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administrateur théâtres

A deux pas du huit mars, nous avons eu la chance d’assister dimanche à un ravissant concert  100% féminin, à part le tourneur de pages : Jean-Pierre Moemaersancien professeur d'accompagnement  d’Eliane Reyes.

 Nous sommes dans le cadre des « salons de la mélodie » à la chapelle de Boondael. Ce salon musical  a été  créé par Jean-Pierre Moemaers et Sébastien Romignon Ercolini  dans le but  de faire revivre à Ixelles le temps où des  hommes et femmes de lettres et mélomanes éclairés,  recevaient chez eux en privé au cœur de leur salon, les artistes du moment, leur permettant ainsi de faire découvrir à leurs amis les beautés connues ou  méconnues du répertoire intemporel de la mélodie et du Lied.   «Les salons de la mélodie»  permettent à un public moderne  toujours plus enthousiaste de venir apprécier  ces intimes instants si précieux de la musique de chambre.

Une clé magique pour entrer dans l’univers musical proposé cette après-midi  a été la fameuse Fantaisie en Ré mineur de W.A.Mozart joué avec une intensité et une tendresse sans borne par Eliane Reyes, qui nous a mis les larmes aux yeux.  Tour à tour soliste (Brahms,  Chopin)  et accompagnatrice de choix de la soprano Cécile Lastchenko, elle  et se donne au public avec  ardeur et s'efface devant la chanteuse dont la voix sonne à la perfection et dont la diction irréprochable, quelle que soit la langue, reste  toujours claire et bien articulée.      12273276067?profile=original Cécile Lastchenko, cette  jeune artiste pleinement chaleureuse, débordante d’énergie,  irradie la joie de la musique de façon lumineuse et engagée.  On l'a vu hypnotiser un public ébloui, dans la production  très remarquée à  l’Opéra de Liège de « La favorite » et aussi  lors de  ce   concert de prestige  du 7 décembre dernier à Flagey,  assuré  par des   jeunes chanteurs de la Chapelle Musicale Reine Élisabeth . Accompagnés par l’Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, les artistes proposaient  un concert autour des duos qui ont façonné l’histoire de l’Opéra. La soprano Cécile Lastchenko  fut déjà très remarquée. Elle vient  maintenant d’être  sélectionnée ainsi que 5 autres artistes de la Chapelle  parmi 312 candidats de 22 nationalités différentes comme candidate au Concours Reine Elisabeth, dont  la première épreuve aura lieu le 1 et 2 mai prochains à Flagey.

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Charme et Féminité

Dans le concert donné cette après-midi où l’émotion était à fleur de peau,   sa voix d’une superbe maturité a mobilisé une incroyable palette des sentiments dans une maîtrise de la théâtralité très bien menée et à travers un programme très éclectique.

 

MOZART – Fantaisie en Ré mineur

  1. BRITTEN – Les Illuminations (« Royauté »« Villes »)

RAVEL – Shéhérazade  ‘« Flûte enchantée »

  1. MAHLER – Das Knaben Wunderhorn « Das irdische Leben » 3’

BRAHMS – Intermezzo op. 118 N°2

  1. BRITTEN – The Turn of the Screw « How beautiful it is » (The Governess)
  2. DEBUSSY – L’enfant Prodigue « Azaël, pourquoi m’as-tu quittée ? » (Lia)


CHOPIN – Fantaisie impromptue 

  1. ABSIL – Trois poèmes de Klingsor « Chanson du chat » « Ma mère l’Oye »« Où le coq a-t-il la plume ? »
  2. SHOSTAKOVITCH – Satires « Kreutzer Sonata »
  3. GERSHWIN – Porgy and Bess « Summertime » 2’12273276291?profile=original

  Son tempérament dramatique  manie aussi bien le sarcasme que le désir romantique, la douleur et le désespoir,  que la satire et le surréalisme. Mais avant tout, elle  ne cesse de faire preuve de profondeur, elle touche la fibre la plus intime, berce l’imagination, se doublant d’une bienfaisante conteuse pleine d’humour. La générosité est  d’ailleurs un  point de  fusion musicale entre les deux femmes : la pianiste Eliane Reyes l’accompagne  en effet avec un mélange de discrétion et de  connivence affirmée.  Élans maternels fusionnés, entre  voix et  clavier ? Ensemble elles semblent vouloir diffuser la force de l’instinct de vie, le choix lumineux que l’on peut faire de celui-ci, en opposition avec le monde parfois désincarné et surréaliste qui nous entoure.  Toutes deux représentent la force de l’espoir et de la transmission,  la foi en l’humanité jamais abandonnée.  Ensemble, elles incarnent  un rêve de paix et de  désarmante compassion à travers une resplendissante… féminité.

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http://www.lessalonsdelamelodie.com/Avec le soutien de Mme Dominique Dufourny, Bourgmestre; Yves de Jonghe d'Ardoye, Député honoraire - Échevin de la Culture et des membres du Collège des Bourgmestre et Échevins d'Ixelles  http://www.eliane-reyes.com/agenda/

http://www.cecilelastchenko.com/  

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Les variations du moment

Ce jour qui commence à midi,
Dans l'immobilité parfaite,
Et une lumière discrète,
Me semble un espace engourdi.

Je ressens la monotonie
Qui engendre l'indifférence.
L'entretient certes le silence.
N'apparaît nulle fantaisie.

Suis en état d'inappétence.
Ne me tente pas la saveur
D'un plat, à la senteur de fleurs,
Qui me mènerait en errance.

Au sablier coule le temps.
La brillance envahit l'espace,
L'emplit d'une indicible grâce,
Me pénètre agréablement.

La poésie à nouveau prime.
M'émerveillent les changements
Qui portent à l'attendrissement.
Dans le silence, les mots riment.

6 mars 2018

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Une adorable récompense

À Alain

Quand j'offre un poème au hasard,
Certes il attire des regards.
Des promeneurs, à l'âme tendre,
Ressentent l'envie de l'entendre.

S'ils ont eu plaisir à le lire,
N'ont pas besoin de me le dire.
Ils reviennent sur le lieu,
Intéressés et curieux.

Ne s'égarent pas mes offrandes
Où l'insécurité est grande.
Je les dirige en des endroits
Fréquentés et sûrs à la fois.

N'attendais pas de récompense.
Lors ma surprise fut immense:
J'ai des visiteurs assidus!
Me sens comblée, bien entendu.

5 mars 2018

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Rue des souvenirs.

 

Ces gestes qui participent

 

de la géographie des lieux.

 

Tu t’en souviens,

 

Nous en avions parlé

 

Au détour d’un chemin,

 

Le long de cette rivière

 

où quelquefois

 

Nous aimons marcher.

 

Géographie du futur.

 

Ces lieux

 

où nous aimons marcher.

 

De Julien Boulier le 05 mars 2018

 

poème déposé Sacem code oeuvre 3435459211 

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TOUT RONDS...

De jolis mots tout ronds

Délivrés d'amertume

Qui font comme un ronron

Un bruissement de plume...

Les mots que l'on murmure

A l'abri des regards

Quand les journées sont pures

Au gré de nos hasards.

Et les mots qui se meurent

Aux instants de colère

Et qui du fond d'la nuit

Tout à coup se libèrent!

De bien beaux mots brillants

Au détour de nos larmes

Qui créent au firmament

Un tableau qui se voile...

Les mots qui me reviennent

Par un doux soir d'été

Lorsque je me sens tienne

Que l'air devient léger.

Et les mots qui piaffent

Au bord de nos délires

Auxquels il faut faire gaffe

Car gonflés de désirs!

Les jolis mots rêvés

Qu'on retrouve au matin

Lorsque l'on s'est aimé

Et que l'on se sent bien...

Les mots qui aident à vivre

Au creux de solitude

Lorsque l'on se sent ivre

Au bout des certitudes.

Les mots que je vous dis

Dans un balbutiement

Lorsque je vous chéri

Les cheveux dans le vent!

Les mots qui sont sans fin

Quand dans la tête résonnent

Et que l'on a très faim

D'un amour qui se donne...

Les mots qui se sont tus

Un jour plein de détresse

Lorsque l'on a perdu

L'objet de nos caresses.

Les mots que l'on écrit

Pour n'oublier jamais

Qu'il nous faut dire Merci

A l'aube quand elle renait...

J.G.

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En ma compagnie

La nuit est venue, je médite.
Ne suis aucunement troublée
Or j'ai besoin de me parler,
D'éclaircir des choses non dites.

Le vieillissement m'a changée.
J'aime demeurer inactive
Mais curieuse et attentive.
J'oublie le boire et le manger.

Étrangement, nombreuses fois,
J'ai l'impression que je fus morte.
Je vis ressuscitée en sorte,
Privée des miens, seule avec moi.

Plus jamais ne suis en colère,
Certes écoeurée par l'indécence.
Des jours de ma longue existence, 
Sont ceux présents que je préfère.

5 mars 2018

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12273271699?profile=originalIllustration de David Durant

Murmure d’automne

Dans les affres d’un automne qui se meurt,

Je murmure à la lune,

À la beauté de la terre,

Qui me miroitent les mots que je ne peux taire,

Les laissant ruisseler

Sur les confins de l’univers,

Entre les hamadryades (1)

Couvertes de frimas :

Un rendez-vous fortuit.

 

Je me terre au pied d’un hêtre

Et nos deux êtres entrent en fusion;

Il m’offre la sérénité,

À l’abri du froid.

Je vois les mots férus, frivoles,

Poursuivre leur chemin

Et se frayer un passage

Sur les pavés de mon existence.

Ils fredonnent un refrain

Parsemé de fous-rires,

Une farandole se forme,

Ils s’envolent dans un frou-frou de plumes.

 

Je les retiens, les serre une dernière fois encore

Contre moi, en sors quelques-uns de mes poches.

Est-ce le sort ?

Ils m’ensorcellent, dans un jeu de séduction

Et recèlent un mystère… lequel ?

 

Au loin, j’en vois qui tremblent, trébuchent,

Atterrés, ô terreur, terrassés par les cris, les tirs,

Trop de haine que les hommes crachent

Dans le feu de l’action, comme un jeu,

Hystérie d’un monde devenu fou…

 

Ces hommes n’ont rien compris

Au sens de la Vie,

À la poésie !

 

  1. Hamadryade : Myth. Gr. Nymphe des bois naissant et mourant avec l’arbre dont elle avait la garde et dans lequel on la croyait enfermée

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Spectacle "Sérénade à la vie"

Bonjour,

Dans le cadre de la parution de mon nouveau recueil de poésie "Sérénade à la vie", je vous invite au spectacle qui aura lieu le samedi 17 mars à 19h30 au Centre Culturel de Comines.

Une invitation à participer à la naissance de ces mots qui prendront bientôt vie, invitation à vivre ensemble ce moment, qui ne sera plus le mien, mais le vôtre...

Un spectacle pas comme les autres, où la poésie côtoie l'art et la musique... avec mise en scène de certains de mes textes issus de "Sérénade à la vie".

Bienvenue à tous !

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A travers le grésil,

 

j’aurais attrapé toutes sortes de formes.

 

Chutes d’eau et averses.

 

Comment, le sais-tu, tout cela deviendra immortel ?

 

Un blanc étonnant. Ta silhouette est en mouvement.

 

Des nuages s’évaporent doucement

 

sur les collines.

 

Sur une route de pierres bordée de jonquilles.

 

Tu te souviens.

 

Elle passe ses mains dans les hautes herbes.

 

Je t’imagine et autour de toi les plantes s’animent.

 

Elles répondent à tes paroles et à ta voix.

 

Puis s’ensuit un règne de silence.

 

Julien Boulier     le 03 mars 2018

poème déposé Sacem code oeuvre 3435404711

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Mon petit bonheur quotidien

Songerie

Sentir et réagir est le fait d'exister.
Tous les êtres vivants le font en permanence.
Ils doivent respecter certaines exigences,
Essaient par dessus tout de vivre en liberté.

Les humains ont besoin de se sentir heureux
Ils apprennent à vivre en évitant les pièges.
Cherchent bien peu souvent où la sagesse siège,
Respectent les gens riches, oublient les miséreux.

Alors qu'une pensée non exprimée s'efface,
La créativité concrétise un instant,
L'emprisonne en des mots le rendant exaltant,
Préserve l'énergie que créa une grâce.

De nombreuses années, je recourus à l'art.
Ma maison est emplie d'images qui m'émeuvent.
Elles semblent récentes, sont restées toutes neuves.
Font ma joie quotidienne en une grande part.

2 mars 2018

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administrateur théâtres

La Cinquième saison de la « Balade Musicale à Rixensart » va s’achever le jeudi 22 mars avec un « Concert Mozart » donné à l’église de Saint Sixte à Genval avec l’orchestre Piacevole sous la direction de Luc Dewez,  avec la pianiste Anaïs Cassier et la soprano Laura Telly Cambier. L’an dernier, la quatrième saison de la Balade Musicale se clôturait en apothéose avec le Requiem de Fauré dirigé avec brillance par Ayrton Desimpelaere,  depuis deux ans  Chef-assistant, à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège, Chef D'orchestre à l’ IMEP Institut Supérieur de Musique et de Pédagogie et au Namur Chamber Orchestra. Il est appelé à une brillante carrière. La 6e saison est en préparation et promet d’être tout aussi chatoyante.

Revenons à cette belle soirée  du 1er mars 2018 qui accueillait Florian Noack au piano pour «  Air avec trente variations »  BW988 « Variations Goldberg » de Jean-Sébastien Bach (1685-1750).

Cette œuvre  phare de Jean-Sébastien Bach est un réel défi dans le parcours d’un jeune musicien, même le plus aguerri. Dans cette œuvre, il ne s’agit pas de vouloir s’affirmer en tant que virtuose et interprète de sentiments romantiques, de narration musicale pittoresque ou de construction fantastique ou dramatique. Il s’agit avec Bach de se mettre  intégralement  dans un état d’empathie et d’écoute de l’œuvre, percevoir ce qu’elle communique et essayer de le transmettre. Il faut pour cela une immense dose de concentration tant pour l’appropriation de la construction contrapuntique  que pour la mise en chantier de chaque variation qui part et revient au même point, chaque variation correspondant à une mesure de l’aria. Le cycle se termine par une réitération de l’aria  laissant penser que tout peut recommencer.  Le pianiste doit être un  trait d’union entre le compositeur et l’œuvre.

Aucun texte alternatif disponible.

L’œuvre au départ conçue pour clavecin utilisait deux claviers. Au piano c’est d’une rare complexité que d’arriver à fondre les deux en un. Ainsi Florian Noack a  préparé ce concert avec le plus grand soin et c’est  la première fois qu’il le présente devant un public. Il a pris le temps de méditation nécessaire pour se nourrir de l’œuvre magistrale. Il explique d’ailleurs que chaque note, chaque nouvelle phrase se nourrit de la précédente, comme dans une édification vivante d’un mystérieux système qui advient minute après minute, sous ses doigts de virtuose. Tout est lien et enchaînement, de la caresse des premières pages de la partition, à  l’énergie dévorante, sans cesse renouvelée et aux sublimes moments d’apaisement. Ce sont les frissons de l’âme qui interagissent et fabriquent la matière musicale. Fermeté, souplesse, le charme inné et non fabriqué de l’artiste se complètent avec bonheur. L’exécution est parcourue de courtes respirations pour que la musique puisse reprendre son envol. Brillante dynamique : les mains se croisent et se décroisent à l’endroit, à l’envers dans un tricotage passionné, habité. Avoir la chance d’être au premier rang dans cette église accueillante donne une proximité inespérée avec le pianiste qui semble palper chaque note avec empressement passionné. Et pourtant le visage ne trahit qu’une intense concentration, seul le corps et le jeu discret de pédales indique les fluctuations de la prestation. Chaque page tournée amène un lot de climats et de couleurs différentes par moment la surprise de notes syncopées, de trilles vaillantes  parmi un bouquet de sonorités pleines. Voici un sablier musical beau et éphémère qui n’est pas sans rappeler les vanités des peintres du 17e siècle.  

Il y a par moments la rencontre de l’énergie lumineuse, les sourdines, l’intimité des ralentis, une innocence d’âge d’or. Would this soothe your pains ? C’est pleinement méditatif et transparent. Puis revient l’approche bouillonnante, les notes  fortement piquées, la volubilité, les tempi accélérés, le toucher moelleux de l’homme envoûté par la partition. Tour à tour on perçoit la recherche, l’offrande, la libéralité. On atteint la nudité de l’essentiel, une élégance de cœur rassasié et un sourire intérieur, éloge de la confiance dans le rapport extra - ordinaire à l’Autre. L’épanchement de Joie où notes de cœur et de tête se confondent, finit par construire une exaltation partagée, dénuée de toute théâtralité,  mais visionnaire de notre condition humaine. Il est évident que ce jeune musicien a su se laisse traverser par le génie surhumain de Jean-Sébastien Bach.

 Un double bis bouleversant est offert... 

il s'agissait de :
Bach -1ère Suite Française en ré mineur, "Allemande"
&

  

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12273273256?profile=original Commedia dell’arte
Dans ce théâtre miniature, autour de la table dressée et des victuailles, évoluent les personnages bigarrés de la Commedia dell’arte, Arlequin, Pierrot (Pedrolino), Crispin… Tous en verre filé et émaillé, travaillé à la lampe. Une technique des verriers vénitiens
du XVIe siècle, ici remise au goût du jour par des artisans nivernais
du milieu du XVIIIe siècle.
(atelier du maître émailleur Jacques Raux ? Musée national de la Renaissance, Ecouen)

« Pauvres gens qui n’ont ny pain ny dents
sont bien empeschez de faire crouste. »,
Jean Gracieux, alias Bruscambille, alias Des Lauriers (1575-1634),
comédien de l’Hôtel de Bourgogne.


Attention ! le brigadier va frapper, la pièce va se jouer, ce sera une bringue à tout casser avec Brighella et ses acolytes acoquinés…

Bateleurs et charlatans sur la place Saint-Marc, mime et pantomime,
batellerie et tours de passe-passe.

12273273662?profile=original Giacomo Franco (1550-1620)

Farces et sotties à Paris, momeries à Venise.

Viens voir les comédiens, voir les musiciens, voir les magiciens…
12273274065?profile=originalAvec Maître Mondor et Tabarin (Philippe et Antoine Girard, dits),
pour lesquels les larmes « defchargent grandement le cerveau », acteurs et
marchands d’orviétan pour ceux qui avaient mauvaise mine place Dauphine (1622).

Accueillons le sieur Cabotin, saltimbanque et bonimenteur itinérant :


« Cabotin ne peut vivre au monde
Sans faire rire & plaifanter,
En tant de fecrets il abonde
Qu’on eft contrainct de l’efcouter. »


Et devisons gaîment…


« Il y a deux espèces de convives, ceux du dîner et ceux du souper ;
ceux du dîner sont souvent, presque toujours, des personnes sérieuses, âgées, des obligations, des ennuyeux.
Mais le souper, c’est différent ; il faut des qualités très difficile à réunir,
dont la plus indispensable est l’esprit.
… Là, seulement, on cause. »,

                                                         Henriette Louise de Waldner de Freundstein,
                                                baronne d’Oberkirch, excusez du peu (1754-1803)


Et n’oublions pas, précise Alain (1868-1951), que « Le rire est le propre de l’homme, car l’esprit s’y délivre des apparences », et « châtie certains défauts », ajouterait Henri Bergson (1859-1941), c’est « la seule cure contre la vanité. » En liminaire, voilà des propos de table bien réjouissants, mais poursuivons notre peinture des mœurs al dente.

« Qu’est-ce que le rire, sinon un reflet du ravissement de l’âme »,
                                       Dante Alighieri (1265-1321 ; Le Banquet ou Il Convivio)

12273274286?profile=originalScène de banquet
Niccolò Soggi (att. à ; 1480-1552)
Huile sur bois (abbaye de Chaalis, Oise)
Au son d’une trompette bien embouchée, becs fins, ne faites pas la fine bouche.

      Peindre le boire et le manger, les jeux de l’amour ou du hasard, soit, ces thèmes sont récurrents. Mais peindre le rire, l’ironie, voire le sarcasme (« La meilleure philosophie, relativement au monde, est d’allier à son égard le sarcasme de la gaieté avec l’indulgence du mépris. », Chamfort, 1740-1794), pour le provoquer, voilà qui n’est pas banal et vaut qu’on s’en paye une bonne tranche. Car, si « rire de tout ce qui se fait ou se dit est d’un sot ; rire de rien est d’un imbécile. », Erasme (1466/67-1536).
Burlesque (de l’Italien burla, plaisanterie), grotesque, bizarrerie, parodie… enrichissent, quoi qu’il en soit, le vocabulaire pictural. Attendu qu’il est manifeste que toutes ces toiles sont faites pour provoquer.


       Provoquer la parole. Leur cadrage serré autour de plusieurs personnages qui vous invitent à participer, à entrer dans la danse. La table est mise, les festivités vont commencer, les langues se délier, les traits d’esprit fuser, avec ces…


« Frisques, gualliers*, joyeux, plaisants, mignons,
En général tous gentils compagnons. »
                                                                              François Rabelais (1494 ?-1553)


* Gaillards et lurons.

12273274677?profile=original Joyeuse compagnie
(ou Banquet caricatural, ca 1575)
Bartolomeo Passerotti (1529-1592)
Collection particulière
« Grande tétine, longue tétasse
Tétin, dois-je dire besace ? »,
                                                                                       Clément Marot (1496-1544)
Doit-on ne voir dans cette œuvre que paillards braillards
ou une charge contre le vice à caractère moralisant ?
Au premier plan (légèrement hors champ) des allusions explicites (gousse d’ail, saucisse sèche, figue ouverte) pourraient a contrario le laisser penser.
De même les têtes de Maures, hallucinées et langues pendantes.
Cela reste malgré tout du côté obscur de la farce,
comme cette maxime de Joseph Delteil,
lauréat en 1925 du prix Femina :
« Tâte ta saucisse à la Sainte-Agathe
Et ton saucisson à Pâques fleuries. »
Comprenne qui voudra.
Quoi qu’il en soit,
« Tétin qui porte tesmoignage
Du demeurant du personnage. », 

  Marot
12273275061?profile=originalScapin (Jacques Callot, 1592-1635)

12273275074?profile=originalMusiciens ambulants
Bernardo Strozzi (1581-1644)
Chalumeau, flute à bec et musette. Mazette, il semble qu’il Cappuccino Genovese, comme on surnommait Strozzi, manie encore l’art de l’équivoque. Musique et lecture profanes peut-être, que parait partager l’auditeur hagard derrière la flutiste. Honni soit qui mâle y pense,
mais interloqué lorsque j’apprends qu’à Venise une putte était une vierge,
une jeune fille, orpheline des ospedali, destinée au chœur de l’église ! Que les scuele piccole étaient des confraternités consacrées à la charité,
aux exercices de piété, commandant à l’occasion des œuvres d’art !

12273275099?profile=originalLe joyeux violoniste
Gerrit van Honthorst (1590-1656)
Un tronie (portrait) plein d’ironie, où Gherardo delle Notti, comme on l’appelait en Italie, montre que le musicien porte autant d’intérêt au vin qu’à la musique de l’âme.

      Provoquer l’hilarité, tant du hobereau que celle du maraud en maraude, de la grosse rigolade au rire sous cape, selon affinités.
Derrière le rictus ou le masque du carnaval, les barrières sociales sont abolies. De la complicité nait le rire - quitte à s’attirer le courroux des pisse-froid -, la franche camaraderie, le laisser-faire et le laisser-aller, même si ce n’est pas une valse, on s'offre encore le temps de s'offrir des détours du côté de l'amour.


« Et je veux qu'on rie
Je veux qu'on danse
Je veux qu'on s'amuse comme des fous
Je veux qu'on rie
Je veux qu'on danse
Quand c'est qu'on me mettra dans le trou. »,
                                                                                          Jacques Brel (1929-1978)

En attendant, nous ne sommes pas de bois, portons un toast, pour « ce que rire est le propre de l’homme », car :


« Jamais homme noble ne hait le bon vin : c’est apophtegme monacal. »,
                                                                                                                      Rabelais


Ce à quoi semble répondre, quatre siècles plus tard, l’abbé Noël Chabot (1869-1943) :


« Au seul vin de Monbazillac
Tu te cuiteras crânement. »


En chœur, mes verts coquins, reprenons l’hymne des épicuriens.


« Lever matin n’est point bon heur
Boire matin est le meilleur. »,
                                                                                                                      Rabelais


L’abbé Chabot fermant le ban d’un sermon qui sera repris en canon :


« Frères, si vous voulez monter au Paradis
Et obtenir de Dieu le sublime pardon,
Comme Jésus en vérité je vous le dis :
Venez de mon vin blanc vider quelques ballons. »

      Provoquer l’ordre moral dominant et l’autorité religieuse. De nombreuses allusions sexuelles ou scatologiques parsèment ces tableaux, bravant autant la curie que les bien-pensants, aguichant le spectateur. Le rire déclenchant l’ire du vertueux comme du monsignore chargé de veiller à la bonne tenue de ses ouailles selon la Règle de Saint Basile, pour qui Jésus lui-même n’a jamais ri. Allez, curé, je t’aimais bien tu sais.
Mais quand il s’agissait d’aller à confesse, ce n’est assurément pas à s’agenouiller derrière la grille du confessionnal que ces gaillards pensaient, mais plutôt à la gueuse qui les attendait derrière les murs du bâtiment dédié au Seigneur, n’en déplaise à leur directeur de conscience.

« Mes beaux pères religieux
Vous dînez pour un grand merci ;
Ô gens heureux ! Ô demi-dieux !
Plût à Dieu que je fusse ainsi !
Comme vous, vivrais sans souci ;
Car le vœu que l’argent vous ôte,
Il est clair qu’il défend aussi
Que vous ne payiez jamais votre hôte. »
                                                                                           Victor Brodeau ( ?-1540)

Et quand le diable vous invite, il faut venir avec une longue cuillère, quand bien même on ne craint pas de manger le lard en Carême.

12273275679?profile=originalLe Satyre chez le paysan
Jacob Jordaens (1593-1678)

12273275700?profile=originalMichel Lansardière (texte et photos)

Les pitres s’offriront un dernier tour de piste avec un nouveau chapitre consacré à ce genre pictural si particulier.
En attendant, vous pouvez retrouver ici :
Frangipane et autres menus plaisirs (Niccolò Frangipane) :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/frangipane-et-autres-...

Campi, à l’italienne (Vicenzo Campi, 1ère partie) :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/campi-l-italienne-1-r...

Campi, à l’italienne (Vicenzo Campi, 2e partie) :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/campi-l-italienne-2e-...

Passerotti et autres mets délicats (Bartolomeo Passerotti, 1ère partie) :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/passerotti-et-autres-mets-d-licats-r-ts-fromage-et-dessert-1-re

Le rire dans l'art et l'art d'en rire (discours et fantaisies de fin de banquet) :

https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/le-rire-dans-l-art-et-l-art-d-en-rire-discours-et-fantaisies-de

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Pourquoi j'écris

J’écris
pour tisser les mots
pour ne pas oublier
pour jeter des ponts
j’écris
pour laisser
un fragment de moi
le temps d’un soupir
j’écris
parce que vivre
ne suffit pas

(Martine Rouhart)

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Cancer

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Il faut poser les mots sur les maux
Et crier notre impuissance jusqu’à l’apothéose
D’un mal incurable à qui tu fais la nique
Sans te plier aux dictas de la raison
Tu nous fais porter ce mal
A un rythme infernal
Qui de nos vies ouvre régulièrement le bal
Tic tac,Tic tac,Tic tac Tic tac...
Les aiguilles de l’horloge de ta vie s’emballe
Et entre nous tout se déballe
Ce dédale de nos passés encore présents
Met nos coeurs à genoux et nos âmes en déroute
C’est ta route,pas la mienne
Mais je suis prisonnière de tes choix
TIc,tac,Tic tac,Tic tac,Tic tac
Mon coeur en émoi
Se morcelle encore
Quand pointe ce mot Mortel
Cancer...
Je n’ai même plus de prières
Elles font grèves
Et dans notre petite chaumière
Ce soir tardent à s’éteindre les lumières
Sous nos paupières fatiguées
Nous gardons les yeux encore ouverts
Je suis en colère...

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La rose à la robe pourprée

Le corps, l'esprit, l'âme paisibles,
En éveil, n'ai aucune envie.
Je ne manque pas d'énergie,
À l'instant demeure sensible.

En ce jour, maussade est le temps.
Il ne m'offre qu'indifférence.
Mes plantes semblent en souffrance.
Leur aspect devient attristant.

Récemment étant exaltée,
J'avais accueilli un poème,
Empli d'une ferveur extrême.
De l'une disait la beauté.

Est devenue méconnaissable.
Sans ses attraits et rabougrie,
Péniblement, elle survit.
Est-ce seulement regrettable?

Ma mémoire, qui s'interpose, 
A un pouvoir de transcendance,
Crée de rares correspondances.
Elle me parle d'une rose.

Ier mars 2018

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Cette fois, c’est parti…  Le Marathon littéraire, saison 2018, est sur les starting-blocks.  Au moment où vous lirez cette rubrique, les portes de la Foire du Livre de Bruxelles se seront refermées.  J’imagine que l’évènement restera marqué dans ma mémoire puisqu’une rencontre est prévue avec les papes du fantastique « Frederick Lyvens » et son cicérone « Graham Masterton »,  brrr, préparons-nous à trembler. 

Si le 3 et 4 mars prochain vous désirez célébrer « Les femmes », vous pourrez me retrouver au Salon « Elles se livrent » ou j’aurai le plaisir d’interviewer en public quelques auteurs de chez nous.  Et pour l’occasion, si vous veniez à Braine-l'Alleud, vous y serez agréablement reçu.  De grandes plumes seront présentes et accessibles en toute simplicité.  L'évènement vous plongera au cœur du thème de l’année : La Namibie.  J’y serai présent avec le studio RCF. 

Si vous passez me voir, vous recevrez peut-être l’un de nos cadeaux en vous présentant avec cet article.12273275470?profile=original

Sans reprendre notre souffle, un bon de 1200 kilomètres vers le sud de la France.  Souvenez-vous, en 2017 les auteurs belges s’étaient remarqués au Salon International du livre de Mazamet. Six écrivains en provenance de notre terroir avaient fait le déplacement et Patricia Fontaine se voyait couronnée par le Prix Roman tandis que Perrine Peeters était nominée au même prix.  J’avoue qu’en qualité de témoin de l’évènement j’en avais été particulièrement ému et, disons-le sans détour, fier des plumes de nos régions.  En 2019, si mes renseignements sont exacts, la Belgique sera à nouveau joliment représentée et d’après mes sources, leurs écrits ne sont pas passés inaperçus…  Surprise, je vous réserve la primeur du palmarès 2018 puisque j'y serai présent comme dans de nombreuses manifestations littéraires.

Petit saut sur Carcassonne pour rejoindre les estivales de Malepere.  L’évènement se déroule sur une semaine, invitant conférenciers et scientifiques à présenter les fondements de la science.  L’humain y retrouve sa place, et comme attendu, les sciences humaines font partie des débats.  Une semaine enivrante pour l’esprit et clôturée par un Salon du Livre des plus intéressants.

Les incontournables que je me permettrai de vous citer dans le désordre.  Montcuq en Quercy, qui côtoie le marché du dimanche organisé par l’artiste Stéphane Ternoise.  Rocamadour et sa "Truffière aux livres" que je vous recommande chaleureusement en vous invitant à y inclure une journée touristique pour visiter la cité.

Le Salon du livre de Rocamadour se déroule en plein air, sous les chênes, généralement le premier dimanche de septembre.  C’est chaleureux et l’ombre de la cité médiévale offre un cachet unique en son genre.  J’aime ce Salon, je l’aime pour la simplicité des organisateurs et ce « je ne sais quoi » qui ouvre les portes à des rencontres inattendues.

Mon Dieu, j’allais oublier le coup de cœur, le Salon du livre de Buzet sur Baïse…  Coup de cœur ?  Oui certainement, car, pour sa première édition en 2017, les organisateurs se sont permis de mélanger les genres en offrant deux soirées cinématographiques suivies chaque fois par un débat.  C’était l’occasion de saluer Joseph JOFFO et l’incontournable Chantal Figuera Levy

Je ne vous essoufflerai pas en citant toutes les manifestations littéraires dans lesquelles nous serons présents.  Départ depuis la Belgique, arrêt sur la France, petit bon vers Genève pour revenir en France, participer au Salon de la Province qui se déroule à Genval avant de clôturer l’année par Charleroi et enfin Mon’s Livre que je salue et qui porte mon admiration.  Le Canada ?  Hm hm, c’est encore un secret et bientôt, pourquoi pas, petit détour par l’Afrique.

Un Marathon, je vous l’avais bien écrit, mais en votre compagnie, ce n’est que du bonheur.

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Elle s’en vient à l’orée de la nuit, funambule ;

 

sa robe blanche quitte enfin ses limites.

 

La fraîcheur de sa chevelure dans ces ciels égarés ;

 

Aux yeux de certains, comme dans un long sommeil,

 

nous vivions alors sous sa protection.

 

Nos lèvres pouvaient la toucher,

 

ses flocons projetés par le vent

 

contre le visage. Et le son des pas

 

sur son manteau silencieux.

 

Lorsque nous arrivions à la lisière de la forêt,

 

accompagnés de certitudes et de doutes,

 

nous passions notre chemin, ici-même,

 

en composant cette chanson.

 

Julien Boulier        le 01 mars 2018

poème déposé Sacem code oeuvre  3435338611

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L’Homme qui voulait être Poète

Il lisait toujours. Ses plus beaux moments avaient trait à la lecture, à l’écriture, dans une communion extraordinaire avec son cher, très cher Ego. Vous ne connaissez pas « Ego » ? Il vous en parlera un autre jour. Peut-être. Il lisait à profusion, fronçant les sourcils, comme s’il peinait à comprendre. Assis, couché, debout, dans la rue ou au bistrot… Il lisait toujours : main gauche il tenait le livre, main droite il tournait les pages.

Il écrivait aussi. Parfois. Des poèmes. Ou n’importe quoi. Il n’aimait pas ce qu’il écrivait. Quelques lignes qu’il trouvait sans imagination, d’une platitude confondante. Ses mains dansaient sur le clavier. Les lettres émergeaient, une à une, voyelles, consonnes, voyelles, consonnes, s’ordonnaient pour dessiner les mots, inattendus, capricieux, déroutants…

Il rêvait d’une écriture somptueuse, raffinée, intelligente. Il ambitionnait d’étaler son érudition, son intuition avec un supplément d’ironie et une inflation de métaphores. Mais, toujours, sa déraison le portait à une écriture coupable de poésie.

La poésie, ce rendez-vous manqué, ce chemin de cendres, son accalmie entre deux tempêtes, son bourdonnement de plaisir, hantait ses rides. De sacrifices en éclaboussures, au cœur de la nuit, il rangeait ses peines dans ce continent sans cesse inexploré, pour les retrouver, au petit matin, appauvries dans l’éclat du jour. Et, dans cet espace de lumière, il relisait ses cogitations nocturnes. L’autre nom du rêve.

Dans la moiteur de l’été
Un keyaki effleure le ciel
Là sont les grands oiseaux
Dans ces rafales de feuillages
Saurons-nous enfin ce qu’ils nous crient ?

Keyaki : Arbre monoïque, 20 à 25 m. Un des plus beaux arbres à feuillage caduc du Japon.

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Electre de Sophocle à Richard Strauss

Electre est le sujet de ma nouvelle série inspirée par l'opéra éponyme de Richard Strauss dans la mise en scène de Patrice Chéreau pour le festival d’Aix en Provence . Je reviendrai plus loin sur cet opéra et ce spectacle. Tout d'abord allons à la source qui a inspiré Hugo von Hofmannsthal le librettiste de l'opéra de Strauss.

Le thème de l'Électre de Sophocle qui se rapporte aux légendes troyennes, est celui-là même qui fut traité par Eschyle dans ses Choéphores à la différence notable que c' est Electre qui est au cœur de l'intrigue et non son frère Oreste.

Sophocle n'est pas le seul à avoir écrit sur le thème d'Électre. La richesse des légendes grecques a été une source inépuisable d'inspiration pour les Tragiques. Ils ont proposé chacun de leur côté leur propre version de tel ou tel mythe: par exemple, Eschyle et Euripide avaient écrit un Œdipe, perdu, comme, malheureusement, la plus grande partie de la production des poètes tragiques. S'agissant d'Électre, Eschyle et Euripide en ont fait le thème central d'une de leurs pièces, que nous possédons encore, ce qui permet de comparer, texte à l'appui, les différences de traitement, tant du point de vue de la psychologie des personnages que des modifications opérées dans le mythe.

Dans ses conférences sur l'art et la littérature dramatiques, Schlegel a fait une comparaison entre les femmes endeuillées imaginées par Eschyle et l'Électre de Sophocle. Il montre qu'Eschyle a traité l'aspect le plus sombre de l'histoire, évoquant en détails les divinités terribles de la vengeance, les Érinyes. Sophocle, tout en n'oubliant pas cet aspect, raconte l'histoire avec infiniment moins de cruauté, en focalisant l'attention sur la seule Électre, sa constance dans l'adhésion à ses convictions profondes, et son héroïsme dans la souffrance.

« Ce qui caractérise particulièrement la tragédie de Sophocle est le peu d'influence qu'ont les dieux dans cet environnement pour le moins effrayant. En fait, la fleur de la vie et la jeunesse imprègne tout le décor. Apollon, le dieu-soleil, semble jeter son éclat partout ; même le point du jour avec lequel la pièce débute est tout à fait significatif. Le monde des tombes et des ombres est gardé à distance ; ce qui dans Eschyle est inspiré par l'âme de l'homme assassiné vient ici du cœur d'Électre vivant, qui se livre à l'amour autant qu'à la haine avec une force égale. »

Sophocle donne à Oreste une individualité plus cohérente qu'Eschyle. Avant, ou après le meurtre, Oreste ne montre jamais la moindre hésitation. Aucun scrupule de conscience ne le ronge. Il est beaucoup plus inflexible que l'Oreste peint par Eschyle comme le prouve la mise en scène macabre auquel il se livre avec le cadavre de sa mère avant de tuer Égisthe. Mais c'est dans le rêve de Clytemnestre qu'apparait le mieux le traitement différent des deux tragédiens. Celui d'Eschyle, terrifiant, intimidant au possible, est au cœur même de l'intrigue, alors que le rêve évoqué par Sophocle est, certes, majestueux dans son horreur, mais apparaît comme un détail secondaire et peu déterminant. Le surnaturel y est moins intense. Au drame symbolique teinté de mysticisme propre à Eschyle succède donc le drame psychologique sophocléen.

Quant à l'Électre d'Euripide, nous savons, vraisemblablement, qu'elle était contemporaine de celle de Sophocle, sans doute très légèrement postérieure. On l'a datée avec certitude de 413 av. J.-C. ; la pièce de Sophocle daterait, elle, d'environ 415.

Les différences entre les deux Électre sont criantes, même si Sophocle reprend à son compte les nouvelles tendances théâtrales de son époque, marquée par les innovations d'Euripide. Par rapport à Antigone, on constate une plus grande importance de l'action et une peinture plus expressionniste des personnages centraux. Cependant, dans Électre, si Sophocle offre grandeur et noblesse à son héroïne, Euripide, lui, fait le portrait d'une femme, certes résolue, mais plus trouble, plus cruelle, et moins digne. Le traitement euripidien tend à exacerber le côté passionnel de l'Atride, ce qui est bien dans sa manière. Quant à Oreste, il apparaît plus indolent, plus hésitant que le personnage créé par Sophocle. Inversement, la Clytemnestre d'Euripide est plus humaine, plus touchante, plus ambiguë que celle de Sophocle, qui apparaît sous le jour d'une femme très minérale, que nul sentiment ne trouble, et qui va même jusqu'à se réjouir de la mort de son propre fils. Chrysothémis est une pure invention de Sophocle : à travers elle, le poète renouvelle la confrontation entre deux sœurs comme dans Antigone, où Ismène, bien qu'alliée à sa sœur, montrait une personnalité plus souple qu'Antigone. Dans Électre, Sophocle radicalise les positions, au point que Chrysothémis devient la symbole de la mollesse, de la complaisance, voire de la compromission au pouvoir, choses qu'Électre ne peut supporter.

Adepte du « tout ou rien », inconsolable absolue, Électre vue par Sophocle est l'une des personnalités les plus fortes de tout le répertoire tragique grec. On peut la comparer avec l'Antigone du même auteur dans la fermeté des convictions et le courage sans limite. Mais Antigone agit dans le sens de l'amour. Électre tourne ses regards vers le « côté obscur », avec une seule finalité, une obsession même, qui tient de la pathologie : venger son père et se débarrasser de meurtriers impies doublés de tyrans odieux. Une autre différence notable avec Antigone, sa rage continuelle, ses éruptions verbales, voire sa morbidité, qui n'ont rien à voir avec le calme, la « force tranquille » de l'héroïne thébaine qui marche au supplice avec une fière résignation.

Toutefois, Électre a en commun avec Antigone la certitude d'être dans son bon droit, et elle n'éprouve visiblement aucun remords à réaliser avec Oreste son plan terrible, contrairement à l'Électre d'Euripide, un moment désarçonnée par l'horreur de son acte. Le meurtre d'Égisthe et de Clytemnestre ne semble pas avoir beaucoup choqué Sophocle, au point que sa tragédie exclut toute idée d'une vengeance divine, normalement consécutive à tout matricide. En effet, chez Eschyle et Euripide, les Érinyes, déesses de la vengeance, interviennent aussitôt l'assassinat perpétré. Dans les Euménides d'Eschyle, dernier volet de l'Orestie, Oreste devra procéder, non sans difficulté, à sa purification. De tout cela, nulle trace chez Sophocle, qui termine la pièce sur la fin de la malédiction des Atrides que ce meurtre, que l'on peut qualifier de légitime, a permise. La question d'une quelconque suite à donner à un acte si terrible, aussi lourd de conséquences dans la mentalité grecque, ne se pose même pas. Beaucoup d'auteurs antiques et même contemporains se sont d'ailleurs sentis troublés par une fin aussi brutale. D'aucuns y ont vu une justification tous azimuts de l'assassinat politique dans des circonstances particulières, comme Antoine Vitez dans sa mise en scène d'Électre en 1971 et 1986, qui a comparé, pour la justifier, la liquidation des deux Atrides avec les assassinats des plus ignobles collaborateurs à la Libération. Ainsi, dans le personnage d'Égisthe revu par Vitez, on reconnaît ouvertement Pierre Laval !

La pièce est remarquablement bien construite, avec une progression d'une grande intensité. La subtilité du ressort dramatique y est même supérieure à celle de l'Œdipe. De par ces qualités, Électre fut la tragédie la plus admirée par les érudits dès l'époque hellénistique.

Plus près de nous, l'œuvre a inspiré à Voltaire une pièce assez faible, puis au XXe siècle, Giraudoux et Hofmannsthal, dont le drame fournit la matière du livret de l'opéra le plus ambitieux et le plus noir de Richard Strauss, en 1909.

Avant de devenir un opéra emblématique de la modernité, Elektra est une pièce de théâtre de Hugo von Hofmannsthal. Comme Arthur Rimbaud, Hofmannsthal est un poète prodige qui a renoncé très tôt à la poésie, mais en continuant une carrière littéraire qu’il partagea essentiellement entre le théâtre et ses activités de librettiste. C’est au Deutsches Theater de Berlin, en octobre 1903, que Richard Strauss découvre la tragédie de Hofmannsthal, Elektra. Le point de départ d’Elektra sera donc identique à celui de Salomé (1905) adaptée de la pièce d’Oscar Wilde que Hofmannsthal avait vue à Berlin dans une production du même Reinhardt avec la même Gertrud Eysoldt… Mais si le musicien est d’emblée attiré par la pièce de Hofmannsthal qui fait écho à ses propres préoccupations artistiques, il hésite encore devant un sujet trop proche de celui de Salomé au moment où il souhaite explorer d’autres domaines. Le 11 mars 1906, le compositeur écrit au dramaturge : 

« Je suis plus passionné que jamais par ‘Elektra’ et j’ai déjà fait quelques coupures pour mon propre usage. La seule question que je n’ai pas encore décidée (…) est de savoir si, immédiatement après ‘Salomé’, j’aurai la force de traiter un sujet aussi semblable par maints aspects avec une entière fraîcheur d’esprit, ou si je ne devrais pas attendre quelques années avant d’approcher ‘Elektra’, jusqu’à ce que j’aie évolué suffisamment loin du style de ‘Salomé’ ».
Le 27 avril, Hofmannsthal, très désireux de travailler avec le musicien, lui répond de manière à dissiper définitivement ses doutes :
« 
Les « ressemblances » avec l’histoire de ‘Salomé’ me paraissent, si l’on y regarde bien, se résumer à rien (…). Le mélange des couleurs dans les deux sujets me paraît tout aussi différent dans leurs composants : dans ‘Salomé’, mieux vaut parler de mauve et de violet, l’atmosphère est torride ; dans ‘Elektra’, c’est au contraire le mélange de lumière et de nuit, d’obscurité et d’éclat (…) Mieux, la séquence, qui va rapidement crescendo, des événements relatifs à Oreste et à son acte (…) je peux (l’) imaginer bien plus forte quand elle est mise en musique qu’avec des mots écrits »



Sommet absolu de la tragédie lyrique, inspirée de la tragédie de Sophocle, Electre, associe une musique d’une grande audace et le crescendo d’une intrigue, d’une violence dramatique jusque-là inégalée. On reprocha souvent à Strauss ses excès d’orchestration. Ainsi, le rôle d’Electre, par la présence des tourments hystériques qu’il  commande, est l’un des plus éprouvants et exigeants du répertoire lyrique. Malgré un accueil réservé, insensiblement, l’opéra, dont le monologue final et la danse infernale d’Electre restent l’épicentre mélodramatique de l’ouvrage, fit la conquête des plus grandes scènes lyriques à travers le monde.

Avant d aller plus loin voici un résumé de l'ouvrage.

Electre, inconsolable, tout entière absorbée par le désir de venger la mort d'Agamemnon son père assassiné par sa mère Clytemnestre et son beau-père Egisthe pleure. Chassée du palais par Clytemnestre en proie à de terribles cauchemars prémonitoires, l’intransigeante Electre tente en vain d’obtenir l’aide de sa sœur Chrysothémis qui lui refuse. Cette dernière la met en garde contre Clytemnestre et Egisthe qui veulent l’enfermer. Electre espère aussi le retour de son frère Oreste , exilé loin du palais quand il était enfant. Seul son retour pourrait permettre d’accomplir enfin le châtiment des deux meurtriers du valeureux Agamemnon. Un mystérieux étranger arrive, qui n’est autre qu’Oreste dont on avait annoncé la mort. Il est venu  pour seconder sa sœur dans son implacable soif de vengeance.

La rencontre d’Electre et de sa mère révèle toute la haine et le ressentiment que se vouent les deux femmes, et combien Electre veut la voir mourir sous les coups de son frère. Après le départ de Clytemnestre, Chrysothémis vient annoncer à sa soeur la mort d’Oreste. Electre plonge alors dans un profond désarroi. Or l’un des deux étrangers porteurs de l’affreuse nouvelle n’est autre qu’Oreste lui-même, qui s’est fait passer pour mort afin de s’introduire au palais pour venger son père. La scène des retrouvailles, laisse paraître toute la tendresse et l’amour d’une sœur envers son frère. Oreste part accomplir Le châtiment. Le cri de Clytemnestre, suivi par le hurlement d’Egiste, confirment le double meurtre.  Electre, toute à sa joie, s’adonne à une danse frénétique avant de s’effondrer sans vie, laissant sa sœur désespérée et son frère silencieux.



Allons plus loin.



Opéra hors norme dont on a souligné à l’envie la démesure et l’éblouissante fulgurance, Elektra se déroule en un seul acte d’une tension extrême, centré autour d’une héroïne dévorée par une soif de vengeance obsessionnelle. L' orchestre porte jusqu’aux limites du langage tonal un drame qui puise sa part de ténèbres et de démence dans une antiquité primitive marquée par une sauvagerie troublante. Cette adaptation du mythe d’Electre, contemporaine des recherches freudiennes sur l’hystérie, offre une conception nouvelle des personnages requerant un langage musical dont la règle principale semble l’excès.

Romain Rolland écrit dans une lettre à Strauss datant de 1909 l’année de la création d’Elektra: « On est enveloppé et balayé d’un bout à l’autre par une force tragique. Plus qu’aucune autre de vos œuvres, celle-ci s’imposera à tous les théâtres du monde». C’est cette «force tragique» à la violence inédite qui induit une conception moderniste sollicitant toutes les ressources vocales de chanteurs menés aux limites de l’expression musicale.

La création d’Elektra eut lieu à l’Opéra Royal de Dresde le 25 janvier 1909. On peut parler d’un « succès d’estime » comme le note Strauss lui-même. Bien qu’il ait été repris sur de grandes scènes internationales dans les mois suivants, l’ouvrage était bien trop en avance sur son temps pour rencontrer un véritable triomphe.

Pour rendre l’atmosphère chargée d’agressivité et de démence qui caractérise cet opéra de la vengeance, Strauss fait se déchaîner un orchestre qui dresse une véritable barrière sonore, réclamant des chanteurs aux capacités exceptionnelles.

Dès les premières mesures de l’opéra, l’extrême violence de l’écriture rappelle certaines pages de Wagner. Une sorte de chaos orchestral traduit le chaos intérieur des protagonistes. Mais Strauss va encore plus loin. Il n'hésite pas à utiliser des procédés nouveaux, il s’engage résolument dans la recherche d’un « primitivisme musical » chargé de donner vie à un monde légendaire archaïque, au sens propre du terme, c’est-à-dire originel. Nous entrons avec Elektra dans l’univers de La Naissance de la Tragédie (1872) que Nietzche dédia à Richard Wagner. Nous retrouvons l’ivresse de Dionysos, l’impact foudroyant d’un mythe des origines, très loin de la sérénité apollinienne de la Grèce, modèle du classicisme. Elektra semble annoncer les déchaînements et les pulsations d’un rituel sauvage et primitif dont les rythmes inouïs et obsédants se feront entendre dans Le Sacre du Printemps (1913) de Stravinsky.

« Une force tragique »

Elektra s’ouvre abruptement. En guise d’ouverture s’impose un thème évoquant d’emblée Agamemnon, le héros qui à son retour de la guerre de Troie a été traîtreusement assassiné par son épouse et l’amant de celle-ci, Egisthe. L’auditeur est brutalement arraché au réel pour être emporté par «une force tragique» exceptionnelle pour un peu plus d’une heure et demie, jusqu’à ce que le vertige de la vengeance enfin accomplie submerge l’héroïne qui meurt dans les transes d’une danse sauvage et extatique. Elektra plonge ses racines dans la sanglante histoire d’une famille maudite, celle des Atrides qui régna sur une Mycènes légendaire, fascinante et inquiétante, symbole de la barbarie des temps immémoriaux. Richard Strauss, est attiré par cette Grèce des premiers âges mise en pleine lumière par le célèbre archéologue Heinrich Schliemann. Dans une Mycènes, « mélange de lumière et de nuit », Strauss et Hofmannsthal installent leur ouvrage commun. Les indications scéniques laissées par Hofmannsthal pour la représentation de sa pièce de théâtre étaient déjà sans ambiguïté. Elles éclairent aussi les enjeux de l’opéra où elles trouvent un prolongement aussi bien dans la construction du livret que dans les affrontements entre personnages :

« Le décor ne comporte absolument aucune de ces colonnes, de ces larges marches d’escalier, de toutes ces banalités antiquisantes qui sont plus propres à refroidir le spectateur qu’à agir sur lui de manière suggestive. Les caractéristiques du décor sont l’exiguïté, l’absence de possibilité de s’enfuir, l’impression d’enfermement(…) La grande cime d’un figuier (…) permettant de recouvrir la scène de bandes d’un noir profond et de taches rouges (…) Et l’on voit briller sur le mur ainsi que sur le sol de larges taches de sang ».

Comme je l'écrivais plus haut, on retrouve les principaux éléments de la légende des Atrides dans les poèmes homériques, puis chez les trois grands auteurs tragiques que sont Eschyle, Sophocle et Euripide. Hofmannsthal a privilégié la perspective retenue par Sophocle qui construit son drame autour d’une Electre animée par un inflexible désir de vengeance contrastant avec le droit à l’oubli que revendique sa sœur Chrysothémis. Comme l’Electre de Sophocle, celle de Hofmannsthal vit uniquement dans l’attente du retour de son frère Oreste, le seul  qui puisse accomplir son implacable volonté : venger le meurtre de son père Agamemnon en tuant ses meurtriers. Richard Strauss avait quant à lui une idée très précise du personnage d’Oreste auquel Hofmannsthal dut apporter quelques modifications à la demande expresse du musicien. Pour donner plus d’intensité au moment crucial où la sœur reconnaît son frère dont on vient faussement d’annoncer la mort, Strauss demande à son librettiste d’ajouter «quelques beaux vers». Cette scène de la reconnaissance entre les deux enfants de Clytemnestre et d’Agamemnon constitue un des sommets de l’ouvrage. Elle «touche au sublime du cœur» ainsi que l’écrivait Romain Rolland. Mais si Oreste apparaît comme la main du destin, sa présence n’égale pas celle des trois femmes dont la confrontation détermine le déroulement implacable du drame. Electre, Clytemnestre, sa mère meurtrière, et Chrysothémis, sa sœur trop humaine, dominent véritablement l’opéra.

Une histoire de femmes

L’opéra de Strauss comporte trois grands rôles féminins . Trois femmes unies par les liens du sang s’affrontent dans un grand déchaînement de violence sans pouvoir se comprendre. La mère et les deux filles sont à jamais séparées par le sang de l’époux assassiné, qui reste pour Electre un père dont l’absence est irremplaçable, tandis qu’il n’est pour Chrysotémis qu’un cruel souvenir à oublier pour tenter de vivre.

Rendue inflexible jusqu’à la sauvagerie par son obsessionnelle soif de vengeance, le personnage d’Electre semble d’ailleurs s’apparenter à l’un des cas cliniques décrits par Sigmund Freud et son collègue Josef Breuer dans les Etudes sur l’Hystérie qu’ils publièrent à Vienne en 1895. C’est en tout cas un des rôles les plus écrasants de tout le répertoire lyrique.  Electre fait sa première apparition sur scène d’une façon tout à fait saisissante dans un premier monologue. Elle sort de sa tanière comme chaque jour à son heure, « l’heure où elle pleure son père si fort que de ses hurlements tous les murs retentissent ». Sur un rythme de marche funèbre, la fille évoque le supplice du père dont elle invoque plusieurs fois le nom dans un appel déchirant qui scande son chant. A la fin de son monologue comme au début, retentira encore comme un cri le nom d’Agamemnon. Electre est aussi cette fille aimante qui implore son père avec la faiblesse de la tendresse : « Agamemnon !  Père! Je veux te voir, ne me laisse pas seule aujourd’hui ! Telle une ombre, montre-toi à ta fille là-bas, dans le recoin du mur, comme hier ! ». A cette douceur succède bientôt la violence des imprécations et la joie sauvage à l’idée de la vengeance qui va s’accomplir : « Ton fils Oreste et tes deux filles, nous trois quand tout sera accompli (…) Nous, qui sommes ton sang, nous danserons autour de ta tombe ». A la fin de l’opéra Electre sera emportée dans une transe sauvage, avant de s’écrouler, morte.

A côté d’Electre se tient sa sœur Chrysothémis. Elle ne partage pas la haine de sa sœur, mais craint les conséquences que son intransigeance pourrait avoir. Chrysothémis exprime des sentiments très différents : humaine, attirée par un bonheur maternel simple, elle représente la lumière et la volonté d’apaisement face à l’hystérie d’Electre. Le troisième personnage féminin de l’ouvrage est Clytemnestre, l’effrayante meurtrière hantée par le sentiment de sa culpabilité. Sa première et unique apparition constitue la scène la plus éprouvante de l’ouvrage. Le « visage blême et bouffi », Clytemnestre « littéralement couverte de pierres précieuses et de talismans », les « bras chargés d’anneaux, ses doigts couverts de bagues »,  s’avance à la tête d’un cortège sacrificiel cauchemardesque. La reine en proie aux rêves les plus terrifiants se lance dans un monologue halluciné et glaçant. Véritable décryptage psychanalytique du personnage, ce récit où se mêlent souffrances et obsessions est porté par un orchestre qui épouse tous les méandres d’une âme tourmentée. Tour à tour hautaine, inutilement maternelle ou effrayée, puis déchirée entre la terreur et la colère, Clytemnestre quitte la scène « gavée jusqu’au cou d’une joie sauvage » en se réjouissant trop vite de l’annonce de la mort d’Oreste.

Contemporaine des premières œuvres atonales d’Arnold Schöenberg , Elektra est une des partitions les plus représentatives du début du XXème siècle. On peut rapprocher le langage musical volontairement excessif de Strauss de la sauvagerie du Sacre du Printemps de Stravinsky ou de la musique convulsive d’Erwartung composé par Schöenberg . On peut voir dans l’extraordinaire tension de ces différentes œuvres la marque d’une époque qui allait sombrer dans la sauvagerie et le chaos de la guerre. Quoiqu’il en soit, la perception d’Elektra ne doit pas être faussée par la violence du sujet et du langage musical qu’il appelle. L’écriture vocale parfois proche du cri, l’abus des dissonances et l’audace des harmonies ont pu conduire Gustav Mahler à dire qu’«il ne pouvait plus suivre» Strauss dans une telle évolution. Mais le compositeur ne semble pas chercher systématiquement à «déconstruire» pour construire un langage musical moderne. Il cherche à repousser les limites de la musique pour trouver l’expression la plus adaptée aux émotions extrêmes dont son époque a voulu s’emparer.



En juillet 2013, trois mois avant sa mort, Patrice Chéreau faisait son grand retour au Festival d'Aix-en-Provence dans la mise en scène d'Elektra". C'était six ans après «de la maison des morts» de Janacek

Cette fois, il s'agit de la maison d'un mort. Celle d'Agamemnon

Dès le prologue, silencieux, on sent que Chéreau tient sa tragédie. Les balais des servantes sur les escaliers de pierre, l'eau dispersée sur le sol afin d’empêcher la poussière de voler, sont autant de rituels antiques. La musique entre en coup de vent avec l'ouverture d'une porte. Electre, en haillons, est reléguée dans la cour avec les domestiques, en proie à des visions de mort. Patrice Chéreau lui a donné un côté clocharde céleste. La soprano allemande Evelyn Herlitzius est d'une lumière et d'une grâce confondante. Cette bête fauve et rampante, raillée par les uns, crainte par les autres, ne se dresse plus que dans la douleur de l'imprécation, dans une quête désespérée de l'autre. Luttes et enlacements procèdent de ce combat : qu'Electre embrasse les genoux de sa mère qu'elle veut pourtant détruire qu'elle lutte avec sa sœur Chrysothémis pour la convaincre de tuer avec elle, ou qu'elle enlace amoureusement Oreste reconnu sous les traits du jeune étranger venu annoncer , par ruse, sa propre mort.

Le décor est d'une pureté classique. Une cour bordée de hauts murs lissés avec au fond ce qui ressemble à un grand mihrab, des portes basses, un portail en fer plein . Dans cet espace unique, chaque détail de la mise en scène prend un relief chorégraphique : chœur des servantes, travaillé de manière picturale sur la musique, lumières raffinées , la ronde des regards jamais arrêtée. Patrice Chéreau a donné à la danse, la marque d'Electre, des gestes sinueux, rageurs ou dégingandés jusqu'à la transe. Une fois le destin accompli, Electre restera coite, comme arrêtée.

Corps et voix hallucinés, l'impressionnante Evelyn Herlitzius tient le plateau sous sa coupe de sa voix singulière aux aigus vibrionnant, aux teintes fuligineuses. Loin du monstre d'impudeur si souvent campé, la Clytemnestre de Waltraud Meier est d'une beauté touchante et profondément humaine. Le récit de ses mauvais rêves a gardé quelque chose du songe. La voix est toujours d'un chaud galbe altier. Adrianne Pieczonka, est une Chrysothémis de rêve au timbre charnu, à l'émission pleine, la ligne belle et soutenue. Celle qui veut vivre, se marier, avoir des enfants a quitté l'habituelle petite-bourgeoise conformiste pour une femme de chair, de sang et de tempérament.







Chéreau apporte le mouvement, la vérité des êtres sur le plateau. Il focalise son énergie sur la direction d'acteurs, transfigurant systématiquement la plupart des chanteurs qui auront croisé sa route.

Elektra, chant du cygne qui nous occupe aujourd'hui est la preuve ultime de la démarche de celui qui fut écartelé entre le Théâtre, d'où il venait, et le Cinéma, où il voulait aller. L'Opéra n'aurait-il été pour lui qu'un entre-deux ? C'est à voir…

Artiste aux expressions multiples, humble artisan pétri par le doute, Patrice Chéreau cherche inlassablement ce qu'un personnage de 3.000 ans d'âge peut nous transmettre. Il ne se contente pas de l'autosatisfaction commode dont il se méfie. Il nous laisse aux prises avec l'imaginaire qu'il nous lègue. Ses films, étaient toujours passionnants, rarement aboutis, et l'ultime, Persécution, carrément gênant. D'où l'idée, au bout du compte et à son cœur défendant, que l'Opéra lui aura permis les plus grands accomplissements.






Comme on est loin, avec cette Electre du monstre assoiffé de sang que l'on nous avait vendu et que l'on aurait jamais souhaité croiser au coin d'un bois ! Alors qu'ici, on découvre que l'on a tant à échanger avec elle.











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Reflexion

tout être vivant s'inscrit dans le monde comme être d'action, de proposition, d'anticipation - on oserait dire d'invention ( Alain Cugno )

le dernier mot m'interpelle !

oui écrire est une forme de renaissance , puiser dans le vivier des mots pour libérer sa pensée créatrice..... Rien de plus délectable.

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