belgique semble vouloir oublier au plus vite les affres de 40-45, et se soucier prioritairement de retrouver le bien-être matériel, en renouant avec des valeurs morales jugées « éternelles » -et dont on discerne mal la collusion avec la montée du fascisme dans les années 30 (respect de l’autorité, des valeurs bourgeoises comme la famille et la patrie, éducation paternaliste et puritaine, etc.) Il faudra attendre la révélation très progressive de l’horreur concentrationnaire, et une lente prise de conscience idéologique, pour que, à retardement, ce consensus avoue ses premières fissures (ainsi pourrait-on interpréter la révolte étudiante de mai 1968). Entre-temps, ni les intellectuels, ni les écrivains, ni les artisans n’entament de réflexion sur le sens profond de leur activité. Durant cette période, et sauf de minces exceptions, il n’y a pas d’avant-garde en Belgique, pas de contestation de l’ordre établi, de querelle d’école –pas même de roman existentialiste. C’est le règne d’un « bon ton » plus ou moins consentant. 2. Le « grand possible » Durant l’occupation, les circonstances font de la lecture un loisir privilégié. Mais, la frontière avec la France étant fermée, et la censure allemande veillant, la création littéraire est amenée à se réfugier dans trois genres très « détachés » de la réalité contemporaine –lesquels d’ailleurs poursuivent leur essor après la Libération : le récit fantastique, les histoires policières, la poésie non-engagée. Ce n’est pas que dans ces œuvres l’angoisse née de la guerre ne transparaisse nullement, mais elle s’y exprime toujours d’une manière indirecte, méconnaissable. Témoin le rêle de la peur et de l’horreur dans les contes fantastiques, celui de la violence ou de la mort dans le roman policier, etc. En 1941 paraît « Sortilèges » de Michel De Ghelderode, recueil de « contes crépusculaires » qu’on a rapprochés des sombres fictions d’Edgar Poe. Dans chacune de ces histoires en effet, on assiste à la progressive et inéluctable montée de l’angoisse, qui se matérialise autour du narrateur en un décor oppressant : seul un événement imprévu, ou un violent effort de la volonté lui permet finalement de s’en délivrer, et de retrouver l’apaisement. Le plus célèbre « fantastiqueur » belge reste Jean Ray, dont les meilleurs récits paraissent eux aussi en pleine guerre : « Le Grand Nocturne » (1942), « Les Cercles de l’Epouvante » (1943), « Malpertuis » (1943), sans compter « La Cité de l’indicible peur » (1943) et bien d’autres. certes, cette œuvre abondante a de nombreuses faiblesses, sacrifiant souvent à la redite et à la facilité. Certes, elle n’hésite pas à recourir à l’arsenal le plus éprouvé (et le plus disparate) des récits d’horreur : vampires, fantômes, créatures monstrueuses, diable en personne, phénomènes surnaturels de toutes sortes, situations angoissantes jusqu’au paroxysme. Il n’en reste pas moins que, évitant le vieux piège de l’explication rationnelle finale, et laissant habilement sans visage précis les êtres de l’ « autre monde », Ray nous livre des histoires douées d’un réel pouvoir d’envoûtement, parmi lesquelles émerge son seul roman : « Malpertuis ». A la même veine appartiennent les recueils de Thomas Owen, tels « Les chemins étranges » (1943), « La cave aux crapauds » (1945), « Cérémonial nocturne ». Mais ils se caractérisent par une absence quasi complète d’exotisme : les événements et créatures étranges apparaissent sur fond de banalité, le contraste accentuant l’impression d’épouvante. Tout autre est l’œuvre de Marcel Thiry. Son insolite est plus ample, plus raffiné, plus méditatif. L’auteur est hanté par la fatalité du vieillissement, de la jeunesse qui disparaît irrémédiablement, par le motif de la femme aimée qui a disparu et qu’il s’agit de retrouver. Dans « Echec au temps » (1945), qui relève d’une science-fiction « douve », un quatuor de jeunes gens tente de modifier rétroactivement l’issue de la Bataille de Waterloo : entreprise chimérique, mais combien symptomatique, qui vise à renverser l’immémoriale tyrannie du temps et de la mort. Ce me^me récit revient, sous des aspects divers, dans les sept contes intitulés « Nouvelles du grand possible » (1960), et dont le plus remarquable est « Le concerto pour Anne Queur » : fable émouvante et inquiétante, où un peuple d’immortels finit par disparaître dans le suicide collectif. Aux côtés de Marcel Thiry, citons « Nouvelles réalités fantastiques » de Franz Hellens (1941), auteur lui aussi d’excellentes nouvelles dans ce genre littéraire dangereux (précisons que plusieurs de ses recueils n’appartiennent pas à la période 1940-1960 : « Réalités fantastiques » date de 1923, « Herbes méchantes » de 1964, « Le dernier jour du monde » de 1967). Par contre, on s’étonnera peut-être de voir figurer ici « Octobre long dimanche », de Guy Vaes (196). Et pourtant, ce roman hors du commun manifeste une vive expérience de l’étrangeté. Bizarrement passif, Laurent se laisse successivement couper de toutes ses attaches sociales : emplois, amis et amies. Il semble accepter sans remords ni acrimonie cette lente déperdition, jusqu’à se retrouver jardinier d’un domaine dont il aurait dû hériter : inquiétant cheminement d’un être qui, tout en continuant de vivre, est en train de « quitter » ce monde. 3. Le roman policier Il est généralement admis que le récit policier est une « invention américaine » (pensons à Edgar Poe, à Raymond Chandler, à Dasihell Hammet), popularisé dans la France d’avant-guerre par des collections comme « Le Masque » ou « L’Empreinte ». Sous l’occupation, Stanislas-André Steeman –déjà célèbre en France, et qui vient de publier son fameux roman d’énigme « L’assassin habite au 21 » (1939) –lance une collection intitulée « Le Jury », rapidement auréolée d’un succès flatteur . Le créateur du commissaire Wens devient alors une sorte de gloire nationale, et il est vrai que plusieurs de ses œuvres témoignent d’un métier très sûr : « Légitime défense » (1942), « Haute tension » (1953), « Six hommes à tuer » (1956), etc. En tout une quarantaine de volumes, qui dénotent une grande virtuosité dans la technique narrative, mais aussi d’une verve et d’un humour qui les mettent aux antipodes des Simenon. Plusieurs auteurs mineurs se sont consacrés au policier : Max Servais, Louis-Thomas Jurdant, etc. Une place spéciale doit être réservée à deux spécialistes du fantastique : Jean Ray, avec sa longue série des « Aventures d’Harry Dickson », « le Sherlock Holmes américain » ; et Thomas Owen, auteur d’ « Hôtel meublé » (1943), des « Invités de huit heures » (1945), du « Portrait d’une dame de qualité » (1946). Nous voici à l’écrivain belge le plus célèbre au monde : Georges Simenon. Quant la guerre commence, il a déjà, comme Steeman, publié bon nombre de titres qui l’ont fait connaître d’un large public. En 1940 paraît « Le bourgmestre de Furnes », l’un de ses meilleurs romans, de la veine de ceux qui ont valu à Simenon la réputation non d’un auteur de policiers, mais de romans psychologiques. Citons encore, à titre d’échantillons, « L’horloger d’Everton » (qui date de la période « américaine », soit 1945-1955), des enquêtes du commissaire Maigret. Tous les livres de Simenon, à des titres divers, sont des oeuvres d’atmosphère. Elles relèvent d’une sorte de « néo-naturalisme », dans la mesure où les personnages semblent fréquemment menés par une fatalité incontournable, et leur comportement comme pré-déterminé par le lieu dont ils sont issus. Mais leur intérêt provient surtout d’une écriture parfaitement adaptée à l’imaginaire du récit, de l’absence d’importunes « explications » psychologiques, de motifs obsédants comme le regard, l’attente, le silence. 4. La poésie à l’honneur On l’a dit, la période voit s’épanouir d’autre part une poésie souvent d’excellente qualité, bien qu’elle ne soit révolutionnaire ni dans ses thèmes ni dans son langage. Soulignons à cet égard, le dynamisme précieux d’éditeurs comme Georges Houyoux, André de Rache, Pierre Seghers ou Henri Fagne, qui permettent à de nombreux jeunes poètes de se faire connaître. Sans oublier des « relais aussi utiles que les Midis de la Poésie à Bruxelles, les Biennales de Knokke, « Le Journal des Poètes », etc. Parmi les meilleurs recueils qui voient le jour dans les années 50, citons « Le voleur de feu », de Robert Goffin (1905), à la tonalité quelquefois proche d’un Cendrars. Citons surtout ceux qui figurent longtemps, Henri Michaux mis à part, considérés comme les deux meilleurs poètes belges de langue française : Norge et Marcel Thiry. Le premier publie « Les râpes » en 1949, « Les oignons » et « Le gros gibier » en 1953, « La langue verte » en 1954. Son œuvre se caractérise par une sorte de sagesse bonhomme mêlée de sensualité, mais aussi par un ton savoureux qui rappelle fréquemment les adages et chansons populaires. Sorte de fabuliste moderne, mais sans emphase ni sermon, Norge pourchasse l’hypocrisie et la prétention, sensible seulement à ce que la vie a de plus vrai. Atmosphère toute différente dans les recueils de Marcel Thiry, par exemple dans « Usine à penser des choses tristes » (1957), à la coloration toute nostalgique. Et c’est parfois suprême ou bien l’avant-suprême Que nous verrons jaunir un été sursitaire. Voici l’aster avant-suprême ou bien suprême ; Le signe violet se lève sur Cythère. Il serait injuste, enfin, d’oublier « La marche forcée » de Liliane Wouters (1954), « Magie familière », de Roger Goossens (1956), ou encore « Géologie », d’Henry Bauchau (1958). Sans apporter à l’art poétique de profond renouvellement, de tels recueils, avec leurs indéniables qualités, sont bien représentatifs de l’esthétique dominante de cette époque, où le sentiment d’insatisfaction forme pierre angulaire. 5. Le règne des éditeurs parisiens Sous ce titre un peu provoquant, il s’agit de caractériser un phénomène typique de l’après-guerre : l’édition littéraire belge devenue quasi inexistante, bon nombre de manuscrits (sinon d’écrivains) prennent la route de la France. La production romanesque de l’époque –c’est elle que nous visons ici, en exceptant le fantastique et le policier- est dominée par l’analyse psychologique et les problèmes moraux. Pour le reste, elle présente guère d’unité, et se constitue plutôt d’œuvres à chaque fois singulières, dont plusieurs sont d’ailleurs d’authentiques réussites. Ainsi en va-t-il pour « Blessures », de Paul Willems (1945), où sur fond de village campines, la pure et frêle Suzanne succombe sous la méchanceté d’un entourage trop dur pour elle. Pour « Le Rempart des Béguines », de Françoise Mallet-Joris (1951), histoire de l’amitié tendrement immorale entre Hélène adolescente et Tamara, la maîtresse de son père. Pour « Léon Morin, prêtre », que Béatrice Beck publie en 1952, montrant la nécessaire soumission du désir aux interdits moraux. C’est la même année que paraît « Notre ombre nous précède », d’Albert Ayguesparse, peinture terrienne qui renoue habilement avec le roman de mœurs. En 1953 sort de presse « Thomas Quercyé, de Stanislas d’Outremont : malgré son pathétique, l’héroïsme un peu artificiel du personnage central fait du roman une œuvre de morale autant que de fiction. « Les mémoires d’Elseneur », de Franz Hellens (1954) constituent peut-être son roman le plus riche et le plus fort. Composé de trois parties dont les rapports sont en partie énigmatiques, il raconte l’itinéraire inquiétant de Théophile, enfant criminel, puis navigateur de l’étrange, et enfin ascète qui renonce au monde. Dans cette terrible épopée, où passe le souffle de la tragédie antique, les pulsions oedipiennes le disputent à la recherche de l’absolu et de l’apaisement définitif –que le héros finit par trouver dans un mystérieux paysage de neige. Il faut mentionner le merveilleux « Tempo di Roma », d’Alexis Curvers (1957). Le jeune Jimmy, épris de la jolie Geronima, ne s’est pas aperçu avant la mort de Sir Craven qu’il en était aussi aimé : l’intrigue serait mince si elle n’était étroitement associée à la « présence » et au charme de Rome, dont les couleurs, les odeurs, la lumière sont rendues avec une finesse rarement atteinte. Quant à « Saint-Germain ou la négociation », de Francis Walder (1958), il rapporte les discussions historiques entre calvinistes et catholiques, au 16e siècle ; mais il s’attache surtout à une étude psychologique raffinée des interlocuteurs, et aux dédales les plus subtils de l’argumentation diplomatique. 6. La « Belgique sauvage » Quelques rares isolés se tiennent à l’écart de l’académisme officiel et des cercles feutrés qui caractérisent l’époque : souvent des survivants de l’aventure surréaliste ( dossier surréalisme suivra), ou de jeunes créateurs qui en ont été directement marqués. Véritables marginaux de la littérature, ils poursuivent opiniâtrement leur tâche anticonformiste, le plus souvent sans grande notoriété, tâchant de maintenir la fragile flamme de la contestation des valeurs établies. En 1947, un groupe « surréaliste-révolutionnaire » apparaît en Belgique. Christian Dotremont est parmi ses fondateurs et bientôt, sous son impulsion, voit le jour fin 1948 le groupe « Cobra », qui s’illustre surtout dans le domaine des arts plastiques, et s’écarte d’ailleurs radicalement du surréalisme. Il se rend célèbre notamment par des « peintures-mots », dont les nombreux « logogrammes » de Dotremont. En 1952, André Blavier crée à Verviers la revue « Temps mêlés ». L’année suivante, c’est « Phantomas », dont l’animateur principal est Théodore Koenig. Le n° 11 (décembre 1971) comportera un important supplément intitulé « La Belgique sauvage », sorte de panorama de tout ce qui, dans l’après-guerre, s’érige en refus de la culture officielle : ainsi la revue « Daily-Bûl », fondée en 1957 par André Balthazar. Pour diverses, persévérantes et désintéressées qu’elles oient, il faut reconnaître que les initiatives de ce genre ne donnent pas lieu à des œuvres importantes. Elles sont dominées de très loin par le personnage d’Henri Michaux qui, vivant en reclus, publie dans ces années certains de ses plus beaux textes, aux titres significatifs : « L’espace de dedans » (1944), « Ailleurs » (1948), « Face aux verrous » (1954), « L’infini turbulent » (1957). Admiré de beaucoup, Michaux n’est imité par personne ; et s’il est considéré avec René Char et Francis Ponge comme l’un des plus grands « poètes » français, c’est en solitaire qu’il poursuit son parcours exigeant. D’une étonnante lucidité, il évite avec une sûreté miraculeuse tous les pièges habituels de la littérature et de la pensée, en explorant jusqu’à l’extrême limite du possible les pouvoirs et les frontières de l’esprit humain, fût-ce dans l’expérience de la drogue. Moins ésotériques sont les œuvres de Louis Scutenaire (« Les degrés », 1945 ; « Les vacances d’un enfant », 1947) ; de Christian Dotremont (« La pierre et l’oreillers », 1955) ; d’Achille Chavée (« Entre puce et tigre », 1955), etc. Elles ont, entre autres, l’intérêt de préserver un « contre-pouvoir » dans la sage Belgique littéraire de l’époque. Histoire de la littérature belge I. 1830-1880 : Le romantisme embourgeoisé II. 1880-1914 : Un bref âge d’or. III. 1914-1940 : Avant-gardes et inquiétude IV. 1940-1960 : Une littérature sans histoire V. 1960-1985 : Entre hier et demain
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Biographie de Max Elskamp (1862-1931)

Robert Paul a dédié ce réseau Arts et Lettres à Max Elskamp.

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D'autres trésors de cet admirable poète sont épars sur ce réseau

Suit une brève biographie d'Elskamp.


Max Elskamp est né le 5 mai 1862 à Anvers, non loin de l'église Saint-Paul. A cette époque, la ville possédait encore toute sa noblesse flamande, marchande et maritime. Les anciens quartiers, aux ruelles étroites et, tour à tour, grouillantes et silencieuses, firent sur l'enfant une impression profonde. Toute son oeuvre sera pénétrée de l'odeur sauvage du fleuve, où de grands coups de vent jetaient la senteur du goudron et des cargaisons, et les notes rauques des sirènes. Ses yeux s'étaient ouverts sur les bassins aux mâtures nombreuses, les écluses, les embarcadères et leurs pilotis, les magasins d'épices rares et exotiques, les marins aux parlers rudes et divers, les allées et venues des débardeurs et des filles, les voiliers aux noms touchants et magnifiques et les petites gens du quartier. Tout enfant encore, Max Elskamp suivra ses parents dans une maison neuve, au boulevard Léopold, dans un quartier neuf, lui aussi, et patricie, comme on disait alors. Mais ce vaste et magnifique hôtel, où pourtant devait s'écouler sa vie, occupera moins sa pensée que le décor de ses premières années. Jeune garçon, il était invinciblement attiré par le port et y passait toutes ses heures de liberté.

Son père avait été banquier; artiste de goût, il menait son fils au Musée et lui montrait une admirable collection de primitifs. Sa mère, rêveuse et mystique, atteinte d'une maladie mystérieuse, lui apprenait à éviter de faire souffrir. C'est d'elle qu'il tint en horreur, qu'il gardera toute sa vie, de la force brutale, son attention aux choses les plus humbles, sa curiosité de leur sens caché, et une sensibilité très subtile et très discrète, une sensibilité de solitaire. Max Elskamp doit à son père le sens de la beauté des images, de la ligne et de la couleur, et une dignité de grand seigneur timide. L'hérédité nordique, du côté paternel, s'alliait en lui à l'hérédité française et wallonne que lui avait transmise sa mère. Les vacances d'été dans la campagne wallonne au sein d'une famille joyeuse alternaient pour lui avec le séjour rêveur et solitaire, près du grand port flamand.

Elskamp fit quelques voyages. Il connut le métier des marins et des bateliers. Il s'intéressa à tous les anciens artisanats aux traditions séculaires. Le nom des objets et des outils, leur forme parfaite par l'usage, les gestes et les tableaux et les chansons de l'humble vie populaire, il recueillit tout dans sa mémoire et dans son coeur. Il reçut ainsi la leçon de l'apparence et de la vie profonde des choses, et l'intuition prolongeait l'étude.

Comme tant de fils de famille riche, à l'époque, il fit des études de droit. Mais il ne s'intéressa guère au barreau et le quitta après très peu de temps. Il éprouva un grand et pur amour pour une jeune fille qu'un autre épousa et emmena en Egypte. Il ne se consola jamais de l'avoir perdue. Ce furent des années vraiment désolées. Il se rapprochera davantage de son père et ce fut entre eux une admirable amitié. Sa mère mourut, puis, tragiquement, sa soeur. Lorsqu'en 1911, son père mourut, il sembla qu'il n'avait plus qu'à songer à la mort. Lui-même était malade et croyait qu'il ne guérirait plus.

Il avait écrit des poèmes qui furent publiés d'abord en plaquettes et en livres de haut luxe. Il en surveillait attentivement la typographie. Il les agrémentait de gravures qu'il taillait dans le bois selon les modes des anciens imagiers. Ils furent réunis en un volume qui parut au Mercure de France en 1898, sous le titre de "La Louange de la Vie" (Brève présentation suivra) . Ce volume comprend "Dominical", Salutations dont d'angéliques", "En symbole vers l'apostolat", Six Chansons de pauvre homme pour célébrer la semaine de Flandre" (Texte intégral suivra). La même année parut encore un recueil: "Enluminures" (Brève présentationsuivra).

Le poète se tut alors. Il s'était épris de folklore et rassemblait d'importantes collections. Les instruments qui ont servi à étudier les astres ou à mesurer le temps l'intéressaient particulièrement: horloges, gnomons, sextants, astrolabes, etc. Il s'en procura de toutes provenances, fit à leur propos des calculs et des études. Il semblait s'être fait dans sa solitude une manière de quiétude: ce n'était peut-être qu'une forme du renoncement. Quelque chose d'obscur le détournait de la littérature. On put croire alors que l'oeuvre du poète était terminée. Il se livrait à des recherches de technique et de science.

Ce fut la guerre de 1914, et l'exode vers la Hollande des civils qui voulaient éviter les horreurs de l'occupation allemande. Max Elskamp s'en fut par les routes à Berg-op-Zoom. Il y mena la vie misérable des réfugiés en exil. Sa dépression morale fut extrême et sa faiblesse inquiétante. En 1915, Henry van de Velde (voir le très précieux hommage qu'il rendit au poète), son plus ancien et son plus fidèle ami, parvint à le décider à rentrer à Anvers. Max y retrouvera sa maison abandonnée et le silence qu'il aimait. Il reprit ses occupations coutumières. Il se remit à la recherche et à l'étude des témoins émouvants de la vie populaire. Les souvenirs, belles images, occupaient de leur douceur ou de leur peine ses insomnies. Il se remit à graver le bois et à écrire des poèmes. La guerre prit fin. Ses journées se suivaient dans leur régularité et leur monotonie: mêmes occupations, entretiens avec quelques intimes, promenades avec la même amie, son "Accoutumée", comme il disait.

Après la période de la prostration, du silence et de l'exil - c'est ainsi qu'il la désignait lui- même - vint une période de production intense, de 1920 à 1924. Un premier recueil: "Sous les tentes de l'exode" (1921) (Brève présentation suivra), nous apporte le témoignage d'une sensibilité émue par les événements. Puis ce furent les "Chansons désabusées" (Brève présentation suivra) et "Maya" (Brève présentation suivra), --- (Texte intégralsuivra) où revivaient ses souvenirs d'amour et les anciens thèmes de sa rêverie (1922). En 1923, les "Délectations moroses" nous rappellent ses hantises et sa longue peine. "La Chanson de la rue Saint-Paul" (Texte intégralsuivra) évoque de la façon la plus émouvante ce qu'il a le plus profondément aimé: les siens et le vieux quartier de ses premières années. En 1923 encore, "Les Sept Notre-Dame des plus beaux Métiers", le plus bel album de ses oeuvres xylographiques. En 1924, les deux derniers recueils qui parurent sous son contrôle: "Aegri Somnia" (Brève présentationsuivra) et "Remembrances".

Mais la maladie était venue, l'affreuse maladie et des obsessions terribles. La cloison s'était rompue entre l'univers et la vie intérieure. On a parlé de démence, d'accès de fureur et d'heures de dépression. Le poète est mort le 10 décembre 1931.

Il laissait quelques recueils de poèmes inédits. On en a publié la partie la plus importante et sans doute la plus belle: "Les Fleurs vertes", "Les Joies blondes", deux recueils qui parurent en 1934. Mais d'autres recueils demeurent inédits, dont il faut convenir qu'ils présentent des répétitions, des incohérences ou des traces de défaillance.

Familier de toutes les images chrétiennes, Max Elskamp ne fut pas catholique. "Religion vague et invoulue, dit-il, car je ne crois pas." Mais s'il fuyait les dogmes, il était pourtant "l'être le plus religieux" (Jean de Bosschère nous l'assure). Sa piété pour les choses et pour les hommes simples qui révèlent, sans le savoir, par des signes, ce qu'il y a d'essentiel en eux, suit des routes pour ainsi dire franciscaines et le mène à la mystique populaire. Dans l'évocation des croyances et des rites, "résonne la hantise mystique". Sa curiosité et le besoin de pénétrer plus profondément dans la compréhension de l'être et de sa solitude le conduiront à une sorte de bouddhisme qui n'était pas le bouddhisme et où il alliait deux sensibilités, la flamande qu'il s'était formée dans la solitude, et la chinoise qu'il avait rêvée; mystique de douceur, de silence et de paix. Mais sa pensée ne put s'y arrêter. Il était obsédé par des spéculations dont on ne trouve l'expression que dans sa correspondance. Il poursuivait, dans son absolu, le mystère de l'Etre, de l'Unité, du Temps et de l'Eternité. Ses dernières années lui apportèrent une douloureuse féerie pleine de persécutions, qui n'étaient pas toutes imaginaires.

Il vivait au plus haut de sa vaste et belle demeure, remplie de curiosités et d'oeuvres d'art. La chambre qu'il habitait était, tour à tour, la cellule monastique d'un fervent lecteur de l'"Imitation de Jésus-Christ", et l'atelier d'un artiste féru de la scrupuleuse perfection de l'artisan des anciens métiers. Sorte de moine laïc, préoccupé d'astronomie et de pensées secrètes. De là-haut, comme d'une tour, dans sa rêverie, ses confusions et ses clartés, "il était l'homme le plus vivant d'Anvers,, il était l'âme même d'Anvers, son honneur et sa légende". Il fuyait le contact des négociants et des grands armateurs. Solitaire et comme regardant au plus profond de soi-même, c'était la ville en lui en tout ce qu'elle a de durable et de meilleur, dans les joies et les douleurs, dans les prières et les chansons du peuple.

Cette vie d'Anvers, il nous la lègue dans son oeuvre, comme il fait revivre le quartier où il passa son enfance. "La rue Saint-Paul où je suis né, rue de consulats, maritime, joignant l'Escaut. Notre maison se trouvait pour ainsi dire enclavée dans l'église Saint-Paul, et mon enfance s'est passée sous les cloches, au milieu des corneilles et tout contre un horrifique calvaire en grès et cendrée, chef-d'oeuvre d'un sacristain en délire, où l'on voyait, entre les barres de fer, Christ au tombeau et dans de grandes et terribles flammes rouges, brûler sans fin les âmes du Purgatoire. En août passaient chez nous les baleines, les géants des Ommegancks flamands; et les hivers, si près du fleuve, les nuits d'hiver surtout étaient affreuses et trop emplies de bruit du vent, des glaces et de la marée. . ." Toute la vie véritable de sa vieille ville flamande, nous la retrouvons partout dans ses livres, mêlée à sa pensée, et site de ses souvenirs, particulièrement dans sa "Chanson de la rue Saint-Paul" (Texte intégral suivra) --- (Brève présentation suivra), où il nous a parlé de lui et des siens de la façon la plus émouvante.
Les premiers recueils de Max Elskamp, réunis dans "La louange de la vie" en 1898, nous le révèlent tel qu'il ne cessera d'être. Les thèmes de ses chants - il en parlait comme de l'"enfantin missel de notre Passion selon la vie" - s'ordonnent en suites régulièrement organisées. Déjà sa manière est fixée. Elle peut sembler d'un ton si préconçu qu'on a voulu y déceler de l'artifice. Il s'était choisi un style très consciemment personnel. Evitant à la fois les épanchements et l'accent "pleurard", comme il disait, il était parvenu à ralentir le débit et à concentrer les images. Il ne tarda pas à s'aperçevoir que ce ton et son rythme correspondaient à ceux des anciennes chansons flamandes Sa langue, une langue bien personnelle, faite d'ellipses et de tours syntaxiques inusités, création unique dans nos lettres, donnait l'impression d'archaïsme et s'adaptait merveilleusement à la nature de son inspiration. On a dit qu'il avait emprunté aux symbolistes, à Verlaine et à Mallarmé. Mais il suffit de lire une seule de ses strophes, un de ses couplets, pour découvrir ce que sa manière et son rythme ont de personnel. La langue des symbolistes, qui, chez d'autres, paraît une affectation et une préciosité vaines, est, chez lui, non un balbutiement ni un ornement, mais la forme même de la sensibilité. "Langue prodigieuse, dit Jean Cassou, faite d'appositions, de participes adjectivés, d'ablatifs absolus, de substantifs sans articles, langage tout naturellement synthétique, c'est-à-dire en contradiction complète avec le génie français, mais qui impose à notre raison sa densité paradoxale, son chant en sourdine, ses basses tenues, sa douce et lente marche d'orgue. Il ne s'agit point ici de disposer un discours, mais de juxtaposer en les retenant gauchement, par le moyen le plus immédiat, des images modestes et touchantes." Max Elskamp, craignait qu'on lui en fût grief; il disait, dans un moment de découragement: "J'écris trop au Nord". Et il marquait par là ce qu'il y a d'étrange dans sa manière, et aussi d'archaïque, souvenir des vieilles chansons populaires. Rien ne pouvait mieux convenir qu'elle à une pensée qui n'a rien d'actuel et dont on peut dire qu'elle vit hors du temps, dans un décor que les âges passés lui ont transmis.

Gens des vieux métiers et des corporations, dans des ruelles de béguinage, que longent derrière leur murs clos des jardins bien ordonnés. Joie quotidienne et gestes réguliers. Heures prévues comme à l'office et dont chacune a sa couleur et son objet. Saisons alternées. Passages des barques et lumières des jardins, prières devant chaque Madone, au coin des rues. Telles sont les visions du poète. Mais dans ces visions qu'il transcrit en bon imagier qui connaît les choses, sans déformer leur réalité, se trouve une réalité seconde, "celle du rêve et de l'absolu". De la réalité familière toujours vivante, il s'évade dans un monde à son image, mais où les choses cachées ont une vie claire, un monde où tout est de l'âme, où tout chante des paroles humaines, très simples et très chargées. Flandre est parée de ses plus belles saisons, de ses plus belles couleurs. Les anges et la Vierge y vivent, comme ils vivaient voisins des bonnes gens de jadis. Le paysage est un signe, un miroir intérieur où se reflète le coeur du poète. Il semble s'en tenir à ce qu'il voit; mais l'attention de son coeur - sa tendresse - est si grande que tout s'en trouve magnifié. Humblement, il nous propose ses "Enluminures", comme s'il copiait les apparences. Or, mystiquement, ce sont des présences qu'il évoque devant nous, par la force de son amour. Mystique, sans doute il l'est, bien qu'il n'adhère à aucune croyance. Mais il a l'amour de cette évidence qu'est pour lui la vision. C'est une foi encore, personnelle et secrète et qui le remplira de plus en plus de souffrance que de joie. Il souffre amèrement de souvenirs anciens. Il souffre aussi d'une douloureuse peine métaphysique. Mais il souffre seul, lui, le doux qui a horreur de la force, le pacifique qui craint de blesser les fleurs ou les objets, le disciple de l'Ecclésiaste qui mesure la vanité des choses et de nos souffrances mêmes, et qui n'arrive pas à se résigner, lui le bouddhiste pour qui toute vie est sacrée. Ses peines et ses pensées sont encloses dans ses belles images, avec une tendre discrétions.

Les chansons se succèdent évoquant tous les aspects d'une pensée qui se replie sur les images familières et sur les anciennes affections. Ce seront encore les "Chansons désabusées", "Maya", "Aegir somnia", "Les Délectations moroses". Mais depuis l'exil et "Les Tentes de l'Exode", il y a dans plus d'un poème quelque chose de moins indirect. Le lien demeure entre les faits particuliers de la vie et le chant qui en procède. L'aveu est plus nettement circonstancié. L'oeuvre en conserve quelque chose de tremblant et de plus fiévreux. Un accent nouveau se mêle à l'ancienne diction. Ce sont toujours des chansons "d'une perfection villonesque". Le tour populaire et la fraîcheur n'en sont pas feints, - car le poète est toute sincérité. Mais ce ne sont plus seulement ces petits airs comme on s'en chante pour bercer, pour calmer sa peine d'être un homme. Le poète est toujours possédé par sa volonté d'art. Son style et sa langue, comme ses rythmes familiers, lui sont si habituels que, souvent, le vers s'assouplit, se précipite. La pensée profonde qui "accompagne presque tous ses chants", les déborde constamment. La douleur, celle de la dureté de sa vie comme celle des souvenirs qui le harcèlent, lui est insupportable. Le destin est trop lours pour qu'on l'accepte sans percevoir l'effort. Il est altéré de perfection, et il n'y a plus de commune mesure entre la pensée, toute métaphysique, et les chansons. Le rêve même est trop pénible. Et celui qui avait prêché la paix et la joie et l'amour, défaille. Il lui arrive d'essayer de se distraire en décrivant des objets ou des estampes. Ses poèmes "ne sont jamais des peintures futiles". (Jean de Bosschère nous le signale utilement). Ces poèmes sont "des signes". Max Elskamp semble se hâter de tout dire pour pouvoir enfin se taire lorsqu'il éprouvera le besoin de crier sa plainte. Cette discrétion est bien aussi d'un homme de chez nous. Il peut se faire que nous l'ignorions, car il n'est pas fréquent que ces poètes profonds et renfermés écrivent ou parlent: contemplatifs, leur poésie est en eux et on a de la peine à la deviner, car elle se nourrit de solitude et de silence.

 

D'autres trésors de cet admirable poète sont épars sur ce réseau

Et voir encore ici: Max Elskamp et le presse privée en Belgique (documents issus de ma collection privée)


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16ème Salon Francophone du Livre de Beyrouth

La 16ème édition du Salon Francophone du Livre de Beyrouth, qui s’inscrit dans le cadre de « Beyrouth, Capitale mondiale du livre 2009 », se déroule du 23 octobre au 1er novembre au Biel. Ce Salon accueillera plus de 150 auteurs francophones – parmi lesquels le Prix Nobel 2008 Jean-Marie Gustave Le Clézio – et proposera un programme très dense de rencontres-débats et de lectures, des animations et des expositions à destination du public scolaire, des journées professionnelles, ainsi que de nombreux autres événements, dont l’arrivée en rade de Beyrouth du bateau de l’opération « Ulysse 2009 ». L’Organisation internationale de la Francophonie et ses partenaires (la Mission culturelle française au Liban, Culturesfrance, l’Alliance internationale des éditeurs indépendants et l’Association internationale des libraires francophones) mettent en place un programme exceptionnel pour valoriser et promouvoir les écrits et les auteurs d’expression française, avec une attention particulière en faveur des pays du Sud : Un Pavillon du sud présente un fonds de 2500 titres en langue française édités dans les pays du Sud. Une quinzaine d’auteurs francophones y participeront à des animations, lectures et débats ; Trois rencontres professionnelles sur les thèmes : « Echanges et coopération entre les éditeurs au sein de l’espace francophone » et « Nouveaux visages de la librairie francophone. Présentation de la Charte de la librairie francophone » ; « La chaîne du livre, la relation éditeur - libraire eu sein de l’espace francophone » ; La remise du Prix des cinq continents de la Francophonie, qui consacre un roman d’un écrivain témoignant d’une expérience culturelle spécifique enrichissant la langue française, au lauréat 2009, l’écrivain togolais Kossi Efoui pour son roman Solo d’un revenant (Editions du Seuil); Rencontres littéraires avec le lauréat du Prix des cinq continents et des membres du jury, dont J.-M. G. Le Clézio, Vénus Khoury-Ghata, Lise Bissonnette, Pascale Kramer, René de Obaldia de l’Académie française, Paula Jacques, Lionel Trouillot. Site: http://www.salondulivrebeyrouth.org/
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Prélude aux combats

Le royaume des Pays-Bas, création des puissances victorieuses de la France napoléonienne, était miné par des maux graves. Des observateurs bienveillants, les diplomates de la Sainte-Alliance, ne cachaient pas les périls qui menaçaient cette union de deux peuples qu'opposaient les intérêts et les passions. Belges et Hollandais avaient été séparés par trop de conflits depuis le XVIe siècle pour qu'ils puissent, en quelques années, être réunis dans un ensemble barmonieux. Un génie politique n'aurait sans doute pas échoué dans cette tâche. Mais Guillaume 1er, financier avisé, certes, homme d'affaires connaissant les facteurs économiques de la vie des peuples, manquait de sens politique. Dans un monde où le libéralisme triomphait, ce despote éclairé, attardé dans le XIX. siècle, ne pouvait réussir à rapprocher les frères ennemis. A mesure que les années passaient, que la prospérité matérielle se développait, l'espoir de réaliser « l'amalgame » s'éloignait. Dans l'aisance et la puissance économique, les Belges trouvaient de nouvelles raisons de réclamer une part plus grande du pouvoir, que le roi, absolutiste étroit et obstiné, leur refusait.
La Révolution de 1830 a des causes profondes. Les rivalités commerciales, la fermeture de l'Escaut et l'exploitation systématique de nos provinces avaient laissé de l'amertume au coeur des Belges. Les catholiques et les calvinistes, depuis le XVIe siècle, ne s'étaient jamais rapprochés. Ils se haïssaient cordialement. Une évolution divergente depuis plus de deux siècles avait profondément marqué le caractère et l'esprit des populations du Nord et du Sud. Les moeurs, les traditions, le genre de vie étaient très différents dans les deux pays.
Dans les provinces du Sud, le régime français avait accentué la suprématie de la langue française au sein des milieux aristocratiques et bourgeois, classes dirigeantes de l'époque.
Même en pays flamand, le français était la langue des hommes qui avaient quelque influence dans la vie politique et sociale. Le prestige de cette langue, au XVllIe siècle, à travers toute l'Europe cultivée avait été énorme et les mesures administratives de la République et de l'Empire en avaient intensifié l'usage.
Au cours des quinze années de vie commune, aux Etats-Généraux, Belges et Hollandais s'étaient fréquemment dressés face à face. Cependant, les vieux libéraux belges, foncièrement anticléricaux, souhaitant le monopole de l'enseignement pour l'Etat, avaient à plusieurs reprises apporté au gouvernement leur appui Mais ils furent bientôt bousculés par une jeune équipe d'écrivains et d'avocats qui considéraien avec crainte les progrès de l'autoritarisme royal. Ces lecteurs du Globe. organe du néo-libéralisme français, songeaient plus à attaquer le empiètements et les conquêtes des ministériels qu'à combattre les « apostoliques ». qui réclamaient une application sincère de la Loi fondamentale et demandaient la responsabilité ministérielle, l'établissement d'un régime vraiment représentatif et l'inamovibilité des juges. Les journaux constituaient le meilleur moyen de diffusion de leurs idées. Or, la presse était toujours soumise, en fait, à un régime de contrôle très gênant. Les poursuites contre de Potter manifestaient bien le péril que courait cette liberté essentielle. Aussi la liberté de presse devint-elle une revendication formelle de ces jeunes libéraux.
Ces journalistes, ces avocats, ces bourgeois, qui étaient de langue et de culture françaises, étaient en outre menacés dans leurs habitudes et leurs intérêts par les arrêtés ministériels en matière linguistique. Aussi firent-ils valoir un autre grief: le mépris du gouvernement pour la liberté des langues.
Hommes jeunes, n'ayant pas connu l'Ancien Régime où l'Eglise détenait en fait le monopole de l'enseignement, ils se résignaient aisément à renoncer au monopole scolaire d'un pouvoir, néerlandais et autoritaire. Ils étaient prêts à un compromis avec les catholiques, qui, depuis 1815, n'avaient cessé de s'élever contre la domination gouvernementale protestante en matière d'enseignement. Dès lors, l'accord des libéraux et des catholiques devenait possible. L'union des oppositions était d'autant plus réalisable que, chez les catholiques, en Flandre surtout (fait quj prouve bien la diffusion du français dans les milieux intellectuels), les idées de Lamennais en faveur d'un catholicisme libéral, avaient fait de grands progrès.
Le rapprochement se précise de plus en plus. Le 8 novembre 1828, de Potter lance son fameux cri de ralliement: « Jusqu'ici, on a traqué les Jésuites. Bafouons, honnissons, poursuivons les ministériels! ». Le danger de cette Union est grave pour la stabilité du royaume. Sans doute, les catholiques du Brabant septentrional et du Limbourg «hollandais » se joignent à leurs coreligionnaires belges dans leurs revendications religieuses, sans doute, quelques libéraux hollandais commencent à réagir contre l'impitoyable fonctionnement du régime de Van Maanen, mais il s'agit là d'une minorité peu influente.
C'est essentiellement entre Belges et Hollandais que la lutte est ouverte. Les premiers se plaignent de l'accaparement des fonctions publiques par leurs adversaires. En 1830, n'y avaitt-il pas mille neuf cent quatre-vingts officiers hollandais, alors qu'il n'y avait que trois cent quatre-vingts belges?
Il n'est guère possible au roi de donner satisfaction aux opposants, car son Etat ne peut subsister que sous le régime rigoureux qu'il a imposé. Relâcher la pression administrative, céder aux demandes de l'opposition, c'est ruiner son oeuvre; admettre la représentation aux Etats-Généraux d'après la population, c'est provoquer l'écrasement des Hollandais qui ne sont qu'un peu plus de deux millions contre quatre millions de Belges. Aussi les Hollandais, comme par instinct, sont derrière le souverain de leur glorieuse dynastie d'Orange-Nassau.
I..e divorce idéologique entre les Hollandais immobiles et les Belges passionnés de libertés, se renforce de profondes oppositions entre les deux économies que le roi a tant fait pour amalgamer. La conciliation des intérêts divergents est délicate. En matière fiscale notamment, les Belges protestent contre les impôts de consommation sur le pain et la viande. Le roi s'est heurté à l'obstination du haut commerce hollandais et au dédain du grand capitalisme d'Amsterdam pour les Belges. Pendant que la Hollande refusait de s'adapter au monde nouveau qui naissait, les Belges développaient et modernisaient leur industrie, profitaient des créations bancaires de Guillaume 1er et Anvers, libre, renaissait magnifiquement. Aussi les Belges supportaient-ils de plus en plus difficilement de jouer un rôle secondaire dans l'Etat. Le fossé se creusait toujours davantage entre les deux parties et, au cours des années 1829 et 1830, les froissements se multiplient. Le fameux message royal du 11 décembre 1829, ouvre les yeux à de nombreux Belges sur les intentions de Guillaume. Message anachronique dans un monde porté par une puissante vague de liberté, il proclame les droits quasi absolus du souverain. Guillaume 1er cimente lui-même le bloc de ses adversaires.
De plus, les dernières mesures politiques du roi sont prises dans une conjoncture économique défavorable. L'Europe, en effet, depuis 1811-1817 est entrée dans une phase de baisse des prix et elle y restera jusqu'au milieu du siècle. Il en résulte de pénibles conséquences pour les finances publiques et pour les entreprises privées. Cette Europe, d'autre part, s'industrialise, la mécanisation fait des progrès. Sur le Continent, c'est en Belgique que ces progrès sont les plus rapides. Les crises du capitalisme industriel et financier se succèdent à un rythme régulier. Après les années difficiles de reconversion qui ont suivi la fin des guerres napoléoniennes, l'économie anglaise a été secouée en 1825 et 1829 et les répercussions en ont été sévères de ce côté de la Manche. La guérison est lente et 1830 n'est une année de prospérité, ni en Grande-Bretagne, ni en France, ni aux Pays-Bas. Dans ce dernier pays, la politique royale de soutien de l'industrie novatrice a provoqué un développement trop rapide de l'appareil de production. En mars et en juin 1830, la place de Verviers est brutalement frappée: faillite de banquiers, d'industriels. A Liège, en juin, « les nouveaux malheurs survenus dans le commerce rendant l'argent rare », le banquier de Sauvage réduit ses crédits. Cockerill, au printemps, est pressé par ses créanciers et implore l'aide du gouvernement. Les grands fabricants de tapis Overman et Cie de Tournai réclament aussi du secours et, en juillet, les fabricants de cotonnades gantois s'inquiètent de l'accumulation de leurs stocks. Enfin, la Révolution parisienne du mois de juillet a provoqué un choc néfaste au commerce et la confiance disparaît. A ce ralentissement d'activité, au cours du printemps et de l'été 1830, s'ajoute l'effet d'une hausse cyclique du coût de la vie depuis 1824. L'indice des produits végétaux indigènes est passé à Anvers de 65 en 1824 à 113 en 1829 et à 122 en 1830. L'hectolitre de froment qui valait 5,43 florins en 1824, vaut 10,93 florins en 1830. Aussi le pain a quasi doublé de prix. L'indice des prix des mercuriales est passé de 64,2 en 1824 à 97,3 en 1829 et à 107,5 en 1830. En outre, « un hiver aussi rigoureux que prolongé est venu accabler une grande partie de la population, multiplier ses besoins et naturellement occasionner une grande cherté dans les objets de première nécessité ». (Exposé de la situation de la province de Brabant méridional, juin 1830).
Dans cette économie qui n'est point encore moderne, le coût élevé des céréales est dû à la médiocrité des récoltes. Il n'entraîne pas la prospérité de l'ensemble de la classe agricole, mais des seuls gros producteurs. Les journaliers et les petits cultivateurs ne profitent guère de ce renchérissement des céréales.
En 1830, enfin, la soudure fut difficile et l'appréhension d'une production insuffisante poussait les fermiers à dissimuler leurs réserves. Les premières évaluations étaient pessimistes et, dans les tout premiers jours de septembre, les autorités en Hesbaye, dans le Limbourg et le Luxembourg, ne cachaient pas les très mauvais résultats de la récolte.
Les salaires n'ont point suivi le mouvement de hausse du coût de la vie. En 1827, le tisserand verviétois gagne le même salaire qu'en 1820, 1,48 franc par jour, et c'est un haut salaire. Sa fille gagne 42 centimes et son fils 52. Une femme se plaint amèrement, en septembre 1828, de ne recevoir que 85 centimes par jour. Si le chômage vient réduire le salaire réel, on peut aisément comprendre le malaise profond de la classe ouvrière.

* **

Telle était l'atmosphère lorsque va éclater la nouvelle des « Trois Glorieuses ». Les réactions sont diverses.
Les libéraux sont ravis de la chute de Charles X, mais certains catholiques sont effrayés par la crise d'anticléricalisme qui secoue Paris, car l'exemple est contagieux et les liens avec la France sont nombreux. Les journaux français sont lus avec avidité et les contacts personnels entre certains hommes politiques des deux pays sont fréquents. Toutefois,il n'y a point imminence de crise révolutionnaire: Gendebien partira pour Paris le 21 août, chargé d'aviser ses amis français de la remise à plus tard de toute action violente. Cependant, le 25 août au soir, la représentation de la Muette de Portici, l'opéra d'Auber, est l'occasion d'une émeute. L'air, repris de la Marseillaise « Amour sacré de la Patrie » déchaîna l'enthousiasme dans la salle, tandis que sur la place de la Monnaie, la foule se massait. Déjà avant la fin du spectacle, un groupe se dirigea vers les bureaux du National, le journal exécré, rédigé par Libry-Bagnano, un homme fort méprisé. Quelques pierres furent lancées dans les vitres. Puis, renforcé, le groupe alla piller rue de la Madeleine, la maison particulière de ce scribe, ancien forçat. Celle du directeur de la police P. de Knyff est ravagée. Vers onze heures du soir, un autre groupe d'environ deux cents hommes bien armés, composé de gens du peuple, se dirigea vers l'hôtel du ministre de la Justice, Van Maanen, au Petit Sablon. Il commença par y démolir tout, méthodiquement, puis, à deux heures du matin, mit le feu à l'immeuble.
Des fusils, des sabres, des pistolets, des munitions avaient été enlevés de force chez des armuriers, chez des marchands de poudre, de plomb et de fer. D'autres armes furent arrachées à la maréchaussée, aux pompiers ou à des bourgeois. Les policiers et les gendarmes furent impuissants à rétablir l'ordre, tandis que de faibles détachements de troupe, grenadiers et chasseurs, -1200 hommes étaient cependant disponibles -patrouillèrent à partir de minuit, mais sans intervenir sur les lieux de pillages. A cinq heures du matin, des patrouilles et des groupes d'insurgés échangèrent des coups de feu. Puis, l'armée se concentra au Sablon et le 26 à midi, elle se retira à la place des Palais, tandis que les faibles effectifs laissés à la caserne des Annonciades et à la caserne Ste-Elisabeth furent désarmés par les émeutiers. Maîtres du centre de la ville, les mutins pillèrent au Grand Sablon la maison du généraI de Wauthier, commandant la Place, et, à huit heures du matin, un groupe de quatre cents hommes, drapeau rouge en tête, saccagea
l'hôtel du gouvernement provincial, rue du Chêne.
La Régence, c'est-à-dire l'autorité communale, (hormis le bourgmestre de Wellens, absent de la ville), le gouverneur de la province Van der Fosse, le directeur de la police et le commandant de la garde communale, réunis à l'hôtel de ville, donnèrent à la police des ordres qu'elle était incapable d'exécuter.
Déjà à six heures du matin, des bourgeois n'apercevant pas l'ombre d'un garde communal -la schutterij, la garde civique régulière de l'époque, récemment organisée, fonctionnait mal -avaient demandé des armes pour créer une garde et réclamé le retrait de l'armée afin d'éviter des frictions sanglantes entre le peuple et la troupe. L'autorisation leur fut accordée et le matin les premières patrouilles furent formées. Mais les bourgeois n'étaient pas en nombre et ils durent renoncer à disperser les attroupements. A trois heures de l'après-midi, sur la Grand'Place, Ducpétiaux attacha au réverbère placé au-dessus de la porte d'entrée de l'hôtel de ville un drapeau aux trois couleurs, rouge, jaune et noire, que Mme, Abts négociante du Marché-aux-Herbes -venait de confectionner en cousant des bandes de mérinos disposées horizontalement.
Pendant l'après-midi, dans des cabarets de la rue Haute, des meneurs instiguèrent des ouvriers, surtout des fileurs, à aller détruire, à l'exemple des Anglais de Manchester, les fabriques de la banlieue qui utilisaient des machines. A huit heures du soir, les fabriques de Rey et Bosdevex-Bal, à Forest, de Wilson à Uccle, industriels novateurs qui avaient installé des mécaniques, avaient été dévastées.
Mais le peuple était fatigué de ses longues courses et déjà des bourgeois avaient réussi à lui racheter ses armes. La nuit du 26 au 27 fut calme. Huit cents bourgeois montaient la garde. Le lendemain, le peuple, massé place Royale et place des Palais, menaça la troupe. Une intervention de la garde bourgeoise se termina par une fusillade: force resta à la garde. Dès ce moment, les attroupements cessèrent. La garde bourgeoise était maîtresse de la ville. Le commandement en chef en fut assuré par le baron Emmanuel Vanderlinden d'Hooghvorst. Un état-major fut constitué, un Conseil formé. Dans la ville, tous les insignes royaux avaient été brisés, les cocardes orange foulées aux pieds. Une « mauvaise farce d'écoliers » comme l'écrivit Gendebien avait donné le pouvoir à la garde bourgeoise.
Les bourgeois devenaient ainsi maîtres de la situation, mais bourgeoisie et peuple bruxellois étaient unis quand même dans la volonté d'empêcher l'entrée de nouvelles troupes. Le 28, l'annonce que des renforts sont arrivés à Vilvorde a excité la population bruxelloise. Le 31 août, les princes royaux envoyés par leur père pour rétablir l'ordre à la tête d'une armée imposante firent connaître leur intention d'entrer dans la ville avec leurs troupes et leur exigence de l'abandon par les bourgeois des drapeaux et des cocardes brabançonnes. Cette menace déchaîna le patriotisme. Bruxelles, toutes classes mêlées, s'apprêta au combat. Des barricades furent dressées, des arbres abattus. La garde fut mise sur un véritable pied de guerre. Le prince d'Orange céda aux supplications d'une seconde députation de notables et accepta d'entrer avec son seul état-major et sans troupe. Le lendemain, ler septembre, il fit donc son entrée dans la ville. Aux cris répétés de « vive la liberté» répondirent quelques « vive le roi ». Grand'Place, le bourgmestre lui adressa quelques mots, puis, au galop, le prince se rendit à son palais...

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L'occasion initiale, la Révolution de Juillet à Paris, est ainsi suivie, à moins d'un mois d'intervalle, de l'émeute bruxelloise. L 'allure de celle-ci fait réfléchir. Des étrangers ont participé aux bris de vitres, aux incendies, aux destructions. De l'argent a été distribué. Il y a eu des meneurs. Sont-ce des Français, voire des Anglais? Les témoignages sont imprécis et les enquêtes de police incomplètes. Faut-il admettre la thèse d'un policier hollandais, Audoor? Pour lui, tout aurait été soigneusement préparé, machiné, monté dans le détail. Ce seraient les bourgeois de Bruxelles qui auraient excité le peuple, auraient lâché la populace, pour avoir l'occasion de s'emparer du pouvoir réel dans la cité, d'évincer l'armée et la police. Cela nous paraît une explication a posteriori, car ces bourgeois craignaient réellement le peuple et étaient trop avisés pour jouer le rôle d'apprenti sorcier.
Le bris des machines, les « luddites » d'Uccle, de Forest, d'Anderlecht, sont le meilleur indice d'un malaise social. Dès avant la crise commerciale consécutive aux troubles politiques, les ouvriers avaient déjà attaqué les ateliers, mouvement spontané en grande partie, encore qu'il faille retenir l'intervention d'agents provocateurs.
A Verviers, le caractère social du mouvement révolutionnaire est évident. Depuis longtemps les ouvriers se plaignaient de la lourdeur des impôts de consommation et de l'introduction de nouvelles machines. Le 27 août au soir, les événements de Bruxelles furent connus et le lendemain la foule se porta devant l'hôtel de ville en criant « brisons les machines! » « à bas les employés du gouvernement! ». Un drapeau tricolore français fut planté sur le perron, des cris furent poussés « vive Napoléon! à bas Guillaume! ». Après qu'elle eut désarmé la garde communale, la foule envahit l'hôtel de ville, s'empara des armes entreposées dans les greniers, puis se dirigea vers les maisons des agents des contributions et des accises qu'elle pilla. La maison du notaire Lys fut saccagée. Le lendemain, les mutins voulurent incendier le Montde-Piété et clamèrent leur intention de se rendre dans les fabriques. D'autres allèrent dans la banlieue et y pillèrent les demeures des agents du fisc et les boulangeries. Pour calmer la masse déchaînée, le président de la « Commission de sûreté », qui avait remplacé l'autorité communale débordée, promit la remise au peuple des machines à tondre, une baisse du prix du pain de dix cents et la restitution gratuite par le Mont-de-Piété, de tous les objets garantissant des prêts inférieurs à dix florins.
Le 30 août, le Pays de Herve fut sillonné de bandes de pillards qui ramenèrent triomphalement à Verviers des charrettes de blé. Partout, ces insurgés arboraient les couleurs françaises, lacéraient les couleurs hollandaises, brisaient les armes royales. A Verviers, les officiers de la garde urbaine, constituée pour rétablir l'ordre, portaient une ceinture aux couleurs françaises, les gardes une cocarde et les onze postes de garde étaient ornés d'un drapeau français.
Les Verviétois furent imités par les ouvriers d'Aix-Ia-Chapelle qui détruisirent les machines chez Nélissen, fabricant de drap et pillèrent la maison de James Cockerill. A Dusseldorf on assista aussi à une explosion de rage populaire. A Lierre encore, chez Van den Berghe de Heyder, grand imprimeur de cotonnades, les ouvriers s'agitèrent à la fin d'août. Des bruits de pillage dans des fabriques d'Eindhoven et de Tilburg, qui circulèrent à la même époque, témoignent, quoique erronés, de l'agitation sociale. Rappelons qu'à Paris, l'agitation ouvrière n'a pas cessé au cours de l'été 1830.
Il y a donc un mouvement prolétarien, qui trouve l'occasion de son déclenchement dans des faits politiques: c'est à Bruxelles, le 25 août, que l'étincelle a jailli et c'est de là que l'explosion a gagné de proche en proche. Au surplus, certains avaient sans doute quelque avantage à ces désordres. Des agents provocateurs voulaient effrayer les bourgeois et les exciter à une répression de l'élan populaire, tandis que, nous dit Gendebien, « des intrigants laissèrent faire, pour masquer une onzième ou douzième faillite; on vit des industriels indiquer à leurs propres ouvriers les pièces de leurs machines à briser afin d'arrêter momentanément leur marche et légitimer la suspension des travaux et des paiements ». Enfin, à Bruxelles comme à Paris, on accusa des agents anglais d'avoir poussé à la destruction des machines par avidité et mercantilisme.
Ce mouvement social est violent, mais sans lendemain. Car les possédants ont pris peur. « Toute la propriété était menacée, elle a dû s'armer pour se soustraire aux suites funestes de l'effervescence populaire », écrivait le journaliste Levae à son ami de Potter, le 4 septembre. A Bruxelles, la bourgeoisie a désarmé le peuple et rétabli l’ordre. A Bruges, à Verviers, elle agit de même. Partout où l'ordre est menacé, des gardes bourgeoises sont constituées. Il est frappant de constater, dans la première semaine qui a suivi l'émeute de Bruxelles, l'identitédes réactions bourgeoises dans les différentes villes. Aux mouvements populaires désordonnés, dont les buts sont immédiats (relèvement des salaires, demande de travail, suppression d'impôts sur les produits alimentaires) répondent la constitution de gardes bourgeoises et la satisfaction partielle, dans les limites du possible, des revendications de la masse par la mise en chantIer de travaux publics, la fixation d’un maximum du prix du pain et l'abolition des impôts communaux sur l'abattage. A Verviers, l'arrêt momentané de certaines machines est même ordonné.
Le comte de Mercy-Argenteau retiré dans son château, décrit bien au chef du Cabinet du roi, Hofmann, le 31 août 1830, les convulsions sociales dans les centres industriels avec leurs répercussions dans la grande banlieue: « Pour comble d'adversité, le besoin de pain se fait sentir. Une multitude d'ouvriers est sans travail à Verviers. A l'heure où je vous écris deux à trois mille gens sont sur les quais de 'Liège criant pour du pain et repoussant si bien les forces armées que la régence a dû baisser le prix de 28 à 20 cents par carte à délivrer par le comité de secours. Verviers est dans un état épouvantable, les campagnes environnantes de même. On s'arme dans cette ville pour la défense autant qu'on le peut; à Herve, à Battice, à Dison on pille. Un seul moment de confusion ou de relâche dans l'activité des gardes amènerait d'épouvantables catastrophes à Liège ».


* * *

Les événements qui ont suivi la représentation de la Muette de Portici à Bruxelles, sitôt connus dans les provinces, ont donc provoqué des remous. Dans de nombreuses villes, des gardes sont constituées. Des organismes nouveaux sont créés: des « Commissions de sûreté », corps municipaux, que les autorités régulières appellent à l'existence ou tolèrent. A Liège, Huy, Thuin, Dinant, Ciney, toutes bonnes villes de l'ancienne principauté de Liège, le drapeau
liégeois jaune et rouge est arboré. Mais l'esprit local triomphe à Verviers où ce sont le vert et le blanc qui, le 30 août, remplacent les couleurs françaises, symbole à la fois de libertépolitique, de sympathie française et d'aspirations sociales.
A Liège, le 26 et le 27 août, à Verviers, lors des troubles, la Marseillaise a été chantée par le peuple comme elle l'a été à Aix-la-Chapelle où le drapeau tricolore avait été également hissé. A Bruxelles, le drapeau français a été remplacé par le drapeau brabançon, appelé dès lors à une singulière fortune. Les couleurs des anciens Etats Belgiques sont adoptées par la garde et la population bruxelloises et imposées au prince d'Orange. Les couleurs de la ville de Bruxelles qu'on avait aussi arborées ont été abandonnées. Signe de ralliement des opposants au gouvernement de Guillaume 1er, les drapeaux brabançons rouge, jaune et noir sont hissés à Louvain, Nivelles, Namur, dans le Brabant wallon, en Hainaut, dans le Luxembourg et dans plusieurs villes des Flandres, à Ninove, Grammont, Courtrai, Wervicq, Harlebeke; mais en Flandre orientale, elles sont traquées par la police énergique du très ferme gouverneur Van Doorn.
Un drapeau, c'est un signe extérieur d'une importance capitale. Les autorité légales en sont pleinement conscientes. Pendant les entretiens qui précèdent l'entrée du prince héritier à Bruxelles le 1er septembre, la question des drapeaux et des cocardes tricolores est à la base des discussions et, au cours du mois de septembre, la chasse à ces emblèmes, organisée par les ministériels dans les centres où ils ont conservé la haute main, est aussi significative.
Un drapeau, des drapeaux plutôt, voilà le signe de ralliement de beaucoup d'habitants des provinces méridionales. Ont-ils un programme? A Liège, dès le 27 août, une députation est chargée de demander au roi le redressement des griefs, clairement exposés dans une remarquable pétition remise à la « Commission de sûreté » le 27 dans l'après-midi et que cette nouvelle autorité, créée par le gouverneur de la province, a adoptée. Le problème capital des rapports entre le roi et ses ministres préoccupe les Liégeois. « Nos réclamations en peu de mots les voici: Changement complet du système suivi jusqu'à présent; exécution franche de la loi fondamentale. Renvoi du ministère antipopulaire, dont les actes ont spécialement frappé la Belgique. Son remplacement par des hommes qui sachent enfin concilier les intérêts de toutes les provinces du royaume; qui acceptent, telle qu'elle doit l'être, sous un gouvernement représentatif, la responsabilité pleine et entière de leurs actes, seul moyen de retenir intact le principe de l'inviolabilité du Roi. L'organisation de la responsabilité ministérielle par une loi spéciale. Répudiation complète et sincère du système spécialement consacré dans le funeste message du 11 décembre 1829 ». Les Liégeois réclament en outre le jury en matières criminelles et surtout dans les procès de presse et autres procès politiques, la liberté entière de la presse et un nouveau système électoral. Mais ils veulent encore: « la liberté illimitée de l'enseignement consacrée par une loi », et une « loi consacrant la liberté du langage en toutes matières administratives et judiciaires ». Ils exigent des réformes économiques: l'abolition du million de l'industrie, la diminution des impôts et l'économie dans les traitements des fonctionnaires publics. Ils font valoir aussi des revendications nettement nationales, l'établissement de la Haute Cour dans une des villes de Belgique, la répartition égale des emplois publics entre le Nord et le Sud. La convocation immédiate des Etats-Généraux -que le roi
d'ailleurs a décidée le 28 -permettrait la réalisation de ce programme.
A Bruxelles, les bourgeois réunis et armés dans une garde qui a rétabli l'ordre et sur qui repose le maintien de la tranquillité publique, formulent eux aussi des revendications politiques. Elles sont énumérées d'une manière concise pour frapper le peuple dans un tract répandu par le Courrier des Pays-Bas que l'on trouve dans les corps de garde dès le 28 au matin. Ce document est moins complet que la pétition liégeoise. Il n'y est point question de liberté de l'enseignement, ni des langues. Mais des soucis immédiats apparaissent: soucis d'ordre politique, (cessation des poursuites intentées aux écrivains libéraux, annulation des condamnations en matière politique), et d'ordre social, (demande de suspension provisoire de l'abattage, distribution à tous les ouvriers infortunés de pain pour subvenir à leurs besoins jusqu'à ce qu'ils puissent reprendre leurs travaux). Le soir du 28, une assemblée de notables bruxellois a envoyé au roi une délégation pour lui exposer ses griefs. La pétition liégeoise, un vrai modèle, sera copiée par les bourgeoisies d'autres villes qui feront parvenir au souverain des adresses fermes et respectueuses.
Le meilleur moyen d'assurer le triomphe des libertés est évidemment de régler entre Belges seuls les problèmes politiques. La séparation apparaît vite comme le but dont la réalisation assurera les libertés essentielles. C'est de Paris, semble-t-il, que l'idée de séparation est venue. Le 29 août, Tielemans, un des exilés, parle déjà dans une lettre à son ami de Gamond « de gouvernement provisoire, de Belgique entièrement séparée, entièrement indépendante de la Hollande et gouvernée d'après une constitution qui lui convienne et qu'elle ait librement faite ou acceptée ». Deux jours plus tard, de Potter s'exprime très nettement dans une missive à ses amis de Bruxelles, Gendebien et Van de Weyer : « Pourquoi ne voulez-vous pas la séparation parlementaire et administrative de la Hollande dans laquelle se trouve nécessairement tout ce que vous demandez? » S'il faut en croire Gendebien, il aurait préconisé la séparation dans une entrevue confiante avec le prince d'Orange, le 1er septembre au soir. Mais le prince, le lendemain, ne songeait encore qu'à la démission de Van Maanen.
Le 2 septembre, quatre députés aux Etats Généraux, le comte de Celles, Charles Le Hon, François de Langhe, Charles de Brouckère, revenus de Paris où ils avaient vu les bannis et où ils avaient été électrisés au contact des vainqueurs de Juillet, en discutent avec Gendebien. Admis auprès du prince d'Orange le 3 au matin, Charles de Brouckère lui déclara que ses collègues partageaient l'idée qu'une séparation entre les parties septentrionale et méridionale du royaume était devenue nécessaire et que la démission du ministre Van Maanen n'était plus regardée comme suffisante pour calmer les esprits. Le ministre van Gobbelschroy vint confirmer ce fait au prince. La commission constituée par celui-ci le 1er septembre et présidée par le duc d'Ursel était réunie à ce moment au palais. Elle émit le voeu que pareille séparation pût être effectuée. Entretemps, le commandant et les chefs de section de la garde bourgeoise s'étaient assemblés au palais du prince d'Orange et ils manifestèrent aussi le désir de séparation, tout en acceptant la souveraineté de la dynastie des Nassau. Ils se prononcèrent en même temps avec force contre une réunion à la France.
Le prince exprima la crainte que les formes prescrites par la Loi fondamentale n'empêchassent le roi de donner à l'égard de la séparation une réponse positive, mais il se déclara prêt à appuyer sincèrement les voeux émis, en même temps qu'il acceptait la retraite en dehors de la ville des troupes qui bivouaquaient Place des Palais et dans les cours intérieures du palais depuis le 26 août.
Si la formule de la séparation « sous les rapports législatifs, administratifs et financiers» rallia beaucoup de Belges, elle eut cependant des adversaires farouches: les ministériels, magistrats, fonctionnaires et les amis du pouvoir, certains industriels et hommes d'affaires qui avaient trop reçu du régime pour ne point souhaiter qu'il durât. Dans les centres commerciaux comme Anvers, le projet de séparation est mal accueilli et une pétition se couvre de centaines de signatures de négociants, de propriétaires et de bourgeois, les 8, 9 et 10 septembre. La Chambre de commerce, le 11, proteste également contre ce voeu, tandis que la Régence appuye la requête des habitants. « Messieurs, du commerce et de l'industrie ont peur que le divorce accompli, les Hollandais ne mettent l'Escaut en bouteilles », écrivait le professeur Ph. Lesbroussart le 9 septembre. Gand proteste également et à Liège, à Bruxelles, à Mons, il y a des grands bourgeois qui verraient avec rage l'effondrement du royaume. Il en est aussi qui sans être « orangistes », le premier moment d'enthousiasme passé, réfléchissent aux inconvénients de briser une unité économique qui n'a pas été sans avantages. Et la perte du marché des Indes rend songeurs les gens pondérés. Le 5 septembre, une séparation obtenue par les voies légales satisferait la grande majorité des opposants. Mais comme ces Belges craignent une action énergique de l'armée royale, un retour brusque des troupes qui anéantirait tout espoir de voir accepter par le souverain le moindre changement, ils veulent rester armés. Ainsi la garde bourgeoise, à l'origine rempart de l'ordre, est devenue le bastion de la liberté. Cette attitude est strictement défensive. Si l'armée royale ne tente pas de rentrer dans la capitale, les chefs de la garde ne recourront pas aux armes. Cependant, il faut mettre la ville à l'abri d'un coup de main, car « la méfiance est mère de la sûreté ». Les ingénieurs Roget et Teichmann font élever des barricades. Le 8, une commission de défense, chargée de la direction des travaux militaires, est créée par l'état-major et le Conseil de la garde bourgeoise.
Puisqu'on reste sous les armes pour éviter la terrible éventualité d'une « agression » royale que font présager les articles violents de la presse hollandaise et les mouvements de troupes, car la concentration de l'armée du prince Frédéric se prépare minutieusement, ne convient-il pas de renforcer l'armature militaire de cette garde? Ainsi, insensiblement, à l'état major et au Conseil de la garde bourgeoise, certains songent à l'organisation d'une véritable petite armée. Le besoin d'hommes, de fonds, d'armes, exige l'établissement de relations avec les autres villes. La ligne Louvain-Liège est capitale pour la fourniture des armes. Liège est un des grands centres de l'armurerie en Europe; le gouverneur de la province Sandberg y évalue à cent mille les armes disponibles. Grâce au travail des ouvriers liégeois, maîtres en art de tourner les canons, les sarraus bleus ne devront point se battre avec des piques comme leurs frères polonais, quelques mois plus tard.
Le peuple de Louvain a chassé la garnison le 2 septembre et le rideau des troupes du général Cort-Heyligers, installé le 11 septembre, ne coupe pas complètement les communications. Dès le 7 septembre Charles Rogier et Florent de Bosse de Villenfagne sont entrés à Bruxelles à la tête du principal contingent de volontaires liégeois fort de 250 hommes. Des petits groupes d'hommes décidés de Namur, de Tournai, d'Alost, de Roulers (la troupe Rodenbach), des isolés de divers endroits sont aussi accourus.
Ainsi se constitue un noyau d'hommes armés. Ce sont des gens souvent démunis d'argent et la ville de Bruxelles doit les nourrir. Ils ont des chefs qui veulent parfaire l'équipement et l'armement de leurs hommes. Et où trouver les fonds nécessaires, sinon dans un renversement radical des institutions? Il faut se rendre maître des caisses publiques, ou du moins exiger la libre disposition des recettes de l'Etat, de la Province et de la Ville. Une tendance révolutionnaire se dessine donc nettement.
Le Conseil de Régence, à l'hôtel de ville, est évidemment effrayé de la tournure des choses. Mais il est impuissant et son pouvoir disparaît en fait. La « Commission de sûreté» formée le 11 septembre et où siègent Van de Weyer, Gendebien, Félix de Mérode, Rouppe et F. Meeus le remplace. Ce n'est pas un Gouvernement provisoire. Organisme bruxellois, cette Commission de sûreté n'a qu'un mandat limité: maintenir la dynastie, l'ordre public et défendre le voeu de séparation. Mais ses efforts furent médiocres et Gendebien se plaignit amèrement de son inertie.
Quant aux députés aux Etats-Généraux, convoqués à La Haye pour la session extraordinaire qui doit s'ouvrir le 13 septembre, ils ont, après hésitation, décidé de répondre à l'appel du roi. Leur absence de Belgique dans ces semaines agitées prive l'opposition de conseillers avisés. Avant leur départ, certains ont manifesté sans ambiguïté leurs sentiments patriotiques, tels le baron de Stassart, mais d'autres sont plus timides et Raikem, le 26 août, dans une lettre au gouverneur Sandberg, affirmait clairement ses sentiments parfaitement royalistes. Leur départ pour La Haye a d'ailleurs donné lieu à de très vifs débats et les extrémistes leur reprochèrent amèrement leur soumission au roi. Ces hommes mûrs, sages et prudents, décidèrent de se rendre à La Haye pour y faire triompher par les voies légales la séparation. Ils n'étaient pas du parti de l'aventure.

* * *

Parmi les leaders patriotes, on compte principalement des avocats et des journalistes, rédacteurs des feuilles de l'opposition. Lesbroussart, Van Meenen, Jottrand, P. Claes, Ducpétiaux, Van de Weyer, J.-B. Nothomb, collaborateurs du Courrier des Pays-Bas, Levae du Belge, Lebeau et les frères Rogier, du Politique, D. Stas et Kersten du Courrier de la Meuse, Van Meenen, d'Elhoungne et Roussel du Journal de Louvain, Beaucarne du Catholique des PaysBas, l'abbé Buelens de l'Antwerpenaer, Barthélemy du Mortier du Courrier de l'Escaut, Braas et Lelièvre du Courrier de la Sambre sont les adversaires intelligents et tenaces du gouvernement. Sont-ce là les hommes qui ont préparé l'émeute du 25 août? Il ne semble pas. Jean-Baptiste Nothomb, collaborateur du Courrier des Pays-Bas, est parti en vacances à la mi-août pour Pétange, après avoir écrit son bel article du 9 sur la responsabilité ministérielle, et les autres rédacteurs ont été surpris par l'événement. Le 14 et le 15 août, Gendebien et Van de Weyer avaient participé à des conversations secrètes avec des confrères, mais rien n'y avait été décidé. Cependant ces hommes ont su tout de suite tirer parti des événements. L'occasion était trop belle pour ne pas la saisir. Leurs journaux deviennent les organes du séparatisme et le ton des articles hausse singulièrement. Que surviennent, cependant, les grenadiers du roi et leur situation deviendrait périlleuse. Aussi, certains restent prudents. L'attitude de Jottrand et de Claes, les 13 et 14 septembre à Bruxelles, lors des discussions à l'hôtel de ville sur le projet de formation d'un Gouvernement provisoire, est significative: ils s'opposent à la constitution immédiate d'un tel organisme. Charles Rogier est plus avancé. Il est poussé par ses volontaires et à Bruxelles, il fait figure d'homme d'avant-garde. Quant à Van de Weyer, installé à la Commission de sûreté, il manifeste déjà ses talents de diplomate, mesuré et réservé.
On retrouve donc, parmi les chefs du mouvement, les journalistes qui n'ont pas ménagé les coups au gouvernement de Guillaume 1er depuis 1828. A eux se sont joints des avocats (à Liège, par exemple, Edouard Vercken, A. Bavet, Muller, Wauters), des notaires(Delmotte à Mons, Adolphe Jottrand à Genappe, Lefebvre à Mariembourg), des rentiers, des industriels.
D'anciens militaires qui se sont déjà signalés dans les campagnes de l'Empire ou qui ont servi sous Guillaume 1er, mais ont été découragés par un avancement trop lent, les hauts grades étant réservés aux Hollandais, sont aux postes de commande de la garde. Pletinckx, lieutenant colonel de la garde bourgeoise, est un ancien capitaine de l'armée des Pays-Bas. Dégoûté de l'accueil qu'il reçut en 1827, à son retour de la colonie, il avait démissionné. Aujourd'hui, il brûle d'une ardeur étonnante d'en découdre avec l'armée de Frédéric. Joseph Fleury-Duray, major de la garde bourgeoise, avait servi l'armée de 1819 à 1822. Le comte Van der Meere, autre major de la garde, avait été capitaine aide de camp du général Van Geen, tandis que le major Vander Smissen, commandant en second la garde bourgeoise, avait fait la campagne de Russie et commandait l'artillerie de la 3e division sous Chassé à Waterloo.
Fait remarquable, ces hommes sont jeunes: Charles Rogier a vingt-sept ans, Sylvain Van de Weyer vingt-huit, Félix de Mérode trente-neuf ans. Alexandre Gendebien a quarante et un ans mais un enthousiasme juvénile. Dans l'équipe du Politique, Firmin Rogier est l'aîné et il a trente-neuf ans, Paul Devaux vingt-neuf, Henri Lignac trente-trois. Jean-Baptiste Nothomb a vingt-cinq ans, le comte Van der Meere trente-trois ans, Joseph Pletinckx trente-trois, Joseph Fleury-Duray vingt-neuf, Bruno Renard de Tournay vingt-six et Félix Chazal vingt-deux.
En général, les patriotes investis par les circonstances de graves responsabilités ne songent pas encore à une rupture décisive, à une véritable révolution. Ils restent sur la défensive. Mais il y a aussi les partisans des solutions extrêmes. Ce sont des têtes chaudes, des aventuriers. Excités par le succès des révolutionnaires parisiens, ils désirent se battre. Ils sont sûrs de vaincre les troupes hollandaises. Par la force, ils veulent arracher l'indépendance nationale. Ce sont souvent des personnages étranges, pittoresques, quelquefois de véritables énergumènes, qui se battront bravement à l'heure du combat. Hissés sur le pavois, ils en retomberont vite. De ces « éphémères de la révolution », selon l'exacte expression de Louis Leconte, l'histoire a surtout retenu les noms de Van Halen, Stieldorff, Ernest Grégoire, Borremans, Mellinet. Ils n'ont pas peur d'exposer leur vie. Dès le début, ils sont de tous les coups durs. Ils s'affairent dans les sections de la garde, s'occupent d'armement, de formation de corps francs. Ils organisent des sorties de Bruxelles vers les avant-postes ennemis, car pour eux l'armée du roi, est une armée hollandaise, une armée ennemie. A leurs yeux la guerre a commencé. Il faut transformer Bruxelles en un camp retranché, multiplier les barricades, armer le peuple, constituer un véritable arsenal. Ils s'appuyent sur les volontaires arrivés de province, qui constitueront les cadres de vraies troupes de choc. Enfin, dans la population bruxelloise, les extrémistes trouvent une aide précieuse. Le bas peuple de Bruxelles est résolu à empêcher coûte que coûte la soumission de sa ville. Le petit bourgeois partage aussi ce sentiment. Une véritable passion animera ces hommes à l'heure de la lutte; cette masse bruxelloise s'emparera de l'hôtel de ville le 19 septembre et formera la grosse majorité des combattants des «journées ».
Il y a aussi le groupe pro-français: le comte de Celles, beau-frère du général Gérard et le baron de Stassart, anciens préfets de Napoléon, ainsi que Alexandre Gendebien, s'y distinguent. Ces hommes soulevés par la victoire bourgeoise à Paris, veulent-ils la réunion à la France? Comme Cartwright, le chargé d'affaires anglais à Bruxelles, l'écrira à son gouvernement, le 4 octobre 1830, il y a un parti français qui souhaite, sinon la réunion à la France, c'est-à-dire le retour au statut diplomatique de 1795-1815, du moins une dépendance de fait des provinces belges, une suzeraineté française par la présence sur le trône, à Bruxelles, d'un prince de la maison d'Orléans.
En août, le comte de Celles, accompagné de trois autres députés, est allé à Paris. Gendebien, le 21, s'apprêtait à s'y rendre. Mais les conseils de prudence donnés dans les milieux gouvernementaux les ont calmés. Sans doute, le parti du mouvement, les sociétés populaires parisiennes, sont décidées à porter secours aux insurgés belges, mais leur aide, nous le verrons, ne viendra qu'assez tard. Il était normal, d'ailleurs, que des Belges aient regardé avec anxiétévers Paris, tourné les yeux vers le nouveau gouvernement français, car, dans la conjoncture internationale, c'était de là que pouvait venir à l'époque le seul appui.
Les partisans de la France sont nombreux dans certains milieux industriels. A Verviers, par exemple, ils seront longtemps influents. Mais c'est après octobre seulement, en hommes d'affaires avisés, qu'ils révéleront leurs opinions. De même chez les politiques, il faut bien distinguer les véritables partisans de la France, des Belges qui se résigneraient, faute d'indépendance nationale dans l'Europe de 1830, à passer sous la coupe française plutôt que de retomber sous la domination de Guillaume 1er et de Van Maanen.
En septembre 1830, dans cette période confuse que nous cherchons à éclairer, ceux-là même qui passent pour les partisans les plus dévoués du rattachement à la France, se contentent de travailler avec leurs collègues des Etats-Généraux ou des Commissions de sûreté en vue de réaliser la séparation. Peut-être n'est elle à leurs yeux que la première étape de la fusion avec la France? En tout cas, dans le présent, ils joignent leurs efforts à ceux des Belges qui veulent se séparer des Hollandais pour obtenir dans l'ensemble des Pays-Bas les libertés nécessaires.
Les efforts des agents français en vue de déclencher un mouvement de réunion à la France n'ont pas eu grand succès. Les drapeaux français n'ont pas longtemps flotté dans les villes insurgées et les traces de souhaits de réunion ont disparu. Mais chaque fois que l'avenir redevenait incertain, la tendance française reprenait force. Ainsi, lorsque le peuple à Bruxelles a connu la proclamation royale du 5 septembre, qui ne redressait immédiatement aucun des griefs, le gouverneur du Brabant écrira: « on parle assez ouvertement d'appeler le duc de Nemours, second fils du duc d'Orléans Louis-Philippe, au trône de la Belgique. On voit, dit-on, le ruban tricolore français remplacer les couleurs brabançonnes que beaucoup de Belges commencent à abandonner », tandis qu'à Liège, au 10 septembre, le gouverneur Sandberg constate : « qu'il y a évidemment un parti qui pousse vers la France: l'insubordination de l'armée française est pour beaucoup là dedans, cela nourrit les espérances et un lieutenant en garnison à Givet écrit à son frère ici, que les soldats veulent à toute force marcher sur la Belgique ». Le 8 septembre, d'ailleurs, le Politique a fait paraître un article sur la possibilité d'une réunion à la France. C'est une menace non déguisée au gouvernement, au cas où il résisterait.
A l'action des journalistes et des extrémistes, aux manceuvres du parti français, s'opposent les forces de résistance au mouvement révolutionnaire. De plus, à la mi-septembre, la majorité des adversaires du roi ne rêve encore que de séparation et non de renversement de la dynastie. C'est le roi qui par son recours à la force va provoquer la rupture, déclencher la révolution.

Voir aussi:

Histoire de la révolution belge chapitre 1:

Histoire de la révolution belge de 1830: chapitre 2: Du côté de La Haye

Histoire de la révolution belge de 1830: chapitre3: Les divisions dans les camps des patriotes

Histoire de la révolution belge de 1830 -Chapitre 4: Le glas du régime

Histoire de la révolution belge de 1830 Chapitre 5: L'aube d'un Etat

Histoire de la révolution belge de 1830 Chapitre 6: Le soulèvement national

Histoire de la révolution belge de 1830 Chapitre 7: La Révolution et l'Europe

Histoire de la révolution blege Chapitre 8: Conculsion

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Cobalt international gallery asbl

Cobalt international gallery a.s.b.lLe concept.A pour but de promouvoir les artistes national et international dans tous les domaines de l’art,artistes peintres, sculpteurs, céramistes, photographes, graphistes.La création.La Cobalt international gallery a été fondée en Mai 2004 en a.s.b.l.Monsieur Fierlafijn Michel, Madame Vanderstucken Frieda , Monsieur Vantuykom Stephane (web master) Madame Smeets Monique,Leur ambition était de valoriser les artistes via ,notamment ,des expositions thématiques rendant compte de ‘ L’air du temps ‘ de la création ,dans la forme comme dans le fond .depuis l’ouverture de la galerie ,près d’une centaine d’artistes ont ainsi pu exposer leurs ouvres ,souvent pour la première fois.La galerie.Cobalt international gallery vous propose une salle d’exposition de charme et de caractère composée en trois zones de plus ou moins 180 m2Programme.La galerie vous proposera plusieurs expositions attractives et variées par an. Le programme de l’espace cobalt international gallery sera ponctué d’évènements artistiques de durées réduites pendant les expositionsCobalt international galleryRue Vandernoot 23 b/ 21080 BruxellesMetro SIMONISMetro BELGICALe Mercredi et le Vendredi de 16h à 19h.Le Samedi et le Dimanche de 13h à 18h.Pour plus d’informations , merci de nous contacter.Gsm / 0476/771/663 0478/ 711 097E-Mail / cobaltgallery@gmail.comSite / www.cobaltinternationalgallery.comBlogs / http://cobaltgallery.skynetblogs.behttp://cobalt.dhblogs.be
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Mon site-blog.

Je vous présente mon site-blog (plutôt site car je n'y publie pas les commentaires mais blog dans la forme). Il s'agit de mes productions récentes en peinture (huile sur bois) et peinture numérique (collages réalisés sur photoshop à partir de peintures personnelles).Voici le lien : www.ambertcec.blogspot.com
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L'art moderne en Belgique

À la césure du XIXème et du XXème siècle, l'avant-garde artistique a essaimé partout en Europe, en un foisonnement de mouvements, d'écoles, de tendances modernistes. L’art moderne belge reste marqué par cette même diversité féconde. Si la réputation de certains de ses artistes, comme Ensor, Magritte ou Delvaux, a largement dépassé les frontières, on ne connaît pas assez en France l’importance et l’intérêt de cette période en Belgique. Entre 1880 et 1885, tout un groupe de peintres va constituer une première vague impressionniste, un impressionnisme « autochtone », autour du tachisme. James Ensor est son chef de file. Autour de lui, Willy Finch, Fernand Khnopff, Guillaume Vogels, Théo Van Rysselberghe qui font partie de ces peintres progressistes travaillant, avec une touche libre et essentiellement au couteau, une matière pâteuse aux rehauts de teintes vives et pures. Ces peintres appartiennent au groupe Les Vingt. L’avant-garde européenne s’exprime alors, à Bruxelles, dans des cercles comme la Chrysalide et l’Essor. C’est après la disparition de l’Essor que se crée le groupe Les Vingt en 1883, qui va accompagner le développement de l’art moderne en Belgique durant 10 ans. Il rassemble un ensemble très hétérogène d’artistes dont le point commun est de réagir contre l’académisme et le conservatisme artistique. Ses membres, qui s’interdisent tout préjugé – outre les peintres déjà évoqués, on peut citer Georges Lemmen, Henry Van de Velde, et Toorop - choisissent en plein accord les invités aux expositions qu’ils organisent. Les premières sont consacrées à la peinture impressionniste française et anglaise, notamment de l’Américain James Mc Neill Whistler (en 1884, 86 et 88) qui va d’abord les influencer. En 1886, ils invitent Monet et Renoir, en 1887 Berthe Morisot et Pissaro puis, en 1888, notamment Caillebotte. L’influence de l’impressionnisme français devient alors notoire, la représentation de la sensation visuelle va dominer la recherche d’un groupe de peintres. C’est le cas d’Adrien-Joseph Heymans, membre de l’Ecole de Termonde, tempérament impressionniste depuis déjà plusieurs années et d’Emile Claus qui, après une période de réalisme clair, s’investit dans une technique impressionniste systématique et un chromatisme luministe. Le luminisme – dont Claus devient le chef de file dès la moitié des années 1890 - se définit comme « toute expression subissant l’ascendant de l’impressionnisme français et combinant une touche lâche et irrégulière à une gamme chromatique ensoleillée. » Il est plus traditionaliste que le néo-impressionnisme, notamment par son imprégnation réaliste. En 1904, les luministes, dont Heymans, Georges Buysse, Anna de Weert et Lemmen dès 1895, se regroupent autour de Claus au sein du cercle Vie et Lumière. Le luminisme est particulièrement apprécié dans la région de Gand et l’influence de Claus est importante. Impressionnisme, Luminisme, Néo-impressionnisme Pendant ce temps, à partir de 1886-90, une autre avant-garde se fait jour, le néo-impressionnisme. Découvertes à Paris par Emile Verhaeren, « importées » par les Vingt dans leur salon de 1887 à Bruxelles, les œuvres pointillistes de Seurat - et notamment le tableau emblématique de ce mouvement, Un dimanche à la Grande Jatte - influencent essentiellement Finch, Van de Velde et Lemmen (au moins pour un temps). Van Ruysselbergue est son principal représentant en Belgique à partir de 1887-88 et au moins jusque dans les années 90, quand il commence à s’évader de la contrainte du « pointillé ». Membre fondateur des Vingt , il vit à Paris où il est très intégré dans le milieu artistique à partir de 1898. Après 1910, il s’éloigne du néo-impressionnisme pour revenir à une touche plus libre et ensuite « à un réalisme plus conventionnel ». Le néo-impressionnisme sera pour beaucoup de ces peintres une transition vers l’expressionnisme ou le symbolisme. Parallèlement à ces avant-gardes, le symbolisme, qui a inspiré toute l’Europe, s’illustre particulièrement en Belgique, notamment grâce à La Libre Esthétique Pour ses adeptes, « peintres de l’âme », l’art doit révéler ce qui se cache sous la réalité apparente, loin de « la sensualité superficielle » des impressionnistes. Ils travaillent souvent au crayon ou à la craie, au pastel et à l’aquarelle, mieux adaptés à l’atmosphère anti-réaliste de leurs œuvres, particulièrement William Degouve de Nuncques et Léon Spilliaert. Ses principaux représentants –parmi eux Fernand Khnopff, et Ensor - ont été exposés chez les Vingt et au cercle Pour l’Art. A cette tendance, on peut rattacher Le premier groupe de Laethem-Saint-Martin, créé vers 1898, au bord de la Lys, sous l’impulsion du sculpteur Georges Minne. Retirés dans un village à l’écart de Gand en réponse à un besoin de ressourcement, ses membres viennent chercher la paix , le recueillement, « une sensation d’éternité ». Le mysticisme , la simplicité de portraits sensibles et de scènes de la vie rurale empreints de réalisme minutieux caractérisent l’art des membres de ce cercle parmi lesquels Valérius De Saedeleer et surtout, Gustave van de Woestijne, tous deux très proches des nabis, qui vont faire le lien avec l’expressionnisme flamand. Jan Toorop, symboliste hollandais le plus réputé, fait également partie des artistes exposés . Les précurseurs de l’expressionnisme Henri Evenepoel est le plus français des peintres belges, proche de Toulouse-Lautrec, élève de Gustave Moreau et, à ses débuts, admirateur de Manet, très marqué par la peinture de Goya et de Vélazquez. Sa courte carrière (il est mort à 27ans) le situe entre impressionnisme et fauvisme . George Hendrik Breitner , « Peintre du Peuple», connaît bien Van Gogh. D’abord dans la lignée de l’Ecole de la Haye, il s’en éloigne pour adopter une technique plus libre, souvent proche de celle d’Ensor. Ses peintures « sont de pures émotions faites couleur ». Léon Spilliaert est le principal représentant du symbolisme tardif en Belgique. James Ensor , fut le chef de file des Vingt jusqu’en 1885, adepte d’un tachisme sombre avant de se consacrer au dessin. C’est à partir de 87 qu’il introduit dans ses œuvres des éléments fantastiques, squelettes macabres, masques grimaçants ou grinçants proches de l’univers de Goya, qui côtoient un décor et des personnages réalistes. Son « fantastique symboliste » très caractéristique s’appuie sur un traitement expressif de la couleur . Sa réputation, définitivement assise dans les années 20, le positionne comme un des maîtres de l’avant-garde de son époque. Eugène Laermans se situe entre réalisme à dimension sociale, symbolisme auquel il s’apparente par sa vision de l’homme et expressionnisme que suggèrent le chromatisme de sa palette et la représentation déformée des corps. Le cercle des Vingt est dissous en 1893. Les expositions qu’il a organisées ont permis, avec celles de La Libre Esthétique, de découvrir en Belgique le post-impressionnisme de Gauguin, Van Gogh, Toulouse-Lautrec… La Libre Esthétique continue de promouvoir le modernisme européen, notamment grâce à sa grande rétrospective de l’impressionnisme, en 1904. Comme le cercle Doe Stil Voort et le groupe belge des Indépendants, elle va également présenter le fauvisme -notamment en 1906 et 1907- puis le cubisme et le futurisme aux artistes et amateurs d’art. Mais si, entre 1880 et 1890, l’avant-garde était au cœur des préoccupations artistiques belges, dans les débuts du XXème siècle, elles restent accrochées au néo-impressionnisme lumineux et ignorent ces nouvelles tendances. Les tendances fauves L’origine du « fauvisme brabançon » va donc se situer plutôt dans la lignée de la leçon de Paul Cézanne, James Ensor et Vincent Van Gogh, autour « de la synthèse, de la structure et de la division de la surface » et dans l’aire d’influence du post-impressionnisme. La nature est omniprésente, c’est elle qui génère l’émotion. La touche est expressive, la couleur pure, sans excès de dissonance, posée en aplats contrastés. Auguste Oleffe fait partie des fondateurs des cercles Le Labeur et l’Effort, en 1898, dans lesquels le fauvisme brabançon prend racine, dans ce milieu de luministes. Oleffe, attaché au réalisme et à l’impressionnisme d’influence française ne sera jamais un fauve authentique , mais plutôt « une figure de transition ». Rik Wouters est le plus connu des fauves brabançons. Emule de Cézanne, bruxellois, il adopte un style fauve à partir de 1910. Il privilégie la transparence des couleurs traitées en larges aplats lumineux et « cherche à traduire une réalité fugitive en un coloris franc et une technique assurée, rapide ». Jean Brusselmans , lui aussi inspiré par Cézanne, bien que proche des fauves brabançons, s’en distingue par un travail individualisé qui l’amènera à un réalisme synthétique. L’expressionnisme L’expressionnisme est un mouvement typiquement nordique, né des influences conjointes du symbolisme et du fauvisme, en réaction contre l’impressionnisme et le réalisme. Il apparaît en Allemagne, à Dresde où se crée en 1905 le groupe Die Brücke (Kirchner, Heckel, Karl Schmidt-Rottluff…) qui prône la révolte contre l’ordre établi et l’art académique, dénonce la dureté du monde moderne et incite à un retour à la nature qui en devient allégorique. Dissonances, transpositions chromatiques, outrance de la palette, dessin simplifié cerné de noir… sont quelques unes des caractéristiques de ce mouvement. En 1911, un autre groupe expressionniste Der Blaue Reiter est crée à Munich . Si l’expressionnisme allemand s’engloutit dans le désastre de la guerre de 14, il essaime dans les autres pays du Nord de l’Europe L’expressionnisme flamand n’apparaît qu’après la guerre. Il naît du « Deuxième groupe de Laethem Saint-Martin » (1905-1914), de tendance néo-impressionniste dans le sillage du luminisme de Claus, regroupant Gustave et Léon de Smet, Frits Van den Berghe, Constant Permeke. Ce n’est qu’après la guerre qui disperse chacun de ces artistes à l’étranger où ils découvrent l’expressionnisme allemand mais aussi le cubisme et le futurisme (en Angleterre pour Permeke, aux Pays-Bas pour Friz Van der Berghe et Gustave de Smet) que, de retour en Flandre, ils se rendent compte que leur évolution les a conduits dans la même direction, un expressionnisme nourri de cubisme et de futurisme. Soutenu par la revue Sélection et la galerie du Centaure, l’expressionnisme flamand atteint son apogée dans les années 20 . Floris, Oscar Jespers, Jozef Cantré, Gustave van de Woestyne, et, plus tard, Edgar Tytgat et Jean Brusselmans rejoignent le mouvement. Plus tardif , l’expressionnisme flamand est beaucoup moins révolutionnaire et agressif que son prédécesseur allemand. Une de ses caractéristiques est l’attachement à la terre, à la ruralité. Il fait « la synthèse des éléments de l’expressionnisme allemand, du cubisme et du néo-cubisme français, d’une picturalité typiquement flamande avec un goût pour une pâte riche et un lien profond avec le rythme vital de la terre ». Si le groupe s’avère extrêmement hétérogène, si l’évolution des personnalités qui le composent s’inscrit dans la diversité des courants de l’art à cette époque, il reste lié à Permeke et à la force de « son expressionnisme physique ». L’expressionnisme flamand survivra jusqu’à la guerre de 39-40. Les œuvres des peintres belges de ce mouvement côtoient, dans les collections, celles réalisées par des artistes étrangers acquises ou léguées au Musée de Gand. Ainsi, l’Autrichien Kokoschka, les Allemands Kirchner, Heckel, Christian Rohlfs, Paula Moderson-Becker, le Polonais Zadkine ou le Français Georges Rouault. Constant Permeke appartient au « Deuxième groupe de Laethem-Saint-Martin » de 1909 à 1912. Il réalise alors des œuvres impressionnistes dans la lignée du luminisme de Claus . Sa rencontre avec Albert Servaes le conduit vers un pré-expressionnisme. Blessé durant la guerre de 14, il vit isolé en Angleterre, informé des évolutions de l’art moderne par ses amis Gustave de Smet et Frits Van den Berghe. C’est là qu’il va construire un nouveau langage, à partir d’influences mêlées de Turner, Ensor, Rembrandt, du futurisme et de l’impressionnisme. De retour en Belgique, installé à côté d’Ostende, il choisit de peindre le monde paysan, des personnages monumentaux aux mains énormes dans une matière épaisse au chromatisme terreux qui expriment « la force originelle de l’existence ». Leur puissance d’évocation font de lui le principal représentant de l’expressionnisme flamand. Dans les années 30, il réalise aussi des marines et des paysages, ses premières sculptures vers 1935 et la plupart de ses dessins entre 1940 et 1945. Les œuvres de Gustave de Smet, après la période de Laethem-Saint-Martin, et lorsqu’il vit près d’Amsterdam durant la guerre, inscrites dans un paysage urbain, se situent entre expressionnisme allemand et cubisme français mêlé de futurisme. Puis, à partir de 1926, il peint des éléments urbains géométriques dans un chromatisme plus froid, et évolue dans les années 30 vers un « réalisme d’atmosphère » dans lequel intervient le monde paysan . La femme pensive est un de ses thèmes récurrents . Frits van den Berghe pose, dans ses œuvres, des questions philosophiques ou psychologiques au moyen d’images poétiques métaphoriques. Attiré depuis ses débuts par le bizarre et le fantastique, à partir de 1925, il change de thème de prédilection : le monde rural fait place à l’évocation de la difficile condition humaine, notamment la complexité des relations de couple. Après une période d’expressionnisme allemand mêlé de cubisme français, son style se rapprochera ensuite du surréalisme, autour d’évocations mélancoliques d’un monde « visionnaire et rêvé ». La première période de Gustave Van de Woestyne s’apparente à un symbolisme mystique jusqu’à son retour de la guerre où apparaissent des influences expressionnistes et post-cubistes, bien que toujours très proches des préoccupations métaphysiques de sa période symboliste. Il s’achemine ensuite vers un néo-réalisme qui s’apparente au Réalisme magique. Jean Brusselmans traduit la réalité par des éléments cubisants. À partir des années 20, il tend vers un constructivisme synthétique librement ordonné . Il deviendra ensuite une figure de proue de la modernité constructiviste et abstraite belge. Le premier style de Tytgat est réaliste et académique puis impressionniste avant d’être fauve. Mais ce qui l’intéresse, c’est l’élément narratif, la satire, le conte . Son évolution ultérieure le conduit à « un expressionnisme naïf ». Autodidacte, Ramah passe par l’impressionnisme avant de faire partie des fauves brabançons, sous influence de Cézanne qui l’amènera à simplifier ses compositions jusqu’à la géométrisation de la surface. Ce constructivisme synthétique disparaît peu à peu à partir de 1925 et , dans les années 30, il privilégie la couleur par rapport à la forme pour aboutir « à une sorte d’expressionnisme fauve, à la limite de l’abstrait ». Après une période d’influence des fauves brabançons, Prosper de Troyer s’implique dans le futurisme qui l’amène à l’abstraction dans les années 20. En 1922, il se lance dans un expressionnisme figuratif monumental, proche de la Nouvelle Objectivité, dans un univers dont l’Homme est le centre. Dans les années 20, au summum de la période expressionniste en Belgique (et notamment en Flandre) un autre courant issu du constructivisme qui balaye alors l’Europe, perce en Belgique. Cet art abstrait géométrique porte le nom de Plastique pure dont on dénombre quelque influence dans certaines œuvres de Gustave de Smet, Jean Brusselmans et même Gustave van de Woestijne.. Ce mouvement n’est pas traité dans l’exposition. Retour à l'ordre et surréalisme Comme partout en Europe à cette période de l’entre-deux-guerres, en parallèle à Dada, au surréalisme et au développement de l’abstraction, on assiste à une volonté de "retour à l’ordre", à un retour au classicisme, ... à la figuration, au réalisme. La Nouvelle Objectivité assied ce réalisme sur la sobriété objective d’un regard distancié qui pose « un constat froid, voire acerbe ou ironique de la société ». La Nouvelle Objectivité est très proche du Réalisme magique qui s’est développé dans les années 20 et qui s’attache à dépeindre un monde réaliste et apaisé, dans une atmosphère domestique et familière, sans âge, atone, incantatoire. Son réalisme méticuleux et raffiné, la particularité du traitement spatial, l’immobilisme des scènes représentées génèrent une sensation onirique de temps suspendu, de silence profond, qui transcende la banalité du sujet. Le surréalisme Parmi les courants artistiques qui fleurissent dans l’entre-deux guerres, le surréalisme se développe particulièrement en Belgique, comme à Paris. Le mouvement est préparé par Dada et le cubisme qui ont déjà battu en brèche la représentation du réel. En 1916 naît en Suisse, notamment grâce à Tristan Tzara, un mouvement rompant avec toutes les normes artistiques traditionnelles, y compris la peinture, inventant de nouvelles techniques souvent liées au hasard. Dada, qui essaime en suisse, en Allemagne, en France, et à New-York, est la matrice du surréalisme qui lui succède officiellement à partir de 1924, lors de la publication du « Premier manifeste du Surréalisme » par André Breton. Il faut aussi noter l’influence de De Chirico sur la genèse de ce mouvement. Le groupe initial, Arp, Man Ray et Max Ernst, issu de Dada, est bientôt rejoint par, notamment, Masson, Magritte, Tanguy, Dali, Miro… Le surréalisme se développe dans tous les arts, surtout la littérature mais aussi la musique, la photographie, le cinéma … C’est dans l’inconscient que l’artiste va essentiellement puiser une inspiration qui se situe dans le domaine de l’imaginaire, du rêve, de l’humour (dérision, goût des paradoxes, ironie…) Le surréalisme évolue selon deux directions : La première, -c’est le cas du surréalisme belge- promeut une figuration très réaliste, aussi précise qu’une photo, des associations d’images, d’objets, de lieux sans liens logiques apparents. La seconde s’appuie sur la recherche d’expérimentations qui font intervenir le hasard, par, notamment, l’écriture automatique, le frottage, le grattage, la « décalcomanie » … En Belgique, le mouvement, exposé dans les galeries Le Centaure et L’Epoque, est promu par la revue Sélection et le mensuel Variétés, publié par le directeur de galerie Van Hecke. Des groupes se développent notamment à Bruxelles et en Wallonie (Magritte en fait partie). En Flandre, seul Van den Berghe pourrait s’y rattacher par une inspiration onirique et l’usage de techniques d’expérimentations automatiques comme le frottage, si l’empathie qui soutient son œuvre n’en excluait une adhésion complète. René Magritte et Paul Delvaux sont les deux principaux surréalistes belges. René Magritte est le plus connu. Inspiré par De Chirico qu’il a découvert en 1922, Magritte réunit dans ses tableaux d’étranges associations d’objets, « fragments de réalité rendus avec soin et réalisme ». Ces associations ne sont pas liées à un automatisme, mais à une « perturbation consciente de la logique » et « un processus raisonné d’assemblages ». Paul Delvaux est également très célèbre. Il devient surréaliste en 1935 après une période sous influence de Permeke et De Smet, avant qu’il ne découvre de Chirico. Il n’y a pas trace chez lui de subversion, d’humour, mais plutôt création d’une atmosphère d’irréalité dans un décor réaliste dans lequel s’inversent intérieur et extérieur. Les personnages, statiques, inexpressifs, l’artificialité de la lumière, le rapprochent tout autant du réalisme magique que du surréalisme
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Terre Abandonnée

Je suis une victime volontaire de la fièvre interprétative lorsque mon regard admiratif couvre les choses qui ont fait notre histoire et dans lesquelles courent les ornières creusées par les âmes qui les ont faites. Chambre de créativité à ciel ouvert.Je ne m’inspire pas que des couleurs qui les font, de leurs formes ou de leurs parfums. Non, Elles dégagent beaucoup plus que cela. Venez les voir, peut-être comprendrez-vous ce que je tente de vous expliquer mais que je ne puis exprimer avec les mots.Il fut d’ailleurs une période pendant laquelle l’inspiration de ces lieux m’amena à situer les constructions humaines dans des déserts de sable. Faut-il y voir un symbole lié à l’abandon de nos lieux par l’humain, après avoir pressé le citron ?Début août deux mille un. Il pleuvait depuis plus d’une semaine.En été, lorsque le temps le permettait, je pratiquais des activités physiques telles que la course à pied ou la randonnée. Cela me donnait l’occasion de jouir pleinement de mon environnement. Il était très rare que l’envie de peindre me prît à ce moment.Ce jour-là, comme justement le temps était un obstacle à ma sortie jouissive habituelle, je décidai de terminer le tableau commencé à la fin de l’hiver.Quand vous viendrez à la maison, vous pourrez le voir pendu sur le mur du salon, juste devant le fauteuil que je me réserve pour pouvoir souffler un peu lorsque je rentre du travail. ( http://www.macollection.be/site/News/article.php?newsid=168) Ça me permet de le regarder sans devoir faire l’effort de déplacer mon regard dont je suis, cela dit en passant, très économe. Je ne balaye de mes yeux que ce qui m’apporte du plaisir. Comme je n’en éprouve pas beaucoup en regardant un mur, je place soigneusement ce que je dois voir dans les endroits qui me permettent de les observer sans effort de recherche.Le tableau dont il est question ici est un paysage dont les prés et les champs ont été envahis complètement par la désertification qui n’a laissé que les clôtures en mauvais état. A l’horizon se dressent les dunes qui ont porté jadis, lorsqu’elles étaient des monts couverts de verdure, un verger dont témoignent certains arbres cadavériques.Le ciel est éclairé par la lune voilée.En bas, à droite, subsiste un étang aux eaux dormantes qui reflète le ciel et son voile lunaire qui lui donne sa noblesse. Il est ceinturé par une clôture dont les irrégularités lui donnent le charme des prairies d’antan. Elle le sépare de la rue qui le longe et qui s’éloigne à perte de vue à travers le verger séché par le soleil du désert après avoir coupé un carrefour.Les quelques arbres du verger supposé semblent brûlés par un soleil d’une sévérité implacable. L’un d’eux, celui qui fut planté le long du chemin, plus près de l’étang, supporte, sur sa grosse branche, un oiseau de mauvais augure. Il a l’apparence d’un corbeau, il pose son regard sur les ruines de ce qui fut une maison qui aurait pu être l’habitation d’une ferme, du temps où le paysage qui l’entoure était encore vert.Il ne reste de la maison qu’un pan de mur dans lequel une fenêtre est mystérieusement éclairée au travers du rideau fermé.L’inspiration de ce tableau m’était venue dans un songe dans lequel mission m’avait été donnée de le peindre. A l’époque, d’ailleurs, la plupart de mes tableaux étaient réalisés sur commande.Ils m’apparaissaient en rêve. Il m’était clairement demandé de les réaliser. N’ayant pas de formation dite « artistique », je les reproduisais du mieux que je pouvais, sans respect des règles académiques.Ce jour-là, je terminais donc ce tableau. J’étais occupé à interpréter l’étang, le chemin qui l’entoure, ainsi que la clôture qui le ceint.La séance de travail en question était une reprise, fait qui empêchait une motivation positive. Comme cela m’était arrivé maintes fois au préalable, je m’attendais à un changement en cours de route.Mais, à mon grand désarroi, un sentiment mystérieux m’empêchait de me remettre au travail. De toutes mes forces, je me mis à la combattre, bravant cette perturbation que je prévoyais passagère.A cet obstacle s’ajoutait la sensation aussi étrange qu’une force incontrôlable entraînait mon bras vers le tableau. Je ne pouvais m’en dégager qu’au prix d’un effort très intense, aussi physique que psychologique. Ce phénomène était surprenant, mais surtout très perturbant.Je n’éprouvai dès lors plus le plaisir de peindre. La mission qui m’avait été donnée en songe se concrétisait à la manière d’une photo qui sort de l’appareil photographique. Mon inspiration se concrétisait à la sortie de mon esprit via les poils de mon pinceau sans que ma volonté ne soit sollicitée. C’était du moins la sensation que j’éprouvais.Je ne maîtrisais pas mon interprétation. Je la subissais !N’étais-je pas soumis à l’émanation de mon propre esprit, à moi-même ?Une réflexion sur la situation me décida toutefois à poursuivre la séance pour terminer l’œuvre qui devait être, je l’avais décidé, la première d’une série de paysages désertiques que j’allais associer à des œufs dans des situations particulières, tableaux que j’avais peints pendant la saison précédente. Cette sous-série accordait à l’œuf une place proéminente. Je les transposais dans des paysages surprenants, leur donnant une place qu’ils n’auraient jamais pu occuper sans l’intervention d’un interprète : dans la mer, dans un verger, derrière un portail de l’entrée qui aurait pu être celle d’un domaine viticole ou émergeant d’un océan sous l’apparence de poissons et d’un phare qui veillerait à la justesse de leur destination.La série de tableaux interprétant la mort de notre monde en le transformant en désert devait rejoindre la renaissance représentée sous forme d’œufs.J’avais en effet mis la charrue avant les bœufs en créant la renaissance avant la mort qui devait nécessairement la précéder ! La mort et le renouveau, rythme de la vie qui mène la danse de l’éternel recommencement ! Envol et réincarnation via l’œuf !Je terminais l’étang qui avait résisté à la sécheresse quasi générale de ce monde. L’eau, symbole de la vie. Elle précédait l’œuf, dans mon esprit. A quoi servirait donc la naissance d’une vie physique en l’absence d’eau ?J’avais clôturé symboliquement encore cet endroit sacré, le séparant du néant apparent de la mort.Quelques heures auparavant, j’avais nettoyé la palette sur laquelle avaient séché les mélanges de couleur abandonnés lâchement. J’avais gratté sa surface à l’aide de la petite truelle et terminai mon nettoyage avec un coton imbibé de térébenthine.Après un séchage rapide, j’avais pressé les tubes de peinture nécessaire pour réaliser l’interprétation. J’y ai mis une once de bleu outremer, une petite pointe de noir ivoire, un peu de terre de Sienne et énormément de blanc de zinc.Avant de m’installer devant le chevalet, je pris la décision qui m’était habituelle de placer un disque dans l’appareil de lecture. J’avais choisi d’écouter « Excalibur » de Vangelis. Je puisais une partie de mon inspiration dans la musique. Je choisissais un morceau qui correspondait à la nécessité de l’instant sans qu’un effort de réflexion ne me fût indispensable. Le choix d’écouter une interprétation musicale se faisait automatiquement. Le morceau correspondait à la nécessité du moment sans que je dusse faire une corrélation. Mon effort ne consistait qu’à laisser tomber ma main sur le disque qui serait l’élu pour assurer la bonne marche de l’évènement qui allait prendre cours.J’avais pris l’habitude d’écouter des musiciens tels Mike Oldfield, Pink Floyd et Vangelis pour stimuler mes séances de peinture.Il m’est difficile, voire impossible, de peindre ou d’écrire dans une atmosphère de calme domestique. Cela n’est pas valable en ce qui concerne le calme extérieur de la nature qui est un calme serein, élément indispensable pour l’épanouissement. Le silence, les bruits du silence d’une maison, sont déprimants par leur monotonie et leur effort inutile d’illustration de notre existence qui, sans les piaillements de la nature, est morne et obstacle à toute forme d’expression créative.La musique que j’écoute lors de mes réalisations expressives me caresse l’oreille et masse mon cœur en faussant l’atmosphère pour favoriser l’interprétation picturale de ce que m’apportent mes yeux et mon âme.D’emblée, les percussions déchirèrent cruellement l’ambiance détestable qu’avait créée l’atmosphère domestique.de la pièce que j’occupais, entraînant derrière elles les charmes puissants des chants d’Excalibur.La séance était ouverte. L’expression avait le champ libre.
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James Ensor au Musée d'Orsay à Paris

Jusqu'au 4 février 2010: Première rétrospective présentée à Paris depuis 1990, cette exposition entend montrer le jeu de rupture et de continuité perpétuellement pratiqué par Ensor. La continuité, ce sont les héritages naturaliste et symboliste qui marquent ses débuts ainsi que la tradition des masques, du travestissement, du grotesque et de la satire, du carnaval, héritée de son enfance à Ostende, ville à laquelle il est viscéralement attaché. La rupture, c'est la dramatisation de l'usage de la couleur et de la lumière. C'est également l'invention d'un nouveau langage où les mots s'imposent, à côté des images, pour signifier crûment des idées et celle d'un nouveau système narratif où pullulent les personnages et les actions. Par sa cinglante ironie, son sens de la dérision et de l'auto-dérision, sa couleur intense, son expressivité, Ensor, peintre étrange et inclassable, trouve sa place parmi les précurseurs de l'expressionnisme. Vous trouverez sur la première page de ce site la voix d'Ensor tonitruante, cocasse, faisant une déclaration fracassante.
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Histoire de la littérature belge

II. 1880-1914 : Un bref âge d’or.


1. La Belgique puissance mondiale.


Découvertes scientifiques, progrès du machinisme, développement industriel de la Wallonie à partir de 1890 entraînent un essor tel que, à la fin du siècle, la Belgique devient l’une des premières puissances économiques du monde. Sous l’impulsion de Léopold II, les Belges construisent des routes, des canaux, des installations portuaires, sans compter des chemins de fer en Chine et le métro du Caire. Il y a aussi l’exploration et la colonisation progressives du Congo. En 1885, l’Acte général de Berlin reconnaît le roi pour souverain-propriétaire du bassin congolais, promu état indépendant et neutre. S’ensuit la lutte anti-esclavagiste, l’exploitation des richesses naturelles, l’évangélisation, l’action sanitaire. C’est en 1908 que le Parlement accepte le transfert de la colonie à la Belgique.

Cependant, la prospérité masque une misère encore considérable, et la lutte des opprimés se développe. En 1885, plusieurs associations ouvrières se groupent en un Parti Ouvrier Belge, dont l’influence ira grandissante : entre 1886 et 1914, toute une législation sociale est à peu près créée, pour réglementer les conditions de travail et la protection des travailleurs. En 1893 est instauré le suffrage universel « plural ». par ailleurs, le mouvement flamand se développe. En 1898, le flamand devient langue officielle de l’Etat belge ; en 1910, une pétition circule pour la flamandisation de l’université de Gand ; et en 1912, Jules Destrée peut adresser au Roi sa célèbre lettre : « Sire, il n’y a pas de Belges »…
Il y eut cependant un "art social" bien réel avec la création de la Section d’Art du Parti Ouvrier Belge (POB) (Voir: Aperçu des thèses de Paul Aron développées dans son livre Les Écrivains belges et le socialisme (1880-1913). L’expérience de l’art social : d’Edmond Picard à Émile Verhaeren)

Enfin, devant les menaces venues de la France, mais surtout de l’Empire allemand, la militarisation du pays s’accentue : instauration du service militaire personnel en 1909, au moment où Albert Ier monte sur le trône ; en 1913, service militaire obligatoire pour tous les hommes âgés de 20 ans.

Dans le domaine artistique, c’est une période non seulement de grande activité, mais de renouvellement profond, notamment en architecture et en peinture. Certes, l’année 1883 voit s’achever le prétentieux Palais de Justice de Bruxelles (Joseph Poelaert). Mais un courant nouveau se développe à partir de 1890 : le « Style 1900 », dit aussi "Art Nouveau », représenté par des architectes audacieux comme Victor Hankar, Henry Van De Velde, et surtout Victor Horta qui construit à Bruxelles la Maison du Peuple. Notons aussi des sculpteurs de talent comme Jef Lambeaux, mais plus encore Constantin Meunier dont l’œuvre puissante glorifie le travail manuel (« Le Puddleur », 1886). Quant à la peinture, elle rompt définitivement avec les formules éculées pour se lancer avec bonheur dans des directions nouvelles :

-l’impressionnisme d’un Théo Van Rysselberghe, qui adopte une lumineuse technique pointilliste ;

-l’univers symboliste, dont le meilleur représentant reste Fernand Khnopff (« Le silence », 1890), mais où s’illustrent aussi William Degouve De Nuncques, Jean Delville, Léon Frédéric, Xavier Mellery, Constant Montald.

-l’expressionnisme, annoncé par les œuvres profondément originales d’un Léon Spilliaert ou d’un James Ensor (« Entrée du Christ à Bruxelles », 1888), et qui trouvent un accomplissement notoire dans la première « école de Laethem-Saint-Martin », avec Jacob Smits, Karel Van De Woestijne, Georges Minne, etc. Le public lui-même s’intéresse davantage à l’art, grâce entre-autres à des expositions qu’organisent des amateurs comme le « cercle des XX », fondé en 1883, et qui deviendra en 1894 « La Libre Esthétique », favorisant de nombreux échanges avec la France, et contribuant à la découverte de l’impressionnisme en Belgique.


2. Le Naturalisme

Bien qu’il ne constitue pas en Belgique un mouvement littéraire de première grandeur, le naturalisme y inspire plusieurs œuvres durables. Dès avant 1880, la misère du prolétariat et les luttes sociales intéressent les artistes. Surtout, les thèses d’Emile Zola (« L’Assommoir » paraît en 1877) et son « Ecole de Médan » apportent à l’ « art social » les assises théoriques qui lui manquaient : influence de l’hérédité et du milieu, prééminences des instincts, déterminisme des destinées humaines, exigence de vérisme dans la description.
En 1880 paraît dans « L’Europe » un feuilleton intitulé « Un Mâle » et signé Camille Lemonnier, histoire des amours libres entre le braconnier Cachaprès et une jeune fermière nommée Germaine. Le scandale qu’il déclenche réveille l’indolence coutumière du public belge en matière de littérature, tandis qu’à Paris le livre (paru en 1881) suscite l’intérêt d’Alphonse Daudet, de Joris-Karl Huysmans. C’est le début du succès –et d’une longue série de romans, parmi lesquels « L’Hystérique » (1885), « Happe-Chair » (1886), « Au cœur frais de la forêt » (1900), « Claudine Lamour » (1893).

L’œuvre abondante de Lemonnier est certes inégale, sa puissance d’évocation et l’audace de certaines scènes étant souvent affaiblies par un style ampoulé, un vocabulaire exagérément recherché. Son retentissement est pourtant considérable. En Belgique, l’écrivain est considéré comme le chef de file du renouveau littéraire, et déclaré « Maréchal des Lettres » lors d’un banquet organisé en son honneur en 1883. Il a d’ailleurs à subir les vexations de la Justice, sous prétexte d’ « outrage aux bonnes mœurs », une parti du public se montrant choquée par la crudité, sinon la violence de certaines pages.
Les autres manifestations du naturalisme en littérature ont moins d’ampleur. Il est néanmoins intéressant de noter les marques de ce courant dans les premiers recueils d’Emile Verhaeren (« Les Flamandes », 1883 ; et, dans une moindre mesure, « Les Moines », 1886), dont la sensualité et le prosaïsme lui valent à la fois le scandale et le succès.
Verhaeren est un broyeur de syntaxe, un forgeur de formules qui marquent, un cracheur de mots sonores qui disent l'écartèlement du monde, les massacres intérieurs, les paysages déchirés, les cervelles à la torture. Verhaeren de la "Trilogie noire", où s'inscrivent "Les Soirs", "La débâcle", "Les Flambeaux noirs". Verhaeren aussi des vents marins, des plaines mornes et des villages où les hommes dans leur métieur -meunier, cordier, fossoyeur, forgeron- grandissent aux dimensions du mythe.
D’autres écrivains, romanciers-conteurs, sont de stature moins imposante. On ne saurait oublier toutefois le nom de Georges Eekhoud, qui publie « Kees Doorik » en 1883, « Kermesses » en 1884, « La nouvelle Carthage » en 1888 : récits à caractère régionaliste mettant en scène des drames souvent violents, écrits avec un âpre réalisme.


3. Revues et débats d’idées.

Mars 1881 : l’avocat bruxellois Edmond Picard et son ami Octave Maus créent « L’Art Moderne », journal hebdomadaire de critique artistique (voir article: l'art moderne en Belgique"), musicale et littéraire. Militant socialiste, Picard souhaite une littérature « nationale », et engagée dans le combat politique et social. Ses thèses trouvent dans le public de nombreux échos favorables.

En décembre de la même année apparaît une autre revue, « La Jeune Belgique », dirigée par Max Waller, avec pour collaboration G. Eekhoud, J. Destrée, C. Lemonnier, Georges Rodenbach, E. Verhaeren, etc. Sa devise : « Soyons nous », c’est-à-dire oeuvrons en Belgique au développement d’une littérature originale. Quant au programme, il repose sur le principe parnassien de « l’Art pour l’Art », exclut toute préoccupation politique, se veut accueillant à l’égard de tous les genres, de toutes les écoles, y compris le naturalisme. La revue se montre surtout agressive à l’égard des Potvin et autres « retraités de la littérature »…

C’est en 1883 que débute entre les deux revues un polémique qui aura le mérite de secouer l’indifférence belge quant aux questions esthétiques. Tenant d’un « art social », Picard s’en prend à la doctrine de l’Art pour l’Art : elle a pour effet de couper les écrivains de la réalité historique contemporaine, et des les brider dans des problèmes de pure forme. Bien entendu, les « Jeune Belgique » contre-attaquent : la question d’une littérature « nationale » déclenche un débat passionné de plusieurs années.

Indifférent, lui aussi, àl’hypothèse d’un art spécifiquement belge, Albert Mockel lance en 1886 un nouveau périodique, « La Wallonie », qui sera principalement la tribune du symbolisme. C’est une voix de plus qui s’ajoute au concert, et un enjeu supplémentaire dans la polémique. En 1885, « La jeune Belgique » révèle au public belge « Les Chants de Maldoror », publie en 1887 un « Parnasse de la Jeune Belgique » où figurent plusieurs poètes de tendances symboliste, rend hommage à Verlaine en 1888… En dépit de quoi elle passe pour adversaire résolue des symbolistes, face à « L’Art Moderne » où Verhaeren, en 1887, loue la poésie de Stéphane Mallarmé.

De nombreuses autres revues surgissent à la même époque, en un foisonnement qui dénote un souffle nouveau, une volonté d’audace et d’indépendance qui auront peu d’équivalent dans l’histoire littéraire de la Belgique : « La Société Nouvelle », « Le Réveil », « La Nervie », « L’Art Jeune », « Le Coq Rouge », etc. Loin de s’enfermer dans un nationalisme étriqué, leurs collaborateurs nouent de nombreux liens avec la France. Suivant l’exemple de Max Waller, ils accueillent les textes d’écrivains français, publient eux-mêmes à Paris, se font reconnaître internationalement comme interlocuteurs et créateurs.

Par l’effervescence qu’elles suscitent, les revues littéraires de ces deux décennies instaurent en Belgique un débat peu habituel, contraignant le public et les autorités à reconnaître l’existence et l’importance de l’activité littéraire dans la vie du pays. « La Jeune Belgique » en tête, elles font naître des vocations littéraires, répandent le goût de l’art et des lettres, ébranlent les conformismes et les habitudes, attirent sur la Belgique l’attention de l’étranger. Elles contribuent donc à faire de cette période un moment privilégié de l’histoire littéraire belge, en léguant aux générations ultérieures quelques problèmes fondamentaux :

-est-il indispensable, souhaitable, impossible, nuisible de chercher à créer une littérature « nationale », douée de caractères spécifiques ?

-une donnée fondamentale de l’œuvre littéraire est sa langue. faut-il qu’elle reste parfaitement correcte, irréprochable ? Ou est-il important de se forger une langue originale, moins éloignée de la réalité locale ?

-l’art doit-il servir des causes qui lui sont extérieures ? Ou vaut-il mieux pour lui rester étranger à tout combat qui ne soit pas purement esthétique ?


4. Le Symbolisme


Dans « Les Poètes maudits » (1884), on sait que Paul Verlaine révèle entre autres Tristan Corbière et Arthur Rimbaud. C’est l’année suivante qu’apparaissent en Belgique les premiers échos de la nouvelle poésie française. De part et d’autre de la frontière, le mouvement dès lors ne fait que s’amplifier. Il faut noter toutefois que le symbolisme belge sera moins mallarméen que verlainien : la recherche de l’hermétisme (à ne pas confondre avec le sens du mystère) y tient moins de place que la musicalité du vers, la tonalité nostalgique, les thèmes du rêve et du souvenir. De plus, excepté Verhaeren, peu de ses citoyens usent d’une langue tourmentée, de néologismes ou de ruptures syntaxiques –ce qu’Albert Giraud appellera le « macaque flamboyant ».

Peut-être le premier recueil marqué par la sensibilité nouvelle est-il « Pierrot lunaire », d’Albert Giraud (1884) ; mais il reste encore fortement parnassien dans sa forme. Il faut attendre 1889 pour qu’apparaissent les premières œuvres pleinement symbolistes, dues à Maurice Maeterlinck : « Serres chaudes » d’abord, une poésie qui d’emblée donne le ton (sensibilité extrême, mélancolie, images obsédantes comme le lys, le paon, etc.).

J’entrevois d’immobiles chasses,
Sous le fouet bleu des souvenirs,
Et les chiens secrets des désirs,
Passent le long des pistes lasses.


Vient ensuite « La Princesse Maleine », drame teinté d’irréalisme de l’amour impossible entre Hjalmar et Maleine, dans une atmosphère crépusculaire où rode l’ombre de la mort. Cette pièce révèle Maeterlinck au public belge et étranger, grâce à un article très élogieux d’Octave Mirbeau dans « Le Figaro » d’août 1890 : la jeune œuvre est dite « admirable et pur chef-d’œuvre », « géniale », « supérieure en beauté à ce qu’il y a de plus beau dans Shakespeare »…
Suivent alors d’autres pièces : « L’intruse », « Les Aveugles » (1890), et surtout « Pelléas et Mélisande » (1892), sans doute l’œuvre la plus célèbre de Maeterlinck, qui sera mise en musique par Claude Debussy et par Gabriel Fauré. Reprenant le thème de « Tristan et Yseut », elle le transpose dans un climat de rêve, de fragilité, de fatalité. Elle illustre bien la conception « méditative » que Maeterlinck se fait du drame symboliste, et qu’il explicite dans « Le Trésor des Humbles » (1896) : « il m’est arrivé de croire qu’un vieillard assis dans son fauteuil, attendant simplement sous une lampe, vivait, en réalité, d’une vie plus profonde, plus humaine et plus générale que l’amant qui étrangle sa maîtresse, le capitaine qui remporte une victoire ou l’époux qui venge son honneur ». Cette vision est celle de la première période maeterlinckienne, laquelle prend fin avec le siècle et laisse place ensuite à un symbolisme moins contemplatif. « L’oiseau bleu » (1908) est l’œuvre la plus représentative de la seconde période, « féerie » selon le sous-titre, en tous cas fable poétique accessible à tous les âges.

On le constate ; l’imaginaire symboliste s’accommode mieux du théâtre et de la poésie que du roman. Une exception de taille, le célèbre roman de Georges Rodenbach « Bruges-la-Morte » (1892) : un veuf inconsolable tente de retrouver, en une jeune femme rencontrée par hasard, l’image et l’âme de la disparue. Le roman connaît à l’époque un retentissement considérable : le décor automnal de vieux quais, de mornes béguinages donne de Bruges une image mythique, celle de la ville morte qui lentement s’enfonce dans l’oubli.

La même année paraît « Dominical », premier recueil de l’Anversois Max Elskamp, qui donnera encore « Six chansons de pauvre homme » (1895), « Enluminures » (1898 », etc. Poésie touchante, faussement naïve, où se déploie une langue originale faite de tournures rares, d’ellipses, de formules insolites.

Et prime en joies, et tout béni
Gens de chez moi, voici Lundi :

Messes sonnant, cloches en tête,
Avec leurs voix qui disent fête,

Et le soleil après, et puis,
Ceux des outils tout beaux d’habits.

Dans sa vie comme dans ses livres qu’il illustrait de merveilleuses gravures naïves taillées par lui-, Elskamp se montre captivé par la tradition populaire et folklorique anversoise, la quotidienneté des artisans et des humbles, la spiritualité orientale. Tous ces éléments donnent à son œuvre une saveur reconnaissable entre toutes, douce, fraîche mais sans mièvrerie aucune. Elle lui assure dans le symbolisme belge une place unique, un peu comparable à celle de Verlaine du côté français.

Autre grand nom du symbolisme, Charles Van Lerberghe publie en 1898 « Entrevisions », poèmes en vers libres où l’influence de Maeterlinck s’avoue nettement. Puis c’est « La Chanson d’Eve » (1904), sorte re réécriture poétique de la Genèse en quatre parties (« Premières Paroles », La Tentation », La Faute », Le Crépuscule »), véritable chef-d’œuvre de la littérature symboliste : par la formulation sobre, pure de tout prosaïsme et de toute lourdeur, par les images lumineuses, la musicalité sans pompe ni maniérisme, et surtout le souffle spirituel qui traverse l’ensemble du livre. Car il ne s’agit pas d’un recueil de pièces autonomes, mais d’une sorte de légende merveilleuse faite d’une succession de petits tableaux, ce qui donne à « La Chanson d’Eve » une opportune mais discrète unité.
Bien d’autres œuvres, bien d’autres auteurs participent de près ou de loin au mouvement symboliste : « Mon cœur pleure d’autrefois » (Grégoire Le Roy, 1889), « Chantefable un peu naïve » (Albert Mockel, 1891), « La Solitude heureuse » (Fernand Severin, 1904), etc.

Quelle que soit leur valeur respective, elles témoignent toutes de l’importance de ce courant dans la Belgique de l’époque, et des mutations profondes qu’il provoque dans la définition même de la littérature, entre autres :

-rejet de la versification traditionnelle et adoption du vers libre, moins oratoire et moins pesant ;
-priorité de l’atmosphère sur l’anecdote ou la description ;
-importance du mystérieux, de l’allusif, du rêvé (qui a valu aux symbolistes le reproche de soumission aux modèles nordiques, de trahison envers la tradition classique française de la « clarté »).


5. Du symbolisme à l’expressionnisme


Une place doit être faite aux recueils d’Emile Verhaeren, difficilement classable dans l’une des rubriques précitées, et dont l’influence sera durable et forte en Belgique comme en dehors. Son premier recueil, « Les flamandes » (1883), forme une évocation exubérante qui, on l’a dit, doit être rapprochée du naturalisme notamment par la place qui y est faite aux instincts, à la recherche du plaisir physique. C’est ensuite une œuvre apparemment plus mystique, « Les Moines » (1886), où transparaît cependant le même goût des contrastes violents, des qualifications paroxystiques.
Après cette période, viennent trois recueil qui s’affranchissent définitivement de toute attache parnassienne, et qu’on a nommés quelquefois la « trilogie du désespoir » : « Les Soirs » (1887, « Les Débâcles » (1888), « Les Flambeaux noirs » (1890), œuvres marquées par l’angoisse et la folie, sans équivalent dans la poésie de l’époque. Par contre, c’est au symbolisme qu’on peut associer « Les Apparus dans mes chemins » (1891), recueil contemporain du mariage de l’auteur avec Marthe Massin, et où se déploie une confiance retrouvée dans la vie.

On regroupe fréquemment « Les Campagnes hallucinées » (1893), « Les Villages illusoires » (1895) et « Les Villes tentaculaires » (1895), comme relevant eux aussi de l’esthétique symboliste. Il faut ajouter que le premier et le deuxième de ces recueils ont également partie liée avec le régionalisme, en ce qu’ils montrent la campagne victime de la ville, alors que le troisième prend pour thème le monde ouvrier –et qu’on y trouve les germes de ce qu’on appellera plus tard l’expressionnisme. La confiance dans la modernité, la fascination de l’univers urbain s’expliciteront d’ailleurs dans des livres ultérieurs comme « Les Forces tumultueuses » (1902).

L’œuvre abondante de Verhaeren (il faudrait citer beaucoup d’autres titres) est à la fois constante et diverse. Constante par la force d’évocation, les formules percutantes, l’impression de force souvent rude qui se dégage du poème. Diverse en ce qu’elle reflète successivement, sans pour autant s’y inféoder, les principaux courants littéraires qui animent la période 1880-1914. Elle jouit, de par cette double qualité, d’un statut exceptionnel dans l’histoire de la littérature belge.


6. Essor du régionalisme


Le début du 20ème siècle est marqué, littérairement, par le développement d’un genre qui se prolongera bien au-delà de la guerre 14-18 : le récit régionaliste. Certes, celui-ci plonge ses racines dans le 19e siècle, chez les romanciers réalistes ou naturalistes, notamment dans des œuvres comme « Kermesses », de Georges Eekhoud. Mais entre 1900 et 1914, à l’heure où les autres courants s’essoufflent un tant soit peu, et où la « simplicité » défendue par Francis Jammes est relayée en Belgique par un Thomas Braun, la nostalgie du terroir devient un thème majeur. Il est certain que le développement industriel, avec la destruction progressive de paysages et de modes de vie traditionnels, a largement contribué au développement de ce courant.

Quoi qu’il en soit, c’est en 1900 que paraît « La Bruyère ardente », de Georges Virrès, suivie en 1904 par « Le pain noir » (Hubert Krains, et « Le cœur de François Remy » (Edmond Glesener). Plus tard viennent « Les Dix-Javelles » (Georges Garnir, 1910), « Le Maugré » (Maurice des Ombiaux, 1911), sans parler de Georges Rency, de Louis Delattre, etc.

En fait, aucun vrai chef-d’œuvre ne se détache de cette abondante production. La nostalgie d’un monde campagnard en voie de disparition, la peinture de mœurs frustes et de paysages ruraux, une sentimentalité souvent mièvre imposent au genre régionaliste des limites étroites, et en font une littérature qui manque singulièrement de puissance. Sans doute un public relativement important se satisfait-il de tels récits, qui le rassurent en confortant ses tendances les plus conservatrices. Ainsi le courant régionaliste révèle-t-il, en creux, l’inquiétude de toute une part de la population face à la transformation du pays, que l’industrialisation et ses séquelles accomplissent sous leurs yeux.


Histoire de la littérature belge

I. 1830-1880 : Le romantisme embourgeoisé

II. 1880-1914 : Un bref âge d’or.

III. 1914-1940 : Avant-gardes et inquiétude

IV. 1940-1960 : Une littérature sans histoire

V. 1960-1985 : Entre hier et demain

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APPEL à RÉSIDENCE D'ARTISTES à BRUXELLES

Résidence d’artiste MAAC La MAAC, soutenue par la Ville de Bruxelles, la COCOF et la Communauté française de Belgique, propose deux résidences de travail d’une durée de 6 mois pour jeunes artistes plasticiens travaillant dans le domaine de l’art contemporain. La première résidence débutera en janvier 2010 et la deuxième en juillet 2010. Descritptif: et conditions: http://www.maac.be
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ALPHA-BETISE-ATION

A tu ne sais pasSi tu dois t'a-B-sserEt C DOu siCa t' E disDe te dé-F-endrePour m'accomplir GSouvent pensé H-angerI as-tu réfléchi toi aussiCi J nos coeurs et nos erreursMais K tu soudain tu es blèmeL est pourtant loin notre histoireSi tu m' M encoreLaisse mourir la NO oubliettesEt que la P soit avec nousQ ne rage douce-amèreR sur nos deux viesN' S pas suffisantT pas sur de toi tu doûtesU serai-je là d'un subterfugeTant pis j'y VEt un W pour une double victoireVictoire de la m' X ité antique et décadanteMême si les gent' YDevront se passer de nos ZFrédéric Halbreichoctobre 1996
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