« Anna Bolena »… Ou la somptueuse innocence condamnée par un crime prémédité !
Le samedi 20 avril, 20 heures à l’Opéra des Liège, se tenait la fabuleuse dernière de « Anna Bolena », le 29e opéra tragique de Donnizetti. Brillance, effusions prémonitoires de tendresse, amour de la liberté, le rideau se lève sur de véritables ébats amoureux. Un lit royal, à Richmond ? Les courtisans piétinent dans l’antichambre, ne perdant rien du spectacle. Le cœur volage d’Henry VIII brûle d’un nouvel amour, celui de Jane Seymour (Giovanna). Un grand malheur attend Anne, la reine d’Angleterre. « Ne te force pas à la joie, ta tristesse est aussi belle que ton sourire » se plaint-elle à son fidèle page qui lui chante sur fond de harpe les joies du premier amour. Francesca Ascioti, frémissante, juvénile et passionnée interprète joyeusement ce jeune Smeton si amoureux de la reine. Celle-ci tient tendrement sur les genoux une petite fille sérieuse : la future Reine Elisabeth I en habits d’apparat dorés, comme ceux des peintures de cour où on la verra plus tard, auguste, souveraine et intouchable. Anna est sensible aux paroles de Smeton, elle aussi a eu un premier amour dont les cendres sont encore chaudes… mais, utilisées perfidement par le roi pour confondre la reine, elles enflammeront l’opéra jusqu’au brasier final où se consumera la reine répudiée. Cet unique soir du 20 avril, c’est Elaine Alvarez qui, pleine de ressources et de talent dramatique interprète avec un feu inimaginable, cette femme au long développement psychologique, accusée d’adultère et de trahison et injustement condamnée à mort et dont le poids de chaque mot est émotion incandescente.
Dès les premières scènes, ironie du sort et de l’écriture, Anne conseille avec grande sagesse à sa rivale Giovanna de ne pas se laisser abuser par l’éclat du trône et se plaint de la solitude dans laquelle son époux la laisse. L’ardente Sofia Soloviy s’oppose avec fracas à la sagesse de la reine. A la mise en scène fabuleuse, Stefano Mazzonis di Pralafera, directeur général et artistique de l’Opéra Royal de Liège Wallonie. Et oui toutes les voix sont à la hauteur du festival de costumes rutilants, créés par Fernand Ruiz. Sur le plateau, nous assistons à un défilé ininterrompu de brocards, de soieries, de coiffes, et riches manteaux, dans le palais d’Henry VIII lambrissé de chêne et éclairé par des lustres de Venise à couper le souffle. La scène dans la forêt dans un décor signé Gary McCann pour la première fois sur la scène liégeoise, est tout aussi évocateur des munificences des Tudors. Les lambris de chêne de Richmond ont fait place à l’arbre vivant, le chêne majestueux sous lequel se rend l’imparfaite justice humaine, sous lequel se réunissent les chasseurs princiers et leurs chiens assoiffés de sang… Lord Rochefort, le frère de la reine y rencontre Richard Percy (Riccardo), qu’Heny VIII (Enrico), sûr de la réussite de son complot a rappelé pour confondre celle-ci. Maxime Melnik qui possède jovialité et élégance d’une voix de ténor lumineuse est le Lord. Riccardo, l’amoureux pour l’éternité, avec un timbre convainquant au possible, vibrant d’émotion, et des postures irrésistibles, qui résisterait ? C’est Celso Albelo, le puissant ténor espagnol qui a déjà incarné ce superbe rôle à Vienne et Santa Cruz.
Enrico a bien sûr juré à Giovanna, sa nouvelle conquête, qu’elle n’aura pas de rivale et déteste désormais Anna, cette reine incapable de procréer un héritier mâle ! … Insensée, dupée par l’ambition, Giovanna rêve, comme Anna en son temps, du trône et de la renommée. Quelles vanités ! Anne, convoitait elle aussi le trône d’Angleterre elle aussi, lui avait offert l’amour en échange. Quelle erreur funeste! Donizetti souligne de toutes parts que l’ambition du pouvoir et des richesses n’apporte que couronnes d’épines…
L’amour a la parole sous les traits du charmant page et de Percy, le premier amour de la reine, que le roi a fait revenir d’exil pour accuser son épouse d’adultère. La présence passionnée de Percy dans les appartements de la reine confirme les soupçons du roi. Parole au page qui s’est saisit en cachette d’un portrait de la reine en pendentif : « Ne préfères-tu pas un amant qui t’adore qu’un mari cruel qui t’ignore ? » Nul besoin de juges pour Anna, le médaillon l’accuse déjà, c’est elle qui est volage ! Le sort de la reine est scellé par le roi, un doigt accusateur absolu. Un Marko Mimica absolument maître de la situation, maniant le regard, la voix et les postures de façon impériale et inflexible. Est-il sorti vivant du tableau d’après Hans Holbein qui trône au font à gauche dans les salles du palais ?
Lorsque le chœur des femmes pénètre dans le parloir de la tour où est détenue Anne, elles s’exclament « Qui peut garder les yeux secs devant tant d’angoisse ? Et ne pas sentir son cœur se briser ? » Le public ressent la même chose. La reine souhaite un instant revoir le château de sa naissance qui lui ferait oublier toutes ses épreuves… « Rends- moi un seul jour de notre amour… » La salle émue aux larmes par la vérité absolue de son interprétation lâche des bravi passionnés. La dramaturgie elle aussi, est cinglante de vérité. Sous les coups sourds de cloches fatidiques, Anne donne sa couronne à la très jeune Elisabeth. Dans un long délire vocal aux merveilleuses coloratures, elle a même pardonné à sa rivale, et prie que ce pardon lui accorde la miséricorde divine. Elaine Alvarez dans cet immense rôle romantique, « Tu, mia rivale ! », a vraiment raflé tous les suffrages.
https://www.operaliege.be/spectacle/anna-bolena/
Une tragédie lyrique où vibrent à la fois l’histoire, l’amour, la trahison, la passion et la virtuosité vocale! Sous la baguette de Giampaolo Bisanti, dans une mise en scène de Stefano Mazzonis Di Pralafera, avec Olga Peretyatko, Elaine Alvarez, Sofia Soloviy, Celso Albelo, Marko Mimica, Francesca Ascioti, Luciano Montanaro et Maxime Melnik
Anna Bolena (Donizetti) du 9 au 20 avril à l'Opéra Royal de Wallonie-Liège
LIVE WEB sur Culturebox : le mercredi 17 avril à 20h30
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