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Certitudes

Pendant quelques temps, j'ai marché dans un brouillard épais.

Un brouillard qui m'empêchait de discerner ceux qui marchent devant,

ceux qui marchent derrière.

Je me suis sentie étrangère, seule, abandonnée.

Je me suis laissée envahir par la tristesse, la lassitude.

Que faire?

Rejoindre ceux qui marchent devant, qui me font voir la vie différemment?

Attendre ceux qui marchent derrière?

Rester avec eux et mourir lentement?

Comme à son habitude, le brouillard s'est dissipé et les certitudes sont revenues.

Observer et écouter ceux qui sont devant, ceux qui me nourrissent,

qui me font avancer.

S'arrêter de temps en temps pour encourager, transmettre à ceux qui marchent

derrière, en respectant leur rythme.

Même si parfois cela freine ma marche.

Même si parfois c'est difficile à accepter.

C'est mon rôle.

C'est ce que j'ai toujours fait.

C'est ce que je ferai encore.

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Robert Vandamme : LES JOURS RENOUES

Les Editions du Centre d’Art d’Ixelles

Présentent

 

LES JOURS RENOUES

Robert Vandamme

 

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Les vrais poètes sont trop rares pour les laisser dans un silence insultant. Robert Vandamme fait partie de ces authentiques créateurs qui magnifient la langue et jouent avec les mots. Avec une vingtaine d’ouvrages publiés auprès de différents éditeurs,  il a accepté de confier son dernier manuscrit paru de son vivant aux Editions du Centre d’Art d’Ixelles, un volume d’une rare exigence qu’on lit et relit pour s’imprégner d’une  lecture décapante et globale. Car il faut être modeste pour écrire avec une telle pudeur et une telle générosité et rêver, naturellement, d’être lu. Raisonnable et sans vanité, l’auteur a gardé cette intense vertu socratique qui place la parole, en sa qualité de verbe sans cesse malléable et récusable, bien au-dessus de l’écrit, péremptoire quant à lui, arrogant, définitif. Mais si nous voulons que l’Histoire se prolonge, il faut bien, l’Histoire nous l’enseigne, que nous sacrifiions à l’écriture.

 

 

Chez le même éditeur :

-          Thanatos : Jean Lhassa

-          Oglala : Gus Rongy

-          Le goût du malheur : Henri Vernes

-          Mikis Theodorakis : Fantasmagorie crétoise

-          Le journal de Morgane : Daniel Bastié

-          Furya : Mythic

-          Je ne suis pas une Lolita : Daniel Bastié

-          Cosmopolyton : Jean Lhassa

-          Douze ans, onze mois : Jean Lhassa

-          Zones d’ombres : Patrick Verlinden

Extrait de l'ouvrage

Eglogues 1941

         

           

1.

 

Tandis que les coucous se perdaient dans les bois,

Lucile,j'enroulais tes cheveux à mes doigts.

Souviens-t'en. Les chars lourds grinçaient le long des charmes.

L'amour qui nous avait arraché tant de larmes

Ceignait nos fronts d'une douce mélancolie.

Le baiser que je pris sur ta lèvre pâlie

Avait le goût du miel, de la pluie et du vent.

Déjà je me sentais grave comme un enfant.

2.

Averse, tu me plais avec tes longs fils bleus

Et ton odeur de foin qui flotte sur les routes....

Tandis que le grand vent chassait les chats frileux

Et dans un tourbillon éparpillait les gouttes

De pluie, Eva, nous entremêlâmes nos doigts

Sous un hangar qui sentait bon le trèfle mauve.

Jeune fille, je pense à vous et je revois

Vos deux lèvres d'enfant, vos yeux de jeune fauve.

3.

Pour les jardins frileux et pâles,

Le vent amasse des étoiles.

Effloraison

 

Lente d'octobre sous la lune.

Ombres longues d'un bleu de prune.

Toits des maisons

 

Epars dans les derniers feuillages.

Pour qui, pour quel nouveau visage

Sont ces chansons ?

 

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Gus Rongy : OGLALA

Les éditions du Centre d’Art d’Ixelles

présentent

 

OGLALA

Gus Rongy

 

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Né à Liège, Gus Rongy est un auteur belge, qui a attendu l’âge de la retraite pour se lancer en littérature. De 1990 à nos jours, Gus a écrit une bonne soixantaine de nouvelles, publiées pour la plupart au Centre d’Art d’Ixelles et chez Publibook. Par ailleurs, mettant à profit son expérience de musicien de jazz, – il a fait partie de divers orchestres Dixieland de la capitale dans les années soixante –, il a publié deux romans, La boue du delta (1995), dont l’action se passe dans le sud des États-Unis à l’aube du vingtième siècle, et Les chemins interdits (1997), roman plutôt autobio­graphique, en tout cas tissé de souvenirs personnels. Dans ces deux cas romanesques, l’écrivain prouve qu’il est capable de longs métrages, qu’il a du souffle, qu’il a un sens aguerri de la fresque et que le romancier n’a en rien à rougir auprès du nouvelliste.

 

 

Chez le même éditeur :

-          Thanatos : Jean Lhassa

-          Le goût du malheur : Henri Vernes

-          Les jours renoués : Robert Vandamme

-          Fantasmagorie crétoise : Mikis Theodorakis

-          Furya : Mythic

-          Je ne suis pas une Lolita : Daniel Bastié

-          Cosmopolyton : Jean Lhassa

-          Zones d’ombres : Patrick Verlinden

-          Douze ans, onze mois : Jean Lhassa

-          Le journal de Morgane : Daniel Bastié

 

Extrait de l’ouvrage :

Le jobard

Tout a commencé à ma naissance. Il y a très longtemps.

Je suis né dans un chou. C'est une belle entrée en matière.

Ma sœur aînée, elle, était née dans une rose. Vous, les jeunes qui me lisez, vous vous dites que c'est le début d'un conte de fées, ce qui n'est plus tellement d'actualité, et vous vous désintéressez probablement de mon récit. Pas si vite ! Vous allez voir que c'était courant à mon époque, aussi absurde que cela puisse paraître.

J'y ai cru jusqu'à mes dix ans, ce qui était moins courant, même à mon époque. Mes parents n'ont rien fait pour me donner une autre explication. En ces temps reculés, il n'y avait pas de cours d'éducation sexuelle. Il n'y avait pas Internet et ses sites particuliers. Les brochures spécialisées circulaient sous le manteau. Je n'avais même jamais vu une femme enceinte.

Si, tout de même. Un jour − j'étais en troisième primaire −, ma mère et moi avions croisé une voisine qui projetait en avant un ventre monstrueux. Cette femme semblait souffrir d'une grave maladie qui la faisait enfler dans des proportions inhabituelles.

J'ai interrogé ma mère, qui a paru gênée tout à coup, comme si la maladie de cette pauvre femme était tellement effroyable qu'on ne pouvait pas en parler aux enfants. Elle a répondu avec réticence que cette dame attendait un bébé. Et comme j'ouvrais la bouche pour solliciter quelques explications complémentaires, elle m'a dit très vite : « Tu comprendras plus tard. » Et le chapitre fut clos.

Mais je n'arrêtais pas de m'interroger. Comment cette femme avait-elle attrapé un enfant dans son corps ? Par où était-il venu ? Et par où sortirait-il ? Allait-on devoir ouvrir le ventre de cette malheureuse pour en extraire le bébé ? Heureusement, ma maman n'avait pas eu à subir une telle déformation. Il lui avait suffi de m'acheter au marché, rayon des fruits et légumes.

Tout ce qui se passait au sud du nombril, des hommes comme des femmes, était tabou dans la famille. Toutefois, je n'ignorais pas que les filles étaient bâties différemment des garçons : quand j'avais six ans, j'avais obtenu de ma petite voisine Antoinette qu'elle me montre par où elle faisait pipi, en échange d'un bâton de chocolat et d'un grand sac de bonbons au miel.

En ce qui concernait la procréation, mon père n'était pas plus loquace que ma mère. Ce sont les petits condisciples plus au fait de la biologie qui m'ont dessillé les yeux en se moquant de ma naissance potagère. A les entendre parler de ces choses avec des rires sous cape, je me suis douté que l'histoire du chou et de la rose était une invention.

Quand on pense que les autorités pédagogiques projettent actuellement un programme d'initiation sexuelle dès la première année primaire... Ces bambins en connaîtront plus sur la question que moi à quinze ans, âge auquel j'ai entrepris une démarche qui m'a conduit à passer outre au respect humain, à la pudeur et à la honte.

Depuis quelque temps, j'étais très troublé par les transformations étranges dont mon corps était l'objet. Des phénomènes physiologiques nouveaux étaient apparus, qui m'inquiétaient profondément. Ce n'étaient pas seulement leurs manifestations qui me tourmentaient, mais aussi leur répétition. Qu'est-ce qui m'arrivait ? Assurément, ce n'était pas normal. Je devais être atteint d'une affection grave qui allait altérer ma santé. Une maladie honteuse, à n'en pas douter. Pas question d'en parler à papa et maman : la région concernée était zone interdite.

Après m'être torturé moralement pendant des semaines − tout bien considéré, n'étais-je pas un vicieux ? − et alarmé pour le fonctionnement de mon corps, je me résolus, la mort dans l'âme, à aller consulter le docteur Delforge, médecin de notre famille.

Comme un grand, je pris un rendez-vous pour une consultation, où j'allais enfin pouvoir exposer mon cas à une personne compétente.

Le médecin fut bien surpris de me voir arriver seul. C'était la première fois que j'entrais dans son cabinet sans ma mère. Il dut se douter que quelque chose de grave était en train de se passer, dont je ne désirais pas informer mes parents.

Avec beaucoup d'hésitations, je me décidai à confier au médecin mes anomalies physiques. Tout en parlant, je sentais le rouge de la honte me monter au front.

Le docteur Delforge m'écouta patiemment pendant un bon quart d'heure sans m'interrompre. A la fin, il me fit un grand sourire qui me rassura. Non, je ne devais pas me faire du souci. Non, je n'avais pas de maladie. Non, je n'étais pas un anormal ou un vicieux. Ce qui m'arrivait était on ne peut plus naturel. Cela s'appelait la puberté. Tous les garçons de mon âge étaient logés à la même enseigne, et c'était bien heureux d'ailleurs s'ils voulaient avoir des enfants plus tard. Il n'avait pas le temps d'entrer dans les détails mais il m'expliqua néanmoins que les filles aussi étaient l'objet de transformations sexuelles, accompagnées de phénomènes différents, bien entendu. Pour terminer, il m'appliqua une grande tape sur l'épaule.

« Sacré Antoine, me dit-il, tu es un fameux jobard ! »

Quand je suis sorti du cabinet, je me sentais soulagé, mais j'étais loin d'avoir tout compris. Le docteur Delforge avait notamment parlé de faire l'amour, comme d'une chose tout à fait naturelle, alors qu'autour de moi, cette expression était toujours accompagnée de sous-entendus ou de gestes obscènes.

Et puis, il y avait ce mot « jobard », que j'entendais pour la première fois et qui m'intriguait. Le Petit Robert me renseigna. Ce n'était guère flatteur. Jobard, adj. et n. : crédule jusqu'à la bêtise, naïf, niais. Merci, docteur Delforge...

Aussi loin que je remonte dans mes souvenirs, je ne peux que me féliciter d'avoir eu des parents comme les miens, même s'ils n'étaient pas prompts à m'éclairer sur certains sujets. Leur intention était louable : ils ne songeaient qu'à me préserver du mal. J'ai souvent pensé que s'il m'avait été accordé de choisir mes parents, ce sont ceux-là mêmes que j'aurais élus.

Cela dit, il me semble que j'avais déjà assez tôt des dispositions naturelles à la jobardise. J'avais de qui tenir : mon père m'avait un jour raconté que dans son village, lorsqu'il était enfant, les petits paysans lui avaient fait un jour avaler des crottes de lapin, lui faisant croire que c'étaient des boules de gomme. On peut être naïf par hérédité paternelle.

Pour mon septième anniversaire, j'avais reçu une panoplie de bricoleur : un marteau, des tenailles, un burin, un vilebrequin, une pince et d'autres outils, dont la qualité primordiale était d'être incassables. J'en étais très fier et je me vantais de mon matériel auprès de Charles, un petit copain de mon âge qui venait jouer à la maison. Celui-ci s'était plutôt montré sceptique : avant que j'aie pu l'en empêcher, il s'était aussitôt saisi de la pince et avait projeté froidement l'outil sur le sol, le brisant en trois morceaux. Il me démontra ainsi que j'étais déjà un fameux jobard.

L'histoire peut paraître drôle. Je peux vous assurer qu'elle ne m'a pas fait rire, moi, le petit moutard de sept ans. D'abord je découvrais qu'on ne pouvait pas se fier aux affirmations des grandes personnes ; ensuite, que la cruauté des autres enfants était sans limite. J'étais inconsolable et il fallut que mon père me fasse la promesse de m'acheter une nouvelle pince pour me calmer. Je m'en suis remis mais Charles n'a plus jamais été invité.

Je gobais tout ce qu'on me racontait : que pour attraper une pie, il suffisait de lui mettre du sel sur la queue ; que des ouvriers spécialisés foraient les trous du fromage de gruyère ; que le boulanger devait introduire la mie à l'intérieur de la croûte.

Lorsque je fréquentais l'école secondaire, combien de fois n'ai-je pas été la victime des plaisanteries de mes condisciples, voire de mes professeurs ? Je cite pour mémoire la table de Pythagore qu'on m'envoya un jour chercher chez le concierge. A moins qu'il s'agisse de la table de décompression, je ne sais plus très bien, ou de celle de Mendeleïev, dont on m'avait écrit le nom sur un bout de papier... Je n'oublie pas non plus la bouteille d'orangeade que je tenais à la main et que je renversai spontanément sur ma culotte en voulant consulter ma montre quand un malin me demanda l'heure. J'étais d'ailleurs souvent l'artisan de ma propre infortune. Quand notre professeur de langues germaniques, pour expliquer sa sévérité, répétait souvent la même astuce : « Dura lex sed lex, mon ami, comme on dit en anglais », j'étais toujours le premier à montrer mon érudition : « Ce n'est pas de l'anglais, m'sieu, c'est du latin. » Et toute la classe de rire... Toujours aussi jobard, non ?

Mais ce que j'ai vécu longtemps comme une humiliation fut mon intervention remarquée dans une pièce célèbre dont j'ai oublié le nom.

J’étais en fin de rhéto, officiellement appelée première gréco-latine à une époque où l’on comptait encore à rebours. Depuis le début de l’année, l’abbé Poitroux, notre professeur de français et de latin, nous faisait répéter inlassablement la pièce, qui devait, lors de la distribution des prix, assurer devant la foule des élèves et des parents la gloire du collège Saint-Barnabé.

Comme l'enseignement n'était pas mixte, pendant des mois, l’abbé avait tenu les rôles féminins, dont il nous disait les répliques. Pour la représentation, on ne pouvait plus se contenter de cet expédient. A force de persuasion, il avait convaincu la mère supérieure de Sainte-Blandine de nous « prêter » les quelques rhétoriciennes qu’exigeait la vraisemblance.

J'étais très fier de mon rôle. Je jouais un gommeux qui faisait des ronds de jambe auprès d'une belle. On dirait maintenant un dragueur. Je m'approchais d'elle, m'inclinais profondément, lui prenais la main et en approchais mes lèvres. A ce moment, je devais dire, avec un air admiratif : « Cette main, madame, il faut que je la baise. » La réplique me paraissant un peu empruntée, je jugeai nécessaire d'en rajouter. Je marquai un temps d'arrêt après « Cette main, madame », puis je me tournai vers le public comme je l'avais vu faire dans une pièce de Feydeau et, avec un clin d'œil de connivence, j'ajoutai : « Il faut que je la baise ! »

Comme piqués par le dard d’une abeille, quelques spectateurs somnolents dressèrent la tête. Au balcon, plusieurs élèves, qui s’ennuyaient ferme en attendant le baisser de rideau, laissèrent fuser quelques rires épars, n’osant en croire leurs oreilles. Les surveillants essayèrent à grand-peine de maintenir l’ordre, de réprimer le chahut en puissance qu’ils sentaient monter inexorablement.

Sur la scène, la jeune fille, qui n’avait qu’une réplique, s’était détournée, mais les secousses qui agitaient ses épaules en disaient long sur ses réactions à l'initiative de son partenaire. En quelques secondes, toutes les rangées furent agitées d’une houle d’hilarité.

L'effet obtenu dépassait de loin mes prévisions. Etait-ce vraiment si drôle ? Pour obtenir un tel résultat, il fallait que j'aie un don spécial. Le feeling, comme on dit. Je me rengorgeais déjà.

Un personnage ne partageait pas l’euphorie générale. L’abbé Poitroux, dont les prunelles exorbitées et le teint cramoisi trahissaient la colère, se mordait les poings de rage. Mais qu'est-ce qui pouvait ainsi l'irriter dans ma réplique ?

En un clin d’œil, ce fut le délire. Des spectateurs s’interpellaient, se retournaient vers le balcon, où les étudiants, ravis de l’aubaine, chahutaient consciencieusement. Il fallut baisser le rideau. L’abbé Poitroux, confus, pâle de rage contenue, dut se résigner à suspendre la pièce. Il s’excusa de manière brouillonne auprès d’une assistance complaisante, pas fâchée tout compte fait de couper à la corvée.

Une fois la salle évacuée, j'eus à subir les foudres de mon professeur, qui ne put s’empêcher, à l’encontre de la plus élémentaire charité chrétienne, d’accabler son malheureux élève. Tout était de ma faute, n’est-ce pas ? Ah! comme il regrettait d’avoir confié le rôle à un misérable obsédé sexuel, qui transposait ses fantasmes en délire verbal !

Moins je comprenais, plus il s'emportait. Comme je tentais de me justifier, il me chassa de sa vue avec un grand geste théâtral. Il se laissa même aller à un écart de langage peu compatible avec son statut d'homme d'Eglise :

« En plus, vous vous foutez de ma gueule ! »

Mais non, père Poitroux, vous vous mépreniez tout à fait. Vous m'attribuiez des intentions que je n'avais certes pas. Pour moi, le verbe baiser n'avait qu'un sens. Malgré mes dix-sept ans, j'ignorais sa signification scabreuse, qu'un condisciple m'expliqua le lendemain, pris de pitié devant mon état de prostration et ayant peine à croire qu'on pouvait être jobard à ce point.

C'était le temps de mes premiers émois. Comme j'avais maintenant l'autorisation de sortir, j'avais envie de rencontrer des filles. Et pour rencontrer des filles, rien de tel que le dancing. On ne disait pas encore boîte, ni discothèque, ni même night club. Tout seul, je n'aurais pas osé m'aventurer dans ces endroits. Accompagné de quelques copains, j'acquérais de l'audace. J'invitais même des filles à danser. En général, elles n'avaient pas l'air de vraiment s'amuser en ma compagnie. Il était rare qu'elles acceptent une deuxième fois. Pourtant je ne me trouvais pas laid quand je me regardais dans le miroir en me rasant. L'une d'elles me dit un jour qu'elle me trouvait gentil mais nunuche. Malheureusement, ce mot, je ne l'ai pas trouvé dans le dictionnaire.

Tout allait s'arranger, croyais-je, avec le service militaire, cette école de virilité. Tout le monde disait que la discipline aguerrissait les recrues et que l'on sortait de cette période de dix-huit mois plus mûr et plus sûr de soi. De plus, j'étais persuadé que le costume allait me donner plus de personnalité. Le prestige de l'uniforme, n'est-ce pas ?

Je dus assez vite déchanter. D'abord, les gradés nous faisaient faire des exercices humiliants, où l'initiative n'intervenait guère. Lors des attaques de section, par exemple.  Imaginez de pauvres diables, par groupes de neuf, déguisés en soldats, l’air farouche, la gueule noircie au bouchon brûlé, le casque surmonté de végétaux, le fusil braqué, courant en tirailleurs sur un terrain de préférence boueux, sous les ordres d’un sergent sadique, qui prenait un malin plaisir à crier « Couché ! » quand nous passions dans une flaque. Quand je dis nous, il me semble que j'étais particulièrement visé, objet d'une attention particulière. Je pouvais être sûr que les plus sales trous étaient pour moi.

Heureusement, il y avait les leçons théoriques, où l'on pouvait souffler. Le sergent nous apprenait à démonter une mitraillette ou un fusil. Il nous montra l'éjecteur et le trou d'évent. Je ne sais trop pourquoi, à ce moment, je ris bruyamment, ce qui ne fut pas du goût de l'instructeur.

«  Pourquoi ce rire bête, Lécuyer ?

− Ben, le trou des vents, sergent, c'est drôle.

− Vous êtes un imbécile, Lécuyer. Le trou d'évent ! Event, en un mot, comme dans éventualité, éventration, évangile. »

Je me le tins pour dit.

Le lendemain, il nous expliqua la fonction des rayures dans le canon, « imprimant à la balle un mouvement hélicoïdal ». Alors que tout le monde s'en fichait, je crus malin, pour me racheter, de montrer mon intérêt : « Sergent, ça veut dire quoi, hélicoïdal ? »

La gaffe ! J'étais loin de m'imaginer que cette question innocente allait plonger mon supérieur dans un profond embarras, dont je ferais les frais plus tard.

« Hélicoïdal, bégaya le sergent, hélicoïdal, bon, ben, ça veut dire... » Soudain, il parut saisi d'une inspiration :

« Ça vient du latin hélico, qui veut dire très vite, puisqu'on dit hélico presto. »

Personne n'osa broncher dans l'assemblée mais il se rendit bien compte que son explication était plus qu'approximative et qu'il avait dit une connerie. Cette connerie, j'allais la payer. Pendant les six semaines d'instruction, je fus sa bête noire et il ne manqua pas une occasion de me rabaisser. Puis, n'étant plus directement sous ses ordres, je respirai un peu par la suite, mais d'autres tourmenteurs allaient se révéler : mes égaux, les troufions de ma compagnie.

Un soir, une demi-douzaine d'entre eux firent irruption dans la chambrée.

J'étais assis sur mon lit, en train de lire, profitant d'un calme inhabituel. De toute façon je préférais rester seul plutôt qu'aller dépenser mon argent dans un café lors des sorties arrosées de mes congénères.

Un certain Bob m'adressa la parole d'un ton qui n'admettait pas de réplique :

« Aujourd'hui, sortie obligatoire. Soirée d'initiation.

− De quoi s'agit-il ? demandai-je timidement.

− Je parie que tu n'as jamais couché avec une femme, reprit Bob. Eh bien, ce soir, nous allons te rendre service. »

Il avait bien deviné, certes, mais je n'aimais pas beaucoup qu'on décide pour moi. D'autant que la perspective d'un contact intime avec une fille m'intimidait passablement. Bob ne me laissa pas le temps d'exprimer mon opinion.

« Vous vous rendez bien compte, railla-t-il en s'adressant à ses compagnons, que le soldat Antoine Lécuyer, à vingt ans, est toujours puceau ! On ne peut pas le laisser dans cet état ! Il faut agir ! C'est une mission de salubrité publique ! Qu'est-ce que vous en pensez, vous autres ? »

En chœur, ils approuvèrent bruyamment.

Je ne pus faire autrement que de me laisser entraîner. C'est ainsi que nous nous retrouvâmes tous au Chat musqué, un bar enfumé à l'éclairage tamisé, où quelques couples étaient vautrés sur des divans de peluche cramoisie.

Le dénommé Bob, qui semblait avoir ses habitudes, se dirigea vers le comptoir et commanda de la bière pour tout le monde, puis il s'adressa à une jeune femme aux longs cheveux noirs qui, dans la pénombre, me parut assez jolie. Elle était assise à une table dans un coin du bar, devant un verre de gin qu'elle sirotait à petites gorgées.

« Rosalinde, je te présente Antoine, dont je t'ai parlé. Sois gentille avec lui, qu'il garde une bonne impression de sa première fois. On s'arrangera plus tard », ajouta-t-il avec une œillade enjouée.

Je n'en menais pas large. Mais comment résister sans encaisser toute la troupe sur le dos ?

La femme m'emmena dans une chambre contiguë où régnait une odeur de renfermé. A y regarder de plus près, la reine de la nuit perdait nettement de son charme : la bouche était vulgaire, les yeux charbonneux, le visage outrageusement maquillé.

Comme je restais là, debout, sans rien dire, Rosalinde déboutonna son corsage et dégrafa son soutien-gorge.

« N'aie pas peur, mon lapin, m'encouragea-t-elle, je ne vais pas te manger. Déshabille-toi. » Elle fit tomber sa jupe en rond à ses pieds, se débarrassa de sa petite culotte et s'étendit sur le lit après avoir envoyé promener ses escarpins à l'autre bout de la pièce.

C'était la première fois que je voyais une femme nue. Elle avait de gros seins ballants, le ventre flasque, les jambes grasses. Le pubis broussailleux me faisait penser à un énorme insecte. Araignée du soir, espoir, me dis-je pour me donner du courage. Je me déshabillai très vite avec un sentiment de gêne, ce qui me rappela le conseil de révision. Alors le désir m'empoigna d'un coup et je me jetai sur le lit.

A peine avais-je commencé que c'était déjà fini.

« Eh bien ! toi, on peut dire que t'es un rapide », constata la femme avec un sourire. Sourire approbateur ou narquois ? Quoi qu'il en soit, j'étais assez fier de ma performance.

Quand quelques minutes plus tard je réintégrai le bar, j'eus l'impression que tous les clients avaient les yeux dardés sur moi. Je crus déceler dans leur regard un éclair de malice. Mes six compagnons avaient disparu, ce qui me parut étrange. L'explication ne tarda pas. La patronne me présenta l'addition : une trentaine de consommations à régler.

Les salauds ! Ils avaient commandé plusieurs tournées générales sur mon compte ! Je n'avais pas le choix, je m'étais fait rouler, je n'avais plus qu'à payer.

Je n'étais pas au bout de mes surprises. J'ouvris mon portefeuille. A part quelques photos et ma carte d'identité, il était vide. J'étais sûr pourtant d'avoir emporté un billet de mille francs, persuadé que je devrais payer mon écot pendant la soirée. L'avais-je perdu pendant le trajet ou me l'avait-on volé ? Par acquit de conscience, je retournai fébrilement toutes mes poches. Soudain me vint à l'esprit une explication, claire, lumineuse, éclatante. Rosalinde, la putain qui m'avait dépucelé, m'avait aussi pigeonné. Comment s'y était-elle prise ? Ces femmes-là doivent avoir l'habitude. Mon inexpérience venait de me jouer un tour.

Que pouvais-je dire ? Accuser mon initiatrice ? Je n'avais aucune preuve. J'eus beau protester de ma bonne foi, la patronne appela la gendarmerie, qui me ramena à la caserne. Je passai deux jours en salle de police pour grivèlerie. J'avais battu ce soir-là tous les records de jobardise.

Par la suite, je me tins éloigné de mes compagnons d'un soir. Je dois à la vérité de dire qu'ils eurent l'honnêteté de payer leur dette intégralement au Chat musqué. Si on excepte mon amour-propre piétiné et la sanction militaire imméritée, cette aventure ne me coûta rien.

Dix mois plus tard, la délivrance arriva. Finies l'armée, la discipline, les corvées, les brimades. Mon père tint à m'accueillir à la gare. Après les embrassades, il me mit la main sur l'épaule. Il affichait l'air solennel des grandes occasions.

« Fils, me dit-il avec embarras, j'ai un aveu à te faire, qui implique aussi ta mère. »

Je craignais le pire. Mes parents avaient-ils l'intention de se séparer ? Ça me paraissait inconcevable. Je m'alarmais en vain cependant.

« J'aurais dû t'en parler plus tôt, reprit-il. Mais maintenant que tu es un homme, il est plus que temps. Eh bien voilà... Euh !... Saint Nicolas, c'était ta maman et moi. »

Pauvre papa... Il me prenait vraiment pour plus naïf que je n'étais. Je n'ai pas osé lui dire que je l'avais deviné depuis bientôt trois ans.

*

Maintenant que les années ont passé, j'ai attrapé du plomb dans la cervelle. Je ne m'en laisse plus conter. Plus question de prendre des vessies pour des lanternes, de tomber dans tous les panneaux, d'être le dindon de la farce, de me laisser éblouir par les miroirs aux alouettes. Je ne suis plus un jobard. Je vote socialiste.

 

 

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Les Editions du Centre d’Art d’Ixelles

présentent

 

JE NE SUIS PAS UNE LOLITA

Daniel Bastié

12273065099?profile=original 

A dix-sept ans, j’en fais presque vingt-cinq. Loin de me plaindre, je répète que je suis en train de franchir une étape importante. Pas de quoi bouleverser mon existence. Néanmoins, un passage obligé vers la fin d’une adolescence pas toujours aisée à vivre, avec les hormones qui s’agitent et des idées confuses qui secouent les méninges. Bon, je ne suis pas comme celles qui n’ont que les mecs en tête, même si … Je veux vivre une passion sur la distance, avec un joli mariage et des enfants aussi beaux que notre couple.

Je rentre un peu le ventre pour m’observer de profil dans le miroir de la salle de bains et je me redresse, en poussant sur les orteils pour gagner quelques centimètres. Mes doigts caressent mes hanches. Je les trouve appétissantes. Un peu lourdes, mais agréables. Il y a aussi mes seins qui peuvent se transformer en objets de séduction. Plutôt volumineux, j’ai pris l’habitude de les cacher sous un pull ou de les dissimuler sous un foulard, que je noue autour du cou et qui pend lorsque je porte un tee-shirt ou un chemisier. Je dois apprendre à plaire. Les garçons ne sont jamais insensibles à la poitrine d’une fille qu’ils croisent. Je me comprends. Je dois néanmoins rectifier certains aspects de mon look. Un minimum de coquetterie ne nuirait pas à mon image. Je regarde bien l’allure des mecs, alors je suis fatalement amenée à songer qu’ils me détaillent de la tête aux pieds, qu’ils m’inspectent et m’attribuent une cote sur dix. J’ai souvent été très dure avec moi-même. Sans rire, il y a certainement dans notre bahut une vingtaine de types qui se damneraient pour sortir avec moi. Le tout consiste à ce qu’ils se décident. On ne doit  pas courir aveuglément derrière une amourette et se contenter de n’importe qui. Je ne suis pas non plus moche à en crever. J’ai déjà eu quelques occasions et des flirts qui n’ont jamais été plus loin qu’une soirée au cinéma ou une promenade au bois de la Cambre. Le top du romantisme ! Quoique du romantisme sans un suivi concret reste un concept. Aujourd’hui, chez les jeunes, avoir une vie amoureuse épanouie est presque devenu obligatoire. Sinon, les autres vous regardent d’un drôle d’air. Je devine leurs élans de sympathie hypocrite : La pauvre, toute seule à son âge ! Bref, avoir un Roméo fait partie des conventions. C’est aussi le must pour ne pas paraître tarte. Franchement, ça me fatigue. Je ne vais quand même pas m’encombrer d’un nul juste pour faire plaisir aux copines. Un mec qui me colle, ça va un temps. Pas pour vivre un demi-siècle en sa compagnie. Ou, alors, il faut le choisir avec discernement. Je veux être rebelle jusqu’au bout des ongles et refuser les diktats. Si je m’entiche d’un gars, je le choisis moi-même et je le fais marcher en cadence. Il devra m’aimer, c’est fatal. Et ce que les autres pensent de notre relation, je leur réponds : « De quoi je me mêle ? ». Se mettre martel en tête finit par fatiguer. Je ne cherche naturellement pas l’excellence dans mes rapports. Je sais ce que je veux et ce que je ne souhaite pas. Une chose finalement pas si mal à l’aube de mon envol en tant que femme du XXIe siècle.

Je demeure dubitative en regardant mon ventre arrondi au-dessus de l’élastique du slip. Il faudra que je convienne d’un vrai régime. J’imagine qu’il faille un soir me présenter en petite tenue devant mon amoureux, qu’ira-t-il penser de moi ? Au moins, il aura de la matière à pétrir ... Quelques poignées d’amour à effacer, des cuisses à affermir en m’exerçant dans un club de fitness et de l’acné, dont il reste quelques traces sur mes omoplates. J’adore mes longs cheveux bruns. Maman dit qu’ils sont assortis à mes yeux et que je ferai souffrir les hommes. En attendant, c’est moi qui ne suis pas bien heureuse. J’aime quelqu’un qui ne le sait pas et je n’ose pas lui avouer ce qui me turlupine. Il ne s’agit pas de lâcheté, simplement d’une prudence qui me confine dans un rôle que j’ai du mal à tenir. Je devrais sans doute revoir ma coiffure. En dégageant mon visage, je mettrais mon front et mes pommettes en évidence. Une bonne manière de rater sa vie amoureuse serait de ne pas en avoir du tout. Je me console en répétant que je ne suis pas unique dans cette situation déplorable. Pour devenir le sujet des attentions, il importe avant tout de se concentrer sur son profil. Même si la majorité des hommes prétendent qu’un beau corps n’est pas l’atout premier qu’ils recherchent chez une femme, alors qu’ils bavent devant des clichés de pin-up à poil ou à moitié nue. Dans cet ordre des choses, exposer ma petite bedaine …

 

 

Daniel Bastié est l’auteur de nombreux ouvrages (Le viol, Med comme Mehdi, Le journal de Morgane, Rue Vogler, Comme une romance, Un bonheur fragile , Georges Delerue : la musique au service de l’image, Michel Magne : un destin foudroyé) et a longtemps travaillé dans l’univers de la presse spécialisée (Les Fiches belges du Cinéma, Soundtrack magazine, Cinéscope, Bruxelles-Plus, Saisons, Mensuel Grand Angle), tout en se consacrant à l’enseignement et au monde des arts. Il vient d’achever un ouvrage sur le studio britannique Hammer, qui sera publié aux éditions Grand Angle dans les prochaines semaines. Avec « Je ne suis pas une Lolita », il signe un roman qui s’adresse aux adolescents et aux jeunes adultes.

 

Dépôt légal : D/2015/446/2

1er trimestre 2015

 

 

 

Chez le même éditeur :

-          Le goût du malheur : Henri Vernes

-          Thanatos : Jean Lhassa

-          Fantasmagorie crétoise : Mikis Theodorakis

-          Furya : Mythic

-          Oglala : Gus Rongy

-          Les jours renoués : Robert Vandamme

-          Cosmopolyton : Jean Lhassa

-          Douze ans, onze mois : Jean Lhassa

-          Zones d’ombres : Patrick Verlinden

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Les éditions du Centre d’Art d’Ixelles

Présentent

 

FANTASMAGORIE CRÉTOISE

Mikis Theodorakis

 

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Le monde entier a découvert en 1964 la musique du film ZORBA LE GREC, ainsi que le nom de son compositeur. En quelques notes fougueuses, Mikis Theodorakis a enchanté le monde entier et s’est imposé parmi les compositeurs grecs les plus prisés. Auteur d’un nombre impressionnant de partitions pour l’écran, de symphonies, d’opéras et de chansons diverses qu’il a confiées à des interprètes de talent ou qu’il a lui-même défendues sur scène, il reste pour beaucoup l’âme de la Grèce. L’artiste se double également d’un écrivain qui étonne par la richesse de son style et par la pertinence de ses propos. Plusieurs de ses ouvrages n’ont jusqu’ici pas été traduits en français, hormis quelques volumes pour le compte des éditions Belfond. Il a fallu la patience d’Anne Lhassa pour permettre au Centre d’Art d’Ixelles de disposer d’une traduction de FANTASMAGORIE CRÉTOISE  en vue de la diffuser dans la langue de Molière. Autant qu’autobiographiques, ces pages racontent l’histoire d’une famille et d’une région noyée de soleil au passé millénaire. A la fin de l’ouvrage, le lecteur connaîtra et aimera Mikis Theodorakis. Par les temps incertains qui courent, il est bon de relire des textes comme celui-ci, passionnant, convaincant et troublant, où l’horreur alterne avec un immense amour de la vie.

Dépôt légal – D/1994/4467/14 – 2e trimestre 1994

 

 

Chez le même éditeur :

        

-          Gus Rongy : Oglala

-          Je ne suis pas une Lolita : Daniel Bastié

-          Duiveldag : Jean Lhassa et Mythic

-          Les jours renoués : Robert Vandamme

-          Le journal de Morgane : Daniel Bastié

-          Furya : Mythic

-          Douze ans, onze mois : Jean Lhassa

 

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Henri Vernes : LE GOÛT DU MALHEUR

Les éditions du Centre d’Art d’Ixelles

Présentent

 

LE GOÛT DU MALHEUR

Henri Vernes

 

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Ecrit successivement à Paris et à Bruxelles en 1947, LE GOÛT DU MALHEUR aurait dû être publié par les éditions du Triolet. Malheureusement, celles-ci firent faillite et le manuscrit demeura dans un tiroir. Près de cinquante ans plus tard, Henri Vernes se souvient de cet écrit et le confie aux éditions du Centre d’Art d’Ixelles. Il s’agit d’une des rares pièces de son œuvre à ne pas avoir connu la gloire de la publication. Rédigé d’une plume alerte, ce roman inédit expose les contradictions de Lenore, jeune Eurasienne, qui persiste à vivre entre les fantômes de son passé et les spectres de son avenir. En cent cinquante pages, le père de Bob Morane nous invite à analyser un microcosme où sexe et désir se côtoient pour mieux broyer l’héroïne. Quelques années plus tard, l’auteur allait connaître la gloire avec LA VALLEE INFERNALE, premier d’une longue série pour le compte de Marabout Junior et la naissance d’un vrai héros qui allait vivre près de deux cents aventures à travers le monde, flanqué de son redoutable ami Bill Balantine. Son combat contre l’Ombre Jaune allait égalait inspirer les créateurs de bandes dessinées et la télévision.

Dépôt légal – D/1994/4467/14 – 2e trimestre 1994

 

Chez le même éditeur :

-          Hushan : Jean Lhassa et Mythic

-         Oglala : Gus Rongy

-          Je ne suis pas une Lolita : Daniel Bastié

-          Les jours renoués : Robert Vandamme

-          Fantasmagorie crétoise : Mikis Theodorakis

-          Zones d’ombres : Patrick Verlinden

-          Cosmopolyton : Jean Lhassa

-          Furya : Mythic

-          Le journal de Morgane : Daniel Bastié

 

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L'aube du grand soir

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Sur la rive alanguie un homme était assis,

 écoutant dans la mer l'histoire de sa vie.

A l'aube du grand soir il contemplait son oeuvre,

incertain que ce fut la sienne tout à fait.

Sans espoir de retour, il revoyait les heures

qui paisibles ou cruelles avaient scandé son temps.

Heures bleues, heures vertes, plus souvent pure perte

heures noires, besogneuses à la Machine offertes.

 

Heures volées sans conscience, à la tâche employé

brave soldat cravaté, à sa mission vissé

alors que toute sève en lui se retirait,

éloignant de sa peau le goût du merveilleux.

 

L'eau mouvante racontait dans son immensité

l'éphémère passage et son absurdité

le mystère de la vie, ressac de l'immanence, 

parfum d'éternité, reflux de transcendance.

                                                                           

 

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LE LIT DE REPOS...

Ce n'est certes, qu'un canapé

Qui m'a suivie au fil du temps

Et qui n'est même pas éculé

Car fut bichonné tant et tant!

J'y ai dormi dans mon enfance

Aujourd'hui, il trône au salon

S'il fut témoin de bien d'errances

Il me donne pourtant raison!

Il se fond dans les temps modernes

Et y impose sa tendance...

Oui, la maison serait fort terne

Sans le piment de son élégance!

Et puis, voilà que tu t'y perds!

Alors mon regard s' attendrit

Et c'est la tête tout à l'envers

Que dans tes bras je m'y blotti

J.G.

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PAIX DU SOIR

12273076701?profile=originalQuand le couchant se fait douceur

Il médite et rend hommage aux dieux des champs généreux

Instants de paix en harmonie

au loin résonnent les sonnailles

Le berger change de pâturage

AA

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J'ai fait la nuit autour de moi

 

Je ferme les yeux et sommeille.

Je sais parfaitement pourquoi

Je fais la nuit autour de moi,

En ce matin qui ensoleille.

Je sais parfaitement pourquoi

N'ai nulle envie qu'on me réveille.

En ce matin qui ensoleille,

Je ne veux éprouver de joie.

N'ai nulle envie qu'on me réveille.

Ne plus prétendre à haute voix.

Je ne veux éprouver de joie,

L'horreur au monde est sans pareille.

Ne plus prétendre à haute voix.

Garder ma ferveur en bouteille.

L'horreur au monde est sans pareille.

Je l'occulterai maintes fois.

5 février 2015

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Un océan déchaîné

Une aquarelle d'Adyne Gohy

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inspirée par un poème

de

Raymond Martin

Océan

 

 

Les bajoues boursouflées du gardien de la dune

Refusent en l’instant les surplus de pitance

Offusquant leur hôte, cheminant sous la lune,

Droit vers l’horizon chahuté des roseaux d’espérance.

 

  

La mer frémissante ridée par l’assaut du zéphyr,

Susurre à l’envie la mélopée câline des naïades,

Dénudées au couchant, emportées par le tragique soupir

De la rivière déchirée par son ultime escapade.

 

 

Le sang d’Hélios s’enfonce lentement dans les entrailles d’Atlantide,

Au désespoir de Poséidon alangui au sein d’une mortelle.

Apothéose charnelle d’un dieu prolifique et placide,

Précédant la colère de Zeus annonçant le collapsus des  Hespérides.

 

 

L’âme de la terre aux parfums d’allégresse

Cajole la nuit scintillante, tourmentée par de terribles doutes,

Face au miroir sans défaut dépourvu de promesse.

Espérance sacrée d’une fusion charnelle sous la céleste voûte.

 

 Raymond Martin 2010

Un partenariat d'

Arts 12272797098?profile=originalLettres

 

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Petite misère

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Vide sidéral

vestiges de notre civilisation décadente,

temples au dieu consommation

palais de l'inutile.

 

  Agglomérat de constructions tape-à-l'oeil,

clinquantes, absurdes.

 
Laideur déguisée par le détournement de quelque pied de vigne

olivier en souffrance dans son pot,

comme des pieds de chinoise.


Imitation débile de la nature

conçue par un architecte

rendu imbécile par le système qui l'a engendré.


Temps de soldes, temps de laideur,

"petite misère" dit la chanson

diffusée par le haut-parleur.


La traque rend l'oeil torve et le regard fixe,

Vide les portefeuilles et les vies,

remplies de riens,

de riens soldés.

Mais

        Heureusement :

Bobin !

 

 " Dans la cuisine, des roses minuscules, adorables. Deux sont en grande conversation, appuyées l'une sur l'autre. Quand je quitte l'appartement, je les regarde et j'ai le sentiment de partir en laissant la lumière..."

" Belle lumière aujourd'hui, le ciel fait des efforts. "

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administrateur théâtres

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Les Joyeuses Commères de Windsor

De  Otto Nicolaï

Direction musicale: Christian Zacharias - Mise en scène : David Hermann

Avec : Franz Hawlata (Sir John Falstaff), Anneke Luyten (Frau Fluth), Werner Van Mechelen (Herr Fluth), Sabina Willeit (Frau Reich), Laurent Kubla (Herr Reich), Davide Giusti (Fenton), Sophie Junker (Anna Reich), Stefan Cifolelli (Stefan Cifolelli), Patrick Delcour (Dr.Caius), Sébastien Dutrieux (le thérapeute).

L’opéra de Liège accueille en ce début d’année 2015 une oeuvre dont l’ouverture figure souvent au programme des concerts du Nouvel An mais peu présente sur la scène lyrique internationale, malgré sa renommée. Ancré dans la tradition du singspiel, cet opéra aux airs volontairement italiens confirme le pouvoir de séduction de rôles féminins jouant les virtuoses de la malice.

Cet opéra d’Otto Nicolaï ne fut joué que 4 fois du vivant du compositeur,  au Königliches Opernhaus  de Berlin après sa première représentation le 9 mars 1849. Le livret d'Hermann von Mosenthal se base sur la comédie de William Shakespeare The Merry Wives of Windsor écrit en 1602. Dira-t-on que  dès 1893 le très célèbre Falstaff de Verdi lui volera la vedette ?

 

Falstaff, un affreux bon vivant bedonnant a le malheur de déclarer sa flamme intéressée en même temps à deux commères, mariées et complices… Tensions dans les couples : Monsieur Fluth est d’une jalousie maladive. Monsieur et madame Reich se disputent sur les prétendants qu’ils veulent imposer à leur fille Anna, qui aime un adorable Fenton.   Mais dans  son interprétation  résolument moderne, le metteur en scène David Hermann, présente Falstaff, le futur dindon de la farce, comme un objet de désir et de convoitises. Rendez-vous est pris avec la psychanalyse. En effet, Le metteur en scène a supprimé tous les dialogues, tirés de Shakespeare, et a ajouté à la production un psychanalyste en chair et en os,  flanqué de son divan, de sa pharmacie et de ses assistantes. Deus ex machina, ou narrateur résumant régulièrement l’action, il confesse régulièrement en son cabinet chaque personnage ou se lance dans la thérapie de couples. S’ajoute  donc à la drôlerie naturelle de l’opéra-comique concoctée par le compositeur allemand, un rôle moderne parlé en français, tenu avec le plus grand sérieux par Sébastien Dutrieux. Les décors acidulés ne sont pas sans rappeler les stéréotypes d'une banlieue chic des séries télévisées américaines des années 70. Vous serez régalés de la diversité et de l’inventivité des costumes et des accessoires: une collaboration raffinée entre les décors de Rifail Ajdarpasic et les costumes d’Ariane Isabell Unfried.   Falstaff est vu ici comme l’objet de tous les désirs et de toutes les convoitises, un fantasme qui prend réellement corps au troisième acte lors d’une mise en abime romantique où l’on retrouve Puck /Obéron  avec des citations de la musique de Weber, dans une atmosphère de fantasmagorie Shakespearienne  totalement onirique.

Sur toute l’œuvre, souffle un esprit parodique bienvenu. La musique dirigée avec vivacité et humour par  le grand Christian Zaccharias,  reflète aussi l’ambiance joyeuse de l’Allemagne du sud. Les femmes se donnent rendez-vous dans un Weinstube solidement kitsch dont le  fronton en triangle lumineux singe, à en croire  celui de l’opéra de Liège. Beaucoup de jeux de mots farceurs fusent entre l’allemand et le français, une action débordante anime la scène, sans aucun temps mort, les colères explosent, les griefs domestiques déferlent. Les voix sont au diapason de l’action. Anneke Luyten  investie corps et âme, projette avec force une bourgeoise brûlante, impatiente et déterminée. Le baryton Werner Van Mechelen véritable maître de comédie, séduit par sa présence scénique et sa diction exemplaire.  Laurent Kubla joue de son timbre élégant et souple qui souligne une belle expressivité.

Le jeune amoureux d’Anna (une délicieuse Sophie Junker) à la voix suave plus que caressante et juvénile (Davide Giusti) est un basquetteur à cheveux longs, au phrasé de Roméo complètement craquant!   Des applaudissements nourris et des ovations  accueillent chaque artiste lors du salut final dont on peut  souligner la distribution très homogène, totalement impliquée dans l’action, les deux prétendants Patrick Delcour et Stefan Cifolelli, assumant leur rôle avec beaucoup d’humour et de présence, sans parler de Flastaff-Franz Hawlata, qui s’éclate dans l’ambiguïté de son rôle.

Nouvelle production: Opéra Royal de Wallonie-Liège,
en coproduction avec Opéra de Lausanne

http://www.operaliege.be/fr/activites/operas/les-joyeuses-commeres-de-Windsor

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Jardin secret,

                                                                          

Poésie,

jardin coulé

dans une nuit encrée,

de l'inessentiel se détacher,  frissonner,

pour respirer en grand,

s'émouvoir puis voir ;

devenir sage et fébrile tout à la fois,

de l'instant être gourmet !

Poésie,

roseraie blanche

dans une nuit obscure,

apprendre l'alphabet neuf,

fredonné par l'arborescence sombre,

par l'ombre ensoleillée ;

ainsi découvrir le chant.

Savez-vous que la nature est savante ?

Oui ce jardin,

j'y descends toute seule,

écoutante, débutante,

parfois d'ailleurs j'y convie

les êtres qui me sont chers,

précieux infiniment,

A l'instar de vous.

NINA

 

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Bruissement du rien

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                                                                                     Photo Edouard Boubat

Bruissement du rien et sentiment océanique

 

On peut passer toute sa vie à faire semblant de s’intéresser au grand bruit du monde pour avoir la paix. Et puis un jour, en tendant l’oreille,  derrière un petit son imperceptible, on découvre une mélodie cachée, secrète, qui va vous entraîner loin, loin….

Il faut avoir l’ouïe fine.

Cette musique, c’est le tintement des âmes qui s’embrassent, heureuses de s’être reconnues, harmonisées enfin dans la noosphère, la grande symphonie du monde.

 Le bruit du rien ne nous empêche pas de nous réveiller…

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Le monde marche sur la tête

J'ai envie d'écrire un billet d'humeur à l'heure où les guerres se perpétuent pour du pétrole, des territoires à occuper, pour plus de pouvoir sur les peuples opprimés, oui j'ai envie de hurler dans ce silence froid de l'hiver "ça suffit ! "

Nous qui aimons écrire de la poésie, raconter des histoires, chanter, danser, peindre, etc quel est notre impact sur le monde ? Avons nous le moindre champs d'action dans le réel ? Pouvons nous, sinon changer le monde, l'influencer ?

Je me pose ces questions car le monde va très mal et je pense aux générations futures. Qu'allons nous leur laisser ? Nos poèmes, nos histoires, nos chansons, nos danses, nos peintures aurons t-ils pesé dans la balance du futur ?

Pasqui R

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Subtil

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                                                       Photo David Galstyan

Subtil :

Sub tela, sous la toile. 

Il faut soulever le voile pour le trouver. 

Subtil n'est pas montré, pas exposé, ne vit pas dans l'effet. Il préfère mériter qu'on vienne le chercher. Il aime se cacher, ne vante pas ses attraits, ne communique pas à grand bruit.

Il faut le découvrir dans les petites choses au détour d'un chemin.

Subtil requiert recherche, il n'est pas apparence.  Il loge dans le détail, au fond d'une pensée, ou niche dans un silence. Il sait l'humilité où réside la noblesse et d'ailleurs, il s'en fiche.

Souvent heureux tout seul, la distance le protège d'un monde consensuel.

Parfois paradoxal, oxymore est son double.

Il a ouvert sa porte à la dualité, accueilli son bâtard, part d'ombre.

Subtil est fugace, ombrageux, il peut sembler futile et pourrait vous choquer. 

C'est seulement qu'il se tient loin des facilités du jugement premier.

Il ne sera jamais là où vous voulez l'attendre. Il ne se vend pas, il ne s'achète pas mais veut parfois s'offrir à qui le sait recevoir.

Il cultive l'attente quand il lui faut du temps.

 

                                                                                                                          

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"Le livre se l'éternité" est une oeuvre de Mohammad Iqbal (1873-1938), écrivain persan, poète national du Pakistan et considéré comme chef spirituel par plusieurs dizaines de millions d'hommes, à la fois juriste, philosophe et essayste.

Ayant étudié en Occident -il obtint son doctorat de philosophie à Munich en 1908-, Iqbal écrivit d'abord en anglais, mais c'est en ourdou et surtout en persan qu'il composa ses oeuvres poétiques, tel le "Livre de l'éternité", publié en 1932 et dédié à son fils Djâvîd dont le nom signifie en persan éternel.

C'est le récit d'une pérégrination céleste entreprise par le poète sous la conduite de son maître spirituel Djalâl-ad-Din Roûmi, le grand poète mystique persan, fondateur de l' ordre des derviches tourneurs. Le "Livre de l'éternité" s'apparente donc, d'une part, avec l'ascension nocturne (Mi'râsj) de Mahomet qui servit de modèle à maint poète musulman et, d'autre part, à la "Divine comédie"; cependant ce n'est pas d'un récit visionnaire qu'il s'agit d'ici, mais d'une exposition de thèmes représentés par les personnages -poètes mystiques, hommes d'Etat- rencontrés dans l'au-delà par le narrateur.

Le "Livre" débute par une longue "Prière" où le poète s'adresse à Dieu de la terre: comment l'homme perdu au sein du cosmos, prisonnier de l' espace et du temps pourrait-il s'élever jusqu'à Lui, objet de son désir et de sa nostalgie?

Dans son "Prologue dans le ciel", où l'on reconnaît au passage l'influence de Goethe, le ciel du premier jour de la création blâme la terre et lui commande de s'apprêter à recevoir celui que Dieu lui enverra pour l'y représenter: l'homme.

Dans "Prologue sur la terre", l'esprit de Djalâl apparaît à Iqbal, qui prendra désormais le nom de Zinda-Rûd (Fleuve vivant), et lui explique le mystère du Mi'râdj. Auprès de Zinda-Rûd, Djalâl jouera le rôle qui est celui de Virgile dans la "Divine comédie".
Ils parviennent d'abord au ciel de la lune où ils rencontrent le mystique indien Vishvamitra qui y vit en ermite dans une caverne, puis quatre esprits qui exposent les enseignements, plutôt complémentaires qu'opposés, du Bouddha, de Zoroastre, du Christ et de Mahomet. Au ciel de Mercure se tiennent Djâmâl-ad-Din Afghânî, réformateur musulman du XIXe siècle et Saïd Halîm Pacha, ministre du dernier sultan turc. L'entretien porte sur les aspects actuels du monde politique musulman les abus du nationalisme, les erreurs des modernistes qui, au lieu d'utiliser les idées et les techniques occidentales en vue de la rénovation matérielle et spirituelle de l' Islam, font de l' Orient une caricature de l'Occident. Afghâni transmet à Zinda-Rûd un message destiné au peuple russe, où il l'invite à ne pas se détourner de sa vocation spirituelle au profit d'un matérialisme sans issue. Ce sont les dieux de l' antiquité qui peuplent le ciel de Vénus. Le poète les entend se réjouir du regain de vie que leur procure l'aveuglement des hommes qui ont abandonné le vrai Dieu pour adorer de nouvelles idoles. Mars est le séjour d'hommes supérieurs qui jouissent d'une civilisation indemne des maux du capitalisme. Iqbal stigmatise ici les erreurs des habitants de la terre et surtout celle dont dépendent toutes les autres, l' athéisme. Sur la planète Jupiter, les voyageurs rencontrent le poète indien Ghalib, la poétesse persane Tâhira et le grand mystique martyr de Bagdad Al-Hallâdj. L'apparition et le discours de Satan "seigneur des exilés" est un des passages les plus remarquables du "Livre"; Iqbal est ici très proche de l'idée de Satan telle qu'elle est exposée dans le "Paradis perdu" de Milton. Dans le ciel de Saturne, se lamentent deux Indiens traîtres à leur patrie, Mir Djafar du Bengale et Sadiq du Dekkan, puis l'âme de l' Inde enchaînée qui pleure sur son misérable destin.

Au-delà des cieux, "aux confins du monde contingent", demeure Nietzsche, le philosophe "ivre de Dieu" et qu' "on prit pour un fou", le seul Européen qui connut la "Voie mystique" et que l' Europe n'a pas compris. Plus haut encore, le pèlerin aperçoit les palais des rois, des poètes, des mystiques, et il parvient enfin au Paradis, mais ses enchantements ne peuvent retenir celui qui est épris de Dieu seul. Et c'est sur l'apparition de l'Ami, Epiphanie de la Beauté éternelle devant laquelle le poète tombe, "ivre de vision", que se clôt le périple. De retour sur terre, Iqbal s'adresse à travers son fils à la nouvelle génération: la prière musulmane, le Coran, contiennent tous les enseignements dont l'homme a besoin ici-bas; ils apprennent la souveraine splendeur de l' Unique, le développement du moi, le respect de l'homme pour l'homme, la solidarité humaine, mais ils ont cessé d'être compris, ils sont devenus dans la bouche des tièdes de vaines formules. C'est vers eux qu'il faut se tourner, car ils n'appartiennent pas au passé mais à l'avenir.
Croyant sincère et ardent, Iqbal condamne avec virulence le conformisme islamique; c'est vers une religion nouvelle qui sera à la fois un retour aux sources et une modernisation grâce à l'intégration des éléments assimilables des autres religions -dans la mesure où ceux-ci sont fidèlement monothéistes- et même des concepts scientifiques modernes, que se tournent tous les espoirs. C'est au-delà des nationalismes, ayant surmonté les contradictions qui naissent de l' occidentalisation et retrouvé, agrandie et rénovée, sa personnalité propre, que l' Orient islamique trouvera son salut, qu'il pourra reprendre la route glorieuse de l'intimité avec Dieu qu'ont tracée les grands précurseurs, les soufis persans.

Le "Livre de l'éternité" n'est donc pas seulement une oeuvre littéraire qui marque la renaissance de la grande poésie en langue persane au XXème siècle, c'est l'oeuvre d'un penseur à la fois révolutionnaire et traditionaliste, qui tente de rassembler et de préserver les valeurs vivantes de l' Islam, afin de les projeter dans l'avenir.

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Atropos

 

Acte II

Scène I
La marquise et briancourt

Briancourt

- Qu’ai-je à penser ,madame, Lachaussée sort d’ici

et vous l’avez reçu en cette tenue-ci?

La marquise»

- Ne faites pas l’enfant, Briancourt, je vous prie!

Mais seriez-vous jaloux? C’est cela je parie!

Briancourt

- Vous avez bu, madame, avec ce serviteur!

La marquise

Abandonnez pour moi le ton de précepteur!

Cette journée vraiment me parait peu banale,

Chacun veut à son tour me faire la morale,

Ma suivante, ma soeur Thérèse et même vous.

Il ne manque, voyez, vraiment que mon époux.

Briancourt

- Je me sens maladroit Vous aviez de la peine

C’est pour y échapper, n’est-ce pas, Madeleine,

Que vous avez encore absorbé ces liqueurs

Qui vous troublent l’esprit et vous font mal au coeur.

La marquise

Ce jour, désespérée de mourir j’eus l’envie.

Sainte-croix peut, s’il veut, disposer de ma vie

Et ce qui est plus grave perdre aussi ma maison.

Briancourt

- Madame , la boisson fausse votre raison.

La marquise

-Plaignez-moi Briancourt, je suis très malheureuse.

Ma dévote cadette veut me rendre peureuse

Et me fait craindre aussi pour mon salut au ciel.

Ses paroles tantôt étaient pleines de fiel.

                           J ’ai tellement pêché! Je m’accuse, mon père.

                                                                                     

Briancourt

- Retrouvez vos esprits, détendez-vous ma chère !

J’ignore ce qu’a pu vous dire votre soeur

Moi, je suis votre amant, non votre confesseur.

La marquise

- Peu importe! Aujourd’hui je veux tout vous apprendre

Peut-être pourrez-vous m’aider à me comprendre.

Ne m’interrompez point que je n’aie achevé.

J’espère qu’un poids lourd me sera enlevé.

Ecrivez, Briancourt, mon père, je m’accuse.

Je ne trouve en ce jour que de faibles excuses

Au mal qu’à mes proches j’ai voulu infliger.

D’un incessant remords je me trouve affligée.

Écrivez Briancourt! d’humeur vive et fière,

Pour n’être point vendue, je fus incendiaire.

J’ai brûlé de mes mains note propre maison

Et j’ai toujours pensé que j’avais eu raison.

J’ai pêché par envie et manque de tendresse

Pour ceux qui m’entouraient de soins en ma jeunesse.

J’aimais la vie, l’amour et les jeux défendus.

Mon amant qui fut pris dans un piège tendu.

Sortit de la Bastille en ayant une poudre

Aux effets aussi forts que le feu de la foudre.

Mon père y succomba, mes deux frères aussi.

Je n’en eus pour longtemps vraiment aucun souci.

J’en avais recueilli une énorme richesse

Que j’ai dilapidée dans le jeu et l’ivresse.

- Briancourt

- Qu’inventez-vous, madame?

- Ne m’interrompez pas!

L’orgueil qui m’habitait est certes toujours là.

Je voudrais pour mon fils un rang des plus illustres.

J’ai voulu supprimer sa soeur manquant de lustre

Mais l’instinct maternel reprenant le dessus,

Je l’ai sauvée à temps, elle ne l’a pas su.

 
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Atropos

Acte I

Scène 4

La suivante, Briancourt, Bazyle et Mme de Brinvilliers

 

La suivante

- Ah! Monsieur, quel malheur!

Briancourt

- Que vous arrive-t-il?

La suivante

- Madame est au plus mal, mourante semble-t-il.

Bazyle

- Monsieur de Brinvilliers a sur lui un remède.

Briancourt

Je l’ai également.

Bazyle

Que dieu vous vienne en aide!

Madame a bu du lait. Elle a moins de souffrances.

Briancourt.

Laissez-nous maintenant !Tout ira bien je pense.



(La marquise ingurgite un remède que Briancourt lui met en bouche .

Elle a les yeux fermés. Il lui baise le front et lui prend la main)

Un long silence puis dans un murmure


La marquise

- Vous me sauvez la vie. Je pensais trépasser.

Briancourt
- Qui aurait pu prévoir que l’on vous haïssait

La marquise

Personne ne me hait. Personne, Briancourt!

Briancout

Mais le diable est partout, il est même à la Cour.

La marquise

Je ne veux que personne, en cet état, me voit.

Tenez la porte close et restez près de moi!

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