Qu’est-ce que la douleur ? Je ne sais pas. Est-ce une émotion ? Une réaction ? Est-ce que douleur rime avec peur ? Est-ce que ces deux mots entremêlés amènent leurs maux signifiés ? Sont-ce ces deux maux entremêlés qui éloignent la raison ? Comment douleur vient-elle en moi se générer ? Pourquoi moi ? Pourquoi toi ? Pourquoi nous ? Pourquoi vous ?
Elle est là, je la sens, volcan bouillonnant au fond de moi. Elle est là, pourquoi ? Elle me ronge, elle attend, c’est un fauve aux aguets, elle m’épie sans arrêt.
Je ne sais pas pourquoi ni comment, tout au fond de moi, elle se tapit. Un geste un mot, elle bondit dans mon corps, dans ma tête, elle me brûle, elle me lance, me déchire et me saigne… La Bête…
Elle s’acharne des heures sans relâche… Enfin repue et lasse, doucement elle me quitte et se cache. Elle s’est endormie, mais elle reste là, elle attend. Je la sens au fond de moi. Quand est-ce que cela finira ?
J’ai peur ! Pourtant je sais qu’elle partira, quand je ne serai plus… J’aimerai tellement l’apprendre, la comprendre, pour l’attendre et … Qu’elle ne soit plus !
Cinq jours de théâtre sublime au théâtre du Grand Midi à Ixelles
Pour Tchékhov, il ne se passe rien ou à peu près rien dans sa vie d'écrivain, comme il ne se passe rien ou à peu près rien dans son théâtre. Mais ce rien a l’épaisseur de l’amour. Les tourments de la tuberculose qui l’étreint exaltent ses sentiments pour la jeune et ravissante actrice Olga Knipper. Face à la médiocrité du monde, il découvre l’enchantement : « mes jeunes filles sont si artificielles dans mes œuvres ! » Il s’évade de sa piètre condition physique par le rêve et l’écriture, dans des lettres passionnées qu’ils s’échangeront pendant six ans. Tournées théâtrales obligeant, ils n’auront vécu ensemble que de rares et émouvantes semaines. Elle est sa mouette pendant que son propre corps se consume sur les bords d’une rivière paisible à Yalta. « Sa présence, sa vitalité lui a serré la gorge » quand il l’a vue jouer sa pièce à Moscou.
Olga l’admire : « les gens mènent une vie plate, pas vous, vous avez une vie passionnante, lumineuse… ». Fiévreuse, en effet. Loin de la ville brillante de Moscou, et des dangers de la tendresse, il stocke des phrases, telles l’odeur suave des étoiles, désespérant de jamais arriver à la hauteur de Tolstoï. Il est médecin et sait que ses jours sont comptés. Voletant dans des habits blancs, l’actrice lui déclare avec une grave simplicité : « Vous êtes grand et sublime, il y a votre mouette, un chef d’œuvre, notre triomphe ! » L’art sublime la vie, mais la liaison de Tchékhov avec le microbe est tenace.
L’homme doit écrire pour libérer son cœur et son art. Loin d’Olga et comme elle, épris de liberté, il compose ses dernières œuvres. « Maintenant je n’ai plus peur de la vie ! » Ils sont un couple « d’oiseaux migrateurs que l’on aurait capturés et mis dans des cages séparées ». C’est tragique et romantique. Au cours de leurs échanges épistolaires poétiques et tendres, elle lui confie ses doutes, ses souffrances, ses angoisses de scène, il lui confie ses angoisses de la page blanche. Mais il envie « le rat qui trottine sous les planches de votre théâtre ! » Tous deux savent que le quatrième acte est redoutable. Il est maintenant appuyé tendrement sur l’épaule d’Olga, le médecin impuissant lui donne du champagne. Il murmure « Ich sterbe » dans son dernier souffle. Olga continuera à lui écrire, c’est ainsi qu’elle l’a toujours senti « vivant ». Et il n’y a plus dans sa vie à elle, que le théâtre.
Les deux comédiens , sensibles et émouvants, Fanny Jandrain et Frédéric Genovese jouent tout ceci, à ravir, mêlant admirablement art de vivre et art théâtral.
Publié(e) par Deashelle le 23 février 2011 à 11:30
L'ÉTHIQUE DU LOMBRIC ( et autres histoires morales )
de Stefano Benni
Avec Bernard Cogniaux et Marie-Paule Kumps - Mise en scène: Sylive de Braekeleer
DU02/02/11AU12/03/11
Extraits : « Depuis que je suis sortie de l’œuf, je pense ». « Je dois te l’avouer : j’ai essayé de voler! ». « Dans quel monde vivait-il ? Et il eut peur ! ». « Ce matin j’ai vu un panda avec ma figure sur son Tshirt ». « Le pécheur : ‘ on vient tranquillement à la pêche, et on vous jette dans la politique’ ». « Ils se regardent. La tartelette au thon s’effondre, liquéfiée». « Comme ils s’aiment, pense le serveur! »
Sommes-nous aussi des cobayes? Est-on à l’intérieur ou à l’extérieur de cette cage d’un genre particulier, aux imposants piliers? En tous cas, les Guinea Pigs comédiens s’amusent dans leur espace de sciure fraîche et partagent leurs histoires délirantes. Ils produisent une parole qui les rend fort humains. Moitié fable, moitié nonsense, moitié nouvelle, Marie-Paule Kumps et son comparse Bernard Cogniaux déterrent des matériaux d’histoires à dormir debout pour notre plus grand bonheur et provoquent le rire à propos des tics de l’humanité. De l’humour, nait la bonne distance.
L’éthique : struggle for life ! Même les poissons et lombrics se lanceront dans d’hypothétiques raisonnements! Le zoomorphisme devient total avec une poule qui va passer à la casserole. On est certain de rire… ou de glousser, de laisser voguer son esprit sur les routes du conte animalier ou non, sur les reliefs ludiques de « musiques » empruntés à la vie d’ici-bas. On est soudain tout surpris de découvrir de nouvelles mises à distance. Fiction pure ? Songe ou mensonge ? Le propre ou le figuré? Méta-réalités ? Contradictoirement, l’irréalité d’un jingle fait de rires d’enfants et de mélanges de voix lointaines de Musiq 3 nous rappelle plusieurs fois sur terre. Voici un reportage sur du vécu réel, puis tout dérape à nouveau. On est aspirés, irrésistiblement, par la rencontre avec un texte décoiffant, la réflexion espiègle sur les coïncidences, la destinée, et plus profondément soudain, notre histoire personnelle qui se réveille. Tout est très volatile, très inventif, très poétique, doux-amer parfois, ou cynique, il n’y a qu’à se laisser porter et balancer dans les interstices de l’imaginaire.
Tibidi :chants polyphoniques et percussions corporelles
Ventres plats, dans leurs pantalons à pont et à grands boutons rouges, une rose
piquée dans la coiffure, ce trio féminin est un trio divin de voix justes, légères et
célestes. Muriel, Ariane, Julie… on dirait des étudiantes ou des merlettes ravies
par le printemps, prêtes à s’égosiller à cœur joie ! Impertinentes, délurées, les
yeux scintillants comme dans un enterrement de vie de jeune fille, elles entament
leur récital en alignant avec impertinence, le générique … de l’inspecteur
Gagdet ! « Eh là qui va là Inspecteur Gadget Eh la ça va pas Ouh ouh Oh la je suis là Inspecteur Gadget C'est moi que voilà Inspecteur Gadget Ça va être la joie Ouh ouh Au nom de la loi Moi je vous arrête Je vous arrête là »
Elles ne s’arrêtent pas là : la magie des postures, des mimiques, des scansions,
des jeux de mots, des sonorités verbales et non verbales, l’intonation, le
comique à jets continus transforment la salle de la Samaritaine en un clin d’œil.
Lieu de fête de la musique et de la poésie. Une baguette magique s’est glissée
dans un gousset du pantalon de Muriel et il participe à tout instant aux ébats
vocaux des demoiselles qui s’amusent. C’est le diapason. Brillant et à deux
pattes. C’est leur seul gadget avec les verres d’eau glacée servis sur une table de
cocktail. Le bonheur se diffuse, l’écoute tendre alterne avec le rire dévastateur.
Les facéties verbales de Boby Lapointe dans « tic tac ta katy t’as quitté» font
rugir un public conquis. « Ces petits riens » de Serge Gainsbourg , ce « Jazz et la
Java » de Nougaro arrachent des larmes. Quisas, quisas… La mala Educacion…
C’est du rythme, des effluves nostalgiques, du temps qui passe mais qui reste.
« Girl » des Beatles est pastiché à mort ! Tageba, Tageba… Voilà le prélude
BWV 999 de Bach qui suspend tous les souffles dans la salle… Seules et divines
les filles modulent, hululent, enchantent. Contraste tragico-comique voici en
grande fanfare, en hommage à Ricet Barrier :
« Nous somm's 300 millions, massés derrièr' la porte Trop serrés pour remuer, trop tendus pour penser Un' seule idé' en têt', la port', la port', la porte Quand elle s'ouvrira, ce sera la rué' La vrai' course à la mort, la tueri' sans passion Un seul gagnera, tous les autres mourront Même pas numérotés, seul un instinct nous guid' On nous a baptisés …. » (Chut !) .
La salle délire. Ce sera le clou de cette véritable fête musicale et poétique…
Hommage à Johan Vekemans, docteur de son état qui aura fait gronder le
piano, pire qu’une panthère rose, pour ce seul morceau inoubliable. La suite sera
de la même veine, drôle à mourir, esthétique, humoresque, généreuse, pleine de
talent. Ce sont des voix d’anges que l’on écoute, des fossettes que l’on contemple,
des couleurs de la vie qui se réveillent. Elles incarnent une joie de vivre qui
donne envie de tuer la morosité à coups de tonnerres d’applaudissements,
d’éclats de rire. Le rire: ce merveilleux cadeau fait à l’homme.
“ Music for a while shall all your cares beguile…” Henry Purcell
Vous pourrez les revoir :
TibidiLe vendredi 29 avril 2011 À l'ancienne église Place de l'Eglise 15 1082 Berchem-Ste-Agathe http://www.lefourquet.be/ 02/469.26.75
Aujourd’hui en France plus de 100 000 personnes écrivent des poèmes , en rajoutant les pays Francophones et les autres pays lisant le Français , nous sommes 500 000 individus à griffonner de la poésie , 50 000 ayant publié au moins un recueil . Dans ce lot de poèmes, combien sont-ils poètes ? Il ne suffit pas d’aligner des mots les uns après les autres, il faut leur donner un sens, une âme vibratoire, un schéma technique pour poser sur le grand miroir de la vie, des mots d’espoir ou de souffrance.
Qui n’a pas écrit au moins un poème dans sa vie ?
L’adolescent qui couche sur le papier ses angoisses, ses premiers pas vers l’amour. La personne plus âgée qui écrit pour ses enfants, petits enfants …
Mal aimée du public
La lecture de la poésie demande une attention, une réflexion, une recherche qui sont absentes dans un roman à l’eau de rose, qui se boit d’une seule traite.
La poésie structurelle ou de laboratoire
Les trois quart des poètes qui publient en recueil sont incapables de donner une définition de leurs textes ou alors ils balbutient une réponse comme : émerveillement, la lumière, narrateur …
Conseils à un débutant
Proposer des textes aux revues de poésie, en choisissant, ne pas expédier à l’aveuglette, consulter celles qui prennent les nouveaux auteurs. La publication régulière permet de lire les poètes d’aujourd’hui, les courants d’affinités. En lisant les revues vous obtiendrez des adresses utiles, des conseils. Au bout de quelques années, vous pourrez peut être publier un recueil (en évitant de tomber dans le compte d’auteur abusif)
L’édition en poésie
Il existe deux types d’éditeurs :
- éditeur à compte d’éditeur, un vrai éditeur qui prend des risques, l’auteur n’a rien à payer et il touche des droits d’auteur
- éditeur à compte d’auteur, l’auteur, doit débourser (parfois une somme d’argent incroyable) il y a de nombreux éditeurs dans ce domaine, certains honnêtes, et de véritables voyous. Bien faire attention, demander conseils …
L’édition à compte d’auteur
L’édition à compte d’auteur est florissante, chaque semaine, un nouvel éditeur arrive sur le marché ? Quand vous voyez une annonce « nous sommes à la recherche de nouveaux auteurs « méfiez-vous ? Il ne faut pas tomber dans le piège, qui en général est bien préparé. Pour plus de renseignements sur le sujet contactez : l’oie plate BP 17 94404 Vitry cedex, qui vous donnera de nombreux renseignements : sur les revues de poésie, les éditeurs de poésie, une sélection de revues et d’éditeurs.
L’éditeur de poésie
L’éditeur bien installé comme : Gallimard, Grasset, Seuil, édite des auteurs confirmés, qui sont parfois aussi des romanciers de la maison. Quasiment pas de place chez eux pour un poète débutant.
Le petit éditeur ou la micro-édition publient des débutants, font un travail sérieux, vous donne des conseils en cas de refus.
Le problème de la poésie
La diffusion en librairie
La poésie n’est pas morte
Vu le nombre de personnes qui écrivent , plus la société avance dans la richesse ( pour un petit nombre ) l’injustice , atteinte à la démocratie , la misère dans le monde , nombreux sont les poèmes écrits .
En conclusion
Il suffirait que chaque poète achète (en plus du public) un recueil par an et tout pourrait changer le comportement des éditeurs, ils publieraient de nombreux recueils et les diffuseurs feraient leur travail.
Ne pas oublier de publier sur internet ,qui offre de nombreux sites de poésies.
Publié(e) par Robert Paul le 7 janvier 2011 à 2:30
Cet ouvrage de Gaston Bachelard, publié en 1957, clôt le cycle qui commence avec "La psychanalyse du feu" et en même temps, en élargit l'horizon. Après avoir analysé les images poétiques nées de la méditation spontanée sur les quatre éléments, Bachelard en arrive à définir ici l'image poétique comme ayant un dynamisme propre, relevant d'une "ontologie directe"; l'étude objective qu'il a menée à bien à travers les cinq livres précédents doit être complétée par une étude de la "transsubjectivité", grâce à laquelle peut seulement s'expliquer le pouvoir de l'image sur d'autres âmes que celle de son créateur. Cette étude se doit d'être phénoménologique, c'est-à-dire de saisir le départ de l'image dans la conscience individuelle". La poésie apparaît bien en fait comme une "phénoménologie de l' âme"; l'image comme un "devenir d'expression, un devenir de notre être", c'est ici l'expression qui "crée de l'être". Telle est la thèse que le philosophe s'apprête à soutenir dans ses ouvrages suivants -voir Poétique de la rêverie-, ici le domaine de l'enquête où elle s'applique est limité à ce que Bachelard appelle "l'espace heureux", c'est-à-dire l'espace possédé, défendu contre les forces adverses, l'espace aimé, et tout d'abord l'espace intime, l'espace refuge, la maison qui, à travers la rêverie et l'oeuvre des poètes, apparaît comme un véritable principe d'intégration psychologique du monde au moi, la maison avec ces lieux divers, divertissement valorisés: la chambre, la cave, le grenier. La maison c'est à la fois l'origine, la maison natale et l'avenir: la maison rêvée. Procédant du contenant aux contenus qui sont encore des contenants, Bachelard étudie ensuite les "maisons des choses", le tiroir, le coffre, l'armoire qui "portent en eux une sorte d' esthétique du caché". Deux chapitres consacrés au "Nid" et à "la coquille", ces deux "refuges du vertébré et de l' invertébré" analysent les rêveries humaines d'intimités imaginaires, aériennes, posées à la fourche des branches ou durement incrustées comme le mollusque dans la pierre qu'il secrète. Avec "les coins", il explore ces cachettes où l' enfant se blottit, se crée à lui-même sa petite maison au sein de la grande et il nous montre que les plus grands écrivains n'ont pas dédaigné ce thème. "La miniature" et "l'immensité intime" développent la dialectique du petit et du grand telle qu'elle apparaît dans la poésie et conduisent le philosophe à exposer de manière toute personnelle "la dialectique du dehors et du dedans", enfin, déduite des images des poètes, une "Phénoménologie du rond". Ici encore la subtilité toute en nuances de Bachelard, son attention extrême à la parole écrite l'amènent à découvrir, sous la surface des mots, des images, la résonnance qu'ils ont au plus profond de nous-mêmes et par là à mettre au jour les structures de notre inconscient.
Publié(e) par Deashelle le 30 décembre 2010 à 1:30
Applaudissements nourris dans une salle fort intime du Théâtre des Martyrs hier soir pour « la grande Vacance », texte et interprétation de Philippe Vauchel. Il était parmi nous dans l’escalier avant que les portes ne s’ouvrent : un monsieur tout-le-monde en pardessus gris sable, un prototype humain qui semble être le même que tout un chacun, mais non, qui arbore un sourire de gamin si différent … et fait non de la tête dans chacune de ses phrases. Un artiste vrai et touchant, qui touche à la mort, tabou de notre siècle. Elle est parmi nous et on la nie à qui mieux mieux, la grande faucheuse que Brassens chantait inlassablement afin que nul ne l’oublie. Il nous manque aussi, celui-là, hé non, son trou ne s’est jamais refermé dans les cœurs sincères. La mort et lui, Elle est lui, Elle tue, il tue… Nous tuons… Nous la taisons. Philippe Vauchel lui donne une voix divine, et c’est la sienne. Il s’empare avec poésie et humilité de cette phrase immortelle d’Oscar Wilde ou d’Asimov : « The only thing certain in life is death ». Philippe Vauchel réhabilite le manque de l’autre, la peine infinie, la chanson d’amour extrême d’Elvis Presley, celle qui dit tout : Aime-moi, mon aimé (e), aime-moi, ma douceur, ne me laisse jamais aller, tu as rempli et complété ma vie, et je t’aimetant.
Il pourfend les jeux absurdes d’immortels. Il réhabilite les traces, les vestiges, le cycle de l’humus erectus. Les larmes aux yeux, il exhume les recommandises. Un homme à part. A part entière. Il enterre la course à la conshommation qui remplit les paniers mais pas les vies. Cette consommation qui inhume, qui inhumanise plus sûrement encore, et finirait même par casser le cycle. Ce spectacle touche par son intelligence, il nous relie, il nous solidarise inévitablement par petites touches qui font mouche. La mort fait partie de la vie. Tel un arpenteur de la démesure humaine Philippe Vauchel étalonne la vie à la mesure de la mort. Ceux qui en reviennent n’auront qu’une hâte, c’est de faire table rase de tout ce qui parasite, occulte et ment, et de caresser enfin et inlassablement les sens – Ciel.
Encore la voix d’Oscar dans ce subconscient si alerte de Philippe Vauchel“To live is the rarest thingin the world .Most people exist, that is all.”
Bobby Farell et Agathe von Trapp sont morts ce matin. Et en-desssous, dans la fosse commune du temps, il y en a des milliards qui nourrissent l’humus et la Vie. Mais si le message passe…. C’est quand même gagné !
«Je vous remercie de venir si nombreux» - La Mort.
Du 15 décembre 2010 au 8 janvier 2011 au théâtre des Martyrs
le 31 décembre:
"" Pour l'occasion un coupe de champagne sera offerte à tous nos spectateurs avant la représentation ""
A l'issue du spectacle, un menu de fête est proposé par notre cafétaria pour 25€ ( boissons non comprises)
Apéritif et Mise en bouche /
Bisque de Homard et ses croûtons aillés/
Assiette Nordique/
( son pavé de saumon, son duo de tomates cerises et ses crevettes grises, son blinis aux perles de la mer, sa pomme de terre slovaque)
Publié(e) par Deashelle le 18 décembre 2010 à 11:00
Si les hommes est une chanson de paix, qui rassemble les peuples.
Si les hommes voulaient bien écouter Les mots d’il y a longtemps, Si les hommes voulaient bien étudier La science des temps, Si les hommes voulaient bien respecter La vraie marche du temps, Si les hommes voulaient bien implorer La venue d’autre temps. Si le temps voulait bien pardonner L’imprudence des hommes, Si le Temps voulait bien effacer Le sang versé par l’homme Si le Temps voulait bien redonner Une espérance aux hommes, Si le Temps voulait bien accorder Une autre chance a l’homme, Si le Temps voulait donner aux hommes Le temps de se reprendre, Si le temps voulait donner le temps Aux hommes de se comprendre, Si les hommes voulaient vaincre l’instant Pour mieux vivre le Temps, Mais les hommes ont-ils encore le temps? Si le Temps voulait encore de l’homme, Si l’homme voulait le Temps, Si le Temps ressuscitait la foi, Et les hommes l’espoir, Si les hommes voulaient bien commencer A y croire tout à fait, Si le Temps voulait bien effacer Les folies du passé, Si le temps voulait bien oublier Les fausses lois de l’homme, Si les hommes voulaient bien écouter, La mémoire du temps, Si le Temps voulait encore chanter Les louanges de l’homme, Si les hommes voulaient bien décrocher Tous les cadeaux du Temps, Si les hommes voulaient bien écouter Les mots d’il y a longtemps, Si les hommes voulaient bien étudier La science des temps, Si les hommes voulaient bien respecter La vraie marche du temps, Si les hommes voulaient bien implorer La venue d’autre temps. Si le Temps voulait bien consoler La détresse de l’homme, Si les hommes voulaient bien se rappeler, La promesse du Temps, Si le Temps faisait confiance à l’homme, Si les hommes promettaient, Si les hommes faisaient confiance au Temps, SI LE TEMPS PARDONNAIT……
Publié(e) par Deashelle le 11 novembre 2010 à 1:14
Au théâtre 140
« Les Fragments d’un discours amoureux »sont un essai paru en 1977 de l’écrivain et sémiologue français ROLAND BARTHES. La structure formelle très particulière et la typographie spécifique de l’édition Tel Quel épousent le propos qui se veut foisonnant et inter-relié, comme en (é?)toile d'araignée. Roland Barthes s’appuie ainsi sur ses lectures d’œuvres littéraires, qu’il s’agisse de romans comme Werther, de Goethe, qui tient notamment un rôle important ou d'autres oeuvres poétiques, théâtrales et artistiques. Il les combine à sa propre réflexion, à ses propres expériences pour former UN discours sur la sphère amoureuse. Une nouvelle Carte du Tendre?
Cet essai ne se veut donc pas une étude positive, mais la proposition de cheminements et d’explorations qui peuvent expliquer ou du moins éclairer toute expérience de l’amour en relation avec le langage. »
Je viens de comprendre aujourd’hui, avec cette recherche surWikipédia,le sens des « fils » que la danseuse silencieuse, souple et graphique tissait entre les deux voix masculines. Donc certains détails de mise en scène fort recherchée ne sont pas toujours directement perceptibles par le public. Qu’importe, place à un certain mystère. A des interrogations. La représentation théâtrale de ce texte à voix multiples est prodigieusement inventive.
Le discours amoureux, ou «discursus», c'est courir ça et là (ce que font les comédiens), chercher l’essence des démarches, trouver des « bouffées de langage », « au gré de circonstances aléatoires ».
Deux statues ou figures rugueuses en fin papier doré accueillent les spectateurs pour se dévoiler progressivement et nous permettre d’entrer dans le jeu amoureux. Ces figures figent des postures, ces instants magiques de la rencontre. Pour constituer les figures, c’est le sentiment amoureux qui est le guide. Chorégraphie savante des mots, du langage corporel, des signes. De quoi être ébloui: le papier est d’or.
Des bribes de fragments flottent jusqu’aux lendemains, tâchons d’en saisir quelques unes..: « L’amour, cette folie que je veux ! Cette chose qui vient s’ajuster à mon désir dont j’ignore tout ! Le moment fugitif d’une posture d’un corps en mouvement…Le tableau que je me fais consacre l’objet que je vais aimer… »
Lorsque Werther découvre Charlotte, elle est en train de couper du pain. Image innocente. Elle ne sait pas qu’il la regarde. Elle se croit seule, elle est sans barrières, sans masques, authentique. Et on peut la surprendre. C’est le rapt!
«Le coup de foudre est un immédiat antérieur. Dans mon cœur, je ne cesse de revoir la scène première. Je garde l’éblouissement et je n’ai de cesse qu’il revienne! A chaque instant je retrouve une parcelle de moi-même, … que j’adore ou que je hais…Dans la rencontre amoureuse, je rebondis sans cesse, je suis léger ! »
Les deux comédiens montent toute la scénographie de l’attente, celle des souffrances, de la jalousie, de l'abandon, celle des masques possibles du sentiment. Et leur raison d’être. Ils plongent tous deux, la tête dans le seau pour boire le système, la structure bienfaisante…. Ils parlent de cette pensée amoureuse. « Je pense à toi…. Je te fais revenir dans mon esprit à proportion même que je t’oublie… »Res ad finem venit. The End. Fin. Déjà ?
Mise en scène d'Arnauld Churin avecArnaud Churin lui-même et Scali Delpeyrat, la danseuse, Luciana Botelho Le mardi 9 et mercredi 10 novembre 2010 à 20h30
Publié(e) par Deashelle le 13 novembre 2010 à 2:00
L’ÉCHANGE
Paul Claudel, le petit frère de Camille… écrivit cette pièce lorsqu’il avait 25 ans, en 1894, étant vice consul en poste dans la fabuleuse Amérique, lieu rêvé du rêve des européens. Pays de tous les possibles et de tous les fantasmes. La scène représente une sorte de chambre noire où évoluent le quatuor et leurs désirs contradictoires.
Tout juste mariés, Louis Laine (Itsik Elbaz) et sa femme Marthe (Anne-Pascale Clairembourg) sont venus s’installer en Amérique. Ils gardent la propriété d’un millionnaire, Thomas Pollock Nageoire (Idwig Stéphane) et de son « épouse », Lechy Elbernon (Muriel Jacobs). Hors de la présence des perfides propriétaires, au début c’est l’Eden, même si le décor n’a rien d’agreste. De sombres fenêtres squelettiques, nues, un bout de piscine noire, une esquisse de plongeoir, une rampe, un escabeau, du vide noir.
Seule Marthe a du corps, du cœur, du courage plein ses jupes, une douceur tranquille pendant presque toute la pièce, accrochée qu’elle est à son rêve d’amour, « au pays vrai ». Un ange déterminé qui ravaude, qui répare, qui console, qui brode patiemment le bonheur. Elle veut partir avec Louis, loin, avoir une hutte simple mais bien à eux, fonder une famille. Il avait pourtant promis… Lui ne tient à rien, même pas à la terre, accroché à son rêve de liberté, animal sauvage, suspendu sur cette balançoire, la seule chose qu’il ait jamais construite de ses mains. « Je vole dans l’air comme un busard, et j’entends le craquement de l’illumination ! »
« Tu m’as blessé avec un seul cheveu de ta nuque ! » Il se sent prisonnier, déteste d’être apprivoisé. Il sera la proie rêvée de cette femme funeste, l’inconnu, Lechy qui débarque soudainement avec son mari. Elle est un monstre de suffisance et d’égoïsme, à moitié folle, actrice de son état, totale prédatrice, ivre de désir. Elle le convoite. Son mari le lui achète. « Il n’y a rien qui fasse autant d’innocence à un homme que de tromper sa femme » déclare Lechy avec emphase. She’s Moonstruck. Drame: le naïf Louis au sang indien, incapable d’écouter Marthe, se sera inéluctablement trompé d’ennemie et en mourra. « Un esprit terrestre est en moi ! »prévient Louis. « Je suis celle qui peut t’empêcher de te sauver, de mourir » plaide doucement Marthe. Douce-Amère.
« Je suis tout. » déclare Thomas Pollock. Il incarne l’or, le capital, les banques, l’armement, le pouvoir absolu, l’avoir. Il est sûr que tout s’achète, que tout peut être « échangé » avec profit. Son désir s’est posé sur Marthe-Marie, beauté sage de l’innocence pure. Lui aussi prédateur, gagne à tous les coups. Mais Louis n’a pas pris l’argent. « Il n’a pas de poches ! » clame Marthe, « Débiteur de lui vous restez ! » Le deal est caduque. Lechy, vengeuse infernale, désespérée que l’âme de Louis lui ait échappé, l’a fait mourir. La maison de Thomas Pollock brûle, la fortune s’en va en fumée… Marthe porte un enfant, une main se tend… Elle est tout.
Cette pièce est d’une modernité saisissante. La langue est riche et musicale. L’interprétation de Marthe est divine, tout en elle veut aboutir, elle sait écouter, se taire, faire éclater une juste colère et faire triompher la vie. Lechy surjoue légèrement, façon Cruella, brassant constamment l’air de ses bras cupides ou menaçants. Le jeu est un peu répétitif mais rend le personnage merveilleusement antipathique. Le colossal géant de fortune est dépossédé mais gagnant, le sauvage, victime de ses chimères, un pauvre animal que Marthe-Marie n'a pas réussi à mettre debout!
Dans cet extrait, l'actrice savoure sa puissance sur les spectateurs:
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LECHY ELBERNON Je suis actrice, vous savez. Je joue sur le théâtre. Le théâtre. Vous ne savez pas ce que c'est ?
MARTHE Non.
LECHY ELBERNON Il y a la scène et la salle. Tout étant clos, les gens viennent là le soir, et ils sont assis par rangées les uns derrière les autres, regardant.
MARTHE Quoi ? Qu'est-ce qu'ils regardent, puisque tout est fermé ?
LECHY ELBERNON Ils regardent le rideau de la scène. Et ce qu'il y a derrière quand il est levé. Et il arrive quelque chose sur la scène comme si c'était vrai.
MARTHE Mais puisque ce n'est pas vrai ! C'est comme les rêves que l'on fait quand on dort.
LECHY ELBERNON C'est ainsi qu'ils viennent au théâtre la nuit.
THOMAS POLLOCK NAGEOIRE Elle a raison. Et quand ce serait vrai encore, qu'est-ce que cela me fait ?
LECHY ELBERNON Je les regarde, et la salle n'est rien que de la chair vivante et habillée. Et ils garnissent les murs comme des mouches, jusqu'au plafond. Et je vois ces centaines de visages blancs. L'homme s'ennuie, et l'ignorance lui est attachée depuis sa naissance. Et ne sachant de rien comment cela commence ou finit, c'est pour cela qu'il va au théâtre. Et il se regarde lui-même, les mains posées sur les genoux. Et il pleure et il rit, et il n'a point envie de s'en aller. Et je les regarde aussi, et je sais qu'il y a là le caissier qui sait que demain. On vérifiera les livres, et la mère adultère dont l'enfant vient de tomber malade. Et celui qui vient de voler pour la première fois, et celui qui n'a rien fait de tout le jour. Et ils regardent et écoutent comme s'ils dormaient.
MARTHE L’œil est fait pour voir et l'oreille Pour entendre la vérité.
LECHY ELBERNON Qu'est-ce que la vérité? Est-ce qu'elle n'a pas dix-sept enveloppes, comme les oignons ? Qui voit les choses comme elles sont ? L’œil certes voit, l'oreille entend. Mais l'esprit tout seul connaît. Et c'est pourquoi l'homme veut voir des yeux et connaître des oreilles. Ce qu'il porte dans son esprit, - l'en ayant fait sortir. Et c'est ainsi que je me montre sur la scène.
MARTHE Est-ce que vous n'êtes point honteuse ?
LECHY ELBERNON Je n'ai point honte ! mais je me montre, et je suis toute à tous. Ils m'écoutent et ils pensent ce que je dis ; ils me regardent et j'entre dans leur âme comme dans une maison vide. C'est moi qui joue les femmes : La jeune fille, et l'épouse vertueuse qui a une veine bleue sur la tempe, et la courtisane trompée. Et quand je crie, j'entends toute la salle gémir.
Paul Claudel, l'Échange (1ère version), Mercure de France
Publié(e) par Serge ULESKI le 31 octobre 2010 à 11:16
Ô Seigneur ! Est-il possible que le calice passe loin de moi, qu’il ne me soit jamais permis de le saisir ? Moi qui suis à la tâche, jour après jour, indéfectible, comme d’autres... au temple, zélés et fervents !
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A quinze ans, la terre ne nous appartient pas encore mais le monde n'existe que pour nous - du moins, pour nous qui sommes capables de lui répondre par l’affirmative : « Oui, je le veux ! Oui, je le peux ! »
A quinze ans, on aime tout ce qui a été pensé pour notre âge, tout ce qui nous est destiné, proposé, offert - pour peu qu’on puisse se l’offrir. On espère, on supplie, on désire, on ordonne, on convoite ; et que dire de toutes ces attentes erratiques, confuses qui ne savent pas vraiment ce qu’elles attendent...
A quinze ans, on dépense tout comme de l’or car la pacotille se vend chère puisqu’elle ne s’affiche jamais comme telle : commerce oblige ! On jette les mots par la fenêtre et les parents, leur argent : la paix est à ce prix et le compromis, maintenant historique... aussi. C’est le joueur de flûte avec sa sérénade brillante et vive ; une sérénade hypnotique et luisante que personne ne lui interdira de jouer car, ceux qui ne souhaitent pas y succomber, sont déjà sans voix.
Un monde fait sur mesure donc, un monde voué à tous les commerces et à tous les rackets : demander, exiger, recevoir, arracher... c’est la seule préoccupation qui ordonne tout le reste. Et là, le monde est d’une clarté totale ; un point aveugle cette clarté au-delà de laquelle plus rien n’est visible.
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A quinze ans, on se nourrit d’un rien, d’une précipitation de jouissance, sans autre souci que d’aller à la rencontre - à toutes les rencontres -, pourvu qu’elles nous mènent au plus près du but : à la découverte d’une floraison soudaine de possibilités nouvelles porteuses de mille transgressions.
On rêve, on mime, on improvise sur un emploi non contraint du temps et toujours trop court. La nuit n’est qu’un mal nécessaire à l’heure où il nous faut rentrer même si ce refuge nous est bien utile parfois car, on peut encore y trouver la sécurité après une conduite porteuse de tous les risques face aux dangers d’un monde qui n’est qu’un loup pour son propre monde. Elle signifie à peine le repos cette nuit qui s'annonce déjà ; à l’aube, tout sera à recommencer ou bien, à poursuivre : on reprendra le cours là où on l’a quitté, le long d’une pente tantôt douce, tantôt brutale.
A quinze ans, on occupe tout le temps dont on dispose. Aucune culpabilité. Tout est promis à l’oubli et pourtant, tout semble inoubliable, dans un monde qui a une bonne mémoire, la meilleure des mémoires : une mémoire courte ; celle qui ne vous autorisera aucune retour en arrière au delà de l'heure qui s'est écoulée et qui s'est achevée dans la plus parfaite absence de mémoire et dans une indifférence insolente face à cette lacune qui n'en est plus une aujourd’hui.
Quant à la prochaine heure... celle qui s'écoule là, maintenant, sous nos yeux, le monde n'ose déjà plus y penser, de peur de devoir s'en souvenir.
Une génération entière s’est ennuyée, la suivante a tout juste le temps pour elle ; elle va à l’aventure sur un écran de dix sept pouces ou sur un écran géant, le temps de passer de la lumière à l’obscurité... mais la lumière revient toujours à la fin de la séance ! La prochaine épopée chassera la précédente. Hallucinés, du rêve, on passe au songe, du songe à la réalité jusqu’à taire la peur qui nous taraude face à cette inconnue immense : notre vie de demain dans dix ans dans un monde instable et sans remords ; et là, c’est déjà une autre aventure, une tout autre histoire.
A quinze ans, Dieu ! Qu’est-ce qu’on fait comme bruit ! On ne s’entend plus et pour peu qu'on nous conseille vivement de nous taire et d'écouter... en classe, soudain, tout devient difficile ou bien, incompréhensible ; en cours, on ne participe plus, on s'éloigne, on se retranche dans les derniers rangs, on quitte la classe avant tout le monde ; et c'est alors que le collège ou le lycée ne vous appelle plus le matin et ne vous promet plus rien sur le trajet qui y mène.
Sans illusion quant à l’usage qu'ils peuvent espérer faire de cette disgrâce, les adolescents connaissent le prix d’un tel échec et sa récompense : les portes qu'il vous fermera au nez avant même que vous ayez eu le temps d'y frapper car on vous aura vu venir de loin et... nombreux ; et personne ne nous sera d’aucun secours, prisonniers d’une solitude intouchable.
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L’adolescence tient en trois mots, trois séismes : le désespoir impalpable aux causes aussi multiples qu'indéfinissables, l'amour toujours à refaire et la joie infinie, sans antécédent, sans passé, sans avenir, fruit d'une insouciance sans conséquence pour l'heure.
Oui ! La joie ! Joies qui se succèdent, courtes, spontanées, sans raison, pour un rien et pour un peu. Une lumière cette joie ! Une lumière même quand la lumière fait défaut. Intouchables on est ! Indestructibles ! Il ne manque plus rien aussi longtemps qu'elle est là, à nos côtés. Une vibration cette joie ; une vibration venue du centre de la terre ; aussi vieille que la croûte terrestre et les danses tribales cette joie qui accroît notre être, l’étend, l'enveloppe. Son souffle nous rend légers et nous permet de franchir bien des obstacles en les ignorant, tout simplement. Joie d’être, joie de vivre ! Et ce sourire qui nous illumine ! Regardez-le ce sourire si précieux ! Regardez-les ! Regardez-nous à quinze ans déambuler le long des rues, dans ces avenues qui nous appartiennent le temps de les traverser. Et cette lueur dans les yeux : c'est encore la lumière de la joie bien sûr ! La joie de l’instant qui va nous combler, tout ce qu’on se promet, là, maintenant ou bien, dans l’heure qui suit.
Allez ! Rendez-la-nous cette joie, ce chahut salutaire !
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Enfant, tout est immense. A quinze ans, on mesure le monde à l’échelle de ce qui sera possible d’y accomplir. Signe de notre temps : aujourd’hui, très vite, c’est déjà trop tard. Jadis, on pouvait s'offrir quelques années d'insouciance, aujourd’hui, on nous conseillera de tout prévoir, de tout envisager, même et surtout le pire en cas d’échec que l'on pressent très tôt ; le succès aussi, pour peu qu’on ait de bonnes raisons de l’espérer.
A quinze ans, ce qui se passera, on ne le voit pas toujours et aussi, ce qui ne se passera pas. Voués au meilleur et au pire, on vit de ce qu’on prend et reçoit du monde, de ce qu'on lui arrache aussi quand il nous oublie au passage ou nous ignore car, si l’abondance nous empêche de voir, le manque, lui, nous couvre de honte : on réclamera son dû. Et c’est alors que la colère et l’impatience nous conduiront tout droit à la révolte et au scandale pour s'empresser de jeter sur la douleur de vivre cette indigence qui surplombe tout et dont on ne saurait porter la responsabilité, notre dévolu d'insultes, d'intimidations et de menaces. Stratégie de survie avec soi-même et les autres qui nous le rendront bien et au centuple, avant longtemps.
A cet âge, tout le mal que l'on se fait, on l'ignore jusqu'à la cure qu'est l'âge adulte, pour peu que l'épuisement nous y aide et puis… parce qu'il faut bien se faire une raison ; la résignation est pareille à l'usure du temps qui guérit bien des maux ; elle prend sa place sur la pointe des pieds alors qu'il fait encore sombre ; et plus elle arrive tôt, plus ses chances de mater cette révolte sont grandes.
A quinze ans, de l’âge adulte, on se rapproche, même si c'est pour mieux nous en éloigner. On se complait de tout. Aucun retrait, aucun recul, c'est la vie qui nous submerge. On hurle. On crie. On bouscule son entourage. On l’ignore.
Autre signe de notre époque : à quinze ans, dehors c'est dedans ; on est partout chez-soi. Au delà du périmètre dans lequel notre action se déploie, rien d’autre existe, rien ni personne ; et tant pis pour les autres qui devront prendre leur mal en patience ou bien, se retirer sans broncher.
A quinze ans, on se cherche un visage, un vrai visage : le sien. Mille essais, mille emprunts, preuves d’une fertilité et d’une inventivité ingénieuses et brouillonnes qui peinent à trouver sa forme. La maturité y pourvoira pour peu qu’il en soit toujours question. Car, si on n'a pas encore à trouver sa voie, en revanche, on se doit de trouver très vite sa place.
Quand on est seul, c’est l’ennui et le désarroi. En bande, on échappe à l’angoisse d’aujourd’hui qui n’est que la négation des responsabilités et des incertitudes de demain. Menu indigeste que demain ! Novice, on avance par à-coups dans un couloir plongé dans le noir. Quand on trouve l'interrupteur et la lumière, c'est le soulagement : on n'a plus peur jusqu'à la prochaine épreuve.
A quinze ans, on veut plaire, être comblé jusqu’à la saturation. Être vivant à quinze ans, c’est être vu et reconnu, escorté du regard et du cœur, mille cœurs entre tous, si possible... et pourquoi pas ! On recueille toutes les faveurs quand on sait les susciter. On vit sans ordre. On a des colères soudaines, sans arrière-pensée et puis, on sait calculer, manipuler, manœuvrer en expert aussi. On s’enflamme, on étouffe, on suffoque, l’amour est minuscule, infini. Et puis un jour, on le fait. Ce jour là, on devient quelqu’un d’autre. Quelque chose a été percé. Quelque chose en nous a fondu. C’est la mue. Une autre peau émerge. On n’y comprend pas grand-chose mais... c'est sûr : on a changé !
Un mystère qui n’en était pas un, cette interrogation - du moins, pas longtemps, car bientôt, tout ça n’aura plus d’importance ; l’essentiel est ailleurs, bien sûr : dans ce qui nous attend, dans cinq ans, dans dix ans d'ici...
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A quinze ans, c’est fini, plus rien à faire dans la vie, sinon la vivre. Une vie détachée de soi, prodigue d’elle-même et de ceux dont on partage la même vie, au même âge, au jour le jour, d’heure en heure... jusqu’à la suivante. Ce qui doit arriver arrivera toujours assez tôt ; on aura bien le temps de faire face à cette insécurité qui nous attend, une fois que l'on ne pourra plus compter sur ceux qui nous ont mis au monde et qui avaient toujours su nous en protéger.
Si à quinze ans on connaît la peur, on sait la contourner. Si on la frôle, on l'oubliera très vite pour s'empresser d'en chercher une autre ailleurs : ses jouissances sont trop grandes pour qu'on les abandonne à la première alerte, le goût de vivre, plus fort encore. On compose avec la peur comme on compose avec tout le reste : la peur des mauvaises notes, la peur d’être découvert, la peur de l'humiliation, la peur du rejet, la peur de la violence de ceux qui ne craignent rien, ni personne, et surtout pas, ceux qui ont peur.
Parfois, les adultes contribueront à diffuser cette peur qui leur va si bien depuis qu’elle les mène et les force à resserrer leur vie pour diminuer le rayon de son action et réduire le champ de ses ambitions et de son influence.
Adolescent, cette peur est sans doute l’information la plus importante que nous recevons du monde ; une des premières ; s’y soumettre annonce des lendemains plus alarmants encore.
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Volonté de prendre, de jouir ! Volonté exténuante, désirs insatiables ! A quinze ans, on mixe, on brasse, on mélange tout, même si ce sont les autres qui distribuent les cartes à notre insu. C’est notre façon d’y voir clair en ne voyant rien de ce qui se trame au loin, sans guide pour nous accompagner.
Et tout nous y encourage. "On a le temps !" nous assènent les ondes de la voix du monde et les pixels de sa représentation, là où toute parole vers le haut est impossible. Une voix sur mesure, pour notre immaturité qui ne peut qu’écouter cette voix. Tellement dans son époque cette voix qui jamais ne se trompe ni ne s’égare, au plus près, serrée, collée à notre inconséquence juvénile, telle une sangsue. Pas d’époque sans voix quelle qu’elle soit, aussi dévastatrice soit-elle. Toujours !
Qui possède le Verbe et les décibels, conduit le Monde. Une voix d'usuriers du désert, trompeuse et assourdissante, cette menace proférée sous le couvert d’une attention désintéressée ; une voix condescendante qui absorbe très vite la meilleure part de l'esprit et empêche tout exercice d'une attention claire envers soi-même ; une voix aux éclats incessants telle un marteau sur l’enclume, qui obstrue toute perspective d'élan en nous privant d'un tremplin pour rebondir plus loin, plus haut ; et peu nombreux sont ceux qui sauront le faire à temps.
Une nuisance cette voix pour quiconque souhaite la faire taire. Dans ces moments là, c’est toute la vie qui vire à la lutte, une douleur dans le dos - dans le bas des reins, plus précisément - à force de résistance, en parents confrontés à un âge sans discernement, et à un prix bien plus élevé aujourd'hui qu’hier : pas de conte de fées et pas de happy end pour nous rassurer : dans le meilleur des cas, happés ils seront, au passage de l'écho de cette voix, et dans le pire, broyés, pris en étau entre les incisives et les molaires de sa mâchoire d'ogre.
L’autre voix, elle, est inaudible pour l’heure. Le moment venu, elle n’aura pas besoin de porte-voix. Bientôt, une autre réalité se chargera de nous la faire entendre car, à quinze ans, on est de l’autre côté de la vitre, à l’intérieur ;
Dehors nous attend une surprise : tout ce qui aura été tu des années durant et qui nous est maintenant hurlé.
Publié(e) par Deashelle le 13 octobre 2010 à 10:30
Feminaire, un sanctuaire
« Mon père était couvreur. Je louchais du subconscient : un œil dans la mine, l'autre sur lui. Le gouffre et les hauteurs simultanément épiés, créateurs d'un unique émoi. De mon père, j'admirais le glissement sur les tuiles, en évadé, en rocambole, , mais aussi parfois, la pâle, la lente reptation. C'était un couturier des toits. Il ne pratiquait certes que l'alpinisme des humbles, néanmoins, il connaissait le royaume du vent (...) Acrobate pur de public, funambule méconnu, mon père fût-il mon premier héros ? » Marcel Moreau sécrète une écriture pulsionnelle et charnelle, établissant l’existence de deux corps, le corps charnel d’abord et le corps verbal ensuite. Il lui faudra l’accès à l’écriture, toute jeunesse passée, pour enfin révéler son corps verbal fait de jaillissements et de peintures sensuelles et érotiques, toutes décrivant au plus précis, la femme et le désir de la femme. « Le corps a donné corps à ma rage d'interpréter l'Homme, et le monde. » Sa dernière pièce injouée et injouable a deux personnages : le rythme et le verbe. C’est dire si son univers est illuminé et insolite."La mort de mon père met fin à mon inconscience. Tout ce qui l'a précédé a été l'enfance des sens. Tout ce qui la suivra sera l'enfance du verbe"
Jean-Claude Drouot établit le parallèle entre le monde minier du Borinage de l’enfance du poète belge, amnésié comme par un coup de grisou par la mort de son père lorsqu’il avait 15 ans et ce monde des profondeurs de la sensualité où l’on débarque comme dans un monde tumultueux, impétueux, fantasmagorique et jamais dit. Où l’on pénètre dans des veines souterraines jamais explorées… celles de l’érotisme incandescent et paroxystique, seule valeur sûre dans les flottements et dérives modernes. Quant aux dérives anciennes… dans ce texte dont on n’ose dire le nom, Moreau est plein de colère contre ceux qui touchent à l’intégrité féminine. Féminaire, un sanctuaire !
Jean-Claude Drouot a évoqué de grands noms dans ce spectacle : Alechinsky, Topor, Anaïs Nin. L’actrice Suzy Falk,l’Eve du Théâtre,était présente… et Marcel Moreau, " l’objetd'une véritable passion chez ses innombrables (lecteurs) lectrices anonymes ou célèbres"sera là en personne vendredi soir… à la Clarencière!
Marcel Moreau est né le 16 avril 1933 à Boussu en Belgique. Marcel Moreau a construit une oeuvre majeure dont quatre grands titres, Quintes, L'Ivre livre, Le Sacre de la femme et Discours contre les entraves, ont récemment été réédités. Son cinquante-troisième livre, Une philosophie à coups de rein, apprivoise l'énigme de sa propre mort et nomme les leurres de notre modernité.
Publié(e) par Deashelle le 26 septembre 2010 à 9:00
…« Je suis née en Algérie de père vietnamien et de mère belge. Quand mes parents se sont séparés, nous sommes venus vivre à Mons avec ma grand-mère maternelle qui développait un racisme totalitaire. Nous représentions le “péril jaune”. Pour elle, éduquer un enfant consistait à l'empêcher de rire, de jouer, d'avoir des secrets. L'adulte avait le pouvoir absolu », raconte la comédienne toute menue.
Devant l’immense mur de briques du théâtre surgit une véritable enchanteresse, légère comme une plume en robe ethnique noire, épaules et pieds nus, cheveux tirés comme une ballerine. Une phrase soudaine détonne dans son cœur fou de vivre. Une phrase innocente de la femme-oiseau, une voisine maghrébine, chaleureuse mère de famille nombreuse chez qui elle se réfugie de temps en temps. Une permission de vivre et d’ouvrir les yeux : « Il faut de tout pour grandir » dit-elle à la petite fille comme la bonne fée… « Pourquoi as-tu besoin de la musique de l’oiseau en cage au bord de la fenêtre?» demande-t-elle, elle qui d’habitude muselée, n’ose que de rares pourquoi. « Pour retrouver mes ailes » répond la voisine sibylline. Son professeur de piano lui disait : « Ecoute le chant, raconte l’histoire, même dans une gamme… ». Mais elle a dû apprendre à rire en silence. Et à fuir sur la pointe des pieds.
Vy en vietnamien veut dire « tout petit », c’est le nom de sa poupée de bois, son doudou, qui raconte ses déboires avec humour et douceur et s’échappe par le verbe gracieux et tendre par-dessus les murs de silence hostile. C’est cette poupée qui a pleuré silencieusement quand la grand-mère a coupé sauvagement les magnifiques cheveux de sa sœur. « J’ai cru que j’allais vomir ! » nous confie-telle, pour l’atteinte symbolique à l’intégrité de sa sœur, en attendant son tour. Touches par touches l’enfance et l’adolescence se disent sur les pages blanches du cahier d’écolière cent mille fois visitées par l’ancêtre curieuse et méchante, comme dans les contes de fée. La poésie, la grâce vont faire d’elle une artiste de gestes et de mots. C’est le conte de fée. Au fond d’elle il y a cette détermination de vie de la mauvaise herbe, « de cochon jaune », oserait persifler la marâtre … et une jeune fille amoureuse de la danse, de la musique et des mots en train d’éclore et de briser sa coquille.
Parfois, dans son lit elle s’écrie en silence « Dis-moi papa je ne sais plus me servir de mes ailes, je ne sais plus où est le ciel». Yen l’hirondelle est au bord du désespoir. Mais quand elle a vu Ismaël, un ange aux yeux si brillants, amoureux des oiseaux, elle a senti « ce battement d’ailes de ce frémissement du ciel ». Au comble du malheur elle dit avec une douceur de papier de soie « la vie est un rêve, je vais me réveiller ou mourir ! » … Et jamais elle n’accusera, pas d’amertume, car elle a découvert la Vie en elle, devenue comédienne … et facteur. Et quoi de plus beau : la Vie ! Les Lettres ! Avec amour, sur la croix noire de sa grand-mère elle grave avec le crayon doré de ses plus beaux poèmes un message de paix:
« Elance ton âme vers le ciel … Vis ! »
« Vy » de et par Michèle Nguyen,Atelier Théâtre de la Vie,45 rue Traversière, 1210 Bruxelles