"C'est le film par lequel je veux que l'on se souvienne de moi",
Charles Chaplin (1889-1977).
Chercheurs d'or à l'assaut du col de Chilkoot, Alaska (photo B. L. Singley, 1898).
Quelques scènes-clés d'abord du film The gold rush (1925) :
"La ruée vers l'or" : un projet pharamineux qui s'avéra être la comédie la plus longue et la plus coûteuse de l'époque. Tournée dans la douleur, et à plus d'un titre. Conditions de tournage, coûts astronomiques, déboires sentimentaux, changements d'acteurs principaux... tout concourait pour aboutir à un fiasco.
L'histoire d'abord s'inspire de deux faits historiques dramatiques :
La Donner party en 1846, au tout début de la conquête de l'Ouest.
Un convoi d'émigrants en route pour l'Ouest (photo sur papier albuminé, ca 1860).
Un convoi parti d'Independance (Missouri), et même avant puisque les familles Reed et Donner firent leurs malles à Springfield (Illinois) pour se regrouper à Independance, pour arriver au Fort Sutter (actuelle Sacramento) en Californie au printemps 1847. Enfin, pour ceux qui survécurent...
Cinq familles, les Breen (Patrick et Margaret et leurs 7 enfants de 14 à 1 an), les Reed (James et Margaret, belle-maman Sarah Keyes, 70 ans, et 4 enfants de 12 à 4 ans), les Graves (Franklin et Elizabeth, 9 enfants de 21 à 1 an), les frères Donner, Jacob, sa femme Elizabeth, leurs 7 enfants (14 à 3 ans) et George, le chef du convoi, son épouse Tamsen et 5 enfants (13 à 3 ans), plus John Snyder, le fiancé de Mary Ann Graves. Auxquels s'agrégèrent quarante-trois autres émigrants au gré du périple et deux guides indiens Miwoks.
Hommes, femmes, enfants : Go West !
Quoi qu'il en soit cinq sont déjà morts avant d'atteindre la Sierra Nevada, dont John Snyder abattu par James Reed qui sera lui banni, et trente-six périrent dans les neiges du côté de Truckee, au pied du mont Summit. Et ceux qui en réchappèrent le durent au fait d'avoir mangé leurs morts...
Plaque de projection pour lanterne magique (dessin, ca 1850).
La ruée vers l'or du Klondike ensuite, avec notamment le terrible col du Chilkoot, le passage quasi-obligé pour atteindre les champs d'or. Un col particulièrement difficile à franchir et à plusieurs reprises pour monter la lourde charge exigée par les autorités (soit une tonne par personne de vivres et de matériel !), cette mauvaise passe marquant la frontière entre l'Alaska et le Canada. Et la police montée veillait ! Puis le Klondike, une région quasiment vierge et couverte d'or, au coeur de laquelle battait Dawson, la frénétique.
Mineurs et porteurs grimpant la piste de "l'escalier doré"
(photo B. L. Singley, 1898).
L'idée du film vint à Chaplin lors d'une réunion avec Douglas Fairbanks et Mary Pickford (United Artists) lorsqu'ils visionnèrent des photos stéréoscopiques de la ruée des "Klondikers", le nom que l'on donnait alors aux chercheurs d'or. Ces milliers d'hommes affamés d'or (parmi lesquels un certain Jack London) venus de tous pays.
Une fièvre, un gold rush, que l'on nomme ici stampede, provoquée par la découverte de quelques pépites le 17 juillet 1896...
Préparatifs avant la montée de l'escalier doré et la piste de Peterson, col de Chilkoot, Alaska (Keystone View Company, ca 1900).
Tous auraient "bien voulu voir quelque chose de cette ville de l'or, où la poussière d'or abondait comme l'eau, et s'amuser dans des cabarets où la musique et la danse offriraient des plaisirs sans fin", Jack London.
Le tournage fut également épique. Même si une grande partie du film fut tournée en studio, où l'on mobilisa des tonnes de matériel (notamment de sel, farine et confettis pour la neige), plateaux mobiles, énormes ventilateurs pour le chinook, ce vent chaud et puissant comme un alcool qui vous monte à la tête et vous pousse dans tout le Nord-Ouest américain pour mourir au Klondike... la crédibilité du film doit beaucoup aux scènes tournées en extérieur.
Où ?... au mont Summit près de Truckee (Nevada), là même où la Donner party fut bloquée par la neige et le blizzard. La scène étant censée se dérouler au fameux Chilkoot pass, le passage mythique de la ruée vers le Klondike sur le Chilkoot trail qui marque la frontière entre l'Alaska (Etats-Unis) et le Yukon (Canada), mobilisant des centaines de figurants.
Deux scènes furent finalement réalisées en extérieur, le coût du tournage comme la fièvre qui gagnait acteurs et techniciens s'élevaient de façon vertigineuse. Mais celle de la montée du col reste la scène d'anthologie du cinéma muet.
En route pour les champs d'or du Klondike et le col du Chilkoot
(photo B. L. Singley, 1898).
Au final le tournage s'étira sur dix-sept mois ...
A suivre...
Michel Lansardière (texte, photos et documents).
Note additionnelle:
Ce billet, traduit en anglais (via google traduct, il s'agit donc d'une traduction machine)
Robert Paul
Commentaires
Merci Sandra pour ton appréciation.
Merci pour cette mise en vedette de la première partie de mon article. J'espère que ceux qui l'auraient manquée prendront plaisir à la lire.
Merci Sonia pour ce joli commentaire. Je m'empresse de poster la suite (après plus de quinze jour de panne informatique et coupure de téléphone !).
Merci Claudine, Palmina, Gert pour vos appréciations.
Comment ne pas être emporté par son talent d'interprétation émouvant et drôle. Il y a de sacré leçon à tirer de ses personnages dont il nous délivre les histoires.....
Amicalement.
"Le don d'une plante utile me parait plus précieux que la découverte d'une mine d'or et un monument plus durable qu'une pyramide", Bernardin de Saint-Pierre, qui, comme Goethe, fut aussi un naturaliste. Voila une vue que je rejoins volontiers. Tout comme j'aime Chaplin. Quant au père Grandet et l'Harpagon, ces fesse-mathieux, il peuvent bien se vouer à compter leurs tas d'or.
Merci M. Robert Paul pour ce nouvel éclairage.
L'Eldorado... quel mirage. Déjà Walter Raleigh , en 1596, y voyait des promesses d'or et d'argent avec "la découverte du vaste, riche et bel empire de Guyane" et "la grande et dorée ville de Manoa que les espagnols appellent Eldorado". Eldorado, qui nourrit les fantasmes des siècles durant. Merci Claudine pour la visite.
Pour Claudel, dans "L'échange" (1890), l'amour de l'or, du Veau d'or, constitue une première approche, barbare, archaïque, du sacré parce qu'il rend sensible à la notion de valeur....
Dans "Eugénie Grandet" de Balzac, le vieux Grandet aime à contempler son or. Cette extase ne contredit pas l'expansion de sa richesse, ce mouvement d'appropriation perpétuelle. Pour lui, l'or c'est la vie. Dès lors, le métal précieux n'est pas un objet, mais un être vivant doté d'une inépuisable fécondité. Par le don annuel de pièces rares, le vieillard tente de faire partager à sa fille cette conception génératrice d'émotion quasi sacrée. L'avarice proprement dite, semblable à celle d'Harpagon, ne se manifeste véritablement qu'à la fin, lorsque Grandet en est réduit à une sorte de voyeurisme, une orgie du regard. Il affirme même que l'or le réchauffe. L'or apparaît alors autant comme un bien tangible et une inépuisable source de vitalité que comme un prodigieux aliment pour l'imaginaire. Il accède pour son bienheureux possesseur à la grandeur du mythe. Le père Grandet lui voue un culte, dont il devient une sorte de prêtre, détenteur de la vérité absolue, ultime, celle-là même du monde moderne retourné à l'adoration du Veau d'or.
"La richesse sans laquelle rien ne se peut dans ce monde voué au veau d'or, à l'âne d'or, à tous les animaux d'or et à leurs excréments",
Barbey d'Aurevilly.
Merci Robert