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Le bibliothécaire principal de la ville venait de mourir. C’était un poste important. Le conseil communal en délibérait et le titulaire en était désigné par le collège. Le président Halloy était prêt à faire en sorte que Pierre le remplace à titre temporaire. Il avait ses influences. Il l’avait dit à Pierre.

- Tu ne peux pas continuer de ne rien faire de tes journées. Etre face à face du matin au soir, cela deviendra un enfer pour tous les deux.

Il avait raison. Pierre voyait ce qu’ils étaient devenus, Julie et lui, depuis quelques semaines.

- Peut être que c’est mieux.

Il avait embrassé son père qui avait les larmes aux yeux. Il ne se souvenait plus du jour où son fils lui avait manifesté tant d’affection.

Il le pressentait, c’était à lui de prendre la succession de René. Quel que soit son âge, le fils reste pour son père l’enfant qu’il a été. Que devient cet homme dont la mémoire n’a plus de raison d’être parce que le fils cesse d’être le descendant de sa lignée. Il en devient le dernier maillon. Qui dira un jour qu’elle avait existé ? Qui le saura ? Il pensa qu’il avait eu tort, Pierre n’aurait pas du partir. Ni même, peut être, quitter Julie. 

Lorsque Pierre l’avait annoncé à Julie, elle avait semblé soulagée. Peut-être qu’ils s’étaient retrouvés une fois de plus.

Les matins où il pensait qu’elle aurait envie de paresser au lit, Pierre faisait le moins de bruit possible. Il emmenait ses vêtements dans la salle de bain, il préparait le petit déjeuner pour elle seule puis il buvait une tasse de café dans la cuisine avant de refermer sans bruit la porte qui s’ouvrait sur la rue. Cela lui avait fait plaisir que son secrétaire l’ai salué dès le premier jour par un : Bonjour, monsieur le bibliothécaire. Un homme de près de cinquante ans !

Jamais, il n’avait imaginé qu’une vie strictement routinière lui plairait autant. Le soir, il était impatient de revoir Julie. L’impatience était d’autant plus forte qu’il s’obligeait à prendre un verre dans un café tout proche pour la contenir. Comme le font sans doute beaucoup d’autres après une journée de travail, avant de rejoindre leur foyer et leur compagne.

C’était une image un peu idyllique mais il était convaincu désormais qu’il aimait Julie toute entière et pas seulement les ressources de son corps. Si par malheur elle devait en perdre l’usage, une paralysie qui la clouerait sur une chaise roulante, il s’occuperait d’elle sans se plaindre. Qui d’autre le ferait ? Il le savait désormais : la passion, c’était ça. Assis à son bureau, il rêvait à leur vie future.

C’était une bibliothèque imposante faite de longues travées où les livres étaient rangés selon leur nature. Elle était signalée par des écriteaux de cuivre. Elle inspirait la sérénité des établissements religieux. Les visiteurs n’y parlaient qu’à voix basse.

Il avait parfois l’impression que l’un d’entre eux transmettait à son vis-à-vis des secrets capitaux. Ils étaient les adeptes de l’idéologie d’une élite. 

C’est à la bibliothèque que Jean Cormier était venu le voir. Jean était apparu dans sa vie à quelques reprises seulement mais à chaque fois il en avait été bouleversé. Durant ses études secondaires, Jean avait été son condisciple. C’était un garçon très renfermé, les yeux toujours baissés lorsqu’il s’adressait aux professeurs qui l’interrogeaient. En revanche, il était vraisemblablement un des meilleurs élèves de la classe. Studieux et obstiné, il recueillait de très bonnes notes dans les matières les plus ardues.

Aujourd’hui, il était inspecteur principal de la police judiciaire.

Pierre ne savait pas s’il devait sourire ou non de la boutade de Jean Cormier.

- Tu veux vraiment être bibliothécaire ?

- Vraiment. J’espère être nommé officiellement.

- Je ne veux pas être indiscret. Vous allez vous marier, Julie et toi ?

- Tu connais Julie ?

Jean avait un livre à la main. Sa question devait être de pure politesse.

- Je connais tout le monde, Pierre. Je suis comme une voyante. De tout le monde, je connais le présent et le passé. Quant au futur, je le pressens parce que les gens n’ont pas beaucoup d’imagination.

Il avait été soulagé après le départ de Jean. Il avait dit : à bientôt mais il espérait ne plus le revoir. Jean l’avait mis mal à l’aise.

Ce fut une courte période de bonheur. Une autre vie à nouveau ou la même vie ? Il ne savait plus. Il ne voulait pas savoir. Il savait seulement qu’à proximité d’elle, il avait envie de la serrer contre lui et de la prendre. Il en aurait pleuré mais elle le ravissait.

Un après-midi, ils avaient à peine échangé quelques mots de toute la matinée, c’était de plus en plus fréquent, Liliane était venue leur rendre visite. Elle faisait semblant d’être toute émoustillée.

- Tu sais qui vient ce soir ? Laszlo.

Elle se tourna vers Pierre.

- Cela t’ennuie si Julie m’accompagne ? Il donne un récital au Métallo.

- Laszlo ici, ça m’étonne ?

- C’est un ami qui me l’a dit. Ils doivent être à Bruxelles demain, pour un récital véritable. Mais un des musiciens à des amis ici. Ils ont décidé d’y loger. Le batteur, je le connais, il est beau à mourir. Je te jure, Julie.

Julie ne disait rien. Pierre s’était levé et avait enfilé son imper.

- Vous faites ce que vous voulez. Moi, de toute manière, j’ai des choses à faire ce soir.

Laszlo et les siens étaient un groupe de musiciens dont le succès soudain remplissait les salles de concert ou ce qui pouvait en tenir lieu. De la guitare et de la trompette dont la batterie soulignait les envolées musicales.

Le Métallo était un café situé à la limite de la ville. Dans l’arrière salle, on y donnait des spectacles de variétés où venaient se produire des artistes débutants ou des vedettes qui n’en étaient plus. Certains soirs, des groupes politiques débutants y tenaient des meetings dont les dirigeants avaient conscience qu’ils n’attireraient que peu de participants. Mais elle était souvent disponible.

Pierre s’était rendu au Réjane. C’était à pleurer de rire, pensait-il, cette taverne était le cadre de nombreuses émotions qui avaient été jusqu’à modifier le cours de son existence. Alfred lavait ses verres avec des gestes précis mille fois répétés. Un jour le souvenir que Pierre garderait d’Alfred serait celui d’un barman en gilet, dont personne ne soupçonnait s’il avait ou non une autre vie, qui lavait ses verres avant de les ranger derrière lui sur une étagère de verre. Cela ne l’empêchait pas de répondre à ses clients. Mais jamais de les interroger.

Pourquoi Julie ne l’avait-elle retenu ?

Il commençait à faire sombre et la pluie s’était mise à tomber. Vers minuit, déjà ivre, il s’était dirigé vers le Métallo.

 Rares étaient les fenêtres au travers desquelles on pouvait distinguer de la lumière. A cette heure-ci, la plupart des habitants, des salariés de l’usine métallurgique qui se trouvait au bout de la chaussée, dormaient. Le sol était luisant, il avait plu tout l’après-midi, les reflets de la lune au fur et à mesure qu’il avançait, se trouvaient toujours devant lui.

Il n’y avait plus grand mode au Métallo. Laszlo, un verre de bière à portée de la main, grattait les cordes de sa guitare devant quelques spectateurs qui l’accompagnaient de mouvements de la tête et des bras.

- Oh, Pierre !

Jean Sturbois lui faisait signe.

- Qu’est-ce que tu fais là ?

- Tu as oublié que nous faisions du Jazz, il n’y a pas si longtemps. Maintenant que je suis célibataire à nouveau, je ne vais pas m’en priver.

Elisabeth, la femme de Jean, l’avait quitté huit jours auparavant. Il était ivre lui aussi. A croire que ce soir était le soir de la réunion des hommes sans attaches féminines. Légèrement ivres.

Pierre s’était dirigé vers les toilettes et avait poussé la porte. Il ne s’y trouvait personne. Celle des toilettes pour hommes, puis rapidement la porte de celles réservées aux femmes. Il n’y avait personne. Il s’était assis auprès de Jean.

- Il y a peu de monde.

- La plupart sont partis. Même les musiciens.

- Liliane m’avait dit qu’elle passerait.

- Elle est passée, en effet. Je ne savais pas qu’elle les connaissait. Tu prends un verre ?

Laszlo était avec deux musiciens qui nettoyaient leur instrument sans se préoccuper des clients qui les entouraient.

- Je ne vois pas le batteur ?

- Il est sorti il y a un moment, déjà. Liliane est venue lui parler, ils sont sortis ensemble. Liliane est revenue seule. Tu n’es pas venu avec Julie ?

- Elle n’était pas bien.

Il était  blême. Il ne fallait pas lui faire un dessin. Il imaginait la scène comme s’il y avait assisté. Toute la scène. Celle que Jean venait de lui décrire et les autres, toutes les autres.

Julie et Liliane étaient venues en voiture. C’était Liliane qui avait invité le batteur à sortir. Elle lui avait présenté Julie qui « se mourait » de le connaître. Julie sexy comme aux premiers jours de leurs rencontres véritables lorsqu’elle souhaitait faire de Pierre son amant. Liliane avait proposé que Julie ramène le batteur à son hôtel. Il avait accepté. Quel homme ne l’aurait pas accepté ? Les genoux découverts, Julie lui avait proposé de prendre un dernier verre. Peut être avait-elle eu les gestes que certains hommes peuvent avoir envers une femme assise à leur côté dans une voiture ? Ils n’avaient pas attendus d’être dans la chambre à coucher pour se frotter l’un contre l’autre. En poussant des cris qui multiplient les sources du plaisir.

Il n’en pouvait plus.

- Je vais rentrer.

Il n’avait pas cessé de pleuvoir. Son imperméable était ouvert, la pluie traversait sa chemise. Il était prêt à tuer mais il redoutait le moment où il  pousserait la porte. Si la pluie ne s’était pas mise à tomber en trombe, il se serait éloigné. Mais il était devant la maison de Julie.

Julie avait ouvert la porte brusquement.

- Mon dieu, j’étais folle d’inquiétude. Tu as vu ton état ?

Elle était en peignoir. 

- Otes tes vêtements. Je vais t’essuyer. Tu vas attraper la mort.

Elle l’entraina vers la chambre, et l’étendit sur le lit. A genoux, elle lui avait ôté ses chaussures et son pantalon. Elle le redressa pour enlever sa chemise et commença à lui frotter le dos puis le corps tout entier.

- Pourquoi es-tu parti ? Liliane est rentrée après que tu sois parti. Ou as-tu été ?

- J’ai voulu écouter Laszlo.

- Pourquoi ne pas l’avoir dit ? Nous y aurions été ensemble.

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Un printemps d'écriture,

 

Je voudrais tant ma vie restant,

ne faire pousser que des fleurs,

inlassable les contempler,

me réjouir, m'émouvoir,

de leur croissance sans fin ;

de leur silence et de leurs voix,

dès lors qu'elles s’entrebâillent puis s'ouvrent.

Je voudrais tant ma vie restant,

faire surgir en pleine cité grise,

des buildings de couleurs, de senteurs ;

inlassable les regarder,

me réjouir, m'étonner,

de leur grâce, de leur force,

dès lors qu'ils s'inclinent,

pour, dans la seine promeneuse,  se mirer;

tout en vert le printemps l'a vêtue,

non sans  caresser épris,

son long corps aquatique ;

l'onde depuis  s'écoule charmée,

en plein Paris,  entre deux berges,

 de soleil et de bleu éclaboussées !

Je voudrais tant ma vie restant,

écrire toujours,

 à la manière d'un feu de fleurs,

qui resteraient bien vivantes, troublantes,

pour faire venir la mer entière,

 jusque dans le métro glacial et sombre.

Je voudrais .........

NINA

 

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La fête à la cabane, au Québec

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A la fin du mois de mars,

n’oublions pas la campagne,

quand c’est la fête à la cabane.

Allons voir les érables,

qui donnent leur sève goutte à goutte.

Savourons l’odeur du sirop

qui s’épaissit dans la chaudière.

Sur de longs tréteaux, ce sera

la dégustation, sans façon,

du sirop figé sur la neige,

en un délicieux caramel.

Gourmands, nous le ramasserons

Avec des languettes de bois.

Le soir, il y aura des danses,

avec violons pour orchestre.

De la joie, pour petits et grands!

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Artiste JGobert

J’habite New York, Madison avenue, un immeuble de 10 étages à quelques pas de Central Parc dans Manhattan. Times square, Soho ne me sont pas inconnu. Je vis dans un monde parallèle, étranger dans le tumulte de cette ville tentaculaire. Son agitation me plait et j’aime me promener, me faufiler dans ces rues fortement éclairées le soir où la lumière se repend comme des sources d’or.

 Je m’appelle Jeffrey, les amis m’appellent Jeff. Mon caractère est facile, agréable et je suis un déplacé né à la campagne. Mes parents sont immigrés, expatriés. Une partie de ma famille est installée  ici pour exister, subsister autrement. J’ai appris à vivre dans cette ville.

 Je veux être artiste, avoir la grande vie, faire du cinéma, du théâtre. Me faire connaître et reconnaître de mes condisciples. Je fais des petits boulots pour survivre. Quand je mets mes habits de lumière, mon chapeau à paillettes et que je prends ma canne, je deviens le grand, le beau Jeff comédien que tout le monde aime. Le succès n’est pas encore au rendez-vous mais moi j’y crois.

 Ma sœur est restée au pays. Elle habite une maison à la campagne, elle est toujours l’intruse, celle que tout le monde veut attraper. Elle connaît tous les secrets  des villageois et entend tous leurs propos. Elle aime sa demeure et est heureuse là-bas. Sa vie est tout autre, elle déambule dans les couloirs et personne ne peut la saisir. Ils ont bien essayé de la piéger mais elle a déjoué tous les plans. Elle vit avec les hommes. Elle les épie avec délice, les espionne avec bonheur et si elle pouvait s’exprimer, elle en raconterait des histoires.

 Dans mon immeuble, je ne suis pas tout seul. D’autres y habitent, des bohémiens comme moi,  qui veulent réussir aussi et cherchent la gloire. L’endroit est propice aux arts, les musées, les théâtres, les cinémas se livrent facilement et j’ai mes entrées un peu partout. J’ai eu la chance de rencontrer des artistes qui, sur scène, dispensent le rire, la comédie, l’enchantement. C’est cela que je veux faire.

Les hommes dans cette ville sont cruels, sans cœur et il est bon de savoir qui on est. Inutile de s’y frotter.

 Ma sœur vit en compagnie d'un grand-père et sa petite fille. Elle aime les regarder bouger et les repère aux bruits qu’ils font. Grand-père aime la musique. Chaque pièce a des secrets d'alcôve et la vie s’écoule simplement. Elle aime surtout la chambre de grand-père, sa chemise de flanelle qu’il pose sur une chaise, son vieux pantalon de velours et ses bretelles élimées et fidèles. Les souvenirs posés sur l’étagére. C’est un vieux monsieur et chaque fois qu’il passe devant un miroir, il lisse ses superbes moustaches et s’asperge d’eau de Cologne.

La chambre de la fillette est coquette, joyeuse, décorée avec goût, elle respire aujourd'hui le bonheur. La petite fille est arrivée depuis quelques années suite à un grand malheur.

 

Où je vis, il n’y a pas de proximité possible avec les hommes qui nous pourchassent d’emblée. Si la ville me plait par son activité, les hommes ne sont pas compréhensifs, bienveillants. Ils vivent pour eux et ne laissent pas de place à ceux qui sont différents, autres. J’ai peur parfois de n’être pas à la hauteur.

 De la chambre de la fillette, ma sœur peut apercevoir grand-père s’assoir sur un petit muret et fumer sa pipe. Il est âgé déjà et ses tourments ne sont pas pour lui mais bien pour cette petite fille qui vit avec lui. Ma sœur les observe et les voit souvent partir se promener, main dans la main et revenir ensoleillé de tendresse.

 Je ne connais pas cette atmosphère, cette douceur dans ma ville où les hommes courent, se déplacent sans cesse, bruyants, insatisfaits et de mauvais humeur. Dans mon immeuble, je suis relégué tout en bas sous le parquet plastifié et je ne connais pas le plaisir de ces bois d’antan qui sentaient si bon la vie.

Je n’ai pas le droit de me montrer aux hommes sans que cela déchaîne des passions terribles. Mon monde à moi se joue caché, dissimulé, sournois pour ne pas être détruit par eux. Notre société vaut bien la leur et notre droit à respirer aussi.

 La nature n’a pas mis de critère sur cette terre pour définir qui peut vivre ou mourir. Seuls les hommes ont pris ce droit, ce pouvoir de détruire tout sur leur passage, de choisir pour les autres. Ils jugent que nous sommes nuisibles, nocifs, incommodants. Et d’autres sont laids, affreux, hideux.

Moi, je suis l’intrus qui veut vivre comme un artiste. Je fais des sauts et des cabrioles pour amuser le monde et le faire rire. J’aime ma condition de malice et je hais les hommes envahis de faux sentiments, de fourberies et pour qui la vie, l’humour, l’ironie d’un étranger, d’une petite souris grise n’a pas d’importance, ni d’intérêt.

 

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Jean-Louis Crousse (14 février 1932 - 31 décembre 2008) me fut ami. Je tiens ici à évoquer quelques-uns de ses textes en souvenance de notre belle amitié.

Je lui ai consacré un de mes CD-ROM sur les écrivains contemporains contemporains belges que j'ai évoqué dans ma série de 74 CD-ROM  "Le Testament des Poètes".

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Jean-Louis Crousse

C. cisèle ses incertitudes, ses questionnements et ses bifurcations jusqu'au plus profond des ombres et désespérances. Il nous donne à entendre un sourire sur la vie et un chant sur le ténu. Son hésitante passion, son frêle phrasé et sa malice font sourire les sens des mots, comme des dons qui accroissent et renouvellent nos fugitives intuitions. C’est aussi un David qui catapulte sa bonne graine dans l’œil d’un Goliath dont le grotesque pouvoir est biffé à l’agenda de nos projets. C., poète, comme anathème en sourdine, pour conspuer les pompes du spectaculaire. Un « long hiver » traversé de multiples saisons, d’exploits de troubadour. C. l’a intensément murmurée, sa cantilène. Voyez-vous, il est dans l'air...

Robert Paul

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Ce merveilleux troubadour nous laisse des livres de poésie, des textes inoubliables, comme par exemple "Les funambules d'amour' (1987)

« On disait d’eux, on les appelait les funambules d’amour, toujours sur les places des villages au solstice de l’été ils déroulaient une sorte de câble un gros fil dont ils ne se séparaient jamais et très attentifs, ils étudiaient la configuration des lieux les maisons les arbres et puis ils déployaient ce fil ce cordage quelque part ils le tendaient entre deux arbres précisément et l’un de ceux-ci pour le temps de l’acrobatie portait le nom de hasard et l’autre celui de nécessité.

Puis tous accouraient recherchaient les coins d’ombres et regardaient. L’église était pour la circonstance éclairée et de même toutes les maisons du village. Seul restait lumineusement sombre l’espace qui séparait les deux danseurs de corde. Alors partant chacun d’un de ces arbres ils se rejoignaient silencieusement lentement au centre de la place au point central de ce fil et là au cœur de la nuit la plus courte ils s’embrassaient silencieusement lentement et ensuite revenaient à reculons à leur point de départ. On disait d’eux on les appelait les funambules d’amour. »
Forest, le 25 mars 1987.

Ces funambules d’amour sont encore évoqués dans un très beau texte du « Voyage léger », toujours sur ce fond de ces effleurements d’ailes, de la musique fragile qui nous rendait ce poète si cher « et vous aussi, les (…) funambules qui vous embrassez en toute quiétude à cinquante mètres du sol – asseyez-vous à mes côtés, ensemble nous guettons ce moment où s’arrête, et médite, et s’apprête, d’un air fragile, on dirait, d’un coup d’ailes traversant le siècle une sorte de musique, de pensée, peut-être, au rebord parfois désolé du monde »

Seront évoqués :

 

Dix recueils de poésie, lesquels forment, selon le poète, un ensemble musical, une œuvre unique en cinq mouvements :

 

-En prologue :

 

Mille gris, (MG) Ed. St-Germain des prés, 1983

 

Que faire d’un lampe, il pleut, le jour se lève, Ed. St-Germain des prés, 1986

 

 

-En mouvement lyrique :

 

Le vif, l’à peine, (LVL’P), Ed. Chambelland, 1988

 

 Le voyage léger (LVL), Ed. Galerie Racine, 1990

 

 

-En divertimento

 

Incertitudes (I), Ed. Art pluriel, 1991

 

Sentes et sources (S&S), Ed. Art pluriel, 1993

 

 

-En mouvement méditatif (prose poétique)

 

 

Du plus bas parler, (DPBP), Ed. Racine, 1993

 

 

La nuit diamantine, Ed. du Grill, La Hulpe, 1996

 

 

-En épilogue :

 

 Fumée sur papier, Ed. de l'Acanthe, Namur, 1996

 

Feuillage et silence, Ed. Librairie-Galerie Racine, Paris, 2000, Préface d'Adolphe Grégoire

  

 

Un livre d’invitation au voyage poétique :

 

Aller là-bas, Propos, Ed. de l'Acanthe, Namur, 1997, Préface de Joseph Bodson

 

 

Un journal :

 

Long hiver, Ed. Les Elytres, 2002, Préface de Jean Dumortier

A suivre pour d'autres évocations de ses beaux recueils de poésie.

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         4

 

Julie avait posé trois tasses sur la table et préparé du café. La sonnette retentit deux fois.

- C’est le signal de Liliane. Reste, je vais ouvrir.

Il y eut un bruit de voix dans le vestibule, puis Liliane apparut suivie d’un homme âgé d’une trentaine d’années et vêtu d’un blouson de cuir et de jeans délavés. Un bel homme qui inspirait une sympathie immédiate. Il les regardait en souriant.

- Marc-Antoine. Je viens de le recueillir à la station service. Il faisait du stop.  

Julie était entrée. Liliane semblait jouir de leur surprise.                               

Plus tard, Pierre avait appris de Marc-Antoine qu’il ne faisait pas du stop, qu’il marchait le sac sur le dos comme un routard et que Liliane, à proximité de la station d’essence, avait arrêté sa voiture pour l’interpeller.

- Où allez-vous ? Si c’est sur ma route, je peux vous y conduire.

- Je ne sais pas. N’importe où.

- Elle a ouvert la portière. Elle s’est penchée. Montez donc, a-t-elle dit, et je suis monté. Elle voulait se faire un mec, je suppose. Cela m’était égal où j’allais.  

J’ai rendez vous dans deux semaines dans les bureaux du Club Med. D’ici là… Ici ou ailleurs.

Julie ajouta une quatrième tasse. Liliane s’était assise sur le divan adossé au mur. En contemplant Pierre et Julie, elle semblait demander :

- Comment nous trouvez-vous ?

Liliane était quelconque.  En ville, on disait qu’elle n’était pas mal mais qu’elle avait le feu au cul.

- J’ai trouvé une chambre pour Marc-Antoine. Il aurait pu dormir chez moi, j’ai suffisamment de place mais on aurait jasé, tu connais les gens.

Elle portait une robe qui finissait au-dessus des genoux, et son corsage découvrait le début de sa poitrine. Elle attirait l’attention sur l’une et l’autre partie de son corps en tirant sur sa robe par le bas ou par le haut.

- Vous êtes mariés ?

- Non, pourquoi ?

Marc-Antoine avait posé la question sans y porter réellement de l’intérêt. Il aurait pu demander s’ils aimaient la confiture. Néanmoins, le non immédiat de Julie avait heurté Pierre.

- C’est tout comme. Peut-être plus.

Liliane s’était levée, elle avait entouré le cou de Pierre, elle avait regardé Julie. Elle avait ajouté :

-N’est-ce pas ?

- Je disais simplement que nous n’étions pas mariés.

Elle avait la tête baissée en servant le café.

Pendant un moment, Pierre avait eu peur que Julie ne les retienne à dîner. Mais à voir la manière dont Liliane regardait Marc-Antoine, ça se voyait, elle n’aurait pas accepté. Elle lui ébouriffât les cheveux.

- On en mangerait. On peut le dire, non ?

Tant mieux si Marc-Antoine lui plaisait. La réponse de Julie: nous ne sommes pas mariés, avait irrité Pierre.

Depuis c’est au Réjane près de la gare, un café proche du domicile de Marc-Antoine, que Pierre et Marc-Antoine se rencontraient souvent. Le matin alors que Julie était au bureau. Pierre était au Réjane. Alfred, le barman, connaissait ses amis et lui depuis leurs années d’étude. C’est au Réjane qu’ils passaient les heures de cours qu’ils avaient envie de manquer. C’est au Réjane qu’ils emmenaient leurs conquêtes auxquelles royalement, ils offraient une boisson. Alfred ne s’étonnait jamais de les voir différentes, selon la saison probablement. 

Ils n’étaient pas devenus des amis à proprement parler mais Marc-Antoine était un garçon agréable avec qui on pouvait bavarder de tout et de rien. Il semblait ne rien prendre au sérieux. Il avait toujours sur les lèvres un sourire mi-ironique, mi-sceptique. Pierre lui était sympathique, avait-il dit.

Lorsqu’il avait confié qu’il s’était engagé au club, Ils avaient un peu trop bu ce soir-là, il avait dit:

- C’est plein de filles qui cherchent quelqu’un pour quelques heures ou quelques jours. Elles ne se compliquent pas la vie.

Il avait ajouté :

- Toi, ça se voit, tu es un garçon compliqué. Tu es jaloux de moi ?

- Moi ? Pourquoi ? A cause de Liliane ?

- A cause de Julie.

Pierre l’aurait frappé.

- Aucune femme ne vaut la peine. C’est ta tête qui fait tout. Ne fais jamais confiance à une femme.

Ils avaient continué de boire. Pierre l’avait ramené à sa chambre, et il était rentré.

Il avait pensé à Marc-Antoine, cet homme seul que des femmes étaient prêtes à recueillir sans le connaître. Cet homme qui n’aimait pas les femmes parce que, il l’avait appris plus tard, sa femme l’avait trahi.

La femme de Marc-Antoine n’avait pas plus de trente ans. Elle était atteinte d’un cancer au sein décelé trop tard. Les métastases s’étaient répandues comme une mauvaise semence. Plutôt que de perdre les seins, elle pensait que les hommes, même ceux qui ne s’en servaient que rarement, n’aimaient pas les femmes qui portent des cicatrices à la poitrine, elle avait pris le revolver de son mari. Elle s’était suicidée d’une balle dans la poitrine.

Marc-Antoine n’avait appris la vérité que le soir de sa mort en revenant du tribunal où il avait plaidé avec l’ardeur d’un jeune avocat talentueux. Il s’était senti trahi. Elle l’avait abandonné alors qu’il avait encore tout à apprendre d’elle. Il l’aimait. Telle qu’elle était. Telle qu’elle deviendrait. Voilà donc l’image qu’elle avait de lui ? La mort lui était plus sûre que Marc-Antoine. Il avait disparu dès le lendemain sans se préoccuper de rien d’autre ni de personne.

- On se suicide comme on peut.

Liliane ne se souciait pas de ses états d’âme. Elle attendait autre chose d’un homme que ce qu’elle appelait des vaticinations métaphysiques. Depuis que son mari était mort, elle jaugeait les hommes au lit.

En revanche, cela crevait les yeux, il n’était pas indifférent à Julie qui avait de la compassion pour cet homme qui venait de nulle part. Et qui était bel homme.

Lorsque Liliane se rendait chez Julie, Marc-Antoine l’accompagnait. Liliane aimait à exposer sa proie. Dès que Marc-Antoine parlait, Julie l’écoutait avec attention. Elle le disait probablement par politesse.

- Enfin Pierre ! Tu l’empêches de parler.

Liliane éclatait de rire.

- Enfin, Pierre !

Quand un homme émeut une femme, d’autres femmes sont prêtes à lui ouvrir les bras.

Pierre se serait levé et serait sorti tant la jalousie lui étreignait la poitrine. Mais il ne voulait pas les laisser ensemble. Il est des signes qui éclairent alors même que le comportement ne change pas. Ils sont imperceptibles aux yeux de ceux qui n’ont jamais aimé. Où qui n’ont jamais aimés qu’eux-mêmes. Jusqu’à ce jour il ne s’était agi que d’amour comme en connaissent la plupart des amoureux. Cette nuit-là, il s’était demandé si c’est à lui qu’elle pensait pendant qu’il la caressait.

- Je dois me rendre au Club, il y a des choses qui traînent.

Marc-Antoine l’avait annoncé un mercredi matin pendant qu’ils prenaient un verre au Réjane.

-Je vais t’y conduire, si tu veux. Je dois me rendre à Bruxelles.

- Cela ne t’ennuie pas ?

- Mais non.

En voiture, pensait Pierre, il le ferait parler. Il avait son idée quant à l’affection réelle que Marc-Antoine portait tant à Liliane qu’à Julie. Des femmes à prendre et à jeter, devait-il penser.

Le lendemain, il était passé le prendre à son hôtel. Marc-Antoine avait revêtu un blazer croisé, un jean usé et une chemisette bleu clair, la couleur de ses yeux. Il était parfaitement peigné et rasé.

- Tu vas draguer les filles du Club, Marc-Antoine ? On passe la nuit, alors ?

- Pour draguer les filles du Club, je ne sais pas. Pour passer la nuit, je ne dis pas non.

Il avait étendu les jambes, reculé son siège, et fermé les yeux. Il était le type même du séducteur fat et imbu de lui-même. Pierre avait l’intention de montrer à Julie la vraie personnalité de ce type.

- Ne prend qu’une chambre, ça m’étonnerait que je rentre de sitôt, cette nuit. Et toi, Pierre, tu n’avais pas une copine que tu aurais envie de revoir ?

Pierre l’avait déposé devant les bureaux du Club. Il avait téléphoné à Julie qui lui avait demandé si les choses s’arrangeaient pour Marc-Antoine.

- Oui, ne t’inquiète pas.

Liliane et Julie souhaitaient le contraire sans le dire à haute voix, il en était convaincu. Il était le seul à souhaiter réellement son départ.  

Il était allé saluer des gens qu’il avait connus. A la firme de matériel médical, le Directeur général avait voulu le saluer.

- Je ne vous ai pas très bien compris, Pierre. A mon sens, vous avec manqué une grande carrière.

C’était quoi, une grande carrière ? C’est vrai, il ne le regrettait pas. C’était une preuve supplémentaire quant à son amour pour Julie. Le soir, à l’heure où certaines boites se remplissent, il était passé prendre un verre à l’Archiduc. Il imaginait peut être que sous un verre haut dressé, il reconnaitrait la silhouette de Clotilde.

Il était rentré à l’hôtel, il avait poussé la porte de la chambre après avoir frappé. Marc-Antoine, à cheval sur le dos d’une fille qui haletait s’était retourné vers lui.

- Mille excuses, vieux frère, notre chambre est beaucoup plus belle que la sienne. Nous sommes venus finir la nuit ici. Si le cœur t’en dit, le lit est assez large. Et mes idées aussi.

Ils étaient repartis le lendemain. Pierre le haïssait de plus en plus.

Un jour que Liliane devait s’absenter pour la journée, Marc-Antoine avait été invité à venir l’attendre chez Julie. Julie avait dit:

- C’est la moindre des choses. C’est un ami, non ?

A cinq heures de l’après-midi, il n’était pas encore arrivé.

Julie était inquiète.

- Je suis certaine que quelque chose lui est arrivé.

- Il doit y avoir une raison. Que veux-tu qu’il lui soit arrivé ?

- Je ne sais pas mais je suis certaine qu’il est arrivé quelque chose.

Elle était nerveuse, son visage était tendu.

- Prenons la voiture, Pierre. J’ai trop peur. Liliane ne me le pardonnerait pas.

Ils avaient pris la voiture. Il l’avait conduite à l’immeuble où Marc-Antoine avait sa chambre. Elle  ne lui avait même pas demandé de monter avec elle ou de l’attendre. Elle était revenue au bout d’une bonne demi-heure, pas loin d’une heure.

- Il lisait. Il m’a dit qu’il avait oublié.

Puis, elle n’avait plus rien dit. Chez elle, ils étaient restés seuls. Ni Liliane ni Marc-Antoine n’étaient venus, Liliane avait téléphoné pour s’excuser.  

- Tant mieux. Je ne sais pas ce que j’ai, je suis très fatiguée ce soir.

Lorsque Pierre lui avait demandé si elle souhaitait qu’il aille passer la nuit chez son père pour qu’elle puisse se reposer, elle n’avait pas tenté de le retenir. Ils s’étaient embrassés comme de vieux amis. Sur les deux joues. Il se souvenait que Clotilde souhaitait qu’ils fussent de bons amis pour se réserver des soirées qui ne seraient qu’à elle. Est-ce que Julie souhaitait aussi qu’ils soient de bons amis ? Pierre bouillait de rage.

C’est Liliane, elle était passé le prendre comme à chaque fois qu’il ne dormait pas chez elle, qui avait découvert le corps inanimé de Marc-Antoine. Il gisait sur son lit uniquement vêtu d’un t-shirt. Sur la table de nuit, il y avait un verre dont l’odeur ne révélait rien et un second verre auprès d’une bouteille de whisky à moitié vide. L’analyse du premier verre par les services spécialisés de la police judiciaire conclurent que Marc-Antoine s’était suicidé.

L’enquête dévoila ce que personne ne s’était ingénié à savoir. Le nom de famille de Marc-Antoine, son origine et son métier. Il n’était pas issu de nulle part. La mort de sa femme expliquait sa décision. Peut-être que la perspective du Club ne lui était-elle plus apparue comme une solution suffisante. Ni la sympathie que lui portaient Liliane et Julie.

Il savait dès le premier jour qu’il les quitterait et disparaîtrait  aussi simplement qu’il était apparu.  L’une et l’autre en avaient été blessées. Pierre s’était réjoui de sa mort.

Il l’avait regardé comme un être sans épaisseur réelle, une idée un peu folle qu’une femme pouvait évoquer dans les recoins obscurs de son jardin secret. Mais depuis que Julie s’était rendue chez lui, qu’elle était restée dans sa chambre pendant qu’il l’attendait, il s’était mué en rival.

Depuis la mort de Marc-Antoine, Pierre et Julie ne se  parlaient plus beaucoup. Liliane venait les voir moins souvent et à chaque fois qu’elle venait, elle se conduisait envers lui avec la curiosité attentive d’une mère. Elle disait à Julie :

- Comment fais-tu pour être aussi jolie dès le matin. Ce doit être la présence de Pierre qui te donne ces couleurs. Ou autre chose qu’on ne doit pas dire.

Elle se tournait vers lui.

- Sûrement que tu as des talents cachés.

Julie regardait Liliane de façon étrange. Toutes deux paraissaient voir d’elles-mêmes les images qu’elles présentaient et des images différentes de celles qu’elles présentaient.

C’est souvent le cas, les propos importants s’échangent durant la nuit. Julie faisait l’amour en pleine lumière mais pour parler, elle éteignait. L’obscurité donne aux mots une profondeur particulière.

- Tu ne crois pas que c’est Liliane qui a tué Marc-Antoine? Elle est pharmacienne.

- Pourquoi l’aurait-elle fait.

- Peut-être qu’elle pensait qu’il était amoureux de moi.

C’étaient les mots qu’elle souhaitait prononcer devant lui. Peut-être qu’elle souhaitait qu’il lui réponde qu’elle avait raison. Que Liliane avait tué Marc-Antoine parce que Marc-Antoine était amoureux de Julie. Elle l’aurait aimé comme aux premiers jours. Finalement, ce qu’ils se disaient n’était qu’une autre forme du silence.

Il avait voulu la toucher un soir, elle s’était excusée, elle ne se sentait pas bien.

- Je ne sais pas ce que j’ai.

Elle avait repoussé sa main. Elle s’était levée.

- Je ne veux pas t’empêcher de dormir. Je vais me coucher dans l’autre chambre.

C’était la première fois qu’elle se refusait. Elle était venue le rejoindre à la levée du jour. Lorsqu’il s’était levé pour préparer le petit déjeuner, il s’était promis de la quitter. Même s’il pensait que deux morts auraient du les rapprocher davantage.

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"Volupté"

Peinture à l'huile.

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Femme,

tu étires dans le temps ta beauté pulpeuse,
à la naissance du monde, louange céleste.
Les courbes vagabondes de ton corps dessiné
racontent les méandres d'une vie destinée.
Tu étends dans le temps ta pudeur modeste,
Dans la danse de tes courbes langoureuses.

Femme,
cadeau offert au monde d'éternelle beauté,
ta peau cuivrée émanant les essences d'amour,
tu étales au jour levant ta pudeur envoutante,
la fragilité cachée de tes nuits émouvantes.
Tu offres au monde les rides vécues sans retour,
les nuits dorées s'étiolent dans les matins d'été.

Femme,
errante entre l'enfance et l'adolescence
vaincue dans les douleurs de l'enfantement
tu tends au destin le poids de tes fruits mûrs.
Tu te souviens au soir de ces instants qui durent,
dont ton âme se nourrit dans son isolement.
En pleurs, tes regrets se muent en reconnaissances.

JDL

08/06/2013

Note de l'auteure.

J'ai choisi de vous présenter "Femme" dans toute sa simplicité et sa fragilité

et que le pinceau de Lily souligne si gracieusement.

Pourquoi celui-ci?

parce qu'il souligne sans doute ma fragilité et vulnérabilité du moment.

Je vous dois d'être honnête et donc vous avouer que pour le moment je ne peux me consacrer à "Arts et Lettres" ni physiquement, ni mentalement...j'ai besoin d'un petit peu de temps, de m'acclimater à tant de choses, de me ressourcer et surtout de me poser...moi, le feu-follet des milles pensées et idées, voulant tout accomplir en même temps, être à tant d'endroits en même temps...j'en ai perdu le sommeil et je dois le retrouver.

Quand les jours raccourciront et que les nuits blanchiront alors je reviendrai me réchauffer auprès de vous et je me réjouirai.

Alors voici ce poème que je sais ici bien gardé, à l'abri des partages indésirés!

Faites attention à vous et à bientôt.

Merci Robert Paul et Lily

Amicalement à vous tous

Joelle

Les partenariats d'

Arts12272797098?profile=originalLettres

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administrateur partenariats

12273002685?profile=originalPhoto de Vidjanma

Sur la route

Sur la route il y a des papillons bleus,
Des nuages blancs qui jouent à cache-cache,
Des soleils qui brillent dans nos yeux amoureux,
Des mains, des regards, des espoirs qui s’attachent.

Sur la route au détour de ce long chemin
On découvre la terre et ses figures
Où dort la pierre des allées de jardin
Et vieilles voûtes chargées d’aventures.

Un sentier secret puis une lueur au bout,
La rosée des bois qui mouille nos cheveux,
Des sourires se croisent qui viennent vers nous,
Des êtres gambadent plus libres et joyeux.

Sur la route rien ne se ressemble
La parcourir nous ouvre l’horizon
Point de doute elle nous rassemble
La gravir c’est le bonheur à foison !

Gilbert Czuly-Msczanowski

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"Sur la route du bonheur"

Interprétations aquarelle et acrylique Body Heavy de Liliane Magotte

Je remercie Gilbert Czuly-Msczanowski et Vidjanma

d'offrir un tel bonheur à mes pinceaux .

Les partenariats d'

Arts12272797098?profile=originalLettres

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"C'est le film par lequel je veux que l'on se souvienne de moi",

Charles Chaplin (1889-1977).

12273000053?profile=originalChercheurs d'or à l'assaut du col de Chilkoot, Alaska (photo B. L. Singley, 1898).

Quelques scènes-clés d'abord du film The gold rush (1925) :

http://youtu.be/4x8pXJx4uOI

"La ruée vers l'or" : un projet pharamineux qui s'avéra être la comédie la plus longue et la plus coûteuse de l'époque. Tournée dans la douleur, et à plus d'un titre. Conditions de tournage, coûts astronomiques, déboires sentimentaux, changements d'acteurs principaux... tout concourait pour aboutir à un fiasco.

L'histoire d'abord s'inspire de deux faits historiques dramatiques :


La Donner party en 1846, au tout début de la conquête de l'Ouest.

12272999899?profile=originalUn convoi d'émigrants en route pour l'Ouest (photo sur papier albuminé, ca 1860).

Un convoi parti d'Independance (Missouri), et même avant puisque les familles Reed et Donner firent leurs malles à Springfield (Illinois) pour se regrouper à Independance, pour arriver au Fort Sutter (actuelle Sacramento) en Californie au printemps 1847. Enfin, pour ceux qui survécurent...

Cinq familles, les Breen (Patrick et Margaret et leurs 7 enfants de 14 à 1 an), les Reed (James et Margaret, belle-maman Sarah Keyes, 70 ans, et 4 enfants de 12 à 4 ans), les Graves (Franklin et Elizabeth, 9 enfants de 21 à 1 an), les frères Donner, Jacob, sa femme Elizabeth, leurs 7 enfants (14 à 3 ans) et George, le chef du convoi, son épouse Tamsen et 5 enfants (13 à 3 ans), plus John Snyder, le fiancé de Mary Ann Graves. Auxquels s'agrégèrent quarante-trois autres émigrants au gré du périple et deux guides indiens Miwoks.

12273000699?profile=originalHommes, femmes, enfants : Go West !

Quoi qu'il en soit cinq sont déjà morts avant d'atteindre la Sierra Nevada, dont John Snyder abattu par James Reed qui sera lui banni, et trente-six périrent dans les neiges du côté de Truckee, au pied du mont Summit. Et ceux qui en réchappèrent le durent au fait d'avoir mangé leurs morts...

12273000485?profile=originalPlaque de projection pour lanterne magique (dessin, ca 1850).

La ruée vers l'or du Klondike ensuite, avec notamment le terrible col du Chilkoot, le passage quasi-obligé pour atteindre les champs d'or. Un col particulièrement difficile à franchir et à plusieurs reprises pour monter la lourde charge exigée par les autorités (soit une tonne par personne de vivres et de matériel !), cette mauvaise passe marquant la frontière entre l'Alaska et le Canada.  Et la police montée veillait ! Puis le Klondike, une région quasiment vierge et couverte d'or, au coeur de laquelle battait Dawson, la frénétique.

12273001263?profile=originalMineurs et porteurs grimpant la piste de "l'escalier doré"

(photo B. L. Singley, 1898).

L'idée du film vint à Chaplin lors d'une réunion avec Douglas Fairbanks et Mary Pickford (United Artists) lorsqu'ils visionnèrent des photos stéréoscopiques de la ruée des "Klondikers", le nom que l'on donnait alors aux chercheurs d'or. Ces milliers d'hommes affamés d'or (parmi lesquels un certain Jack London) venus de tous pays.

Une fièvre, un gold rush, que l'on nomme ici stampede, provoquée par la découverte de quelques pépites le 17 juillet 1896...

12273001862?profile=originalPréparatifs avant la montée de l'escalier doré et la piste de Peterson, col de Chilkoot, Alaska (Keystone View Company, ca 1900).

Tous auraient "bien voulu voir quelque chose de cette ville de l'or, où la poussière d'or abondait comme l'eau, et s'amuser dans des cabarets où la musique et la danse offriraient des plaisirs sans fin", Jack London.

Le tournage fut également épique. Même si une grande partie du film fut tournée en studio, où l'on mobilisa des tonnes de matériel (notamment de sel, farine et confettis pour la neige), plateaux mobiles, énormes ventilateurs pour le chinook, ce vent chaud et puissant comme un alcool qui vous monte à la tête et vous pousse dans tout le Nord-Ouest américain pour mourir au Klondike... la crédibilité du film doit beaucoup aux scènes tournées en extérieur.

Où ?... au mont Summit près de Truckee (Nevada), là même où la Donner party fut bloquée par la neige et le blizzard. La scène étant censée se dérouler au fameux Chilkoot pass, le passage mythique de la ruée vers le Klondike sur le Chilkoot trail qui marque la frontière entre l'Alaska (Etats-Unis) et le Yukon (Canada), mobilisant des centaines de figurants.

Deux scènes furent finalement réalisées en extérieur, le coût du tournage comme la fièvre qui gagnait acteurs et techniciens s'élevaient de façon vertigineuse. Mais celle de la montée du col reste la scène d'anthologie du cinéma muet.

12273002461?profile=originalEn route pour les champs d'or du Klondike et le col du Chilkoot

(photo B. L. Singley, 1898).

Au final le tournage s'étira sur dix-sept mois ...

A suivre...

Michel Lansardière (texte, photos et documents).

Note additionnelle:

12273002858?profile=originalCe billet, traduit en anglais (via google traduct, il s'agit donc d'une traduction machine)

Robert Paul

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         2

 

Pierre et elle s’étaient revus les jours suivants. Elle avait demandé le premier jour :

- Tu veux revenir ce soir ?

Il ne savait pas ce qu’il devait répondre. Elle avait été ardente. Durant la nuit, il avait pensé à Béatrice qui lui avait appris à caresser le corps d’une femme. Il avait pensé à Julie aussi. Il avait pensé à la chambre qu’il occupait.

Elle avait fixé les règles.

- On couche mais on ne s’est rien promis.

Acheteuse de lingerie féminine pour une chaine de grands magasins, un tiers de son temps se déroulait à l’étranger. Elle achetait non seulement de ces parures qui excitent l’imagination des maris mais des culottes de coton, des combinaisons et autres sous-vêtements destinés à la majeure partie des femmes. Davantage de tailles X, XL et E.L que de S. et Médium. Les médecins le confirment d’ailleurs, si le bedon menace les messieurs, c’est sur les fesses que se porte d’abord l’embonpoint des femmes.

- Cela permet d’occuper les mains des messieurs lorsque la conversation commence à languir.

Sans s’être rendu compte du temps qui passait, Pierre et elle vivaient pratiquement ensemble depuis trois ans. Parfois, lorsqu’il se taisait, elle craignait qu’il ne s’ennuie. Le temps des confidences à cœur ouvert n’était pas encore venu. Quand les gens voyagent, ils veulent se créer des souvenirs qu’ils évoqueront plus tard. Les voyages, c’est la matière première des conversations à venir.

Il y avait à Milan, deux fois par an, une foire de la lingerie.

-Tu connais Milan ? Tu connais l’Italie ?

- Non.

- Je t’invite.

Les foires commerciales avaient une curieuse influence sur la vie de Pierre. Il en aurait ri si ces pensées douces-amères ne lui avaient pas évoqué la Foire alimentaire de Francfort. Les odeurs étaient différentes. Mais pas seulement les odeurs.

L’hôtel de la Place, à proximité de la Cathédrale et des rues étroites où se trouvent les bars à filles, était un hôtel de grand luxe. Au sous sol, un bar permettait d’y passer la soirée en écoutant un pianiste. C’était un hôtel très cher. Clotilde s’en moquait. Elle disait :

- Ils ne me payent pas pour mes beaux yeux mais pour l’argent que je leur rapporte. Je veux bien travailler comme un nègre mais je veux vivre comme un prince.

Ils formaient, croyait-elle, une sorte de ménage incertain mais installé. Elle avait été séduite par ce garçon un peu plus jeune qu’elle qui ne demandait qu’à apprendre ces gestes que beaucoup de jeunes gens prétendaient connaitre de façon innée mais dont ils usaient maladroitement face à des jeunes femmes prêtes à toutes les découvertes.

Aux gestes mécaniques de l’amour, elle donnait un rythme qui les rendait différents en fonction d’une dramaturgie imperceptible qui variait selon l’heure ou les endroits. Clotilde faisait l’amour comme un violoniste se sert de son violon. Sans abandon véritable mais soucieuse du plaisir partagé. Elle préservait sa liberté en n’appartenant à personne.

- Le jour où moi ou toi, on a envie d’être seul, il suffit de le dire.

C’était sa façon à elle, sans blesser son partenaire, de dire qu’ils n’étaient pas unis pour la vie. Ou que de temps à autre, une rencontre inattendue pouvait se produire sans qu’il s’agisse d’une rupture définitive. C’est ce qu’elle appelait : être de bons amis. Quant à Pierre, il restait fidèle à Julie. Il faut bien le reconnaitre, il est souvent plus ardu de rompre que d’être amoureux.

Clotilde avait quarante-trois ans, l’âge des premières déchirures. De celles qui commencent à corroder la texture des chairs.

Depuis quelques années, chaque matin elle contemplait son visage avec une attention douloureuse. Une femme n’a que sa beauté, pensait-elle. Le jour où elle cesse de plaire, elle cesse d’exister.

Lorsque son mari avait quitté Clotilde, elle était restée prostrée de nombreux mois, incapable de mettre quelques idées en place : elles lui paraissaient aussi incongrues les unes que les autres, sans rapport aucun avec la réalité. C’étaient à peine des bouts de pensée aussi inconsistants que les cercles que font dans l’eau les galets jetés par des enfants.

Puis elle s’était efforcée de se reprendre, comme on dit. Ses déplacements à l’étranger, elle les prolongeait sans nécessité, rien que pour remplir un temps dont elle se rendait compte combien il était vide depuis qu’elle était seule à l’affronter.

Elle eut quelques aventures. De celles qui naissent, et se défont tout aussi vite, à partir d’un regard plus appuyé, presque par lassitude, pour ne pas dire non ou parce qu’on a envie de dire oui à quelqu’un. Et parce que son corps, elle voulait s’en persuader comme si c’était le signe du début de sa délivrance, avait à nouveau ses exigences. Elle en avait éprouvé un bien-être ambigu.

Pierre était arrivé à un moment décisif mais elle doutait déjà du pouvoir qu’elle pouvait exercer sur un homme. Parfois, elle souhaitait que son visage soit le seul objet de son regard pour le détourner d’autres femmes. Mais parfois, elle souhaitait qu’il regarde d’autres femmes pour le détourner du sien dont elle était devenue moins sûre.

Un jour, ils s’étaient rendus à Paris. Elle devait s’y rendre pour ses affaires et elle lui avait demandé de l’accompagner. C’était en septembre, les jours étaient encore beaux. Elle avait rêvé pour elle et pour lui que ce soit comme le jour d’une première rencontre. De celles qui surviennent par hasard sans en connaitre la fin. Un instant épargné du temps.

C’était un week-end de Foires. A Paris comme dans un grand nombre de capitales les week-ends  sont destinés à des Foires commerciales. Ce sont plus que les musées des vecteurs du tourisme. La plupart des hôtels affichaient complet. Celui qu’elle avait retenu n’était pas très luxueux mais il était situé à proximité du Boulevard Saint-Germain et des brasseries aux terrasses illuminées. De plus en plus souvent elle cherchait des endroits animés. Elle avait parfois le sentiment que le silence risquait de les séparer.

- C’est tout ce que j’ai pu trouver. Tu n’es pas trop déçu ?

La chambre était petite, le lit en occupait la plus grande partie. Elle avait ôté sa blouse et sa jupe avant de défaire les valises. Elle se savait attirante. Ils étaient si proches l’un de l’autre qu’à chaque fois qu’elle passait près de lui, il sentait l’odeur de sa peau mêlée à celle de son parfum. Un parfum qui était celui qu’il avait offert à Julie et qu’il avait offert à Clotilde. Une odeur qu’il commençait à bien connaître et qu’il  retrouvait sur lui lorsqu’elle était absente. Dieu sait à qui cette odeur le faisait penser.

Il avait le ventre contracté. Peut-être était-ce l’atmosphère de cette chambre ? Les hôtels pour beaucoup, hommes ou femmes, suscitent la même sensation que celle que leur procure le sentiment de commettre un adultère.

Elle s’était tournée vers lui. Il la trouvait belle.

- Tu veux faire l’amour ?

Sa voix était claire. Elle posait la question de la même manière que si elle avait demandé s’il voulait un verre d’eau.

- Je crois que j’ai envie de toi.

- Tu crois que tu en as envie ou tu en as envie ?

Elle riait.

- Si nous voulons aller au restaurant, nous n’avons pas de temps à perdre, je vais prendre un bain.

Elle avait ouvert le robinet de la baignoire, et elle avait ôté sa culotte et son soutien-gorge. Elle était entrée dans l’eau pendant qu’il la regardait, troublé par ce corps si tranquille. Elle avait tendu la main.

- Tu veux prendre un bain avec moi ?

Lorsqu’ils étaient sortis de l’hôtel, il faisait déjà nuit.

Clotilde s’était accrochée à son bras, sa cuisse touchait la sienne comme si leurs corps se cherchaient encore. Ce sont ces attouchements là, si vite oubliés, qui marquent le corps des amants véritables.

- Est-ce que ce que tu connais le Harry’s bar ? C’est un endroit fantastique. Au sous-sol il y a un piano, et si tu le lui demandes, le pianiste te joue des airs d’autrefois.

- Non, je ne connais de bar que l’Archiduc.

Le bar était pratiquement vide. Toutes les lampes n’étaient pas encore allumées. Il était trop tôt.

Elle eut peur soudain de ces souvenirs qui appartenaient à Pierre. Certains d’entre eux probablement appartenaient aussi à une autre.

Elle  n’avait plus repris son bras de la soirée. Cette nuit-là, recrus de fatigue, mouillés de sueur, ils avaient fait l’amour avec la rage de deux lutteurs épuisés mais incapables de se vaincre.

C’est à cette époque que Clotilde devint amoureuse de Pierre alors que le souvenir de Julie revenait à Pierre plus souvent. A quoi reconnait-on qu’on devient amoureuse ? Clotilde s’efforçait de le savoir en femme rationnelle qu’elle était. Elle pensait que ce n’était pas lié au plaisir que lui procuraient ses caresses. Elle n’était pas amoureuse des cuisiniers de restaurants étoilés; disait-elle.

Chacun d’eux vivait dans l’appartement qu’il occupait avant qu’ils ne fassent connaissance. C’était un refuge éventuel. Elle pensait que parce que leur union leur paraîtrait plus fragile, elle leur serait plus précieuse. Elle se trompait. Il y en a toujours un qui aime plus que l’autre.

La présence de Pierre lui devenait indispensable. Pour qu’il ne s’en rende pas compte, à quelques reprises elle lui avait demandé de ne pas venir la voir. L’absence, se disait-elle, est un adjuvent à l’amour. L’absence ?

Ce jour-là, au téléphone, elle avait prétexté la venue inopinée d’un ami.

- Tu ne m’en veux pas ? C’est ce dont nous étions convenus. Un ami étranger vient me voir.

- Tu ne me dois pas d’explications, Clotilde. Nous sommes d’abord de bons amis, non ?  Tu me donneras un coup de fil après qu’il soit parti.

En revanche, une autre fois, toujours au téléphone cet intermédiaire sans visage, elle lui avait reproché de ne pas l’avoir prévenue.

- Tu ne m’as pas prévenue que tu ne viendrais pas.

- Je t’ai appelée cet après-midi.

- Tu aurais pu appeler hier soir. Je ne t’aurais pas attendu de toute la soirée. Peu importe avec qui tu étais, ne serait ce que par courtoisie.

Elle faisait preuve de mauvaise foi mais c’était par amour. Clotilde se demandait avec qui elle vivait. Elle pensait qu’elle devrait rompre avant qu’il ne soit trop tard. Ses relations avec Pierre devenaient ridicules. Un soir, quelques mois auparavant, alors qu’elle ne lui demandait rien, il avait dit, dieu sait pour quelle raison, qu’elle ne devait rien attendre de lui.

- Je ne suis pas un homme équilibré. Je n’ai rien à offrir à une femme.

C’était une forme de dépression sans doute. De rejet de soi-même. Elle connaissait cette sensation de ne pas être. Il avait parlé de ce qu’il appelait sa vie antérieure, de son père le président, de René, de Gérard, et enfin de Julie. C’est d’elle qu’il brûlait de parler.

- Tu es fâchée. J’ai envie que tu connaisses tout de moi.

Il avait dit que c’était une marque de confiance et d’abandon. Il parlait de Julie à une femme libre qui de plus était sa meilleure amie.

Clotilde le consolait à force de caresses partagées. Jusqu’au sel de quelques larmes qui ajoutait du piment à leurs baisers.

Ils étaient devenus quatre : Cécile et lui tels qu’ils étaient aujourd’hui. Et un homme incapable de se définir qu’accompagnait de plus en plus souvent la Julie nichée dans sa mémoire. Parfois, il en perdait l’équilibre et portait la main contre un mur pour se soutenir.

Clotilde avait besoin d’une rencontre. Ne serait-ce que pour son équilibre, pensait-elle. Et pour celui de Pierre en fin de compte. C’était en Italie qu’elle se produisit. Elle se trouvait dans une tout petite ville proche de  Florence. L’hôtel dans lequel elle logeait près de la Grand-Place ouvrait sous les arcades. Hôtel des Arcades. Elle devait rencontrer son fournisseur le lendemain.

D’habitude, elle logeait à Florence  mais ce jour là, moite de chaleur, elle n’avait pas eu le courage de prendre un bain, de se changer et de s’y rendre.

Elle décida de diner à l’hôtel dans une petite salle généralement vide qui donnait sur la cour arrière. La carte n’était pas fort riche mais ce n’est pas de manger dont elle avait envie.

Elle prit un bain et les cheveux encore humides serrés autour de son visage, elle s’installa au restaurant. La salle était vide. Le patron qui avait noué un tablier autour du ventre la servit en souriant.

- C’est pour moi, je vous l’offre.

Il avait apporté une carafe de Chianti qu’elle vida en attendant le repas. Le vin était bon, elle avait envie de boire.

Un peu plus tard, un homme était entré. Un client de l’hôtel, lui aussi probablement. Il avait scruté la salle. Il avait regardé Clotilde. Ils étaient deux désormais. Il eut un sourire et s’approcha de la table de Clotilde.

- Vous ne pensez pas que ce serait sinistre si nous mangions, seuls, chacun à un bout de la salle ?

- C’est vrai.

- Mon nom est Pierre Louvier.

Il s’assit en face d’elle. Il commanda une bouteille de vin florentin. Pétillant. Du Lambrusco.

- Vous verrez, il surprend au début.

Elle n’en avait jamais bu.

Il était français et comme elle, il achetait. Pour une chaine française.

- Moi ce sont des pulls.

Après le repas, elle était un peu ivre, elle dit qu’elle allait se coucher. Elle avait mis une chemise de nuit et rejeté les draps. Mais elle n’avait pas fermé la porte. Elle entendit frapper à la porte et elle alla ouvrir. C’était Pierre Louvier.

Le lendemain, Pierre Louvier avait quitté l’hôtel avant même qu’elle ne descende. Peut-être qu’elle avait rêvé ?

Etrange phénomène que l’amour. Les peaux se conviennent, parfois les sentiments se conviennent également. On se sépare parce qu’on craint celui ou celle qu’on  deviendra. On se fuit. On fuit encore et on regrette le premier amour. Il rassure. C’est ça l’amour ? Une anxiété qui apaise

Un jour qu’il rentrait chez lui, Pierre avait entendu une voix derrière lui.

- Pierre !

Il avait failli croiser Jean Cormier sans le voir. Sans savoir pourquoi, il était devenu heureux.

- Tout compte fait, la vie est plus agréable dans une grande ville.

Jean était le seul avec lequel il aurait pu parler de ce qu’il n’avait jamais évoqué avec son père lorsqu’ils dinaient ensemble dans un café du centre. Mais Jean était pressé ; avait-il dit.

Avant de partir, il avait dit :

- Je suppose que tu sais que ton parrain est malade. Il n’aime pas qu’on en parle, tu le connais.

Il savait que René était malade mais pas au point que Jean lui en parle. Il en parla à Clotilde. Elle s’était inquiétée pour René. En réalité, c’est de Pierre qu’elle s’inquiétait.

Lorsque Pierre avait appris que René était mort, et qu’il avait décidé de se rendre à ses funérailles, elle avait eu peur de ce passé qui allait se matérialiser d’autant plus fort qu’il avait été effacé d’un geste brutal

- Tu reviendras ?

Il n’avait jamais pensé que Clotilde lui poserait la question. C’est au lit, souvent, que les hommes ou les femmes posent les questions auxquelles il est difficile de répondre. Est-ce ce qu’elle continuerait d’exister lorsqu’il aurait franchi sa porte ? Vraisemblablement pour ne plus revenir. Est-ce qu’il continuerait d’exister dans la sienne ? Les ruptures ont cet avantage : ni les traits de l’un ni ceux de l’autre ne se modifient plus.

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                                      3

 

Bien plus que la veille de son départ, Julie aujourd’hui était devenue bien plus désirable que lorsqu’ils s’étaient connus.

Il apprit par la suite qu’elle non plus n’avait pas cessé de vivre.                  

La grille n’était pas fermée, il n’avait eu qu’à la pousser. Elle devait attendre derrière la porte. Les nouvelles vont vite en province.

- J’étais en ville.

- Je sais.

Est-ce qu’elle avait changé ? Il lui semblait que son regard était moins brillant. Ou bien c’est la lumière jaune du hall qui lui assombrissait le visage. La lumière est un fard cruel.

Elle l’avait fait entrer dans ce qui était resté le petit salon. Ils s’étaient assis face à face. Muets. C’était peut être pour cette raison qu’elle lui avait posé la question. Il y a des questions qui ne servent qu’à cela. Les paroles, à certains, sont plus significatives que les silences. A tort souvent.

- Tu veux boire quelque chose.

Il ne savait plus qui s’était levé le premier. Mais elle avait plongé sa langue dans sa bouche en se serrant contre lui. C’est elle qui l’avait conduit à sa chambre en le tenant par la main. Il y a cinq ans, c’était déjà elle qui le conduisait tandis qu’il lui serrait la taille en montant. 

Cinq ans plus tard, certains mouvements de sa voix et de son corps pendant qu’ils faisaient l’amour étaient plus vivants qu’ils ne l’avaient été en réalité. Peut-être que c’est pour elle autant que pour René qu’il avait voulu rentrer ?

Pierre avait envie de lui faire mal parce que durant cinq ans, il avait du se passer d’elle. Peut être que les corps se reconnaissent. Il savait que Julie était la femme qu’il aimait parce qu’il la désirait autant ou davantage que les premiers jours.

Pendant longtemps, lorsqu’il fouillait la bouche de Clotilde c’est la bouche de Julie qu’il voulait embrasser. Et c’est le grain de sa peau qu’il voulait sentir sous la main. C’est seulement aujourd’hui qu’il s’en rendait compte. La pensée est comme un masque de carnaval. Il ment. Le corps de Julie était toujours aussi avide.

Elle avait demandé le lendemain matin :

- Tu vas rester ?

- Tu veux que je reste ?

- Oui.

Ils étaient étendus côte à côte. Après l’amour, elle aimait rester étendue, la main sur la cuisse de Pierre.

Il se rhabilla.

- Mon père m’attend, je reviendrai tout à l’heure.

- Tu ne veux pas manger ?

Elle s’était levée. Il l’avait embrassée à la base du cou, et il était parti.

Il y avait beaucoup de monde en ville. Le samedi, c’est le jour du marché. Il regardait les gens avec curiosité. C’était probablement les mêmes que ceux qu’il croisait cinq ans plus tôt.  Plus souriants. Ce devait être son sourire qui suscitait le leur. Le visage de celui qui vient de faire l’amour le dénonce et lui entoure le crâne d’une aura de lumière.

Une autre vie commençait une fois de plus. Est-ce qu’on meurt d’abord à chaque fois qu’on recommence à vivre ? Il se sentait bien, il était heureux.

Monsieur Halloy était habillé comme les jours où il se rendait au Palais. Jusqu’à la cravate soigneusement nouée. Il n’avait pas fini de déjeuner. Il tendit la joue.

- Tu veux du café ?

- Je veux bien. René te manque ?

- Je ne savais pas à quel point j’avais besoin de lui.

Il regardait Pierre qui semblait, comme on dit, rayonner de bonheur.

- Tu vas rentrer ? Tu vas rester ?

- Je vais rester. Je vais téléphoner à Monsieur Baligand  tout à l’heure. Je dois réfléchir.

- Réfléchir oui. Tu loges chez Julie ? Tu vas travailler ?

Il le voyait, il ne connaissait pas son fils. Il suffisait de quelques questions simples et il ignorait les réponses que son fils pourrait lui faire. A causes de cinq années durant lesquelles ils avaient été éloignés loin de l’autre ? Ou parce qu’il ne l’avait jamais connu ?  Trop peu en tout cas.

- Je vais loger chez Julie. Après, je verrai.

Ils s’étaient embrassés maladroitement. Monsieur Halloy n’avait jamais su de combien de baisers était constituée une accolade.

Pierre retourna chez Julie. Il n’y avait personne mais la porte n’était pas fermée. Il entra dans le petit salon mais il ne s’assit pas. Il portait un pull sous son veston mais il n’avait pas ôté son veston, c’est Julie à son retour qui le lui fit remarquer en riant.

- Pierre, on dirait que tu es en visite.

Il la prit entre les bras et le désir physique qu’il avait d’elle se manifesta comme aux premiers jours de leur liaison.

- Viens.

Physiquement Julie avait à peine changé. D’ailleurs, ce n’était plus son corps qui le séduisait, c’est d’elle tout entière dont il avait envie.   

Le lendemain, il était encore au lit lorsqu’elle se rendit au bureau. Il lui demandait :

- Tu rentres pour déjeuner ?

Elle lui embrassa le front, elle répondit oui, et sortit.

Avec Clotilde, c’est ensemble qu’ils se levaient pour se rendre au bureau. Ils se retrouvaient le soir mais il n’imaginait pas qu’il puisse passer la journée avec elle.

Avec Julie au contraire, sans elle il se sentait douloureusement seul.

Il la guettait derrière la porte. Elle était à peine rentrée qu’il la serrait entre les bras, le ventre en avant. On eut dit qu’il prenait une revanche. Peut être en était-ce une. A la pensée qu’un autre homme avait pu lui faire l’amour, la rage le saisissait.

C’est lui qui avait voulu déjeuner aux abattoirs, le restaurant dont elle avait cité le nom.    

- Bonjour, madame Julie.

Pierre souriait mais il avait été heurté par la familiarité dont le patron avait fait preuve. Quelques bouchers, debout devant le comptoir, les avaient salués de la tête.

Pierre avait eu un sourire crispé.

En sortant du restaurant, il arrêta la voiture sur une aire d’autoroute et se pencha sur Julie dont il écrasa la bouche. Elle s’était abandonnée effrayée par cet homme qu’elle ne reconnaissait pas mais dont le corps suscitait avec brutalité l’avidité soudaine du sien.

- L’odeur du sang, ça t’excite ? Dis-le que ça t’excite.

Elle était comme un jouet entre ses mais. Elle pensa à El Toro.

Ils rentrèrent sans dire un mot. Au moment de se glisser sous les draps,  il s’excusa :

- Je ne sais pas ce qui m’a pris. 

 Elle secoua la tête et la posa sur sa poitrine.

Il s’était promis de réfléchir à ce dont il allait s’occuper pendant qu’elle était au bureau. Il n’éprouvait pas de besoin particulier. Deux matinées par semaine, il sortait pour rencontrer son père ou ses amis tandis que la femme de ménage prenait possession de la maison.

Il était parfaitement heureux, il attendait Julie pour des retrouvailles de chair. Elle était son obsession au point qu’une fois, il s’était demandé si elle se rendait réellement au bureau tous les matins et si elle visitait encore les gros clients.

-Monsieur Tordoir s’en sort très bien sans moi. Tu es jaloux ma parole ?

En effet, il était jaloux, il s’en rendait compte. Comme Gérard en rêvait, Pierre avait le sentiment que Julie était sa propriété. Une nuit, Il avait presque violé Julie en criant :

- Tu en veux, hein ? Tu en veux.

Julie avait fait semblant de n’avoir rien entendu. Lui n’avait pas pu se rendormir.

Tout paraissait si simple à deux. Certains jours, ils étaient trois. C’est l’amie de Julie qu’ils recevaient, Liliane, la pharmacienne qui s’était montrée si proche de Julie les dernières semaines de vie de Gérard et après que lui, Pierre eu abandonné Julie sans se préoccuper d’elle. 

Un jour que Julie attendait Liliane, elle lui avait dit :

- Elle vient souvent me rendre visite. Elle m’a dit qu’elle te connaissait depuis votre adolescence. C’est vrai ?

Il la connaissait en effet.

Il avait seize ans lorsqu’il avait emmené Liliane le long du chemin de halage à proximité du Soleil Radieux, la maison de rendez-vous située à hauteur du fleuve mais invisible de la route. On y accédait par un étroit chemin. Ils s’étaient assis sur l’herbe. Il lui avait pris la main et il l’avait posée sur son sexe. Il avait joui presque immédiatement. Il avait été tellement honteux qu’il avait voulu mourir sur le champ. Ils étaient rentrés sans dire un mot.

Ce jour-là, il n’y avait eu ni sourire béat ni aura sur le front. Beaucoup de honte au contraire dont il mit longtemps à se relever.   

Julie le regarda avec curiosité.

- C’est vrai que tu la connaissais bien ?

C’était vrai. Il avait revu Liliane à la fin de leurs études secondaires. Elle avait failli le violer à la sortie d’une boite où les jeunes gens allaient danser les samedis soir. Il avait été honteux une fois de plus, il n’avait pas  été à la hauteur. Liliane était une fille obstinée. Pierre lui plaisait, elle avait le sentiment qu’il était plein de ressources mais il fallait que le cadre s’y prête.

Il était maigre mais bien proportionné, le visage creusé, des yeux noirs au regard profond. Liliane était mince mais la poitrine saillait en dessous d’un pull étroit. Elle avait un visage frais, plaisant, un peu candide comme on l’a souvent à cet âge.

Elle avait demandé à sa mère de l’inviter à la côte durant les vacances.

Françoise disait qu’à l’âge de sa fille, elle lui ressemblait. Elle laissait entendre, sans doute, que Liliane ressemblerait un jour à sa mère. Quel est le jeune homme ardent qui ne l’aurait pas espéré ?  Françoise était séduisante. Quel est le jeune homme ardent qui ne l’aurait pas remarqué ? Aujourd’hui, on dirait de Françoise qu’elle était sexy.

Les parents de Liliane avaient une maison à la côte, elle était située dans les dunes. Debout devant la maison on voyait la ligne d’horizon à plusieurs kilomètres de distance.

Elle était entourée d’un jardin et d’un terrain herbeux qui avait près d’un hectare. Devant il y avait les dunes, derrière l’orée d’un bois. Isolée, on y était au bout du monde.    

- Vous aimez la côte, Pierre ? Bien sûr, ce n’est pas directement la plage mais on n’en est pas loin.

Le père de Liliane n’y venait que le week-end. Durant la semaine, il restait à Bruxelles pour travailler. Il était un des agents commerciaux d’une firme qui distribuait des produits destinés à la construction de bâtiments. Les administrations  publiques constituaient le plus gros de sa clientèle. Il n’y avait pas un soir où il ne traitait pas un fonctionnaire important dans un des restaurants les plus réputés de la ville. Il rentrait chez lui mort de fatigue et s’endormait sur le champ. Plus tard, disait-il en riant, lorsqu’ils seraient riches, Sa femme et lui feraient la grasse matinée tous les jours. Et si ce n’était pas la grasse matinée, ils resteraient au lit tout de même. Même à la côte, il se couchait tôt. Il disait pour s’excuser :

- J’ai de la peine à récupérer.

- Tu es en vacances.

- C’est vrai.

Mais il ne changeait pas sa façon d’agir.

C’était un été particulièrement chaud. Il fallait, disait-on, remonter à de nombreuses années en arrière pour retrouver un été aussi torride.  Ils mangeaient dans le jardin vêtus aussi légèrement que possible. La plupart du temps Pierre ne portait que son slip tandis que les deux femmes restaient en maillot toute la journée. Chacun d’entre eux disparaissait tour à tour et revenait les cheveux mouillés. Ils venaient de prendre une douche. Un jour, Françoise avait dit :

- Si nous étions nos ancêtres des premiers âges, nous pourrions nous promener tout nu.

Bien sûr, ce n’était qu’une plaisanterie. Mais le bas du  ventre de Pierres s’était enflammé, les yeux tournés vers Françoise qu’il regardait soudain comme si elle avait été nue. Françoise avait détourné la tête. Quelles étaient les images qui lui étaient passées par la tête ?  Liliane avait baissé les yeux mais elle avait toujours aimé ces phrases qui ne signifiaient rien de particulier mais qui en évoquaient d’autres propres à chacun.   

Au bout de quelques jours, tous les trois nous avaient la couleur du bronze et l’habitude de se voir pratiquement nus. Pierre pouvait regarder Françoise sans réagir comme il le faisait les premiers jours. C’est la nuit, étendu sur son lit, qu’il  pensait à elle. Est-ce qu’elle dormait nue, elle aussi ?      

Un jour qu’elle les avait laissé pour aller prendre sa douche il s’était rendu dans sa chambre pour y prendre un autre slip. Il était passé devant la salle bain. La porte était ouverte. Machinalement il avait tourné la tête. Françoise était en train de prendre sa douche. Elle n’avait pas tiré le rideau. Il était cloué au sol. Ruisselante, les cheveux brillants, les seins bronzés mais plus clairs autour des aréoles, elle était la femme comme l’imaginent les peintres et les jeunes gens.

La chaleur lui était montée au visage. Il ne pouvait détacher le regard du triangle noir de sa toison. Elle le regardait, elle aussi, les yeux  effarés. Elle ne faisait aucun geste pour se dissimuler ne serait-ce que pour tirer le rideau. Pierre s’était repris et il était retourné au jardin. Liliane était étendue sur son drap de bain. Il s’était étendu sur le mien. Lorsque Françoise était revenue, il avait fait semblant de sommeiller.

Liliane, un jour, avait du s’éloigner  pour faire des achats en ville. Françoise s’était étendue sur son drap de bain pour exposer son dos au soleil. Elle avait dénoué les liens de son soutien afin de ne pas avoir le dos marqué.

Pierre était debout auprès d’elle.

- Je vais rentrer demain, Françoise. Je crois que c’est mieux.

- Demain. Mais pourquoi ?

Elle s’était tournée vers lui. Elle n’avait pas songé à se couvrir les seins.

Il s’était laissé tomber sur les genoux.

- J’ai trop envie de vous Françoise.

- Ce n’est pas raisonnable, Pierre.

Il s’était allongé sur elle, Il  introduisit sa langue entre ses lèvres. C’est elle qui le serra sur sa poitrine.

Cet été là, il avait fait l’amour avec Liliane. Françoise  avait du rentrer à Bruxelles.

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Mélancolie,

Je me balade le long d'un chemin vert,

juste au dessus, le ciel respire, couvert ;

J'ai un peu froid.

Sur mon épaule, un étrange oiseau vert,

devenu bleu à l'approche de la mer,

multicolore dès lors, qu'à vous je songe.

J'ai un peu froid.

Sur mon épaule, en équilibre, l'oiseau s'attriste,

balbutie et atténue son chant ;

c'est là, mon cher ami, toute ma joie mélancolique ;

larmes d'amour invisibles,

dont l'écrin est le rire.

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administrateur théâtres

12272999298?profile=originalMonsieur Ibrahim et les fleurs du Coran 

Monsieur Ibrahim est un épicier de la rue Bleue à Paris et il rencontre  Momo, un jeune garçon qui rentre dans son épicerie et dont il va devenir successivement, l’ami, le mentor et le père adoptif. Une merveilleuse histoire d’amour entre un épicier musulman et un jeune garçon juif. « Pourquoi tout le monde dit que vous êtes l’Arabe du coin alors si vous êtes pas arabe ? » «  Parce que arabe, Momo, ça signifie que vous êtes ouvert tous les jours de huit heures  jusqu’à minuit et même le dimanche ! »  Moïse ou Mohamed  du pareil au même,  Momo pour l’intimité et la chaleur humaine.  

Pendant plus d’une heure et demie, c’est Eric-Emmanuel Schmitt, l’auteur,  qui joue lui-même son texte sur la scène du centre culturel d’Auderghem. Une représentation unique, un jour de grâce.  Le décor est beau, multiple et épuré tout en restant immuable jusqu’à la fin. Ce sont les âmes qui voyagent. On voyage entre les rues chaudes de Paris, un appartement cossu mais noir,  bourré de livres qu’habite un père sans amour et dans bien d’autres lieux imaginaires. Le jeune adolescent clamant haut qu’il a 16 ans offre son nounours à la fille qui l’initie à l’amour, il vole les boîtes de conserve de l’épicier, comme il volait son père. Flottent le souvenir d’un frère disparu, mieux aimé et le fantôme d’une mère. Mais voici que grâce à son alliance avec l’épicier  Momo mitraille le monde avec son sourire : « c’est le sourire qui rend heureux ! » Mieux il applique une nouvelle maxime: « Ton amour t’appartient, ce que tu donnes c’est à, toi pour toujours ! »  Après la mort du père, ensemble ils voyagent de la côte normande au croissant  d’or… Il danse avec les derviches.  Il a  « la haine qui se vidangeait » et pardonne à son père, presque à sa mère ! Nouvelle maxime : « Ta beauté, c’est celle que tu trouves à la femme, Momo ! » Ibrahim, qui à l’issue du voyage  a retrouvé ses racines orientales  ne meurt pas, il  va rejoindre l’immense. Retour à Paris en stop. Il y a des enfances qu’il faut savoir quitter.

 M. IBRAHIM ET LES FLEURS DU CORAN...Intense, aigu, sensible, Eric-Emmanuel Schmitt en montant sur scène ne peut que donner une résonnance unique, limpide  et juste  à son magnifique  texte. Ses qualités de comédien font vivre  chaque phrase comme de la poésie vivante d’un conte d’une profonde sagesse et personnifie  avec grande délicatesse l’amour qu’il met en scène. Il campe chaque personnage avec virtuosité époustouflante. On le sent avoir la passion du théâtre, celle qui ne vise qu’à donner à l’autre du bonheur. Il est lui et les autres, imaginaires, tout à la fois et nous livre un témoignage brûlant d’humanité et de vérité.


Une merveilleuse soirée, un conte de 1001 jours, une légion d'étoiles pour toute l'équipe, la mise en scène, les lumières, la musique:
Anne BOURGEOIS
Nicolas SIRE
Jacques CASSARD
Pascale BORDET
Laurent BÉAL
and last but not least Éric-Emmanuel SCHMITT auteur et splendide comédien!

http://www.cc-auderghem.be/index.php/component/redevent/details/202.html

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administrateur théâtres

 

"Si l'emploi de la comédie est de corriger les vices des hommes, je ne vois pas par quelle raison il y en aura de privilégiés. [...] Les plus beaux traits d'une sérieuse morale sont moins puissants, le plus souvent, que ceux de la satire; et rien ne reprend mieux la plupart des hommes que la peinture de leurs défauts. C'est une grande atteinte aux vices que de les exposer à la risée de tout le monde. On souffre aisément des répréhensions; mais on ne souffre point la raillerie. On veut bien être méchant, mais on ne veut point être ridicule."

Le Tartuffe, Préface

D’une lecture très fine  du Tartuffe  de Molière - Corriger en divertissant les faux-monnayeurs en dévotion - Monique Lenoble  tire une mise en scène remarquablement intelligente de sobriété et de vivacité. Le décor joue un rôle explosif. Foin des mièvreries  et mobilier du grand siècle pour nous précipiter  à l’intérieur d’une boîte de Pandore. Un pandémonium sûrement. Trois étages vert olive, trois rangs de portes dérobées et de judas qui claquent comme dans les vaudevilles,  dans un rythme   infernal. Tartuffe n’est-il pas un démon habillé de chair?  Derrière chaque porte se cache  le mystère de   réalités sitôt entrevues, sitôt escamotées. La vie normale de la famille a été bafouée.  Les personnages sont projetés dans le chaos organisé par l’imposteur, le profiteur, l’usurpateur. Le fourbe s’est imposé comme maître à penser d’Orgon et de sa mère grâce à sa fausse dévotion. Orgon est prêt à lui céder sa fille Marianne qu’il avait promise à Valère. Pire, le scélérat va  tenter de séduire sa femme, Elmire.  Il fait régner  le verbe trompeur en maître sur le plateau entièrement vide à part une sorte de  large tabouret à deux places qui servira à le  démasquer. Tartuffe se comporte comme un gourou,  croit tenir  sa victime et sa famille entière entre ses griffes, manipule le mensonge avec  le machiavélisme et l’impudence de celui que rien n’arrête. Heureusement Elmire a gardé le sens commun et prépare un piège. Las, le mécréant doucereux a assuré ses arrières et ce n’est que la clémence du Roi qui le mettra enfin en déroute.

 

ORGON

Mon frère, vous seriez charmé de le connaître,
Et vos ravissements ne prendraient point de fin.
C'est un homme. qui. ha!. un homme. un homme enfin.
Qui suit bien ses leçons goûte une paix profonde,
Et comme du fumier regarde tout le monde.
Oui, je deviens tout autre avec son entretien;
Il m'enseigne à n'avoir affection pour rien,
De toutes amitiés il détache mon âme;
Et je verrais mourir frère, enfants, mère et femme,
Que je m'en soucierais autant que de cela.

CLÉANTE

Les sentiments humains, mon frère, que voilà!

Le jeu  de toute la troupe n’est pas moins remarquable que la mise en scène et laisse entendre la beauté soufflante des alexandrins et la sève du discours de l’honnête homme qu’est Molière. C’est Alexandre von SIVERS qui apparaît dans le  rôle d’Orgon, un impeccable Angelo BISON dans le sinistre rôle  du Tartuffe et une éblouissante Laurence d'AMELIO dans celui d’Elmire. Sa performance mêlée de charme et de douceur mais aussi de rage intérieure suscite  à elle seule un plaisir de roi ! Taille de guêpe, bouche et regard de geisha, chacune de ses interventions est un plaisir sensuel doublé de celui d’une diction parfaite qui retire toute la sève de ce texte étincelant. Soulignons aussi le rôle particulier de Dorine. Catherine GROSJEAN joue le rôle de la servante alerte et pleine de bon sens qui n’est  jamais  dupe des tromperies du Tartuffe, avec brio et grande présence théâtrale. La mère d’Orgon (Nicole COLCHAT) est aussi excellente dans ce rôle qui a tout d’un personnage de Daumier par son traitement presque naturaliste.

Un document de l’époque (Relation des Plaisirs de l’Ile enchantée de 1664) souligne  que la pièce, reconnue comme « fort divertissante », rencontra au soir du 12 mai, un certain succès, auprès du Roi, mais aussi une forte hostilité dans le parti dévot extrêmement

proche de la Reine mère, Anne d’Autriche. Sous cette pression, le roi fit interdire toute représentation publique de la pièce. Molière fut menacé d’excommunication. Mais en 1669, l’influence des dévots ayant décru, la pièce remaniée fut un triomphe. Un triomphe qu’a célébré le théâtre du Parc dans sa saison 2013-2014 dans une production magistrale et inoubliable.   

 

le texte:

http://www.site-moliere.com/pieces/tartuf15.htm

 

Du 6 mars au 5 avril 2014 au théâtre Royal du Parc

http://www.theatreduparc.be/spectacle/spectacle_2013_2014_004

 

 

 

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administrateur théâtres

75 ans

La Chapelle musicale Reine Elisabeth fut inaugurée en 1939 par la Reine Elisabeth et cette année fête ses 75 ans à travers une série de concerts avec ses jeunes solistes et leurs  très illustres maîtres. Le 28 janvier dernier, nous assistions à un prestigieux Concert de Gala au Palais des Beaux- Arts de Bruxelles qui nous offrait le Concerto en sol mineur pour deux violoncelles de Vivaldi avec Lidy Blijdorp et Julie Sevilla-Fraysse sous la conduite d’Augustin Dumay et l’Orchestre Royal de Chambre de Wallonie. Ensuite l’Aria ″Ch'io mi scordi di te″ de Wolfgang Amadeus Mozart, avec un émouvant Julien Brocal au piano et Aleksandra Orlowska, soprano. Ce fut ensuite un 4 mains rayonnant au piano avec Maria Joan Pires et le jeune Julien Libeer : la Fantaisie pour piano à 4 mains en Fa mineur de Franz Schubert. Dans une entente parfaite de la conduite de la musique au masculin et féminin, la pianiste mythique et son brûlant élève ont  conquis le public par  l’atmosphère intimiste  envoûtante qu’ils ont  créée. Ensuite, ravis de l’accueil du public, ils ont donné un bis à trois: les deux jeunes pianistes Julien Brocal et Julien Libeer égrenant  entre leurs doigts des vagues de douceur et de tendresse et des  fourmillements de poésie  avec leur égérie musicale, Maria Joan Pires. Après la pause, Lya Petrova et Hrachya Avanesyan  ont joint leurs violons dans le poème Amitié d’E. Ysaÿe. Puis ce fut le tour de Deborah Pae au violoncelle pour des variations op 33 de Tchaïkowski et enfin Esther Yoo, la star du dernier concours Reine Elisabeth de violon, dont chaque note est une nuance, chaque frémissement, un summum de concentration et de musicalité éclatante. Une musicienne qui peut tout exprimer  et qui maîtrise  à la perfection toutes les harmoniques, défiant son instrument magique comme un être vivant, le poussant  à tout moment dans ses ultimes retranchements. Elle jouait la Carmen fantaisie de Franz Waxman….  

C’est dire si ce deuxième concert de la Chapelle musicale, intitulé  « José van Dam and YOU » du 11 mars allait attirer du monde et  rassembler  à nouveau la fine fleur des artistes de cette école internationale d’excellence et leurs nombreux fans. Toujours le même lieu : le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles. Avec, quelques temps auparavant, un flash mob dans la Galerie de la Reine où soudain paraissait au balcon une chanteuse polonaise de rêve,  un piano à ses pieds, sous le regard ému de José van Dam et d’autres musiciens triés sur le volet. Pour Kinga Borowska qui présente sa candidature au Concours Reine Elisabeth d’art lyrique cette année, l’opéra c’est vivant, c’est sexy, c’est beau.  

On a vécu cette soirée du 11 mars comme un véritable prélude printanier, une fête explosive de l’art lyrique. L’Orchestre National de Belgique était sous la direction de Patrick Fournillier, un chef d’orchestre prestidigitateur qui convoquait dans chaque court extrait musical tout l’esprit de MOZART, ROSSINI, TCHAÏKOWSKI, DEBUSSY, BIZET, MASSENET, OFFENBACH ET VERDI.  Quel exploit. Il offrait un nouveau  visage transcendé à ses musiciens à chaque  nouveau morceau, comme si c’était le fruit d’un long processus d’immersion dans l’œuvre  choisie. Le spectateur pouvait  en plus observer le maître de musique à la fois  de dos et de face, sur grand écran car le concert était enregistré en live  par MUSIQ 3 et diffusé en streaming. Les solistes et les musiciens, pris de près,  livraient toute l’intimité de leur émotion musicale. Pas de doute que l’investissement musical de chaque chanteur était total dans ces instants de partage qui frisaient  l’extase. Ces jeunes talents extraordinaires viennent de multiples horizons, lointains parfois et  ont souvent depuis leur plus jeune âge tout sacrifié à l’art musical. Quelle leçon pour notre société souvent rebutée par l’effort et peu attirée par le mérite!  Armés d’une détermination passionnelle on perçoit qu’ils ont consenti à un investissement sans limite, chacun   donnant le meilleur de soi-même. La puissance et l’émotion pure semblent surgir chaque fois  d’un alliage pénétrant qui  fuse quelque part au cœur  de l’orchestre et y est en même temps parfaitement incorporé. La magie de l’art et celle de la jeunesse intrépide ont  suscité des  salves d’applaudissements et de clameurs enthousiastes dans une salle en adoration et pleine à craquer. Citons avec joie les héros de la fête orchestrée par le jeune metteur en scène français Julien Fišera membre actif d’ENOA  (European Network of Opera Academies). La scène du Palais des Beaux-Arts était habillée par le jeune éclairagiste Arnaud Lhoute. Et sous les feux de la rampe on a applaudi et scandé  la musique de tout cœur:

 

José van Dam, baritone
Amalia Avilán
, soprano
Diana Gouglina
, soprano
Aleksandra Orlowska
, soprano
Kinga Borowska
, mezzo-soprano
Sarah Laulan
, mezzo-soprano
Yu Shao
, tenor
Charles Dekeyser
, bass

 

Le programme complet,  ici : http://www.bozar.be/activity.php?id=14575

 

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LA PETITE CHANTEUSE...

Elle avait dans un coin de son cœur

Une petite chanson qui ronronnait...

Et qui l'empêchait d'avoir peur

Quand la solitude l'écrasait!

Elle était si frêle mais si brave

Un petit oiseau qui se battait.

Car elle ne voulait pas d'entrave

C'est d'amour libre qu'elle rêvait!

Elle n'avait pas choisi l'époque

Quand par une douce nuit elle naquit!

Ce que les autres pensent, elle s'en moque

Sa joie de vivre n'a pas de prix!

A force de chercher sa lumière

Elle a fini par la trouver...

Et son chant monte, comme une prière...

Comme un appel à tout donner!

J.G.

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La lettre

Les beaux jours de printemps sont partis et il reste un ciel gris et nuageux.  J’attends derrière ma fenêtre un signe de vie, une lettre, un mail qui terminera cet enfermement dans lequel je suis depuis des semaines. J’attends en effet des nouvelles qui n’arrivent pas.  Debout et désarmé, face à la vie, je me trouve lamentable de tristesse, de lâcheté. Je n’ai pas le courage de finir ce qui est commencé.  Mettre fin à cette situation qui n’avance pas. Arrêter d’attendre misérablement qq chose qui ne vient pas comme si ma vie en dépendait. J’accepte cette punition que je m’inflige à moi-même, comme si souffrir m’aidait à accepter plus facilement l’inévitable.

J’ai toujours revendiqué, cherché la liberté dans ma vie, dans mes pensées et me voilà, enchaîné à du courrier qui n’arrive pas et qui me rend laid.

Qq mots écrits à la hâte me suffissent, juste qq mots pour me rassurer, finir et arrêter ce silence pesant, envahissant.

Ma tête est remplie de souvenirs, de mots, de promesses, de serments que les hommes savent inventer pour rendre la vie belle.  Mon cœur, qui bat la chamade, a cru à toutes ces paroles écrites et postées. Il ne reste rien ce matin qu’un silence dans le quel je vis malheureux depuis trop longtemps. Je me rassure comme je peux chaque jour et recommence le soir pour prendre espoir. Peut-être demain. Peut-être après demain.

Au fond de moi, je sais que la lassitude a fait son travail,  que l’ennui avant l’oubli a usurpé son cœur et séché sa plume. J’expie ce plaisir qui m’envahissait de lire son courrier et subis cette sanction.  La vie est ainsi faite, l’absence efface les traces de bonheur et les remplace inévitablement par autre chose. La vie se charge de pondérer calmement les sentiments pour les gommer au fil du temps. Ne reste que les poètes pour s’en rappeler et continuer à vivre avec les souvenirs enfuis.

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                            Deuxième chapitre                                   

1

 

Les premiers jours, Pierre avait logé dans un hôtel situé à proximité de l’Université. Il y avait là les petits restos et les cafés qu’il fréquentait lorsqu’il était étudiant. Personne ne l’y reconnaissait plus. L’Université, c’est comme un bus qui vous aide à parcourir quelques années de la vie, puis c’est comme s’il n’y avait jamais eu de bus et, pour certains, comme s’il n’y avait jamais eu d’Université.

Il allait s’efforcer d’effacer le temps qui s’était écoulé depuis la fin de ses études jusqu’à ce jour. Il se voulait un autre homme. Il n’y croyait pas réellement mais c’était un cadre mental qu’il voulait s’imposer. Et qui l’apaisait. Une seconde vie commençait.

Les premiers jours, il n’avait téléphoné ni à son père ni à son parrain. C’est à eux qu’il attribuait le motif de son départ. Ce sont eux qui avaient bouleversé sa vie. A raison peut-être, avait-il pensé parfois au début de ce qu’il avait nommé pompeusement son exil.

Après quelques jours cependant, il appela son parrain.

René n’avait pas eu l’air surpris. Pierre avait le sentiment qu’il était assis en face de lui.

- J’ai une proposition à te faire. Un de mes amis qui dirige une boite de matériel médical à besoin d’un délégué médical. Je lui ai parlé de toi.

René n’avait ignoré où se trouvait Pierre qu’un seul jour seulement. Dès le lendemain de son départ, il savait où il se trouvait et ce qu’il faisait. La police est bien faite lorsqu’elle le veut. Jean Cormier ne manquait pas d’amis dans la capitale. Jean était un fidèle du président Halloy et de René Daumier dont il connaissait le pouvoir d’influence. Certains, même dans son service, disaient qu’il était à lui seul les yeux et parfois le bras du Président avec un grand  P.

-Je connais deux fois plus de monde que la plupart des gens. De chacun, je connais la face qu’il s’efforce de montrer, et de chacun la face cachée. 

La police a toujours été friande de renseignements qu’elle entrepose soigneusement dans les rayons d’une immense bibliothèque à elle.

La firme dont René avait parlé à Pierre vendait du matériel médical à des hôpitaux. Pierre fut engagé le jour même où il s’était présenté. Le directeur, André Baligand, lui avait demandé des nouvelles de son parrain, ils avaient fait leurs études ensemble ; dit-il. Il lui avait proposé à boire, puis lui avait parlé de ce qu’on attendait de lui.

- Si ça vous convient, vous pouvez commencer dès demain.

On lui fit imprimer des cartes de visite à son nom avec la mention de directeur-adjoint. Sa vanité en fut touchée, et il se mit en route dès qu’il fut mis au courant du matériel à vendre et des usages du milieu hospitalier.

Il visitait les hôpitaux, il s’entretenait avec les médecins des différents départements, les techniciens des laboratoires, et il leur exposait les qualités du matériel de la firme. C’était plus valorisant que la vente de conserves et autres produits alimentaires. Même la vente de cornichons au vinaigre à la marque des établissements Leroy ne procurait pas de fierté équivalente à celle de la vente d’un scanner de la dernière génération.

Il était le représentant d’une maison qui elle-même était une filiale d’une entreprise américaine. Le prestige de la firme rejaillissait sur chaque membre de son personnel. Nombreux, on le sait, sont ceux qui préfèrent le prestige à la hauteur de leur salaire.

Les infirmières disaient : docteur. Peu de vendeurs de produits médicaux, d’anciens étudiants qui n’avaient pas achevé leurs études médicales, rectifiaient.

Pierre travaillait sans ménager son temps. Au contraire, plus cela  prenait du temps, mieux c’était. Il pouvait retarder son retour et le moment où il se retrouvait seul dans sa chambre.

Bel homme, et conscient de l’attrait qu’il exerçait, il avait parfois une aventure avec une infirmière ou l’interlocutrice qu’il avait invitée à dîner, et ne rentrait chez lui que le jour suivant.

Le soir, pour éviter la solitude de sa chambre, il allait prendre un verre dans un bar qu’il fréquentait lorsqu’il était encore étudiant. Situé dans une impasse, « La jambe de bois » avait une clientèle limitée à d’anciens étudiants nostalgiques et à des jeunes qui se faisaient offrir à boire par les anciens. A une certaine heure du soir, Pierre s’asseyait au piano après avoir offert un verre au pianiste habituel.

- C’est bon ce que tu fais. Pourquoi t’as pas continué ?

- On croit qu’on choisit. On ne choisit pas.

- Tu parles comme un vieux.

Il ne vivait pas encore avec Clotilde. Il ne l’avait rencontrée qu’un an plus tard. Ce n’était  pas une liaison. Comme beaucoup d’autres hommes sans doute, et peut être de femmes, il avait une mémoire bien compartimentée. Celle qui permet de vivre sans regarder derrière soi.

Il n’est pas nécessaire de détruire le moindre souvenir. Il suffit de l’abandonner dans un coin de ce vaste fourre-tout qu’est la mémoire. On peut ainsi mener deux vies en parallèle, et prétendre qu’il ne s’agit que d’une aventure sans lendemain lorsqu’on est le sujet d’une rencontre inattendue. Le plus dur néanmoins, c’était de vivre sans Julie dont il ressentait l’éloignement tellement fort que parfois il brûlait de l’envie de la rejoindre sans attendre. Alors, il allait se saouler. Et la mémoire se refermait.

Clotilde, il l’avait rencontrée à l’Archiduc, un bar à la mode, où se pressaient les amateurs de musique de jazz. A partir de onze heures du soir, il était impossible d’y circuler. Pour se déplacer, il fallait se creuser un chemin parmi les consommateurs collés les uns aux autres en s’excusant pour la forme et en levant son verre au dessus de la tête. Autant de balises liquides qui indiquaient que quelqu’un, homme ou femme, se trouvait en dessous. Face à face, corps contre corps. Ce soir là c’était Clotilde et lui.

- Je vous offre un verre ?

- Si nous parvenons au comptoir, avec plaisir.

Quelques heures plus tard, ce fut Clotilde qui demanda :

- On va chez toi ou chez moi ?

Clotilde était divorcée. Elles sont nombreuses les femmes divorcées. Il arrive que les maris se séparent de leur épouse durant leur mariage sans qu’elles en soient averties. Lorsqu’elles le sont, à moins d’un arrangement de convenance, le couple divorce pour de vrai. Parfois, il le regrette.

Clotilde et son mari n’étaient mariés que depuis deux ans lorsqu’elle avait appris qu’il la trompait avec sa secrétaire. Il avait dit :

- Ce n’est pas ma faute. Je pensais bien que je lui plaisais, je le lui avais répété : ne vous penchez pas comme ça lorsque vous êtes derrière mon dos pour lire un rapport en même temps que moi. Tu sais la poitrine qu’elle a, elle la met pratiquement sous mon nez, le corsage entr’ouvert.

C’était un homme fat et suffisant. Il semblait jouir en se confessant, avait dit Clotilde.

- C’est un accident. Je ne suis qu’un homme, après tout.

Il avait juré qu’il quitterait sa secrétaire sur le champ, c’est Clotilde qu’il avait quittée.

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Caresses du printemps

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Il y a tout le bleu, là foncé, là de nacre

D’un ciel rayonnant et les masses dorées,

Corbeilles ajourées, des érables géants.

Il y a la caresse agissante du vent.

 

Tous les sens en éveil, je reste sans bouger.

Un oiselet se pose, étonnement léger,

Observe et sans tarder reprend son doux voyage.

Je pense à ma lourdeur, aux outrages de l’âge.

 

Surtout n’y plus songer, savourer le moment.

L’harmonie à l’entour est un enchantement.

Déjà les jardinets offrent de tendres fleurs

Certes, j'accueillereai de nouveaux coups de coeur.

7/5/2004

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