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des amours de province deuxjème chapitre. Suite 3.


 

                                      3

 

Bien plus que la veille de son départ, Julie aujourd’hui était devenue bien plus désirable que lorsqu’ils s’étaient connus.

Il apprit par la suite qu’elle non plus n’avait pas cessé de vivre.                  

La grille n’était pas fermée, il n’avait eu qu’à la pousser. Elle devait attendre derrière la porte. Les nouvelles vont vite en province.

- J’étais en ville.

- Je sais.

Est-ce qu’elle avait changé ? Il lui semblait que son regard était moins brillant. Ou bien c’est la lumière jaune du hall qui lui assombrissait le visage. La lumière est un fard cruel.

Elle l’avait fait entrer dans ce qui était resté le petit salon. Ils s’étaient assis face à face. Muets. C’était peut être pour cette raison qu’elle lui avait posé la question. Il y a des questions qui ne servent qu’à cela. Les paroles, à certains, sont plus significatives que les silences. A tort souvent.

- Tu veux boire quelque chose.

Il ne savait plus qui s’était levé le premier. Mais elle avait plongé sa langue dans sa bouche en se serrant contre lui. C’est elle qui l’avait conduit à sa chambre en le tenant par la main. Il y a cinq ans, c’était déjà elle qui le conduisait tandis qu’il lui serrait la taille en montant. 

Cinq ans plus tard, certains mouvements de sa voix et de son corps pendant qu’ils faisaient l’amour étaient plus vivants qu’ils ne l’avaient été en réalité. Peut-être que c’est pour elle autant que pour René qu’il avait voulu rentrer ?

Pierre avait envie de lui faire mal parce que durant cinq ans, il avait du se passer d’elle. Peut être que les corps se reconnaissent. Il savait que Julie était la femme qu’il aimait parce qu’il la désirait autant ou davantage que les premiers jours.

Pendant longtemps, lorsqu’il fouillait la bouche de Clotilde c’est la bouche de Julie qu’il voulait embrasser. Et c’est le grain de sa peau qu’il voulait sentir sous la main. C’est seulement aujourd’hui qu’il s’en rendait compte. La pensée est comme un masque de carnaval. Il ment. Le corps de Julie était toujours aussi avide.

Elle avait demandé le lendemain matin :

- Tu vas rester ?

- Tu veux que je reste ?

- Oui.

Ils étaient étendus côte à côte. Après l’amour, elle aimait rester étendue, la main sur la cuisse de Pierre.

Il se rhabilla.

- Mon père m’attend, je reviendrai tout à l’heure.

- Tu ne veux pas manger ?

Elle s’était levée. Il l’avait embrassée à la base du cou, et il était parti.

Il y avait beaucoup de monde en ville. Le samedi, c’est le jour du marché. Il regardait les gens avec curiosité. C’était probablement les mêmes que ceux qu’il croisait cinq ans plus tôt.  Plus souriants. Ce devait être son sourire qui suscitait le leur. Le visage de celui qui vient de faire l’amour le dénonce et lui entoure le crâne d’une aura de lumière.

Une autre vie commençait une fois de plus. Est-ce qu’on meurt d’abord à chaque fois qu’on recommence à vivre ? Il se sentait bien, il était heureux.

Monsieur Halloy était habillé comme les jours où il se rendait au Palais. Jusqu’à la cravate soigneusement nouée. Il n’avait pas fini de déjeuner. Il tendit la joue.

- Tu veux du café ?

- Je veux bien. René te manque ?

- Je ne savais pas à quel point j’avais besoin de lui.

Il regardait Pierre qui semblait, comme on dit, rayonner de bonheur.

- Tu vas rentrer ? Tu vas rester ?

- Je vais rester. Je vais téléphoner à Monsieur Baligand  tout à l’heure. Je dois réfléchir.

- Réfléchir oui. Tu loges chez Julie ? Tu vas travailler ?

Il le voyait, il ne connaissait pas son fils. Il suffisait de quelques questions simples et il ignorait les réponses que son fils pourrait lui faire. A causes de cinq années durant lesquelles ils avaient été éloignés loin de l’autre ? Ou parce qu’il ne l’avait jamais connu ?  Trop peu en tout cas.

- Je vais loger chez Julie. Après, je verrai.

Ils s’étaient embrassés maladroitement. Monsieur Halloy n’avait jamais su de combien de baisers était constituée une accolade.

Pierre retourna chez Julie. Il n’y avait personne mais la porte n’était pas fermée. Il entra dans le petit salon mais il ne s’assit pas. Il portait un pull sous son veston mais il n’avait pas ôté son veston, c’est Julie à son retour qui le lui fit remarquer en riant.

- Pierre, on dirait que tu es en visite.

Il la prit entre les bras et le désir physique qu’il avait d’elle se manifesta comme aux premiers jours de leur liaison.

- Viens.

Physiquement Julie avait à peine changé. D’ailleurs, ce n’était plus son corps qui le séduisait, c’est d’elle tout entière dont il avait envie.   

Le lendemain, il était encore au lit lorsqu’elle se rendit au bureau. Il lui demandait :

- Tu rentres pour déjeuner ?

Elle lui embrassa le front, elle répondit oui, et sortit.

Avec Clotilde, c’est ensemble qu’ils se levaient pour se rendre au bureau. Ils se retrouvaient le soir mais il n’imaginait pas qu’il puisse passer la journée avec elle.

Avec Julie au contraire, sans elle il se sentait douloureusement seul.

Il la guettait derrière la porte. Elle était à peine rentrée qu’il la serrait entre les bras, le ventre en avant. On eut dit qu’il prenait une revanche. Peut être en était-ce une. A la pensée qu’un autre homme avait pu lui faire l’amour, la rage le saisissait.

C’est lui qui avait voulu déjeuner aux abattoirs, le restaurant dont elle avait cité le nom.    

- Bonjour, madame Julie.

Pierre souriait mais il avait été heurté par la familiarité dont le patron avait fait preuve. Quelques bouchers, debout devant le comptoir, les avaient salués de la tête.

Pierre avait eu un sourire crispé.

En sortant du restaurant, il arrêta la voiture sur une aire d’autoroute et se pencha sur Julie dont il écrasa la bouche. Elle s’était abandonnée effrayée par cet homme qu’elle ne reconnaissait pas mais dont le corps suscitait avec brutalité l’avidité soudaine du sien.

- L’odeur du sang, ça t’excite ? Dis-le que ça t’excite.

Elle était comme un jouet entre ses mais. Elle pensa à El Toro.

Ils rentrèrent sans dire un mot. Au moment de se glisser sous les draps,  il s’excusa :

- Je ne sais pas ce qui m’a pris. 

 Elle secoua la tête et la posa sur sa poitrine.

Il s’était promis de réfléchir à ce dont il allait s’occuper pendant qu’elle était au bureau. Il n’éprouvait pas de besoin particulier. Deux matinées par semaine, il sortait pour rencontrer son père ou ses amis tandis que la femme de ménage prenait possession de la maison.

Il était parfaitement heureux, il attendait Julie pour des retrouvailles de chair. Elle était son obsession au point qu’une fois, il s’était demandé si elle se rendait réellement au bureau tous les matins et si elle visitait encore les gros clients.

-Monsieur Tordoir s’en sort très bien sans moi. Tu es jaloux ma parole ?

En effet, il était jaloux, il s’en rendait compte. Comme Gérard en rêvait, Pierre avait le sentiment que Julie était sa propriété. Une nuit, Il avait presque violé Julie en criant :

- Tu en veux, hein ? Tu en veux.

Julie avait fait semblant de n’avoir rien entendu. Lui n’avait pas pu se rendormir.

Tout paraissait si simple à deux. Certains jours, ils étaient trois. C’est l’amie de Julie qu’ils recevaient, Liliane, la pharmacienne qui s’était montrée si proche de Julie les dernières semaines de vie de Gérard et après que lui, Pierre eu abandonné Julie sans se préoccuper d’elle. 

Un jour que Julie attendait Liliane, elle lui avait dit :

- Elle vient souvent me rendre visite. Elle m’a dit qu’elle te connaissait depuis votre adolescence. C’est vrai ?

Il la connaissait en effet.

Il avait seize ans lorsqu’il avait emmené Liliane le long du chemin de halage à proximité du Soleil Radieux, la maison de rendez-vous située à hauteur du fleuve mais invisible de la route. On y accédait par un étroit chemin. Ils s’étaient assis sur l’herbe. Il lui avait pris la main et il l’avait posée sur son sexe. Il avait joui presque immédiatement. Il avait été tellement honteux qu’il avait voulu mourir sur le champ. Ils étaient rentrés sans dire un mot.

Ce jour-là, il n’y avait eu ni sourire béat ni aura sur le front. Beaucoup de honte au contraire dont il mit longtemps à se relever.   

Julie le regarda avec curiosité.

- C’est vrai que tu la connaissais bien ?

C’était vrai. Il avait revu Liliane à la fin de leurs études secondaires. Elle avait failli le violer à la sortie d’une boite où les jeunes gens allaient danser les samedis soir. Il avait été honteux une fois de plus, il n’avait pas  été à la hauteur. Liliane était une fille obstinée. Pierre lui plaisait, elle avait le sentiment qu’il était plein de ressources mais il fallait que le cadre s’y prête.

Il était maigre mais bien proportionné, le visage creusé, des yeux noirs au regard profond. Liliane était mince mais la poitrine saillait en dessous d’un pull étroit. Elle avait un visage frais, plaisant, un peu candide comme on l’a souvent à cet âge.

Elle avait demandé à sa mère de l’inviter à la côte durant les vacances.

Françoise disait qu’à l’âge de sa fille, elle lui ressemblait. Elle laissait entendre, sans doute, que Liliane ressemblerait un jour à sa mère. Quel est le jeune homme ardent qui ne l’aurait pas espéré ?  Françoise était séduisante. Quel est le jeune homme ardent qui ne l’aurait pas remarqué ? Aujourd’hui, on dirait de Françoise qu’elle était sexy.

Les parents de Liliane avaient une maison à la côte, elle était située dans les dunes. Debout devant la maison on voyait la ligne d’horizon à plusieurs kilomètres de distance.

Elle était entourée d’un jardin et d’un terrain herbeux qui avait près d’un hectare. Devant il y avait les dunes, derrière l’orée d’un bois. Isolée, on y était au bout du monde.    

- Vous aimez la côte, Pierre ? Bien sûr, ce n’est pas directement la plage mais on n’en est pas loin.

Le père de Liliane n’y venait que le week-end. Durant la semaine, il restait à Bruxelles pour travailler. Il était un des agents commerciaux d’une firme qui distribuait des produits destinés à la construction de bâtiments. Les administrations  publiques constituaient le plus gros de sa clientèle. Il n’y avait pas un soir où il ne traitait pas un fonctionnaire important dans un des restaurants les plus réputés de la ville. Il rentrait chez lui mort de fatigue et s’endormait sur le champ. Plus tard, disait-il en riant, lorsqu’ils seraient riches, Sa femme et lui feraient la grasse matinée tous les jours. Et si ce n’était pas la grasse matinée, ils resteraient au lit tout de même. Même à la côte, il se couchait tôt. Il disait pour s’excuser :

- J’ai de la peine à récupérer.

- Tu es en vacances.

- C’est vrai.

Mais il ne changeait pas sa façon d’agir.

C’était un été particulièrement chaud. Il fallait, disait-on, remonter à de nombreuses années en arrière pour retrouver un été aussi torride.  Ils mangeaient dans le jardin vêtus aussi légèrement que possible. La plupart du temps Pierre ne portait que son slip tandis que les deux femmes restaient en maillot toute la journée. Chacun d’entre eux disparaissait tour à tour et revenait les cheveux mouillés. Ils venaient de prendre une douche. Un jour, Françoise avait dit :

- Si nous étions nos ancêtres des premiers âges, nous pourrions nous promener tout nu.

Bien sûr, ce n’était qu’une plaisanterie. Mais le bas du  ventre de Pierres s’était enflammé, les yeux tournés vers Françoise qu’il regardait soudain comme si elle avait été nue. Françoise avait détourné la tête. Quelles étaient les images qui lui étaient passées par la tête ?  Liliane avait baissé les yeux mais elle avait toujours aimé ces phrases qui ne signifiaient rien de particulier mais qui en évoquaient d’autres propres à chacun.   

Au bout de quelques jours, tous les trois nous avaient la couleur du bronze et l’habitude de se voir pratiquement nus. Pierre pouvait regarder Françoise sans réagir comme il le faisait les premiers jours. C’est la nuit, étendu sur son lit, qu’il  pensait à elle. Est-ce qu’elle dormait nue, elle aussi ?      

Un jour qu’elle les avait laissé pour aller prendre sa douche il s’était rendu dans sa chambre pour y prendre un autre slip. Il était passé devant la salle bain. La porte était ouverte. Machinalement il avait tourné la tête. Françoise était en train de prendre sa douche. Elle n’avait pas tiré le rideau. Il était cloué au sol. Ruisselante, les cheveux brillants, les seins bronzés mais plus clairs autour des aréoles, elle était la femme comme l’imaginent les peintres et les jeunes gens.

La chaleur lui était montée au visage. Il ne pouvait détacher le regard du triangle noir de sa toison. Elle le regardait, elle aussi, les yeux  effarés. Elle ne faisait aucun geste pour se dissimuler ne serait-ce que pour tirer le rideau. Pierre s’était repris et il était retourné au jardin. Liliane était étendue sur son drap de bain. Il s’était étendu sur le mien. Lorsque Françoise était revenue, il avait fait semblant de sommeiller.

Liliane, un jour, avait du s’éloigner  pour faire des achats en ville. Françoise s’était étendue sur son drap de bain pour exposer son dos au soleil. Elle avait dénoué les liens de son soutien afin de ne pas avoir le dos marqué.

Pierre était debout auprès d’elle.

- Je vais rentrer demain, Françoise. Je crois que c’est mieux.

- Demain. Mais pourquoi ?

Elle s’était tournée vers lui. Elle n’avait pas songé à se couvrir les seins.

Il s’était laissé tomber sur les genoux.

- J’ai trop envie de vous Françoise.

- Ce n’est pas raisonnable, Pierre.

Il s’était allongé sur elle, Il  introduisit sa langue entre ses lèvres. C’est elle qui le serra sur sa poitrine.

Cet été là, il avait fait l’amour avec Liliane. Françoise  avait du rentrer à Bruxelles.

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Commentaires

  • "Tu en veux hein .... tu en veux !! Quelle faute impardonnable de la part de Pierre !!!

    Elle lui en voudra c'est certain ! .... Ou alors, je me trompe lourdement.

  • Aller et retour vers son adolescence. Mais il me semble avoir lu, précédemment, quelques éléments de ce passage-ci de l'histoire de Pierre qui devient de plus en plus éclairante concernant sa personnalité.

    Il ne s'agit pas de romans à l'eau de rose !!! Vous avez l'art de conter.

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