Joyeuse compagnie (détail)
(ou Banquet caricatural, ca 1575)
Bartolomeo Passerotti (1529-1592)
« L'Art est le produit de l'intelligence, de la réflexion et du vouloir,
il doit produire chez l'homme un sentiment d'euphorie. »,
Charles De Wit
La gougoutte
Charles De Wit
« Il y a des caricatures plus ressemblantes que des portraits »,
tout l’art consistant à « nous mettre face à la réalité elle-même. »,
Henri Bergson (1859-1941)
Pour faire suite au précédent article, qui se terminait avec ces Quatre personnages riant avec un chat, je repasserais bien le mistigri pour aller voir Margot dégrafant son corsage, mais cette joyeuse compagnie me retient. Et je comprends mieux pourquoi tous les gars étaient là…
Le chat emmailloté
(ou La bouillie du chat)
Entourage de Frangipane, ca 1585
Musée d’Arts, Nantes
On retrouvera cette inspiration chez Jean-Honoré Fragonard (1732-1806), qui nous a laissé un dessin. Son élève, Marguerite Gérard (1761-1837) reprit cette esquisse, mais donna aussi un superbe tableau intitulé « Le déjeuner du chat », exposé à Grasse.
On peut aussi rapprocher cette toile de celle de Jan Miense Molenaer (1609-1668),
Intérieur de cabaret, où un gril sert d’instrument de musique.
Musée d’art et d’histoire de Genève.
Voilà un matou qui semble nous dire à la manière d’Eustorg de Beaulieu (1495-1552) :
« Pour dormir, boire et manger,
Prendre ébat et me soulager,
Je ne crains homme de ma taille. »
On trouve dans cette scène du Chat emmailloté un personnage masqué. Il s’apparente à Pulcinella, Polichinelle, bossu et masqué, le type même de la commedia dell’arte. L’une de ces répliques, en forme de précepte, étant
« Mangeons et buvons jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’huile dans la lampe,
car on ne sait jamais si dans l’au-delà il y aura des lampes,
s’il y aura des tavernes. »
En attendant un hypothétique paradis, pour lequel on donnerait bien sa langue au chat, il convient donc de s’en mettre plein la lampe sans attendre la mi-août pour faire les quatre cents coups. Tout un art de vivre !
Toutefois, à bon chat, bon rat, remarquez l’enfant, au premier plan à droite, qui nous pousse à réfléchir sur cette mascarade qui se joue au-delà du miroir. L’œuvre s’ouvre ainsi sur un autre regard.
Pasquinades et turlupinades. Pasquino, était encore un de ces zannis, valet de comédie, fier-à-bras, impertinent et vorace. Alors qu’en France, Henri Legrand (1587-1637), dit Belleville, côté pile, créa en 1610 sur le modèle italien, le personnage de Turlupin*1, côté farce, l’intrigant, large chapeau et sabre au clair, bretteur railleur se gobergeant de ses moulinets.
Bien d’autres bouffons dérivent, directement ou indirectement, de ce folklore, ici ou ailleurs, citons encore Scaramouche, le Capitan ou Matamore, Paillasse, Cassandre, Pierrot et Colombine, le Gille du Mardi Gras, Punch et Judy, et tutti quanti.
Mardi gras*2, jour charnel, de crêpes et de carnaval… Carême-prenant, derrière un loup, tout est permis.
« En une, en deux, en trois,
Saute Mardi Gras »
Drôle de présentation tout de même que ce Chat emmailloté, où le peintre ironise et paganise. Est-il revenu le temps des lupercales ?
Plus prosaïquement, « si tu ne veux pas de blé charbonneux, mange des crêpes à la Chandeleur. »
Présentation de Jésus au Temple
Andrea Mantegna (1431-1506).
(Photo captée sur le net)
Déjà Andrea Mantegna introduisit une bonne touche d’humour (absent ici),
avec ses facétieux Amours, dans l’oculus de la Chambre des époux
du palais ducal de Mantoue, et un saisissant sens du raccourci.
Sans commenter davantage l’événement…
« Je me contenterai de simplement écrire
Ce que la passion seulement me fait dire,
Sans rechercher ailleurs plus graves arguments. »,
Joachim du Bellay (1522-1560)
C’est donc sans regrets et la plume légère je que poursuis ici ce que j’entrepris dans la première partie, adoncques…
« Mieux est de ris que de larmes écrire
Pour ce que rire est le propre de l’homme. »,
Rabelais
Joueurs de cartes
Anonyme, premier quart du XVIIe s.
Musée de Tessé, Le Mans
« Non pas joueurs de dés, ni de quilles,
Mais de belles farces gentilles. »
Clément Marot (1496-1544)
Un style qui évoque celui des caravagistes d’Utrecht, que l’on retrouve aussi dans les…
Joueurs de cartes (ca 1625)
Jan Lievens (1607-1674)
Collection Leiden, New York
Ou comment le malheur des uns fait le bonheur des autres
et met, la chose est aisée, les rieurs du côté du plus fort.
« Dans le jeu l’amusement n’est pas réciproque :
presque toujours l’un des joueurs s’impatiente et se fâche,
ce qui diminue beaucoup le plaisir de son adversaire. »,
Boccace (1313-1375)
D’ailleurs, « c’est un état d’être joueur »… « On est convenu d’être incorrigible. », Charles de Secondat, dit Montesquieu (1689-1755).
Le tricheur et ses comparses
Charles De Wit
Une autre manière de se mettre à table.
Puissiez-vous avoir souri, car « le sourire est la perfection du rire. », Alain (Emile-Auguste Chartier dit, 1868-1951). Toutefois nous ne quitterons pas la table avant d’avoir goûté à la pièce montée qui nous attend.
Mais, au préalable… Vous reprendrez bien un peu de :
Frangipane et autres menus plaisirs (Niccolò Frangipane) :
https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/frangipane-et-autres-...
Campi, à l’italienne (Vicenzo Campi, 1ère partie) :
https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/campi-l-italienne-1-r...
Campi, à l’italienne (Vicenzo Campi, 2e partie) :
https://artsrtlettres.ning.com/profiles/blogs/campi-l-italienne-2e-partie-coquillages-et-crustac-s?xg_source=activity
Michel Lansardière (texte et photos),
et le compérage de Charles De Wit ! Merci à lui !
*1 Pasquino était le surnom donné à une statue romaine sur laquelle étaient placardés des pamphlets, à l’origine du sarcastique personnage. Les Libre-Esprit, un ordre mendiant créé au XIIe siècle, quant à eux, affublés du surnom de Turlupins, ils furent accusés de turpitudes, d’hérésie, et persécutés au XVIe s. Et moi, pauvre de moi, me mettant à la page, « d’parler comme un turlupin, je ne pense plus ‘merde’, pardi ! Mais je le dis. », Georges Brassens.
*2 En cette année de grâce 2018, Mardi gras sera fêté le 13 février. La fête de la Présentation de Jésus au Temple et de la Purification de Marie, le 2 février, jour de la Chandeleur, résurgence de la festa candelarum dédiée à Cérès et à sa fille Proserpine dans la Rome antique. Les lupercales, fêtes faunesques, étaient, elles, célébrées du 13 au 15 février. Quant à la Saint-Valentin, fête des amoureux, c’est, notez-le, le 14 février.
Banquet final
« Sept convives, repas ; neuf convives, fracas » (proverbe romain).
Que dire alors de treize ?
(photo captée sur le net)