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12273031658?profile=originalMarina, 1884.

Emilio Ocon y Rivas.

Le costumbrisme, né du romantisme et du naturalisme dans un mouvement propre à l'Espagne, une Espagne d'us et coutumes, et même, nous l'avons vu, à l'Andalousie, se déclina en genres "précieux" pour s'éteindre "fin de siècle" avec notamment :

Emilio Ocon y Rivas (1845-1908) et cette "Marine" au style très marqué par Caspar David Friedrich,

jusqu'à cet "Avis de naufrage"

12273031879?profile=originalAmenaza de naufragio, 1894.

de José Navarro Llorens (1867-1927).

Où sont-ils, les marins sombrés dans les nuits noires ?

Ô flots, que vous savez de lugubres histoires !

Flots profonds redoutés des mères à genoux !

Vous vous les racontez en montant les marées,

Et c'est ce qui vous fait ces voix désespérées

Que vous avez le soir quand vous venez vers nous !

Victor Hugo, Oceano Nox.

Pourtant, non seulement ces peintres costumbristes, s'ils sont oubliés, sont loin d'être négligeables mais forment un socle sur lequel le modernisme put croitre, fut-ce en rejet.

"Et puis c'est beau", écrivait Cavanna à propos des "pompiers" vilipendés. "Même si nos sensibilités 'modernes', formées à de nouvelles modes, goûtent moins spontanément les effets de cet art trop 'académiques', trop 'léché', nous sommes néanmoins à même d'en saisir la beauté. Il y a là-dedans des fulgurances qui laissent pantois.

La beauté n'a pas d'époque. Seule la mode en a. Et ce que vénère la mode n'est pas forcément la beauté. Être prêt à être saisi par la beauté d'où qu'elle jaillisse, se laisser aller à elle, s'abandonner, sans se demander si elle est 'in' ou pas... La beauté se savoure seul à seule. Comme l'amour. S'abandonner, sans honte, sans calcul ]...[ faire fi des snobismes, des modes et des idées toutes faites. S'abandonner..."

Et quand la tombe enfin a fermé leur paupière,

Rien ne sait plus vos noms, pas même une humble pierre

Dans l'étroit cimetière où l'écho nous répond.

Id.

12273032681?profile=original(cathédrale de Séville).

Tout passe. - L'art robuste

Seul a l'éternité ;

          Le buste

Survit à la cité.

Théophile Gautier, L'art.

Ils méritaient bien ici d'être réhabilités.

Et, sans peut-être parler d'influence mais plutôt, pour être juste, de réminiscences, on peut trouver leur marque jusque chez Picasso.
Picasso, né à Malaga (où un musée lui est consacré), qui bouleversa l'art du vingtième siècle.

L'ogre a digéré. Mais dans sa "femme à l'éventail", avec cet accessoire indispensable à toute belle Andalouse, ne retrouve-t-on pas la tradition de sa région natale ?

12273033057?profile=originalFemme à l'éventail (Après le bal), 1908 (musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg).

Sur ce coup de poignet, il est temps de nous dire au revoir avec

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cet hommage à Picasso et à ses "Deux femmes courant sur la plage" (Torremolinos, près de Malaga),

12273034080?profile=original

et allons danser la séguedille.

Michel Lansardière (texte et photos).

Note : la plupart des photographies (romantiques, précieux, fin de siècle - Luz andaluz 2., 3. et 4. - et la Santa Marina de Zurbaran - Luz andaluz 1. -) ont été prises au musée Carmen Thyssen à Malaga, Andalousie.

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Une femme pour l'amour.

 

 

 

J’ai tué mon mari parce que je voulais être libre. J’étais âgée de quarante deux ans, nous n’avions pas d’enfants, et je savais que je plaisais aux hommes. Bernard disait en me déshabillant.

- Ils sont nombreux ceux qui voudraient t’avoir dans leur lit. Ou être à ma place dans le tien. Il suffit de les regarder. Même ma présence n’éteint pas l’étincelle que je vois dans leurs yeux.

Il ajoutait en rabattant les bretelles de mon soutien-gorge :

- C’est vrai que tu es…

Il me jetait sur le lit.

Depuis quelques années déjà, son imagination l’excitait davantage que mon corps. Des gestes de pure routine apaisaient son désir. Moi, je retrouvais mes habitudes de jeune fille. Sinon que la honte ne me paralysait plus. Je me suis parfois demandé si ces habitudes nocturnes auxquelles je m’efforçais en vain de résister ne m’avaient pas précipité vers le premier homme qui m’avait dit que j’étais désirable.

De quinze ans mon aîné, il m’avait fait découvrir avec des mots que je n’aurais pas osé répéter, et des gestes qui m’affolaient, toutes les ressources dont disposent les corps. J’aimais faire l’amour.

Deux couples avaient eu un rôle dans cette histoire. Ils étaient les plus proches de nos amis. André et Jeanine Boulin qui étaient enseignants, et Christiane et son mari Hubert qui étaient libraires. Tous étaient en quelque sorte des intellectuels, membres de cercles où il arrivait qu’on débatte de sujets qui faisaient la substance des journaux locaux.

Pas les faits divers qui émeuvent les lecteurs. Des débats envisagés sous l’angle social. Hubert, c’était le patrimoine architectural qui le passionnait.

André et Hubert aimaient me soumettre leurs réflexions. En parlant, ni l’un ni l’autre ne cessait de fixer ma poitrine. La présence de leur épouse ne les retenait pas longtemps. Mais aucun d’entre eux n’aurait osé me complimenter sinon pour mon bon sens.

Je n’ai jamais trompé mon mari. Ni avec André, ni avec Hubert, ni avec qui que ce soit d’autre. Peut être ai-je eu tort ?

- Avec  lequel m’as-tu trompé, ne serait-ce qu’une fois ?

- Tu le sais bien, je ne t’ai jamais trompé.

Bernard me serrait contre lui. Il était heureux de penser que la femme dont il disposait plaisait à d’autres plus que leur propre épouse. Je n’en avais pas beaucoup de mérite. Lors de nos sorties entre femmes, Jeanine et Christiane me dépeignaient en riant les prouesses de leur mari.

J’ai toujours été surprise des propos que des femmes pouvaient tenir entre elles, de ceux dont on dit que ce sont des propos de corps de garde, alors qu’en d’autres circonstances elles faisaient montre de tant de retenue. Elles ne rechignaient pas à décrire des douleurs internes mais ne prononçaient jamais le mot « vagin » devant des hommes même devant les leurs. Devant leur médecin, peut être. Elles disaient : là. A  croire qu’il n’avait qu’une seule fonction.

C’est curieux la manière dont des gens pourtant matures  se regardent vivre. Entre le jour et la nuit, ils élèvent un mur fait de convenances pour le jour, et de secrets dont on ne parle qu’à mi-voix, entre soi, pour la nuit. A l’exception  des gens de la nuit qui ne s’épanouissent qu’à la tombée du jour.

Pourtant ce qui relie vraiment les couples entre eux, je le voyais bien, se passe surtout durant la nuit.  Jusqu’aux  adultères imaginaires.

C’est peu à peu que l’attitude de Bernard avait fini par me le rendre insupportable. Je ne supportais plus sa suffisance, ses gestes de bellâtre lorsqu’il tapotait ses cheveux ou lorsqu’il les dérangeait minutieusement. Surtout la manière dont il soupesait son sexe en me regardant. Et le feu qui m’embrasait le ventre lorsqu’il le faisait. Je souhaitais sa mort.

Le jour de ses funérailles, je me l’étais promis, je mettrais André dans mon lit. Nous n’étions pas nombreux au bord de la tombe. Chez moi, j’avais préparé une collation. Au moment de nous séparer, j’avais retenu André pendant que Jeanine enfilait son manteau.

- Reviens tout l’heure. J’ai peur de rester seul.

Deux heures plus tard, il était revenu et je me suis abandonnée contre son corps en pleurant. Lorsqu’il avait voulu se rhabiller pour rentrer chez lui, je l’avais retenu.

- Ne me laisse pas. J’ai encore envie de toi. Tu verras comme je vais t’aimer.

Le matin, c’est à la pensée des excuses qu’il devrait donner à Jeanine que je me suis réjouie. Il me regardait avec une sorte de fatuité condescendante.

- Je t’appellerai tout à l’heure. Dès que je pourrai.

Il ne m’avait pas demandé si je serais là lorsqu’il m’appellerait. Je suppose que pour lui, cela allait de soi.

Nous étions amants depuis quatre mois. Il accourrait dès qu’il avait la possibilité de se dégager ou d’avancer une excuse plausible devant Jeanine. Sans même me prévenir. Il craignait inconsciemment que  j’aurais pu prétexter d’une raison quelconque pour ne pas le recevoir. Le cœur des femmes est volage. Il pensait que s’il était là, quelque soit la raison, je ne me refuserais pas. Parfois, c’est vrai, j’étais absente.

Lorsque je rentrais chez moi, il était  tout près de la maison. Cinq minutes plus tard, il sonnait mais il n’avait plus le temps de rester.

- Tu veux qu’on aille dans la chambre ?

Il était pâle de désir. Il secouait la tête. Il m’embrassait rapidement, les bras en avant.

- Je suis déjà en retard.

Le retentissement des adultères se répand vite parmi les intéressés. Chez celui ou celle qui se considère comme trompé,  avec une vigueur incontrôlable. Ces pulsions dissimulées acquièrent soudain une importance extraordinaire. Des douleurs naissent, des larmes coulent, des années d’entente conjugale s’achèvent en tragédie. Rien par exemple  n’est plus grave qu’un coït partagé avec une autre femme que la sienne.

Jeanine l’avait appris à Christiane qui l’avait plainte, Christiane en avait parlé à Hubert qui se demandait s’il ne devait pas m’en parler. L’amitié l’y autorisait, pensait-il. J’étais la responsable de ce qui pouvait devenir un drame. Jeanine avait menacé André de le quitter.

André avait répondu :

- Je n’aurai plus à me cacher.

Elle avait beaucoup pleuré m’avait dit André. Il en avait eu pitié. On n’efface pas des années de mariage d’un trait de plume. Ce jour là, il s’était promené dans l’appartement comme si c’était le sien, et le soir, il s’était parfumé avant de se mettre au lit. Il me fit l’amour sans frénésie.

Hubert ne m’en voulait pas d’être la femme par qui le scandale était arrivé. Ce sont les mots qu’il avait utilisés. Il s’était exprimé avec une sorte d’emphase. Il parlait avec hésitation, soucieux du mot juste mais imagé. Du libraire à l’écrivain, il n’y a qu’un pas, disait-il. Leur cible à tous les deux n’est-elle pas la même : le lecteur ?

Il ne m’a pas parlé de Jeanine. C’est pour me parler d’elle cependant qu’il était venu. Il m’avait parlé avec une affectation presque paternelle, puis le ton avait changé.

- Quel homme n’aurait pas profité de l’occasion. Une femme en pleurs qui s’abandonne. Belle et tellement désirable. Plus que désirable. Si, tu le sais bien.  Moi-même, si j’avais été là, je n’aurais pas résisté. Je comprends André. Je te comprends aussi.

Il s’excitait en parlant. Il s’était approché de moi.

- J’ai envie de toi, Cécile.

- Ce n’est pas possible, Hubert.

J’imagine que c’est dès cet instant que l’amitié que se portaient ces deux hommes avait cessé.

- Tu ne peux pas me laisser comme ça !

Je l’ai embrassé sur les joues en le poussant vers la porte. S’il avait insisté, peut être que je l’aurais entrainé vers la chambre à coucher.

Le lendemain, j’ai dit à André qu’Hubert était venu me voir, et qu’il avait tenté de me faire la cour.

- Marions-nous Cécile.

- Mais tu es marié.

- Nous allons divorcer, Jeanine et moi.

- Nous en reparlerons alors. Je n’ai pas envie d’être mariée.

- J’ai besoin de toi, Cécile.

- Tu as envie de moi. Et moi, j’ai envie de toi. Ça tombe bien, non ?

Jeanine maigrissait étrangement. Elle s’éteignait. Elle se laissait aller, me disait-on. Tous ceux qui la connaissaient se rappelaient qu’elle avait toujours été fragile. André ne me parlait plus d’elle. Une seule fois, durant la nuit, il m’avait dit :

- Je veux que tu sois à moi tout entière. Je veux être le seul homme dans ta vie. Tu ne sais pas ce que je suis capable de faire pour toi.

Il remplissait une partie de mes jours, je devrais dire de mes nuits, mais je n’étais pas amoureuse de lui.

Lorsque j’étais en ville, je me doutais qu’il attendait mon retour  dans une encoignure de porte. Cela m’exaspérait. J’avoue qu’il m’est arrivé pendant ce temps de me laisser aborder par un inconnu qui me disait que j’étais belle et, plus directement, qu’il avait envie de moi et que j’avais envie de lui. Et de le suivre dans un hôtel.

Puis, je retrouvais André. Il était de plus en plus avide de nos caresses. Ce n’étaient pas tant elles qui le rendaient fou que la pensée que je pouvais les partager avec un autre.

- Personne ne pourrait jamais t’aimer comme moi.

Jeanine était morte durant la nuit. La femme de ménage l’avait découverte le matin. André ne revint qu’une semaine plus tard. C’était mieux, disait-il. Il n’y a pas de milieu plus convenu que celui des enseignants.

- Il y a beaucoup d’hypocrisie parmi eux.

Un jour, je me suis décidé à revoir Hubert et Christiane. C’était Hubert que je voulais revoir. Je me souvenais de sa frustration la dernière fois que je l’avais vu, de la rage contenue qu’il avait manifestée tandis que je le repoussais. Elle devait dissimuler une ardeur considérable.

Je me suis rendue à la librairie vers la fin de l’après-midi. Christiane était absente. Hubert m’invita à l’attendre pendant que nous prendrions un café dans le petit salon attenant au magasin. A sa surprise, j’ai tiré le rideau, et je l’ai embrassé sur la bouche. Je ne sais pas ce qui serait arrivé si Christiane était entrée.

Désormais, j’avais deux amants. Un pour le jour, un autre pour la nuit. Toute femme devrait avoir deux époux, cela éviterait bien des désordres. Je gardais mes réflexions pour moi.

Peu de temps plus tard, j’ai appris qu’André avait été convoqué par la police judiciaire. Une dénonciation anonyme l’accusait d’avoir empoisonné sa femme. Une autopsie, précisait la dénonciation, le prouverait. Pour que la dénonciation ait eu un effet aussi rapide, c’est, je suppose, qu’elle n’avait pas été tout à fait anonyme. Et, pour que la procédure se poursuive, qu’elle devait émaner d’une personne honorable.

Hubert venait me voir tous les jours. Au lit, il me disait qu’il n’avait jamais été aussi heureux. Il avait enfin découvert l’amour, et comment une femme pouvait lui apprendre ce qu’il n’aurait jamais osé rêver. Etendu sur le dos, il fermait les yeux.

- Tu me le promets, Cécile. Je veux être le seul homme de ta vie.

Depuis qu’André était en prison, il l’était presque devenu. Et plus encore lorsqu’André, avec ses draps, se fit une corde pour se pendre. Ce n’est pas le remord qui l’avait poussé à se pendre. Il avait écrit à mon intention que c’était parce qu’il ne pouvait plus me serrer dans les bras. A l’heure de mourir, il avait utilisé d’autres termes dans sa lettre d’adieu.

J’aimais être aimée, mais je ne comprenais pas la passion qui animait Hubert et qui avait été celle d’André. Les feux de la passion sont brûlants, dit-on, mais ils sont souvent courts. Toute une vie qui se résume à une brève partie de temps dont on ne sait pas comment et pourquoi elle commence, et qui se meurt dans la douleur.

L’attirance des corps n’a rien à voir avec les  images nées de l’imagination. Elle ne nait pas dans le cerveau. Elle est comme l’appétit ou la respiration. Un phénomène plus fort peut être mais à la durée plus courte. Et lié, hélas, à la splendeur ou à la dégradation des corps.

Au bout de peu de temps, Hubert, lui aussi, avait voulu divorcer d’avec sa femme. Il avait le sentiment que cela lui simplifierait la vie. Les hommes sont étranges. Ils tirent un plaisir immense de la complication qui s’est soudain introduite dans leur vie, et ils s’ingénient coûte que coûte à la réduire.

- Marions-nous, Cécile.

Il avoua ce qu’il appelait notre liaison à Christiane. Il se refusait à lui mentir, dit-il. La faire souffrir lui était plus facile à supporter. Peut être y avait-il une pointe de suffisance à dire à la sienne qu’une autre femme appréciait les faveurs de son mari.

- Il vaut mieux nous séparer.

Christiane avait secoué la tête.

- Ne comptes pas sur moi. J’aime mieux mourir.

Lorsque Christiane est morte, Hubert fut mis en prison. 

 

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D'entre les lignes...

Hélène Villars - Photo de berlin---

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Petite histoire de vocables muets écrite d'entre les lignes

Dont aucun ne se peut être traduit qu'entrelacé de signes ;

En cela, errant entre vallons et cimes de douleurs énoncées,

Sauf si de vous écorcher ne craignez n'allez vous y tromper...

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Point ne vous illusionnez de pouvoir y peu (ou pas) comprendre ;

Ni ne vous laissez prendre au fil des mots, croyant surprendre

Aux détours d'angles acérés où, traître, l'obscur glace le jour,

D'illusoires alternatives en surgirs* abrupts de faux retours.

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La plume au fond de l'encrier plonge pour en transcrire la pensée

Sur la page où les songes, par allégories, prolongent l'inné narré.

Ainsi allant, chaque mot dit restera plaie jusqu'au bout de l'infini

Des temps que rien nulle part n'arrête. Ni de sursis ni de répit.

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MandraGaure

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Marchienne-au-Pont / 25.05.2014 

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*D'autorité de poète j'ai usé de l'infinitif "surgir" en valeur substantive.

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Image d'un Blog'Ami :

http://www.mabellephoto.com/photo-art-entre-les-lignes-immeubles-maisons-2dc401.htm

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>Marée<

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Ne cherches pas, ne cherches plus, laisse, oh laisse la marée se retirer loin aux horizons vers où ton regard ne pourra en percevoir encore ni les lignes ni les signes sur les flots s'évadant ni non plus les ressacs, ces flux de l'âme...

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Ne t'arrêtes pas, ne t'arrêtes plus, marche, oh marche jusqu'aux seuils de ta possible destinée et baisse toi vers les sables où traînent les coquillages esseulés sur cette plage désertée que les vagues abandonnaient...

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Ne pleures pas, ne pleures plus, essuie tes yeux, oh essuie les tes yeux trop emplis de larmes et tes paupières si brûlantes, incandescentes des feux de douleurs inexprimées car enfin à qui irais-tu les dire si nul ne t'entend ?...

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Ne crains pas, ne crains plus, ose vivre, oh vivre par toi-même et grandir sans ne demander rien ni ne te retourner ni ne te museler car enfin lequel de ceux qui te jugent, oui qui de ceux-là eut pu résister comme tu le fis, toi ?...

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Ne te retournes pas, ne te retournes plus, avance, oh avance, déterminée, sûre de ton droit d'être, toi, sans plus en doute ne le mettre car il suffit de ces noires marées de sentences et d'inexistence qui te mettaient en danger.

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R_B

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Marchienne-au-Pont / 27.05.2014

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Image d'un Blog'Ami : 

http://vuesdunord.skynetblogs.be/archive/2011/05/25/l-eau-le-sable-la-vase-les-marees-de-frise.html

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En fin de parcours

 

Propos

Aux jeunes attrayants, en beauté

Les vieillards semblent pitoyables.

Ils croient leur état détestable,

Même s'ils ont l'air en santé.

Il est certain qu'en vieillissant,

Chacun fait face à des problèmes;

L'énergie n'étant plus la même.

Un vieux couple est attendrissant.

Ce qui ne nous étonne plus

C'est que de veilles gens détestent

Se mêler et faire la fête

Avec ceux de leur âge ou plus.

D'autres ont encore l'envie de plaire.

Sans complexe d'aucune sorte

Laissent grande ouverte leur porte.

Aucun critère à satisfaire.

Les temps nouveaux offrent des choix

Qui sont nombreux et accessibles.

Désormais rien n'est impossible,

La liberté donne des droits.

26 juin 2014

 

 

 

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UTOPIE.

Partir chercher un autre monde

D'instants parfaits et de mots vrais!

Parmi de bénéfiques ondes

Vivre d'amour, plus de regrets!

De cette loufoque utopie

Veux me nourrir dans le futur

Faire enfin place à tant d'envies

Vivre de clair, non plus d'obscur!

Laisser souffler dans la poussière

Le vent très doux de jours très fous!

Et après coup se sentir fière...

D'avoir vécu, même à genoux!

J.G.

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MIROIR DES APPARENCES

Parce que cet oiseau ce matin à chanté ...comme une attente, un signe  ?  

Cachée par les feuillages

la tourterelle vient seulement chercher une graine

Parce que ce que l'on voit n'est pas ce que l'on perçoit vraiment 

que l'image est tout autre...  simplement

et la projection de notre cinéma intérieur

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Des souvenirs pour vivre

 

J’éprouve soudain le besoin de me souvenir.  C’est dû à l’âge, j’imagine. A quoi me raccrocher sinon aux visages et à l’histoire de ceux qui m’ont connu. Ou de ceux que j’ai connus.

Ils ne sont plus. Ils vivent, dit-on dans la mémoire des autres. Encore faut-il qu’ils vivent encore, eux, les autres.

Minia est le premier nom dont je me souvienne. C’était celui d’une fillette de cinq ans que j’ai rencontrée en Pologne lorsque mes parents m’y ont envoyé pour saluer mes grands-parents.

Je tirais sa natte en riant bêtement. C’était ma cousine. Je l’aurais épousé si elle avait vécu. A l’occasion de son sixième anniversaire sa mère m’avait envoyé sa photo en couleurs,  son nom était imprimé en bleu, un petit rectangle de dix centimètres sur cinq. Je l’ai conservée longtemps dans  mon portefeuille.

Le second, c’est celui de Jeff. Il me servait d’ange gardien à l’école primaire lorsqu’un condisciple me poussait de la main en criant « Fier cul ». Il prétendait que j’étais arrogant alors que je n’étais que  timide.

J’ignore ce qu’il est devenu.

J’ai longtemps conservé une toile de 30 x 30 que m’avait offerte Esteban. Elle représentait un intérieur dont je ne sais plus s’il était flamand ou espagnol.

Esteban était un réfugié qu’une famille amie de la nôtre avait recueilli durant la guerre civile espagnole. Ses parents, ais-je appris par la suite, étaient communistes. La famille qui l’avait recueilli était catholique affichée.

De lui aussi, j’ignore pratiquement tout. Est-il vivant ou est-il mort, je ne l’ai jamais revu.

Un jour, j’ai voulu écrire un livre qui devait répondre à des questions qu’on appelle métaphysiques. Le titre en était  « le chemin de la vie ». Je le reconnais aujourd’hui,  il m’avait été inspiré par « la porte étroite »  d’André Gide. Un éditeur l’avait publié parce que ces livres étaient à la mode à cette époque. Il n’en avait vendu que très peu.

Peu de temps plus tard, il a voulu éditer de petits livres, à l’américaine, dont chacun racontait une histoire haute en couleur à la manière dont les dessinateurs racontent une bande dessinée.

Je lui avais proposé  « le commandant Zorovski »  qui lui avait plu et qui avait eu un succès extraordinaire en l’espace de quelques semaines. J’avoue qu’un ami journaliste à la radio l’avait cité comme étant le prototype de la littérature  des adolescents  de l’époque.

- Il faut creuser cette veine, Pierre.

Il me secouait les épaules en riant.

- Les aventures de commandant Zorovski est un chef d’œuvre. Tu as du génie, il me faut une suite pour la fin du mois.

Je pensais que c’était idiot mais je lui ai écrit en huit jours une nouvelle aventure du commandant  Zorovski.

A la Foire du Livre de Berlin, il en a vendu les droits pour l’Allemagne et l’Italie. Ma carrière était lancée.

C’est Isabelle qui me l’avait conseillé.

- Il faut tenir un journal où tout sera noté.  Des évènements de ta vie qui seront ta matière première, et les livres écrits. Une vraie comptabilité dont je me chargerai.

Elle sourit en me tendant la bouche.

- Enfin, pas tout.

Isabelle était ma maitresse depuis que j’avais rompu avec Louise.  Louise était la femme avec laquelle je vivais à mes débuts. C’est grâce à elle que nous avons mangé en ces temps de vache maigre. Elle disparaissait un jour par semaine, et le lendemain elle ramenait des billets de banque qu’elle étalait sur la table. Elle disait :

- Je vais prendre un bain.

Nous nous sommes séparés après que deux de mes livres dont le héros était Zorovski aient paru.

Isabelle qui était agent littéraire m’avait emmené à une foire, et le soir même, elle s’était introduite dans ma chambre vêtue seulement d’un string de dentelles. Elle faisait l’amour comme Louise ne l’avait jamais fait.

Depuis, tous mes livres eurent du succès et Isabelle notait les tirages dans ce fameux petit livre où on pouvait lire Zorovski – France : I52.000 ex. Italie : 66.000 ex. puis à la ligne suivante Isabelle -Pierre : 2 fois.

Cela nous faisait rire, et parfois…

Isabelle s’occupait de ce qu’on nomme l’ordinaire. Moi, j’écrivais tout les matins de 9 heures à midi.

 

La plupart du temps, nous  voyagions soit pour visiter des éditeurs étrangers soit pour parcourir le monde. Ces parties de la planète situaient souvent le lieu qui devenait le théâtre des aventures du commandant Zorovski.

Au début de ma carrière, nous nous déplacions avec seulement un sac au dos. Plus tard, je réservais un guide et une voiture mais nous descendions toujours dans les hôtels que fréquentaient les gens du cru.

Isabelle en parfaite psychologue fermait les yeux lorsque je faisais la cour à la secrétaire d’un hôte qui m’éditait. La renommée est un aphrodisiaque puissant.

Quarante ans plus tard, Isabelle est morte depuis longtemps,  j’en jouissais encore. Un écrivain renommé âgé de septante ans dispose toujours d’un attrait physique considérable.

Mais aujourd’hui à quatre-vingt, je suis seul et je m’ennuie. J’ai cessé d’écrire. Je ne lis plus rien. Même les journaux et leurs nouvelles ne m’excitent plus.

Je reste accoudé à ma table de travail devant mon ordinateur fermé, et je m’efforce de me souvenir.

Le livre de ma vie, comme Isabelle avait baptisé quelques carnets à spirales remplis de son écriture, je l’avais rangé depuis longtemps.

Aucun des personnages qui y figuraient, aucun des évènements qui avaient marqué mon existence, ne m’apparaissait plus comme certain. Peut être que je les avais tous imaginés.

Un seul souvenir m’apparait clairement. Celui d’une fillette de cinq ans à qui je tirais la natte en riant bêtement. Son portrait figurait sur petit carton que sa mère m’avait envoyé à l’occasion de son anniversaire. Petit carton que je n’ai jamais plus retrouvé.  

Elle se nommait Minia.

    

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Moi, lui, elle. JGobert

Sur le chemin de la vie, les tristes nouvelles arrivent sans prévenir. Sachant cela, nous sommes toujours impuissants devant ce déroulement inexorable de l’enchainement des choses qui, jour après jour, nous conduit vers un autre ailleurs.

Du présent où nous sommes, nous ne nous préparons pas assez à cet ailleurs parfois si proche.  Ceux qui touchent et subissent cette situation malheureuse sont au centre de nos pensées et nous renvoient à notre propre destin.  Chacun d’entre nous est dans cette perspective et par des tours de passe-passe, essaie malgré lui de ne pas y penser.

 Mis au pied du mur ou du lit, nous sommes incrédules devant une telle vérité et ne trouvons pas les mots tout de suite. Ces mots tant attendus par l’autre qui effaceraient d’un coup d’éponge cette terrible réalité. Nous n’en avons pas le pouvoir.

 Ces verdicts prononcés sans appel qui nous préférerions rejeter au loin, très loin et auxquels nous ne voulons pas croire nous blessent. La terrible nouvelle nous laisse dubitatif, défiant, immobile devant tous ces mots barbares prononcés dans nos oreilles.

Que dire de cette triste condition qui nous glace le corps et le cœur ?  Que la vie est faite d’arrivée et de départ.  Que nous naissons que pour mieux mourir. Que la vie continue, continuera.

Heureux  sont ceux qui croient en un Dieu miséricorde.  L’espérance les conduira plus confiant peut-être vers cet ailleurs. Pour les autres, ils se raccrochent à tout ce qui donne un peu de paix dans un entendement illusoire, une acceptation utopique.

Les jours à venir seront difficiles et la question est pourquoi moi, pourquoi lui, pourquoi elle.

Et la réponse est tout autant absurde. Moi, lui, elle. C’est une facette de la vie ou de la mort que l’on accepte ou pas mais qui ne donne pas le choix.

JGobert

 

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Un mari fidèle

Un jour, elle était assise sur le seuil du café de la grosse Lulu alors que la plupart des membres de l’équipe de hockey, debout devant le comptoir, avalaient bières sur bières, tout heureux d’avoir vaincu. Cela n’arrivait pas souvent.

- Qu’est-ce que tu fais là ?

- J’attends.

Je me suis assis auprès d’elle, j’ai entouré ses épaules et je l’ai embrassée. Il y a longtemps que nous étions amoureux l’un de l’autre mais nous étions trop timides pour nous déclarer. Nous avions un peu bu ce soir-là pour fêter la victoire du Club.

Malou, je l’avais connue dans le magasin de chaussures que possédait mon père. Elle essayait les escarpins bleus que je lui avais proposés.

- Ils sont trop étroits ?

Elle fit non de la tête. Elle se regardait dans le grand miroir sur pied et s’efforçait de sourire. Il lui aurait fallu une pointure plus grande mais les jeunes filles avaient le sentiment qu’au delà de la pointure 36, les jeunes gens se seraient moqués d’elles. 

Je l’ai revue deux jours plus tard, elle se promenait dans la rue en regardant les vitrines. Je l’ai saluée. Puis, je ne l’ai plus revue d’une semaine entière.

Je ne connaissais même pas son nom, je me demandais comment la retrouver et je me reprochais de ne pas lui avoir parlé davantage. Les jeunes gens sont bêtes, souvent. Puis, ils se reprochent les propos qu’ils n’ont pas tenus, ou qu’ils n’ont pas osés tenir à haute voix en présence de celles qu’ils aiment.

J’étais membre du club de hockey. Un joueur médiocre mais assidu. Hélas, même chez la grosse Lulu, je n’étais pas le meilleur. Ni le plus habile pour jouer au carton mouillé. Ce carton que l’on imprègne de bière avant de le lancer sur le sol d’un geste adroit, et d’écarter celui d’un concurrent.

C’est chez la grosse Lulu que je l’ai revue à la veille d’un match important. J’avais ignoré jusque là qu’elle était la cousine de Richard, un des membres de l’équipe.  Le soir même, Richard m’avait dit tout ce qu’il savait de sa cousine. Je connaissais l’essentiel : elle n’avait pas de petit ami.

- Vous me reconnaissez ? Les chaussures ne vous font pas mal ?

- Vous jouez au hockey, vous aussi ? Non, elles ne me font pas mal. Au contraire.

Nous avons parlé de Richard dont elle pensait autant de bien que j’en pensais moi-même. Elle irait voir le match du lendemain.

- J’adore le hockey.

Le lendemain nous étions côte à côte le long du terrain pour encourager les joueurs. Malou comme moi admirait le style de Richard.   

- Match splendide.

- Splendide en effet.

Nous sommes rentrés ensemble et nous nous sommes mariés trois mois plus tard.  Nous nous sommes aimés durant vingt ans. Elle est morte d’un cancer.

Ma seconde épouse, celle qu’on appelait la belle Aimée, était une femme divorcée. Elle m’invitait dans son appartement. Elle disait :

- Je n’aime pas vous savoir seul chez vous. Tout vous rappelle votre femme. Vous devez souffrir beaucoup.

- C’est vrai, Aimée. Mais souffrir me rapproche d’elle.

Aimée aussi aimait le sport, c’est au bar du club que je l’avais connue. Elle avait été la femme de Richard. Hélas pour Richard et pour elle, elle avait été la maîtresse de certains de ses co-équipiers. Il avait demandé et obtenu le divorce.

Depuis Aimée s’était éloignée du sport. Elle me l’avait confié un soir que nous prenions un verre chez elle :

- Je ne sais pas ce que tu en penses, mais le hockey est un sport aussi brutal que le rugby. Pire encore, ils se munissent d’un stick pour jouer.

Je la tutoyais désormais. Les confidences que nous nous faisions étaient celles d’amis. Notre situation en était plus claire et sans équivoque. Sinon qu’un jour d’été elle était en train de se bronzer sur sa terrasse en maillot deux pièces dont elle avait ôté la pièce du haut.

- Pourquoi ne pas profiter du soleil ? Tu peux te déshabiller dans le salon.

Je me suis déshabillé dans le salon. J’ai eu un moment d’hésitation au moment d’ôter mon slip, je l’ai ôté puis remis, avant de m’allonger auprès d’elle sur son drap de bain. C’est vrai qu’elle était belle et plus que séduisante.

Je l’ai épousée et, entourés de quelques amis du club, à l’exception de Richard, nous avons soupé dans un restaurant renommé. Puis, je ne sais plus qui nous y avait invités, nous avons terminé la soirée chez la grosse Lulu.

Une nuit, après nous être aimés, elle me demanda s’il n’était pas préférable que nous nous séparions.

Je l’avoue, ces actes d’amour que nous exécutions chaque nuit avant de nous endormir avaient fini par nous fatiguer. Elle y mettait cependant beaucoup de cœur mais il y manquait la surprise et la jouissance des premiers jours. Lorsque se confondent les plaisirs de la chair et ceux de la raison.

A son comportement face aux hommes, et plus encore à son comportement face aux maris de nos amies, je devinais combien Aimée avait besoin d’être désirée. Au bout de quelques années, les courses qu’elle faisait se prolongeaient. J’ai voulu savoir ce qu’elle faisait lors de ses sorties. Je l’ai suivie. Jusqu’à l’hôtel de la gare.

Un jour elle m’a demandé si je l’aimais ? Elle faisait allusion à l’ardeur que je manifestais. Malou ne m’avait jamais posé cette question. La réponse allait sans doute de soi. Elle n’avait aucune connotation sexuelle. Je l’aimais. Je l’aimais tout simplement. Peut être que j’ignorais ce que le mot aimer signifiait. Aimée est morte elle aussi. Elle s’était dressée dans le lit et le temps d’avoir saisi mon bras elle était morte.

Durant quelques jours, je suis resté enfermé chez moi puis j’ai commencé à sortir, puis à me rendre dans un café à la clientèle constituée de femmes seules et de quelques hommes en quête de bonnes fortunes.

Un soir parce que le café était plein, je me suis assis en face d’une jolie femme dont l’âge ne devait pas dépasser les quarante à quarante cinq ans. Nous avons bavardé. Très rapidement elle a avancé les pieds entre les miens. Elle me regardait dans les yeux. Nous avons continué de bavarder.

- Je vous invite à dîner ?

- Je veux bien.

Après le repas, je l’ai ramenée chez elle, elle m’a demandé si je voulais prendre un dernier verre, et nous sommes montés chez elle. C’est elle qui s’est serrée contre moi pour m’embrasser la bouche ouverte et, corps contre corps, nous nous sommes rendus dans la chambre à coucher.

- Je suis heureuse, tu sais. J’ai tellement peur toute seule. Tu es content ?

Elle s’était découverte, la poitrine dressée.

- Tu aimes mes seins ?

Puis, elle a demandé si j’étais marié. J’ai répondu que j’étais veuf. Elle a paru soulagée et s’est serrée contre moi à nouveau.

- Tu vas rire, mais j’en étais sûre. Je ne t’aurais pas laissé monter, sinon. Faire l’amour, ce n’est pas tout dans la vie.

Je me suis marié pour la troisième fois. C’est de tendresse qu’il s’agissait cette fois. Le soir, je pouvais enfiler mes pantoufles.

Vraisemblablement, nous finirons notre vie ensemble. Le plus ingambe veillerait sur l’autre. Je pourrai lui raconter les péripéties de ma vie avec mes épouses pour étoffer nos conversations. Et, de temps à autre, sans craindre les faiblesses soudaines, lui montrer que l’amour, le vrai amour, constitue un tout.

Elle est morte, elle aussi. 

Mais, elles auraient pu en jurer : j’ai été un mari fidèle.

 

 

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N'existent plus ceux qui s'aimèrent

 

Soliloque

Pour qu'un humain n'ait pas été

Que l'ombre que fit un nuage,

Grain de sable sur une plage,

Il lui fallut se projeter.

Si un esprit a engendré

Des pensées voulues transmissibles,

Qui sont demeurées accessibles,

Son énergie va perdurer.

Cela peut sembler fantastique,

Le courant capté dans des mots

Conserve audibles des propos.

Ce qui est écrit est magique.

Tiré du néant, l'être absent,

En s'exprimant avec aisance,

Fait certes éprouver sa présence.

La raison parfois n'y consent.

Les illusions ne durent guère.

Ce qui rend joyeux n'est plus vrai.

On s'en rend vite compte, après.

N'existent plus ceux qui s'aimèrent.

25 juin 2014

 

 

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administrateur théâtres

12273023481?profile=original12273023069?profile=original12273023893?profile=original Opéra de Liège: La Gazzetta de Rossini,

 

Jan Schultsz, direction musicale
Stefano Mazzonis di Pralafera, mise en scène
Cinzia Forte, Enrico Marabelli, Laurent Kubla, Edgardo Rocha, Julie Bailly …

 

Pour clôturer la saison  2013-2014 dans la bonne humeur et saluer le début de l’été et ses festivals, cinq petits jours de très belle représentation lyrique. Rien de mieux que de se rendre dans la Cité Ardente au magnifique Opéra de Liège et applaudir un conte d’été, une farce désopilante de Rossini, ayant pour titre « La Gazzetta », une oeuvre méconnue dont on vient de retrouver en 2012 à Palerme le quintet manquant. Vous entendrez  donc de surcroît, une première mondiale !  Cette œuvre allie la  pétillance et la drôlerie de l’opéra bouffe et  un propos nettement satyrique. En effet le directeur de l’Opéra royal de Wallonie, Stefano Mazzonis di Pralafera est soucieux de redécouvertes et d’inédits qu’il inscrit  au programme de sa saison lyrique.

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 Un Don Pomponio très pittoresque  (Enrico Marabelli*) et Anselmo (Jacques Catalayud)  sont descendus dans une auberge parisienne avec leurs deux filles, Lisetta (Cinzia Forte) et l’exquise Doralice (Julie Bailly). Pomponio passe une annonce dans une gazette pour marier Lisetta avec un parti bien nanti, mais  la coquine  entretient déjà  une idylle avec l’aubergiste Filippo (le baryton Laurent Kubla). De son côté, Doralice est courtisée par le beau Traversen (Roger Joachim*), mais préfère convoler avec Alberto ( le ténor Edgardo Rocha) très doué en lamentations et qui parcourt le monde à la recherche de l’épouse idéale, « une Mademoiselle ».


Midsummer Night’s Dream à l’italienne:  une avalanche de quiproquos très déconcertants jouant sur l’échange d’identités  affole Pomponio,  le pauvre père qui se rendre compte qu’il n’est  même plus capable de reconnaître sa propre fille déguisée dans une habile scène de turqueries. Confondu et vaincu, il se rendra finalement aux arguments de la belle la laissera épouser qui elle veut.

 Les deux jeunes filles pleines d’esprit, de bagou et de beauté ravageuse rivalisent d’astuces pour détourner leurs pères de leurs desseins matrimoniaux et exploitent toutes leurs ressources expressives et vocales pour convaincre les récalcitrants. Les jeunes amants sont émouvants, romantiques et tendres comme on les rêve !  Belle fusion, sur scène de la musique du verbe, du chant et du geste. Le chef des chœurs est Seminara.

 L’ORW nous offre un spectacle de qualité dont la badinerie amoureuse séduit  mais aussi le contenu satyrique à propos des mariages arrangés ou des nouveaux modes de rencontres matrimoniales en vigueur  à notre époque sur internet. Un décor entre balai de paille et smartphone dernier cri. Laurent Kubla, Lilo Farrauto, Enrico Marabelli et Edgardo Rocha sont Filippo, Tommasino, Don Pomponio et Alberto   Mais un décor peut en cacher un autre,  derrière la façade d'époque de l'hôtel L'Aquila, se cache un décor résolument 20è siècle  où défilent même des images de la CNN en continu! La surprise surréaliste – les décors sont de Jean-Guy Lecat – c’est de relier La Gazzetta aux médias actuels qui en prennent pour leur grade avec légèreté et comique délectables. Sur scène une troupe bigarrée d’artistes et des solistes au mieux de leur voix.  Chaque costume est une œuvre d’art. Ils sont signés Fernand Ruiz.   On hésite entre le carnaval de Venise et les super héros des années 80 ou qui sait, l’imaginaire de Lewis Caroll !

A tout prendre, rien que Cinzia Forte vaut le déplacement, Elle a des airs de Madona et une voix enchanteresse qui domine les chœurs avec grande fraîcheur.  Suave plaisir des yeux et des oreilles. Imaginez une blonde  ultra-sexy, moulée dans une  robe rouge et talons aiguilles assortis, affublée d’une valise Barbie… qui débarque en touriste à Paris au début du siècle (lequel ?)  …et qui chante son bonheur à gorge déployée ! On est remué par son  duo d’amour dans les ascenseurs avec Laurent Kubla. Un marivaudage très étudié et saisissant de vérité. Je t’aime… moi non plus, façon 19/21ème, chacun dans sa bulle avec un point de rencontre très touchant. Amis de l'opéra, vous retrouverez Laurent Kubla** lors du festival Opéra en plein air cet été dans La Bohême dans une distribution talentueuse avec  Albert-André Lheureux pour la mise en scène et Elvis Pompilio aux costumes.

 

Et qu’on se le dise, La  Gazzetta, cette nouvelle production chatoyante de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège durera un peu plus que ce que durent les roses puisque vous pourrez regarder et écouter la dernière retransmission en direct  de la saison sur le web dès le 26 juin à 20h sur le site de l’Opéra royal de Wallonie ORW à Liège.

 

 

* que l’on aura l’immense plaisir de retrouver la saison prochaine dans le spectacle d’ouverture de la saison «  La Cenerentola »

** dernièrement à l’OPRLW dans « La grande Duchesse de Gerolstein »

 Et Laurent Kubla ?  Cet été, au Palais des Princes-Evêques à Liège ou aux Châteaux de Bois-Seigneur-Isaac et Ooidonk ! ici :  http://www.070.be/opera/Jury/laurent-kubla-marcello/

Opéra de Liège: La Gazzetta de Rossini, Direct live le 26 juin 2014

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Une vie comme une autre

 

 

Mon père exerçait la profession de pantouflier. Il était le président de la corporation des pantoufliers juifs de Czestochowa. Son autorité était si grande qu'il décrétait la grève d'un seul geste. Il mettait sa machine sur l'épaule et parcourait les rues du quartier. Longtemps, je me suis demandé comment un homme de sa taille qui n'était pas très grande, et de sa robustesse qui n'était pas remarquable, pouvait porter une machine sans se fatiguer.

Dans mes souvenirs, jusqu'à ce que j'apprenne la vérité, mon père était un héros comparable à ceux de l'antiquité. De l'un d'eux, en particulier, qui portait une mappemonde sur l'épaule. Dieu seul sait de quelle corporation, il était le président.

Un jour, j'avais deux ans à peine, il a dit:

- Nous allons quitter la Pologne.

Je me demandais comment des gens pouvaient vivre hors de la Pologne. Personnellement, je n'en connaissais pas. Mais, s'ils y parvenaient, des polonais y parviendraient mieux encore.

A cette époque, en 1929, Paris était déjà une métropole cosmopolite. Les habitants y étaient d'origine russe, polonaise, italienne, espagnole et venaient d'autres pays encore, si bien que lorsqu'ils étaient obligés de s'exprimer en français, ils le faisaient avec un accent à ce point différent l'un de l'autre, que chacun d'entre eux avait le sentiment de parler français mieux que son interlocuteur.

Un cousin de mon père habitait rue Lamarck dans le 18ème arrondissement. Il était fourreur mais moins prestigieux que mon père ne l'avait imaginé. Il est vrai que tant qu'à rêver, autant rêver un peu au dessus de la réalité. Son atelier était son magasin, et les passants pouvaient le voir travailler à travers la vitrine. En été, quand la porte était ouverte, l'odeur de l'atelier, une odeur de cuir mouillé et de suint, empestait la moitié de la rue.

Mon oncle en était tout imprégné lui aussi. Mais il ne s'en rendait pas compte. Homme bien élevé, quand il fumait le cigare, son seul vice, il s'excusait auprès des gens.

- L'odeur du cigare ne vous incommode pas, j'espère.

Mon père prit une chambre, rue Paul Bert, dans un petit hôtel situé dans le même arrondissement, pas très loin d'un cabaret à la façade colorée, illuminé le soir d'ampoules de couleur, qui se nommait le Moulin Rouge. Mais, il n'avait rien d'un moulin malgré ses ailes, du reste immobiles.

C'est dans cet établissement que mon père  trouva du travail lorsqu'il décida de rester à Paris quelques temps, le temps de juger si on pouvait y creuser les fondements d'une vie heureuse. La formule était légèrement amphigourique mais elle donnait une touche de noblesse à ce qui, à mon avis, était de l'attirance pour un monde qu'il ignorait, et les couleurs vives revêtues par les parisiennes.

Ce jour là, il rentrait à l'hôtel en passant par le Moulin Rouge lorsqu'un homme qui portait un fauteuil qu'il venait d'extraire d'une carriole faillit le laisser tomber.

- Attention, dit mon père en polonais, je vais vous aider.

- Merci, merci. Dieu merci.

Lui aussi d'instinct s'était exprimé en polonais. Le fauteuil déposé dans le hall, ils éclatèrent de rire tous les deux.

- Ainsi, vous êtes polonais.

- Les polonais sont partout.

- Les polonais, je ne sais pas, mais les juifs, c'est vrai, sont partout. Faut-il s'en étonner? Ils étaient présents à la création du monde. Et peut-être même avant. Je m'appelle Simon Weissberg. En français, c'est Montblanc.

- Moi, c'est Louis Pelzer. Je viens d'arriver de Czestochowa.

- Vous cherchez du travail?

L'affaire fut vite réglée. Monsieur Montblanc cherchait une sorte d'homme à tout faire, et mon père avec sa mine honnête lui inspira confiance. Il commença son travail le soir même.

Monsieur Montblanc n'avait pas de famille. Ni épouse, ni enfants, personne. Des parents, il en avait eu sûrement mais ils étaient morts. Si bien que c'est à mon père qu'il proposa de lui succéder en contrepartie d'une rente raisonnable.

- Louis Pelzer, patron du Moulin Rouge, ça sonne bien.

- Louis Pelzer de Montblanc, ça sonne mieux encore, dit ma mère.

L'affaire fut conclue.

A cette époque, à Paris, la plupart des étrangers, les Russes en tout cas, étaient Princes ou Ducs, le moins élevé en grade était général. Tous, à peu de chose près, étaient taximen le jour, et joueurs de balalaïka, le soir. Seuls les italiens et quelques espagnols n'étaient pas de souche noble ou taximen. Ils étaient peintres dans le quatorzième arrondissement.

Le nouveau nom de mon père : Pelzer de Montblanc n'étonna personne. Son accent polonais pouvait tout aussi bien être russe. Polonais, russe, c'était pareil pour des gens qui ont la réputation d'ignorer la géographie. D’ailleurs, il ne prétendait pas porter de titre de noblesse. Quand il se présentait en disant Pelzer de Montblanc, il voulait signifier Pelzer c'est mon nom, et Montblanc celui de l'homme auquel je succède, mais les gens n'écoutent qu'eux-mêmes et ils n'entendent que ce qu'ils veulent entendre. Ils voulaient entendre Pelzer de Montblanc parce que cela les honorait de parler à un homme dont le patronyme avait une particule. Mon père cessa de les corriger.

 Les affaires se développaient grâce aux intuitions de ma mère. Désormais, on dînait au Moulin Rouge et les convives, le vin aidant, parlaient haut tout en regardant les jambes des danseuses. Les filles, c'était l'essentiel, avaient toujours les jambes bien faites et des cuisses pleines et suggestives. Certains soirs, des messieurs attendaient devant la sortie des artistes. C'est dire le succès du New Moulin rouge, et la qualité des spectacles.

Personne ne se rendait compte que l'histoire était en train de basculer. Nous étions en 1936.

Monsieur Blandin, un député, bon client de l'établissement, avait dit à mon père:

- Les allemands viennent d'envahir la Pologne.

- Les allemands? Pourquoi?

- Pourquoi, pourquoi. Mon pauvre ami !

Le spectacle du Moulin Rouge était fort apprécié par la clientèle. C'est ma mère qui choisissait les danseuses, elle connaissait le goût des hommes pour l'anatomie féminine. La formule est un peu vulgaire mais elle correspond à la réalité: Une femme, si elle suggère certaines parties de son corps, que tout le monde connait cependant depuis l'enfance, bouscule le cœur des hommes. La culture, en cette matière, qu'elle soit française, polonaise ou autre, est davantage affaire de sexe que de nationalité.

L'une des danseuses, son nom était Frieda, avait un corps splendide. Il suffisait de l'avoir vue un seul soir se trémousser en costume de scène pour ne jamais plus cesser de ressentir, à vous arracher le bas du ventre, la séduction de son corps. Même lorsqu'elle était habillée, les hommes, immanquablement, l'imaginaient nue.

Personne n'y était insensible. Mon père pas plus que les autres. Et il eut assez rapidement deux femmes, une épouse qu'il respectait, et une maîtresse qu'il respectait tout autant parce qu'il la respectait un peu moins. Ils avaient l'air heureux. Tous les trois.

Personne ne pensait à la guerre qui se déroulait ailleurs. Les journalistes appelèrent cette période la drôle de guerre. Jusqu'à ce que les allemands contournent la ligne Maginot. Et ce fut l'exode.

Le Moulin Rouge resta fermé durant trois semaines. Mon père venait tous les jours se rendre compte de son état. Aucune déprédation ne défigurait sa façade mais le dessin coloré de danseuses levant la jambe, et la reproduction d'un moulin aux ailes figées, alors qu'aucune lumière ne les animait, donnait au tout un air cocasse épouvantablement triste.

- Ce n'est pas possible, monsieur Montblanc, ça ne peut pas continuer comme ça.

Mes parents se morfondaient de l'inaction à laquelle ils étaient acculés. Ils habitaient désormais le haut du Boulevard Caulaincourt dans un immeuble bourgeois.

Par contre, ouvrir le Moulin Rouge alors que les Allemands occupaient Paris, n'était-ce pas manquer de patriotisme, se disait mon père.

- Il faut rouvrir l'établissement, Monsieur Montblanc. Vous avez charge de personnel.

C'est le commissaire du quartier qui le dit à mon père qu'il avait convoqué. Puis, il ajouta à mi-voix:

- Et je ne vous cache pas qu'un officier de la Kommandantur le souhaite également. Un homme charmant. Et très cultivé. Il adore la danse.

Une semaine plus tard, le Moulin Rouge avait ouvert ses portes, une partie de la clientèle était revenue, et des officiers allemands s'étaient attablés devant la scène. Au dehors, toutefois, il n'y avait pour situer l'établissement qu'une lampe bleue qui tremblotait au moindre souffle de vent.

Durant les guerres, la vie des gens tout autant que l'histoire prend des directions que nul ne peut prévoir. Certains d'entre nous s'en rendent compte et changent de vie, d'autres s'efforcent de retrouver la routine habituelle.

Durant la dernière guerre, il faut préciser: celle de 1940, certaines catégories d'êtres humains étaient vouées à la mort. Mais pour les autres, c'était comme si les saisons s'étaient transformées. Elles prenaient une autre couleur à laquelle il fallait s'adapter. Si auparavant les gens étaient tentés de se plaindre de tout et de rien comme si leur vie à chaque fois était en cause, durant les guerres ils deviennent doux comme des moutons.

- Alors monsieur Montblanc, est-ce que ce n'est pas mieux comme ça ?

Le commissaire du quartier était devenu une relation intéressante qui venait visiter régulièrement les coulisses. Il donnait son avis sur les filles. Ou sur les décors. Il avait avoué à mon père que durant son adolescence, il avait rêvé de devenir comédien.

- Eh oui, monsieur Montblanc.

Il disait monsieur Monblanc et non monsieur Pelzer. Mon père, dieu sait pourquoi, était rassuré. Atavisme peut-être il savait que tout finit toujours par arriver, il suffit d'attendre.

Un soir, l'Ober-leutenant Fritz Muller, l'officier charmant et cultivé qui nous avait poussé à rouvrir le Moulin Rouge prit mon père à part.

- Monsieur Montblanc, vous aurez remarqué que de plus en plus de nos soldats fréquentent votre établissement. Les demoiselles y sont remarquables: de vraies parisiennes. Mais il est dommage que les repas ne soient pas à la hauteur du spectacle.

- Que faire? Le rationnement, hélas, à ses limites en matière de gastronomie.

- Allons Monsieur Montblanc, un peu d'imagination.

- Je vous comprends, Herr Major, mais si je me fais prendre ?

- Je vais vous faire établir un ausweis personnel. Après tout, il s'agit du moral de nos troupes.

C'est ainsi que mon père, ouvertement cette fois, alimenta les clients du Moulin Rouge de viande, de beurre, de café, enfin de tout ce qui se mange, se boit ou se fume. Bientôt il eut trop de tout et il approvisionna un de ses amis qui avait ouvert un commerce de gros et occupait une place en vue sur le marché parallèle.

En l'espace d'un an, mon père avait de quoi ouvrir un compte en Suisse et d'acheter des lingots d'or qu'il entreposait dans un coffre à Zurich.

De temps en temps, il offrait à l'Ober-Leutenant une caisse de champagne. S'il dînait au Moulin Rouge, que mon père fut présent ou non, il se voyait refuser de payer l'addition. En véritable gentleman, au bout de quinze jours, pour ne pas mettre le personnel dans l'embarras, il cessa de la demander. Pour ce qui était des danseuses, personne n'était censé intervenir dans des tractations, somme toute, privées.

Frieda resta longtemps la maîtresse de mon père. Il avait de quoi entretenir deux épouses. Elle témoignait de l'ascension sociale de la famille. En outre, ma mère était fière d'être l'épouse d'un homme pourvu de beaucoup de charmes puisqu'il plaisait à d'autres. Ainsi allait la vie.  C'est Brecht qui le disait en 1929 déjà, d'abord, il faut bouffer. Après vient la morale.

Jusqu'à la fin de la guerre, mon père, ma mère et Frieda eurent une existence convenable, de celle qu'on peut souhaiter à ses meilleurs amis. Des amis en nombre, une situation professionnelle enrichissante, un statut social enviable.

Sinon que tout cela n'est que le fruit de mon imagination.

C'est vrai que je suis né en Pologne. C'est vrai que mon père était le président des pantoufliers juifs de Czestochowa. C'est vrai que ma mère était belle. Un avenir radieux s'offrait à eux comme à tous les enfants du monde.

Mais j'ignore où ils sont enterrés. D'ailleurs, l'ont-ils été? De la plupart des gens, on connait la date de naissance et celle de leur mort. Je connais les dates de naissance de mon père et de ma mère, j'ai retrouvé sur internet, la date de naissance de nombreux membres de ma famille. Mais d'aucun d'entre eux, je ne connais la date de leur décès. Serait-ce qu'ils sont toujours vivants?

 

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Evasion

évasion014

 

    Abstrait de Suzanne

L'inspiration, baptisée Muse,
Nous prend toujours au dépourvu.
Elle déploie du jamais vu
Qui nous émeut ou nous amuse.

Dans une noble liberté,
Notre âme vit une aventure,
En zones claires ou obscures,
Que la raison a désertées.

Mais celle-ci intervenant,
Lors du charmant vagabondage,
Nous fait rechercher des messages
Où nous allions à l'avenant.

On quitte alors l'impondérable,
Rien ne peut nous en dispenser.
On se concentre pour penser
À cette évasion mémorable.

Nous serons sans doute tentés,
Si nous possédons l'art d'écrire,
De mettre en mots certains sourires,
Et des reflets de la beauté.

26 septembre 2002









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administrateur partenariats

12273024678?profile=originalBiotope très riche, ce lieu-dit du barrage de la Borchène, ou Borchenne,

au pied du lac de la Gileppe, était très fréquenté après-guerre par les verviétois qui

venaient s'y baigner.  Pêcherie désormais quasi abandonnée, son eau brune fait le

bonheur des hérons et de quelques promeneurs admiratifs du bocage jalhaytois.

Mais aussi des aquarellistes !

12273025666?profile=originalJacqueline Nanson.

Comme à son habitude , notre amie "Jack" a fait preuve d'originalité !

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Perdue au loin dans de grandes herbes, elle a pu entrer en communion avec la nature,

se déconnecter entièrement et vibrer au gré des frissonnements de l'eau, et de son

pinceau léger, donner vie à un ponton de barrage délaissé

depuis de nombreuses années...

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12273026483?profile=originalQuelques gouttes de pluie ? Fi de cela ! Jack peint sous parapluie !

Du pur bonheur !

Voici Adyne Gohy.

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Toujours à l'affût d'un point de vue imprenable, Adyne choisit un endroit audacieux que nul n'aurait choisi ! En effet, un grand sapin développe ses immenses branches devant ses yeux, masquant le paysage de longues aiguilles sombres.

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Et enfin, moi-même !

12273028299?profile=originalTiens donc...drôle de tee-shirt !

Comme celui d'Adyne, d'ailleurs !

12273029256?profile=originalLa première aquarelle.

12273028691?profile=originalEt le point de vue de la deuxième aquarelle.

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Nous avons vécu une agréable journée de retrouvailles, le soleil étant de la partie,

et seul le chant des oiseaux nous a accompagné durant notre séance.

12273030257?profile=original

A très bientôt !

Un partenariat

Arts 12272797098?profile=originalLettres

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Une femme seule

 

Ce n’était pas une liaison. Comme beaucoup d’autres hommes sans doute, et peut-être de femmes, Pierre avait une mémoire bien compartimentée. Celle qui permet de vivre sans regarder derrière soi.

Il n’est pas nécessaire de détruire quoi que ce soit qui avait paru indispensable au point de préférer la mort que de ne plus en jouir. Il suffit de l’abandonner dans un compartiment de ce vaste fourre-tout à souvenirs qui se nomme la mémoire.

Il avait rencontré Clotilde à l’Archiduc, un bar à la mode où se pressaient les amateurs de musique de Jazz,  et les noctambules qui n’étaient apaisés que dans la foule.

A partir de onze heures du soir il était impossible d’y circuler. Pour se déplacer, il fallait se creuser un chemin parmi les consommateurs collés les aux autres en s’excusant pour la forme, et en levant son verre au dessus de la tête. Autant de balises qui indiquaient que quelqu’un, homme ou femme, se trouvait en dessous. Face à face, corps contre corps.

Ce soir là, c’étaient Clotilde et Pierre. Il avait demandé :

- Je vous offre un verre ?

- Si nous parvenons au comptoir, avec plaisir.

Elle n’avait hésité qu’un instant. Elle était seule et n’avait pas envie de l’être. Quelques heures plus tard après s’être raconté des histoires à moitié réelles et à moitié imaginaires, après avoir dansé presque sur place, les corps collés l’un à l’autre, celui de Clotilde abandonné contre le sien et le sien tendu contre le ventre de Clotilde, ce fut Clotilde qui demanda ;

- On va chez toi ou chez moi ?

Clotilde était divorcée. Elles sont nombreuses les femmes seules. Il arrive que les couples se séparent avant le mariage. Il arrive que des maris se séparent de leur épouse durant leur union sans qu’elles en soient averties. Lorsqu’elles l’apprennent, à moins d’un arrangement de convenance, le couple divorce. Parfois, il le regrette.

Clotilde et son mari étaient mariés depuis deux ans lorsqu’elle avait appris qu’il la trompait avec sa secrétaire. Elle était moins belle que Clotilde. Il avait dit :

- Ce n’est pas ma faute. Je pensais bien que je lui plaisais. Je le lui avais répété : ne vous penchez pas si fort lorsque vous êtes derrière mon dos pour lire un rapport en même temps que moi. Tu sais la poitrine qu’elle a, elle la met pratiquement sous mon nez, le corsage entr’ouvert. 

C’était un homme fat et suffisant. Il semblait jouir en se confessant, avait dit Clotilde. Elle, c’est à Pierre qu’elle se confessait, cet homme qu’elle ne connaissait que depuis quelques heures.

- C’est un accident. Je ne suis qu’un homme après tout.

Il avait juré qu’il quitterait sa secrétaire sur le champ, c’est Clotilde qu’il avait quittée. Ces histoires sont banales. Elles sont la base de beaucoup d’échanges maritaux.

Pierre et elles s’étaient revus les jours suivants. Elle avait demandé le premier jour :

- Tu veux revenir ce soir ?

Elle avait été ardente. Elle avait fixé les règles.

- On couche mais on ne s’est rien promis.

Clotilde était acheteuse de lingerie fine pour une chaîne de Grands Magasins. Elle achetait non seulement ces parures qui excitent l’imagination des maris mais des culottes destinées à la plupart des femmes. Davantage de tailles L que de tailles S. Les médecins le confirment d’ailleurs : si le bedon menace les messiers, c’est sur les fesses que se porte d’abord l’embonpoint des femmes.

- Cela permet d’occuper les mains des messieurs lorsque la conversation commence à languir.

Clotilde avait quarante-deux ans, l’âge des premières déchirures. Depuis quelques années, elle contemplait son visage avec une attention douloureuse. Une femme n’a que sa beauté, pensait-elle. Le jour où elle cesse de plaire, elle cesse d’exister.
Il y avait à Milan une foire de la lingerie qui se tenait deux fois par an.
- Tu connais Milan ?
- Non.

Clotilde dit : 
- Je t’invite

Les voyages sont autant de cartes postales qu’on feuillète par la suite en évoquant des jours heureux. L’hôtel de la Place était un hôtel de grand luxe situé près de la Cathédrale, et des rues étroites où se trouvent les tavernes à filles. Etrange promiscuité entre le sexe et la religion. Au sous sol, un bar permettait de passer la soirée en écoutant un pianiste tout en buvant des Pims-champagne. C’était un hôtel très cher.
Elle avait aimé ce séjour à Milan voué au travail et au plaisir. Ils formaient, Pierre et elle, une sorte de ménage incertain mais installé.
Elle était de plus en plus séduite par ce garçon un peu plus jeune qu’elle, peu bavard, bel homme, qui ne demandait qu’à apprendre ces gestes que beaucoup de jeunes gens prétendaient connaître de façon innée et dont ils usaient maladroitement face à des jeunes femmes prêtes à toutes les découvertes.
Aux gestes mécaniques de l’amour Clotilde donnait un rythme qui les rendait différents en fonction d’une dramaturgie imperceptible. Elle faisait l’amour comme un violoniste se sert de son violon. Sans abandon véritable mais soucieuse du plaisir partagé.
En revanche, elle préservait sa liberté en n’appartenant à personne avait-elle affirmé à Pierre quand il avait commencé de venir chez elle de nombreux jours par semaine.
- Le jour où toi ou moi, on a envie d’être seul, il suffit de le dire.
C’était sa façon de dire sans blesser son partenaire qu’ils n’étaient pas unis pour la vie. Ou que de temps à autre une rencontre inattendue pouvait se produire sans qu’il s’agisse d’une rupture définitive. C’est ce qu’elle appelait : être de bons amis.

Pierre était arrivé à un moment décisif mais elle doutait déjà du pouvoir qu’elle pouvait exercer sur un homme. Parfois elle souhaitait que son visage soit le seul objet de son regard pour le détourner de celui d’autres femmes, parfois elle souhaitait qu’il regarde d’autres femmes pour le détourner du sien dont elle était moins sûre. C’est à cette époque que Clotilde devint amoureuse de Pierre. 

Et lui ? Etait-il devenu amoureux de Clotilde ? Elle s’efforçait de le savoir en femme rationnelle qu’elle était. Elle pensait que ce n’était pas lié au plaisir que lui procuraient ses caresses. Il y avait autre chose.

Lorsque Pierre l’avait quittée, ce sont des choses qui arrivent sans raison particulière, par curiosité peut-être, il venait moins souvent qu’au début de leur liaison, elle l’avait interrogé un matin.

Il avait dit :

- C’est vrai.

- Tu ne m’aimes plus ?
- Aimer, aimer…

Il avait cessé de venir.

Elle n’était plus retournée à L’Archiduc. Elle s’installait dans un fauteuil, face au poste de télévision, et regardait un feuilleton, les jambes repliées.

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Dans la sphère du virtuel

 

 

La distance n'empêche plus,

Le hasard, de placer deux êtres,

Qui s'aimeront plus tard, peut-être,

Face à face dans le même flux.

Chacun d'eux projette une image,

Le représentant au présent,

Ou jadis, caprice plaisant.

Virtuel, on choisit son âge.

Las âmes qui deviennent soeurs,

Comblées souvent par leurs échanges,

Ont le désir que rien ne change,

S'émeuvent d'ardents coups de coeur.

Quand règne la sérénité,

Surtout ne pas changer de sphère!

La réalité est amère

Et même peut nous attrister.

Là où le temps n'a pas d'emprise,

Je reviens sur d'anciennes routes.

Rien d'altéré ne crée de doutes.

M'y retrouver jolie me grise.

23 juin 2014

 

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Aquarelle magique au lac Titicaca.

Sur le lac navigable et sacré le plus haut du monde...

Sur le lac sacré navigable le plus haut du monde...

En suivant la trace des Incas et de leurs descendants…

Sur le lac navigable le plus haut du monde, vaste comme une mer intérieure, nous avons vogué et peint, d’abord accueillis par la famille Inti Killia, indiens Aymaras vivant sur les îles flottantes Uros, de roseaux, dans la plus pure tradition des Uros du lac, aujourd’hui disparus.

Moments d’une grande sérénité à l’écart de la horde touristique des autres îles les plus visitées, et en marge des poncifs véhiculés quelquefois à tort (et parfois à raison) sur leur réalité actuelle.

Il serait trop long ce soir, de raconter cette journée hors du temps…

Ce lac de légende, lac navigable le plus haut du monde, n’est pas seulement connu pour ses îles flottantes de roseaux, sa dimension sacrée considérée comme le berceau de la civilisation Inca, c’est aussi un creuset de légendes qui allait nous transporter sur une île plus lointaine à une heure de Puno, au contact des indiens Quechoa de l’île de Taquilé.

Nous avons appris beaucoup de choses à Taquilé…

Nous y avons rencontré quelques-uns des descendants les plus authentiques des derniers Incas qui s’étaient réfugiés ici après la conquête espagnole.

Mais c’est pour son art textile que Taquilé est connue du grand public : celui-ci fait partie de la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l'humanité, reconnu par l'Unesco en 2008.

Dans cet artisanat traditionnel, parmi de nombreuses et passionnantes particularités, le tricot est réservé aux hommes, dès leur enfance, les femmes, quant à elles s’occupant du tissage.

Nous pourrions disserter des heures sur leurs coutumes, leurs tenues vestimentaires, leur mode de vie.

Nous avons aujourd’hui repris la route, pour d’autres découvertes...

Indienne Aymara près d'une embarcation traditionnelle, sur son île flottante.

Indienne Aymara près d'une embarcation traditionnelle, sur son île flottante.

En plein travail chez la famille Inti Killia qui nous a acceptés lors de notre séance d'aquarelle.

En plein travail chez la famille Inti Killia qui nous a acceptés lors de notre séance d'aquarelle.

Extrait du carnet de Laurette,

Extrait du carnet de Laurette,

...et de celui de Rose-Marie.

...et de celui de Rose-Marie.

Indiens Quechoas de l’île de Taquilé, tricotant sur fond de lac Titicaca et sommets enneigés des Andes boliviennes.

Indiens Quechoas de l’île de Taquilé, tricotant sur fond de lac Titicaca et sommets enneigés des Andes boliviennes.

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La commémoration

L'invitation avait été rédigée à l'en-tête du tribunal de commerce. Cette idée, il n'y a pas de petites économies, émanait tout naturellement du cerveau rationnel de Jean Pottier, le président du tribunal. Celui que ses condisciples surnommaient le compotier. Cela faisait rire toute la classe.

Il s’agissait du 150ème anniversaire de l’école. Une cérémonie présidée par un représentant du ministre de l’enseignement  aurait lieu à l’hôtel de ville. Tous les anciens élèves, il l’espérait, y assisteraient.

Robert n'était plus revenu depuis dix ans, et il se demandait s'il avait envie de revenir.

Il se souvenait d'un film dans lequel, autour d'une tombe, quelques anciens d'un collège anglais - peut -être que ce n'était pas un collège anglais mais qu'est ce que cela changeait ? - assistaient à l'enterrement d'un de leurs anciens condisciples. Ils se regardaient, et on avait le sentiment que la seule question qu'ils se posaient était: lequel d'entre nous sera le suivant?

Souvent les commémorations ressemblent à des funérailles.

A quoi bon y aller. Il n'irait pas.

La plupart des années d'adolescence avaient été des années d'insouciance. L'adolescence est une période heureuse. C'est ainsi en tout cas qu'elle figurait dans sa mémoire.

Sa mémoire, lorsqu'il s'agissait de son adolescence, était comme une ville qu'il aurait dessinée lui-même. Les rues où résonnaient le pas des amoureux enlacés, la grand' place triangulaire où se tenait la Foire de septembre avec ses gaufres parfumées et les amandes que grillait Ali-Baba dans son échoppe, les jardins publics fréquentés par les propriétaires de chiens lorsque le soir tombait. Il aurait pu la parcourir les yeux fermés. Parfois, il rêvait encore d'y marcher toute la nuit.

Décidément, il irait à la commémoration.

Et puis, il reverrait sans doute Julie, la femme de Bernard. Ce n'est pas Julie qu'il avait épousée. Elle était amoureuse de lui mais, c'est stupide, il y a un âge pour se marier. Un an plus tard, il épousait Malou.

- Je te souhaite tout le bonheur du monde.

Julie l'avait embrassé. Elle aimait les parfums tenaces.

Parfois il pensait à elle tandis qu'il caressait Malou. Peut-être que Julie pensait à lui quand elle commençait à gémir ?

Leur couple n'avait jamais été un couple heureux. Quinze ans plus tard, Malou et lui s'étaient séparés.

Comment Julie faisait-elle l'amour?

Il écrivit au président qu'il viendrait et réserva une chambre pour trois nuits.

Le ciel était uniformément bleu. Pas un nuage, et pas un souffle de vent. Un mois de septembre exceptionnel. Les hommes avaient le col ouvert, les femmes portaient sur une jupe courte un T-shirt de coton ou un chemisier largement échancré. Il y avait longtemps que l'été n'avait été si beau. Robert se promena jusque tard dans la soirée dans cette ville retrouvée.

Dans les cafés où il s'arrêtait pour prendre un verre de bière en regardant les gens, il ne reconnaissait personne. Quelques visages cependant lui parurent familiers. L'un d'eux lui fit un sourire, et il répondit en souriant lui aussi. Après tout, pour ces gens-là, peut être n'avait-il jamais quitté la ville.

Est-ce qu'il reconnaitrait Julie?

La commémoration, à l'Hôtel de ville, avait lieu à 11 heures. Il était venu une demi-heure plus tôt pour voir les arrivants qu'il reconnaissait sans mal. En dix ans les hommes ne changent pas beaucoup. Moins que les femmes. Les femmes dès qu'elles sont mariées doivent penser que le plus important est fait, elles soignent moins leur aspect.

Robert reconnaissait la plupart de celles de ses amis. Les uns et les autres avaient un peu grossi. La taille un peu ronde est un signe de bien-être social.

Ils échangèrent des sourires, parfois quelques mots, mais parce qu'il se montrait distant, ils s'éloignèrent très vite. C'est Bernard qu'il attendait avec impatience. Bernard et Julie.

- Bonjour, Robert.

- Je ne t'avais pas vue.

Il avait les joues en feu.

- C'est Bernard que tu cherchais? Il ne rentrera que demain, c'est la Foire du Printemps à Paris.

A force de ne regarder que les hommes, il n'avait pas vu Julie à ses côtés qui l'examinait en souriant.

- Tu n'as pas changé. Enfin, pas beaucoup. Un peu moins maigre. Et moi?

- Plus belle qu'auparavant. Plus séduisante. Plus…

- Rien que des plus?

- Tu le sais bien. C'est toi que j'aurais du épouser. Il a de la chance, Bernard. Je suppose qu'il le sait.

- Pas toujours. Est-ce qu'on peut juger ce qu'on a sous la main. Les vaches du voisin sont toujours plus appétissantes.  

- Moi, je ne regarderais pas les autres femmes.

- Mais tu en as épousé une autre.

La salle de réception de l'Hôtel de ville, la salle d'apparat, celle qui était consacrée aux grandes réceptions et aux mariages des familles de notables, était pratiquement pleine. Au bout, face à l'entrée principale, flanquée de deux huissiers en jaquette, sur une estrade recouverte d'un drap vert, au milieu de tréteaux qu'on avait recouvert de rouge, les couleurs de la ville, trônait à coté du représentant du ministre, Paul Pottier, le cou tendu et le menton levé.

Il regardait la salle d'un air satisfait mais il semblait à Robert que c'est lui, resté debout, qu'il fixait. Paul abaissa lentement la tête pour n'avoir pas l'air d'être le premier à saluer. Robert abaissa la sienne. Ce n'était peut être pas Robert que Paul dévisageait mais Julie.

Il étouffait soudain dans cette salle bondée, bruyante, qui n'attendait sans doute que le coup de maillet professionnel de Paul pour faire silence.

- Tu veux rester? Partons.

Il lui saisit le bras, et ils sortirent par une porte de service. Dehors, sous le soleil de midi, il se tourna vers Julie.

- Tu voulais peut-être rester ?

Elle fit non.

- Allons chez moi.

 Il se souvenait de leur appartement que Bernard avait fait aménager au dessus de ses bureaux. Il s'assit sur le divan de cuir qui faisait face au poste de télévision. Julie, devant la large fenêtre, scintillante sous le soleil, le dévisageait, les jambes légèrement écartées. A travers sa robe légère, c'est son corps qu'il contemplait.

- Julie.

- Oui.

Il s'était levé. Il avait à peine mis ses mains sur ses épaules, qu'elle fouillait sa bouche.

- Reste. Passe la nuit ici. Bernard ne rentrera qu'après-demain. Les bureaux sont fermés jusque lundi. 

- Et s'il téléphone?

Ils étaient couchés, nus. Julie, étendue sur le ventre le regardait tandis qu'étendu sur le dos, il regardait le plafond. Le couvre lit était rejeté sur le sol. Il avait failli trébucher dessus en allant à la cuisine pour chercher un verre d'eau. Avant qu'il ne s'étende, elle avait voulu qu'il restât debout un moment.

- Tu es toujours aussi tendu?

Elle avait du hésiter avant de lui poser la question, elle l'avait posée à voix basse, et répétée parce qu'il ne l'avait pas bien entendue.

- Il y a longtemps que tu n'as pas fait l'amour?

- Je t'ai déçue.

- Je t'aurais demandé de rester? Je me demandais comment font les célibataires pour avoir une vie normale. Viens. Tu vas voir comme je vais t'aimer.

Elle le caressait avec des gestes précis mais doux, parfois hésitants. Elle avait peur de trop bien faire. Robert, lui, se laissait caresser par les gestes que Bernard, le séducteur aux nombreuses liaisons de leur jeunesse, avait sans douté enseignés à son épouse. Il était incapable de respirer sans effort, empli de tendresse envers cette femme qui aurait pu être la sienne. Après qu'elle se soit endormie, il se demanda comment il avait pu vivre sans elle.

Le lendemain, ils furent face à face, adultes aux yeux cernés, les traits tirés, exhalant cette odeur surette des corps qui se sont beaucoup aimés.

- Je t'aime. Je ne veux plus vivre sans toi.

Les larmes lui venaient aux yeux.

Julie se leva. Elle était épanouie, heureuse du bonheur que ressentent les femmes désirées.

- Je vais nous faire du café. Fort. Et je vais nous faire couler un bain. Non, ne te lève pas. Je vais t'apporter ton café au lit.

- Nous allons tout recommencer, Julie. Tout ce qui s'est passé, hors de nous deux, n'existe plus.

- Tais-toi. Tu es un enfant.

Mais l'après-midi, elle s'était laissé convaincre.

Il avait dit que peu d'êtres humains recevaient du destin une seconde chance. Que la plupart, s'ils se plaignaient de ne pas en recevoir, en avaient peur en réalité. Et qu'ils avaient le restant de leur vie pour le regretter. Eux, ils  n'allaient pas laisser passer cette occasion merveilleuse de retrouver leurs vingt ans. Elle ne pouvait pas le nier, ils étaient faits l'un pour l'autre. Leurs corps s'étaient enfin retrouvés.

Robert dit que c'était le destin qui l'avait poussé à assister à la commémoration. Il avait eu l'intention de ne pas venir. Il n'aimait pas les réunions d'anciens combattants. Il aurait pu se rendre directement à Deauville pour le festival du film américain.

La boite pour laquelle il travaillait, une maison de distribution de films, avait des documents à faire signer à un producteur. Est-ce qu'elle connaissait Deauville ? Il lui présenterait des vedettes de cinéma. Ils visiteraient la région. Est-ce qu'elle avait déjà joué au casino ?

- Tu me soûles.

- Partons maintenant.

- Tout de suite?

- Tout de suite.

Pendant que Robert allait chercher sa voiture, elle emplit une petite valise de quelques vêtements. Elle se disait qu'elle en achèterait au fur et à mesure qu'elle en aurait besoin ou envie. Robert avait dit qu'il la voulait toute nue. Elle nageait en plein romantisme. Elle pensait, elle ne voulait pas penser. Comme lui, elle avait vingt ans.

Ils arrivèrent à l'hôtel à la tombée de la nuit. L'air avait fraichi. Ils marchèrent le long de la mer en se tenant par la main. Et, ils montèrent dans leur chambre sans dire un mot. Une véritable scène de cinéma, en vrai.

Ce fut un séjour, à proprement parler, inoubliable. Ils le pressentaient, ils s'en souviendraient toute leur vie tant il était différent de tout ce qu'ils avaient connu ou pourraient connaitre. Jean Renoir, le producteur américain que Robert devait rencontrer était d'origine française. Lors du diner auquel il les avait conviés, le vin aidant, Robert lui avait confessé leur aventure.

- C'est formidable. Une histoire formidable.

Durant sept jours, ils assistèrent à des projections, firent connaissance d'acteurs, participèrent à des soirées qui se prolongeaient tard dans la nuit. A croire que le monde du cinéma était devenu le leur. C'est fatigués, qu'ils montaient se coucher sans que leur appétit l'un de l'autre s'en trouvât diminué. Au contraire, l'excitation de leurs sens durant la journée, et la légère ivresse procurée par le vin, leur avait ôté toute inhibition. Le moindre attouchement, le plus tendre sous-entendu, relançait leur désir.

Lorsque le festival se termina et que soudain ils ne furent plus que deux, ils se sentirent soulagés. Finalement tout l'éclat de ces journées qui les avait plongés dans un monde merveilleux les avait séparés d'eux-mêmes. C'est d'eux-mêmes désormais, comme avant leur départ pour Deauville, qu'ils recevraient la grâce de s'aimer.

Ce sont les mots que Robert utilisa.

Le matin, avant que Julie ne se lève, il sortait pour marcher durant une heure le long de la mer. Lorsqu'il rentrait, elle l'attendait sur le lit, et ils s'aimaient. C'était une sorte de rituel qu'ils s'efforçaient d'instituer. Leurs corps, ainsi, auraient toujours cette exigence.

Mais ce jour-là, il n'y avait personne dans la chambre, et le lit avait été refait. Julie n'était pas dans la salle des petits déjeuners. Dans le hall, le concierge lui fit signe.

- Madame a demandé un taxi. Elle m'a dit de vous dire qu'il ne fallait pas vous inquiéter. Elle a laissé une lettre pour vous.

Julie lui disait qu'elle l'aimait, qu'elle l'aimerait toujours, et qu'elle n'oublierait jamais ces quelques jours.

- Je ne pouvais pas, tu comprends, mais je t'aimerai toujours.

C'est par ces mots, elle les avait soulignés de deux traits, qu'elle avait achevé sa lettre.

Il n'aurait pas du la laisser seule.

Certaines femmes sont comme des oiseaux. La présence de Robert lui avait servi de cage. Si on les perd de vue, ne serait-ce qu'un instant, elles s'échappent.

Cette certitude qui noue l'estomac parce qu'elle enchante et terrorise tout à la fois se nomme l'amour

 

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